La durabilité, un concept culturellement situé

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Céleste Kottmann Séminaire S7 E7-2-2 La durabilité, un concept culturellement situé En février 2020, une nouvelle feuille de route pour construire une ville durable est annoncée par Julien Denormandie, ministre de la ville et du logement. Malgré la tentative des politiques des cadrer cette notion, la multiplicité des termes équivalents montrent bien l’instabilité du concept. Ville durable. Ville en transition. Ville résilience. Eco-cité. Ville post-carbone. Une multitude de termes et de concepts s’entremêlent de nos jours sur la scène urbaine et politique. Malgré le fait que ces notions sont décrites comme le futur des projets architecturaux et de nos villes, le flou définitionnel qui les entourent semble justifier leur remise en question. Nous allons donc dans un premier temps tenter d’atténuer le flou définitionnel autour du terme de ville durable puis montrer la nécessité de cadrer ce concept de manière internationale et enfin illustrer cette approche dans un exemple culturellement situé avec le cas du quartier de Christinia à Copenhague. Un flou définitionnel autour du terme de ville durable La ville durable semble s’apparenter à un aménagement urbain visant à améliorer la qualité de vie et à réduire les émissions à effets de serre. Le fils rouge de ce concept semble donc être l’idée de préserver les ressources, les paysages, et les territoires. Elle représente ainsi un projet environnemental, économique et urbain en y ajoutant la participation citoyenne. On y retrouve également une dimension politique non négligeable. En effet, l’idée de gouvernance locale fait partie des enjeux de la ville durable. Cela implique donc que l’échelle de réalisation a une forte importance (par exemple le quartier est donc souvent représenté comme une échelle pertinente). La dimension sociale semble alors liée à l’aspect politique (Nicole Mathieu, Yves Guermond, 2005) : la prise de parole, les relations, les débats sont plus accessibles à une échelle restreinte L’échelle locale et le milieu urbain sont donc apparus comme particulièrement propices à sa mise en oeuvre. De plus, la popularité du concept de ville durable peut s’expliquer par le flou définitionnel autour de cette notion. En effet, les limites de ce concept n’étant pas clairement définies, sa définition peut alors devenir subjective. Son utilisation dans des situations très différentes est alors plus facilement justifiable pour les usagers. La ville durable, un projet plutôt qu’une théorie La définition de ville durable est difficile à délimiter car elle constitue plutôt un projet qu’une théorie (Frédéric Héran, 2015). « Les modèles urbains qui s’inscrivent dans le mouvement de la ville durable ne révèlent pas de l’utopie mais poursuivent des objectifs réalistes » Frédéric Heran, 2015. La ville durable serait donc un projet concret découlant de problématiques actuelles et adapté à l’échelle et au contexte. Elle se trouverait donc dans le registre du réalisme (projet concret) et non dans celui du théorique. Il existe plusieurs sortes de projets s’inscrivant dans la logique de ville durable. A une échelle régionale, la Gironde accueille des projets de différentes natures s’inscrivant dans cette dynamique. On peut ainsi citer, un éco-camping en Charente, le lancement d’un festival de musique axé sur la valorisation de la biodiversité (Alimenterre), des éco-hameaux comme par exemple Potabilis à Saint Magne, des éco village ou encore des éco- quartier, un des projets les plus répandu notamment dans les milieux urbain. A Bordeaux on trouve par exemple l’éco quartier de Ginko ou Darwin qui se définit plus comme un lieu alternatif qui acte dans l’idée de transition écologique dans la tissu urbain.


