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CONCLUSION

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Le centre-ville de Casablanca, le petit Paris marocain, le quartier art-déco ... plusieurs sont ses appellations, mais elles se réfèrent toutes au passé glorieux qui hante le quartier. Aujourd’hui, il semble avoir perdu de son charme ; les grandes enseignes ont cédé la place aux vendeurs ambulants et le centre-ville n’a plus la même image qu’il y 30 ans. Certes, il est tout à fait naturel de s’attacher à ce passé et d’espérer sa résurrection, mais est-ce réaliste ?

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Avant de répondre à cette question, il faudra rappeler ce qui fait la force du centre-ville. Tout d’abord, le patrimoine architectural est le point fort le plus évident, c’est un patrimoine riche en valeur symbolique et matériel. D’un côté, il fait preuve d’une prouesse architecturale qui a su s’inspirer du contexte tout en suivant les tendances occidentales, d’un autre côté, sa diversité est un témoignage de l’histoire de l’architecture du XXe siècle.

Aussi, la situation du centre-ville est dans un contexte urbanistique unique, liant entre des composantes opposées ; la médina au nord, les quartiers riche d’Anfa à l’ouest et les quartiers défavorisés et industriels à l’est, un fait qui est encore plus visible à travers le paysage de la place des nations unies où la diversité urbaine se traduit en mixité sociale et où un hôtel cinq étoile coexiste avec les bidonvilles.

Ainsi, l’autre point fort du centre-ville est sa mixité ; c’est un espace que tout le monde peut s’approprier et c’est à ce niveau que réside son charme actuel. En effet, le cadre dans lequel se pratique cette mixité n’est pas idéal, mais elle est à l’origine de la créativité casablancaise, les artistes se nourrissent de cette richesse socio-spatiale qui, à son tour, évolue pour devenir une richesse culturelle.

Le centre-ville d’aujourd’hui est à prendre comme tel ; la nostalgie espère l’impossible puisque le temps ne peut être remonté, un fait qu’il faudra accepter pour pouvoir avancer. Si la vocation initiale du quartier était aussi liée à la consommation et aux apparences, c’est parce qu’il a été conçu sous l’influence de l’idéologie industrielle ; une idéologie qui priorise le matériel à l’humain. Evidemment, l’histoire du site n’est pas aussi unidimensionnelle, l’espace a aussi été conçu en lien avec son contexte, mais la ségrégation spatiale faisait partie de son vécu, c’était « la nouvelle-ville européenne ».

Cette complexité est ce qui fait du terrain d’étude un sujet de débat, personne ne semble détenir la bonne réponse à une situation que tout le monde dénonce. Un blocage qui met le site en pause alors que les bâtiments patrimoniaux se délabrent et que ses habitants continuent à le quitter. Pourtant, nombreux sont les projets conçus pour améliorer son état : les réhabilitations, les projets de loi, les compagnes de sensibilisation … En effet, certains projets sont prometteurs, mais leur effet est altéré par le manque de coordination.

L’approche générale de la gestion de la ville est réactionnelle, elle agit ponctuellement et fini souvent dépassée par la complexité du site. En outre, après des mois de recherches, aucune projection à long termes du centre-ville n’a été trouvée et les projets manquent souvent de vision à grande échelle.

Par exemple, un projet peut avoir pour objectif de sensibiliser les habitants au sujet du patrimoine pour les convaincre de l’entretenir alors que ces derniers ne sentent pas en sécurité et leur situation est incertaine. C’est ainsi que le syndrome de la fenêtre cassée fait son effet ; si la situation est déjà condamnée, il ne sert à rien d’agir individuellement pour l’améliorer. Ainsi, si la population ne coopère pas, aucun projet ne peut vraiment atteindre son objectif.

L’approche devrait alors découler d’une étude sociale qui permet de comprendre l’usager pour ensuite savoir prédire sa réaction. Elle devrait alors commencer par traiter le conflit que celui-ci a avec l’espace. Dans le cas du centre-ville casablancais, ce conflit n’est autre que la précarité.

Ceci dit, il ne faut pas laisser le nihilisme avoir le dessus. La piétonnisation du centre-ville, la réhabilitation de la place et le tramway sont des projets qui renforcent le statut de l’usager ordinaire en lui facilitant l’accès et en lui accordant plus d’importance dans le centre de sa ville.

Sur le plan personnel, ce travail a permis d’avoir un regard plus nuancé sur la situation actuelle, mais aussi plus intrigué. En effet, l’étude qui consistait à : parler aux habitants, observer les usagers et s’arrêter devant chaque bâtiment, a aidé à comprendre le langage du site. Le terrain parlait à travers des marquages et des scénarios qu’il a fallu décortiquer pour pouvoir le cerner et, enfin, l’apprécier autrement.

Pour finir, il est aussi important de rappeler que le raisonnement inductif employé dans ce travail ne permet que de formuler des hypothèses. En effet, l’étude n’est certainement pas exhaustive ; le terrain est infiniment riche en matière d’analyse et il faudra beaucoup plus de temps et de moyens pour épuiser le sujet. L’hypothèse devrait alors être mise à l’épreuve. Mais sous quelle forme ? En effet, si l’approche socio-culturelle est la réponse adéquate au cas du centre-ville de Casablanca, comment peut-elle être appliquée ? et quel type de projet faut-il mettre en place ?

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