1914-1918 Autour des batailles de Mons

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MÉMOIRE DE GUERRE

1914-1918 AUTOUR DES BATAILLES DE MONS


Surveillés par Gaston Jouret, leur instituteur, ces cinquante-sept élèves de l’école communale de Leval-Trahegnies ont apporté une cuillère, un bol ou une assiette. Mais la soupière de l’œuvre du Repas scolaire me paraît bien petite ! Je rends ici hommage à mon grand-père paternel. Et, indirectement, à mon autre grand-père, Adelson Berlemont, déporté dans le nord de la France. Sans oublier mon grand-oncle, Jean Simon. Dans la mêlée des combats du Sart-Tilman, le 5 août 1914, il perd sa plaque d’identité et le ministre de la Guerre annonce son décès. Il réapparaît en décembre. Sur la première photo qu’il expédie à ses parents, ce prisonnier de guerre garde une main cachée et suscite ainsi les plus vives appréhensions. En décembre 1918, il doit rentrer dans ses foyers, mais succombe à la grippe espagnole. Son nom figure sur le monument aux morts d’Havré et sur la plaque commémorative de la rue d’Enghien, à Mons.


MÉMOIRE DE GUERRE

1914-1918 AUTOUR DES BATAILLES DE MONS A LA I N JO U RET


Tirée sur la place du Quesnoy (avec à l’arrière-plan l’église Notre-Dame de l’Assomption), cette jolie photo constitue une triste allégorie. Si la carriole rappelle l’optimisme de la Belle Époque, ses passagers inquiétants symbolisent l’évanouissement de tous les espoirs en un avenir radieux ! Reconnaissable au hausse-col, plaque métallique en forme de croissant suspendue à une chaîne autour du cou, le feldgendarme impressionne beaucoup la population.

Première édition 2012 The History Press The Mill, Brimscombe Port, Stroud, Gloucestershire, GL5 2QG Angleterre www.thehistorypress.co.uk www.editionstempus.be © Alain Jouret, 2012 Tous droits de reproduction, de traduction et d’adaptation, même partielles, sous quelque forme que ce soit, réservés pour tous pays. The right of Alain Jouret to be identified as the Author of this work has been asserted in accordance with the Copyrights, Designs and Patents Act 1988. All rights reserved. No part of this book may be reprinted or reproduced or utilised in any form or by any electronic, mechanical or other means, now known or hereafter invented, including photocopying and recording, or in any information storage or retrieval system, without the permission in writing from the Publishers. British Library Cataloguing in Publication Data. A catalogue record for this book is available from the British Library. isbn 978 1 84588 676 9 nur 693


Sommaire Cinquante-deux mois de guerre et d’images

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1. Du Havre à Mons

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2. Le choc

21

3. Le repli

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4. Une retraite stratégique ?

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5. Après la bataille

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6. D’autres combats

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7. La vie des soldats

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8. Et les civils ?

99

9. La libération

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Les images, de précieux reflets du passé

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Pour en savoir plus…

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Cette affiche nous plonge brutalement dans la réalité de ces années sombres. Les Allemands redoutent d’hypothétiques espions amenés par la voie des airs… Les civils doivent signaler toute présence suspecte, sous peine de représailles impitoyables.


