1 Le citoyen au coeur du processus de fabrication de la Ville Le cas de Bordeaux B E R N O U S M A X I M E E N S A P B X MEMOIRE DE MASTER PROFESSEURS ENCADRANT: C O U T U R E A U R E L I E G U I L L O T X A V I E R W I L L I S D E L P H I N E A M B A L J U L I E Séminaire « Repenser la Métropolisation » 2018-2019
REMERCIEMENTS
Je tiens tout d’abord à remercier mes enseignants encadrant Xavier Guillot, Delphine Willis et tout particulièrement Aurélie Couture, pour leur accompagnement, leurs remarques et leurs conseils avisés tout au long de ce travail de recherche. Je remercie également Isabelle Chauvin, de l’association « Les P’tits Gratteurs « , Anne de Maillard, ancienne administratrice de l’association «Yakafaucon», Delphine Willis du collectif «Friche&Cheap», Sylvie Guizerix, membre du Conseil Citoyen St Michel et de la Commission Permanente de Bordeaux Sud, Emilie Kuziew, Maire du quartier Bordeaux Sud, Chantal Fratti, Conseillère municipale déléguée à la démocratie de proximité et enfn Bruno Isambert, architecte et chef de projet chez ANM/A Bordeaux, pour avoir bien voulu m’accorder de leur temps, et bien souvent plus qu’escompté, dans le cadre d’entretiens. Je remercie également tout les membres du Conseil Citoyen Saint-Michel pour m’avoir reçu durant l’une de leurs séances.
Je tiens enfn à remercier ma famille et mes amis, qui ont été à mes côtés tout au long de ce processus de recherche, qui m’ont accompagné, supporté parfois, motivés beaucoup, relus, conseillé et surtout écouté durant ces derniers mois. Un merci tout particulier à mon beau-père, pour m’avoir ouvert le regard sur le monde de l’architecture et à mon grand père, pour m’avoir transmis des valeurs de solidarité, d’empathie et d’ouverture aux autres, et pour m’avoir fais comprendre que pour être heureux, il valait mieux être solidaire que solitaire. Que la ville se vit à plusieurs, et non individuellement.
Enfn un grand merci à mes copains de CMD+O avec lesquels nous partageons cette amour du faire-ensemble, et de l’architecture vectrice de lien social au travers de beaux moments partagées
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3 SOMMAIRE
INTRODUCTION
* I : LA PARTICIPATION CITOYENNE, HISTORIQUE ET INSTITUTIONNALISATION
1. Une réponse politique, sociale et urbaine engagée : La participation citoyenne
1.1. Le refus de l’urbanisme par planifcation - Origine, arrivée et analyse de la participation aux U.S.A
1.2. La participation traverse l’Atlantique - Éclosion en Europe et institutionnalisation
1.3. Des formes nouvelles d’appréhender les projets urbains : Les conséquences de l’institutionnalisation
2. La participation actuellement : enjeux et limites
2.1. La ville métropole comme le théâtre d’enjeux contemporains
2.2. De la théorie à la pratique : les limites perceptibles
* II: LA MÉTROPOLE BORDELAISE AUX DÉFIS DE CE RENOUVEAU DÉMOCRATIQUE
1. La participation citoyenne à Bordeaux : une histoire qui dure...
1.1. Cadre théorique : Les instances & Les outils
1.2. Une véritable culture bordelaise de la participation citoyenne ?
2. Bordeaux (Re)Centres : Une prescription urbaine au service des citoyens
2.1. Bordeaux (Re)Centres c’est quoi ?
2.2. La Diagonale Dormoy / Ste-Croix : Manifeste de l’attitude (Re)Centres
3. Le Pacte de Cohésion Sociale et Territoriale : Garant de la démocratie citoyenne dans la fabrique de la ville métropole
3.1. Le Pacte de Cohésion Sociale et Territoriale c’est quoi ?
3.2. 3 Places - 3 Projets - 3 Assos
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AVANT-PROPOS
p. 7 p. 9 p.14 p.14 p.14 p.16 p.19 p. 21 p. 21 p. 22 p. 25 p. 26 p. 26 p. 37 p. 39 p. 39 p. 45 p. 50 p. 50 p. 56
III . CONSTRUIRE LA MÉTROPOLE VIA DES DYNAMIQUES ASCENDANTES : LE DÉVELOPPEMENT MÉTROPOLITAIN PAR L’ÉCHELLE DE L’INDIVIDU
1. Les limites perceptibles de la participation citoyenne au travers de Bordeaux (Re)Centres et des projets qui en ont découlé
2. Le Marché des Douves : un des piliers de la participation citoyenne à Bordeaux
3. Quel constat de la participation à Bordeaux ?
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES
- Entretien avec Isabelle Chauvin de l’association «Les P’tits Gratteurs»
- Entretien avec Sylvie Guizerix, membre du Conseil Citoyen Saint-Michel et de la Commission Permanente de Quartier Bordeaux Sud
- Entretien avec Emilie Kuziew, maire adjointe du quartier Bordeaux Sud, et Chantal Fratti, conseillère municipale déléguée à la démocratie de proximité et membre du Conseil de Quartier Bordeaux Sud
p. 72
p. 73
p. 76
p.80
p. 82
p. 86
p. 90
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p. 98
p. 108
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AVANTPROPOS
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Durant mon expérience de l’architecture, que j’ai eu dans le cadre de ces 5 années d’études, mais également au travers d’expérience professionelle et associative, avec mes chers amis du collectif CMD+O, j’ai toujours eu l’envie de traiter d’une architecture « humaine ». Humaine dans le sens d’être accordé à l’échelle de l’homme, et surtout une architecture qui soit vectrice de lien social. Il m’a toujours semblé clair qu’il fallait que l’architecture se positionne comme le support de la vie des individus. Le marche pied permettant de vivre-ensemble, partager des émotions, graver des souvenirs, afn de vivre le mieux possible. Et non que les individus et leur nombre soit le marche pied pour bâtir de plus en plus. Construire pour l’individu au lieu de se servir de l’individu pour construire.
En tant que futur architecte, ayant l’ambition de m’engager dans des actions bénéfques pour notre société, la vrai question est de se demander quels sont les leviers qui permettraient d’amorcer une dynamique pas forcément nouvelle, mais positive. Une dynamique basée non plus sur la « mythologie CAME 1 » comme l’appelle Olivier Bouba-Olga et Michel Grossetti, mais sur le partage, la solidarité et le bien être des individus. La complémentarité et la collaboration, en opposition à la concurrence et la compétition. Ceci afn de préserver le lien social, et de ramener à une pratique plus douce et saine de la ville. Que la ville, ses rues, ses places, ses avenues, reprennent une place d’espace public au sens premier du termes. Et que ces derniers ne soit plus seulement des espaces de passages, que chacun emprunte pour aller d’un point A à un point B. Mais qu’ils redeviennent des espaces vécus et partagés. Aller à l’encontre donc des usages induits par notre société mondialisée, prônant la consommation de masse.
Les relations sociales étant la base d’une société, et de manière plus globales, de nos civilisations, elles sont le fondement d’une culture commune. Et donc selon moi, l’architecte, par le biais de l’architecture, peut contribuer à la reconstruction d’une sociabilité entre les individus. Non pas qu’il puisse faire ça à lui tout seul, la problématique étant bien trop imbriquée dans tout les secteurs de notre société. Mais il peut amener sa pierre à l’édifce, en permettant aux gens de se redécouvrir, de partager des expériences, de s’approprier les espaces qui constituent son environnement.
1 Compétitivité - Attractivité - Métropolisation - Excellence- Cette idée est issue d’un article de Olivier Bouba-Olga et Michel Grossetti : BOUBA-OLGA Olivier et GROSSETTI Michel, La mythologie CAME (Compétitivité, Attractivité, Métropolisation, Excellence) : comment s’en désintoxiquer ?. 2018, hal-01724699v2.
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INTRODUCTION
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Qui a la plus belle métropole ?
« La mondialisation a en efet généré l’existence de nouvelles citadelles, les métropoles, ou se concentre une nouvelle bourgeoisie qui capte l’essentiel des bienfaits du modèle mondialisé. Au nom de la société ouverte, elle accompagne et soutient ainsi les choix économiques et sociétaux de la classe dominante, dont la conséquence est de rejeter inéluctablement ceux dont le système économique n’a plus besoin dans les périphéries territoriales et culturelles ». 2
Bordeaux, en 2019. La population de la ville est de 254.475 habitants. Soit près de 12.000 personnes de moins par rapport à il y a 50 ans, en 1968, où la population atteignait 266.662 habitants 3. En 50 ans, la population de la ville n’a donc pas tant évolué. Pourtant Bordeaux évolue, et vite, par le biais de sa politique municipale, mais également et surtout par le biais du développement de la métropole bordelaise. Cette course au développement des grandes villes par le biais de la métropolisation est instrumentalisée par le contexte actuel en Occident de mondialisation. Et ces « citadelles » comme les appelle Christophe Guilluy, sont le support privilégié de grands projets urbains et des préoccupations de l’État, dans un contexte de compétitivité et d’attractivité à l’échelle mondiale. Bordeaux est venu s’inscrire dans cette démarche, lorsqu’en 2011 Alain Juppé, maire de Bordeaux, a exposé à Paris son plan Bordeaux2030. Son idée, «une ville millionnaire comme Valence (Espagne) ou Zürich (Suisse), un objectif ambitieux et réaliste sur les 10 ou 15 prochaines années »4. L’annonce est donc faite que la CUB va rentrer dans un long processus de métropolisation. Ce qui se concrétisera 4ans plus tard, en 2015. En efet la Communauté Urbaine de Bordeaux devient ofciellement une métropole : Bordeaux Métropole.
C’est dans ce contexte que vient prendre place mon sujet, celui d’une grande ville, classée au patrimoine mondial de l’humanité pour son centre historique, et qui s’engage dans cette course internationale à la métropolisation. Alors qu’en parallèle, la nation entière vit actuellement une crise démocratique où les citoyens expriment de plus en plus ardemment le fait qu’ils ne se sentent pas représentés par la classe politique en place. Les bienfaits hypothétiques du processus de métropolisation on été d’ailleurs explicités par Richard Florida 5 : Les métropoles attirent la « classe créative » créatrice de richesses, en mettant en place des « sof factors » tel que la mixité culturelle, l’ouverture d’esprit, etc.. Pour prendre place dans la compétition mondiale, il faut être atttractif et attirer toujours plus de « créatifs » permettant ainsi aux métropoles de centraliser toujours plus de services, de richesses et d’excellence dans les métropoles.
Mais que devient l’individu endémique, l’habitant, dans ce contexte de développement urbain à grande échelle, et quelle place prend-il dans le développement de la métropole bordelaise ? Car face à cette nouvelle vague courante d’urbanisme de planifcation, avec de grands projets tel que les Bassins à Flots, le futur quartier Euratlantique, faisant écho aux pratiques urbanistiques des années 1960 et 1970, qui avait à l’époque levé des mouvements de contestation sociale, on se retrouve de nouveau confronté à une crise entre les classes gouvernantes et le peuple.
2 Christophe Guilluy, Le Crépuscule de la France d’en haut, Broché, 14 septembre 2016
3 Chifres issus de Ville-Data.org
4 Article « Juppé veut faire de Bordeaux une «ville millionnaire» en habitants », Le Parisien, 6 Décembre 2011
5 Richard Florida, Te Rise of the Creative Class. And How It’s Transforming Work, Leisure and Everyday Life, 2002. Basic Books, Richard Florida, Cities and the creative class, 2005, New York-London, Routledge,
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Ce qui fait qu’une ville est ce qu’elle est vient de son histoire, de ses caractéristiques propres, de son atmosphère. En d’autres termes, la ville est défnie par ses quartiers, ses populations, et ses identités. L’individu est le ciment identitaire de la ville, en la pratiquant aux travers de ses usages, la partageant, la questionnant, soit en somme en se l’appropriant 6. C’est en visant un retour vers un urbanisme plus vertueux que feurissent des initiatives et expérimentations mettant en avant la participation citoyenne. Afn de remettre en adéquation le développement de la ville avec ses habitants, et ce répondre à cet «impératif participatif» 7 qu’évoque Loïc Blondiaux.
Ceci est l’objectif annoncé souvent par les représentants des politiques publiques. Or, la participation citoyenne est une notion qui est insitutionalisée depuis quelques dizaines d’années. Mais comme l’on expliqué, au travers de leurs ouvrages, articles et recherches, plusieurs chercheurs, dont Loïc Blondiaux, Marie Hélène Bacqué, Christian Marion ou encore Rémi Lefebvre, les objectifs et l’idéologie même de cette notion de participation citoyenne peut varier selon qui la porte. L’idée d’une démocratie participative n’est donc pas une notion fxe et unique. Et c’est en ce sens que je me suis interrogé. Comment les politiques publiques mettent en place un cadre et des dispositifs mettant en avant la participation citoyenne dans la fabrication de la ville ? Et surtout est-ce que la participation citoyenne mise en avant relève vraiment des aspirations citoyennes, ou est-elle contrôlée afn de légitimer les choix des politiques en place, proposant un simulacre de participation citoyenne ?
En ce sens, je pense qu’il est nécessaire de poser un cadre sémantique, car la notion de participation citoyenne, comme nous commençons à l’entrevoir, peut être sujet à confusion. Tout d’abord, d’un point de vue historique, la participation citoyenne, dans les années 1960/1970 correspondait à une idée de contestation sociale, la revendication « d’une «démocratie participative»» comme le dit Loïc Blondiaux 8. Les années qui suivirent furent celles de l’institutionnalisation de cette participation. Et à cette époque, selon Jodelle Zetlaoui-Léger 9, la participation citoyenne prend pour les politiques publiques un sens d’information de la population. Ce qui est qualifé par Sherry R. Arnstein 10, dont nous reparlerons, dans son analyse des procédés de participation, comme de la «non-participation» dans le sens où le citoyen n’a aucune incidence sur le pouvoir de décision. Enfn, le terme qui a émergé de cette institutionnalisation est celui de « concertation ». Toujours selon Jodelle Zetlaoui Léger, cela signiferait que les politiques publiques entendent pratiquer la participation citoyenne de manière descendante, ou «top-down» en la commandant et en s’adressant à des représentants de la société civile, mais pas au citoyens eux-mêmes. Ceci s’oppose à la vision ascendante, ou «bottom-up» de la participation citoyenne, apparue dans les années 1960 et 1970, qui, elle, entend une initiative portée par la société civile. Au travers de ce mémoire, j’entendrais personnellement par « participation » l’intégration du citoyen à un processus amenant à une décision partagée entre tout les acteurs.
5 - Daniel Latouche, « Les territoires de la ville : La mondialisation comme aventure urbaine ».Volume 41, Numéro 114, 1997, p. 413–419.
