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pièce montée
Quand le cinéma appelle à la gourmandise E D W A R D A U X M A I N S
D ’ A R G E N T
Tartelette à la crème et aux myrtilles Une des scènes qui m’a inspiré la tarte aux myrtilles est celle du jour où le « père » d’Edward eut l’idée de le créer. Celui-ci avait créé une machine pour faire des sablés, il en pris un en forme de cœur et l’imagina sur une machine. La base était donc un fond de pâte sablée. Ensuite, je voulais une couche de crème pour illustrer le teint pâle d’Edward et les crèmes que sa mères adoptives lui met. Et enfin une touche de noir avec les myrtilles.
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Tim Burton va au cinéma comme tout le monde, mais le cinéma l’impressionne plus que n’importe qui. Et surtout le cinéma fantastique. Il se souvient de Jason et les Argonautes de Don Chaffey (1963) comme l’un des premiers films qu’il ait vus. De cette épopée mythologique, il retient surtout les effets spéciaux du légendaire Ray Harryhausen (la fameuse technique du stop-motion dont Tim Burton adulte deviendra un ardent prosélyte) qui donnent vie à un géant de pierre ou à une armée de squelettes. « J’ai toujours aimé les monstres et les films de monstres, raconte Tim Burton. J’avais le sentiment que la plupart de ces monstres étaient incompris et qu’ils avaient généralement plus de cœur et d’âme que les humains autour d’eux. [ ] Ces films ont sans doute été mes contes de fées ». À l’époque, Tim Burton manifeste un goût assez large, mais les films avec Vincent Price lui « parlent de façon particulière ». Cet immense acteur américain (un mètre quatre-vingt-treize) au port aristocratique et à l’ironie très british est devenu une « star de l’horreur ». Tim Burton trouve dans ces films d’horreur très littéraires un exutoire à ses tourments d’enfant puis d’ado solitaire et, curieusement, il y voit même des correspondances avec sa propre vie : « Je grandissais en banlieue, dans une atmosphère perçue comme normale et agréable mais que je percevais, moi, autrement et ces films m’introduisaient à certains sentiments. Je les reliais à l’endroit où je vivais. » En 1976, il a obtenu une bourse pour intégrer le California Institute of the Arts, ou « CalArts » une école fondée par les studios Disney pour repérer les dessinateurs talentueux, capables à terme de devenir les animateurs de leurs prochains films. La chance sourit à Tim Burton trois ans plus tard, alors que sa bourse s’achève et qu’il n’a bientôt plus les moyens de payer sa scolarité, son film d’animation de fin d’année, Stalk of the Celery Monster (littéralement « L’attaque du céleri monstrueux » !), attire l’attention des recruteurs de chez Disney Tim Burton a alors 21 ans et, dans la tête, des images qui ne correspondent pas vraiment à l’esthétique Disney. L’esprit maison lui déplaît «Chez Disney, on veut que vous soyez un artiste et en même temps un travailleur zombi sans personnalité.»
Le style Burton, d’un côté une plongée dans un imaginaire dont les figures seront récurrentes et souvent moins effrayantes que le monde réel, de l’autre une satire iconoclaste de la « normalité », assortie d’une tendresse communicative pour le marginal, celui qu’on juge différent. L’expérience Disney est pourtant loin d’être aussi frustrante qu’il le racontera a posteriori. Deux Jeunes cadres, Julie Hickson et Tom Wilhite, ont perçu son talent ils lui permettent donc, pour un budget de 60 000 dollars, de réaliser Vincent, saisissant film de six minutes en noir et blanc, mêlant techniques du dessin animé et du stop-motion, ici l’animation image par image d’une marionnette. Vincent raconte l’histoire de Vincent Malloy un gamin de 7 ans qui aimerait tant être Vincent Price, et s’imagine vivant des situations macabres. Le court métrage reçoit des prix dans plusieurs festivals et passe pendant deux semaines en avant-programme d’un film Disney. Burton enchaîne avec un film avec des acteurs en chair et en os, une adaptation loufoque de l’histoire d’Hansel et Gretel pour Disney Channel. La réalisation de Frankenweenie, en 1984, précise son désir pastiche savoureux et émouvant de Frankenstein de James Whale. Ces deux films contiennent déjà, en miniature, ce que sera à l’avenir, le style Burton, d’un côté une plongée dans un imaginaire dont les figures seront récurrentes de la chauve-souris au chien zombi mais jugées souvent moins effrayantes que le monde réel, de l’autre une satire iconoclaste de la « normalité », assortie d’une tendresse communicative pour le marginal, celui qu’on juge différent. Qu’il s’agisse d’un chien rapiécé et «boulonné», comme l’était, jadis, la créature jouée par Boris Karloff, ou d’un jeune homme ayant des ciseaux en guise de mains De fait, Frankenweenie est bien la matrice d’Edward aux mains d’argent.
