tabula_1/2004 Alimentation et beauté

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N o 1 / janvier 2004

TABULA REVUE DE L’ALIMENTATION–WWW.TABULA.CH

Alimentation et beauté SCHWEIZERISCHE VEREINIGUNG FÜR ERNÄHRUNG ASSOCIATION SUISSE POUR L’ALIMENTATION ASSOCIAZIONE SVIZZERA PER L’ALIMENTAZIONE


SOMMAIRE

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REPORTAGE Beauty food: place au beau manger ?

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SPECIAL Beauté sur ordonnance: les cosméceutiques arrivent

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CONSEILS Les conseils nutritionnels d’Esther Infanger

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ACTUALITE Pourquoi de nombreux enfants détestent les légumes

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A LA LOUPE L'huile d'olive

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LIVRES Lus pour vous

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ENTRE NOUS Informations aux membres de l’ASA

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MEMENTO Manifestations, formations continues

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Les tomates antirides

DIDACTIQUE Le sodium

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EDITORIAL

DESSIN Fausse excuse

PAGE DE COUVERTURE

RUSCH/LE CLICK

IMPRESSUM TABULA: Revue trimestrielle de l’Association suisse pour l’alimentation (ASA) Editeur: ASA, Effingerstrasse 2, 3001 Berne, tél. 031 385 00 00 Rédaction: Andreas Baumgartner E-mail: a.baumgartner@sve.org Internet: www.tabula.ch Comité de rédaction: Marianne Botta Diener, Gabriele Emmenegger, Gabriella Germann, Sylvia Schaer, Silvia Gardiol, Pr Paul Walter Conception: ASA/Andreas Baumgartner Impression: Stämpfli SA, Berne

«Qu'ont donc les tomates à faire avec les ridules du visage?» me suis-je demandée quand j'ai lu la composition des plus récentes pilules de beauté. Les dragées miracle rouges sang contiennent un extrait de tomates, de la vitamine C et du soja. La combinaison de ces éléments est censée traquer les radicaux, améliorer la structure de la peau et, dans la foulée, retarder son processus naturel de vieillissement. «AntiGabriella GermannPagano est pharmaaging», proclame l'étiquette à la face déjà cienne diplômée; elle a ridée de celles et de ceux qui tendent aussi terminé des études l'oreille. Mais la beauté par voie orale a post-grade de nutrition son prix; il faut y recourir très longtemps à l'EPFZ. Elle est avant de voir des résultats, en supposant membre de la commisqu'il y en ait, car les effets de ces pilules sion de rédaction de sont pour le moins controversés et difficiles TABULA. à prouver. Qu'importe, la demande est forte. Plus largement, dans la branche alimentaire, le commerce de la beauté fait un tabac. Des produits aussi différents que l'aloe vera, le petit lait ou le thé vert raflent la mise dès qu'ils arrivent sur le marché. Sans jeu de mot, la beauté de l'intérieure fait fort. Et ce qui rend service a son prix! Mais si on veut garder sa jeunesse, il faut faire davantage que d'avaler des bonbons de beauté, de manger des aliments censés la préserver et d'étaler de la crème sur ses joues. Si on s'expose aux terribles attaques des radicaux nés de la fumée, de l'alcool ou de la trop forte exposition aux rayons du soleil, les capsules les plus antioxydantes et les crèmes pour le visage les plus riches n'y pourront rien. Le fondement du bien-être passe par une alimentation équilibrée et saine, riche de légumes frais, de fruits et d'eau. A cela s'ajoute une bonne forme physique et mentale. Santé et attitude positive face à la vie dégagent, selon moi, la beauté naturelle. Avec ou sans rides.

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REPORTAGE

LINNEA LENKUS /STONE

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La beauté de l'intérieur Friedrich Bohlmann est spécialiste de la nutrition diplômé. Il travaille comme journaliste spécialisé et prodigue des conseils en la matière. Il écrit régulièrement pour TABULA.