A une échelle locale et à proximité de Bordeaux on trouve également des éco-lieu dans les Landes. Un éco-lieu est un projet qui met des notions écologiques et sociales en avant. Le but étant d’atteindre l’autosuffisance à l’aide de trois axes : un modèle économique alternatif, une place prépondérante accordée à l'écologie et une vie communautaire active. L’idée étant que le projet qui accueille une « micro-société » s’inscrive dans un respect des écosystèmes et de son environnement. Ainsi, la permaculture, la construction écologique, le jardinage collectif, le recours à l’énergie renouvelable, l’autonomie énergétique, l’agriculture auto-suffisante sont des concepts clés de ce genre de projet. Malgré tout, aucun éco-lieu ne fonctionne tout à fait de la même manière. Certains ont une vocations politique plus forte alors que d’autres s’attachent surtout à la qualité de vie. Dans un contexte plus urbain, l’idée de ville post-carbone présente les mêmes préoccupations. Avec la perspective d’un transition vers des villes « post-carbone » (Jacques Theys, 2011), la question énergétique et climatique semble être au cœur de la notion de société post-carbone. Les villes et les territoires sont des leviers importants dans cette idée de transition. En effet, les villes, et plus particulièrement en France sont très dépendantes des énergies fossiles. La question de l’adaptation au changement climatique est également centrale. Au travers de ce concept de ville post-carbone, la place et l’impact des milieux urbains est centrale. Les villes semblent donc prédominantes dans la réussite de cette transition. L’idée de ville résiliente dans la continuité des autres notions, réinterroge la façon de penser le système urbains et ses perturbations (Marie Toubin, Serge Lhomme, Youssef Diab, Damien Serre et Richard Laganier, 2012). Le système urbain devrait donc nécessairement s’adapter aux perturbations potentielles tout en y intégrant la complexité de la ville. Enfin, la « ville en transition » répond elle aussi aux contraintes environnementales actuelles. L’idée de « transition » semble prendre le relais du « développement durable » comme l’expliques Adrien Krauz dans son article « Les villes en transition, l’ambition d’une alternative urbaine », 2014. L’idée de transition semble centrale et on l’a retrouve dans de nombreux autres concepts (transition énergétique, transition post carbone, sustainability écologique, transition citoyenne, villes et territoires en transition). Il s’agirait donc d’un module de développement prenant en compte les dimensions écologiques, sociales et économiques ainsi que la gestion des ressources. Le mot « transition » traduit donc une idée de changement des espaces et de leurs aménagements. L’abondance de tous ces autres termes montre que sous la notion de ville durable on retrouve une multitude de ramifications de projet s’inscrivant tous dans une idée de renouveau urbain. La singularité de chaque projet du fait des particularités du contexte local, les différentes interprétations appuis cette idée de flou définitionnel. Cette avalanche de définitions et de projets peut également dissimuler un aspect politique majeur. Le concept de ville durable est un terme porteur fortement utilisé en politique. A trop être mobilisé, la notion de ville durable, un terme utilisé à profusion depuis deux décennies, sonne parfois plus comme un argument politique dénué de sens que comme une réelle conviction de transition. Dès lors, la ville durable ne tendrait donc pas à devenir un élément de marketing territorial bien ficelé ? Le marketing territorial pouvant être défini selon Florence Beurre Edragas et Jean-Benoît Bouront comme « la manière dont les pouvoirs publics utilisent les techniques de la publicité et de la communication pour promouvoir un territoire ». Une définition de la durabilité culturellement situé Ce concept n’est pas que présent en France mais s’étend à l’internationale. Les pays scandinaves dans leur ensemble semblent être les pionniers concernant le développement durable et en outil de soft power (terme développé par le professeur américain Joseph Nye). De Copenhague, à Reykjavik en passant par Helsinki, les villes d’Europe du Nord sont régulièrement mises en avant à ce niveau.