Edward aux mains d’argent
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Né le 25 août 1958 à Burbank, une banlieue de Los Angeles, Timothy William Burton confie avoir eu « les mêmes activités que les autres enfants aller au cinéma, jouer, dessiner ». Il ajoute, jouant les éternels adolescents « Ce qui est plus inhabituel, c’est de vouloir persévérer dans ces activités en grandissant. » Mais, plus loin, on apprend que « les gens ressentaient un besoin pressant de [le] laisser tout seul » et aussi qu’il avait « peu d amis, mais [qu’]il y avait suffisamment de films bizarres à voir pour se passer d’amis pendant un bon bout de temps ».Tim Burton a donc une enfance « presque » normale.
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Tartelette crème myrtilles
Une représentante en produits de beauté, la souriante Peg, découvre dans un vieux manoir un garçon laissé inachevé par l’inventeur qui lui a donné la vie. À la place des mains, Edward n’a que des ciseaux. Derrière cette apparence monstrueuse, Peg reconnaît un être qui a besoin de l’affection d’une famille. Elle lui offre la sienne. Mais dans le monde rose bonbon des gens normaux, Edward trouvera-t-il sa place ? C’est le plus beau film de Tim Burton, qui donne toute la mesure de son goût du merveilleux, nourri par les belles images comme par les images qui font peur. Le cinéaste réalise aussi son ambition de raconter une histoire par le jeu des couleurs. Pastel de l’Amérique heureuse des années 1950 où vit Peg et sa famille, sombres ombres du monde d’Edward : les contrastes sont forts, mais la palette subtile. Dans cette fable, qui s’appuie sur un décor naïf, classique (le manoir) ou kitsch (les bungalows du quartier de Peg), Burton nous parle, brillamment, à travers Edward de tolérance et de peur de l’autre. Frédéric Strauss
Pastel de l’Amérique heureuse des années 1950 où vit Peg et sa famille, sombres ombres du monde d’Edward : les contrastes sont forts, mais la palette subtile.
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Edward aux mains d’argent
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Edward aux mains d’argent
Ingrédients 8 tartelettes Temps de préparation : 1 h 30 Temps de cuisson : 15 mn Conseil : utiliser la crème d’Isigny
Crème pâtissière 200 g de sucre semoule 160 g de jaune d’œuf 100 g de poudre à flan 50 g de beurre 2 gousses de vanille
Pâte sablée vanillée 480 g de crème entière (35% de matière grasse) 300 g de sucre glace 100 g de poudre d’amande 20 cl de vanille liquide 160 g d’œufs 800 g de farine de gruau
Crème fouettée 1 L de crème entière (35% de matière grasse) 50 g de sucre glace
Myrtilles 300 g de myrtilles
Tim Burton et le gothique Quand apparut Winona Ryder dans Beetlejuice, ravissante nymphette au teint pâle toute de noir vêtue, voilette et dentelles comprises, on découvrit un type de personnage que le cinéma n’avait pas encore utilisé : l’adolescente gothique. Le gothique est un mouvement architectural, un courant littéraire (qui donna naissance à plusieurs romans fantastiques anglais au dix-neuvième siècle) puis, de façon plus futile, un mouvement de mode, issu des scènes musicales anglaises, dérivé du punk et qui joue avec les signes du macabre. Il exprime de façon ostentatoire un refus du conformisme (et dans le cas de l’adolescent, du modèle familial), une appartenance à un mouvement peu structuré, aux nombreuses ramifications. Tim Burton lui-même s’est longtemps coiffé comme Robert Smith, le chanteur du groupe new wave anglais The Cure, dont les fans imitaient le style vestimentaire et capillaire. Chez Burton, l’ado «gothique» est doté(e) d’une clairvoyance que n’ont pas les adultes c’est donc Winona Ryder communiquant avec les époux Maitland, récemment décédés, dans Beetlejuice, c’est aussi Natalie Portman, fille du président des États-Unis et bien plus raisonnable que son père, dans Mars Attacks ! Christina Ricci, dans Sleepy Hollow, est l’avatar inversé de ces héroïnes aux noires pensées sa pâleur est lumineuse au sein de ce conte noir. Même Edward, l’ado bardé de cuir, est une vision «gothique» venant assombrir les couleurs pastel du quotidien.