La séduction et le rayonnement viennent aussi de ce que l'on mange. En d'autres termes, les aliments ne jouent pas un rôle négligeable quand la peau prend un teint blafard et sec ou, au contraire, une apparence rosée et tendre. Ce sont eux qui façonnent la peau, la maintiennent jeune et la protègent des agressions de l'extérieur. La «beauty food» seraitelle en passe de supplanter la «fast food» dans l'esprit d'une meilleure alimentation? Ce qui est bon pour la peau, en effet, ne peut pas faire de mal à la santé. PAR FRIEDRICH BOHLMANN

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l n’est pas interdit de gueletonner même si on veut rester beau. C’est la dernière nouvelle en date lancée par d’astucieux producteurs de denrées alimentaires et ils offrent d’étonnants résultats. La meilleure preuve vient d’Emmi et de son yaourt à l’aloé vera. Le no 1 du yaourt en Suisse promet la «beauté de l’intérieur» et, ce faisant, fait un énorme tabac, selon ses propres déclarations. Rien que dans notre pays, il a vendu huit millions de ces précieux gobelets. Cela dit, il est difficile de prouver qu’un yaourt crémeux additionné de 10% d’aloé vera en mirepoix soit un élixir de beauté. N’empêche, des essais menés sur des animaux ont montré que cette plante guérissait plus rapidement les dommages causés à la peau. Et cela avec une quantité suffisante pour un homme de 75 kilos présente dans un demi gobelet de yaourt à l’aloé vera! Un point est irréfutable: Emmi prouve ainsi que les aliments qui rendent beaux et, simultanément, ont bon goût sont parfaitement tendance. Au sein des «functional foods», les produits à effets secondaires cosmétiques affichent une croissance irrésistible. Ils servent à nourrir le corps, certes, mais les visionnaires de notre avenir comme David Bosshart, directeur de l’Institut Gottlieb Duttweiler, leur prédisent un succès assuré. La tendance, pourtant, n’est pas si nouvelle que ça. Aux XVIIIe et XIXe siècles, de riches Européens se retrouvaient déjà dans les douces collines d’Appenzell, à Interlaken et à Vevey pour suivre des cures de petit lait. A cette époque-là, déjà, il était bien sûr question de santé mais aussi de beauté à l’entretien de laquelle le petit lait frais du matin devait contribuer. En 1779, le médecin lausannois Auguste Tissot avait


élevé ce déchet de la production de fromage au rang de «suprême médicament», avec d’autres, il est vrai. Les études actuelles ne peuvent, cependant, confirmer que partiellement ces éloges. Un groupe de travail de la clinique dermatologique de l’Hôpital universitaire de Zurich reconnaît quand même «l’effet positif pour la couche protectrice acide de la peau» d’un bain de petit lait.

Cosmétiques de cuisine Même les grandes marques de cosmétiques s’emparent volontiers des denrées alimentaires ou de leurs composants. On trouve ainsi des agents du soja chez Vichy, des extraits d’abricot dans une crème de Kanebo, Clarins utilise tant le persil que la tomate ou l’endive, alors que biotherm s’attaque aux ridules à coup de levure. Alors, du moment que les grands fabricants de cosmétiques trouvent à la cuisine les ingrédients miracle dont ils ont besoin pour leurs crèmes, leurs onguents et leurs pommades, pourquoi ne pas carrément transformer ces facteurs de beauté en aliments d’une efficacité radicale pour atteindre les mêmes objectifs? Car, en toute logique, ce qui fait effet sur la peau par dehors devrait donner aussi un aspect soigné et juvénile par dedans, par l’intermédiaire de ce qu’on mange. En mai dernier, des spécialistes en pharmacie, en médecine et en nutrition ont fondé la Swiss Association for Nutricosmetics (SANC). Cette société professionnelle s’est fixée pour objectif la diffusion de tout ce qu’on sait sur les «nutricosmetics» et leur utilisation pratique. Son message: il existe dans les denrées alimentaires des substances nutritives qui ont un effet cosmétique. Aujourd’hui plus que jamais, la peau a besoin de soins. Elle se

cabre de plus en plus, réagit par des rougeurs, des boutons, des démangeaisons voire par de graves inflammations. Selon des études menées par la cellule zurichoise des allergies, 2 à 4% de la population suisse souffre d’intolérance à certains aliments, et la moitié d’entre elles apparaît sur la peau.