6 Patrick Geddes, « Cities in Evolution : an introduction to the town planning movement and to the study of civics, , Londres, Williams, 1915
7 Loïc Blondiaux, Le nouvel esprit de la démocratie. Actualité de la démocratie participative, Paris : Seuil / La république des idées, 2008, p.6
8 Loïc Blondiaux Blondiaux, Loïc, et Jean-Michel Fourniau. « Un bilan des recherches sur la participation du public en démocratie : beaucoup de bruit pour rien ? », Participations, vol. 1, no. 1, 2011, pp. 8-35.
9 Jodelle Zetlaoui-Léger, Urbanisme participatif, Dictionnaire critique et interdisciplinaire de la participation, Paris, GIS Démocratie et Participation, 2013,
10 Sherry R. Arnstein, A ladder of citizen participation, JAIP, 1969, Vol. 35, N° 4, pp. 216- 224
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Pour en revenir à notre cas d’étude, la ville de Bordeaux, qui est au cœur d’un développement métropolitain, nous allons nous intéresser à la politique d’urbanisme appliquée au centre-ville. Cette politique suit un projet lancé en 2010 dans le cadre du PNRQAD, le projet Bordeaux (Re)Centres. Ce projet se décrit ainsi sur le site de la ville : « Bordeaux [Re]Centres a l’ambition de développer un projet urbain inscrit dans une logique de développement durable, d’amélioration l’habitat, de dynamisation l’économie locale, de recréation d’espaces publics adaptés aux nouveaux besoins des habitants. Il s’agit de porter un regard neuf sur le centre de Bordeaux, et d’articuler l’indispensable préservation d’un patrimoine reconnu mondialement avec la possibilité pour tous d’habiter le centre et d’y habiter mieux » 11. Ce projet a pour but de proposer une revitalisation du centre ville ancien et dégradé de la Belle Endormie, par la production d’un plan guide devant être suivi pour l’urbanisme de la ville. Et ce qui m’intéresse d’autant plus au travers de (Re)Centres, c’est que ce grand projet urbain, co-fnancé par l’État, revendique la participation citoyenne comme un des outils pour créer ce réaménagement du centre ville. Il est décrit comme « un projet humain parce que rien ne se fera sans un travail participatif avec les habitants et les associations » 12. Le projet entend, au travers d’un travail d’acupuncture précis sur le tissu urbain, redynamiser les quartiers, au service de la ville entière. Afn que les citoyens puissent «Re-vivre leur ville» 13
Ceci m’amenant à la problématique à laquelle je tacherai de répondre au travers de ce travail de recherche : Dans la démarche «top-down» que représente le projet urbain du centre historique de Bordeaux, au travers du projet (Re)Centres, trouve-t-on réellement du «bottom-up» ? Ou sommesnous dans une simulation d’urbanisme participatif ?
Dans le but de répondre à ces interrogations, j’ai établi une méthodologie de travail. Elle consiste à analyser le développement urbain de la ville, au travers de la prescription de « Bordeaux (Re) Centres » donc, ayant débouché en l’élaboration d’un plan guide. Pour ce faire je centrerai mes recherches sur le secteur de la diagonale allant de la place Dormoy au quai Sainte-Croix. Secteur sur lequel j’ai eu une petite expérience chez ANM/A, agence mandatée pour l’AMO de (Re)Centres à son origine. Et en plus de la prescription, j’étudierai les projets ayant débouchés de ce plan guide. Il s’agira d’analyser aussi le cadre actuelle de la participation citoyenne et les acteurs et institutions y participant. Mon analyse s’appuiera sur des observations, des lectures sur le sujet, allant d’articles, d’ouvrages jusqu’au compte rendu de concertation de certains projets, auxquels viendront s’ajouter également des entretiens avec les diférents acteurs identifés lors de mes recherches : citoyens, associations, politiques publiques et enfn architectes.
Nous étudierons donc dans un premier temps l’historique de la participation, son entrée dans la considération publique et son institutionalisation. Ceci au travers des évènements, des moyens et du cadre mis en oevre pour introduire la participation citoyenne dans la construction de la ville. Dans un second temps, nous étudierons le projet de prescription urbaine Bordeaux (Re)Centres, en identifant ses acteurs, ses enjeux mais aussi ses limites. Cette étude se focalisera donc sur le secteur de la « Diagonale Dormoy/Sainte-Croix » aux travers des 3 grandes places ponctuant cette axe de projet, à savoir : La place Pierre Jacques Dormoy, la place André Meunier, et enfn la place Pierre Renaudel, dernière étape avant de déboucher sur le quai Sainte-Croix. Pour fnir, nous nous pencherons sur la considération de la participation citoyenne issu de notre analyse sur notre
11 Description du projet donné sur le site de la ville - http://www.bordeaux.fr/p63940/bordeaux-re-centres-centre-historique
12 Ibid
13 Propos issu d’une vidéo de présentation du projet - https://www.dailymotion.com/video/xufcia
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secteur, afn d’en identifer ses limites. Nous évoquerons aussi, afn d’ouvrir la réfexion, un lieu particulier à Bordeaux : le Marché des Douves. Car ce dernier est d’une certaine manière le lieu totem de la participation citoyenne à Bordeaux et dans le quartier Bordeaux Sud, où se situe notre secteur Dormoy/Sainte-Croix, en sa qualité de maison de quartier et maison des associations.
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P A R T I E 1
La Participation Citoyenne : Historique et Institutionnalisation
13
1. Une réponse politique, sociale et urbaine engagée : La participation citoyenne
« La participation citoyenne aux négociations et aux débats publics, ainsi qu‘aux processus d‘expertise et de décision, est au cœur des mutations qu‘a connues l‘action publique depuis quelques décennies dans les démocraties occidentales » 14
1.1. Le refus de l’urbanisme par planifcation - Origine, arrivée et analyse de la participation aux U.S.A
« Formellement, le terme de « participation » (Pateman, 1970) a émergé à l’occasion des mobilisations de masse et des mouvements « radicaux » américains durant les années 1960-1970 (étudiants opposés à la guerre du Viêt-nam, partisans des droits civils, mouvements sociaux urbains) » 15
Aujourd’hui très en vogues dans la conception urbaine et la fabrication de la ville, les thèmes de la participation citoyenne et de la démocratie participative sont pourtant présents depuis maintenant presque 60 ans. Née dans un contexte de contestation sociale forte, l’idée de participation citoyenne dans le développement de la ville est apparue en réponse à l’urbanisme de planifcation rationnelle mise en place durant l’époque moderne afn d’ordonnancer les villes de manière rationaliste et les moderniser. Ce mode d’action s’est développé et structuré afn d’aider aux interventions de plus en plus nombreuses des États, dans le but de mettre au point des grands projets d’aménagements urbains. C’est donc en réaction à cela que dès les années 1960 des mouvements de contestations s’élèvent contre ce mode de fabrication de la ville, considéré comme hors d’échelle, de part la centralisation du pouvoir décisionnaire aux politiques publiques, mais aussi vis-à-vis des formes urbaines prises par les projets et les inégalités spatiales et sociales induites par cette planifcation. Cette remise en question du mode opératoire interpelle les jeunes générations d’urbanistes qui viennent à réféchir et à considérer les limites de ce mode de fabrication de la ville unidirectionnelle dans leur pratique. Leur but est ainsi d’intégrer ces préoccupations citoyennes grandissantes dans la conception de la ville moderne.
Un exemple probant est celui de Paul Davidof aux États-Unis avec « l’advocacy planning »
. Cette idée est née en 1962 lors de la parution de l’article « A choice theory of planning » par P. Davidof et T. Reiner. Comme l’explique Agnès Boulet « L’advocacy planning consiste alors à faire cause commune en mettant en avant d’autres armes que celle de la protestation de masse. » 16 Ce courant est venu prendre place dans l’action d’architectes et notamment dans les zones les plus populaires et/ou de forte ségrégation. Prônant le « faire avec » il vient donner les outils de compréhension au sujet de la planifcation rationnelle et souhaite donner des outils
14 Issu de « Pourquoi une revue sur la participation ? », dossier coordonnées par Loic Blondiaux et Jean-Michel Fourniau
15 Propos de Gaudin J. , « La démocratie participative. Informations sociales »
16 Propos d’Agnès Boulet, « Le renouveau de l’advocacy planning. Planifer et plaider pour les habitants dans la ville compétitive »
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à la contestation, et aider à la structuration des revendications grâce à des plaidoyers et des assistances juridiques. Ainsi, il dit aux urbanistes de se placer, non plus aux services des plus infuents, soit les politiques publiques et les plus riches, mais de se rendre au service des communautés les plus en difcultés. Difcultés creusées par la fabrication de la ville via la planifcation.
Face à la montée de cette dynamique nouvelle, apparaît la nécessité de classer et hiérarchiser les diférents dispositifs mis en œuvre. En efet ces notions sont jeunes, et il est important de pouvoir mesurer si les processus mis en œuvre relèvent plus de la pure démagogie ou d’une réelle volonté d’inclure le citoyen au processus de conception et de fabrication de son environnement. C’est ainsi qu’en 1969 sort un article de Sherry R. Arnstein, considéré par nombre de chercheurs dans ce domaine comme l’élément fondateur de la considération collective de la participation dans la fabrication de la ville : « A ladder of Citizen Participation » 17. Il est toujours uilisé aujourd’hui par les chercheurs et scientifques pour l’analyse des diférentes démarches et expériences relatives à la participation citoyenne. Cet article pose une base pour hiérarchiser et analyser les démarches participatives selon le degré de pouvoir qui est conféré aux citoyens dans ces dernières. Elle y expose 8 échelons diférents, regrouper dans 3 niveaux distincts d’implications citoyenne, à savoir la non-participation ( éducation, communication, légitimation des actions menées ), la « participation symbolique » ou « tokenism » ( information, consultation ) et celui du « pouvoir citoyen » ou ces derniers ont réellement un pouvoir décisionnel, un droit de veto ou dans certains cas les pleins pouvoir. Ce dernier niveau est celui de la réelle participation selon l’auteure.
17
Crédit
15
Sherry R. Arnstein, « A ladder of citizen participation» , JAIP, 1969, Vol. 35, N° 4, pp. 216- 224. Cet ouvrage est fondateur dans le thème de la participation citoyenne, proposant pour la première fois une grille d’analyse des diférentes expériences et expérimentations
Fig. n°1 - Tableau représentant l’Echelle d’Arnstein (1969 ) concernant la participation - Allant de haut en bas, de la plus grande responsabilité laissé au citoyen jusqu’à la manipulation.
: Maxime Bernous
Néanmoins, vis à vis de l’augmentation exponentielle de ces démarches et de leur unicité à chacune, d’autres éléments doivent être pris en compte que seulement le pouvoir décisionnaire, afn de juger de l’efcacité de l’expérience et de sa réception par les citoyens euxmêmes. Comme la considération apportée aux démarches par les élus, la cohérence du projet visà-vis des idées émises par les citoyens et la transparence des décideurs élus dans la démarche.
1.2. La participation traverse l’Atlantique - Éclosion en Europe et Institutionnalisation
Née aux États-Unis dans la conscience collective au courant des années 1960, l’idée de participation citoyenne a ensuite traversée l’Atlantique pour arriver chez nos voisins Anglais. La méthode du « Community planning » y est en efet mise en place, et elle est toujours d’actualité dans l’urbanisme actuel. Cette méthode n’a pas de forme prédéfnie, elle relève plus de l’attitude : via l’organisation d’évènements divers à l’échelle locale, comme des débats, des ateliers de travail intensif etc.. Ceci afn d’intégrer les citoyens à la réfexion et aux actions sur leurs territoires. Des multitudes d’expérimentations en ont découlé, chacune à analyser selon l’environnement et la situation du territoire qui en a été le support.
En France, durant la même période, il y a une distance grandissante entre la classe politique et les citoyens. Michèle Selier écrit d’ailleurs dans son introduction d’article sur les Groupes d’Actions Municipales :
« Les partis politiques ne paraissent pas, dans les années 1960, apporter de solution; ils sont tournés vers la conquête du pouvoir central et ils cherchent à agir sur ce pouvoir; ainsi les partis politique, qui sont en crise, (...) n’ont pas alors conscience que le cadre de vie urbain et l’appropiration de la ville pour une consommation collective sont devenus des enjeux politiques » 17
C’est de ce constat que naissent au milieu des années 60 les « Clubs « , suivit par les G.A.M ( Groupement d’Actions Municipales ) en 1965. Ces derniers sont composés de « techniciens et de syndicalistes » et ont pour but de redonner la parole aux citoyens concernant leur cadre de vie non-professionnel et l’urbanisme de leur ville. C’est en cela que Michèle Selier les qualife de « précurseurs ». Le premier G.A.M fût crée à Grenoble et il se défnit ainsi : « Il s’agit de se mettre au service des citoyens pour qu’ils « reconquièrent le pouvoir dans la cité », d’imaginer le renouvellement pédagogique qui permette peu à peu d’y parvenir, de promouvoir un « urbanisme moderne qui ne soit plus au service des intérêts privés et des nantis » » 19 Cette dynamique va même se politiser, au travers d’une liste issue du G.A.M Grenoble et menée par M. Dubedout, qui gagnera l’élection municipale. Au fur et à mesure, afn de clarifer leur visée, les GAM vont s’organiser et s’harmoniser à l’échelle nationale, par la création d’une charte de de fédérations. Ceci va aider ainsi à l’institutionnalisation de la participation citoyenne, en amenant ces principes à l’échelle de la ville au sein même de sa gouvernance.
18 Michèle Sellier , article « Les Groupes d’Action Municipale », 1977
19 Lecomte Patrick, Bernard Jean-Pierre, Blancherie Jean-Marc. Les groupes d’action municipale dans le système politique local : Grenoble, Valence, Chambéry. In: Revue française de science politique, 22e année, n°2, 1972. pp. 296-318.
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Ces initiatives ascendantes promouvant la participation citoyenne, nées dans des climats contestataires vis-à-vis de la politique, ont gagnés en légitimité avec le temps. Cette légitimité nouvelle, leurs résultats, et l’adéquation avec la situation urbaine et politique, va amener la participation à rentrer dans les pouvoirs publics. Toujours en France, mais cette fois-ci deux décennies plus tard, après un certain ralentissement, un regain d’intérêt vis-à-vis de la participation citoyenne se fait sentir. Mais cette fois-ci, à la diférence des expériences et démarches des années 1960/1970 se caractérisant par un caractère ascendant, on observe une démarche descendante : l’État entame l’institutionnalisation de cette pratique au travers de plusieurs lois :
Tout d’abord en 1991, la loi d’orientation pour la Ville vient rendre obligatoire une phase de concertation avec les habitants d’un quartier vis à vis de toute action ou projet venant à modifer le cadre de vie du quartier. Puis en 1999, la loi « Voynet » créé les Conseils de développement pour tout les territoires intercommunaux de plus de 50.000 habitants 20. Ils sont composés de représentants des milieux économiques, sociaux, culturels et associatifs, qui ont insituté un partenariat entre société civile et pouvoir public dans l’élaboration et le suivi des projets territoriaux menés dans des communautés d’agglomération. Néanmoins la loi indique que ce conseil s’organise librement, laissant apparaitre un fou juridique. Ces conseils deviendront obligatoire en 2014 dans les nouvelles Métropoles et les Pôles d’équilibre territoriaux et ruraux avec la « loi MAPTAM ». Puis en 2015, ils deviendront également obligatoire pour tous les E.P.C.I ( Etablissement Publics de Coopération Intercommunale ) supérant les 20.000 habitants, ces 2 lois abaissant ainsi le seuil initial de 50 000 habitants fxés à l’époque par la loi Voynet.