6 Des doigts comme des rasoirs Tartelette crème myrtilles
Entre les deux Batman Tim Burton a réalisé un plus petit film, sorti en 1990. La Wamer a même passé la main, jugeant le projet trop peu commercial. C’est la Twentieth Century Fox qui a hérité d’Edward aux mains d’argent, et elle ne le regrettera pas. Le film est une variation sur le mythe de Frankenstein une créature qui échappe à son créateur mais c’est avant tout un récit aux allures de conte, introduit, comme il se doit, par une récitante. C’est une vieille dame, ici, qui raconte à sa petite-fille l’histoire étrange en fait un flashback d’un homme qui avait des ciseaux en guise de mains et dont l’irruption a bouleversé la vie tranquille d’une petite ville américaine comme les autres. « L’idée est venue d’un dessin que j’ai fait il y a longtemps, explique Burton, une image qui me plaisait beaucoup. Elle m’était venue inconsciemment, et était liée à l’idée d’un personnage qui veut toucher les choses mais ne le peut pas, qui est à la fois créateur et destructeur. Cette image m’est sans doute apparue à l’adolescence c’est une période où j’avais le sentiment de ne pas pouvoir communiquer. C’est un sentiment commun à cet âge l’idée que votre image et la façon dont les gens la perçoivent n’ont rien à voir avec ce qui est vraiment votre moi intérieur ». Edward a des ciseaux en guise de mains, des ciseaux qui sont à la fois un outil et une menace parce que son créateur, un vieil inventeur vivant dans une grande demeure gothique à l’extérieur de la ville, est mort sans pouvoir le terminer. Pour ce rôle de « gentil » savant fou, le cinéaste a retrouvé son maître, Vincent Price, affaibli, malade, mais qui incarne avec une grande dignité l’extravagant personnage. Plusieurs mois après le tournage, Burton dialoguera avec l’acteur pour un documentaire sobrement baptisé Conversations With Vincent (1995) qui sera interrompu par la mort de Price. Mais c’est le choix du comédien principal qui va marquer un tournant dans la carrière de Tim Burton cinéaste désormais courtisé, on lui propose des noms de stars. Il rencontre Tom Cruise, auréolé du succès de Rain Man de Barry Levinson (1988) et qui vient de tourner Né un 4 juiIIet d’Oliver Stone (1989). Le rendez- vous n’est pas concluant. Burton a déjà repéré un jeune acteur à la gueule d’ange, idole du public adolescent pour son rôle dans la série télé 21 Jump Street. À 26 ans, Johnny Depp aspire à autre chose que les rôles de jeunes premiers fades. Burton et lui se trouvent, littéralement le cinéaste sait percevoir l’étrangeté derrière le visage lisse de l’acteur. Et voilà Depp affublé d’une étrange combinaison de skaï et d’étranges prothèses métalliques conçues par le créateur d’effets spéciaux Stan Winston, star du petit monde
du cinéma horrifique. Reste un détail non négligeable : la coiffure, hirsute, déconstruite, plus noire que noire. Que le jeune Edward soit un double de Tim est une évidence. C’est une représentante en cosmétiques jouée avec une délicatesse infinie par Dianne Wiest qui, lasse de ne pas trouver de clients, est montée jusqu au château où elle a découvert Edward, solitaire et apeuré. Pleine de bonne volonté, elle le ramène chez elle, et la structure du film en découle Edward découvre le monde de la « normalité » qui lui était inconnu, et semble parvenir à s’intégrer. Mais, tôt ou tard, il était écrit que sa « différence » le pousserait à être rejeté : la coqueluche de la petite ville en devient d’un seul coup le bouc émissaire exactement comme dans Frankenstein ou, à une échelle moindre, Frankenweenie. « Je me suis rendu compte très jeune que la