Le réemploi, une possibilité de construire autrement !

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Séminaire « Repenser la métropolisation » / Article – Semestre 7 / Nader Alnader

Le réemploi, une possibilité de construire autrement ! “Nous avons de nouveau battu des records de concentrations de dioxyde de carbone et nous avons franchi le seuil mondial de 400 parties par million en 2015. Et à peine quatre ans plus tard, nous avons franchi la barre des 410 ppm. Nos archives ne font mention d’aucune augmentation de la sorte” a déclaré le secrétaire général de l’Organisation météorologique mondiale (OMM), le professeur Petteri Taalas1. Selon l’OMM, l’année 2020 est considérée comme l’une des trois années plus chaudes jamais enregistrées et elle a rivalisé avec l’année 2016 pour la première place. La tendance à la hausse des concentrations de gaz à effets de serre s’est poursuivie et se poursuivra encore cette année. En 2005, le “World Ressource Institute” a annoncé que le secteur du bâtiments avait émis 16.5% de CO2 dans le monde dont 10.2% pour les bâtiments résidentiels et 6.3% pour les bâtiments commerciaux. La plupart des quantités de déchets industriels sont faites à cause de secteurs du bâtiment, des travaux publics et de l’industrie. Environ 40 millions de tonnes de déchets par an se font par le secteur de bâtiment et de construction2. Il est donc considéré en tant que secteur le plus polluant dans le monde. 1. Qu’est-ce que le réemploi ? Le réemploi est opération par laquelle, un matériau qui n’est pas un déchet peut être utilisé à nouveau pour son usage initial. Concrètement, le réemploi est le fait de donner une seconde vie aux objets ou à prolonger leur durée de vie utile. Il est défini dans la directive cadre sur les déchets de l’Union Européenne du 19 novembre 2008 qui a mis le réemploi au premier plan du traitement des déchets. La « prévention de la production de déchets » ainsi que la « préparation des déchets en vue de leur réutilisation » sont considérés préférables que le processus de combustion et d’enfouissement des déchets. Dans les années 1970, les premières législations relatives au réemploi et la réutilisation des matériaux ont été créées. Cela a coïncidé avec la création de ministères de l’environnement dans un certain nombre de pays développés. En Europe, la première loi définissant la notion de déchet a été votée en 1975 “Tout objet dont le détendeur cherche à s’en débarrasser“ Cependant, il ne faut pas confondre recyclage, réutilisation des matériaux et réemploi. Par exemple, le recyclage, c’est quand on prend une porte en bois, on la déchiquète et on la transforme en une autre chose. La réutilisation des matériaux, c’est quand on prend une porte, on la ramène sur un autre site avec deux tréteaux et ça devient une table. Le réemploi, c’est quand on prend une porte, on la ramène sur un autre site et ça redevient une porte.

Communiqué de presse, publié le 23 novembre 2020 par l’Organisation Météorologique Mondiale (OMM) Source : service de l’observation et des statistiques, enquête sur les déchets produit par l’activité de construction en France en 2008 1 2


Ces opérations ont toutes pour objectif d’éviter que le matériau ne devienne un déchet qui constitue une charge de plus sur l’environnement et également une charge supplémentaire pour reproduire une substance similaire. Le réemploi relève cependant d’une approche particulière.

2. Le remploi des matériaux n’est pas complètement nouveau Le réemploi existe depuis l’Antiquité. On utilisait les pierres d’un bâtiment pour en faire un autre ou bien quand on utilisait une colonne pour la mettre dans un autre bâtiment. Les Romains, les Grecs et les Égyptiens furent les premiers à commencer à réutiliser des matériaux. En particulier, ils réutilisaient certains éléments comme des colonnes, des motifs et des pièces métalliques, car il n’était pas facile à l’époque de les produire et de les façonner. Ces matériaux-là ont été repris et réutilisés dans d’autres constructions. Au fil du temps, à travers le Moyen Âge, avec toutes ses églises, ses cathédrales et ses châteaux. Les architectes, ingénieurs et ouvriers se sont servis de vieux bâtiments et de leurs composants, de leurs matériaux et de leurs éléments réutilisables, afin de concevoir et de construire des nouveaux bâtiments. Prenons comme exemple la cathédrale de Pise, qui a été construite au XIe siècle. Un nombre important de ses colonnes et de ses décorations appartiennent à un autre bâtiment qui a été construit des siècles avant. Pendant la deuxième moitié du XIXe siècle et le début du XXe siècle, le début de l’ère industrielle, les matériaux devenaient de plus en plus disponibles. Il n’était plus nécessaire de les réutiliser, car ceux derniers étaient productibles de manière relativement facile dans les pays développés et riches. Contrairement aux pays en développement ou les pays pauvres dans lesquels il était nécessaire d’économiser financièrement. L’intérêt du réemploi de certains matériaux paraissait donc évident. Actuellement, nous sommes devant une crise économique mondiale à cause de la pandémie de la Covid-19, mais aussi face à un grand danger sur le plan climatique. La prise de conscience des enjeux environnementaux semble s’opérer peu à peu dans les politiques gouvernementales. Le réemploi apparaît comme une forme de réponse à deux grands enjeux : économique et climatique. Julie Benoit (2016), architecte, précise que “nous sommes sur un acte technique, mais aussi philosophique et militant, car le réemploi, s’il est aujourd’hui théorisé et jugé indispensable au regard de l’urgence climatique, est né de la culture populaire et conserve une logique solidaire”. Pour moins polluer, il est nécessaire d’agir ensemble et d’être solidaires entre plusieurs métiers.