En 2000 intervient la loi SRU, qui vient introduire la concertation citoyenne lors de l’élaboration du PLU. Enfn, en 2002, la loi « démocratie de proximité » oblige la création de conseils de quartiers, institution aujourd’hui primordiale à la démocratie de proximité, dans les villes de plus de 80.000 habitants.
Ainsi, la participation citoyenne s’installe dans les politiques publics, comme un invariant à la fabrication de la ville du point de vue de ces nouveaux textes de lois. Elle vient s’appliquer via la réunion et la concertation, sans toutefois lui garantir un pouvoir, ni même défnir des dispositifs précis. C’est donc un fou qui commence à se dessiner, de part la jeunesse de cette institutionalisation. Flou pouvant être l’avantage des pouvoirs publics, garant de la gouvernance et donc du jugement de la bonne application de ces nouveautés. La participation citoyenne commence à se dessiner un cadre juridique dans la gouvernance des villes, attendant d’etre peaufné pour devenir réellement une base de notre démocratie dans les années qui suivront.
20 Informations issues du site internet des conseil de dévellopement: http://www.conseils-de-developpement.fr/
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Fig. n°2 - Frise chronologique de l’institutionalisation de la participation citoyenne en France Crédit : Maxime Bernous
1.3. Des formes nouvelles d’appréhender les projets urbains : Les conséquences de l’institutionnalisation
De nouvelles lois apparaissent dans les années 2010, venant, sur le papier, donner encore plus d’importance à la participation citoyenne, mais en alimentant également le fou créé par les précédentes. Elle viennent prendre place dans un contexte ou cette thématique de la participation citoyenne bat son plein, de part la remise en cause de la légitimité des politiques, et de leur mode de gouvernance. Encore une fois, on observe les symptômes d’une crise de la représentation politique.
- En 2014, la loi « ALUR » fxe des modalités de mise en oeuvre de la concertation, en posant un cadre à respecter.
- En 2016, la loi environnement introduit les notions de concertation préalable et le droit d’initiative dans les projets pouvant avoir une incidence sur l’environnement direct des habitants concernés, et soumis à une évalutation environnementale. Ceci afn que la concertation arrive le plus en amont possible du projet, pour s’assurer l’adéquation du projet avec les modes de vie et le quotidien des habitants.
Ces lois viennent donc favoriser la démarche de participation. Mais l’analyse de ces dernières vient à dévoiler ses points d’ombres. Un manque de cadre et de modalités permettant d’avoir des objectifs précis, et un manque de considération dans les processus de projet. Mais à l’inverse, c’est ce manque de cadre qui a permis une multitude d’expérimentations diférentes de dispositifs de participation. Ce manque de cadre proftant ainsi à la diversité des dispositifs. De ces expérimentations, Marie Hélène Bacqué vient à distinguer trois modes diférents de dispositifs 21 : Les dispositifs «top-down», venant des politiques publiques ou d’une institution vers l’échelle du citoyen. Souvent d’ailleurs pour informer et légitimer les politiques qu’ils mettent en avant auprès des citoyens. Ensuite, à l’inverse, il y a les dispositifs «bottom-up» qui sont elles des démarches ascendantes, c’est-à-dire menées par un/des citoyen(s), pouvant déboucher sur un projet concret. Et enfn, le troisième mode identifé par Marie Hélène Bacqué est le croisement entre ces deux démarches, ascendantes et descendantes. Ou quand les dispositifs mis en place par les citoyens viennent prendre place dans un projet mené par les instances politiques ou institutionelles.
A noter que ces avancées amenées par ces diférentes lois, si l’on les analyse via l’échelle d’Arnstein, n’atteignent jamais plus que les stades de consultation voir d’implication. Ce qui signife, toujours d’après cette échelle que nous restons dans le cadre de la « participation symbolique » . L’obligation est donc donnée de se concerter, mais le pouvoir décisionnaire revient toujours fnalement aux politiques publics. Loic Blondiaux dit d’ailleurs 22 : « Il s’agissait de faire droit à cette participation au niveau des principes sans prévenir véritablement le contenu de cette obligation » ou encore « Ce processus d‘institutionnalisation entraîne deux types de conséquences majeures. Il coïncide en premier lieu avec un renoncement vis-à-vis d‘une transformation sociale à grande échelle. Ces dispositifs participatifs qui se multiplient sont localisés et souvent ponctuels. Ils visent ce qu‘il est désormais convenu d‘appeler des « mini-publics » et se révèlent incapables, faute d‘une généralisation possible
21 BACQUE M-H., « Gouvernance et urbanisme de participation », in BIAU, V., TAPIE, G. (dir.), La fabrication de la ville, métiers et organisations, Marseille : Éditions parenthèses, 2009, p17-29
22 Loïc Blondiaux, Le nouvel esprit de la démocratie. Actualité de la démocratie participative, 2008.
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de ces démarches, de concrétiser une délibération à grande échelle et ce qui pourrait s‘apparenter à une participation du plus grand nombre. Dans quelle mesure l‘intérêt pour les « mini-publics » 23 ne détourne-t-il pas dès lors d‘un projet plus ambitieux de transformation politique globale ? ».
Il est donc laissé libre à chaque porteur de projet la gestion des dispositifs obligatoires de participation.Chacune choisissant de répondre à l’obligation posée juridiquement, ou de vraiment s’engager dans ce tournant démocratique en proftant des apports de ces lois et en les prolongeants par des actions concrètes. L’institutionnalisation a donc fait naître un débat, entre 2 attitudes. En rendant obligatoire la participation, il y a ceux qui la subissent et la jugent inapte à s’adapter aux questions concernant la fabrication et le développement de la ville. Et il y a ceux qui viennent profter et prolonger ce qui est mis en place, pour accompagner la ville vers un futur où le citoyen trouve un vrai rôle à jouer. Mais la limite à la participation peut aussi venir des citoyens eux-mêmes, de part leur passivité face à ces dispositifs, ou encore la revendication systématique de problèmatiques individuelles, allant contre la défnition même de la démocratie citoyenne, revendiquant l’intêret de la communauté. Et en ce sens ce que dit Loic Blondiaux montre une autre limite possible pour ces dispositifs : en convoquant seulement des «mini-publics», l’intérêt de la communauté est laissé de côté. Ce qui peut représenter efectivement un frein à un changement global dans la mesure où les politiques peuvent penser que ce qui est fait actuellement est sufsant. Mais cela peut aussi être un appel d’air pour d’autres mesures. Il est bien difcile de prédire sur le papier vers lequel de ces chemins nous nous menons.
Mais dans le contexte actuel de crise démocratique, politique, économique et sociale, où les revendications des citoyens font de plus en plus de bruit dans les rues chaque samedi à force d’être martelées, et notamment concernant un R.I.C ( référendum d’initiative citoyenne ), nous sommes bien obligés de constater que la participation citoyenne doit être replacée au centre des pré-occupations. La frustration, la colère et ces revencidactions vis-à-vis de la classe politique sont bien des preuves du fossé qui se creuse de nouveau entre société civile et classe politique. Entre la démocratie représentative et le peuple. Cela montre que la parole doit être donnée aux citoyens, au lieu de conforter le pouvoir politique centralisé et unilatéral qui fragilise chaque jour de plus en plus de personnes. Force est de constater que ce qui a été fait n’a peut être pas été sufsant, n’allant pas à la même vitesse que cette aspiration citoyenne à être impliqué dans le devenir de son territoire, et donc de son cadre de vie. Ou peut être encore que ce n’est pas un problème de «quantité», mais plutôt de la manière dont se déroule les divers dispositifs.
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23 Pourtois, Hervé. « Mini-publics et démocratie délibérative. » Politique et Sociétés, volume 32, numéro 1, 2013, p. 21–41.
2. La participation actuellement : Enjeux et limites
Nous avons donc pu constater que l’idée de participation citoyenne à la fabrication de la ville à fait du chemin et a connu beaucoup d’avancées depuis son arrivée par des mouvements sociaux dans les années 1960. Par son institutionalisation, elle est même rentrée dans la gouvernance, représentant une avancée démocratique. En efet, en se plaçant en complément de la démocratie représentative, la démocratie participative redonne au peuple une importance dans le conditionnement de son cadre de vie. Nous allons observer l’échelle de la ville et de la métropole, soit l’intercommunalité, échellon majeur de notre société actuelle, relativement à cette question de la participation. Puis nous essayerons, en s’appuyant sur des études menées par des chercheurs sur le sujet, de dégager des limites sur lesquelles être vigilant pour pouvoir analyser correctement des dispositifs de participation. Afn de comprendre comment certains de ces dispositifs peuvent mal fonctionner.
2.1. La ville et la métropole comme théâtres de multiples enjeux contemporains
L’échelle de la ville, et de la ville au sein de la métropole semble selon moi une échelle clef pour étudier la participation. Car, dans notre société mondialisée, les métropoles feurissent en réseaux et concentrent de plus en plus de richesses, de services, d’emplois et d’enjeux liés à notre époque. Une manière de suivre la théorie de Richard Florida sur la classe créative, en proposant à cette dernière des zones urbaines denses, concentrant ce qu’il appelle les «sof factors» afn de «favoriser l’emploi et ainsi créer dynamique économique et richesses» 24. Ce qui est confrmé par le cabinet France Stratégie 25, qui en 2016 explique que « comme dans la plupart des économies développées, la décennie passée a été marquée en France par un dynamisme important des métropoles » 26 , l’enjeu étant de « s’appuyer sur les métropoles pour constituer des moteurs de croissance proftant à l’ensemble des territoires ». Ceci est donc clair : l’enjeu de la classe gouvernante est de développer ces métropoles pour convoquer un efet de «ruissellement» à l’échelle des territoires environnants, et ce sur tout le territoire français. Efet qui a bien souvent de la peine à être réellement constaté. Mais donc, dans ce contexte où les villes et les métropoles ont une importance aussi grande que celle des états eux-mêmes , qu’en est-il de la question de la participation citoyenne ? Car si l’échelle de la ville et de la métropole est la plus propice à déclencher des changements sociétaux durables en vue du contexte actuel, sa manière de traiter la participation citoyenne représenterait un bon indicateur de sa considération à l’échelle nationale.
Cette idée est étayée par Benjamin R. Barber, dans son livre paru en 2015, « Et si les maires gouvernaient le monde. Décadence des Etats, grandeur des villes » 27 dans lequel il dit notamment que selon lui « Les Nations sont trop grandes pour la participation ». Dans cet ouvrage, il imagine un monde régi par les maires et leurs municipalités, ce qui conditionnerait selon lui un avenir plus serein pour notre société. Pour lui, cet avenir tiendrait par l’action et le pouvoir des municipalités,
24 Richard Florida, Te Rise of the Creative Class, Revisited, New York, Basic Books, 2012
25 France Stratégie est un comité qui a succédé au « Commissariat du Plan ». Il a un rôle d’expertise, de réfexion et de concertation sur l’échelle nationale, et est rattaché au cabinet du Premier Ministre
26 Ces propos sont issus du rapport « Dynamiques et Inégalités territoriales » publié en Juillet 2016 par France Stratégie.
27 Benjamin R. Barber, Et si les maires gouvernaient le monde. Décadence des Etats, grandeur des villes, Paris : ed. rue de l’échiquier, 2015
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ainsi que leur liberté locale et non référée à l’échelle de l’État. Il explique ainsi que l’action des maires, devenus réels chefs du pouvoir, aurait à se concentrer particulièrement sur les citoyens, au travers de « la citoyenneté ascendante », qui se placerait en oppositions aux « prescriptions imposées par quelques dirigeants internationaux » comme c’est le cas actuellement. Mais au travers de cette vision, il explicite la question de comment lier la participation à l’échelle locale, au pouvoir central. Question majeure pour un réel changement démocratique à l’échelle nationale. Car comme le dit Marie-Hélène Bacque, c’est « l’articulation du micro-local et de l’échelle métropolitaine qui pourrait permettre une montée en généralité et une politisation des débats, éviter l’enfermement dans les logiques Nimby et surtout ouvrir réellement l’espace de la délibération et de la décision aux citadins » 28, reprenant une idée de Patrick Geddes exprimé implicitement en 1915 «think globally, act locally» dans son livre « Cities in Ivolution » 29
« Seule la classe ouvrière peut devenir l’agent, porteur ou support social de cette réalisation. Ici encore, comme il y a un siècle, elle nie et conteste, de par sa seule existence, la stratégie de classe dirigée contre elle. Comme il y a un siècle, bien que dans des conditions nouvelles, elle rassemble les intérêts ( dépassant l’immédiat et le super fciel ) de la société entière et d’abord de tout ceux qui l’habitent. » 30
Par son institutionalisation, la participation citoyenne est donc intégrée directement au mode de fonctionnement des villes, avec un cadre laissant place libre donc aux expérimentations. Chacune répondant à sa manière, de part la liberté laissé par le cadre donc, à la question « Pourquoi et comment faire participer les habitants aux projets de leurs villes ? ». Que ce soit pour informer la population sur un projet, receuillir des idées, ou encore mieux, amener l’expertise propre aux citoyens, celle de maitrise d’usage. En tout cas, à cette question, l’architecte Christian Marion et le professeur en sciences politiques et chercheurs Rémi Lefebvre donne plusieurs réponses :
- Un objectif «d’efcacité» selon Marion, et «managérial» pour Lefebvre. C’est à dire pour répondre à un besoin de productivité, d’innovation, afn de prendre une meilleure décision, qui sera aussi mieux acceptée car concertée.
- Un objectf de «légitimité des décisions» pour Marion, et «démocratique» pour Lefebvre. Ici l’idée est d’inclure la population pour lui donner l’idée qu’elle peut s’approprier la décision. Ceci pour palier à la représentativité des décideurs, la renforçant.
- Un objectif de «lien social» pour Lefebvre, qui est celui d’inclure la population pour lui donner l’illusion d’une incidence sur la décision et favoriser ainsi son appropriation.