L’essentiel est de bien se nourrir Les graves carences d’éléments nutritifs essentiels touchent très vite la peau. Ainsi, quand on manque de vitamine A pendant une longue période, la peau dessèche et s’écaille. Des crevasses au coin des lèvres, des mucosités buccales enflammées, une peau rougie et squameuse trahissent une insuffisance de vitamine B2. Une carence grave de niacine provoque l’apparition de taches brunes et brûlantes qui enflent, durcissent et finalement forment des cloques. On a là un cas typique de pellagre. En cas de manque d’acide pantothénique, les cheveux peuvent blanchir, en cas de déficit de zinc ou de fer, ils peuvent même tomber. Toutefois, selon le professeur Paul Walter, président de l’Association suisse pour l’alimentation, «des cas aussi extrêmes de carences qui débouchent sur de graves problèmes de la peau et des cheveux apparaissent rarement en Suisse.» En revanche, chez nous, beaucoup de gens se nourrissent de façon déséquilibrée. Ces comportements peuvent créer certains déficits en éléments nutritifs, préjudiciables à la peau. D’un autre côté, des suppléments de vitamines, de sels minéraux, d’oligoéléments, enfin, last but not least, des substances bioactives nouvellement découvertes, peuvent protéger la peau d’un vieillissement précoce tout en lui donnant une

Les éléments vitaux pour la peau, les cheveux et les ongles La vitamine A favorise la croissance des cellules et tisse les fibres de collagène qui rendent la peau ferme et tendre. La vitamine C (acide ascorbique) participe à la constitution d'un réseau de collagène stable et élastique. A part ça, elle sert d'antioxydant à la peau. En association avec la vitamine E, elle a un léger facteur de protection contre la lumière. La vitamine E est le plus important antioxydant. Elle se partage spécialement bien ce travail avec la vitamine C. Les deux ensemble, elles protègent les constituants de la peau des ultra-violets en ralentissant les radicaux libres pour que les graisses et les protéines sensibles soient préservées, que les cellules ne soient pas détruites et que les rougeurs soient évitées. Cela dit, grâce à la vitamine E la peau reste plus humide, donc plus élastique. Les carotinoïdes comme la bétacarotène et le lycopène se dévouent en tant qu'antioxydants pour protéger la peau des conséquences de la lumière ultra-violette diffusée par le soleil. Le corps a besoin de vitamine B6 pour reconstituer l'épiderme. En cas de grandes blessures et de brûlures, les besoins en vitamine B6 augmentent. La biotine sert de vitamine constructrice des ongles. La nicotinamide (niacine) a une influence sur la formation du collagène et du pigment; elle règle l'équilibre de l'humidité de la peau et contrôle à quel point la couche extérieure de la peau, l'épiderme, kératinise. Le fer fournit au corps entier, donc également à la peau, de l'oxygène. Un manque de fer rend rapidement la peau blafarde et grise. Il peut aussi provoquer des chutes de cheveux. Le zinc est indispensable à la peau, aux cheveux et aux ongles. Grâce au zinc, la peau peut former une couche de corne sur laquelle les cellules mortes exfolient comme des écailles. Le zinc fabrique aussi la kératine, plus important constituant des cheveux et des ongles. Le silicium permet à la peau d'être tendue car il forme des substances (mucopolysaccharide) avec lesquelles le tissu conjonctif est combiné comme un filet bien tendu. Le sélénium est le matériau de construction de la peroxydase du glutathion, une enzyme qui, en association avec les vitamines E et C, protège les cellules de la peau de l'attaque des rayonnements UV. Les acides gras insaturés formés à partir de l'acide linoléique de nombreuses huiles végétales ainsi que les acides gras omega-3 issus des huiles de poisson sont à la base des tissus régulateurs qui inhibent les inflammations. Ils sont particulièrement importants pour les peaux sensibles.

