tabula_4/2015 Les bactéries intestinales

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Revue de l'alimentation de la Société Suisse de Nutrition SSN

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LES BACTÉRIES INTESTINALES

Savoir plus – manger mieux


_EDITORIAL_ Un nouvel univers s’ouvre au monde scientifique, celui du microbiote (nom qu’on donne actuellement à la flore intestinale). Les milliards de micro-organismes étrangers de notre intestin restent une énigme pour les spécialistes. Ce n’est qu’avec les progrès des méthodes scientifiques, réalisés ces dernières années, que les chercheurs ont réussi à découvrir et à étudier cette multitude de bactéries. Entretemps, de plus en plus d’études portent sur la flore intestinale et révèlent un lien entre cette dernière et diverses pathologies, non seulement intestinales, comme la maladie de Crohn, mais aussi en apparence plus éloignées, comme l’arthrite ou l’asthme. L’incidence du microbiote sur la surcharge pondérale est elle aussi de mieux en mieux documentée. Les troubles physiques ne sont pas les seuls à être scientifiquement reliés au microbiote. Des corrélations sont aussi constatées entre l’activité intestinale et la santé mentale. En effet, il y a des échanges intenses entre les intestins

et le cerveau. Ils passent par des liaisons nerveuses ou des neurotransmetteurs. C’est comme cela qu’un stress peut nous «nouer l’estomac» ou qu’on attrape des «papillons dans le ventre». L’intestin réagit aux événements psychiques, mais le microbiote envoie aussi lui-même des signaux au cerveau. En fait, nous obéissons en permanence aux sensations de notre ventre, même quand nous n’en sommes pas conscients. Nous découvrirons dans les prochaines années comment les conclusions des recherches de ces derniers temps sur cette question se transformeront en méthodes et recommandations concrètes. Se profile déjà l’idée selon laquelle un microbiote le plus diversifié possible est la base idéale d’une bonne santé. Pour atteindre la meilleure diversité possible de la flore intestinale, il faut surtout avoir une alimentation équilibrée, manger beaucoup de légumes et de fruits et limiter la consommation de viande. Tout n’est donc pas inédit sous le soleil dans ce nouvel univers. THOMAS LANGENEGGER / SSN Rédacteur en chef tabula

04_ R E P O R T A G E Une vie exogène dans l’intestin Une immense quantité de bactéries peuple nos intestins. Nous commençons seulement à comprendre progressivement à quel point ces occupants sont importants pour la santé et le bien-être général de leur «hôte».

16_ S O U S L A L O U P E L’anis On retrouve la saveur spécifique de l’anis dans des biscuits comme les crêtes de coq à l’anis ou dans des apéritifs comme le pastis. Mais les utilisations de l’anis sont bien plus nombreuses. Il en est même fait un usage médicamenteux.

10_ R E N C O N T R E 12_ R E C E T T E 14_ S A V O I R P L U S – M A N G E R M I E U X 20_ L I V R E S 22_ L A S S N 24_ M É M E N T O

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Une vie exogène dans l’intestin Des bactéries complexes comme sous-locataires 

Depuis toujours, l’intestin est considéré comme une source de vie et le siège de la santé dans la médecine asiatique. Les méthodes d’analyse médicale modernes prouvent en tout cas une chose: de gigantesques quantités de bactéries intestinales nichent dans notre ventre et participent à notre état de santé.