- Et enfn, une forme nouvelle de gouvernance selon Christian Marion. Ici la participation citoyenne intervient comme vrai complément démocratique à la représentativité des élus. Ceci de manière à proposé un nouveau modèle sociétal.
Donc selon l’objectif féché par les politiques publiques, les dispositifs, le pouvoir des citoyens et leurs relations avec les élus seront diférents. Pouvant aller de la simple consultation à titre informatif, au partenariat avec le citoyen dans l’élaboration d’un projet. Qui plus est, en plus de ces
28 Bacqué, Marie-Hélène, et Mario Gauthier. « Participation, urbanisme et études urbaines. Quatre décennies de débats et d’expériences depuis « A ladder of citizen participation » de S. R. Arnstein », Participations, vol. 1, no. 1, 2011, pp. 36-66.
29 Patrick Geddes, « Cities in evolution : an introduction to the town planning movement and to the study of civics », London, Williams, 1915.
30 Henri Lefebvre, au sujet de la réalisation de la société urbaine. « Le droit à la ville », Paris, ed. Economica, 2009, p.107
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2.2. De la théorie à la pratique : les limites perceptibles
objectifs mis en avant par Christian Marion et Rémi Lefebvre, l’orientation politique des élus aura une infuence sur leur manière d’appliquer la participation. Car il n’y a pas qu’une seule thérorie sur la participation, comme l’exprime Loïc Blondiaux 31. En efet, il vient à diférencier la théorie de la «démocratie participative», inspirée de la démocratie athénienne et défendue notamment par Benjamin R. Barber ou encore des philosophes tel que Jean-Jacques Rousseau, et la théorie de la «démocratie délibérative», défendue notamment par John Rawls et Jürgen Habermas 32 . Et à ces deux notions, vient s’opposer une troisième, celle de la « démocratie agonistique », notion amenée et défendue par Chantal Moufe 33
- La démocratie participative au sens de Barber et Rousseau a comme enjeu premier la formation de la population à la citoyenneté. Dans cette conception, le plus grand nombre doit se mobiliser et participer à la vie de la cité en prenant des décisions, et surtout être formé à cette citoyenneté. Blondiaux la juge en opposition au fonctionnement actuel de notre société de masse, qui cultive plutôt l’immobilisme et l’apathie des citoyens.
- La « démocratie délibérative » est elle une notion qui a vu le jour majoritairement grâce aux thèses de Habermas, dans les pays anglos-saxons, comme une suite au « community planning ». Cette notion donne plutôt la part belle, comme son nom l’indique, à la délibération. C’est à dire au processus. Ainsi la légitimité de la décision ne vient pas seulement des personnes la prenant, mais aussi de la manière dont elle a été prise. Il met en avant une réféxion collective entre les citoyens, dégageant de l’intérêt commun. De ce fait le consensus et la rationnalité deviennent des impératifs.
- La « démocratie agonistique » elle s’oppose à la démocratie dite «délibérative» du fait qu’elle ne croit pas en la rationnalité et au consensus pour toute les prises de décisions, mais plutôt aux émotions et au confit. Car ceci ne permettrait pas d’entendre la voix des personnes les plus fragiles, n’étant pas mêlés généralement aux concertations.
Ce vaste paysage permet de mieux appréhender toutes les diférentes expérimentations qui fûrent mises en oeuvre, d’un point de vue de leurs origines idéologiques ainsi que par les objectifs visés. C’est cette grande variété qui rend difcile encore pour les chercheurs l’analyse précise de la participation citoyenne. Néanmoins, cette grande diversité montre plus ou moins toujours les mêmes limites, qui sont ainsi résumés par Loïc Blondiaux 34, et me semble pertinente vis-à-vis des ouvrages, articles, expériences et entretiens qu’y m’ont aidé dans la rédaction de ce mémoire :
- « Les échelles de participation » en sont une. Car bien souvent les dispositifs sont mis en place avec des comités de citoyens assez petits, des «micros-publics», facilitant le détournement de l’intérêt commun vers des intérêts individuels par « les égoismes locaux et sociaux ». De plus cela peut aussi amener à une déconnexion de la sphère décisionnaire, dans le cas ou celle-ci est relative à l’échelle de la commune, de la métropole, voir de la région.
- La seconde limite remarquable est celle de « représentativité ». Du fait que bien souvent, tous les groupes sociaux ne sont pas représentés lors des dispositifs de participation citoyenne, plaidant au désavantage des populations les plus défavorisés. Loïc Blondiaux explique que la forme de ces dispositifs, tenant souvent des « formes de la discussion politique traditionelle » n’est pas un vecteur d’intégration de ces populations. Au contraire cela favoriserait les citoyens intéressés par la chose
31 Loïc Blondiaux, « Démocratie délibérative VS Démocratie agonistique ? Le statut du confit dans les théories et les pratiques de participation contemporaines », dans Raisons politiques, vol. 30, no. 2, 2008, pp. 131-147.
32 Jürgen Habermas, « Droit et démocratie. Entre faits et normes », Paris : Gallimard, 1997, p330, cité par BLONDIAUX, dans Le nouvel esprit de la démocratie. Actualité de la démocratie participative,Op. Cit., p.42
33 Chantal Moufe. « Politique et agonisme », Rue Descartes, vol. 67, no. 1, 2010, pp. 18-24.
34 Loïc Blondiaux , « Le nouvel esprit de la démocratie, actualité de la démocratie participative », Paris, Seuil / La république des idées, 2008.
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politique. De plus la reproduction de ces schémas ne favoriserait pas l’adjonction d’idées novatrices. Cette limite peut même représenter un certain risque, dans la relégation des populations les plus précaires loin des espaces publics, car réféchis sans eux.
- S’en suit la limite liée au risque «d’instrumentalisation» des citoyens présents par les instances politiques ou institutionnelles. Cette limite est très souvent visible et peut relever d’une attitude des élus indiférente au réel potentiel de la participation, et contraint par la législation. Cette limite est aussi souvent liée au cadre du dispositif, donnant au fnal plutôt à voir un exercice de communication de la part des élus qu’un réel moment démocratique. Car dans ce cas de fgure, la participation citoyenne est dans le cadre, la toile de fond, et le déroulement en lui même peut plutôt aller dans le sens d’une légitimation des politiques projetées. Ainsi la participation fait plutôt partie de la mise en scène, mais le pouvoir réel du citoyen n’est que faible. Dans ce cadre, l’animateur de la concertation a un rôle clef pour la destination que prendra cette dernière.
Dans l’élaboration de mon mémoire j’ai expérimenté et constaté un tel dispositif, dans le cadre d’une réunion de concertation pour BM2050, ayant eu lieu à Talence 35. Tables rondes dressées, banderoles à l’honneur de la ville de Talence et de la mission BM2050, petite estrade propice aux discours d’Alain Juppé, et Michèle Larue Charlus, chargé de la mission BM2050. Le grand thème pour lequel nous étions appeler à débattre et amener des idées était le futur du campus universitaire. Chacun était libre sur le papier de donner ses propositions. Sauf qu’à chaque table, un élu se chargeait de «cadrer le débat» en fxant les thèmatiques sur lesquelles il fallait se pencher, les autres étant considérés comme hors du sujet. Chaque participant écrivait ainsi son ou ses idée(s) sur un petit papier, s’en suivait un débat, à l’issu duquel l’élu à table efectuait une sélection des idées à garder, et des idées qui fnirait sobrement dans la corbeille prévue à cet efet. Une très belle mise en scène, un très bel exercice de communication, mais une illusion de participation et de concertation, afn surtout de légitimer les thématiques du futur projet qui sera mené sur le Campus. Ce qui nous amène à la prochaine et dernière limite.
- Enfn, la dernière limite identifée par Loïc Blondiaux est celle de « l’infuence sur la décision ». Celle ci est courante aussi et s’explique par le fait que rien ne garantit aux citoyens la prise en compte de leurs avis dans la décision fnale. Etant donnée que cette dernière est souvent prise par les élus seulement. Ces derniers plaidant la responsabilité politique, leur conférant cette posture de preneur de décision Mais cela a un efet néfaste sur les dispositifs, étant donné que les citoyens, dans ce cas de fgure, sont au mieux consultés, sans garantie aucune que leurs voix seront prise en compte. Sans garantie non plus que la décision n’eut pas été prise en amont par les techniciens et élus en charge d’encadrer la concertation.
Efectivement, comme me l’a confé Emilie Kuziew lors de notre entretien, l’élu est aussi là « pour faire des choix, car il y a ce qui est possible de faire techniquement et ce qui est impossible » car sinon le débat peut tourner à « l’immobilisme ». Mais néanmoins, il faudrait garantir aux citoyens une réelle prise en compte de leur voix dans la décision. Encore ici, l’élu animant la concertation peut, par son honnêteté et sa transparence, endiguer cette limite, si telle est sa volonté...
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35 Journée de Concertation « Talence et son Campus, comment mieux vivre ensemble ? » organisée le 4 décembre 2018 par BM2050 et la mairie de Talence
P A R T I E 2
La Métropole Bordelaise aux défs de ce renouveau démocratique
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1. La participation citoyenne à Bordeaux : une histoire qui dure...
« Notre démocratie est parfaitement bancale. Elle n’avance que sur une seule jambe. Elle écarte de sa représentation plus de la moitié des citoyens.» 36
1.1. Cadre théorique : Les instances & Les outils
Depuis l’investiture en 1995 d’Alain Juppé, mettant fn à 48 années de gouvernance Chabaniste, feurissent à Bordeaux nombre d’instances et de dispositifs venant donner un cadre à la participation citoyenne. Leurs origines peut être identifées comme venant de deux facteurs. Premièrement, comme nous l’avons vu précédemment, cette époque est le début de l’institutionalisation à l’échelle nationale de la participation, avec les diférentes lois mise en place. Mais ils viennent aussi de la direction donnée aux politiques publiques de la ville par le nouveau maire, qui a pointé la participation citoyenne comme un axe important de sa politique. Ceci étant illustré notamment par le fait que plusieurs instances fûrent crées avant même que certaines lois les mettent en place.Nous allons donc nous intéresser aux diférentes instances et outils mise en place sur le territoire bordelais, en partant de l’échelle la plus globale, celle de la métropole, vers l’échelle la plus précise, celle du projet.
- Le C2D ( Conseil du Dévellopement Durable )
« Il incarne et promeut la démocratie participative. » 37
Groupement en place depuis 1999, composé de citoyens, d’associations, d’élus et de services et qui à le rôle d’Instance Consultative dans la métropole. Elle contribue notamment au projet de Bordeaux Métropole 2050, du fait de ce rôle à l’échelle métropolitaine. Il est par défnition « un espace de travail libre et ouvert » 38, du fait qu’il soit composé d’un conseil de 105 membres élus pour 3 ans, et d’un Forum ouvert à tout les citoyens et partenaires au moment qu’il souhaitent. Sur ces 105 membres, la moitié sont désignés par les 28 communes de la Métropole, au nombre de 2 par commune : un membre issu d’une structure locale / un membre tiré au sort. La Métropole vient choisir l’autre moitié des membres « parmi des personnes engagées dans la citoyenneté » . Soit des citoyens ayant un travail servant la communauté, comme des enseignants ou des travailleurs sociaux.
Il possède 4 missions :
- Anticiper et prescrire les services publics de demain.
- Faire remonter les questions au sein des préoccupations citoyennes.
- Accompagner la participation en promouvant, facilitant la mise en oeuvre voir créant des dispositifs de participation.
- Recueillir les idées utiles au projet de Bordeaux Métropole.
36 Citation d’Alain Juppé issu d’un discours tenu face au Parlement en 1997
37 Propos issu du site internet de BM2050 ( Bordeaux Métropole 2050 ) dans sa présentation du C2D - https://www.bm2050.fr/ contributeurs/c2d/
38 Cette qualifcation est donnée dans la vidéo de présentation du C2D, présente également sur le site de BM2050 https://www. bm2050.fr/contributeurs/c2d/
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Fig. n°3 - Illustrations des diférents dispositis de participation citoyenne mis en place à Bordeaux. En rouge, nous avons diférents cadres dans lesquels viennent prendre place la participation. En beige nous avons les institutions citoyenne, mixte ou de techniciens (G.U.P ). Enfn en bleu ce sont les outils mis à la disposition directement de tout les citoyens pour participer.
Crédit : Maxime Bernous
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Ces sujets d’études viennent de tous bords, la métropole, les communes, les citoyens et peuvent aussi être choisi par ses membres. Il cherche à expérimenter dans les manières de faire, en sortant du cadre classique. Le résultat de ces travaux est partagé avec les collectivités, au travers de bilans libres à la consultation. Mais il est également partagé et le public lors de moments forts, d’évènements. Et dans ces cas de fgure-ci, la restitution devient plus ludique et accessible, prenant la forme d’expositions ou encore de projections par exemple. Donc la transparence vis à vis de la participation est présente au travers de ces diférents types de restitutions.
- La Charte de la Participation Citoyenne à l’Action Publique Communautaire :
Cette charte a été mise en place par le C2D en 2009 afn d’étofer le cadre de la participation citoyenne à l’échelle de la métropole. Elle s’applique aux grands projets structurant de la métropole, à ceux dont la Métropole n’a pas la maîtrise d’ouvrage, aux projets d’aménagements communautaires à l’échelle des communes, et aux stratégies territoriales.
« Plus qu’une charte modèle, le C2D propose ici les grands principes d’une culture de la participation. Il envisage la démocratie participative comme un complément à la démocratie représentative, à même de la renforcer. En posant les conditions d’une action publique partagée, le C2D poursuit un double objectif : répondre à un impératif démocratique et concevoir une action publique plus efcace, car répondant mieux aux besoins des citoyens. Cette charte se veut expérimentale et évolutive. » 39
Cette charte à été commandé par la Métropole, écrite par les citoyens, puis négociée ensuite avec les élus et l’administration. Elle fût accompagnée dans sa rédaction par l’Ofce de Consultation Publique de Montréal. Ceci du fait du partenariat existant entre Montréal et le C2D de Bordeaux en 2009. Mais aussi car à l’époque, la ville canadienne est considérée comme en avance sur ce thème de la participation citoyenne. Ainsi, Louise Roy, Présidente de l’Ofce de la Consultation Publique de Montréal, et Laurence Bherer, professeur en science politique également à Montréal se mêlent au C2D pour les aider dans l’élaboration de cette charte de la participation citoyenne 40. Les deux résultats majeurs décris dans la charte sont :
- La reconnaissance de l’expertise d’usage comme composante nécéssaire à l’élaboration d’un projet.