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REPORTAGE La beauté de l'intérieur

Régimes pour peau malade Acné, neurodermatite et allergies à certains aliments ont une chose en commun: les régimes et les propositions de traitement abondent mais la plupart sont dénués de tout fondement. Et parfois, certaines formes d'alimentation unilatérales aggravent la maladie de la peau dont on souffre.

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ême si, dans certaines enquêtes, un tiers des personnes interrogées affirment souffrir d'une allergie alimentaire, les études sérieuses n'en confirment que 2 à 4%. Car il faut les distinguer des difficultés à digérer certains aliments, par exemple le café au lait, et des pseudo-allergies. Dans la moitié des cas d'allergie, la peau est impliquée. Pour lui venir en aide, il faut lui éviter les fauteurs d'allergie. Or leur mise au jour est plus difficile qu'on ne croit. Environ 90% des diagnostics que l'on établit soi-même se révèlent erronés. Même quand, lors d'un test, la peau réagit à une substance précise en enflant et que le médecin trouve des anticorps dans le sang, cela signifie seulement que le système immunitaire est sensible à cette substance. Pour être certain de mettre la main sur l'allergène, il faut au moment des essais que le corps réagisse à l'aliment incriminé. A ce moment-là, mais à ce moment seulement, on pourra le bannir. Les régimes antiallergiques qui ratissent large et excluent les allergènes les plus courants débouchent souvent inutilement sur une alimentation unilatérale. Pour prévenir dès l'enfance, déjà, une allergie, il faudrait si possible allaiter pendant les six premiers mois de vie, recevoir une alimentation lactée hypoallergénique et ne manger sa première bouillie qu'après six mois. De plus, jusqu'au premier anniversaire, il conviendrait d'éviter le lait de vache, le céleri, la farine de froment et le chocolat, également. Pour le poisson et les noix,

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il conviendrait d'attendre jusqu'au deuxième anniversaire. Ces conseils sont aussi valables en cas de neurodermatite qui afflige 10% des enfants et des jeunes. Les spécialistes ne s'entendent pas pour déterminer ce qui, des aliments, du stress, des infections ou d'autres toxiques provoque ces terribles inflammations de la peau. Souvent, le diagnostic que l'on fait soi-même et qui désigne un aliment précis comme responsable d'une nouvelle poussée inflammatoire, ne concorde pas avec les résultats objectifs d'examen. C'est pourquoi il ne faudrait pas renoncer à certains aliments au jugé. Le risque serait trop grand de rayer d'importants produits de son alimentation et de s'exposer ainsi à un déficit de substance nutritive. Car précisément la peau qui est attaquée ne peut se permettre aucune carence de vitamine ni d'oligo-élément. Plus d'une victime de l'acné peut se plaindre de tels régimes inadaptés. Pendant longtemps, l'acné passait pour la punition inévitable quand on mangeait trop de chocolat, de graisses d'origine animale, de coca et d'autres gourmandises. Pourtant, jusqu'à présent, on n'a jamais pu désigner à coup sûr un responsable de ces hideux pustules. Alors un régime anti-acné n'a aucun sens. On ne peut faire qu'une recommandation: il faut manger moins gras, surtout en cas de surcharge pondérale. Car souvent les kilos en trop accompagnent les boutons sur le visage.

