Ces Liégeois qui firent la monde... TOT TUZAN !

Page 1

CES LIÉGEOISCES QUILIÉGEOIS FIRENT LEQUI MONDE...

LE MONDE… TotFIRENT Tuzan ! TOT TUZAN! R OBER T RU W E T


Première édition 2011 The History Press The Mill, Brimscombe Port, Stroud, Gloucestershire, gl5 2qg Angleterre www.thehistorypress.co.uk www.editionstempus.be © ROBERT RUWET, 2011 Tous droits de reproduction, de traduction et d’adaptation, même partielles, sous quelque forme que ce soit, réservés pour tous pays. The right of Robert Ruwet to be identified as the Author of this work has been asserted in accordance with the Copyrights, Designs and Patents Act 1988. All rights reserved. No part of this book may be reprinted or reproduced or utilised in any form or by any electronic, mechanical or other means, now known or hereafter invented, including photocopying and recording, or in any information storage or retrieval system, without the permission in writing from the Publishers. British Library Cataloguing in Publication Data. A catalogue record for this book is available from the British Library. isbn 978 1 84588 668 4 nur 693


CES LIÉGEOIS QUI FIRENT LE MONDE… TOT TUZAN! R O BER T R U WE T



Introduction Ces Liégeois qui firent le monde ! Lorsque l’on voyage un peu partout dans le monde, on est souvent étonné – et agréablement surpris ! - d’apprendre que notre bonne cité de Liège jouit d’une réputation assez flatteuse. Certes, il ne faut pas exagérer : le péon argentin l’ignore superbement et la plupart des esquimaux n’en ont jamais entendu parler. Mais n’empêche, le nom de Liège résonne tous azimuts et nous pouvons en être fiers. Mais si Liège est connue, et même reconnue, à qui le doit-elle ? Sans conteste à tous ces hommes, toutes ces femmes, qui depuis des siècles ont un beau jour décidé de quitter la quiétude de la vallée mosane pour aller tenter fortune… «ailleurs». Certains étaient des artistes (peintres, écrivains, sculpteurs, graveurs…) et ils partirent vers Rome, Vienne, Amsterdam et le plus souvent vers Paris… D’autres étaient des hommes d’affaire(s) qui allèrent bâtirent de nouveaux mondes en Afrique, en Asie, en Amérique… D’autres encore exportèrent le nom de Liège dans leur sac de sportifs de haut niveau… Mais il en est aussi qui ne quittèrent pratiquement jamais leur ville natale mais dont la réputation, elle, s’étend maintenant au monde entier. Dans les pages qui suivent, nous présentons, succinctement, la vie de quelque cent cinquante Liégeois (y compris quelques Liégeoises…) qui ont participé à la construction du monde qui est le nôtre. Grâce à qui le nom de notre ville a retenti et retentit encore de Paris à Moscou, du Chili au Japon. Mais qu’il s’agisse d’aventuriers, d’hommes d’affaire(s), d’artistes ou même de sportifs, ces Liégeois avaient un point commun : c’est TOT TUZAN qu’ils menèrent à bien leurs entreprises… Le choix de ces Liégeois est évidemment totalement subjectif. Certes, il était impossible de ne pas citer Georges Simenon lorsqu’il est question d’évoquer ceux et celles qui ont porté au loin le nom de Liège. Difficile également d’oublier Grétry et quelques grandes pointures du genre. Mais pour beaucoup d’autres la discussion est ouverte : pourquoi Untel plutôt qu’un autre ? Peut-être tout simplement pour laisser la place à un éventuel second tome… 7


Index et crédit photographique Anoul, Pol, coll. Melon, 7 Antoine, Louis, Photo Albert Cariaux PAC, 8 Armes, Collection André Georges (CAG), 9 Automobile, CAG, 10 Bassenge, Nicolas, CAG, 11 Bègue, Lambert (le), PAC, 12 Blavier, André, In “Les vies parallèles de Boris Vian”. Bizarre, 1966., 13 Blès, Henri, Musée de Florence Muséé Art Wallon (MAW), 14 Bologne, Jean Claude, Site Intrnet JCB. Photo YM, 15 Bovy, Berthe, In “50 ans de théâtre” SEES, 1969., 16 Brankart, Jean, CAG Marabout Junior n°52, 1952, 17 Bronne, Carlo, CAG, 18 Bruyère, Joseph, CAG In “Englebert Magazine”, 1947, 19 Bry, Théodore de, Cabinet des Estampes et Dessins (CED), 20 Bure, Isabelle de, CAG, 21 Charlier, Jean-Joseph, MAW, 22 Chestret, Jean-remy de, CAG, 23 Claessen, Roger, Collection Mélon, 24 Cloutiers, CAG, 25 Coclers, Jean-Baptiste, MAW – CED, 26 Constant le Marin, (Henri Herd), CAG, 27 Corte, Blaise-Henri de, CAG, 28 Curtius, Jean, CAG - PAC, 29 Curvers, Alexis, CAG, Réédition Labor, 1991, 30 Damery, Walthère, Château d’Alden Biesen, 31 Darchis, Lambert, CAG, 32 Dardenne, Luc et Jean-Pierre, Photo JL Grignard, 33 Darton, Roger, Coll. Personnelle., 34 Defrance, Léonard, MAW, 35 6