tolérance n’est pas le sentiment le mieux partagé, explique Burton. On vous apprend très vite à vous conformer à certaines choses. C’est une situation dominante, au moins en Amérique, et qui démarre le premier jour d’école. Vous êtes classé : ce type-là est futé, celui-là non, lui est bon en sport, pas l’autre, ce gamin est définitivement bizarre et l’autre est normal. » Le meneur de la « curée » contre Edward est un fils à papa (comme l’était l’adversaire de Pee-wee !), prototype du jeune Américain sportif et bien nourri et petit ami de la jeune fille interprétée par Winona Ryder dont Edward est tombé amoureux. À travers lui, Burton et les spectateurs se vengent des bellâtres du lycée.
« L’idée est venue d’un dessin que j’ai fait il y a longtemps, une image qui me plaisait beaucoup. » Tim Burton
Crème pâtissière Faire bouillir le lait contenant la gousse de vanille fendue. Faire blanchir les jaunes d’œufs avec le sucre semoule. Puis rajouter la poudre à flan. Réservez en attendant l’ébullition du lait. Lors de l’ébullition, couler le lait vanillé sur le mélange œufs/poudres sèches. Mélanger rapidement puis cuire à feux doux 3 mn à petite ébullition tout en mélangeant. Ajouter le beurre, mélanger puis filmer au contact (Filmer au contact : poser un film alimentaire directement sur la crème ou la préparation de manière à empêcher le contact avec l’air et à la rendre hermétique. Cela évite la condensation et la formation d’une pellicule en surface) et réserver au frais.
Une fable polysémique
De fait, si le tournage a lieu en Floride, dans des décors naturels juste repeints d’insolites teintes pastel, c’est bien au Burbank de son enfance qu’a pensé Tim Burton en imaginant la petite bourgade du film. Drôle de banlieue résidentielle, d’ailleurs, comme posée au milieu de nulle part un plan en plongée nous montre l’étendue de maisonnettes toutes semblables, séparées par le vert des jardins et le gris de l’asphalte. Rien de plus improbable qu’au bout de la grande route se dresse une propriété qu’on croirait tirée d’un film d’horreur, avec son
jardin labyrinthe qui monte jusqu’au manoir. On est bien dans une topographie de l’imaginaire; la fable possède ici une frontière commune avec la réalité la plus ordinaire. Car Edward aux mains d’argent est peutêtre le film de Tim Burton qui décrit le plus fidèlement une certaine American way of life pavillonnaire. La satire sociale est là qui fait place à une dénonciation violente de l’obscurantisme, mais le regard de Tim Burton est d’abord tendre envers ses personnages, et il règne tout au long du film un curieux sentimentalisme. L’épilogue en fait même un mélo assez efficace. C’est la simplicité du récit qui le rend riche et polysémique, fable contre l’intolérance, donc, autoportrait à peine masqué, peinture d’un état d’adolescence, à la fois fragile et dangereux pour l’adolescent comme pour ceux qui l’entourent, etc. Certains ont cru y voir une réflexion sur la peur du sida à cause du cliché tenace du coiffeur homosexuel. Burton n’a jamais tenu à privilégier l’une ou l’autre piste. Quand il a commandé le script à la jeune romancière Caroline Thompson, dont il a aimé le premier roman, First Born (1983), Tim Burton a été heureux « qu’ils se comprennent sans être obligés de s’expliquer l’un à l’autre la portée symbolique du récit ». Idem avec Johnny Depp, qui offre une prestation digne du cinéma muet souvent réduit à l’immobilité chaque geste mal calculé pouvant avoir des conséquences désastreuses. Son expressivité passe par le regard, tour à tour innocent, perdu, effrayé ou en colère. C’est Charlot qui rencontre Nosferatu.