De petits chevaux de Troie s’introduisent dans l’organisme humain: ils s’immiscent dans notre corps à la naissance, s’y installent et s’y reproduisent pour former des structures complexes. Très vite, leur nombre atteint des chiffres défiant l’imagination. Ils sont des billions à coloniser en particulier les zones les plus inaccessibles des anses intestinales postérieures. Ils y créent une existence complexe et influent sur les grands centres de contrôle du corps humain, y compris sur le cerveau. Il ne s’agit pas d’un scénario de film d’horreur, mais simplement de la réalité microbienne de chaque être humain. Seule une cellule sur dix composant notre corps est endogène. Les autres lui sont en fait étrangères. La flore intestinale n’est ni plus ni moins qu’une méga-culture d’organismes unicellulaires à la base d’interactions complexes, entre elles et avec notre corps. L’intestin, ce bouillon de culture En moyenne, l’être humain est porteur de plus de 100 billions de bactéries, soit dix fois plus que ses propres cellules. Lors de l’accouchement, en quittant le ventre de sa mère, où il baignait dans un environnement sans le moindre germe, le bébé est pris d’assaut par de premières bactéries pionnières transmises par l’organisme de sa mère. Et là, la vie se fend d’une première injustice: les bébés qui ont la chance de venir au monde par naissance vaginale entrent d’abord en contact avec les germes vaginaux et intestinaux, les bactéries lactiques plus particulièrement. En revanche, lors d’une césarienne, le bébé est exposé en premier lieu aux germes cutanés (les staphylocoques notamment). Le Dr Pascal Müller, gastroentérologue à l’Hôpital pédiatrique de Suisse orientale, nous parle des conséquences: «Des études ont montré que les enfants mis au monde par césarienne souffrent plus souvent, plus tard dans

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leur vie, d’obésité, d’asthme ou de dermatite atopique mais aussi de maladies auto-immunes telles que la maladie cœliaque ou le diabète.» L’allaitement favorise l’implantation chez le bébé de toute une kyrielle de streptocoques, de staphylocoques, de bifidobactéries et de lactobacilles, des germes intestinaux bénéfiques qui forment une bonne base pour le biotope en développement. «L’allaitement est l’une des meilleures opportunités de créer un milieu bactérien sain dans l’intestin», estime le Dr Müller. Ce microcosme bigarré composé des bactéries les plus diverses se constitue peu à peu dans l’intestin grêle postérieur et dans le côlon au cours des deux à trois premières années de vie. Si autrefois on utilisait l’expression assez imagée de «flore intestinale» pour le désigner, aujourd’hui, les spécialistes parlent plus volontiers de «microbiote» intestinal quand ils font référence à cet écosystème complexe d’un poids équivalent à celui de notre masse cérébrale. Les méthodes d’analyse génétique modernes ont permis aux scientifiques de découvrir toute la diversité du microbiote, un grand nombre de germes intestinaux ne se développant pas dans les milieux de culture des boîtes de Petri. Aujourd’hui, les experts estiment que le microbiote intestinal contient à lui seul 3,3 millions de gènes différents. L’être humain, quant à lui, atteint péniblement la barre des 25 000. Il faut savoir par ailleurs qu’il n’y a pas deux


_Reportage_

microbiotes intestinaux identiques. A l’image des empreintes digitales, les bactéries intestinales de chaque être humain sont différentes en genre et en nombre. Outre le type de naissance, le contact précoce avec différents germes et le profil génétique, la consommation d’antibiotiques et les habitudes alimentaires ont une grande influence sur le microbiote. Ces «sous-locataires» du corps humain présentent divers avantages pour la santé. «Ces passagers clandestins nous aident à digérer les aliments. Ils produisent en outre des vitamines et d’autres molécules qui nous gardent en bonne santé et empêchent des microbes moins bien intentionnés de nous infecter», déclare le Prof. Andrew Macpherson, qui dirige le groupe de recherche en gastroentérologie de la Clinique universitaire de Berne. Le Dr Pascal Müller ajoute que le microbiote intestinal génère de l’énergie, en quantité estimée à un dixième des calories produites par la digestion. Les bactéries intestinales décomposent aussi les sels biliaires et les extraient ainsi du système de recyclage du corps humain. Le corps doit donc en produire de nouveaux. Pour ce faire, il va puiser dans ses réserves de cholestérol, ce qui a pour effet de diminuer durablement le taux de cholestérol. Des éléments nouveaux semblent indiquer par ailleurs que les bactéries intestinales apportent un précieux soutien à nos défenses immunitaires. Plus ce biotope est riche et diversifié, plus son impact sur la santé sera important. Les experts parlent d’«eubiose» pour désigner la précieuse interaction entre le monde bactérien que nous abritons et nos propres cellules corporelles. Cela étant, cette interaction n’est pas toujours harmonieuse.