Del’Cour, Jean, PAC, 36 Delcloche, Joseph, MAW, 37 Delcourt, Marie, CAG, Coll Gallimard, 1930, 38 Delvoye, Jean, PAC - CAG, 39 Demarteau, Gilles, CAG, Bibl. Royale Bruxelles, 40 Demoulin, Nicolas, CAG, 41 Dewé, Walthère, PAC, 42 Donnay, Auguste, CAG - MAW, 43 Dony, Jean-Jacques, CAG, 44 Douffet, Gérard, MAW, 45 Dumont, Henri, CAG, 46 Dussart, Auguste, CAG – PAC, 47 Duvivier, Jean, Musée Curtius, 48 Fabry, Jacques, In” Cimetière de Robermont” Ch. Mézen., 49 Fassin, Nicolas de, MAW, 50 Feyder, Véra, Ed.Champ Vallon, 1992. CAG, 51 Flémalle, Bertholet, Musée du Louvre, 52 Focroulle, Bernard, Site BF. PAC, 53 Fourry, Ferdinand, CAG, 54 Franck, César, CAG, 55 François, Frédéric, Site FF, 56 Frankignoul, Edgard, CAG, 57 Galler, Jean, Site JG, 58 Geer, Louis de, CAG, 59 Gilbert, Philippe, Photo “Le Soir”, 60 Gillain, Marie, Site MG, 61 Godin, Noël, Site NG, 62 Goffin, Hubert, Hôtel de Ville de Liège, 63 Goosse, André, Site AG, Ed. Duculot 2007, 64 Goswin, Gérard, MAW, 65 Gramme, Zénobe, PAC, 66 Grégoire, Musée Art religieux, 67 Grétry, André-Modeste, CAG - PAC, 68 Hamal, Jean-Noël, CAG, 69 Haulot, Arthur, CAG, Ed. Legrain, 1987, 70 Heintz, Richard, MAW, 71 Henin, Justine, Site JH, 72 Hongrie, Site Hongrie, 73 7


Houben, Steve, Site SH, 74 Hullos, CAG, 75 Izoard, Jacques, CAG -col. Person. 76 Jacques, Jules (de Dixmude), CAG, 77 Jaspar, Bobby, CAG, 78 Jean, Liège, de, CAG, 79 Julienne, CAG - PAC, 80 Koch, Henri, Coll. personnelle, 81 Krins, Georges, CAG, 82 Laensbergh, Mathieu, CAG, 83 Lafnet, Luc, CAG, 84 Lahaut, Julien, CAG – Drapeau Rouge août 1950, 85 Lairesse, Gérard de, Metropolitan de NY, 86 Laminne, Jules de, CAG – Crosky & Walthéry, 87 Lekeux, Martial, Ed.Plon sd – CAG, 88 Le Paige, Gustave, CAG – Site musée san Pedro de Atacama, 89 Linze, Georges, CAG – Musée Art moderne- Bruxelles, 90 Lombard, Lambert, MAW, 91 Mambour, Auguste, CAG – MAW., 92 Mandeville, Jean de, CAG, 93 Marneffe, Ernest, MAW, 94 Masson, Emile, “L’événement sportif ” 7 juin 1919, 95 Merlin, Jean-Joseph, Peinture de Thomas Gainsbourgh, 96 Mignon, Léon, Ph. JL Grignard, 97 Mockel, Albert, CAG, 98 Montefiore, Georges, PAC, 99 Nagelmackers, Georges, CAG, 100 Natalis, Michel, CED, 101 Nysten, Pierre, Edition de 1810, 102 Ochs, Jacques, CAG, 103 Omalius d’Halloy, Jean-Baptiste, Site Omalius, 104 Patenier, Joachim, Prado Madrid, 105 Pelzer, Jacques, PAC - CAG, 106 8