Si on ne boit pas 1,5 litre de liquide par jour, on abîme sa peau en la privant en permanence d’eau. Ce n’est pas sans raison qu’on voit de célèbres mannequins avec toujours un verre d’eau à la main. Grâce à de grandes quantités d’eau, de jus ou d’infusions, elles évitent que leur peau soit mal irriguée, qu’elle perde trop vite son élasticité et que se forment de très fines ridules. On peut très vite se rendre compte soi-même si sa peau a soif. Il suffit de tirer un peu de peau du dessus de la main, puis de la relâcher immédiatement. Si l’équilibre en liquide est bon, la peau reprend immédiatement sa place. Sinon, ce pli va rester visible plus ou moins longtemps, ce qui signifie qu’on manque de liquide.

Trop de soleil rend hideux Le plaisir d’avoir la peau bronzée n’a rien à voir avec la santé, bien au contraire. Plus les rayonnements UV irritent la peau, entraînant des rougeurs, voire des coups de soleil, plus grand est le danger de voir sa peau vieillir prématurément et de développer une tumeur cancéreuse. Le professeur Reinhard Dummer, médecin-chef à la clinique dermatologique de l’Hôpital universitaire de Zurich, considère les tumeurs de la peau comme une maladie populaire. Et malheureusement, à l’échelle européenne la Suisse occupe un des premiers rangs en ce qui concerne le taux de cancers de la peau. Ces quinze dernières années, les cas de mélanomes ont plus que doublé dans notre pays. Chaque année, les médecins découvrent environ mille nouveaux cas, et la tendance est à la hausse. En procurant de l’intérieur à la peau les matériaux nécessaires à sa protection et à sa beauté, on la rend plus longtemps fraîche et, simultanément, saine. Il faut donc


SPECIAL

INNEOV

Des cosmétiques en pilules

PAR FRIEDRICH BOHLMANN

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'absorption quotidienne de pilules vitaminées est, pour beaucoup de gens, devenue déjà une habitude. Les uns veulent renforcer leurs défenses immunitaires grâce à la vitamine C, les autres prennent des cocktails de vitamines et de sels minéraux dans l'espoir de compenser leurs mauvaises pratiques alimentaires. Les ventes de ces compléments alimentaires augmentent chaque année de 15 à 30%. L'industrie alimentaire et les fabricants de cosmétiques ne peuvent que rêver de telles croissances. C'est certainement l'une des raisons pour lesquelles le géant Nestlé et la maison L'Oréal se sont unis dans l'intention bien affirmée de se tailler une part de ce juteux gâteau. De cette union est née innéov, une joint venture chargée de développer des com-

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Désormais, il faut avaler et non plus s'enduire de crème. Tel est du moins le slogan de certaines marques de cosmétiques. Question promesses, rien ne les différencie de la panoplie classique constituée de tubes et de petits pots. Mais, alors que les onguents, pommades et autres lotions agissent à la surface de la peau, le contenu des petites pilules miracle touche au cœur même du corps en passant par le sang. Ces produits ne font donc pas simplement partie de la grande famille des cosmétiques, mais deviennent des compléments de l'alimentation, voire des médicaments.

pléments alimentaires dévolus à la beauté. Et cet automne est né le premier rejeton, innéov firmness, qui doit aider les femmes, avant et pendant leur ménopause, à améliorer la densité, la structure et l'élasticité d'une peau vieillissante. Pratiquement toutes les femmes sont affectées par ce vieillissement. Nombre d'entre elles considèrent que leur problème esthétique le plus important tient au relâchement et à la minceur de leur peau.

