DOSSIER PAYSAGE
L’EAU DANS LES JARDINS, DE L’ORIENT A L’OCCIDENT
BISSAT TAMARA GROBELNY SONIA OUDRHIRI KHAWLA ZINE ELABIDINE ALI
SOMMAIRE Avant propos
Les jardins le la perse antique, jardins des délices De la perse antique aux jardins mauresques Les jardins arabes, ou une organisation subtile L’Alhambra, Un jardin nommé plaisir De l’orient à l’occident Jardins à la française
AVANT PROPOS Le jardin espagnol ou hispano-mauresque est un type d'aménagement paysager typique des jardins d'Islam, c'est-à-dire héritier des jardins persans et byzantins. L'influence byzantine de l'ancienne Bétique est particulièrement marquée, mais on retrouve aussi l'influence wisigothique. À l'époque de l’Age d'or de la civilisation arabo-musulmane ( XII°s) , les jardins arabo-andalous se veulent être l'évocation du paradis sur terre, la représentation d'un monde idéal. Ils manifestent une maitrise du génie de l'eau en des régions où celle-ci est rare. Ce savoir faire novateur pour l’époque est un model écologique, utilisant la gravité et les lois de la physique et donc ne consommant pas ou peu d’énergie, et va traverser les siècles.Jusqu'à nos jours l’eau a une place prépondérante dans les jardins paysagers européens notamment… Mais comment cette transition d’une culture a une autre a été faite ? Que représente l’eau dans un jardin ? Et quels sont les systèmes utilisés?
Les jardins le la perse antique, jardins des délices… En Perse (Iran actuel, Irak, Turkestan) , le jardin est divisé en quatre parties équivalentes par des canaux disposés en croix , symbolisant les 4 fleuves du paradis terrestre ( Nil, Euphrate, Tigre, Indus) , avec au centre un bassin ou une fontaine.Les plantations en lignes droites, les tracés réguliers, les quatre éléments ( eau, ombre, couleur, bruit) , l’échelle individuelle , l’absence de sculpture ( Pas de Dieu ) caractérisent les jardins persans.L’eau est l’âme du jardin. En 401 avant J.-C., alors que les Grecs luttent contre les Perses, l’historien grec Xénophon découvre, au cœur même du désert, de splendides jardins que les Perses appellent alors pairidaiza : le mot combine pairi (« autour ») et daiza (« mur »), car ces premiers jardins des délices sont ceints de murs. Le terme donna paradeisos en grec, puis paradisus en latin ecclésiastique. L’une des caractéristiques des jardins perses est l’importance de l’eau. Une sorte de tunnel souterrain, sous la nappe phréatique, appelé qanat est utilisé pour irriguer le jardin et ses alentours. Des structures semblables à des puits sont ensuite connectées au Qanat, permettant ainsi de ramener l’eau à la surface. Alternativement, un puits persan utilisant la force animale peut être utilisé pour ramener l’eau à la surface. De tels systèmes peuvent aussi être utilisés pour déplacer l’eau dans le système aquatique de surface comme ceux qui existent dans le style appelé chaharbagh. Les arbres étaient souvent plantés dans un fossé appelé Jub, ce qui réduisait l’évaporation de l’eau et permettait à la’eau d’atteindre plus rapidement les racines. Le jardin des Achéménides (empire fondé par Cyrus le Grand au vie s. avant J.-C.) est un paradis d’agriculteurs. Ils sont réputés pour cultiver sésame, riz, pistache et vigne. Pour traverser les déserts, ils réalisent des réseaux de canaux souterrains évitant l’évaporation de l’eau, tandis que, dans ces oasis encloses que sont les premiers jardins, les canaux à l’air libre soulignent les axes orthogonaux de leur composition géométrique. Ces cours d’eau sont visibles de terrasses ombragées. En plus d’une architecture, les Achéménides donnent au paradis des parfums : ceux de la myrrhe, du nard et de la rose. Leurs successeurs sassanides ont une tout autre conception de l’art du paradis. Grands chasseurs, ils préfèrent les vastes étendues, les parcs riches en gibier, servant à la chasse royale. Toutefois, ils ne négligent nullement les plantes aromatiques et les parfums, dont ils font commerce. Les effluves de leurs extraits de violette, de nénuphar, de narcisse, de jasmin, de myrte et de fleur d’oranger se répandent sur tout le Moyen-Orient et le Bassin méditerranéen. Les Sassanides sont également renommés pour leurs tapis dont le motif est un jardin reprenant le plan d’un paradeisos. Alors que le sable recouvre progressivement les premiers paradis perses, ces tapis préservent une image idéale qui, durant plus de mille ans, est l’une des références essentielles des jardins de l’Inde comme de ceux de l’Islam.