La Norvège est tout particulièrement concerné par ce constat : l’ancienne première ministre norvégienne, Gro Harlem Brundtland a vu son nom étroitement lié à la mise en place et à l’émergence du concept de « développement durable » en 1987. On peut également cité la ville danoise d’Aalborg donnant son nom en 1994 à la charte pour un urbanisme durable ou encore le fait que Stockholm soit la première ville à recevoir le label « Capitale verte de l’Europe » décerné par la Commission européenne; ce sont autant d’éléments qui confortent l’idée que les villes nordiques sont perçues comme des modèles de durabilité urbaine. La manière dont le terme de développement durable est perçu semble nationalement et culturellement situé dans les différents pays européens. (Hartmut Marhold, Michael Meidet, Xavier Lallemand, 2009). Le quartier de Christiania, un concept à part entière dans une ville du nord de l’Europe La ville de Copenhague et plus précisément le quartier de Christiania semble être un exemple plutôt parlant. Il s’agit d’un quartier autogéré situé au cœur de Copenhague qui présente une approche culturellement située de la question de la ville durable. Ce quartier est l’une des rares communautés historiquement toujours en activité au nord de l’Europe. La communauté de Christiania se situe dans le quartier de Christianshavn et s’étend sur 34 hectares au centre-ville, elle compte aujourd’hui près de mille habitants, dont 200 enfants. « L’objectif de Christiania est de créer une société autogérée dans laquelle chaque individu se sent responsable du bien-être de la communauté entière. Notre société doit être économiquement autonome et nous ne devons jamais dévier de notre conviction que la misère physique et psychologique peut être évitée. » Jacob Ludvigsen, 1971 Les logements de ce quartier semblent hétérogènes. En effet d’un côté les bâtiments militaires du 18e et 19e siècles ont été rénovés et transformés en logements collectifs et de l’autre on trouve des constructions sauvages, des maisons construites avec des matériaux de récupération. Christiania semble être un véritable havre de paix en plein centre-ville avec un lac et une forêt. On y trouve une organisation semblable à une ville : des petits commerces, un jardin d’enfants, un centre de santé, des bains-douches, un sauna, des ateliers d’artistes, une fabrique de vélos, une imprimerie, une radio libre, un cinéma, des bars, un espace de troc et échange. De plus, la communauté ne bénéficie d’aucun service de l’État (ni eau ni électricité). Le quartier de Christiania s’apparente donc à la mise en place d’une micro société dont la hiérarchisation et l’organisation est propre à ce lieu. En effet, cette communauté regroupe tous les éléments politiques, sociales, économiques et culturels d’une société. Le fonctionnement politicosocial est donc adapté au lieu et à l’échelle d’action. Les exemples exprimant ce concept ne relèvent que de projet ponctuels et locaux, il serait donc important de relever l’importance de l’échelle d’action et de se demander si les mêmes questionnements sont valables à une échelle micro et macro. On peut donc observer que même dans les villes danoises ou suédoises pionnières des ces concepts depuis des décennies, l’idée de ville de durable ainsi que de tout autre concept gravitant autour de cette idée de renouveau urbain est un modèle qui pose continuellement les questions de reproductibilité, de l’importance du contexte et de l’échelle. Il semble donc légitime de se demander de quelle manière à l’aide d’un exemple précis et situé peut-on mettre en avant le fait que le concept, culturellement situé de durabilité se heurte à des dynamiques locales ? Étant actuellement en mobilité à Trondheim en Norvège et ce pour la totalité du S8, je souhaiterais que mon protocole de séminaire profite de cette expérience. L’idée serait de procéder à de


l’observation participative et d’analyser un cas précis. Après quelques recherches, l’agence d’architecture MDH Arkitekter qui ont réalisé les plus grands bâtiments en bois lamellé-croisé d’Europe semble investit dans la question de la durabilité environnementale comme l’indique plusieurs de leurs projets. Ces cinq toues implantées à Trondheim se trouve au sein d’une véritable cité université durable. Bibliographie • • • • • • • • • • • • • • • • •

Marc Méquignon et Jean-Pierre Mignot. 2015. « La ville durable, la norme et ses limites ». Nicole Mathieu, Yves Guermond. 2005. « La ville durable : un enjeu scientifique » , La ville durable, du politique au scientifique, p.11-29. Frédéric Héran. 2015. « La ville durable, nouveau modèle urbain ou changement de paradigme ? », Métropolitiques. Céline Galoffre. 2013. « La ville durable, une utopie ? ». Bertrand Cassaigne. 2009. « La ville durable », Revue projet 2009, n°313, p. 78-83 Etienne Vekemans, Patrice Cottet. 2014. « La ville durable : mythe ou réalité ? ». Chloé Tommasi et Anne-Lise Boyer. 2018. « Notion en débat. La ville durable », Géoconfluences. Qu’est-ce qu’une ville durable, géographie.ens Eric Vidalenc. 2017. « Repenser les villes dans la société post carbone ». Marie Toubin, Serge Lhomme, Youssef Diab, Damien Serre et Richard Laganier. 2012. « La Résilience urbaine : un nouveau concept opérationnel vecteur de durabilité urbaine ? », Développement durable et territoire, Vol.3, n°1. 2014. « Les villes en transition, l’ambition d’une alternative urbaine », Métropolotiques. Florence Beurre Edragas et Jean-Benoît Bouront. 2019. « Marketing territorial », notion en débat de Géoconfluences. Adrien Krauz. 2014. « Les villes en transition, l’ambition d’une alternative urbaine », Métropolitiques. Morten Birk Jørgensen, Nicolas Escach, Bilo Høegh Stigsen, Anja Kervanto Nevanlinna, Tor Lindstrand et Håkan Nilsson. 2019. « Les villes nordiques, une ingéniosité territoriale par nécessité », Perspective, 1, p. 69-96 Hartmut Marhold, Michael Meidet, Xavier Lallemand. 2009. « Les discours du développement durables dans les pays européens », L’Europe en Formation, n°352, P.3-21 Camille Girault. 2016. « Between naturalness and urbanity, how are protected areas integrated into cities? The case of Helsinki (Finland) », Article-revue de science humaines. Laurence Champalle. 2011. Christiania ou les enfants de l’utopie.


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