santé de la personne. Ce serait d’ailleurs idiot car, au final, les unicellulaires présents dans notre corps bénéficient généralement d’une excellente alimentation, du chauffage central et de possibilités de développement suffisantes tout au long de notre vie. Nous porter préjudice serait donc un très mauvais calcul. A contrario, il est évident que nous avons nous aussi tout intérêt à être des hôtes prévenants et nos bactéries intestinales nous le rappellent à suffisance

L’alimentation occidentale, riche en viande et en matières grasses, réduit la diversité bactérienne. quand nous filons un mauvais coton. Les résultats d’études récentes – d’expérimentations animales en particulier – montrent que des déséquilibres du microbiote intestinal contribuent à l’apparition de nombreuses maladies, comme notamment les affections intestinales chroniques de type inflammatoire que sont la maladie de Crohn et la colite ulcéreuse. «Une colonie bactérienne insuffisamment diversifiée dans l’intestin accroît le risque de voir certaines

Remue-ménage dans l’appareil gastro-intestinal Si des sous-locataires indésirables prennent le dessus, en déséquilibrant le microbiote intestinal, le «maître d’ouvrage» peut se préparer à de sérieux problèmes. Des problèmes qui peuvent aller de maux d’estomac inoffensifs à de graves infections intestinales. De nouvelles recherches ont encore mis à jour d’autres effets liés à nos colonies intestinales: en effet, elles peuvent aussi jouer un rôle dans l’excédent pondéral, le développement d’un diabète, l’épuisement nerveux ou le risque d’asthme. Heureusement, les différentes souches se corrigent mutuellement, si bien qu’en règle générale, aucune d’elles ne se développe à l’excès, avec le risque d’affecter l’état de

souches prendre le dessus. En l’occurrence, certaines souches pathogènes de bactéries E. coli semblent être responsables de la maladie de Crohn. Ces bactéries s’accrochent fermement à la paroi intestinale et peuvent même la pénétrer. Elles déclenchent ainsi une réaction inflammatoire liée au combat que livre le corps contre ses propres bactéries intestinales»,

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_Recette_

SPAGHETTIS AU SAUMON ET À LA RUCOLA Pour 4 personnes: Temps de préparation: env. 20 min. - Par personne: lipides 20 g, protides 30 g, glucides 54 g, 2205 kJ, (525 kcal) 300 g de spaghettis / eau salée / Faire bouillir l’eau pour les spaghettis dans une grande casserole, saler, plonger les spaghettis dedans et les cuire al dente. Sauce: 400 g de saumon / 2 dl de bouillon de légumes / 4 CS de crème fraîche / sel / poivre / thym citronné / Faire chauffer le bouillon de légumes dans une sauteuse, ajouter la crème

Recette: Gorilla

BILAN NUTRITIONNEL

BILAN ÉCOLOGIQUE

Le saumon: Il s’agit d’un poisson carnassier qui vient de la mer pour frayer en eau douce. Il y a un siècle, le Rhin était encore le fleuve comptant le plus de saumons en Suisse. Depuis 1950, le saumon est considéré en Suisse comme une espèce disparue, à cause du nombre croissant de centrales hydroélectriques et autres constructions. Des efforts très prometteurs sont faits pour réintroduire le saumon dans le Rhin et son retour est prévu pour 2020. Aujourd’hui, le saumon fait partie des poissons les plus consommés. Il peut être dégusté cru, bouilli, grillé ou fumé. Une portion de 100 g couvre complètement les besoins journaliers en acides gras essentiels oméga-3, et à peu près la moitié des besoins en vitamine D. Quand vous achetez du saumon, veillez à ce qu’il vienne d’un élevage bio européen (élevage durable et bientraitance animale) ou à ce qu’il porte le label Marine Stewardship Councils MSC s’il a été péché à l’état sauvage. Les spaghettis: Les spaghettis et autres pâtes sont des aliments de base très appréciés en Suisse: nous sommes les troisièmes plus grands consommateurs en Europe. Traditionnellement, les spaghettis sont fabriqués à base de farine de blé dur, d’eau, de sel et éventuellement d’œufs. Les ingrédients sont malaxés en une pâte homogène, ensuite pressée à travers des trous très fins. Pour éviter que les spaghettis ne collent les uns aux autres pendant qu’ils sèchent, ils sont immédiatement séparés avec de l’air comprimé. Du point de vue nutritionnel, les pâtes complètes, fabriquées avec de la semoule de blé complet, affichent une teneur plus élevée en vitamines et en minéraux que les spaghettis à base de farine blanche. De plus, les spaghettis à base de blé complet apportent plus de fibres alimentaires, et rassasient donc plus vite et plus longtemps. L’assiette optimale: Les spaghettis au saumon et à la rucola couvrent essentiellement la part des aliments protéiques et farineux de l’assiette optimale. Le menu sera complet et équilibré si l’on y ajoute une grande portion de salade (dans l’idéal une salade mêlée) ou de légumes crus.

