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Pourrons-nous venir à bout des maladies de notre époque ?
Certaines maladies sont plus fréquentes que d’autres. Le cancer du poumon, le burnout et la maladie de Crohn ont ainsi acquis une forte incidence. Quelle est la situation et que peut-on espérer pour l’améliorer ? Réponse ci-dessous.
Par Bastien Craninx
Dr Thierry Berghmans
Professeur en oncologie thoracique
Institut Jules Bordet, Hôpitaux Universitaire de Bruxelles
Stéphanie Delroisse
Psychologue du travail et professeure Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation de l’UCLouvain
Dans quelle mesure les maladies que vous traitez sont elles si répandues en Belgique ?
« Le cancer du poumon est le second cancer chez l’homme et le troisième chez la femme en Belgique. C’est la première cause de mortalité par cancer au niveau mondial dans les pays industrialisés. Les taux restent d’ailleurs relativement constants même après la pandémie, peu importe l’âge et le sexe. Cela reste une pathologie du sujet plus âgé (médiane entre 65 et 67 ans) avec une augmentation chez les gens plus jeunes étant donné qu’on fume de plus en plus tôt. Ce cancer est principalement lié au tabac. En 2020, 23% de patients ont été considérés comme guéris. Il est également important de noter qu’il existe plusieurs types de cancers bronchiques. »
« Les arrêts maladies pour raisons professionnelles concernent entre 4 et 7% de la population. C’est le mal de notre époque. Le monde du travail est sous pression. Il y a d’abord une pression temporelle chez les travailleurs pour répondre aux exigences du marché. Ensuite, les nouvelles technologies ont envahi notre vie quotidienne en faisant disparaître les barrières entre vie privée et vie professionnelle. Enfin, le collectif a tendance à laisser place au « chacun pour soi » dans les entreprises. Or, quand les exigences professionnelles excèdent nos ressources pendant une longue période, on risque le burnout. »
Quels ont été les progrès récents dans les traitements de ces maladies ?
« Il y a eu de belles avancées en termes de connaissance de la biologie du cancer. Les nouveaux traitements vont cibler certaines anomalies moléculaires, souvent liées à des récepteurs cellulaires. Le deuxième gros changement concernant d’abord les malades métastatiques sont les immunothérapies. Ça a beaucoup changé les choses. On a réussi à contrôler la maladie sur de longues périodes. Les approches chirurgicales moins invasives et les radiothérapies très ciblées sont également des avancées. »
« La connaissance scientifique du burnout (p.ex., les causes, l’impact sur la santé, etc.) et le fait qu’on en parle dans les entreprises. Pouvoir en parler rassure et isole moins le travailleur qui est stressé. On ne le faisait pas il y a 15 ans. On sait également mieux comment traiter la maladie. Le sommeil, par exemple, est essentiel pour aider à récupérer. Il faut prendre soin de soi, être attentif à son corps, mieux réguler ses émotions. Il faut se reconnecter à soi, savoir qui on est et ce que l’on veut dans son travail et dans sa vie de manière générale. Tout ce qui touche à la pleine conscience peut également fortement aider à réguler les émotions ainsi qu’en termes de prévention. »
Quels traitements ou avancées peut-on espérer dans les années à venir ?
« Il est primordial d’arrêter de fumer tout ce qui contient du tabac : cigarette, pipe, cigare, chicha… Le dépistage a montré son intérêt pour détecter des cancers à des stades précoces et devrait être intensifié. Les traitements ciblés tout comme les immunothérapies sont dans un continuum et s’adressent désormais à des stades moins avancés de la maladie. Ces traitements se complexifient et nous avons donc besoin de médecins spécialisés dans le domaine. Il y a également toute une série de nouvelles modalités thérapeutiques en cours d’études qui ne sont pas disponibles dans le commerce. Ce sont de potentiels traitements que nous espérons voir disponibles dans un avenir proche. »
« La réalité virtuelle promet de belles avancées dans le traitement du burnout. Elle permet de travailler les compétences émotionnelles, cognitives et relationnelles. Le patient s’expose à des situations qu’il redoute, ce qui lui permet d’augmenter sa confiance en lui. C’est utile dans la phase de réintégration au travail, mais également dans la prévention du burnout qui est un aspect essentiel en matière de santé. Il faut également s’interroger sur les questions de sens du travail. Et aussi penser aux aspects de déconnexion pour trouver un équilibre entre vie professionnelle et vie privée. En ce sens, les entreprises vont également devoir revoir leur manière de fonctionner. »
Denis Franchimont Directeur
Clinique des maladies inflammatoires chroniques de l’intestin, HUB - Hôpital ERASME
« La maladie de Crohn et la colite ulcéreuse sont des maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI). Elles affectent un ou plusieurs segments du tube digestif et concernent le plus fréquemment des adultes jeunes dans la deuxième et troisième décade, en impactant durablement leur qualité de vie. Ces maladies affectent 1,5 fois plus les femmes que les hommes. Il s’agit de maladies des pays occidentaux industrialisés. L’incidence de ces maladies n’a cessé d’augmenter de manière exponentielle (facteur de 2 à 10) au cours ces 50 dernières années. La prévalence des MICI est actuellement de 0.3 à 0.5% selon les régions du monde occidental. Il s’agit d’une réelle épidémie mondiale. »
« Les progrès sont liés à une meilleure compréhension de la maladie, au développement continuel de nouveaux traitements mais aussi à une approche plus centrée et globale du patient. La compréhension de la maladie suggère qu’il s’agit d’une réponse inappropriée du système immunitaire digestif vis-à-vis du microbiote intestinal chez une personne prédisposée génétiquement à ces maladies. Il n’existe pas encore de traitement curatif mais il existe de nombreuses stratégies de traitements dont l’objectif est la cicatrisation complète de la muqueuse intestinale. L’organisation des soins aujourd’hui adopte une approche de plus en plus multidisciplinaire et centrée sur le patient. »
« L’enjeu est toujours une meilleure compréhension du déclenchement/développement de la maladie. L’objectif aujourd’hui est de comprendre le facteur environnemental à l’origine de la maladie, et donc de commencer par une compréhension et caractérisation complète du microbiote intestinal chez une personne en bonne santé ou malade. Il s’agit d’un réel défi en raison de la complexité inouïe du microbiote. Celui-ci est extrêmement dynamique, influencé par énormément de paramètres, dont l’alimentation, et contient, outre des bactéries, des virus, des levures (champignons) et parfois des protozoaires (êtres unicellulaires), ainsi que de nombreux produits bactériens et alimentaires. »