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Mythes & Légendes

Breguet et l’Empire ottoman, une histoire d’amour

Par Kenan Tegin*

Dans un article précédent, j’évoquais l’importance de la mesure du temps et de l’astrologie dans la culture islamique. Il est en effet essentiel de fixer avec exactitude l’heure des cinq prières journalières de l’islam. Au 19ème siècle, l’astronomie ayant ses limites, l’horlogerie mécanique connaît donc un véritable engouement chez les Ottomans. Il est dès lors fréquent, peut-être le sujet d’un prochain article, de croiser à Constantinople des horlogers genevois de confession protestante qui fabriquent montres et horloges tout en remplissant leurs devoirs missionnaires.

L’horloger et Monsieur l’Ambassadeur

Elle remontent au début du 19ème siècle, les relations commerciales entre AbrahamLouis Breguet et l’Empire Ottoman, entre cette grande maison d’horlogerie française et la «Sublime Porte». C’est le nom donné

Portrait du Sultan Mahmud II, réformateur et esthète, mort jeune de la tuberculose en 1839, après avoir réorganisé son Empire en s’inspirant de l’Occident

En 1813, Breguet envoie au Sultan Mahmoud II une magnifique pendule sympathique valant 35’000 francs de l’époque. Retour sur un étonnant lien affectif qui perdure encore aujourd’hui entre la marque et le marché turc.

Pendule Sympathique Breguet offerte au Sultan Mahmoud encore visible à Istanbul Au cœur du Palais de Topkapi, le musée d’horlogerie d’Istanbul

à l’une des entrées du Palais de Topkapi, siège du pouvoir de l’Empire ottoman. Et puisque par définition, le commerce ne connaît ni frontières ni continent trop éloigné, Abraham-Louis Breguet s’intéresse au lointain marché ottoman d’autant que, pendant les guerres napoléoniennes, les frontières avec l’Angleterre, la Russie et l’Espagne sont fermées. Pour y développer ses affaires, il a un atout: sa longue amitié avec l’ambassadeur de la «Sublime Porte» à Paris, Esseid Ali Effendi.

Client assidu, ce-dernier achète en 1801 une pendule après avoir acquis en 1799 une montre à répétition minutes. Lorsqu’il retourne chez lui en 1802, Esseid Ali Effendi ne perd pas contact avec l’horloger, comme en témoigne une abondante correspondance entre les deux hommes. Des écrits souvent finalisés par l’achat de plusieurs pendules, de montres, ainsi que de baromètres. Ali Effendi, qui connaît l’esthétique ottomane, joue même parfois les stylistes: il oriente Breguet pour s’introduire sur les marchés d’Orient. Il le conseille, le dirige vers les cadrans émaillés blancs et, pour les montres de poche richement décorées, vers les doubles boîtiers également émaillés, vers le choix des pierres précieuses. Il lui suggère les couleurs vives, comme des rouges et des variétés de verts.

Un style qui plaît

Abraham-Louis Breguet, dès 1803, abandonne donc son style néo-classique pour séduire les Ottomans. Il dote ses cadrans de chiffres turcs, se détourne des chiffres romains et s’en remet aux cadraniers genevois pour la réalisation de ses cadrans.

*Kenan Tegin, l’impacteur

Il lance en 1993 pour le groupe Ringier avec le soussigné qui était alors son collaborateur, les magazines Montre Passion, Uhren Welt, puis le prix Montre de l’Année. Transmettrice du virus horloger, sa célèbre rubrique Mythes & Légendes revit dans JSH Magazine. Avis aux passionnés, sa superbe collection est à vendre. Même si les histoires qu’elle renferme sont loin d’avoir dit leur dernier mot. _JAG

Entre les deux empires, les affaires se développent favorablement. Les riches et les élites ottomanes achètent beaucoup de montres et de pendules. Jusqu’en 1820, ce sont au minimum huit pièces importantes par année qui sont exportées vers Istanbul. Les Français réalisent l’importance de cette clientèle au point que Breguet décide

Abraham-Louis Breguet (17471823), horloger et physicien français d’origine neuchâteloise

Aimée du Buc de Rivery, Sultane Nakchidil d’origine martiniquaise d’envoyer sur place un horloger de confiance comme intermédiaire. Celui-ci conseille, vend et, de temps en temps, mets la main à la pâte pour l’entretien sur place des pièces.

Cadeau impérial

A la même époque, motivé par Napoléon, le Gouvernement français décide d’offrir un cadeau prestigieux au jeune Sultan turc Mahmoud II, en l’honneur de son avènement. Ce jeune monarque arrive au pouvoir en 1808. Il aime le style occidental, affectionne les uniformes à la française. Ce n’est guère étonnant puisque sa mère, la sultane validé (Reine Mère) Nakchidil, est d’origine française. Elle s’appelle Aimée de Buc de Rivery et est la fille de nobles planteurs martiniquais.

Touché par la magnifique Pendule Sympathique que la France lui envoie, Mahmoud II décrète que la maison Breguet sera responsable exclusive de l’entretien des multiples pendules du Palais de Topkapi. Quant à la 1 pièce exceptionnelle, elle peut toujours être admirée au Musée d’Horlogerie du Palais, au milieu d’environ 15 autres réalisations admirables de Breguet.

Reste que l’amour des Turcs pour les réalisations de la marque Breguet résiste au

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Breguet ref. No 2952 - Montre à répétition des quarts faite pour le marché turc, double boîte d’or émaillé, lunettes ornées d’émail flinqué rouge à décor paillonné (…); cadran émail avec chiffres turcs, échappement à cylindre de rubis, sonnerie sur ressorttimbre. Ømm 47. Envoyée le 4 mars 1817 à M. Leroy, agent de Breguet à Istanbul.

temps. Sa compréhension de l’art et son intégration de l’esthétique ottomane font d’elle encore aujourd’hui une marque très recherchée par de nombreux collectionneurs turcs. Le regretté Nicolas Hayek Senior, ancien Président-co-fondateur du Swatch Group, appréciait beaucoup les Breguet de type «oriental». Il en achetait souvent aux enchères, lui qui était d’origine libanaise… n

WatCH Café Maison de l’Horlogerie, Genève #TheWatchPlace2Be WatCH Café Maison de l’Horlogerie, Genève #TheWatchPlace2Be

24, rue du Cendrier Entrée Rue Kléberg24, rue du Cendrier Entrée Rue Kléberg 1201 Genève 1201 Genève

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