Philippet, Léon, MAW, 107 Plumier, Edmond, CED, 108 Ransonnet, Jean-Pierre, J. Ansiaux: hôtel de ville de Liège – Litho. d’E.Eusch, 109 Rassenfosse, Armand, MAW, 110 Redoute, Pierre, Musée de Groesbeeck de Croix, Namur, 111 Renard, Jules, CAG, 112 Robert, Etienne, CAG, 113 Russie, CAG, 114 Ruxthiel, Henri, Musée du Louvre, 115 Saive, Jean-Michel, Site JMS, 116 Sarton, Dieudonné, CAG, 117 Savitzkaya, Eugène, CAG, 118 Schmerling, Philippe, Site PS, 119 Sélys-Longchamps, Edmond de, PAC – Lampert, 1907, 120 Serrurier-Bovy, Gustave, CAG, 121 Servais, Jean-Claude, Coll. personnelle, 122 Simenon, Georges, PAC - CAG, 123 Sluse, René-François de, CAG, 124 Soubre, Etienne, CAG, 125 Sualem, Rennequin, Versailles, 126 Sullon, Emile, Col. Perso., 127 Terwagne, Anne, Louvre, 128 Thiry, Marcel, CAG, 129 Thys, Albert, CAG, 130 Valdor, Jean, MAW, 131 Van Beneden, Edouard, PAC, 132 Varin, Jean, Louvre – MAW, 133 Vieuxtemps, Henri, CAG – Musée Verviers, 134 Vilette, François, ULg, 135 Villers, Guy, Col. Perso., 136 Wacken, Edouard, CAG, 137 Walthéry, François, Col. Perso., 138 Ysaye, Eugène, CAG, 139

9


10


Pol Anoul (1922-1990)

Luc Varenne, Pol Anoul et Louis Carré au retour de Paris.

L

éopold, mais tout le monde disait Pol, Anoul est né à Saint-Nicolas, dans la banlieue de Liège, en 1922. Il est évidemment impossible de comparer ce qui n’est pas comparable, mais si l’on pouvait réunir tous les joueurs de football qui ont évolué dans des équipes liégeoises, toutes époques confondues, il figurerait évidemment dans le trio de tête ; sans doute le tout premier ! Il était doué, hyperdoué… S’il fut longtemps le meneur de jeu du RFCL (avant d’aller, assez tristement, terminer sa carrière du côté du rival de Sclessin), il fut également un des pions majeurs de l’équipe nationale : 48 sélections et 20 buts marqués. Mais parmi ces 20 buts, il en est un à nul autre pareil ! Celui qui fit de Pol Anoul l’Homme de Colombes. Le 17 octobre 1948, les Diables Rouges sont reçus au stade de Colombes, à Paris. Les Bleus mènent 3-1 et tout le monde croit que la messe est dite. A la 53ème minute, Anoul (qui, ce jour-là, était aligné comme défenseur car il était absolument polyvalent) reçoit le ballon près de sa ligne de but et c’est la folle aventure ! “Pol, wice vasse ? » lui crie Louis Carré en wallon. Car, balle au pied, Anoul va remonter tout le terrain, va dribbler deux, trois, quatre Français avant de décocher un tir des vingt-cinq mètres qui laisse Da Rui, le gardien français, médusé. C’est but ! Sans doute le plus beau but jamais marqué par un joueur portant le maillot national. Encouragé par cet exploit, les Belges vont se ressaisir et le gantois Freddy Chavès égalisait dix minutes plus tard. Anoul était, et resta, l’Homme de Colombes. Le bistrot qu’il ouvrit plus tard place de la République française (actuellement Place Verte) s’appela, évidemment, le Colombes. 11


Louis ANTOINE (1846-1912)

L

ouis Antoine est né à MonsCrotteux, le 7 juin 1846 ; il est l’onzième enfant d’une famille modeste. A 12 ans, après son école primaire et sa communion solennelle, il descend dans la mine où il sera manœuvre de fond. En 1866, on le retrouve métallo chez Cockerill avant qu’il ne parte en Allemagne comme encaisseur d’une filiale de la même usine. Revenu à Liège, il sera marchand de légumes et, assez logiquement, sans doute pour promouvoir son commerce, il deviendra végétarien. En 1887, attiré par le spiritisme, il abandonne le christianisme. C’est alors qu’il va commencer à exploiter son don ( ?) de guérisseur. Les « patients » vont commencer à Deux temples existent à Liège (rue Hors-Château défiler par dizaines, par centaines et –notre photo- et quai des Ardennes) mais on en même par milliers. Il sera accusé de dénombre plus de 20 dans la province même si certains pratique illégale de la médecine mais « ferment », faute de fidèles. L’Antoinisme semble s’en tire à bon compte. Il va élaborer effectivement être en nette régression. une doctrine, faite de bric et de broc, qui va essaimer un peu partout dans la région mais également en France et même en Egypte, au Brésil, en République du Congo, aux USA et en Australie. En 1922, l’Antoinisme fut reconnu «établissement d’utilité publique » par le ministre de la Justice de l’époque. S’il s’agit de toute évidence d’une secte, les adeptes du Père clament le contraire…

