tabula_2/2005 Nausée, l'horreur des aliments

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N o 2 / avril 2005

TABULA REVUE DE L’ALIMENTATION–WWW.TABULA.CH

Nausée, l'horreur des aliments


SOMMAIRE

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REPORTAGE Le dégoût et son origine animale

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CUISINE D'AILLEURS Délices mexicaines

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DIDACTIQUE Les fibres alimentaires

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CONSEILS Les conseils nutritionnels de Muriel Jaquet

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ACTUALITE Comparaison de différents régimes

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A LA LOUPE L'asperge fait maigrir, mais gare aux sauces

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LIVRES Lus pour vous

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ECOLE Nouveau matériel d'enseignement et projets

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ENTRE NOUS Informations aux membres de la SSN

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MEMENTO Manifestations, formations continues

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Délices d'ailleurs

SPECIAL Nausée, vomissement: comment notre instinct nous protège

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EDITORIAL

AVANT-PROGRAMME Coup d'œil sur le prochain TABULA

IMPRESSUM TABULA: Revue trimestrielle de la Société Suisse de Nutrition (SSN) Editeur: SSN, Effingerstrasse 2, 3001 Berne, tél. 031 385 00 00 Rédaction: Andreas Baumgartner E-mail: info@tabula.ch Internet: www.tabula.ch Comité de rédaction: Marianne Botta Diener, Gabriele Emmenegger, Gabriella Germann, Jean-Luc Ingold, Sandra Voland, Pr Paul Walter Conception: SSN/Andreas Baumgartner Impression: Staempfli SA, Berne Page de couverture: Corbis

Quand on pense cuisine chinoise, on a immédiatement à l'esprit, et en bouche, des plats aussi courus que le porc à l'aigre-doux, les légumes exotiques ou le canard à la pékinoise. Des mets délicats et délicieux. Lors d'un voyage en Chine, mes hôtes me proposèrent les spécialités nationales les plus diverses. On mangeait à de grandes tables rondes au centre desquelles trônaient tous les plats, eux-mêmes posés Dr Jeanette Nüssli est sur de vastes plateaux tournants. A côté chargée de cours et de mets dûment répertoriés, figuraient responsable du groupe aussi d'autres spécialités plus curieuses. d'analyse sensorielle des Comme, par exemple, des pattes de produits alimentaires à poulet. Des pattes de poulet? Horreur, je l'Institut des sciences en n'allais pas commencer à manger ça. Et denrées alimentaires et en pourtant, les voilà devant mon nez, une nutrition de l'EPF Zurich. odeur épouvantable caresse mes narines et mon estomac commence à se révulser. Le monsieur assis à ma droite s'est déjà saisi avec délicatesse d'une de ces pattes. Il la ronge soigneusement avec un sentiment de volupté et déchiquette la chose caoutchouteuse tout en me commentant, en un anglais très approximatif, les qualités de ce pur délice. Je n'ai pas pu voir l'expression de mon visage, mais elle devait être éloquente! Le plateau central a continué de tourner, et chaque fois je me suis sentie soulagée quand l'assiette de pattes de poulet ne s'est pas arrêtée précisément sous mon nez. J'éprouve, cependant, encore maintenant, un léger frisson de dégoût quand j'y pense. La prochaine fois que j'irai en Chine, peut-être que je serai plus courageuse, moins dégoûtée et que j'y goûterai. Cela dit, depuis que j'y suis allée, j'aime le tofu sous toutes ses formes, le tofu chinois, bien sûr! Il faudrait tout goûter, dit-on. Peut-être bien qu'en essayant, on éprouve la curiosité enfantine de planter ses dents dans quelque chose d'inhabituel, d'entrer dans un monde nouveau et intéressant. Peut-être qu'il faut s'y reprendre à plusieurs fois. Essayez, chère lectrice, cher lecteur! Il est vraisemblable que vous n'avez pas apprécié du premier coup de mordre dans du chocolat noir, de boire de la bière amère ou un espresso bien serré.