L’expressivité d’Edward passe par le regard, tour à tour innocent, perdu, effrayé ou en colère. Pâte sablée vanillée Mélanger les poudres sèches (sucre glace, poudre d’amande, farine), ajouter le beurre froid en petits cubes puis les œufs et la vanille. Mélanger à la feuille (c’est à dire mélange avec le batteur électrique robotisé). En faire une boule et réserver au frais.
Johnny Depp Johnny Depp a souvent raconté sa première rencontre avec Tim Burton, alors qu’il postulait au rôle principal d’Edward aux mains d’argent : le face-à-face de deux grands marmonneurs, timides et renfermés, incapables de finir une phrase, et plus encore le mariage de deux outsiders. Gueule d’ange exploitée dans l’enfer des séries télé pour ados, l’acteur avait besoin de rencontrer quelqu’un qui porte son étrangeté, sa « différence » sur son visage (ou plus exactement dans sa coiffure, soigneusement hirsute), pour arriver à exprimer son propre non-conformisme. Né en juin 1963, Johnny Depp a longtemps rêvé d’une carrière dans le rock avant de se lancer dans le métier d’acteur. Tim Burton lui a donné une légitimité qui l’a aidé à multiplier les rôles, incarnant désormais aussi bien des personnages sérieux qu’extravagants mais, en retour, Johnny Depp lui est resté fidèle alors même que la série Pirates des Caraïbes, où il incarne le flibustier fantôme Jack Sparrow, l’a sacré superstar. Pour une vedette de cet acabit, Depp a gardé une liberté de jeu totale et le goût de l’expérimentation. Il a révélé comment ses compositions s’inspirent parfois d’acteurs du passé, repérés dans des films connus ou non, ou de personnages réels il joue en virtuose d’une « joliesse » - que l’âge ne semble pas atteindre -, d’une douceur dans la voix qui masquent parfois la violence ou la complexité des rôles qu’il accepte. Avec Tim Burton, il a tourné cinq films - plus la voix off du héros des Noces funèbres - et il est probable que cette collaboration ne s’arrête pas là, c’est un couple qui appartient désormais à l’histoire du cinéma.
7 Edward aux mains d’argent
Si le film s’ouvre dans une atmosphère de conte, à laquelle la musique de Danny Elfman, riche en chœurs éthérés, n’est pas étrangère, la première partie du récit ménage de vrais moments de comédie comment vivre la vie de tous les jours avec des ciseaux acérés en guise de mains ? Comment porter la nourriture à sa bouche ? Très vite, Edward tire pourtant parti de sa particularité : il est un émérite tailleur de haies, sculptant d’étonnantes figures animales dans les jardins proprets, il devient aussi le coiffeur de ces dames, jamais à court d’imagination pour d’extravagantes mises en pli. Se faire coiffer par lui devient même un enjeu érotique être à la merci des lames tranchantes procure à ces desperates housewives américaines un délicieux frisson qu’elles ne pardonneront finalement pas à Edward. L’inquiétant n’est jamais loin de l’extraordinaire. La même sculpture végétale en forme de dinosaure prend à la nuit tombée une allure terrifiante. La même réalité peut être vue comme inoffensive ou dangereuse selon qui la regarde.