- La mise en place d’une réfexion « tripartite », associant la maitrise d’ouvrage, la maitrise d’oeuvre et les citoyens, appelés « maitrise d’usage »
Dans sa première page, la participation est défnie ainsi : « La participation est l’association des citoyens au processus d’élaboration des questions qui les concernent, ainsi qu’à la mise en œuvre de leurs solutions. C’est une démarche dont il faut accepter l’aspect expérimental et l’incertitude. Au-delà de la concertation, c’est une révolution des modes de pensée des élus, des techniciens, des citoyens, et des rapports établis entre eux. Il s’agit que la conception d’un territoire ne soit plus assurée dans le seul cadre d’une réfexion partagée entre deux types d’acteurs : ceux qui décident (la maîtrise d’ouvrage) et ceux qui réalisent (la maîtrise d’œuvre), mais élargie aux citoyens (la maîtrise d’usage). » 41
39 Présentation de la charte sur le site internet ofciel du Conseil du Développement Durable - https://c2d.bordeaux-metropole.fr/Travaux-passes/Travaux-a-la-demande-de-Bordeaux-Metropole/Charte-de-la-participation-citoyenne-a-l-action-publique-communautaire-2009
40 Ces informations sont précisées dans le programme de travail de l’année 2009 du C2D, la «saisine» afn d’expliquer comment elle a vu le jour.
41 Cette défnition est donée en première page de la Charte de la Participation Citoyenne à l’Action Publique Communautaire.
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Et à la question, « Pourquoi la participation ? » la charte donne une réponse en 4 points :
- « La démocratie participative vient enrichir et renforcer la démocratie représentative » donc Il y a l’idée de collaboration, mais aussi par le terme « renforcer » une idée de légitimation des élus de la Métropole.
- Parce que les citoyens « doivent pouvoir être acteur de projets qui les concerne. Ils peuvent d’ailleurs en être à l’initiative »
- Car en associant les citoyens et leurs expériences et connaissances dans le diagnostic et la conception d’un projet, le projet sera plus à même de fonctionner et de s’intégrer au territoire en répondant à des besoins réels. Ceux pointés par les citoyens eux-mêmes, au travers de leur maitrise d’usage.
- Et enfn, pour que tous les citoyens, même n’ayant pas le droit de vote, puisse contribuer et s’investir dans la fabrication de la ville et de la Métropole. 42
Ici est exprimé clairement le fait que les citoyens peuvent venir créer de manière ascendante des projets pour la métropole, en introduisant cette notion de droit d’initiative, qui reviendra en 2016 avec la loi environnement. Ce qui sous-entend, mais sans vraiment le dire, que la métropole soutiendra ces projets. On a donc l’idée très intéressante dans notre contexte actuel de croisement entre dynamiques descendantes et ascendantes pour l’intérêt commun du territoire.
Il est également avancé dans la charte ceci :
« La participation est sollicitée dès l’amont et tout au long du projet et le cas échéant, au cours d’un projet déjà engagé. Il s’agit de s’assurer que :
- le problème est partagé dès sa construction,
- la participation s’inscrit dans les diférentes étapes : choix du programme, du lieu d’implantation, conception, réalisation, gestion...
- un suivi et une évaluation du projet sont réalisés en aval. » 43
Ainsi, la participation est déclarée comme voulue dès l’amorce et tout au long du déroulé d’un projet, et qu’elle s’inscrit ainsi dans toute les diférentes étapes qui le compose, du choix du programme à sa réalisation et sa gestion. L’honnêteté et la transparence sur l’avancée du projet sont également mise en avant dans cette charte, en partageant les informations, informant tout les acteurs du projet des démarches et des réponses, des décisions, et en prenant en compte tous les avis dans la réalisation du projet. Le C2D est formé en tant que groupement composé de citoyens, d’élus et de services, afn d’évaluer en continu la bonne tenue de la charte, et de lui amener des modifcations au cours du temps. Il préside ce comité de suivi auquel se rajoute des élus et des services de la Métropole. Des réunions régulières de suivi sont organisées, mais d’autres peuvent être réclamées par les citoyens pour aborder des sujets qui leur paraissent nécessiter une réunion.
- Le Site internet « Participation Bordeaux Métropole »
Ce portail est fait pour se tenir informé des diférents projets prévus pour la métropole, et surtout donner son avis avant la réalisation dans un laps de temps consacré à la participation donné par
42 Cette question et cette réponse en 4 points sont présentés p.40 de la saisine du C2D, en préambule de la Charte
43 De la même manière, ces points sont présentés en préambulede la Charte, p.41 de la saisine
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la métropole. Dans le but d’informer les citoyens vis à vis des projets, chacun est détaillé et des documents techniques sont mis à disposition. Ensuite est dressé un bilan de cette participation qui est mis à disposition de tous et qui contient « tout les avis exprimés », puis une décision est prise, et la métropole explique comment les avis on été pris en compte afn de faire évoluer le projet. En suivant un projet, on est averti des dates des réunions de concertations, des avis d’autres citoyens pour en discuter et débattre, et de la décision post-concertation.
On est donc sur un annuaire des projets métropolitains. La portée première est donc celle d’informer tout les citoyens via directement un site internet, accessible partout et à n’importe quel moment. Et ensuite d’alimenter la participation directement depuis le site, en plus de celle qui est mené via des réunions de concertation et autres. On peut être averti des thématiques de projet que l’on trouve personnellement plus à enjeux. Une volonté de transparence est également mis en avant suite aux résultats de la participation citoyenne pour chaque projet avec le bilan de la participation et le partage de la prise de décision ou est expliqué quel rôle à jouer la participation. Reste à savoir si les avis donnés virtuellement donc, ne sont pas, dans les faits, considérés comme un peu anecdotique vis à vis d’avis formulés en physique via des réunions de concertations ou autres expériences ?
- La G.U.P ( Gestion Urbaine de Proximité ) dans le cadre du P.N.R.Q.A.D 44 de Bordeaux 45
C’est un groupement d’institutions déjà existantes soit la DDSU, la DGA et la DPT ( Direction Développement Social Urbain / Direction Générale Aménagement / et Direction Proximité Territoriale ) qui a été mis en place justement pour faciliter la coordination entre ces diférents services. Cette assemblée doit se réunir une fois par an dans le cadre de comité de suivis. Cette institution agit à l’échelle de la ville, et a donc été mise en place dans le cadre du projet urbain du centre-ville de Bordeaux : Bordeaux (Re)Centres.
Ses enjeux sont ceux de conforter la capacité d’action à l’échelle du quartier, que ce soit par les mairies de quartiers ou les acteurs locaux. D’informer et de communiquer de manière transparente sur l’évolution et le déroulement des projets, afn de donner confance aux citoyens et de permettre de mieux faire accepter les aléas des travaux et les retards. Et enfn l’action de la G.U.P a comme enjeu celui de renforcer les collaborations entre les acteurs locaux et les habitants concernant la conception et la gestion des aménagements. Ceci dans le but de faciliter la mise en oeuvre et s’assurer que ces derniers coïncideront avec les aspirations des habitants de chaque quartier, afn de les pérenniser par l’appropriation. Dans le cadre du PNRQAD, l’assemblée de la G.U.P s’est également engagée, dans le cadre de la convention lui donnant cadre, à réaliser plusieurs actions et opérations sur le périmètre du projet de Bordeaux (Re)Centres, chacune piloter par un service de la métropole particulier :
- Aider à la collecte des déchets en appuyant et mettant en avant les dispositifs, en réalisant des campagnes de communication.
- Un recensement et une gestion en suivant de tout les locaux abandonnés se trouvant sur le territoire de (Re)Centres
44 Programme National de Requalifcation des Quartiers Anciens et Dégradés
45 Convention de la Gestion Urbaine de Proximité ( 2013 - 2018 ) dans le cadre du PNRQAD de Bordeaux
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- Accompagner les projets dit « d’embellissement » végétal de la ville, qu’ils soit menés par des groupes d’individus ou des citoyens seul. Dans le but d’embellir les « recoins », soit l’échelle micro-locale.
- Communiquer de manière la plus claire possible sur les aménagements du PNRQAD, que ce soit à l’aide de panneaux de chantiers, de visite de chantier, de campagne d’information afn de lier les acteurs locaux et le citoyens à chaque projets qui le concerne de près ou de loin.
- Impulser des initiatives de gestion adaptée et mutualisée au centre ancien auprès des bailleurs public et privés. Ceci afn de favoriser le développement de service partagés entre les diférents bailleurs à mettre à disposition des locataires. Pour assurer une cohérence globale dans la gestion.
- Les Conseils de Quartiers
« Les Conseils de Quartier ont été créés à bordeaux en 1995 et j’ai été chargé de leur organisation. Bien sûr, la concertation existait avant 1995, du temps de Jacques Chaban-Delmas, mais comme elle correspondait aux limites administratives des cantons, elle était portée par les conseilleurs généraux. Cependant en 1995, le nouveau maire a estimé que le lien avec la population était rompu, que le dialogue ne fonctionnait pas. (…) l’espace de débat et de confrontation d’idées avait disparu. »46
Premièr réel outil mis en place pour introduire la participation citoyenne à la fabrication de la ville. Les Conseils de Quartiers sont des rassemblements d’informations bi-annuels et de discussion ayant lieu depuis 1995 dans les 8 quartiers de la ville, dirigé par le maire-adjoint du quartier concerné et ouvert à tous les habitants. La loi les a rendu obligatoires en 2002 mais ils étaient efectifs depuis plusieurs années à Bordeaux. Ils réunissent les habitants souhaitant prendre connaissance du devenir de leur quartier, la municipalité, des élus de la métropole et des partenaires privés afn que tout avancement soit expliqué par le groupe qui l’a engagé. Michel Duchène, qui était chargé de leur organisation, en parle d’ailleurs dans son dernier ouvrage parlant de la transformation urbaine de Bordeaux :
« Les conseils de quartier on été un moment extraordinaire de la vie politique à Bordeaux, car toute personne qui avait la volonté de d’exprimer venait y participer » 47
- Les Conseils de Proximité
Mis en place en 2016 pour ofrir un complément aux Conseils de Quartiers, de part l’importante politique d’aménagement de la ville s’étendant sur beaucoup de quartiers. Ils ont été introduits pour faciliter la présence citoyenne et le dialogue avec les élus locaux afn de discuter ensemble du devenir des territoires. Des comptes rendus sont publiés après chaque réunion, comme pour les conseils de quartiers.
- Les Commissions Permanentes de Quartier
Chacun des 8 quartiers de la ville possède une Commission Permanente de Quartier. La première
46 Citation issu du livre de Michel Duchène, vice-président de Bordeaux Métropole et Conseiller Municipal délégué pour l’innovation urbane, « La grande métamorphose de Bordeaux » p.159
47 Citation issu du livre de Michel Duchène « La grande métamorphose de Bordeaux » p.163
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Fig. n°4 - Frise chronologique de l’institutionalisation de la participation citoyenne à Bordeaux Crédit : Maxime Bernous
a été créée en 2008, et pour Bordeaux Sud, quartier que nous étudierons plus tard, elle a été créée en 2011. Cette assemblée citoyenne, constituée de 40 habitants, ofcie durant les Conseils de Quartiers et de manière continue durant l’année auprès des maires adjoints de quartiers. Au sujet de sa constitution, les membres sont élus pour 3 ans. La première moitié des membres est tirée au sort sur les listes électorales, et l’autre moitié sont des citoyens proposés par le maire adjoint de quartier et choisi par le maire de la ville. Ces derniers sont également issus de la société civile, mais sont choisis pour leur investissement dans le quartier par les politiques publiques. Ceci pouvant être un argument pour questionner l’impartialité et l’indépendance de certains membres vis-à-vis des représentants politiques.
- Les Conseils Citoyens
Amenés en 2015 dans le cadre du Pacte de Cohésion Sociale et Territoriale, ce sont de jeunes instances, nées d’après la loi de 2014, et oeuvrant dans les quartiers politiques prioritaires de la ville. Ils ont un rôle de consultation et de conseil lors des projets et décisions se mettant en place sur leur territoire d’emprise. S’ils sont arrivés un an plus tard que dans d’autre villes de France, c’est qu’avant leur mise en place, un comité de pilotage a été mis en place, composé d’habitants, de commerçants et de membres d’associations. Ce comité avait pour mission de réféchir à la manière la plus adaptée de mettre en place les Conseils Citoyens à Bordeaux. Ces assemblées sont entièrement constituées d’habitants et acteurs associatifs et/ou commerciaux du quartier, suivant la règle suivante : « 10 habitants tirés au sort, 10 habitants volontaires et 10 habitants acteurs associatifs ou commerçant du quartier » 48 L’appartenance à un parti politique y est proscrite, afn de s’assurer d’une expertise entièrement citoyenne, et d’éviter la cooptation ou la mise en oeuvre d’idées portées par les politiques publiques. De la même manière que les Conseils de Développement Durable nés en 2002, ces Conseils ont été crées en étant dépourvu de statuts, laissant libre choix à chacun d’eux de choisir le statut qu’il considère le plus adapté à son action. Chose plus ou moins bien réceptionnée par chacun des Conseils Citoyens, pouvant être interprété soit comme une liberté et un véritable levier pour exercer une action vraiment propre à chacun. Soit comme un manque de cadre jetant cette institution dans un fou juridique, n’ayant que peu de poids de décision à l’échelle de la ville, étant dépourvu de ce dit statut. Le fait est que chacun des Conseils Citoyens est accompagné par la ville et la préfecture, notamment en les personnes de Alexandra Siarri, ajointe au maire en charge des oeuvres sociales et territoriales, et Véronique Blondel, leur référente représentant la préfecture. Ils bénéfcient ainsi d’un budget, d’un accompagnement, de formation à la prise de parole en publique et à la citoyenneté, et ceci sans jamais intérférer dans leur « voix libre », d’après Sylvie Guizerix, membre du Conseil Citoyen Saint-Michel. Ces assemblées constituent donc, avec les Commissions Permanentes, une seconde institution 100% citoyenne pour les quartiers de la ville. La diférence étant qu’ils agissent, d’après la loi, sur les quartiers politiques, diférents des 8 quartiers de Bordeaux. Ceci pouvant un peu remettre en question, pour certains maires adjoints de quartier, leur nécéssité.
Emilie Kuziew, maire du quartier Bordeaux Sud me confe d’ailleurs ceci durant un entretien : « Ici à Bordeaux, Alain Juppé à créer en 2008 la première, et en 2011 sur notre quartier, les Commission Permanente de Quartier, qui ne sont ne seraient-ce qu’un Conseil
Propos issu d’un entretien avec Sylvie Guizerix, membre du Conseil Citoyen Saint-Michel, ainsi que de la Commission Permanente de la Vie de Quartier de Bordeaux Sud
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Citoyen (...) Et donc ces personnes là, des Commissions Permanentes de Quartiers, qui sont là donc sur les 8 quartiers, vont même plus loin que les conseils citoyens. » allant même jusqu’à déplorer le manque de lien possible entre ces 2 intitutions « Aucun, il n’y a aucun lien » 49 Mais de ce constat est née une volonté de lier ces 2 institutions, en intégrant 2 membres du Conseil Citoyen à la Commission Permanente. Ainsi, à la diférence des Commissions Permanente qui prennent place dans les Conseils de Quartiers, les Conseils Citoyens vont avoir une action plus libre et propre à chacun. Par exemple elle peut concerner l’organisation d’évènements, ou encore la remontée d’informations aux habitants, mais aussi, dans l’autre sens, au politique publiques, concernant des problèmes éprouvés par certains citoyens. De maniére générale, on constate qu’ils sont assez souvent liés aux centres d’animations des quartiers ainsi qu’au maison de quartiers.