De la perse antique aux jardins mauresques… Inspiré par le Coran, l’islam des origines fait revivre la notion du paradeisos persan : vaste parc sauvage, rythmé de forêts, de parterres d’arbres fruitiers et de canaux. C’est le cas des Maures qui s’installent en Espagne au viiie s. : les recherches archéologiques menées dans les jardins de l’Alcázar de Séville et dans ceux du Generalife et de l’Alhambraà Grenade ont mis au jour des parterres surbaissés, divisés en damier. Ce type de jardin se présente au cœur de la demeure civile qu’il agrémente, tandis que l’abstraction domine dans les « parterres de broderies » et les décors en céramique des bassins. Ces jardiniers arabes ont eu une influence déterminante sur le jardin de l’Europe médiévale. À partir de leur conversion à l’islam, les Turcs ottomans reprennent également le modèle du paradis perse, mais recherchent dans leurs jardins la fraîcheur en accordant à l’eau une place privilégiée et en multipliant petits pavillons et kiosques.
Le plein épanouissement de l’art du jardin musulman est atteint avec les créations des Grands Moghols de l’Inde, où terrasses étagées, jeux d’eaux et massifs fleuris se répondent. Les Moghols associent ainsi au paradis perse antique la tradition tartare du jardin entourant un tombeau : le jardin est un lieu de délices dont le pavillon central devient un mausolée à la mort de son propriétaire. Illustre exemple de cette tradition, le TadjMahall – élevé entre 1631 et 1641 par l’empereur Chah Djahan à la mémoire de son épouse favorite MumtazMahall – reflète sa coupole de marbre blanc dans une pièce d’eau entourée de vastes parterres. Le texte fondamental de l’Islam, le Coran, fournit la structure de base du jardin arabe auquelviendront s’ajouter au cours des siècles des éléments architecturaux, des plantes, etc. Le terme le plus utilisé dans le Coran pour désigner les jardins, « jannat », est étroitement associé à l’eau, comme élément sacré, source de vie : « Nous ferons descendre du ciel une eau bénite, elle fera croître les jardins (« jannat »), et le grain que l’on moissonne, les palmiers élancés porteurs de régimes bien ordonnés » (50-9 ; 10, 11). Le jannat y est souvent décrit comme « un jardin au bas duquel coule un ruisseau ».
Au Ve H./XIe siècle ap. J.-C., le voyageur persan Nâsir i Khosrau décrit un jardin du Caire : « J’ai entendu dire à une personne qui méritait toute confiance qu’un particulier avait un jardin sur la terrasse d’une maison de 7 étages. Il y avait fait monter un veau que l’on avait nourri jusqu’à ce qu’il fut devenu un bœuf ; il avait établi une noria qui, mise en mouvement par le bœuf, élevait l’eau sur la terrasse où il avait planté des orangers à fruits sucrés et amers , des bananiers et d’autres arbres fruitiers. Il y avait également semé des fleurs et des plantes odoriférantes de toutes sortes. »
Les jardins arabes sont issus de plusieurs traditions : • assyrienne dont les jardins suspendus de Babylone sont restés célèbres et figuraient parmi les « Sept merveilles du monde » ; • égyptienne dont les représentations nous offrent une image ordonnée autour de bassins, source de fraîcheur et réservoir d’eau pour les plantes ; • persane avec les jardins sassanides que les Omeyyades découvrirent quand ils conquirent la Mésopotamie (Ier H. / VIIe ap . J.-C.). Les jardins arabes d’Asie et d’Afrique du Nord se sont inspirés des jardins perses, jardin clos, à symétrie rigide , mais les arabes modifieront la structure de base en divisant le jardin en huit et non en quatre pour représenter les huit parties du Coran. L’archétype du jardin arabe comprend : - l’eau est l’élément dominant, bassins, canaux, cascades, fontaines - clos, il est entouré de murs - un terrain en pentes, des terrasses - un pavillon, un patio, une galerie, une pergola - une entrée monumentale - des arbres ombrages, des allées plantées - des dallages, matériaux en céramique - des mosaïques et des vasques - des arbres fruitiers, des roses, des massifs colorés et odorants. L’eau donne à la végétation une luxuriante exubérance et forme l’élément décoratif le plus important. L’eau apparaît partout: dans des bassins, des fontaines, des jets d’eau et d’autres engins qui la font vibrer en ondes ou la reflètent. Par conséquent et comme le professeur Prieto Moreno dit: «Introduite par les musulmans, l’eau est un élément qui donne la vie à chaque jardin, mais à Grenade elle