Le saumon: Près de 80% de la pollution environnementale totale de ce plat est générée par le saumon utilisé, si l’on considère que c’est un poisson d’élevage venant de Norvège. Dans l’ensemble de la pollution environnementale du saumon, c’est l’élevage du poisson qui est déterminant. Il contribue à 90% à la pollution environnementale liée au saumon. Pour la production d’un kg de filet de saumon, plus du double est nécessaire pour nourrir les poissons, ce qui correspond à un tiers de la pollution environnementale du produit proposé en supermarché. Les excrétions des poissons libèrent aussi du phosphore et de l’azote dans l’eau, entraînant une surfertilisation. La part du transport pour faire venir le poisson de Norvège en Suisse et celle pour sa transformation industrielle ne représentent pas une part considérable. Par rapport aux poissons pêchés, les poissons d’élevage exigent une consommation de carburant plus faible. Pour l'instant, le problème de la surpêche n'est pas un facteur pris en compte en conséquence dans l'écobilan. Pour ce qui est de l’environnement, il est dans tous les cas recommandé d’acheter des produits portant le label ASC ou MSC, ou les labels fair-fish, Bio-Suisse et M-Bio. Les spaghettis: La part des spaghettis dans la pollution environnementale globale de ce plat est d’environ 10 pour cent. Elle est avant tout liée à la culture du blé. Si les spaghettis sont remplacés par des nouilles contenant en plus des œufs, la part de la pollution environnementale générée par ces pâtes augmente à 20%. Histogramme: Une portion de spaghettis au saumon et à la rucola pour quatre personnes génère environ 14 500 unités de charge écologique (UCE). Du point de vue de l’environnement, le saumon est de loin l’ingrédient le plus déterminant de ce plat. Les spaghettis ont une contribution d’environ 10%. Les autres ingrédients, comme la rucola, ont une influence très faible (5%) sur la pollution environnementale.

BRIGITTE BURI / SSN

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fraîche et remuer. Assaisonner avec un peu de sel, de poivre et de thym citronné haché. Couper le saumon en dés de la largeur d’un pouce, le mettre dans la sauce et le laisser mijoter pendant 5 min. Servir: 100 g de rucola / Répartir les spaghettis avec la sauce sur l’assiette et décorer avec la rucola.

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SIMON EGGENBERGER, NIELS JUNGBLUTH / ESU-SERVICES


_Recette_

Recette 3625

Ø 5000

Schtifti Foundation / Graphique: Truc, Berne

Composition de la recette comparée à la composition optimale d’une assiette (en haut à droite) Groupes d'aliments: = Produits laitiers, viande, poisson, oeufs & tofu = Produits céréaliers, pommes de terre & légumineuses = Fruits & légumes

on um Sa

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29 & 1 7 1 40 15 n 4 ort e 8 i4 s io sp ag tt nt at ran all he die b ar T ag ré ép em Pr Sp ing es tr Au

 Cet histogramme représente la charge environnementale de la recette par personne. A titre de comparaison, la valeur moyenne grossièrement estimée d’un repas principal préparé à la maison. Les points définissant l’impact écologique tiennent compte des diverses charges environnementales liées à la production des denrées alimentaires. Source: ESU-services.