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REPORTAGE

Il n’y a pas que les produits avariés qui font peur

CORBIS

Comment se fait-il qu’il y ait autant d’amateurs à se régaler de homard alors que la simple idée de manger des cafards cuits suscite une réaction d’horreur chez la plupart des gens? Du point de vue zoologique, ce sont pourtant les deux des arthropodes. Le dégoût est un sentiment primitif de nature animale qui nous fait refuser quelque chose du plus profond de nous-même. C’est un mécanisme de protection sensible qui, depuis les temps les plus reculés, nous protège des substances désagréables, voire avariées. Mais c’est aussi une tyrannie fantasque qui peut nous rendre borné et plein de préjugés. PAR ROLF DEGEN

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harles Darwin, fondateur de la biologie de l’évolution, a, le premier, décrit que dans toutes les cultures humaines il y a une expression du visage qui révèle la répugnance. En cas de violent dégoût, les hommes font une grimace assez semblable à celle que l’on a quand on va vomir. La bouche est grande ouverte, le nez froncé, la lèvre supérieure se retire loin derrière la lèvre inférieure. La psychologie compte le dégoût au nombre des sept émotions de base qui, depuis l’âge de la pierre, aident les hommes à survivre. Les autres expressions sont le chagrin, la colère, la surprise, la peur, le mépris et la joie. Quand on éprouve du dégoût, on exprime le refus d’un mets ou d’un contact physique «répugnant» qui doit être tenu éloigné avec la plus grande

force. Le dégoût est un «vomissement ritualisé». Par l’expression du visage, il anticipe la nausée qui, normalement, nous saisit, quand nous avons consommé quelque chose d’indigeste.

Le dégoût n’est pas inné On pourrait imaginer que le réflexe de dégoût est solidement ancré dans le cerveau et qu’il se met en branle tout seul dès qu’on aperçoit des stimuli clés. Le problème, justement, c’est qu’à sa naissance l’homme n’éprouve absolument aucune aversion et se nourrit gaillardement de tout. La notion de dégoût, il la tient peu à peu de son entourage. Les enfants frappés du syndrome de Kaspar Hauser qui avaient grandi dans la nature sans qu’on s’en occupe n’éprouvaient pas ce sentiment. Ce n’est que vers 5 ou 6 ans que


goût, rappelle Paul Rozin: c’est leur nature même qui retourne nos tripes. Une odeur un peu forte peut flatter nos narines, dans la mesure où elle émane d’un fromage bien mûr. Mais le souvenir d’une odeur de pieds peut réduire à néant ce sentiment de plénitude.

Puissance de l’évocation La seule idée qu’un cuisinier pourrait avoir craché dans notre nourriture ou celle d’avoir avalé par inadvertance un insecte nous révulse encore des semaines (ou des années) plus tard. Certaines choses ne deviennent réellement répugnantes qu’au moment où elles passent de la catégorie «perso» à celle des «autres». Tant qu’elles nous appartiennent, nous n’avons rien contre la salive, la nourriture déjà mâchée et la morve. Expulsées d’un corps étranger, elles réveillent aussitôt de puissantes aversions. Le sentiment de répugnance déclenché par des conceptions abstraites joue un rôle éminent dans le choix de nos aliments, pense Werner Kübler. «Même en passe de mourir de faim, la plupart des gens n’arrivent pas à surmonter les préventions de cet ordre. Par exemple à l’égard de la chair humaine ou d’animaux que l’on perçoit comme repoussants.» Ainsi, pendant la 2e Guerre mondiale, certains pilotes américains abattus au-dessus de la jungle ont préféré jeûner que de manger des crapauds ou des coléoptères, alors même qu’ils savaient qu’ils étaient comestibles. Tout ce qui déclenche le dégoût peut «infecter» d’autres éléments. Imaginons un cafard soigneusement stérilisé qui se promène sur votre plat préféré: il va non seulement transférer sur cet aliment le dégoût en principe

RICHARD CUMMINGS

la moitié des enfants ont de nettes réactions de dégoût. Il est vrai que la plupart des animaux se détournent de certaines formes d’alimentation, mais on n’a jamais observé, même pas chez les singes, de véritable réaction de dégoût. Le professeur Werner Kübler, spécialiste en nutrition de Giessen, ne s’en demande pas moins si ce n’est pas une forme de dégoût quand les animaux se font détourner de la consommation de marsupiaux immangeables qui émettent alors des couleurs les avertissant du danger. La plupart des choses qui déclenchent des réactions de dégoût ont un important point en commun, suggère le psychologue Paul Rozin, de l’Université de Pennsylvanie. Elles nous rappellent avec insistance notre mortalité, mais aussi notre origine animale. Cela ne concerne pas seulement les aliments sales, putrides et pourris: les matières fécales, la sexualité, la mort et le dépérissement provoquent ces désagréables associations collatérales. Les substances ramollies et décomposées qui ont une consistance collante, mollachue ou glaireuse peuvent, elles aussi, provoquer très vite un certain dégoût. Tout ce qui rampe, fourmille et grouille également. Nous sommes en priorité dégoûtés par les choses que nous devons sentir, goûter et toucher. Le dégoût est toutefois davantage qu’un «goût désagréable». Même les animaux et les bébés refusent certaines sensations de base comme l’amertume. Mais cette aversion n’est, et de loin, pas aussi puissante que le dégoût. Et elle n’apparaît qu’au contact direct de la bouche. En revanche, nous ne détestons nullement les vers parce qu’ils ont mauvais