dévient l’essence de la vie et du dynamisme de ses jardins (...). Rien n’aurait été possible sans l’habilité des arabes. Ils ont canalisé l’eau des contreforts de la montagne pour arroser leurs vergers et pour fournir d’eau les fontaines, bassins et jets d’eau de L’Alhambra et le Généralife» Les bassins servent de miroirs aux architectures, allégeant leurs volumes et accentuant le côté immatériel et éphémère des biens terrestres. La végétation est reprise en motifs stylisés par les céramiques qui couvrent les murs, ces motifs se muent en stucs sculptés en un foisonnement formel qui reproduit la voûte des arbres. La rareté de l’eau dans les pays du Sud en fait un bien précieux qu’il faut collecter, stocker et distribuer de la manière la plus efficace et la plus économique. Les qanat et norias sont perfectionnés et diffusés. Témoin du savoir des hydrauliciens arabes, c’est la même goutte d’eau qui serpente dans les étonnantes rampes d’eau du Palais du Generalife de l’Alhambra de Grenade, qui jaillit dans les fontaines, glisse dans les canaux et irrigue les potagers et vergers situés plus bas. Le pouvoir rafraîchissant de l’eau est exploité en une succession d’effets étagés qui enveloppent le promeneur: au niveau des yeux, ce sont les jets des fontaines; au niveau des mains, les rampes d’eau; au niveau des pieds, enfin, les rigoles et bassins qui s’insèrent dans le pavement et que l’on franchit sans s’en rendre compte.
Les jardins arabes, ou une organisation subtile… Le jardin arabe est un espace fermé ; Le jardin paysan est clos par une haie d’épineux ou par un murtandis que le jardin princier est enfermé derrière une enceinte de hauts murs. Il est généralementdivisé en quatre parties séparées par des axes perpendiculaires marqués par descanaux d’irrigation. Canaux ou aqueducs apportent l’eau de l’extérieur et alimentent unétang ou un bassin central. Les arbres fruitiers (orangers, figuiers, grenadiers…) y côtoient les allées plantées de massifs colorés et odorants (roses, jasmins, oeillets…), ainsique les plantes aromatiques (basilic, menthe, verveine, citronnelle…). On retrouve cet agencement du jardin arabe dans les textes des voyageurs médiévaux etdans les innombrables miniatures persanes ; l’archéologie vient aujourd’hui de confirmercette représentation.
L’Alhambra, Un jardin nommé plaisir… Le jardin hispano-arabe se constitue de tout ce qui peut donner du plaisir aux 5 sens de l’homme: la vue (la couleur, la lumière et l’ombre), l’odorat (les plantes aromatiques ou le doux parfum des fleures), l’ouïe (le murmure de l’eau), le toucher (les différentes textures des matériaux) et le goût (la saveur des fruits). Une atmosphère de sensualité règne dans tout le jardin. Si l’eau est nécessaire car fertilisante (le jardin est par excellence un lieu irrigué), elledonne également lieu à différents plaisirs indissociables de la notion de jardin arabe. Ladisposition judicieuse des canalisations, des bassins et des fontaines, apporte la fraîcheuraux heures les plus chaudes de la journée et apaise les sens par un écoulement continu. Ledoux parfum des fleurs, l’abondance des fruits, l’ombre fraîche des arbres, le chant desoiseaux contribue à faire du jardin arabe un lieu de réjouissance et de bien-être. L’un des plus beaux exemples des jardins andalous est L’Alhambra, (ce qui signifie en arabe : « la rouge »), en raison de la couleur que prennent les murailles au coucher du soleil de Grenade, est un ensemble palatial, et un des monuments majeurs de l’architecture islamique et l’acropole médiévale la plus majestueuse du monde méditerranéen. La Tour des Dames(Torre de las Damas) constitue l’une des plus célèbres parties des Jardins du Partal de l’Alhambra. Son portique de colonnades se réfléchissant sur un bassin, expressément placé pour la vue, est particulièrement photogénique. Les Jardins du Partal sont accessibles en sortie des Palais Nasrides. On peut également les visiter sans passer par les palais, en passant à droite des murs du Palais de Charles Quint, par un chemin s’opposant à sonentrée principale. On pourra voir dans les jardins les restes de plusieurs palais, car cette zone fut habitée par la noblesse musulmane. Le plus important d’eux fut le Palais de Yusuf III, qui ressemblait au Palais de Comares(Palacio de Comares). Il fut détruit au xviiie siècle, mais selon les récits il s’agissait du plus beau des palais de l’Alhambra.