Cinquante-deux mois de guerre et d’images Le 28 juin 1914, un étudiant nationaliste serbe assassine l’archiduc François-Ferdinand, héritier du trône d’Autriche-Hongrie. Un inexorable mécanisme s’enclenche. Le 28 juillet, soutenue par l’Allemagne, l’Autriche-Hongrie déclare la guerre à la Serbie, secourue par les Russes, alliés à la France et au Royaume-Uni. Sous la direction du général Maurice Joffre, le plan XVII prévoit une attaque à outrance par quatre armées, protégées sur leur flanc gauche par une cinquième, elle-même couverte par les Britanniques. Au lieu de se mesurer frontalement aux Français, les Allemands exécutent le plan d’Alfred von Schlieffen, général allemand mort un an et demi plus tôt. Afin de déborder le dispositif ennemi, ils marchent vers l’ouest. Ils comptent ensuite se rabattre sur Paris ; ils espèrent vaincre avant même que Britanniques et Russes n’aient pu sérieusement réagir. Le 3 août, ils envahissent le Luxembourg. En réponse au refus d’Albert Ier de leur accorder le passage vers la France, ils se ruent sur la Belgique et se heurtent aux forts de Liège. Leur aile droite parvient à Louvain le 19, à Bruxelles le 20, à Hal le 21, à Soignies le 22… Sans encore le savoir, elle fonce sur les Old Contemtibles, surnom méprisant décerné par Guillaume II au petit corps expéditionnaire d’outre-Manche composé de soldats anglais, écossais, gallois et irlandais… Dans les neuf chapitres de ce volume, je propose une série de photos, cartes postales et autres gravures relatives aux combats livrés en août 1914 et en novembre 1918, mais aussi à l’occupation dans la région. Afin de restituer au mieux l’atmosphère pesante de ces cinquante-deux mois de guerre, je m’attache à l’anecdote et au pittoresque, sans pour autant m’y confiner. En effet, soucieux de donner du sens aux événements, je les replace dans leur contexte général. Tout d’abord, le lecteur talonne les hommes du British Expeditionary Force (BEF), du Havre jusqu’à Mons. À travers les trois chapitres suivants, il les côtoie, du 23 au 25 août. À peine déployés le long du canal de Mons à Condé, du canal du Centre et de la route de Mons à Binche, les Britanniques soutiennent solidement, bien qu’inférieurs en nombre (un contre trois), le choc des troupes allemandes. Menacés de débordements sur leur gauche et sur leur droite, ils entament un repli stratégique, une manœuvre parfaitement réussie toujours étudiée dans les écoles militaires. Dans le cinquième volet, le lecteur se penche sur le travail de propagandistes attentifs à maintenir le moral 7


au front comme à l’arrière. Dans un calme étrange troublé par les grondements sourds, lointains et ininterrompus de l’artillerie, il explore les champs de bataille et se recueille sur des tombes dispersées. Il arpente les cimetières. Il visite les infirmeries… Dans une autre section, il constate l’émergence d’une lutte nouvelle. La résistance s’improvise en effet, puis se structure contre un ennemi absorbé par l’organisation du transport des hommes, du matériel et du ravitaillement… De quels ingrédients la pâte de la vie quotidienne des soldats et des civils se pétrit-elle ? Les parties sept et huit s’efforcent de répondre à cette question, par le biais d’un choix éclectique de documents. Concerts, exercices, permissions, inspections de généraux, patrouilles, corvées pour les premiers. Faim, misère, charité, vexations, colère ainsi que… eh oui… divertissements (un besoin vite irrépressible) pour les seconds. L’ouvrage se clôture tout naturellement par l’évocation de la délivrance. Le bruit des combats, les déflagrations de canons monstrueux, le crépitement des mitrailleuses, la destruction des principaux carrefours précèdent l’arrivée des libérateurs, la liesse populaire, puis les commémorations solennelles. Ma gratitude s’adresse à toutes les personnes qui m’ont épaulé pour la conception de ce florilège. Un amical clin d’œil à Yves Bourdon.

Pour commencer, laissons la parole au Ropieur. Affublée du sobriquet donné aux gamins espiègles de Mons, cette gazette wallonne renonce provisoirement à faire rire. Elle « bréeroit bée […] à vire esse qui s’passe » (au vu des événements, elle pleurerait bien), cesse de paraître, mais promet à ses abonnés de leur envoyer, dès que possible, les numéros auxquels ils ont droit… 8


un

Du Havre à Mons

Le 13 août, les premiers Britanniques parviennent au Havre, sous les acclamations de la foule. Embarqués la veille, ils ont passé la nuit sur le pont, au froid, et respiré l’odeur des chevaux enfermés dans les cales. Ils entonnent It’s a long, long way to Tipperary, un air de music-hall resté célèbre. Ils attendent les ordres et dorment dans des entrepôts de laine infestée de puces. Des trains vont les conduire vers Le Cateau. L’intendance a prévu un millier d’obus par pièce, 800 cartouches par fusil et une bonne organisation pour l’évacuation des blessés. Louis Derie, professeur de littérature à l’Athénée de Mons, se montre confiant : « […] lorsqu’il entendra le sifflement des balles,/Tommy, le bon Tommy dont le cœur est d’airain,/ – Car il a déjà fait la guerre aux cannibales, – /N’en manquera pas un de ceux-là d’Outre-Rhin. »


Le 20, le British Expeditionary Force, composé de deux corps d’armée de deux divisions chacun, se concentre au sud de la forêt de Mormal. Une division représente environ 12 000 fantassins, 4000 artilleurs, 2000 cavaliers, 76 canons et 24 mitrailleuses. Dès le lendemain, les Britanniques se déploient à la gauche des forces françaises. Chevaux superbes, tenue parfaite, allure flegmatique, cuirs brillants et aciers étincelants impressionnent beaucoup les curieux.