Le dégoût se transmet: si un cafard répugnant grimpe sur une pomme, il rend à son tour la pomme «répugnante».

irrationnel qu’il suscite, mais si l’on prélève ne serait-ce qu’une infime partie de ce plat contaminé et qu’on le transpose dans un autre récipient plein de nourriture intacte, le dégoût initial va se propager à l’ensemble de ce que contient le nouveau récipient. La plupart des gens ne boiraient pas un verre dans lequel aurait barboté un cafard stérile, et pas davantage un jus d’orange servi dans une bouteille à urine dûment lavée et stérilisée. Certains objets deviennent impurs par le seul fait qu’ils sont employés pour quelque chose qui suscite le dégoût. Nous avons un haut-le-corps face à une soupe qui a été touillée par une tapette tue-mouches ou un peigne, même s’ils sont tout neufs. Même ce qui, extérieurement seulement, ressemble à quelque chose de dégoûtant peut susciter le dégoût. Lors d’une expérience menée par le psychologue Paul Rozin, de nombreux étudiants étasuniens ont catégoriquement refusé de manger du pouding au chocolat auquel on avait donné la forme d’une crotte de chien. L’aversion de certaines formes extérieures a aussi pour conséquence que la nourriture d’origine animale a, dans nos sociétés, été dépouillée systématiquement de son aspect «répugnant». Au-

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SPECIAL

Au secours, la nausée! La nausée et les vomissements nous en disentplus qu'on ne croit sur les facultés cachées que nous possédons face à la nourriture. PAR PAR ROLF ROLF DEGEN DEGEN

MICHAEL FREEMAN

C

'est une des rares choses dont la vue et l'odeur provoquent le dégoût chez tous les peuples de la terre. Tant les hommes que les chevaux, les singes et les poissons se détournent de ce matériau peu appétissant. Les rats, les lapins et les souris observent aussi une prudente retenue. Notre propre vomi, puisqu'il s'agit de lui, nous dégoûte aussi après que nous l'avons expulsé. Et pourtant, cette réaction fait, depuis la nuit des temps, partie d'une intelligente stratégie d'hygiène impliquée dans tout le processus de digestion. Certains vomissent après avoir mangé des moules avariées, d'autres paient là le prix d'une nuit de beuverie. Chaque fois, le bol alimentaire revient à son point de départ dans les tourments les plus violents. Pourquoi l'un vomit-il alors que son voisin, qui a mangé les mêmes choses, garde son repas dans son estomac? Pour le

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protéger des conséquences de sa boulimie, disent les biologistes de l'évolution, l'homo sapiens a besoin d'une technique pour se débarrasser de produits alimentaires toxiques ou de poisons bactériens présents dans les aliments. Comme il se nourrit de tout, il a tendance à ingérer à peu près tout ce qui a l'air comestible.

Tous les animaux ne vomissent pas comme nous Nombre d'animaux n'ont pas le moindre problème avec les aliments impropres à la consommation. Soit parce qu'ils mangent toujours la même chose, comme le chat en liberté qui se nourrit presque exclusivement de souris, soit parce qu'ils prennent de toutes petites portions pour tester au fur et à mesure si cette nourriture convient à leur processus de digestion. Les rats arrivent même à percevoir à l'odeur de la bouche de leurs congénères si

leur dernière bouchée a le don de leur convenir. A quoi sert la sensation désagréable de nausée qui nous saisit par laquelle s'annonce l'imminente évacuation de l'estomac? La nausée et le vomissement, connus dans le jargon des spécialistes sous les termes de nausea et d'emesis, sont provoqués par des processus corporels différents, même si les maux qu'ils nous font endurer semblent ne faire qu'un. La sensation détestable qui travaille nos entrailles et l'évacuation du contenu de notre estomac sont deux processus indépendants l'un de l'autre. Même la centrale d'aiguillage qu'est le cerveau y met également un peu du sien. Dans le tube digestif se trouvent des capteurs qui donnent l'alerte au moyen de «déclencheurs de vomissement» chimiques dès qu'ils flairent la présence de toxiques bactériens ou de toxines végétales. Avec la collaboration des produits de


CUISINE D’AILLEURS

GARY BRAATSCH

PETER BLEUER

Le Mexique lance un pont géographique entre la partie nord et la partie sud du continent américain. Cet immense pays (huit fois la taille de l'Allemagne) borde au nord les Etats-Unis et s'enfonce, au sud, profondément dans les cultures d'Amérique latine. Le Mexique compte cent millions d'habitants et offre des zones climatiques et des végétations variées. Dans les hauts plateaux arides, comme le Mexique central, règne une atmosphère fraîche. Le sud du pays, en raison des nombreuses pluies, connaît un climat tropical, surtout le long des côtes, tandis que sur la presqu'île du Yucatan il fait toujours chaud et humide. On y trouve tous les fruits tropicaux.