Clara & Philippe Simay (2020) architectes et philosophes partagent la même idée de la nécessité d’avoir une forme de solidarité entre plusieurs métiers, de manière plus académique, plus encadrée et plus organisée : “Il faut réunir des enseignants-chercheurs au sein de laboratoires et d’ateliers”. Ils insistent sur l’importance de tirer les leçons de ce qui existe. Ils invitent également à travailler pour réparer, préserver et conserver toutes les formes de vie sur la planète :“inspirons-nous des expériences passées”. Ils voient une source d’inspiration dans la révolution de l’école du Bauhaus au lendemain de la première Guerre mondiale, dans l’Allemagne défaite et le fait de créer des ateliers dans différents domaines comme des ateliers de menuiserie, métallurgie, etc... 3. Les règles du réémploi et les raisons de son application Noé Basch, co-fondateur de Möbius et Lab Ingénierie, une agence spécialisée dans le réemploi dans la construction, explique que le fait de prendre les ouvrant des menuiseries vaut le coup parce que ça ne coute rien de les enlever et de les stocker. En revanche d’autres opérations sont moins rentables comme démonter un luminaire proprement et le filmer puis le stocker revient beaucoup plus cher que son prix neuf. Selon lui, il y certaines démarches à suivre pour réussir cette opération comme le fait de commencer par trouver une bonne source pour déposer le bon objet, sous certaines conditions. Puis, préparer l’objet pour sa nouvelle vie dans un nouveau projet et à la fin, c’est bien également d’avoir l’assurance qu’il restera efficace. Il y a donc certaines règles à suivre pour la déconstruction d’un bâtiment et la possibilité d’appliquer le réemploi précise Noé Basch : “Il faut bien vérifier que ce matériau correspond le plus possible aux normes, il faut également et toujours avoir une assurance, parce que les matériaux du réemploi, peut-être fonctionnent à 100% mais surement pas comme les neufs” Dans un article d’ArtiConnex, le « magazine du réemploi pour les artisans du bâtiment », 3 bonnes raisons de se mettre au réemploi sont citées : réaliser des économies, limiter les déchets et favoriser l’emploi local : “Le réemploi permet d’inscrire le matériau dans une économie circulaire qui profitera avant tout aux entreprises locales. Il peut amener à créer de nouveaux emplois (déconstructeur, valoriste, etc.). Les matériaux ainsi déposés et récupérés sur chantier sont généralement stockés localement puis revendus là encore à des clients ou artisans locaux“3. Le réemploi des matériaux n’est pas seulement une nécessité pour préserver l’environnement et réduire les déchets, c’est également un besoin pour restaurer et de préserver les bâtiments et les vieux quartiers sans changer leurs caractéristiques et leur architecture. Le concept de réemploi des matériaux reste peu développé. Nous restons influencés profondément par les traditions de fabrication et par la construction traditionnelle malgré la volonté de certains gouvernements de passer à des méthodes de construction plus avancées et plus respectueuses de l’environnement. 3

Voir : https://magazine.articonnex.com/1001-reemploi-de-materiaux-3-bonnes-raisons-de-sy-mettre.html


Le réemploi nous aide à construire un environnement de travail et à mettre en lumière l’idée d’utiliser des matériaux locaux et les savoir-faire des travailleurs locaux. Il sert la communauté locale en termes de création d’emplois et conduit au développement de la région en termes de tourisme et d’architecture, tout en préservant l’identité archéologique d’un bâtiment, d’un monument ou bien d’un quartier entier. Je trouve que cette opération de restaurer un lieu à partir de lui-même, à partir de ses éléments, garde le côté symbolique et sensible d’un lieu. L’exemple mentionné au milieu de l’article qui illustre le cas de la cathédrale de la Pise en Italie, me fait penser au quartier historique de “Bab Touma” (Saint-Thomas) qui se trouve à Damas en Syrie, inscrit sur la liste de patrimoine mondiale de l’Unesco. Au fil du temps et sur plusieurs époques, des maisons de ce quartier ont été restaurer à partir de leurs matériaux de base ou en ajoutant des nouveaux. Une étude approfondie pourra être appliquée au quartier en analysant ces maisons - sur toutes les époques passées - afin de bien connaître les composants de ce quartier. Le fait d’analyser les objets et les matériaux trouvés sur place éclairera la possibilité de restaurer ce quartier tout en sauvegardant sa valeur historique et architecturale, sans changer son identité qui est un symbole important dans la civilisation syrienne et dans la mémoire des damascènes.


Bibliographie

Basch Noé, 2018. « Le réemploi et le recyclage des matériaux dans la ville », Séminaire ‘Maîtriser les flux de matières et d’énergie’, Institut de la transition environnementale Sorbonne Université, 11 octobre 2018. Benoît Julie, 2015. « Expert en réemploi, une nouvelle mission pour les architectes », AMC, numéro de décembre 2015. URL : https://www.amc-archi.com/article/experten-reemploi-une-nouvelle-mission-pour-les-architectes-par-julie-benoit-associationbellastock,3927 Benoît Julie, 2016 « Le réemploi dans la construction. Nous ne pouvons plus construire comme avant et c’est une bonne nouvelle », Pierre d’angle, le magazine de l’anabf, numéro de décembre 2016. URL: https://anabf.org/pierredangle/dossiers/le-climatchange-quid-de-l-architecture/le-reemploi-dans-la-construction-nous-ne-pouvons-plusconstruire-comme-avant-et-cest-une-bonne-nouvelle?fbclid=IwAR0mQswHE0MZJuqB0YEdzgG96wHk5-KOB3NkbWfAgmeFX2shYJ4maPNsW8 Simay Clara & Philippe, 2020. « L’école du réemploi : pour un Green New Deal de la construction », Métropolitiques. URL : https://www.metropolitiques.eu/L-ecole-dureemploi-pour-un-Green-New-Deal-de-la-construction.html


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