12


ARMES…

O

n le sait, depuis des siècles, l’armurerie constitue l’une de nos principales cartes de visite dans le monde. Question préalable : pourquoi nos artisans se sont-ils « spécialisés », dès le milieu du 14ème siècle, dans la fabrication des armes plutôt que dans celle des boîtes à musique ou des coucous comme le firent les Bavarois ? Notre situation géographique est un premier élément important : nous étions (et nous sommes toujours) à la croisée des chemins ; de plus, notre sous-sol était (mais l’est beaucoup moins…) riche en matières premières telles la houille et le salpêtre. Or, la poudre explosive est un mélange de salpêtre (75%), de soufre (10%) et de charbon de bois (15%). Etant fabricants de poudre à canons, il devenait logique de devenir également marchands de canons. Mais l’élément déterminant est d’ordre politique. En 1492, le roi de France Charles VIII et l’empereur Maximilien reconnaissent officiellement la neutralité de la Principauté de Liège. La fameuse neutralité liégeoise ! Certes, elle eut ses inconvénients : sans cesse, des armées étrangères traversaient nos régions y apportant leur lot de pillages. Mais nous avions le droit de vendre nos marchandises aussi bien à droite qu’à gauche ; entendez par là que lorsqu’un conflit éclatait (ce qui était monnaie très courante !) nous écoulions nos armes aux deux adversaires. Ce qui n’était sans doute pas très moral mais était sûrement très rentable… Quand une guerre ravageait l’Europe, plutôt que de s’allier à l’un des belligérants et d’être tué par l’autre, le Liégeois préférait vendre ses armes à l’un et à l’autre. Longtemps, le métier d’armurier est resté artisanal ; avec la Fabrique Nationale d’Armes de Guerre de Herstal, fondée en 1889, la mécanisation a pris la relève et, d’européenne, la réputation des armes liégeoises est devenue mondiale. Certes, une arme de guerre, ce petit bijou, est un engin conçu et réalisé pour tuer. Peut-on être fiers d’être des marchands de mort ? 13


Automobile…

O

n l’a oublié mais l’automobile fut, naguère, une prestigieuse carte de visite pour la ville et la région de Liège. Cela se passait à la fin du 19ème siècle et dura… peu de temps. Ce fut la première guerre mondiale qui fut fatale à notre industrie automobile ; les usines furent en effet réquisitionnées par l’occupant qui, Modèle FN… volant à droite en se sauvant en 1918, prit le temps d’emporter les machines et tout ce qui était transportable. Les industriels liégeois tentèrent bien de relancer la production mais ils furent évincés par un certain Henry Ford et son fameux modèle T. Seuls les plus forts tinrent le coup… quelques années. Heureusement pour notre industrie et pour l’emploi, la fabrication des motos avait encore quelques belles années devant elle. La Fabrique Nationale de Herstal sortit sa première automobile en 1900. Avant cela quelques ateliers avaient déjà entrepris la construction de véhicules automobiles, notamment à trois roues. Les F.N. étaient des voitures remarquables pour l’époque ; tellement remarquables qu’elles furent remarquées par le Shah de Perse qui se rendit acquéreur d’un exemplaire. Sans doute jaloux, le Kronprinz d’Allemagne voulut également sa FN 6900 3040 CV ! La solidité de l’entreprise (due essentiellement à la vente des armes) lui permit de passer le cap de la guerre qui fut fatal aux entreprises plus modestes, moins diversifiées et … plus pacifiques. La marque Nagant se fit une belle réputation durant une vingtaine d’années ; les ateliers étaient situés quai de l’Ourthe puis quai de Coronmeuse. L’aventure des voiture Impéria débuta rue de Fragnée mais dès 1906, l’usine va s’installer à Nessonvaux. C’est au volant d’une Impéria que le baron de Tornaco remporta, en 1922, le Grand Prix de Belgique à la vitesse record de 89 kmh ! Dans les années 1920, la firme Impéria racheta d’autres marques belges (comme Nagant mais aussi la célèbre Minerva) afin de lutter contre le géant américain. Plus exactement pour essayer de lutter… La firme survivra jusqu’à la seconde guerre mondiale. Pendant quelques années, on monta à Liège les voitures anglaises Vanguard mais aussi des Triumph et des Alfa-Roméo. Mais ce n’est plus guère rentable et en 1958 l’usine de Nessonvaux met définitivement la clé sous le paillasson. 14


