Tout lascaux

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LES AUTEURS Muriel Mauriac, auteure de la préface, est Conservatrice de la grotte de Lascaux. Yves Coppens, auteur du préambule, est paléontologue, co-découvreur ou co-signataire de six hominidés nouveaux dont « Lucy » (Australopithecus afarensis), Professeur au Collège de France et au Muséum national d’Histoire naturelle, membre de l’Académie des Sciences et de l’Académie de Médecine. Il a présidé le Conseil scientifique international de Lascaux de 2010 à 2017. Pedro Lima, auteur des textes, est journaliste scientifique spécialiste de la préhistoire. Il a visité plusieurs sanctuaires majeurs de l’art pariétal paléolithique, comme Lascaux et Chauvet-Pont d’Arc, et témoigne dans ses ouvrages de la beauté de ces sites appartenant au patrimoine commun de l’humanité. Philippe Psaïla, principal auteur des images de l’ouvrage et des contenus multimédia qui l’accompagnent, est photographe et vidéaste spécialisé dans les reportages sur la connaissance, les sciences et la découverte. © Éditions Synops, 2017 pour le texte et la composition du volume. ISBN : 978-2-9542888-8-8 Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon, aux termes des articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle. www.synops-editions.fr


Collection « P r é h i s to i re s »

TOUT

LASCAUX Pedro Lima - Philippe Psaïla Avec Yves Coppens Préface de Muriel Mauriac


L’ENTRÉE

L’ABSIDE

LA SALLE DES TAUREAUX

LA SCÈNE DU PUITS

LE DIVERTICULE AXIAL

LA NEF

LE PASSAGE

LE DIVERTICULE DES FÉLINS


SOMMAIRE

Préface

Introduction

Préambule

UN CHEF-D’ŒUVRE À TRANSMETTRE AUX GÉNÉRATIONS FUTURES

LASCAUX, UNE ŒUVRE DE VIE ET D’HUMANITÉ

DE L’ORIGINE DE L’HOMME À L’ORIGINE DE L’ART

Par Pedro Lima

Par Yves Coppens

Par Muriel Mauriac

10 - 11

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18 - 33

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LA RÉVÉLATION DE LASCAUX

SOUS LE SIGNE DU TAUREAU

De la découverte à la fermeture

La salle des Taureaux

DANS LA CHAPELLE SIXTINE DE LA PRÉHISTOIRE Le Diverticule axial

34 - 51

52 - 79

80 - 111

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05

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AU CŒUR DU SANCTUAIRE PALÉOLITHIQUE

UN LASCAUX OUBLIÉ SORT DE L’OMBRE

LE DERNIER SECRET DE LASCAUX

La Nef

La scène du Puits

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126 - 157

158 - 169

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Conclusion

LA GRANDE AVENTURE DES FAC-SIMILÉS

HOMO SAPIENS DANS TOUTE SA COMPLEXITÉ

Le Passage et l’Abside

Lascaux II, III et IV

170 - 201

Par Pedro Lima

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P R É FAC E

Un chef-d’œuvre à transmettre aux générations futures

des traitements biocides à répétition. Si les mesures mises en œuvre, en particulier un accès très restrictif à la grotte et l’abandon des traitements biocides, ont abouti à la relative stabilité que connaît la grotte aujourd’hui, les différents phénomènes l’ayant perturbée n’ont pas tous encore trouvé d’explications.

Véritable chef-d’œuvre de l’art pariétal, trésor inestimable, la grotte de Lascaux suscite passion et fascination comme nulle autre. Découverte fortuitement le 12 septembre 1940 par quatre jeunes garçons, Georges Agniel, Simon Coencas, Jacques Marsal et Marcel Ravidat, dans une France meurtrie par la guerre, Lascaux va très vite devenir dans le monde entier aussi célèbre pour la beauté de ses œuvres peintes et gravées que pour ses problèmes de conservation.

C’est dans une approche interdisciplinaire, au service de la conservation de la grotte, que des recherches scientifiques, diversifiées mais complémentaires, sont menées. Ces recherches qui ont permis de faire progresser la connaissance scientifique de manière remarquable, visent à corréler les données climatiques, microclimatiques et microbiologiques, mais aussi à mieux appréhender le fonctionnement géologique de la grotte à l’échelle du massif karstique dans lequel elle se trouve.

Immédiatement considérée comme un événement majeur – Bataille parlera de la naissance de l’art – cette découverte va offrir au monde une grotte vierge de toute exploration, suscitant l’enthousiasme de la communauté scientifique internationale et du grand public. Mais son ouverture à la visite, et l’incroyable engouement qu’elle suscite, va rapidement déstabiliser ce milieu naturel fragile. De crises en solutions, Lascaux va constituer un lieu d’expérimentations multiples qui en ont fait, malgré elle, un laboratoire pour la conservation des grottes ornées.