- Les Ateliers de projets, les concertations publiques préalable, « diagnostics en marchant », etc..
En plus des institutions et outils cités jusqu’à présent, et agissant sur des échelles allant de la Métropole entière à celle du quartier de ville, des outils sont également mis en place à l’échelle du projet. Ceci dans le but que chaque projet soit au minimum concerté avec les habitants. Selon les projets et le cadre des ces moments particuliers, la concertation peut prendre diférente forme. Dans le cadre des réunions publiques de concertation, il y a premièrement une volonté d’information et de transparence vis-à-vis de la population. Puis aussi une implication des citoyens à la prise de décisions. Que ce soit en faisant remonter des diagnostics, des idées, propre à cette « maitrise d’usage » qui est la leur. Ou bien en choississant le scénario qui sera appliqué au projet dont il est question. Plus rarement, comme ce fût le cas dans le cadre du Pacte de Cohésion Sociale et Territoriale avec les « diagnostics en marchant », la participation va même jusqu’au «partenariat», si l’on se réfère à l’échelle d’Arnstein. En efet ce sont eux qui fxent les besoins du quartiers, les zones de projets et les programmes à implanter, selon les 5 axes mis en place dans le Pacte de Cohésion Sociale et Territoriale. La mairie oeuvrant ensuite selon ce cahier des charges contitués en partenariat donc avec les citoyens. C’est ce que m’a révélé Emilie Kuziew lors de notre entretien :
« On a fait un diagnostic marchant aussi pour chaque quartier. Chaque fois on avait 100/150 personnes qui se sont retrouvées sans thème, juste en se disant on va arpenter et observer nos quartiers pendant 2h, et pendant cette marche on leur a dit de nous exposer les points forts et les points négatifs. Certain ont découvert le territoire. Et une fois qu’ils avaient eu les données chifrées, le diagnostic marchant visuel de ce qui faisait quartier, on les a réunis tous pendant 2h avec des post-it pour nous dire ce qu’ils priorisaient comme action suivant les 5 axes que nous avions pointés du doigt. Et à partir de là on écrit une feuille de route, sur chacun des territoires, sur vos priorités, auxquelles nous on a ajouté les politiques déjà féchées, comme notamment les projets découlant de (Re)Centres, ou Euratlantique. Les projets déjà chifrés et qui vont se mettre en oeuvre. Afn d’assurer une continuité avec ces démarches, pour garantir une bonne intégration.» 50
Mais certains dispositifs quand à eux ont plus une portée éducative, ce qui, selon l’échelle d’Arnstein relève de la non participation. C’est le cas notamment des «panels» mis en
49 Propos issu d’un entretien avec Emilie Kuziew, maire du quartier Bordeaux Sud, et Chantal Fratti, conseillère municipale déléguée à la démocratie de proximité, et ancienne vice-présidente de la Commission Permanente de Quartier Bordeaux Sud.
50 Propos également issus de cette entretien, en réponse à une question concernant le Pacte de Cohésion Sociale et Territoriale.
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place dans le cadre du projet Euratlantique pour « découvrir l’urbanisme » 51 . Les enjeux économiques et les inhérents à cette opération d’intérêt national peuvent peut être expliquer cette implication moindre des citoyens à la concertation du projet. Cette concertation à portée éducative et non inclusive nous a été évoquée par Chantal Fratti, ancienne vice présidente de la Commission Permanente de Quartier Bordeaux Sud et actuelle conseillère municipale déléguée à la démocratie de proximité, et qui fût membre d’un de ces panels.
« Je suis arrivée comme ça, par l’intermédiaire d’un panel en 2010, le panel Euratlantique. C’est l’idée fnalement de faire évoluer notre réfexion à un niveau un peu au dessus de notre trottoir et des petits déboires quotidiens. Et puis de comprendre fnalement comment se construit une ville, avec ses grandes notions, la mobilité etc.., mais en fait le panel, nous on pensait qu’il était là pour nous faire réféchir au projet. Donc forcément on a été tous déçu bien évidemment au démarrage. Mais après en fait, ça a été une soirée par mois d’apprentissage, de qu’est ce qu’on appelle « mobilité», qu’est ce qu’on appelle « l’habitat», qu’est ce qu’on peut faire dans l’habitat.. Et je pense que globalement toute les personnes du panel on été très content à la fn et on regardé leur vie diféremment après cette expérience.» 52
Cette portée éducative peut être ainsi sujet à interprétations, selon la neutralité, ou non, qu’elle transmet dans les notions abordées. Mais en tout cas ce type de dispositifs ne relève pas, toujours selon l’échelle d’Arnstein, de la véritable participation citoyenne.
-Le Budget Participatif de la ville de Bordeaux « Vous proposez, on réalise »
Ouvert à tous les citoyens et habitants de la ville de Bordeaux depuis 2019 pour proposer des projets dans leur quartier, la ville y met à disposition 2,5M d’€ pour investir dans les projets qui ont pour thème d’action l’écologie, le social et l’économie. Le dépôt des projets pour l’année 2019 s’efectuait avant le 28 février ( 407 projets déposés pour 288 participants ) . Courant Mars/Avril les projets sont analysés et déclarés recevables ou non. Du 1er au 31 Mai, à lieu un vote ouvert à tout les bordelais concernant leurs 3 projets préférés ( via internet et dans les mairies ). En Juin les lauréats sont annoncés, et dès Juillet les projets sont lancés, leur réalisation devant durer moins de 2 ans au maximum pour être mis en oeuvre. Il fût mis en place après que bien d’autres villes s’en soit doté. Chose qui fût reprochée à la gouvernance de la ville par l’opposition et certains habitants. Néanmois, il existe diférents exemples antérieux, de projets majeurs issu d’initiative citoyenne, menés et fnancés entièrement par la ville. C’est ce que nous apprend Emilie Kuziew :
« Aujourd’hui tout les habitants peuvent nous écrire, nous soumettre une idée, une volonté. Et ce qu’on avait pris l’habitude de faire, c’est qu’on prenait leur demandes, on allait demander aux services concernés si c’est réalisable. Une fois que les services nous confrmait que c’était bien réalisable, accompagné d’un coût, on répondait à la personne à l’origine de la demande pour lui dire que c’était bien réalisable. Et aussi pour lui dire que nous allions venir interroger tout les habitants de la rue, du secteur, à l’aide d’un petit sondage disant qu’un habitant souhaité l’implantation d’une boîte à lire, et en répondant par oui ou non pour son implantation. Et si plus de la moitié des habitants était favorables nous le réalisions. Et nous faisions ça pour tout.» 53
51 Objectif indiqué des panels citoyens sur le site de Bordeaux Euratlantique - https://www.bordeaux-euratlantique.fr/concertation/ panel-de-citoyens/
52 Propos de Chantal Fratti, issus de l’entretien avec Emilie Kuziew, maire du quartier Bordeaux Sud, et Chantal Fratti.
53 Propos d’Emilie Kuziew lors de ce même entretien.
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Elle évoqua d’ailleurs 2 exemples concret, celui de la Halle des Douves, dont nous parlerons plus tard, et celui d’un carrefour situé près de la rue Pelleport :
« Emilie Kuziew : C’est le carrefour Rue de Bègles, Rue d’Aubidey, Rue Buchou et Rue Roger Mirassou. Juste avant le croisement avec la Rue Pelleport, il y a une petite supérette. Et donc ils avaient dessines l’aménagement des trottoirs, leur élargissement, un quai pour le bus, à niveau, pour les personnes âgés, des petits arbres. Créer une mini-placette pour avoir quelque chose de convivial.
Chantal Fratti : Et également pour dégager une perspective sur l’église, qui est un patrimoine qui n’était pas mis en valeur.
Emilie Kuziew : Oui voila, et ça avait couté 350 000€ je crois, qui avait été féché et donc on l’a fait, en suivant cette demande des habitants. Mais c’était pas féché «budget participatif » donc on avait notre opposition qui nous disait « Toute les villes de France on un budget participatif sauf Bordeaux » 54
- Le Sites internet « Jeparticipe.bordeaux » de la ville de Bordeaux
Ce site, lancé en 2010 par la ville, prend la forme d’un répertoire des actions et projets menés par des associations ou d’autres porteurs de projets. Il a été créé pour faciliter la participation citoyenne bénévole à l’échelle du projet au travers d’appel à mobilisation. Ainsi chacun de ces derniers publiant son projet sur ce site web l’ouvre à la participation bénévole. Chacun est libre de choisir les projets qui l’intérésse, suivant ses centres d’îintérêts et d’actions. Le but de la platerforme étant d’ouvrir la participation à un autre public que celui qui vient lors des réunions de concertation. De plus, elle a pour objectif de faire participer les habitants aux projets qui les concernents, en les incluant dans la concertation amenant à la prise de décision. Ce site fût lancé au travers de l’action de Michel Duchène, à l’époque adjoint délégué à la mission Cité digitale. Il explique ainsi le choix d’avoir créé cette platerforme :
« Nous avons souhaité que les consultations aboutissent à des choix réels, et c’est sur la base de notre expérience que nous avons choisi de faire des consultations ciblées.» 55
- Les Sites internet « Open Data » de la Ville et de la Métropole
En plus de tout les outils et institutions que nous venons d’évoqué, la ville et la métropole ont aussi fait le choix de l’open data. Ceci afn de donner à tout les citoyens qui le souhaitent des documents techniques concernant toute la ville et la métropole. Toutes les informations existantes sont rendus donc publics dans le cadre de ce dispositif. L’idée est donc d’ouvrir totalement la ville et ses informations aux citoyens, afn qu’ils puissent s’en saisir pour mieux comprendre leur territoire, mais aussi pour pouvoir mener à bien un projet. Qu’il soit personnel ou dans le cadre d’un appel à projet lancé par la ville ou la métropole. Un enjeu donc d’information, d’éducation, mais aussi de partenariat. En rendant disponible toute sortes de documents techniques ( carte hydrographique, carte IGN, cadastre, 3D, données démographiques
54 Propos issu de l’entretien avec Emilie Kuziew, maire du quartier Bordeaux Sud, et Chantal Fratti.
55 Propos issus d’un entretien de Michel Duchêne accordé au site-web collaboratif-info - http://www.collaboratif-info.fr/actualite/ la-ville-de-bordeaux-inscrit-la-participation-citoyenne-dans-ses-processus-de-decision
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etc etc.. ) l’autre enjeu est celui de donner toutes les cartes techniques dans la main des citoyens voulant faire projet ou étant engagé dans une dynamique de projet. Un partage des connaissances et des données à tous, afn que les documents clefs de la fabrication de la ville ne soit plus seulement confés aux techniciens de la fabrication de la ville.
1.2. Une véritable culture bordelaise de la participation citoyenne ?
« De 1995 à 2001 nous avons organisé près de 2000 réunions de concertations. C’est à dire son importance à nos yeux. » 56
Par la création des conseils de quartiers 7 ans avant leur obligation légale au travers de la loi «démocratie de proximité» et par d’autres expérimentations, comme des réunions, des ateliers, des diagnostic partagé, on peut constater que la ville de Bordeaux s’est activée à faire entrer la participation citoyenne dans sa politique. Bien qu’au début, de part le fou juridique et politique autour de cette notion, la ville s’attelait à respecter le cadre légal dans le cadre d’opération d’urbanisme. On constate que depuis plusieurs années qu’il y a une vrai volonté la ville d’intégrer le citoyen à son développement. Ce caractère d’intégration du citoyen à la politique publique est apparu en 1995, avec le mandat d’Alain Juppé, succédant à Jacques Chaban-Delmas. Ce dernier ayant eut une politique plus basé sur de grands projets urbains construit par les «sachants» que sont les élus et les techniciens. On retrouve donc une bribe du schéma ayant amené l’idée de participation citoyenne dans les années 50/60 : une réponse à la planifcation rationelle à grande échelle dépouvue d’échelle humaine sensible. Un autre exemple probant de cette préocuppation est présente de longue date arrive 3 ans seulement après les conseils de quartiers. Dès 1998, des ateliers de concertation préalable concernant des projet d’urbanisme sont mis en place. Ceci dans le but de débattre et concerter les décisions entre élus, techniciens et citoyens, afn de coller à un objectif d’efcacité. La notion de maitrise d’usage a était rapidement comprise et soutenue par la ville. Michel Duchène dit d’ailleurs ceci concernant ces ateliers d’urbanisme qu’il a lancé :
« Dès 1998, à l’arrivée de nouveaux projets, j’avais mis en place des ateliers d’urbanisme ouvert aux forces vives et aux résidants qui souhaitaient y participer. Les débats étaient parfois lestes et les discussions virulentes, mais le bénéfce pour les projets était incontestable. Malgré les aléas de son expérimentation, nous avons progressivement acquis la certitude que la méthodologie de cette coconstruction opérait comme un accélérateur de la fabrique de la ville ». 57
Ces dispositifs mis en place par la ville depuis plus d’une vingtaine d’années s’améliorent d’années en années, d’expérimentations en expérimentations, par analyse des acquis et des possibles. Mais à une échelle encore plus grande, celle de la Métropole, se suit cette même logique. Pérénisant et garantissant la continuité dans les démarches de la ville allant dans le sens d’une participation réelle, et non anecdotique. C’est au travers de la Charte de la Participation Citoyenne à l’Action
56 Citation issu du livre de Michel Duchène, vice-président de Bordeaux Métropole et Conseiller Municipal délégué pour l’innovation urbane, « La grande métamorphose de Bordeaux » p.159
57 Citation issu du livre de Michel Duchène, vice-président de Bordeaux Métropole et Conseiller Municipal délégué pour l’innovation urbane, « La grande métamorphose de Bordeaux » p.190
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Publique Communautaire créée par le C2D, que la métropole, qui l’a commandée, vient donner un cadre fort et global à la participation.