Nicolas BASSENGE ( 1758-1911)

C’

est, dit-on, à Ernest Picard, qui fut avocat et homme politique français (1821-1877), que l’on doit l’adage définissant la période révolutionnaire : « Un pur trouve toujours un plus pur qui l’épure ». Cela semble s’appliquer à merveille à l’un de nos compatriotes : Nicolas Bassenge. Il était issu d’une famille de la haute bourgeoisie liégeoise et aurait dû se contenter des privilèges que lui accordait « l’ancien » régime. Mais lors de ses études au collège des Oratoriens de Visé, il découvrit les philosophes et l’esprit des Lumières. Bien sûr, à Liège, Velbruck protégeait et promulguait les idées nouvelles mais l’attrait de Paris fut tel que notre bon Nicolas y débarqua en pleine période pré-révolutionnaire. Il s’y lia d’amitié avec les « littérateurs » de l’époque. Quel bouillon de culture ! Ardent défenseur des idées républicaines, il rentra dans sa ville natale, dès que la révolution éclata en 1789. Il fut élu député et prit, avec Fabry et Chesteret, la tête des patriotes liégeois contre le pouvoir du Prince-Evêque. Il se prononça Cette aimable invention fut en activité pour un rattachement pur et simple à la France. jusqu’en 1824. Bassenge faillit en faire Les Autrichiens ayant réinstallé le Prince-Evêque, l’expérience… Bassenge dut fuir et se réfugier à Paris. Mais il revint avec les troupes de Dumouriez et le 28 novembre 1792 il fit voter la démolition de la cathédrale Saint-Lambert. En 1793 (bataille de Neerwinden), les Autrichiens défirent les Français et Nicolas dut, une fois de plus, s’exiler à Paris. Il ne reviendra à Liège, définitivement, qu’en 1795 lorsque la principauté sera rattachée à la république française. Il devint Commissaire général du Directoire exécutif et fut élu pour représenter le département de l’Ourte au Conseil des Cinq-Cents à Paris. Mais continuant à défendre les idéaux qui lui étaient chers contre le Bonapartisme, il fut envoyé sur une voie de garage et finira, assez misérablement, sa vie comme conservateur de la bibliothèque municipale. 15


Lambert le BEGUE (1131-1177)

V

oici un bien curieux paroissien ! Il faut admettre que, le concernant, on en est réduit à des hypothèses sujettes à caution. Selon les sources, on en fera un pauvre prêtre issu d’un milieu défavorisé ou le fils de bourgeois aisés… Il sera soit un brillant orateur soit un « bètcheteu » ne pouvant aligner deux mots.

Eglise Saint-Christophe

Mais ce qui lui confère une notoriété qui dépasse largement nos frontières, c’est le fait qu’il aurait (encore un conditionnel…) fondé l’ordre (qui n’en est même pas un…) des béguines. Ce qui est plus ou moins certain : Lambert fut un contestataire qui se révolta contre les excès commis par nombre de membres du clergé, un tantinet trop attirés par les biens matériels de ce bas monde. Il vécut dans la paroisse Saint-Christophe dont il eut la charge. Et c’est vraisemblablement à cause de son influence que des dames, qui refusaient d’entrer dans des ordres réguliers mais qui voulaient néanmoins consacrer leur vie à leur dieu, se regroupèrent dans de petites maisons isolées du monde. Mais même l’étymologie du mot « béguine » n’est pas claire. Et dans ce quartier, toutes les dames occupant des maisons isolées n’avaient pas foecément consacré leur vie à dieu… Faut-il ajouter que l’on ne sait pas très bien où il est enterré ? Et, cerise sur le gâteau, on connaissait une peinture d’Englebert Fisen représentant notre Lambert… Ce tableau a disparu ! La « Biographie nationale » publiée par l’Académie Royale des sciences, des lettres et des Beaux-Arts, Bruxelles, 1897, nous dit que : « Lambert LE BEGUE prêtre liégeois du XIIe siècle, ainsi surnommé parce qu’il souffrait d’une difficulté de prononciation. C’était, disent les historiens, un homme très riche, peu instruit mais animé d’un grand zèle envers Dieu. » Tandis que Godefroid Kurth (La cité de Liège, 1910) affirme que : « C’était un simple prêtre, de petite naissance, mais fort éloquent et d’une érudition remarquable, qui, seul et sans appui, eut le courage de s’opposer au torrent de la corruption. » … et il est question du même homme ! L’histoire ne sera jamais une science exacte… 16


André BLAVIER(1922-2001)