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Maria Heer et ses deux filles, Isabel, 9 ans, et Silvia, 16 ans. Quand elles mangent mexicain, ça leur rappelle leur ancienne patrie. Mais la cuisine mexicaine ne touche à la perfection que préparée avec les différentes variétés de piment, rappelle Maria.

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Chili con Lollipop Sans maïs, ni chili, la cuisine mexicaine ne serait tout simplement pas. Cela n'implique, cependant, pas des plats unanimement relevés, ni n'exclut, parfois, une tortilla à base de farine de froment. PAR SIBYLLE STILLHART

L

a cuisine de cette petite maison contigüe aux confins de la ville de Zurich est particulièrement bien éclairée. De la radio sort de la musique pop. Quand Maria Heer, une femme d'origine mexicaine, et ses deux filles se mettent aux fourneaux, ça barde. Isabel, neuf ans, pèle un avocat, puis écrase sa chair à l'aide d'une fourchette, Silvia, sa sœur de seize ans, hache les feuilles de coriandre fraîche, leur mère saisit des tortillas dans la poêle. «Il faut faire ça rapidement, dit-elle. Ces galettes ne doivent pas être réchauffées plus de quelques secondes.»

Chez les Heer, quand on cuisine mexicain, les vieux souvenirs affluent. Il y a cinq ans encore, juste avant de déménager à Zurich, toute la petite famille habitait la ville de Mexico. «Là-bas, contrairement à la Suisse, l'essentiel de la vie se déroule à l'extérieur», rappelle Maria Heer. Beaucoup de Mexicains s'alimentent endehors de chez eux, dans la rue, car il y a des échopes de nourriture à tous les coins. On peut, à tous moments de la journée, acheter des tacos, des tortillas roulées. On peut, suivant ses envies, les farcir de poisson, de


A LA LOUPE

E

n fait, on pourrait passer des nuits entières à débattre des vertus réelles ou supposées des asperges. Et on ne serait pas plus avancé. Ces questions resteraient encore et toujours sans réponse: peut-on les manger avec les doigts ou faut-il utiliser couteau et fourchette? Ont-elles des effets aphrodisiaques en raison de leurs nutriments ou de leur forme? Pourquoi, après en avoir goûté, certaines personnes ont-elles une urine qui sent, d'autres pas? Il y a, en revanche, des questions qui appellent des réponses simples, comme la suivante: à partir de quel moment et de quelle provenance peut-on consommer des asperges la conscience tranquille, sans charger inutilement l'environnement?

Des Romains à nos jardins

MICHAEL MELFORD/IMAGEBANK

Vive les apserges Cousine du muguet, l'asperge a déjà un joli parcours derrière elle. Car on l'a successivement utilisée comme plante ornementale, puis comme remède, voire comme aphrodisiaque, enfin comme produit de luxe. Du point de vue de leurs composants, les asperges sont très bonnes pour la santé, et le seraient davantage encore si ce n'étaient les sauces souvent riches en graisse qui les accompagnent. Mais attention: les gens qui souffrent de problèmes rénaux ou de la goutte ne devraient pas manger trop souvent des asperges. PAR MARIANNE BOTTA DIENER, INGENIEURE DIPL. EN TECHNOLOGIE ALIMENTAIRE EPF

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Les vieux Romains connaissaient déjà les asperges. Ainsi, Caton l'Ancien écrit des instructions sur la façon de les cultiver, et cela en l'an 150 avant J.-C. déjà. Pline, de son côté, en loue les effets bénéfiques pour l'estomac. En ces temps reculés, les asperges étaient d'une extrême minceur et poussaient à l'état sauvage. De Rome, les asperges ont gagné la Gaule et la Germanie. Elles ont également trouvé chez nous un terrain propice et se sont multipliées à leur tour, parfois de façon exponentielle. Comme on ne les employait pas, ces plantes grimpaient jusqu'à deux mètres de hauteur et donnaient de jolies baies rouges légèrement toxiques. Dès le XVIe siècle, on les a trouvées dans les jardins des monastères. Les moines ont perpétué ce que connaissaient déjà les Chinois, à savoir que les asperges sont bonnes pour la santé. Elles en avaient, du moins, la réputa-