A l’échelle de la métropole et de la ville, nous constatons donc que la participation citoyenne est un vrai point intégré à la politique publique, traduit par cette phrase d’Alain Juppé qu’il aurait tenu plusieurs fois lors de discours et en travaillant avec ces adjoints, d’après Emilie Kuziew, et qui est : « à Bordeaux on fait avec, on ne fait pas pour » c’est à dire « faire la ville avec les habitants, et pas seulement pour eux » 58
Et à l’échelle des quartiers de ville, on constate cette même logique, grâce notamment aux Commissions Permanentes de Quartier ou au travail efectué dans le cadre du Pacte de Cohésion Social et Territorial. La maire adjointe de Bordeaux-Sud, Emilie Kuziew, nous confa d’ailleurs :
« Aujourd’hui il n’y a plus une décision qui est prise unilatéralement par un élu, et on ne le ferait plus, enfn moi je me verrai pas quand il y une demande décider directement de la mettre dans tel ou tel sens (...) C’est devenu tellement pour nous notre ADN, qu’on en a pas fait un axe politique majeur mis en avant. Pour nous la démocratie participative et la participation citoyenne c’est pas une case dans nos politiques publiques, ce qui est souvent le cas partout. Et on a eu cette discussion avec Chantal, jeune élu, ou elle me dit « à Bordeaux y a pas d’élu en charge de la démocratie participative, visuellement présent » et donc je lui avais répondu que c’était efectivement une question qui s’était posée à un moment donné. Et Alain Juppé n’avais pas souhaité qu’un seul élu porte ça, car pour lui la démocratie participative devait se retrouver dans chacune des politiques de la ville : l’éducation, l’enfance, les espaces verts.. Et au fnal c’était tout les élus qui était des représentants de la démocratie participative et de la participation citoyenne.» 59
Cette présence précoce de dispositifs de participation citoyenne est un premier argument pouvant témoigner d’une culture bordelaise de la participation. Ceci ajouté à cette préoccupation de mettre au point des dispositifs inclusifs, allant chercher les citoyens non habitués à la participation ( notamment au travers des outils numériques ). Ainsi qu’a celle de proposer de nouvelles expérimentations au fur et à mesure du développement de la ville. Ces arguments semblent confrmer cette idée d’une culture bordelaise à la participation citoyenne. Cependant pour s’en assurer à 100% il faudrait pouvoir analyser précisément tout les dispositifs mis en place depuis 1995. Ce qui permettrait objectivement d’afrmer cette idée. Néanmoins, au travers de l’analyse des expérimentations et dispositifs, du cadre mis en place, et des échanges eus au travers de mes plusieurs entretiens, il me semble possible de dire que la ville favorise la participation citoyenne. Mais reste à savoir l’intérêt premier qu’elle y trouve, si cela est un moyen de renouer un lien entre la classe politique ou si il y a un vrai objectif d’efcacité et démocratique.
59 Ibid.
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58 Propos issu de mon entretien avec Emilie Kuziew et Chantal Fratti, en réponse à une question concernant l’origine de la participation à Bordeaux.
2 . Bordeaux (Re)Centres : Une prescription urbaine aux services des citoyens
2.1 Bordeaux (Re)Centres c’est quoi ?
Le Projet Bordeaux (Re)Centres fût lauréat en 2011 du Programme national de requalifcation des quartiers anciens dégradés, lancé par l’Etat, fnancé par l’ANRU ( Agence Nationale pour la Rénovation Urbaine ). Le projet, devait se terminer en 2017 à été prolongé, ce qui fait de Bordeaux la première ville a avoir obtenu de l’ANRU la prolongation du PNRQAD. Le but était de lancer un projet urbain d’une ampleur inédite, en retransformant des quartiers centraux en déclin, en quartiers à vivre, pour bénéfcier des qualités de la ville, sans en ressentir les inconvénients ayant conduit à leur dégradation. Allier ainsi à la fois la grande échelle du centre historique, à l’échelle micro de ses quartiers, places, squares et rues. Le projet s’établit sur 148ha, allant du Cours Alsace Lorraine à la gare et de la Rive droite au bas du Cours de l’Isère. Il se veut comme une « alternative à l’étalement urbain » 60, en ré-orientant l’action sur la réhabilitation et la réfection de quartiers centraux quelque peu en déclin, afn de proposer une qualité de vie importante à l’issue de la fn du projet. Donnant ainsi de nouveaux l’envie aux gens de vivre dans l’hypercentre bordelais. Cette idée fondatrice de ce grand projet urbain n’est pas nouvelle, et serait arrivé avec l’arrivée à la mairie de Alain Juppé, d’après Michel Duchêne :
« En 1995, le concept premier est de recentrer le centre-ville, de recentrer l’agglomération sur le cœur de ville et ses deux rives. » 61
Nicolas Michelin, architecte fondateur de ANMA et mandaté pour ce projet explique :
« Nous avons choisi la méthode par le bas, plutôt que le haut, préférant partir de micro-projets pour aller vers un projet global. Nous avons déniché des pépites, des lieux insolites, véritables trésors cachés, et des lieux révélateurs de potentiels. La halle des Douves aux Capus, l’Îlot des Remparts, Santé Navale. L’idée ? créer des cheminements doux originaux, permettant de nouveaux usages. Une dizaine de secteurs de projets ont été mis au jour, avec, au cœur, un petit événement luminescent qui créera une alchimie. » 62 .
Dans ce secteur très étendue de 148ha, voici la liste des quartiers visé, ainsi que leur objectif particulier 63 :
- La diagonale Dormoy - Sainte Croix, autour d’espaces publics fédérateurs, la Place Dormoy, la Place André Meunier, la Place renaudel et les Quais de Sainte Croix : « Faire émerger une nouvelle traversée bordelaise »
- Le quartier des Remparts/Sauvageau, autour de l’îlot des Remparts et se son Jardin : « Créer un îlot de verdure »
60 Cette idée est avancée dans la vidéo de communication et de promotion du projet, réalisé par Vianney Production à la demande de la ville.
61 Citation issu de : Michel Duchêne, La grande métamorphose de Bordeaux, Bordeaux, ed. L’aube, 2018, p.182
62 Propos issu d’un discours de Nicolas Michelin expliquant les fondements du projet Bordeaux (Re)Centres
63 Informations tirés du site de Bordeaux Métropole 2030 : http://www.bordeaux2030.fr/bordeaux-demain/recentres
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Un projet qui se développe de 2011 à 2020 avec :
• 1500 logements rénovés ou neufs dont 900 sociaux • Plus de 5 ha d’espaces publics nouveaux ou réhabilités
• 8 équipements de proximité créés ou réhabilités
• 95 millions d’euros de fonds publics et privés
40 RueMontfaucon Place CamillePelletan Jardin Bouquière Hangar Beaufleury Friche Brémontier Garage desHalles Jardin duNoviciat Imprimerie Îlot Lentillac Chapelle desSpiritains Direction Saint-Médard Saint-Aubin Place Sainte Colombe Place Fernand Lafargue RuedelaRousselle RuedesPontets RueMaubec Rue des Menuts RuedesDouves JardindesRemparts Rue Leyteire Rue Kléber Cours de l’Yser RueFerbos Rue des Augustins Université Université Place Mabit Place St. Eulalie Place Pressensé Rue du Mirail RueTraversanne Rue du Hamel RueCamilleSauvageau RuedelaPortedelaMonaie RueduPort Rue du Noviciat RuedeTauzia Place André Meunier Place P.J. Dormoy Place St. Michel Place des Capucins RueBouquière Rue St. James Rue Buhan Rue Guienne RueTeulère CoursVictorHugo Rue St. Catherine Rue Ravez RuedesAyres Cours Pasteur École primaire Barbey Place de la Victoire desHalleDouves CoursdelaMarne Ruedes Faures Gymnase Victor Hugo Palais des Sports Santé Navale Toulouse 1h30 Espagne 2h00 Paris 2h00 ThéatredelaLucarne Foyer desmaternel Douves Jardin desFaures Bourse du travail Design www.studiodb.fr
Marne 2030 Une ambition vers la Garonne De nouvelles pratiques urbaines Habiter mieux Maitrise d’ouvrage Direction générale de l’aménagement de la Ville de Bordeaux Équipe AAPP Philippe PROST Friche & Cheap Les Pas Perdus Projet de transport en commun structurant Ligne à Grande Vitesse (LGV) Arrêts d’étude Ligne de Tramway Traversées réalisées Traversées à venir Espace public rénové Espace public rénové d’ici 2020 Trame douce École Espace vert Jardin partagé Point de vue en projet Lieu éphémère de création partagée Logements locatifs sociaux préexistants Logements sociaux produits dans le cadre du projet Équipement Public Site à potentiel
Fig. n° 5 - Plan Guide du projet urbain Bordeaux (Re)Centres - Crédit : Ville de Bordeaux
- Le Quartier Saint-Michel / Capucins autour des 2 grandes places que sont la place Meynard et celle du Marché des Capucins: « Recomposer un axe commerçant »
- Le Quartier Marne / Kléber / Yser, autour de la Rue Kléber : « Inventer la rue jardin »
- Le Quartier de l’Université : « Renforcer un pôle actif »
- Le Quartier Sainte-Eulalie / Pasteur, autour de la Place Sainte Eulalie, la place Mabit et la place de Préssensé : « Conforter un quartier habité »
- Le Quartier Saint-Paul / Victor Hugo autour du gymnase Victor Hugo et de la future réfaction de la Place de la Ferme de Richemont : « Favoriser le sport à tout les étages »
- Le Quartier Bastide / Benauge, sur la rive droite.
- Le Parcours Sainte Eulalie / Sainte Croix, future trame douce, qui relie tout les quartiers visés par le projet (Re)Centres, pour mettre en valeur leur particularité mais aussi la cohérence entre les divers opérations de ce projet d’aménagement du centre historique : « Créer un axe vert »
La particularité qui m’a interpellée et qui m’intéresse beaucoup dans le cadre de ce projet urbain d’envergure, « le plus grand du PNRQAD » 64, est l’importance annoncée de la participation citoyenne. Au sein d’un ensemble vaste d’acteurs, le citoyen y trouve sa place, et se place même en pierre angulaire dans les objectifs annoncés, le projet ayant pour ambition « de répondre aux nouvelles aspirations citoyennes d’échange et de partage exprimée par de plus en plus d’urbains, en s’appuyant sur les initiatives des habitants et en développant des projets participatifs. » 65
Tout les acteurs du projets, de l’échelle de l’habitant à celle de la Métropole et donc l’État se réunissent autour de collaborations et de vaste concertations. Ces acteurs sont les suivants :
Porteurs du projets :
- La Métropole Bordelaise comme commanditaire, qui porte le projet en partenariat avec l’État, qui, ce dernier, co-fnance les actions du projet
- L’A.N.R.U comme institution co-fnançant l’opération 66
Prestataires du projets :
- Les agences d’architecture et d’urbanisme ANM/A, AAPP ( de 2013 à 2016 ) et Flint ( de 2016 à maintenant ) pour la stratégie, les concepts et la réfexion urbaine et architecturale.
- Friche and Cheap, collectif de paysagistes, associé à l’AAPP et ANM/A sur la réfexion sur l’aménagement.
- Le collectif d’artistes Les Pas Perdus
- Les citoyens, au travers des ateliers de projets, des concertations publiques et des évènements participatifs.
La volonté fondatrice du projet et son ambition est « de tirer un maximum parti de l’existant, de manière à renforcer l’identité de chacun des quartiers visés » 67 . Agir localement en confortant les identités de chaque quartier, en créant une traversée entre ces derniers, pour avoir un impact global sur le centre-ville bordelais. Le projet a débuté grâce à des études anthropologiques pour
64 Propos de N. Michelin dans la Présentation du projet urbain Bordeaux (Re)centres, 2011, www.bordeaux.fr
65 Propos issus de la vidéo de promotion du projet, produite par Vianney Production sur demande de la ville.
66 A.N.R.U : Agence Nationale pour la Rénovation Urbaine
67 Propos issus de la vidéo de promotion du projet, produite par Vianney Production sur demande de la ville.
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s’appuyer sur le savoir des habitants, leur maitrise d’usages. Cette volonté de s’appuyer sur l’étude du terrain par le biais direct de ses habitants et une démarche novatrice dans un projet urbain tel. Ce travail d’entretiens avec les populations locales à fait émerger les « cartes sensibles du centre » représentant les perceptions de la population vis à vis des quartiers bordelais : «La Ville Belle», «La Ville Froide», «Les Frontières» et «La Ville Incertaine».
« L’ambition est d’intervenir sur les tissus urbains constitués, sur l’habitat, et améliorer la qualité de l’habitat dans le centre de Bordeaux. Mais aussi de dynamiser et ré-aménager l’espace publics, en révélant notamment des parcours peu mis en valeur aujourd’hui. Il s’agit également de permettre à l’architecture contemporaine de trouver sa place dans le cœur historique de la ville de Bordeaux Les aménagements doivent être réalisés avec une cohérence entre eux, et une qualité de réalisation, que ce soit dans la ré-habilitation de bâtiments plus anciens ou la construction de nouveaux édifces. Dans les ateliers, l’idée est de réunir tout les acteurs et tout les projets en cours, afn de les guider sur tel ou tel, afn de conserver une cohérence dans la réalisation de ce projet, et de manière plus générale, dans le centre historique de la métropole bordelaise » 68
Consécutivement à ces études et à leur transcription aux travers de ces cartes sensibles, se sont développer les enjeux du projet. Le premier enjeux de cette logique de plan directeur fut celui de la sélection : Sélectionner les espaces publics à requalifer en fonction de critères urbains, afn d’éviter la logique de coup par coup, mais créer des continuité urbaines. Ces dernières visant à révéler des parcours urbains peu mis en valeur et peu utilisé à l’heure actuelle. Un exemple peut s’observer avec le cas de la diagonale Sainte Croix/Dormoy. En efet cette dernière doit parvenir à une continuité cohérente d’espaces publics ou les cheminements doux sont mis en valeur, avec la mise en place d’une sente piétonne partant de la place Dormoy et passant par l’îlot de la Santé Navale, la place André Meunier, la Place Renaudel et la rue d’Walles, pour enfn déboucher sur le Quai Sainte-Croix. De la même manière, la trame douce allant de Sainte Eulalie à Sainte-Croix est censée lier les diférents axes de projets, en leur amenant une continuité. Cette trame douce fût l’objet de plusieurs réalisations, notamment en 2018 de 3 réalisations diférentes, alors qu’une seule devait être choisie à l’issu d’un appel d’ofres 69. Elles furent réalisées par le collectif CANCAN, Virginie Barbieri, Laura Perron et Florence Fleury et enfn par le collectif Monts & Merveilles. Ceci dans le but de mettre en valeur cette trame douce, et d’y initier des usages autres que ceux d’une simple traverser. Comme nous l’a confé Emilie Kuziew lors de notre entretien : « La trame douce ce n’est pas forcément qu’une piste cyclable, il doit y avoir des usages, des rencontres, de la convivialité »
Le second enjeux du projet est de proposer des «opérations complexes» 70. C’est à dire des opérations mêlant habitat, équipement et espace public, ceci dans le soucis de créer des quartiers habités, support d’une vrai vie de proximité. Pour venir illustrer cet enjeu, on peut évoquer le cas du Jardin des Remparts. Ce dernier a fait l’objet d’aménagements temporaire, mais le but fnal est de proposer un projet plus global. Une re-localisation de l’école attenante, une ouverture plus importante de l’îlot sur l’espace public, et l’injection de logements. Enfn, la crèche des douves va faire l’objet elle aussi d’une réhabilitation. Concernant les logements, Incité à la mission, au travers des projets
68 Propos issu d’une interview d’P.Prost, architecte chez AAPP, agence mendatée pour l’AMO, lors de la biennale AGORA.
69 Ceci m’a été confé par Emilie Kuziew. A l’origine un seul projet devait être sélectionné, mais la complémentarité des 3 propositions a amené la ville à requestionner sa demande, pour au fnal réaliser les 3 propositions fnalistes.