A

ndré Blavier est né à Verviers en 1922 ; il y mourut en 2001. Mais ce presque octogénaire était un homme universel. Il était, en quelque sorte, d’un autre espace-temps que le nôtre. Au cours des années soixante, il siégeait assez régulièrement au Seigneur d’Amay, dans la rue du même nom en plein cœur du Carré. Et là… il disCe diplôme est celui du maître Boris Vian en persertait ! On venait l’écouter avec une sonne. Blavier possédait exactement le même… curiosité mélangée d’admiration et de respect et pourtant on se demandait si l’homme à la pipe n’était pas en train de se foutre de son auditoire. Ce qui était (en partie…) le cas. Les bouquins furent toujours sa passion et il occupa une fonction de bibliothécaire à Verviers. C’est la rencontre avec l’œuvre de Raymond Queneau qui va orienter toute sa vie. Sous un prétexte totalement faux (et totalement fou !), il entre en contact avec le père de Zazie dans le métro et une amitié profonde va bientôt unir les deux hommes. Après la mort de Queneau survenue en 1976, Blavier va créer à Verviers un Centre Raymond Queneau. Et avec Queneau, ce sera évidemment le monde de la Pataphysique ! Dès 1950, André Blavier adhère au Collège de Pataphysique et se voit décerner l’ordre de la Grande Gidouille. Certes, il est impossible, en quelques lignes, de résumer ce que fut la Pataphysique qui se veut « la science des solutions imaginaires, du particulier, des lois qui régissent les exceptions ». Pour elle, tout est la même chose; au-delà d’elle, il n’est rien, elle est le suprême recours. Elle tire son nom d’une œuvre de Jarry, écrite en 1898, « Les Gestes et Opinions du Docteur Faustroll, Pataphysicien ». L’insigne du mouvement représente la célèbre spirale qui ornait la “gidouille” du Père Ubu. La vie d’André Blavier a aussi été celle d’un agitateur des lettres belges et d’un revuiste. En 1952, il cofonde avec Jeanne Graverol le groupe et la revue « Temps mêlés » qui publiera, entre autres, Norge, Scutenair. Et à ceux qui estimeraient que Blavier n’est pas un personnage digne d’intérêt, on peut rétorquer que notre Verviétois à la pipe a droit à sa rubrique dans l’Encyclopaedia Universalis. Chapeau, André ! 17


Henri BLES ( ? – 1550)

D

ire que l’on sait peu de choses concernant la vie de ce peintre est déjà en dire beaucoup car, en fait, on ne sait rien. Sauf qu’il est né à la fin du 15ème siècle à Bouvignes, près de Dinant, et qu’il est mort à Liège en 1550. Par contre, on connaît plusieurs de ses œuvres et on en trouve dans les musées de Vienne, de Florence, de La Haye…

Galères et bâtiments de guerre dans unestuaire montagneux. MAW

Il appartient à une école liégeoise qui a renouvelé la tradition du paysage. Il a exalté le pittoresque des rochers aigus, la vivacité des eaux de la Meuse, les horizons bleutés… Il était appelé « Il civetta » car, souvent, sur ses tableaux il faisait figurer une minuscule chouette. Mais attention, cela ne vaut pas signature car, parfois, il n’y a pas de chouette et… d’autres peintres ont repris ce symbole. Dès lors… Par souci d’honnêteté, il faut signaler que d’autres biographes font de Blès un peintre anversois qui serait mort à Ferrare en 1567. Mais puisqu’il possède sa rue, entre la rue Patenier et la rue Wiertz (autres peintres fameux !), nous proclamerons « urbi et orbi » qu’Henri Blès est bien de chez nous !

Paysage avec travaux de mine. Musée des Offices à Florence 18


Jean Claude BOLOGNE (1956-…)

B

ien qu’il ait opté pour la nationalité française, Jean Claude Bologne fut belge et de cœur il est toujours bien liégeois ! Après des études à l’ULg, il fut d’ailleurs, pendant peu de temps il est vrai, professeur au sein de l’enseignement communal liégeois. Dans la tradition familiale en quelque sorte : son père, Jean fut durant de longues années préfet de l’Athénée Maurice Destenay, boulevard Saucy, où enseignait également son oncle Louis.

