compétitifs pour plusieurs raisons. Il faut d’abord savoir que les carrières peuvent être détenues par de grands groupes de matériaux de construction (Lafarge, Vicat, Holcim…) qui régulent alors la concurrence par seul souci de rentabilité en mettant tous leurs efforts pour maintenir haut le coté de la Balance promouvant le tout béton. Mais ils ne sont pas les seuls : c’est au cours d’un entretien avec Pierre BIDAUD, ancien compagnon du devoir et actuel tailleur de pierre en Angleterre, que j’ai découvert comme nous l’avons vu dans la précédente partie un autre obstacle à l’épanouissement de la pierre massive en architecture en France. Il m’expliquait avoir compris très tard pourquoi le coût de la pierre massive avait augmenté ces dernières années alors que la demande était croissante. Selon lui, cette incompréhension économique est liée au choix des carriers eux-mêmes. En effet, ces derniers n’ont pas intérêt à produire de la pierre massive structurelle, qui leur demande trop de matière, et qui est donc moins rentable que du dallage de 4 cm d’épaisseur. Dallage qu’ils ont pris l’habitude de fournir aux architectes à l’époque des architectures modernistes et néo-classiques. Ainsi, des entreprises comme ROCAMAT (plus de 30 carrières de pierre calcaire à leur actif) bloquent le marché et en plus exportent une grande partie de leurs produits de dallage. La pierre massive constitue une dépense matérielle trop
importante et viderait selon eux trop rapidement leurs sites d’extraction. La concurrence internationale est aussi un défi que les professionnels de la pierre et les architectes se doivent de relever. Car en effet le coût du transport est si absurde qu’il déforme toute logique constructive et locale. Comme à l’époque de POUILLON, les armateurs de porte-containers sont ravis de recevoir des pierres lourdes dans leurs calles afin d’optimiser les allersretours de marchandises et de baisser la ligne de flottaison du navire. Ainsi, les carriers français subissent autant cette concurrence déloyale (pierre de Turquie, du Portugal avec une main d’œuvre moins chère) qu’ils la nourrissent (le groupe Carrières de Provence pourtant vent debout pour la pierre massive en architecture a ainsi exporté des milliers de tonnes de pierre du Luberon pour des bâtiments de la nouvelle ville Huawei.
Figure 23 : Pont du Gard. Photo : Domaine de Gaujac
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