Des agents de beauté tirés des aliments Dans ces pilules innéov-antiaging, on trouve, en plus de la vitamine C, de l'extrait de tomates avec du lycopène et des phytoœstrogènes tirés des fèves de soja. Nous voici face à un produit batard, ni chair, ni poisson, ni produit alimentaire, ni cosmétique. Mais alors, pourquoi ne pas opter, simultanément,

pour une alimentation variée, ou alors traiter directement sa peau avec les innombrables crèmes proposées sur le marché? La dose recommandée est de trois pilules par jour d'innéov firmness. En les absorbant, on ingère ainsi autant de vitamine C qu'il y en a dans un verre de jus d'orange, soit 60 milligrammes, ce qui correspond aux quantités journalières recommandées. A cela s'ajoute une ration de lycopène «correspondant à six tomates ou à 50 grammes de concentré de tomate,» selon les calculs du spécialiste de la nutrition, le professeur Paul Walter. Il pose alors la question: «Mais qui va donc manger six tomates chaque jour ou une assiette de spaghettis à la napolitaine?» Ce serait encore plus difficile de trouver dans les aliments habituels les 50 milligrammes de phytoœstrogènes contenus dans ces trois pilules quotidiennes.


A LA LOUPE

JOE CORNISH/STONE

L'arbre de vie C'est un lieu commun. Tant pis, rappelons-le: l'huile d'olive, omniprésente dans toutes les cuisines méditerranéennes, est bonne pour la santé. Si on scrute d'un peu plus près l'olivier et ses dérivés, on s'aperçoit alors que ses vertus sont incommensurables. PAR MARIANNE BOTTA DIENER, INGENIEURE DIPL. ETS EN NUTRITION

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u’ont de commun l’actrice Romy Schneider, l’empereur romain Auguste et le père de la psychanalyse Sigmund Freud? Pas grand chose, c’est vrai, si ce n’est leur date de naissance, quand même. Car ils sont tous trois nés un 23 septembre, date correspondant, comme chacun sait, au début de l’automne en terme astronomique. Dans le calendrier celtique, on appelait ce jour celui de l’olivier. Dans la mythologie celtique, celles et ceux qui naissaient à cette date se consacraient volontiers au bien-être de leurs contemporains sans pour autant vouloir en tirer quelque avantage pour eux-mêmes.

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Comme l’olivier qui, dans cette perspective, porte aussi le nom d’arbre de la sagesse. Cet arbre noueux comme un pied de vigne, volontiers centenaire, lent à se développer, tordu et gris, porte pourtant des feuilles brillantes toujours vertes. Tout est bon chez lui, y a rien à jeter, chanterait Georges Brassens: ses feuilles, précisément, en infusion ou en gouttes, permettent d’abaisser la pression sanguine, son huile fait merveille à la cuisine ou pour des massages, et son bois dur, robuste, sert à fabriquer des meubles. Peu de plantes ont joui, depuis des temps très reculés, d’une telle

vénération. Et quand on furète pour trouver des dires, des histoires, des dessins et des fables sur l’olivier, on fait des découvertes étonnantes.

Importante monnaie d’échanges On suppose que les oliviers poussaient déjà il y a sept mille ans. Les plus anciennes feuilles de cet arbre ont été mises au jour en Afrique du nord. A l’âge de la pierre, déjà, l’homme constituait des provisions d’huile d’olive. On sait aussi que l’ancienne civilisation minoenne savait tirer parti de l’olivier et en faisait un commerce florissant


avec l’Egypte et la Syrie. Preuves en soi, les amphores et les tablettes mises au jour lors des fouilles du palais de Knossos en Crète. Finalement, les Phéniciens en popularisèrent la culture tout autour du bassin méditerranéen.

Athènes et la Bible Chez les Grecs, l’olivier était consacré à la déesse Athéna. On le déclara très vite «sacré». Les oliviers de l’Acropole, encore aujourd’hui, représentent un symbole de paix et de force spirituelle. D’autres civilisations en ont fait un symbole de vie. La Bible, à elle seule, cite plus de deux cents fois l’olivier, baptisé aussi à l’occasion l’arbre de vie. C’est un rameau d’olivier que rapporte un pigeon à Noé pour l’informer que les eaux sont en train de se retirer. Moïse oint ses fils d’huile d’olive. Plus tard, dans l’Ancien Testament, cette même huile sacre les rois d’Israël. A cette occasion, on la mélangeait à de la myrrhe, de la cannelle et du girofle. On brûlait aussi du bois d’olivier sur les autels des dieux et le bon Samaritain panse les plaies du blessé en y versant auparavant «de l’huile et du vin». Le soir précédant sa crucifixion, Jésus s’est retiré avec ses disciples sur le Mont des Oliviers et il est certainement mort sur une croix en bois d’olivier.