Le généralifeétait le palais d’été des princes Nasrides. Ils venaient s’y rafraîchir dans les ombrages, près des bassins d’eau. Le Généralife est situé hors des murs d’enceinte, sur l’autre versant du plateau principal. Ce palais est très connu en Espagne et plusieurs poèmes ont été écrits sur ce sujet. Le nom est un dérivé de l’arabe « Jannat al-Arif » signifiant « paradis » ou « jardins de l’architecte ». L’abondance de l’eau dans cette Andalousie dominée par les sommets enneigés de la Sierra Nevada, fut pour tous ces princes issus du désert, une véritable révélation. L’Alhambra et les jardins du Généralife sont les symboles les plus forts de cette domestication de l’eau qui rafraîchissait chaque cour et jardin. La colline de la Sabika de l’Alhambra à Grenade abrite un système d’eau de l’Alhambra.Vitale pour la survie dans le désert, l’Eau est le luxe suprême du raffinement pour les nasrides. Le Livre Révélé, le Coran, décrit le Paradis comme un verger parsemé de jardins, dans lequel l’eau circule sans interruption. Les Nasrides n’auront de cesse de matérialiser cette description sur la colline de la Sabika, élaborant un luxe invraisemblable de jets d’eau. Les eaux de la Sierra Nevada sont transportées vers le plateau de la colline, par un canal. Sur la colline qui lui fait face, l’absence de déniveléest propice pour permettre la rétention d’eau. Cet afflux hydrologique a permis de transformer l’Alhambra en un jardin luxueux pour les Nasrides. Ils tentaient, dans cet espace aménagé, d’oublier le temps de leur séjour, les difficultés des opposants à Grenade, et la pression sans cesse grandissante des armées castillanes aux frontières. Les fontaines sont omniprésentes dans tout l’Alhambra et plus spécialement dans le Generalife et les Palais Nasrides. Ces fontaines apportent une ambiance incomparable et développent une sensation de calme et de sérénité. Mais le plus impressionnant c’est qu’aucune fontaine, ni aucun jet n’est alimenté par des pompes (ceci vaut pour les temps de vie des Nasrides comme encore actuellement). Toutes ces fontaines sont alimentées par un réseau gravitaire et crées par le système le plus rudimentaire qu’il soit : le siphon. Une bonne leçon de physique et d’économie d’énergie pour notre monde moderne… Techniquement, le patio des Lions est l’illustration de la maîtrise technique finale du complexe hydraulique bâti par les Nasrides pour alimenter l’Alhambra. La fontaine centrale est, à la fois, un symbole artistique et technique de leur virtuosité. Anecdote : Les ecclésiastiques chrétiens ont trouvé jolie une fontaine de marbre taillée comme une Coquille Saint-Jacques (fuenteagollanadanazari en castillan) et s’en servirent comme font baptismal dans l’église Sainte-Marie de l’Alhambra.
