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3.1. Patrimoine et tourisme
from TFE Le centre-ville colonial de Casablanca : Enjeux, appropriation et prospective
by Salma Chikri
Dans cette partie, il s’agira de survoler les grands projets qui s’appliquent au site et qui concernent l’urbanisme et la gestion du patrimoine pour pouvoir critiquer l’approche appliquée en la comparant avec l’hypothèse formulée.
3.1. Patrimoine et tourisme
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Cas a p a tr im oi ne
Après la signature de la convention relative à la sauvegarde et à la valorisation du patrimoine de Casablanca en présence de SM Mohammed VI, la société de développement local Casablanca Patrimoine a mis en place un programme dont l’objectif est de réhabiliter le centre-ville en se basant sur quatre projets :
o La création d’un circuit touristique : il a pour objectif de mettre en valeur les différents bâtiments et repères patrimoniaux recensés dans le cadre d’un schéma directeur qui n’a toujours pas été publié. « Le choix du circuit s’est effectué en concertation avec un comité ad hoc composé d’experts nationaux et internationaux. Ce projet s’intègre, par ailleurs, dans le cadre de la coopération internationale entre Casablanca et Bordeaux » (2m 2020) o La restauration de 28 Bâtiments : Malheureusement, la liste des bâtiments concernés est introuvable. o Le ravalement des façades des bâtiments du centre-ville : hormis les 28 bâtiments concernés par la restauration, les façades du centre-ville de Casablanca seront remises à neuf en commençant par celles qui donnent sur le circuit touristique prévu. o La mise à niveau de quatre passages historiques du centre-ville : les passages concernés sont Botbol, Glaoui, Sumica et Tazi qui se trouve dans notre terrain d’étude (immeuble 17). En plus, les galeries commerciales seront aussi mises en lumière grâce à un nouvel éclairage.
Ce programme réunit plusieurs acteurs du patrimoine dans le cadre d’une approche transversal. « Selon Casa Patrimoine, ce projet réunit plusieurs partenaires, à savoir le ministère de l’Intérieur, le ministère de l’habitat, la Commune de Casablanca et la wilaya de la Région Casablanca-Settat. Sa mise en œuvre repose aussi sur la collaboration des membres de la société civile et des partenaires locaux dont les associations de commerçants, l’Arrondissement de Sidi Belyout, l’Ordre des architectes ainsi que l’association Casamémoire, l’association Carrière Centrale et d’autres partenaires institutionnels » (2m 2020)
Concernant le troisième projet, la ville de Casablanca a commencé une compagne de sensibilisation visant à convaincre les propriétaires de repeindre leurs façades. Des PV sont alors distribués en commençant par les grandes artères ; « En cas de non-respect, le propriétaire concerné recevra une 2ᵉ lettre recommandée lui rappelant l’obligation de repeindre son bien. Après une quinzaine de jours, les dossiers des contrevenants seront transférés aux services communaux afin d’effectuer les travaux aux frais du propriétaire » (Bladi 2022). Cette démarche paraît complète puisque le ravalement de la façade sera réalisé même dans le cas de l’absence de la réponse du propriétaire, une situation probable vu le flou administratif qui domine le quartier.
Cependant, il est difficile de trancher sur l’état d’avancement du programme même après la visite du site, mais il est pour le peu, inachevé. (2m 2020, Médias24 2020, Bladi 2022)
La r é h ab i lit ati on de la p lace de s n ati o ns unie s
« La fameuse coupole de la place des Nations unies est un espace, pour ne pas dire un monument, car elle est ancrée dans la mémoire des Casablancais et de tous les Marocains même, comme décor emblématique de Casablanca. Cet espace a connu un ensemble de modifications pour en faire, d’abord, un lieu de passage et de traversée en toute sécurité pour les piétons, et aussi un espace d’animation en plein cœur de la métropole », Le président du Conseil de la région de Casablanca-Settat, Abdellatif Maâzouz. (Hamdane 2021)
Figure 193 : Place des nations-unies années 70, www.darnna.com, consulté le 23/11/2021
Figure 194 : Place des nations unies avant les travaux, point de vue de la Médina. www.2m.ma, consulté le 04/05/2022
La place des nations unies a dernièrement changé d’apparence, ce changement réside au niveau de la coupole de Zévaco qui se situe à l’ouest de la place. Elle a initialement été réalisée par l’architecte Jean-François Zevaco en 1975 comme l’ouverture zénithal d’un passage souterrain permettant aux piétons de traverser l’avenue des FAR dans un espace sécurisé et animé par la présence de plusieurs commerces. La coupole a été composée d’une structure en
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acier couverte d’une résine colorée qui sera retirée plus tard. Après quelques années d’activité, la coupole de Zevaco est vite devenue un repère urbain qui figure sur les cartes postales de Casablanca et attire des visiteurs de tout le pays. Cependant, son âge d’or n’a pas duré longtemps, elle a vite été délaissée et transformée en abris pour les délinquants et les chiens errants, seule l’odeur qui émanait du passage était capable de dissuader les curieux.