Cousin du muguet Aujourd'hui, les asperges sont chez elles aussi bien en Europe centrale et méridionale qu'en Afrique du Nord, en Asie antérieure qu'en Sibérie occidentale, mais aussi dans toutes les autres régions tempérées de la terre. Les pays les plus importants où elle sont cultivées sont l'Allemagne, l'Espagne, la France, la Hollande, les Etats-Unis, l'Afrique du Sud et le Mexique. Le nom d'asperge (asparagus officinalis L.) vient du grec asparagos qui veut dire non semée. D'autres sources situent l'origine de son nom dans spargan qui signifie pousses. Dans les régions méridionales, aujourd'hui comme avant, on peut trouver énormément d'asperges sauvages, beaucoup plus fines, au goût nettement plus prononcé. En fait, ces tiges si prisées ne sont rien d'autres que les pousses recouvertes de feuilles protectrices en forme d'écailles d'un sous-arbrisseau, germes qui se reforment chaque année à partir d'un rhizome permanent. Comme le muguet et le sceau de

hybrides actuels portent les noms de Backlim, Boonlim, Gijnlim, Horlim, Huchels Alpha ou Theilim.

Sous ou sur la terre

SPARGELZEIT.DE

tion. En Chine, on les employait avant tout pour soigner la toux et la rétention d'urine. En Suisse aussi, les turions ont été utilisés au profit de la santé. C'est ainsi qu'aux environs de 1900, ceux du couvent de bénédictins de St-Gall étaient surnommés «asperges du pharmacien»; on les cultivait, en effet, pour combattre la surcharge pondérale et pour nettoyer l'organisme. D'autres pharmacies devaient les tenir, car elles étaient prescrites par les médecins pour soigner la jaunisse, les douleurs de reins et de la vessie, les maux de dents, les arythmies cardiaques, le rhumatisme, la goutte et l'impuissance.

Salomon, les asperges font partie de la famille des liliacées.

Arrivée de nouvelles espèces On connaît actuellement trois cents espèces différentes d'asperges. Ces dernières années, en effet, leur culture a connu un énorme changement. A bon droit, les espèces traditionnelles aux noms évocateurs comme la Gloire du Braunschweig, Eros, la messagère précoce, Mary Washington ou Start ont presque disparu des cultures. Elles étaient, en effet, trop sujettes aux maladies, pas assez productives par rapport aux espèces actuelles et elles exigeaient beaucoup du climat et du sol. Les espèces modernes sont essentiellement des hybrides mâles qui contiennent peu ou pas de plantes porteuses de baies. Elles offrent aussi une bien meilleure résistance au botrytis. Tout aussi importante, voire davantage que l'espèce, ce qui compte, c'est l'endroit où poussent les asperges. Selon leur nature, il faut choisir une sorte plutôt qu'une autre pour obtenir de bonnes récoltes et des turions goûteux. Les

Livre enluminé de Jacob Theodor Tabernaemontanus, Bâle 1664. L'auteur distinguait deux sortes d'asperges cultivées et trois espèces sauvages. Il prêtait à ces dernières d'importantes vertus curatives. Dans ses recettes médicinales, on trouvait aussi de l'eau d'asperge distillée et du vin d'asperge.

Les asperges vertes et les blanches viennent de la même plante. Elles sont simplement cultivées, puis récoltées de façon différente. Les premières poussent de préférence dans les sols sablonneux meubles. En enfouissant profondément les jeunes plantes et en les recouvrant ensuite de terre, les pousses à peine plus épaisses qu'un doigt obtiennent une belle taille. Dès que les pointes percent la surface du sol, on déterre les turions ou, plutôt, on les coupe. Ce travail est fait encore et toujours à la main, essentiellement aux premières heures de la matinée. Cette énorme opération manuelle augmente forcément le prix des asperges blanches, alors que celui des vertes reste plus modeste, car leur récolte est plus simple et plus rapide. Les maraîchers doivent observer scrupuleusement le moment de la récolte des asperges blanches. Dans le cas contraire, ils risquent de se retrouver avec des vertes. Ces dernières, contrairement aux premières, sont des pousses qui montent vite en graine, poussent au soleil et doivent leur couleur verte à la chlorophylle qu'elles développent. On peut récolter tous les jours les asperges vertes car elles grandissent très vite. Elles se distinguent de leurs cousines blanches tant du point de vue nutritif que gustatif. Elles contiennent nettement plus de vitamines et de sels minéraux, et développent des saveurs plus marquées.

Importations en hausse On ne récolte les asperges que durant une période bien déterminée. En Suisse, à peu près entre miavril et fin juin. Ensuite, on les

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