De l’orient à l’occident… Jardins à l’italienne : Comme les jardins arabes, les jardins à l’italienne dit ‘les jardins humanistes’ sont des jardins d’architectes qui mettent en scène leurs constructions, des jardins de poètes pour élever l’âme du promeneur, des jardins d’ombre et de lumière pour rafraîchir le flâneur. L’eau y est souvent l’acteur essentiel. Flux sacré qui jaillit du ventre de la terre, dévalle la montagne en torrents, mares et ruisseaux, elle fascine les paysagistes italiens depuis la plus haute antiquité. Dans leurs jardins, ils reproduisent les étapes de ce ruissellement divin. Ils le recréent de toutes pièces si nécessaire. L’eau surgit de la roche (symbolisé par le géant Apenin au Pratolino) ou d’une grotte (nymphée), ruisselle vers un étang, puis rejaillit en cascade d’une rocaille artificielle, veillée par Neptune, le plus souvent. Près des habitations, son cours se discipline, les ruisseaux deviennent canaux, et les étangs bassins géométriques. Fontaines et jets d’eau donnent lieux à d’extrêmes sophistications. Mêlée aux allusions mythologiques et autres allégories, l’eau devient jeu. A Valsanzibio (villa Barbarigo), ce périple aquatique trace la perspective centrale du jardin, de la montagne à l’entrée principale. Le jardin à l’italienne est né au début de la Renaissance italienne sur les collines qui bordent l’Arno, dans la région de Florence. Rome possédait déjà de somptueux jardins mais on doit ce style aux florentins qui s’inspirèrent à la fois de l’imaginaire des romains et du décor végétal napolitain. Ces jardins sont caractérisés par l’ordonnancement des végétaux, la présence de l’eau reposante et de la pierre des statues antiques. Minéraux et végétaux y sont donc représentés dans un espace aménagé de façon rigoureuse, géométrique et symétrique. Les jardins sont situés autour des villas, presque toujours médicéennes, les mettant en valeur et servant de théâtre. Dans ces jardins, des automates actionnés par la force de l’eau permettent toutes les scénographies festives. Durant la Renaissance Italienne, la transformation de l’art des jardins s’est faite tout en conservant les fondements des thèmes médiévaux qui usaient de pelouses, de treilles, de charmilles et de fontaines ornées de statues. Toutefois, la composition de ces jardins s’effectue dans des ensembles plus vastes, étagés en terrasses et ouvrant sur de larges perspectives. Le jardin à l’italienne se caractérise par sa capacité à exploiter le paysage environnant. La composition des plans horizontaux en terrasses, l’utilisation d’écrans de végétation taillés crée des échappées qui encadrent et mettent en valeur le paysage de la campagne italienne. Ce mode de composition, que l’on retrouve dans la peinture de la Renaissance Italienne reflète l’idéal d’ouverture de la pensée humaniste. Les jardins à l’italienne inspireront directement les jardins à la française de l’époque classique.
Jardins à la française :
Les jardins tels que ceux de la villa d’Este ou, par la suite, les jardins d’André Le Nôtre (de Vaux-le-Vicomte à Versailles) rassemblent des foules participant à des fêtes grandioses. À l’artifice discret des premiers jardins humanistes succède l’artifice ostentatoire des jardins des merveilles, qu’il s’agisse des jardins classiques, essentiellement en France, ou baroques, en Italie notamment. On admire alors les prouesses techniques qui permettent à l’homme de dépasser les lois naturelles, d’imposer son regard en organisant le jardin autour d’un axe perspectif dominant, de canaliser l’énergie de l’eau pour actionner des théâtres d’automates, des orgues hydrauliques, des jets d’eau, pour en faire le centre de spectacles extraordinaires et créer une atmosphère irréelle. Le jardin de Versailles conçu par Le Nôtre a servi de modèle aux jardins de Potsdam, Karlsruhe, Wilhelmshöhe à Kassel, Peterhof près de Saint-Pétersbourg, etc. ; d’où l’appellation de jardins « à la française ». Plus encore que l’architecture végétale et les bosquets, l’eau sous toutes ses formes est l’ornement privilégié des jardins français : l’eau cascadant de certains bosquets, l’eau jaillissant des fontaines, l’eau calme des vastes nappes qui reflètent le ciel et la lumière, tel le Parterre d’Eau ou le Grand Canal. Principales attractions des jardins, censés refléter la grandeur du Roi Soleil, les bassins et fontaines du parc de Versailles sont au nombre de 2 000 ; aujourd’hui, seuls 1 700 sont en activité, notamment les jours des Grandes eaux musicales. L’alimentation en eau des bassins constitue un défi technique d’importance au xviie siècle et est une préoccupation constante du règne de Louis XIV, avec des besoins toujours accrus. Le parc abrite 30 kilomètres de canalisations en plomb ou en fonte. Un réservoir se trouvait sur les toits plats du château. L’eau coulait grâce à la gravité vers les jardins situés en contrebas. D’autres réservoirs se trouvaient sous les terrasses. Tout un système d’aménagements hydrauliques a été créé et sans cesse agrandi entre 1663 et 1685 pour apporter l’eau nécessaire, d’abord à partir d’un étang voisin, l’étang de Clagny, puis d’étangs de plus en plus éloignés, et ce grâce à des aqueducs. L’eau a été pompée directement de la Seine, malgré un important dénivelé et une distance de plus de 10 kilomètres, grâce à la machine de Marly et ses 14 roues à aubes. Il a été proposé au roi un projet de détourner l’eau de la Loire par des travaux importants. Le creusement d’un canal depuis l’Eure a débuté, mais cette entreprise n’a pas été achevée à cause de la guerre de la Ligue d’Augsbourg (1688-1697).