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_Sous la loupe_

L’anis bien plus qu’un parfum de Noël

En 2014, on a rendu hommage à l’anis en le nommant plante médicinale. Cette plante vieille de plusieurs milliers d’années originaire du bassin de la Méditerranée séduit grâce à ses huiles essentielles. Ces dernières apportent divers effets thérapeutiques et un arôme unique. Aujourd’hui, on connaît principalement l’anis par les crêtes de coq à l’anis, les bâtonnets à l’anis de Stans ou les petits gâteaux à l’anis.

tielles qui représentent deux à trois pour cent de la graine. Les proportions sont les suivantes: 80 à 90 pour cent d’anéthol et huit à onze pour cent d’autres huiles essentielles et de flavonoïdes (quercétine, apigénine et lutéoléine) ainsi que d’autres composants végétaux secondaires. En raison des huiles essentielles, les graines d’anis, comme d’autres épices similaires, doivent être conservées dans des récipients

PAR ANNETTE MATZKE

en verre. En effet, les huiles essentielles attaquent le plastique et le goût de l’épice se modifie.

Il y a 3500 ans déjà, les Egyptiens utilisaient l’anis (Pimpinella anisum) comme épice et comme produit thérapeutique. Quant aux Romains, il semble qu’après

«Si une sauce ou un po-

de copieux repas, ils mangeaient des graines d’anis

tage manque d’un petit

sucrées pour aider à la digestion. Il faut distinguer

quelque chose, pourquoi

cette épice traitée et utilisée sous forme de graines de l’anis étoilé (Illicium verum). Ce dernier contient les

ne pas essayer l’anis!»

huiles parfumées dans sa coque en forme d’étoile, le péricarpe, et non dans ses graines. L’anis traditionnel nous vient de l’espace méditerranéen. Il lui faut un cli-

C’est peut-être grâce à ces huiles essentielles qu’au

mat chaud pour prospérer. Au Moyen Âge, son usage

Moyen Âge, en Suisse, on utilisait l’anis pour réaliser

se répand jusqu’en Europe du Nord. Il est cultivé

des petits gâteaux moins chers que ceux au masse-

principalement dans des régions chaudes, à l’est du

pain. Plutôt que des amandes au prix élevé, on utili-

bassin de la Méditerranée, dans le Sud de la Russie et

sait de la farine de blé dont on relevait le goût avec

au Mexique. Il n’est donc pas facile de faire pousser

de l’anis. Dans les anciens livres de cuisine, ce type de

soi-même de l’anis sous nos latitudes. Il faut pour cela

recette est nommé «Massepain commun», «Massepain

un site chaud et relativement sec, et un automne béné-

paysan» ou «Massepain aux œufs».

ficiant du plus long ensoleillement possible. C’est la

Lorsqu’on parle d’anis, on pense tout d’abord aux

condition sine qua non pour que les graines germent

crêtes de coq à l’anis. Mais il suffit de regarder un livre

et murissent. On sème l’anis dès la fin avril. L’idéal est

de recettes pour constater qu’on en trouve aussi dans

de commencer sous serre ou dans une pièce chauffée,

le pain d’épices et dans d’autres biscuits. On n’utilise

puis de sortir les plantes à l’air libre après les der-

plus tellement l’anis pour épicer le pain. Au Moyen

nières gelées. Les graines tombent très facilement.

Âge, en Allemagne du sud, en Bohême-Moravie et en

En conséquence, mieux vaux les récolter le matin,

Autriche, pour les fêtes, on faisait un pain assaisonné

lorsqu’elles sont encore humides de rosée. Ensuite, il

à l’anis. En Suisse, outre les crêtes de coq à l’anis, on

faut les faire sécher sur un linge puis les récupérer.

trouve les bâtonnets d’anis de Stans, le taureau d’Uri farci et nombre de petits pains à l’anis, par exemple les

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Des graines parfumées

crêtes de coq de Baden (mentionnées pour la première

Comme l’aneth, le fenouil, la coriandre et le cumin,

fois en 1710). Selon Paul Imhof, auteur du livre «Kuli-

l’anis compte parmi les ombellifères. Il se distingue

narisches Erbe der Schweiz (Patrimoine culturel de la

par son parfum inégalable émis par les huiles essen-

Suisse)», «c’est surtout dans la partie francophone du

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FotografiaBasica / iStockphoto


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