J.C. Bologne. Photo Y.M

Il faut noter que « Jean Claude » s’écrit sans trait d’union : ce qui, au départ, était une errance administrative fut officialisé et, maintenant, l’écrivain y tient. Qui n’a pas sa petite coquetterie ? Immédiatement après son service militaire, il débarqua à Paris en 1982, sans pour autant perdre toutes ses attaches belges puisqu’il travailla comme correspondant de presse et critique littéraire pour La Wallonie, la RTB-F,…Si, depuis 1993, il donne quelques heures de cours d’iconologie médiévale à l’ICART (Institut supérieur des Carrières Artistiques, Paris) c’est à l’écriture qu’il se consacre essentiellement. Mais non exclusivement car il est également président de la Société des Gens de Lettres… (ce qui est finalement un peu la même chose). Parmi ses œuvres, soulignons particulièrement « Le dit des Béguines » (1993) qui se déroule en partie à Liège et met en scène Lambert le Bègue. Jean Claude Bologne a également rédigé des ouvrages d’histoire thématique ; par exemple « L’histoire de la pudeur » (1986) qui fut traduite dans une dizaine de langues, « L’histoire du célibat » (2004), « L’histoire de la conquête amoureuse » (2007). Cet écrivain éclectique, philologue mais aussi journaliste et poète à ses heures, est sans doute devenu le plus parisien des Liégeois ; un des rares à vivre de sa plume sans devoir courir les subsides ou autres allocations. Cela existe !

19


Berthe BOVY(1887-1977)

L

e Théâtre Molière était situé au numéro 11 de la rue de l’Ouest qui devint la rue du Général Bertrand en 1919. En 1913, le théâtre fut transformé en lavoir... Un soir de l’automne 1896, on inaugurait les soirées d’hiver au Molière. Le spectacle était composé de « Li neûre Poye » d’Henri Simon et de « Li Grandiveuse » de Théophile Bovy. Victor Raskin, l’entreprenant directeur du théâtre wallon présentait ce soir-là des artistes nouveaux. Cependant, on retint tout particuSur la scène de la Comédie Française en 1955. Création lièrement un intermède - qui fut du « Pavillon des enfants » de Jean Sarment, un auteur bissé!- dans lequel une gamine de bien oublié… huit ans, avec un aplomb et une aisance dignes des grands, vint réciter des poésies de circonstance: « Po les p’tits » (que le Journal wallon « Li Clabot » publia le lendemain), « Coûr di Mère » une complainte traduite de Jean Richepin puis « Es l’ corotte ». Faut-il préciser que le directeur, rédacteur en chef, de « Li Clabot » était Théophile Bovy et que la gamine était sa fille, Berthe? Le chemin de Berthe était clairement tracé, cela ne faisait de doute pour personne, surtout pas pour elle. Elle avait treize ans lorsqu’elle rencontra Sarah Bernhardt de passage en Belgique. Grâce à l’illustre comédienne, Berthe aura quelques rôles lorsqu’elle débarquera à Paris, après avoir fréquenté le conservatoire de Bruxelles. Mais les choses ne traînent pas et Berthe entre à la Comédie Française où une carrière exceptionnelle l’attend (elle y sera Sociétaire jusqu’en 1967). Elle était née à Cheratte en 1887 ; c’est à ce jour la seule habitante de Cheratte à avoir fait carrière à la Comédie Française…

20


Jean BRANKART (1930 -…)

J

ean Brankart fut, reste et restera sans doute le citoyen le plus célèbre de Momalle (actuellement commune de Remicourt). Ce champion cycliste est né en 1930 et c’est en 1955 qu’il connut son heure de gloire. Il termina deuxième du Tour de France derrière l’illustre Louison Bobet (mais avec la bagatelle de 7 minutes d’avance sur le troisième, le Luxembourgeois Charly Gaul). Cette année-là, Brankart avait gagné la grande étape des Pyrénées arrivant à Pau, ainsi que le contre-la-montre de Tours. Aurait-il pu gagner ce Tour ? Oui, sans doute… Fut-il impressionné par le grand seigneur qu’était à l’époque Louison Bobet ? Ce qui lui arrivait devait déjà lui sembler tellement extraordinaire qu’il n’osa peut-être pas « rêver au-dessus de ses moyens ».

«Vive Brankart, vive Brankart, vive Brankart, c’est le roi de la montagne…»

Au lendemain du Tour de France lorsqu’il se présenta sur la piste du vélodrome de Rocourt (car à l’époque, le premier critérium après-tour avait toujours lieu chez nous, à Rocourt !) une clameur immense s’éleva et chacun entonnait l’hymne qui avait été créé en son honneur : Si ce Tour de France 55 fut le sommet de sa carrière, il a évidemment d’autres trophées à son actif : il fut lauréat du Grand Prix de la montagne au Giro d’Italia, trois fois champion de Belgique de poursuite sur piste et champion du monde de la spécialité en 1959. Entre autres… A cette époque, les éditions Marabout publiaient la fameuse collection Marabout Junior. Le numéro 52 était consacré au Tour de France et sortit… en 1955 juste avant l’exploit de Brankart. Dommage : à quelques semaines près c’est lui, et non Bobet, que l’on aurait sûrement admiré sur la couverture. Par contre la faute d’orthographe (« ça » s’écrit sans accent sauf quand il est adverbe de lieu dans l’expression « çà et là ») serait restée. 21