70 Propos issus de la vidéo de promotion du projet, produite par Vianney Production sur demande de la ville.
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Fig. n° 6 - Photographie du fl rouge pendant sa réalisation, ici place Pierre Renaudel - Crédit : Collectif CANCAN
s’établissant sur le périmètre du plan guide de (Re)Centres, de rénover 900 logements. 300 logements sociaux et 600 logements à loyers plafonnés. Les îlots Nérigean-Sauvageau et Carpenteyre en sont l’exemple.
Et pour fnir, le 3ème et dernier enjeux, qui vient donner le caractère participatif et citoyen au processus de ce projet urbain est celui de proposer un projet qui suivent l’évolution des aspirations citoyenne manifestées dans le cadre des études préliminaires. Celles-ci qui montrent une envie d’aller vers plus d’échange et de partage entre les habitants. Mettre le citoyen au cœur de la démarche, s’appuyer sur les initiatives des habitants et lancer des projets participatifs. Afn de s’assurer que cette aspiration du projet à la dynamisation de la vie des quartiers ne soit pas factice On peut citer comme exemples tout d’abord le Marché des Douves. Ce dernier a été re-qualifé en maison des associations, avec une salle de représentation à l’étage, dans l’objectif de désenclaver ce lieu iconique de la ville, et de l’ouvrir au plus grand nombre afn qu’ils contribuent à la vie de quartier. Mais on peut également évoqué Le projet du Jardin Partagé des Faures suit cette logique, pour proposer aux gens de participer à son entretien dans un îlot habité, afn de pousser les gens à la rencontre, en sortant quelque peu de leur zone de conforts en ouvrant leur îlot à l’espace public et aux habitants de la ville. De la même manière, de vifs avis de riverains déclaraient un abandon de la pratique de l’espace publique sur la rue Kléber. Cela a débouché sur un projet qui fait évoluer les usages, et change collectivement le rapport de la population à cet espace public. Aujourd’hui, cette rue jardin est très appréciée de ses riverains, et un entretien partagé y est pratiqué par ces derniers, en complément de celui assuré par les services de la ville.
Cette notion de collaboration participative est présente dans la gouvernance du projet (Re) centres. Comme pour les nouveaux quartiers, le projet est animé dans le cadre d’un atelier mensuel entre tout les partenaires public et privé concernés. Le projet est aussi alimenté par des concertations en table ronde, d’autres sous forme de réunions publique, et des évènements participatifs mis en place pour sensibiliser les habitants aux changements dans leurs quartiers, et les y associer. Un appel à candidatures pour les habitants avait d’ailleurs été lancé pour les habitants volontaires . Cet engagement collectif se traduit notamment par la Charte Locale D’Insertion. Suivant cette charte, les bailleurs sociaux s’engagent à embaucher des personnes en insertions sociale sur les chantiers dans le périmètre de (Re)centres, afn de ré-insérer socialement ces personnes à leur quartiers. Le projet (Re)centres se veut être plus qu’un projet d’aménagement, mais un projet social et durable, mettant l’habitant au cœur de la démarche.
Reste à confronter désormais la théorie du projet, ce qui est avancé dans sa communication, avec la vérité du terrain. Le but étant de savoir si le projet Bordeaux (Re)Centres, par l’élaboration de son plan guide et les projets qui en ont découlé, a vraiment favorisé l’essor de démarches participative «bottom-up», ou si nous sommes plutôt face à une participation citoyenne ayant un simple objectif d’instrumentalisation. Pour ce faire, nous allons étudier en profondeur un secteur précis du plan guide.
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2.2. La Diagonale Dormoy / Ste-Croix : Manifeste de l’attitude (Re)Centres
Afn de rentrer plus en profondeur dans l’analyse de ce vaste projet urbain qu’est celui du PNRQAD, nous allons donc nous centrer sur un secteur du plan guide de (Re)Centres. Ce secteur sera celui de la diagonale reliant la place Pierre Jacques Dormoy au quai Sainte-Croix. Pourquoi ? Car il est un manifeste de l’attitude (Re)Centres, du fait qu’il concentre en son sein les 3 enjeux annoncés du projets, des espaces publics importants, ainsi que des marques fortes du patrimoine historique bordelais. Notamment l’îlot de la Santé Navale, où prenait place l’ancienne École du service de santé des armées de Bordeaux ainsi que l’ancienne faculté de Zoologie. Ou bien encore la place Renaudel, où se situe le TNBA 71, et surtout avec l’abbatiale Sainte-Croix, classée au titre de monument historique bordelais depuis 1840. La volonté sur ce secteur est donc de l’ouvrir vers le quai, en créant une nouvelle traversée douce. Une continuité d’espaces publics et de quartiers aux identités marquées : La diagonale Dormoy / Sainte-Croix.
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71 Téâtre National de Bordeaux en Aquitaine
Fig. n° 7 - Illustration de la Diagonale allant de la Place Dormoy au Quai Sainte-Croix, secteur pointé par le plan guide de Bordeaux (Re)Centres - Crédit : site Bordeaux2030.fr
Ce secteur relie donc 4 espaces publics entre eux, en passant par l’îlot Santé Navale. Ceci aura pour conséquence de créer un 5ème espace public : un petit square en face de l’auberge de jeunesse Barbey lié aux places Dormoy et André Meunier par l’intermédiaire d’une nouvelle sente piétonne passant au cœur de l’îlot. Mais avant d’évoquer les projets de ré-aménagements des espaces publics, et surtout la manière avec laquelle ils ont été conduits, nous allons d’abord nous intéresser aux autres projets du secteur. Cela afn d’étudier cet enjeux « d’opérations complexes » évoqué précédemment. Il est à noter tout d’abord, que tout les projets s’établissant sur ce secteur et dont nous allons parler, à l’exception d’une partie de santé navale, s’ancre dans le cadre du Pacte de Cohésion Sociale et Territoriale de Bordeaux 72, dont nous parlerons un peu plus tard.
Au niveau des équipements tout d’abord, plusieurs projets sont mis en œuvre, certains ayant déjà été livré, et d’autres étant en cours. Par exemple, la Rock School Barbey, salle de concert emblématique de la ville est au cœur d’un projet de rénovation et d’extension. L’idée du projet est décrite par son directeur Eric Roux comme amenant « un concept de lieu de vie complet » 73, qui profte à tout les visiteurs du lieu, mais aussi au personnel de l’association P.A.D 74 y travaillant, ainsi qu’aux jeunes artistes locaux s’y trouvant en résidence, ou qui viennent profter des studios de répétitions et d’enregistrement.
Mais c’est surtout sur l’îlot de la Santé Navale que se sont concentrés jusqu’à maintenant beaucoup de projets. Îlot propriété de BMA ( Bordeaux Métropole Aménagement ) depuis 2012 et le départ de l’école de la santé militaire. Tout d’abord, toujours en termes d’équipement, fût construite l’école élémentaire Barbey,à côté de l’école maternelle du même nom qui elle fût inaugurée en 2010. Ceci afn de pouvoir mutualiser certaines installations et faciliter la vie des parents, en mettant ces 2 pôles scolaires à côté l’un de l’autre. Ensuite furent crées un gymnase, desservant le lycée Gustave Eifel et le lycée des Menuts, un auditorium, ainsi qu’une crèche. Mais également deux ensembles hôteliers 3* et 4*, dont le dernier s’établira dans les bâtiments de l’ancien institut de zoologie, bâtiment à la plus forte marque patrimoniale de l’îlot, donnant sur le cours de la Marne et la place André Meunier. Ce dernier fut cédé à Promobat par BMA, qui devait à l’origine y faire 25 logements haut de gamme. Mais fnalement c’est bien le projet d’un hôtel de luxe qui sera retenu. On compte également en face de l’institut, un espace de co-working. Ces derniers aménagements sortent du cadre du Pacte de Cohésion Sociale et Territoriale, étant la volonté propre de BMA.
Toutefois, l’îlot a « vocation principale de logements » 75. En ce sens plusieurs bâtiments neufs furent érigés pour répondre à cette vocation, et un bâtiment ancien, rue Ferbos, fût quand à lui rénové. Ce dernier abrite près de 180 logements. 115 en résidence sociale pour étudiants, et 64 qui constitue un foyer de jeunes travailleurs. Sa gestion est efectuée par « Jeunesse Habitat Solidaire » qui est locataire du bâtiment auprès de BMA. Le logement qui reste est lui neuf. On trouve une résidence étudiante de 54 logements, de la même frme que l’hôtel 3* installé non loin. Puis une résidence de 108 logements, dont les prix ( de 4500€/m2 à 5000€/m2 à l’achat ) sont au dessus de la moyenne des logements à Bordeaux 76. Mais dans les faits il est difcile de savoir le nombre exact de logements
72 Le Pacte de Cohésion Sociale et Territoriale est un projet mis en place en 2014 par la ville, ayant pour objectif celui d’un diagnostic permanent obtenu grâce à la concertation notamment.
73 Citation issue d’un entretien d’Eric Roux dans le magazine Junkpage, mai 2018
74 Parallèle Attitude Difusion est l’association à qui l’on doit la création de la Rock School Barbey en 1988.
75 Présentation du projet sur le site de BMA - http://www.b-m-a.fr/nos-projets/sante-navale/
76 Donnée issu du magazine La Tribune Bordeaux - https://objectifaquitaine.latribune.fr/business/immobilier/2018-11-05/bordeauxpourquoi-la-fambee-des-prix-de-l-immobilier-ne-pouvait-plus-durer-1-11-796324.html
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neufs présent, étant donné que les chifres annoncés par BMA, par Pichet, qui fût en charge de la réalisation, et sur le site internet de la résidence 77 , sont divergents. Également divergents, la proportion de logements locatifs sociaux, de 25% sur le site internet de BMA, et de 35% d’après les propos d’Emilie Kuziew lors de notre entretien. Toujours est-il que ces bâtiments neufs dénotent un peu avec l’ensemble des opérations menés en suivant la prescription de (Re)Centres. Alors que le site de Santé Navale fût pointé par Nicolas Michelin 78 comme l’une des « pépites » du secteur. Une pépite qui a peut être eu moins de chance que les autres.
Cet îlot fût pour moi source de questionnement, étant donné que par ses logements neufs au dessus des prix du marché, il favorisait la spéculation foncière et donc l’augmentation des prix dans ce secteur du centre historique de Bordeaux, dit de « la ville de pierre ». D’ailleurs, l’année de sa livraison, soit en 2017, on observait une nette hausse des prix de l’immobilier dans le centre historique de la ville 79, allant de 10 à 15%. Néanmoins cette augmentation s’est arrêtée et les prix se sont stabilisés depuis. En ce sens j’ai interrogé la maire adjointe de quartier Bordeaux Sud lors de notre entretien, afn d’apporter un peu de lumière sur ce sujet. Dans un but de «mixité social» et «d’équilibre», elle me justifa cette opération dans le but d’élargir l’ofre de logements, composés majoritairement de «foyers isolés», afn de pouvoir accueillir des familles entières. Puis elle me confa aussi que c’était dans une visée de ne pas fragiliser plus un quartier où se trouvait beaucoup de logements sociaux.
« C’est à dire que l’opération de Santé Navale, c’était de partir du diagnostic à côté, parce que l’objectif c’est la mixité sociale, c’est cet équilibre, d’éviter justement la gentrifcation ou autre. Aujourd’hui on a dans l’existant autour de ce secteur, un taux de logements sociaux et très sociaux important. Donc il a été fait le choix de ne pas venir plus encore fragiliser ce quartier en ramenant des populations en difculté, mais plutôt de ramener des foyers plus aisées.» 80
En me disant aussi que « Aujourd’hui Dormoy et Santé-Navale, on est dans la limite du PNRQAD. C’est à dire qu’on parle de (Re)Centres mais au fnal on y est pas ». Alors qu’au contraire ces zones font bel et bien partie du plan guide de Bordeaux (Re)Centres. Cette explication un peu hasardeuse peut peut-être s’expliquer aussi par le fait que l’îlot appartient à un privé. BMA en l’occurrence, qui en a cédé qui plus est des parties à Pichet et Promobat. Ceci limitant de ce fait l’incidence possible de la ville sur un foncier ne lui appartenant pas. Ainsi, la sente piétonne ayant été mise en place, élément clef pour la bonne tenue du plan guide sur la diagonale Dormoy/Sainte-Croix, un consensus a peut-être était trouvé dans les concertations en interne. Concertations qui, elles, n’ont invité aucun citoyen. Ce consensus pouvant peut être poussé les politiques publiques à vanté ce caractère de complémentarité qu’à l’opération vis à vis des autres projets du secteur, plutôt que celui d’une discontinuité efective. D’autant plus qu’il colle avec les typologies de logements qui sont en train de feurir dans le cadre du projet Bordeaux Euratlantique.
77 http://www.urban-art-bordeaux.fr
78 Nicolas Michelin est l’architecte à la tête de l’agence ANM/A, qui fût l’agence d’AMO lors de l’élaboration du plan guide de Bordeaux (Re)Centres. C’est lui d’ailleurs qui, avec Alain Juppé, avait présenté le projet aux élus et à la ville.
79 La Tribune Bordeaux - https://objectifaquitaine.latribune.fr/business/immobilier/2018-11-05/bordeaux-pourquoi-la-fambee-desprix-de-l-immobilier-ne-pouvait-plus-durer-1-11-796324.html
80 Propos issus de mon entretien avec Emilie Kuziew, maire adjointe du quartier Bordeaux Sud.
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Fig. n° 8 - Photographie de la Résidence étudiante donnant rue Ferbos, et gérée par « Jeunesse Habitat Solidaire »
Fig. n° 9 - Photographie de l’hôtel 3* neuf faisant face au square et à la résidence étudiante Crédit photo : Maxime Bernous
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Fig. n° 10 - Photographie de la future sente piétonne douce traversant l’ilôt de la Santé Navale, actuellement en travaux
Fig. n° 11 - Photographie du nouvel espace public créé par l’aménagement de l’ilôt, sur lequel donne l’hôtel 3* et l’ensemble URBAN ART Crédit photo : Maxime Bernous