Huile rance On peut toujours rêver du temps passé. On peut aussi se réjouir des progrès et des avantages de la civilisation moderne. Il en va ainsi de l’huile d’olive: alors qu’une Hildegard von Bingen déconseillait instamment sa consommation, les médecins et spécialistes de la nutrition d’aujourd’hui, au contraire, n’ont pas assez de mots pour louer les

vertus de cet «or liquide». Certes, Hildegard von Bingen recourait à divers composants de l’olivier pour soulager les maux, par exemple à son écorce pour combattre la goutte ou à ses feuilles en cas de maux d’estomac; mais il s’agissait uniquement d’un usage extérieur. L’huile d’olive, en revanche, lui semblait peu appropriée à l’homme: «Elle n’est pas bonne à manger car elle provoque des nausées et rend lourds les aliments.» Et pour cause. On sait, de ce temps-là, que cette huile servait essentiellement à l’éclairage ainsi qu’à des usages médicaux et cosmétiques. Elle n’était tout simplement pas bien bonne parce qu’elle devenait vite rance et se gâtait.

Pour soulager les maux Le charitable Samaritain de la Bible est, en fait, un précurseur de tous les médecins de l’Antiquité qui recouraient à l’huile d’olive à des fins médicinales. Ils recommandaient l’huile pour en frotter les cicatrices nées d’une intervention chirurgicale, des bains d’huile chauds en cas d’épuisement et de fièvre et l’absorption de la même huile pour soigner les maladies sexuelles et les calculs biliaires. Aujourd’hui encore, la médecine naturelle recourt à l’huile d’olive pour la fabrication de médicaments lipoïdiques. Une nouvelle étude menée par des chercheurs japonais devrait particulièrement réjouir les accros du soleil. Selon ses résultats, si l’on s’enduit le corps d’huile d’olive après un bain de soleil, on diminue le risque de cancer de la peau. Apparemment, c’est dû à la présence importante d’antioxydants capables de neutraliser les radicaux libres responsables de ce cancer.

Remèdes de bonne femme On recommande l'huile d'olive pressée à froid extra vierge pour un usage médical. Eczéma

En frotter la peau.

Toux (sèche)

Cataplasme d'huile d'olive: plonger de la gaze dans l'huile d'olive, la glisser dans un sachet de plastique, la réchauffer entre deux bouillottes, poser sur la poitrine, maintenir au chaud.

Pellicules

Remplir d'huile d'olive un vaporisateur, vaporiser les endroits atteints, laisser agir une nuit, laver.

Croûte de lait Neurodermatite/ peau sèche

Traiter comme les pellicules.

Eczéma de l'oreille

Mettre un peu d'huile d'olive sur la partie atteinte.

Psoriasis

Frotter doucement à l'huile d'olive l'endroit touché.

Problèmes de gencives

Se rincer tous les matins la bouche avec 1 cs d'huile d'olive, cracher.

Mélanger au fouet 2 cs d'huile d'olive dans 1 dl d'eau, ajouter à l'eau de la baignoire, s'y tremper complètement.

En dix ans, la production a doublé Les usages médicinaux devraient pourtant susciter moins d’intérêt auprès des gourmands que ses vertus culinaires. Une salade de tomates-mozzarella, un carpaccio d’espadon voire une pizza cuite au four à bois, pour ne parler que de mets simplissimes, sont encore rehaussés quand, au dernier moment, on leur ajoute une jolie rasade d’une belle huile d’olive. Symbole de la cuisine méditerranéenne, l’huile d’olive a connu un énorme engouement ces dix dernières années. L’offre

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