Le 21 au matin, comme la brume interdit la reconnaissance aérienne, des cavaliers patrouillent jusqu’à Villers-Saint-Ghislain, à 7 km à l’est de Mons. Ils aperçoivent des éclaireurs allemands. En mission eux aussi, deux cyclistes gagnent Obourg et s’y font surprendre par des uhlans. John Parr perd alors la vie et inaugure la liste des Britanniques morts au champ d’honneur en 1914-1918. 10


Le 21 août, en dépit des rafraîchissements proposés par les habitants durant les haltes, les fantassins souffrent de la chaleur. Les réservistes réagissent aux vaccins. L’insolation en terrasse quelques-uns. Le paquetage leur paraît trop lourd. Si l’on en croit le témoignage de la princesse Marie de Croÿ, les hommes, bien qu’exténués, restent « disciplinés, plein d’entrain, de confiance et même de gaîté ».

À la fin de journée, ces soldats bivouaquent à Bavay. Comme dans le Borinage, l’accueil s’avère sympathique. Tous offrent œufs, fruits, café, vin, chocolat, cigares… L. Payen, le pharmacien, leur distribue des « sels », grâce auxquels les réservistes soulagent des pieds blessés par une longue marche et des bottines neuves. 11


Le samedi 22 août 1914, à l’aube, les Britanniques franchissent la frontière. Ils n’apprécient pas les beastly paved road belges. Vers 7 heures du matin, ils fixent leur bureau des transmissions à la gare de Dour. Revêtu d’une redingote élimée, d’un pantalon à carreaux lumineux, chaussé de pantoufles et « droit comme un chêne », Alphonse Collart, ancien gendarme reconverti dans l’hôtellerie, héberge le personnel. Nadine, « his pretty daughter », dorlote les tommies.

A Dour, des détachements du Dorsetshire, de Dublin ou de Belfast, stationnent au Point du Jour (que voici) ou dans les pâtures de la brasserie d’Alexandre Patte. Le photographe du coin immortalise leur passage… Les troupiers s’installent en nombre chez l’habitant et découvrent les bières locales. Civils et militaires fraternisent sans se comprendre. On échange des souvenirs. Les Borains apprécient beaucoup les insignes et les boutons d’uniforme. 12


Sorte de grande banlieue composée de petites maisons sales, d’énormes montagnes de scories et de cheminées éructant de la fumée noire, le paysage borain choque le regard du commandant de la 15e brigade d’infanterie. Heureusement pour lui, Edward Gleichen loge chez Fernand Durez, directeur-gérant du charbonnage de l’Ouest de Mons, à Dour. À midi, Madame Durez, « dodue et de bonne humeur », lui offre un excellent, mais interminable repas.

Mais, déjà, des Dragoon Guards patrouillent vers Soignies et tirent les premiers coups de feu britanniques du conflit. Près de Casteau, ils capturent trois cuirassiers. À 9 heures, quelques uhlans (voici l’un de ces cavaliers) occupent la gare de Sirault. Vers 15 heures, ils poussent jusqu’à la place de Baudour. Là, ils aperçoivent des cyclistes de faction au passage à niveau. Ils virevoltent et gagnent le bois de Ghlin, non sans terroriser les habitants par leurs vociférations. 13


La troupe atteint ses quartiers, vers 13 heures. À Cuesmes, un important cantonnement s’installe sur la place. À Mons, les soldats bivouaquent au faubourg d’Havré, à la Bascule, à l’avenue de Nimy… L’Union Flag flotte immédiatement au balcon de l’hôtel de ville, à côté du drapeau national. Voici la célèbre photo du 4e bataillon Royal Fusiliers. Les figures lasses en disent long…

Des détachements stationnent un peu partout dans le Borinage. Les hommes de corvée vont et viennent. Ceux-ci dressent des tentes. Ceux-là coupent du bois. Les cuistots s’affairent. Des quartiers de viande rôtissent sur des feux de campagne. Parfois, une partie de football s’engage… 14