Au-delà de la rigueur scientifique indispensable à la gestion d’un tel site, comment ne pas se laisser envahir par la beauté de ces peintures et de ces gravures, leur abondance dans un si petit volume ? Comment ne pas avoir le souffle coupé dans ce face à face d’aurochs aussi puissants que monumentaux qui contrastent avec la finesse et le raffinement extrême des gravures ? Comment ne pas être émerveillé par les galopades des chevaux et poneys dont le traitement pictural renforce l’impression de mouvement ? Si le sens profond de ces

La crise bioclimatique survenue au début des années 2000 replaça la grotte au cœur de l’urgence et obligea à nouveau le ministère de la Culture à développer un programme de conservation préventive dans ce lieu à l’écosystème fortement déstabilisé, rendu insensible aux soins par

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tout est mis en œuvre afin de permettre la conservation de ce joyau, le mieux possible, le plus longtemps possible.

œuvres aujourd’hui nous échappe, il est indéniable que celles-ci sont le fruit d’une pensée très élaborée et d’un savoir-faire parfaitement abouti, rapprochant ainsi les hommes dans leur quête d’universalité. Les différentes compositions ornant la grotte ne nous semblent pas liées les unes aux autres. Il est pourtant vraisemblable qu’elles devaient se répondre, dans un dialogue subtil faisant sens : regroupés par espèce, les animaux d’un même groupe sont représentés orientés dans le même sens et rares sont les animaux isolés. Faut-il y voir une volonté de créer une cohérence au sein d’un même groupe ? Mais ce qui interroge davantage encore, c’est l’extrême simplicité avec laquelle la seule figure humaine de la grotte a été réalisée. Est-ce le fruit d’un interdit social de représenter l’Homme ? L’aptitude d’Homo sapiens à développer des concepts complexes, à s’organiser au sein d’un groupe social, son sens de l’observation de l’environnement dans lequel il évoluait, tout cela a contribué à la réalisation de ce chef-d’œuvre.

Et si la fermeture au public de la porte de bronze de la grotte de Lascaux est aujourd’hui considérée par tous comme une nécessité, une autre qui mène à la connaissance et au savoir partagé s’est ouverte en décembre 2016 avec le Lascaux, Centre international de l’Art pariétal. Il est beaucoup reproché à l’homme moderne de modifier et même de détruire profondément son environnement et la planète. En peignant et gravant les parois de la grotte de Lascaux, nos ancêtres ont montré leur sensibilité à la vie qui nous entoure et ont laissé une trace du génie de l’humanité. À nous de la préserver !

L’importance et la renommée de la grotte de Lascaux, les différents épisodes bioclimatiques depuis sa découverte en 1940, la complexité et le nombre des variables scientifiques entrant en jeu pour établir diagnostics et traitements recommandent méthode, prudence et circonspection. Si l’on ne rendra pas à la grotte l’équilibre que lui avait procuré son isolement initial,

Muriel Mauriac Conservatrice de la grotte de Lascaux

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Un harmonieux quatuor polychrome

La voûte du Diverticule axial

années qui ont suivi la découverte, des trous ayant servi à fixer cette structure ont en effet été identifiés sur les parois, par exemple entre les pattes d’un grand taureau noir. Installés sur ce solide édifice, les peintres pouvaient alors préparer leurs couleurs sur des palettes en plaquette calcaire, également retrouvées sur les sols archéologiques. Pour ce faire, ils raclaient des blocs compacts de pigments minéraux extraits de gisements proches de Lascaux, ocres et bioxydes de manganèse, avant de mélanger les poudres ainsi produites, et d’y ajouter un peu d’argile ou d’eau, pour obtenir la consistance souhaitée. Des dizaines de fragments de matières colorées, sous forme de blocs, poudres ou crayons, ont été retrouvés dans Lascaux. Mélangés, ils permettaient de composer une palette particulièrement riche, d’une vingtaine de teintes environ. La matière picturale était alors déposée au pinceau en poils de bête, comme pour les fines cornes des vaches bicolores.