Depuis, plusieurs tentatives de restauration ont eu lieu sans pouvoir relancer l’équipement dont la dernière réhabilitation de 2005. Plus de dix ans plus tard, un nouveau programme de réhabilitation en partenariat avec la société privée Al Ajial Holding est annoncé avec un budget atteignant 14 millions de dirhams et un coût total de 35 millions. Ce dernier comprend :
o La restauration de la coupole après l’étude des relevés et de son état sanitaire, et la réinsertion de celle-ci dans les repères de la ville en la mettant en valeur avec un plan d’eau agissant comme miroir. o L’élargissement et la réhabilitation du passage souterrain qui abritera de l’Horeca et des activités commerciales et culturelles. o L’insertion de l’œuvre dans la trame verte de Casablanca en intégrant la composante végétale dans le projet.
Ce projet est conçu pour donner une nouvelle vie à la place des nations unies en la redynamisant et la réinsérant dans la série des repères urbains de Casablanca. Ainsi, le passage de Zevaco pourra s’intégrer au contexte actuel où la dimension culturelle est mise en avant et deviendra une destination au lieu d’un simple passage. (Matin 2017, Hamdane 2021)
Figure 195 : Maquette 3D du projet, point de vue du bâtiment BMCI (Fathi 2017)
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En même temps, plusieurs voix se sont levées contre la réalisation du projet sous prétexte qu’il s’écartait trop de la vocation initiale de l’œuvre et que le contexte actuel ne représente pas un réel besoin d’un passage souterrain puisque l’avenue des FAR est devenue moins imposante avec l’arrivée du tramway. Néanmoins, comme constaté dans l’état des lieux, l’avenue est pour le moindre aussi fréquentée et le passage souterrain semble être une réponse à un vrai problème de circulation.
Peu après l’ouverture, le nouvel aménagement de la place semble être un succès auprès de la population casablancaise, le jardin est toujours occupé même si les activités prévues pour le passage n’ont pas encore vu le jour. Aussi, le plan d’eau et l’habillage multicolore qui faisaient partie de la maquette de la coupole ne sont pas présents dans son décor final, un changement qui plait aux opposants de la proposition initiale.
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Figure 196 : Vue sous la coupole
Figure 198 : Point de vue de la porte du passage sur la place
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Figure 197 : Vue sur l'aménagement de la place
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Certes, le projet représente la réponse appropriée à un besoin nouveau et complexe, mais le succès du projet risque d’être freiné par le caractère austère qui domine la place. En effet, les nuisances sonores, les mendiants fixes et l’insécurité ne sont que des exemples de ces possibles obstacles.