Chantilly La crème doit être bien froide ainsi que le récipient. Pour être sure que la crème chantilly monte, placer le récipient dans un autre saladier rempli de glaçons. Verser la crème dans le saladier ainsi que le sucre glace. Battre le mélange à l’aide d’un fouet éléctrique. Changer de vitesse (du plus lent au plus rapide) progressivement, toutes les 30 secondes environ. Monter jusqu’à ce que le mélange soit mat. Analyse visuelle et morale Edward, particulièrement, reste un miracle d’équilibre gracile, de finesse narrative alliés à l’imagination débordante de Burton, qu’il est parvenu cette fois à contenir, pour le meilleur. Si Edward est une date pour son réalisateur, c’est également l’une des plus belles compositions de son musicien attitré de l’époque, Danny Elfman, mais aussi et surtout la seule apparition à l’écran de l’acteur qui a fait de Burton ce qu’il est aujourd’hui : Vincent Price. Un film loin d’être parfait, mais qui brandit haut et fier ses fragilités, avec une humilité touchante qui échappa à Burton par la suite.
8 Tartelette crème myrtilles
Edward est créé ex nihilo par son « père », inventeur de génie dont on n’entendra pratiquement jamais la voix, et interprété par Vincent Price. Et s’il est créé par Price, il n’est « pas fini », ne pouvant pas toucher le monde autrement qu’au moyen de mains dont les doigts sont autant de ciseaux. La métaphore de Burton est ici transparente : tourmenté par un monde intérieur qu’il expose réellement pour la première fois au monde, Burton-Edward ne sait pas vraiment comment tendre la main à ses contemporains sans les effrayer, sans les blesser pour autant. Burton identifie clairement l’ennemi dans Edward : c’est la norme. Dans Edward, la norme s’exprime avant dans le portrait d’une bourgeoisie de banlieue très typiques d’années 1950 issues d’une American way of life fantasmée : maisons clonées, rangées, aux couleurs pastels pour ne pas choquer l’œil, entourées de jardins que l’on tond tous les jours et de voitures rutilantes briquées; voitures qui partent au travail dans un même mouvement, à la même heure; trottoirs et chemins que l’on emprunte qu’à angles droits; personnages correspondant précisément à un archétype, sans nuance… Il met en scène sa banlieue avec un burlesque froid, glaçant, en confrontant son héros faussement naïf aux absurdités matérialistes d’une norme qui lui fait peur. Burton veille à casser les codes de la norme visuelle : ses premiers plans, dans le château de l’inventeur, rappellent intensément l’esthétique de l’expressionnisme allemand. Burton, ainsi, filme Edward à l’ouvrage selon une structure en trois plans : vue d’ensemble, avec Edward qui s’intéresse à un buisson, commençant à le tailler ; vue « subjective » du buisson en question avec force projections de branches et feuilles coupées; puis Edward, de nouveau en plan large, près d’une merveilleuse création.
Dressage Préchauffer le four à 180°c. Placer de la farine sur le plan de travail, étaler la pâte sablée à 5 mm d’épaisseur à l’aide d’un rouleau à pâtisserie. Placer de la pâte dans les 8 moules à tartelettes. Piquer les fonds de tarte à la fourchette. Enfourner et faire cuire 10 à 15 minutes. Sortir du four et laisser refroidir. Mettre la crème pâtissière dans une poche à douille. Une fois les fonds de tartelettes refroidis, faire un dôme de crème pâtissière dans chacun des fonds de tarte (environ 3 cm de haut). Mettre la crème chantilly dans une poche à douille, placer la chantilly en commençant par en bas et en tournant autour du dôme de crème pâtissière. Enfin placer les myrtilles sur le dôme de chantilly.
Un monde des contes où la beauté gracile du merveilleux côtoie le sombre, le caché, l’inquiétant. L’oppression est d’autant plus présente que Burton filme en filigrane une menace sourde et qui ne dit pas son nom. Ainsi, bien vite, l’apparente harmonie de façade qui est celle de la banlieue où se situe l’action se fissure tandis qu’Edward passe du statut de curiosité – et donc reste passif – à celui d’individu. Pour Burton, Edward est un être à l’état de nature, tel que l’entendait Rousseau; mais contrairement à l’écrivain, Burton souligne l’importance de s’être abstrait de toute forme d’influence de civilisation pour naître réellement à cet état de nature. Burton, avec Edward aux mains d’argent, livre finalement un constat intense et pessimiste de la création artistique : l’art comme l’artiste sont un monde intérieur, qui se doit d’être au delà de la morale et de la norme.