La bonne humeur règne. Torse nu, un Tommy Atkins (surnom décerné par leurs officiers aux fantassins anglais depuis le XVIIIe siècle) se baigne dans l’eau douteuse du canal, tandis que, flegmatique, un autre y pêche avec une ligne attachée au bout du canon de son fusil. Ces soldats se donnent une contenance. Willie Thackeray (le 3e à partir de la gauche) tient la bride d’un cheval coiffé d’un képi… Ils vont bientôt combattre…

Ce plan cavalier nous offre une vue simplifiée, mais parlante des positions occupées par les adversaires, le dimanche 23 août 1914. Les Allemands se trouvent à l’est de la route de Mons à Beaumont (en haut à droite), au nord du canal de Mons à Condé (ici à gauche) et du canal du Centre (en haut). Les Britanniques se retranchent derrière ces lignes, jusqu’à Binche. Plus à l’est, la 5e armée française doit défendre les ponts de la Sambre. 15


Le 22 août, à 10 h 16, Vincent Waterfall, l’un des 63 pilotes du Corps expéditionnaire, et l’observateur Charles Bayly décollent de Maubeuge. Canardé par les hommes du capitaine Walter Bloen, leur Avro 504 s’écrase à Marcq, vers 10 h 50. Premiers aviateurs alliés abattus, ils reposent à Tournai. Le lieutenant W. R. Read survole également la zone de Mons. Son équipier tire sur un Taube. À court de munitions, il aurait inutilement jeté un pistolet en direction de l’hélice. W. Faulkner, un soldat britannique, relate un épisode similaire, toujours dans la région. Cette fois, un Français aurait détruit un appareil du même type. Le témoin affirme avoir examiné l’épave et vu le pilote tué d’une balle dans la tête. Donald Maxwell, un illustrateur renommé, se base sur son récit pour représenter la scène que voici. 16


Les Britanniques improvisent des retranchements (ici, à Jemappes). Ils rasent certaines maisons qui gênent les axes de tir. Résignés, les habitants se réfugient chez des voisins. Des centaines de civils leur prêtent main-forte et creusent des fossés, abattent des arbres, renversent d’énormes bobines de câble électrique, empilent des traverses, dressent des murs de pavés, de terre, de briques, tendent des barbelés…

À Nimy, pour interdire à l’ennemi de les utiliser pour traverser le canal, les tommies coulent des péniches à quai : le Grillon, bateau de 310 tonnes, la Jeanne, le Clotaire et le Centaure. Ailleurs, ils dressent des barricades. À Mons, ils en érigent au chemin du Versant, aux rues de la Prévoyance ou du Trieu. À l’avenue de Bertaimont, du côté de la rue des Brasseurs, des arbres abattus, des pavés et des chariots remplis de briques forment un gigantesque barrage. 17


Au bas de la rue du Parc, au pont de chemin de fer et à l’avenue du Parc, sacs de sable, billes de chemin de fer et énormes bobines de câble électrique lourdes de 5000 kg bloquent le passage. Au Pont Canal, à l’extrémité du chemin de l’Inquiétude, les Britanniques culbutent notamment les tonneaux du service communal des vidanges. Ils creusent encore des tranchées en travers de l’avenue de Nimy, du boulevard des Prisons et à la Bascule.

Cette photographie représente un jeune soldat du Middlesex Regiment, 4e bataillon, compagnie D, de faction au lieu-dit de la Bascule, à Mons (intersection de la route de Binche et de Beaumont). Je crois identifier un certain George Ernest Carter, tombé le 16 août 1917 à l’âge de 21 ans. 18


Officier de liaison, Édouard Spears circule dans la région. À un tournant, son véhicule s’immobilise soudain devant une barricade. Depuis deux cents mètres, des fantassins « admirablement dissimulés » le tenaient dans leur ligne de mire ! Un témoin décrit l’incident : « Dans la zone britannique, chaque buisson cachait un canon de fusil braqué, des hommes […] bondissaient sur vous de tous les coins »…

Les artilleurs installent notamment une batterie sur le mont Héribus, mais ils ne repèrent pratiquement aucun champ de tir dégagé, du côté du Borinage. Cheminées, bâtiments industriels ou rues sinueuses constituent autant d’obstacles. Ce panorama suggère bien le problème… Élouges se trouve à la charnière entre le Borinage et les espaces ouverts que voici à gauche. Le 24, les Britanniques y disposeront leurs canons pour parer une attaque de flanc-garde. 19


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