Justesse des couleurs, délicatesse des traits, calme des vaches tranchant avec la démesure des taureaux de la salle précédente, sentiment de plénitude qui émane de ce bestiaire somptueux… Les premiers mètres du Diverticule axial évoquent un temps serein, presque enchanté, peut-être un mythe des origines et de la fécondité transmis par les artistes. Quelle que soit sa signification profonde, le décor orné regroupe ici, sur deux dizaines de mètres à peine, plus de chefs-d’œuvre que n’en comptent la plupart des grottes ornées connues. Au point de constituer, selon le préhistorien Jean Clottes, « un apogée, ou sommet absolu, de l’art pariétal paléolithique ». Dès 1940, cette galerie de peintures a d’ailleurs été baptisée « chapelle Sixtine de la préhistoire » par l’abbé Breuil, impressionné par le génie des artistes. Plus que toute autre représentation, les quatre figures, dont les têtes se rejoignent au plafond du passage, illustrent cette recherche de perfection. Il s’agit de trois vaches et d’un cheval associant des techniques picturales élaborées, exécutés au moyen de teintes rouges, brunes et jaunes sur la voûte immaculée située à quatre mètres de hauteur. Pour atteindre ce plafond, les créateurs ont au préalable édifié des échafaudages en poutres de bois, obtenues en exploitant des chênes disponibles dans les forêts environnantes. Dans les

Particulièrement visible sur cette vue du plafond du Diverticule axial, la couche de calcite blanche qui recouvre la roche, parfaitement immaculée, s’est détachée en certains points de la voûte, avant le passage des peintres.

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Le Diverticule axial

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Deux bisons adossés en trois dimensions

Le panneau des Bisons adossés

l’exploitation optimale du relief, qui l’a aussi conduit à profiter d’un renflement rocheux pour donner du volume à la bosse du bison de gauche, le peintre, qui a travaillé sur ce panneau au pinceau, au pochoir et au soufflé, a donné le meilleur de lui-même dans l’expression de la perspective. Ainsi, pour rendre compte de l’anatomie et des positions relatives des deux bovinés, il a employé en plusieurs endroits la technique de la réserve, présente par ailleurs, mais poussée ici à un niveau supérieur. Ainsi, les deux pattes droites du bison de gauche sont séparées du reste du corps par un espace laissé délibérément vide, donnant le sentiment qu’elles sont éloignées. La réserve est également employée, de manière très ingénieuse, à la croisée des puissantes croupes. La limite entre les deux surfaces comprend en effet une étroite frange exempte de pigment noir, faisant ressortir le jaune du calcaire argileux sous-jacent. L’effet visuel est saisissant : cet espace volontairement vierge souligne la séparation des masses, et permet de distinguer, au premier coup d’œil, les deux mammifères. La dernière singularité de cet imposant panneau, qui clôture la visite de la Nef avant l’exploration de l’extraordinaire scène du Puits, réside dans l’adossement des deux animaux. Certes, le ou les peintres de Lascaux ont mis en scène plusieurs duos animaliers de la même espèce, en d’autres points de la cavité. Rappelons-nous par exemple les deux grands aurochs de la paroi gauche de la salle des Taureaux, les bouquetins du fond du Diverticule axial, en contrebas de la Vache qui tombe, ou encore les deux hémiones jaune-orangé de la paroi gauche de ce même Diverticule. Tous furent représentés face à face, symbolisant peutêtre les combats entre mâles liés au rut, ou la rivalité entre femelles. Déjà, bien plus

Ce sont les deux dernières figures visibles sur la paroi gauche de la Nef, dont la descente s’accentue ensuite vers un étroit boyau terminal. Il s’agit de deux bisons dégageant force, puissance et vitalité, aux croupes entrecroisées. Pour représenter ce duo de l’âge de glace, le peintre paléolithique a exploité toute sa connaissance, déjà affirmée, des règles de la perspective. Les deux animaux sont clairement sexués, comme l’indique le fourreau pénien représenté sous chacun d’entre eux. Les seules différences entre les deux individus sont d’ordre chromatique : l’attribut sexuel de celui de droite est figuré en rouge brique, celui du bison de gauche étant peint au bioxyde de manganèse noir. Quant à la robe du boviné de droite, elle est entièrement noire, se détachant ainsi superbement de la paroi, plus régulière en ce recoin de la cavité, et qui a pris de chaleureuses tonalités jaune or. La toison du bison de gauche, majoritairement noire, présente pour sa part une large bande du même rouge brique que le fourreau pénien de son congénère. Il est possible que cette tache rougeâtre corresponde à la marque du pelage printanier, caractérisé par la mue et donc une perte d’épaisseur de la toison. L’effet de symétrie entre les deux bisons adossés, certainement voulu par le peintre, est intensifié par le relief naturel de la paroi. En effet, le panneau s’inscrit sur deux plans orientés vers la profondeur de la niche rocheuse, et se rejoignant justement à l’intersection des deux croupes. À la vue de cette composition, à la fois simple et très impressionnante, dont est entièrement absente la gravure, on a presque la certitude que l’artiste a choisi, sciemment, cette topographie particulière pour faire revivre deux animaux importants de son bestiaire mythique. Outre

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La Nef

Vue du panneau des Bisons adossés depuis le fond de la Nef, avec les panneaux de la Vache noire et de l’Empreinte en arrière-plan.

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