Figure 199 : Structure de la coupole
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L’a ge n ce ur b ai ne de C as ab l a nca
Dans le cadre d’une prise de conscience générale au sujet du patrimoine de Casablanca grâce au lancement du projet de la réhabilitation de l’ancienne Médina inauguré par SM Mohammed VI, l’agence urbaine de Casablanca a entamé une étude afin de réaliser un plan de sauvegarde et de valorisation du patrimoine architectural de Casablanca. Il s’agit alors d’identifier et de répertorier les biens à caractère patrimonial à l’échelle du quartier, de l’espace public et du bâtiment. Ce choix sera basé sur les critères suivants :
o Le caractère unique : le bien représente des caractéristiques exceptionnelles qu’on ne peut trouver ailleurs même en le comparant aux œuvres de son style ou de sa période. o Le caractère typique : le bien représente les œuvres de son style ou de sa période de manière emblématique. o L’intégration urbaine : le bien a une valeur urbanistique importante. o Le caractère immatériel : la valeur du bien dépasse le bâti, elle réside dans le rôle qu’il joue dans la mémoire de la société. o La valeur architecturale : elle réside dans l’insertion du bâtiment dans un style architectural emblématique de l’histoire comme l’art-déco et le néo-moresque.
L’étude est finie, mais la liste exhaustive des biens recensés n’est malheureusement pas encore rendue publique, l’obtention de la liste n’a alors pas été possible même après une prise de contact avec l’agence urbaine. (AUC s.d.)
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Figure 200 : Inventaire du patrimoine recensé (AUC s.d.)
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: Te rr a in d ’é tu d e
Figure 201 : Plan du patrimoine architectural du centre de Casablanca, (AUC s.d.)
L’as s ocia ti on Cas am é m oir e
L’un des plus grands projets de l’association Casamémoire est le classement de Casablanca comme patrimoine mondial de l’Unesco afin de l’ouvrir à la scène internationale et d’attirer plus de touristes ; un processus toujours en cours depuis 2014. Seulement, la demande a été refusée en 2016 pour cause d’insuffisance de mesures de sauvegarde du patrimoine proposées, mais l’association ne perd pas espoir et continue à mettre en place des propositions afin de corriger les lacunes de la première tentative. Ces dernières sont présentées en trois volets :
o Technique : dans ce volet, Casamémoire propose : de surveiller les autorisations de démolir et de construction dans les sites patrimoniaux en attendant une loi qui les protège, de remettre en question le classement isolé des monuments qui représente une pénalisation pour les investisseurs et les pousse à laisser leur propriété à l’abandon, de considérer la mise en place d’une législation plus souple, d’assister les propriétaires pendant la réhabilitation des bâtiments, de réaliser un inventaire et de mettre les archives à la disposition des chercheurs et des étudiants. o Mise en valeur : afin d’augmenter l’attractivité des sites patrimoniaux, l’association propose de limiter la place de la voiture en favorisant les transports en commun comme le tramway, d’intégrer la composante verte dans les projets de réhabilitation tout en renforçant leur nettoyage et de retravailler l’éclairage et les signalisations. o Sensibilisation : à travers des compagnes, des conférences, des expositions et des événements comme les journées du patrimoine qui proposent des visites guidées gratuites dans les sites patrimoniaux de Casablanca. o Communication : encourager les instances publiques et privées à investir dans le patrimoine.
Aujourd’hui, Casamémoire travaille en partenariat avec la région de Casablanca afin de préserver le patrimoine de la ville en préparant une nouvelle demande de classement auprès de l’UNESCO. En parallèle, elle continue à sensibiliser le public en publiant plusieurs ouvrages comme le guide des architectures du XXème siècle, une des sources les plus utilisées dans ce travail, qui reprend une liste des bâtiments à caractère patrimonial accompagnés d’une description et est en train d’être réédité ou la revue mensuelle Casamémoire Le mag qui contient des articles qui traitent du sujet et des nouvelles actions de l’association. (Casamémoire s.d., Bousquet 2016)
« Tous les volets esquissés d’un tel plan patrimoine sont indissociables les uns des autres. Pour la réussite de ce projet, il est nécessaire d’assurer une parfaite coordination des interventions, et éventuellement de créer un organisme centralisateur des études et des décisions, relayé au niveau communal, piloté par la Municipalité et la Wilaya, dans lequel on devra trouver comme acteurs principaux : l’Agence Urbaine, le ministère de la Culture, le ministère du Tourisme et la société civile représentée par des associations. » (Casamémoire s.d.)
En effet, certains des projets précédents semblent avoir pris en considération quelques propositions de l’association, mais le besoin d’une approche globale qui inclut les quatre volets est toujours d’actualité.