Carlo BRONNE (1901-1987)

L

ongtemps, la vie de Carlo Bronne se déroula entre Liège et Paris. C’est à Liège qu’il naquit en 1901. Après des humanités classiques à l’athénée de la rue des Clarisses, c’est au Lycée Carnot de Paris qu’il passa son baccalauréat en 1919. Il revint à l’ULg Hôtel de l’Aigle Noire, lithographie de 1835 pour y obtenir son titre de docteur en droit en 1925. Avocat, il fait son stage… à Paris avant de s’inscrire au barreau… de Liège en 1926. Il fut successivement juge au Tribunal de Première Instance de Liège, de Verviers puis à nouveau de Liège (1930, 1931, 1933), président du Conseil de guerre de Namur (1944), conseiller à la Cour d’Appel de Liège puis président de la cour militaire de Belgique (1946) et président de la Cour d’Appel de Liège (1960). Ouf ! Mais la magistrature ne sembla pas combler notre homme : l’écriture le tentait et, en particulier (après quelques tentatives poétiques), l’écriture de l’Histoire. Mais une histoire aimable, agréable à lire. Un peu comme un roman… Sa production fut abondante mais ne fut jamais alourdie par ces notes en bas de pages qui rendent souvent indigestes les ouvrages « scientifiquement » reconnus.

Sa réputation dépassa largement nos frontières : depuis 1956 il fut membre correspondant de l’Institut de France et il reçut de l’Académie française le prix de « Rayonnement de la langue française ». Un de ses ouvrages est particulièrement intéressant pour les amateurs d’histoire liégeoise : «L’Hôtel de l’Aigle Noire » publié aux Editions nationales (Liège) en 1975. On sait que cet hôtel, qui était situé en Féronstrée, était le plus célèbre de la ville et qu’il accueillit la plupart des célébrités qui passèrent chez nous. Or, le dernier propriétaire de cet Hôtel n’était autre que le trisaïeul de Carlo Bronne. Les documents ne lui firent donc pas défaut pour rédiger cet ouvrage…

22


Joseph BRUYERE (1949 - …)

N

on : il ne fut pas le lieutenant d’Eddy Merckx, il en fut l’adjoint ! N’empêche, si le grand Joseph n’avait pas (presque) toujours roulé au service du Cannibale, il aurait récolté un autre palmarès et, qui sait, serait arrivé en jaune à Paris. Le gouverneur Paul Bolland, Eddy Merckx et Joseph Cette force de la nature est née… Bruyère à Maastricht mais il a toujours vécu dans le pays de Herve et la commune de Blégny le compte au rang de ses célébrités. C’est l’homme de Saint-Remy ! C’est en 1969 qu’il fut engagé par Merckx qui venait de gagner son premier Tour de France mais avait besoin d’un homme de confiance pour diriger son équipe. Ce fut la grande époque de la Molteni. Son heure de gloire, sur les routes du Tour, Bruyère la connut en 1978 (Merckx n’est plus là…) : il s’est emparé du maillot jaune lors de la huitième étape et n’en fut dépouillé que lors de la quinzième. A Paris il décrocha la quatrième place du général derrière Hinault, Zoetemelk et Agosthino. Mais la course de Joseph ce fut bien évidemment Liège-Bastogne-Liège qu’il remporta à deux reprises en 1976 et 1978. Ce qui n’empêcha nullement notre Wallon de remporter le Circuit Het Volk à trois reprises… Il fut coureur professionnel jusqu’en 1980. Et puisque nous sommes à Blégny, profitons-en pour donner un grand coup de chapeau à un autre champion cycliste : Raymond Impanis. Oh, quoi que racontent certaines rumeurs, il n’a jamais vécu à Housse et ne s’y est jamais caché pendant la guerre. Mais il y a noué des liens d’amitié et a participé à toutes les organisations du comité sportif local. Ce champion au palmarès remarquable, mais un peu indolent parfois, a reçu le titre de Citoyen d’honneur de la commune de Housse le 19 décembre 1949.

A droite Raymond Impanis lors du Tour de France 1947 qu’il termina à la 6ème place 23


BRY Théodore de (1528—1598)

O

n estime, sans en être absolument certain, que Théodore de Bry fut l’élève de Lambert Lombard. Ce qui est avéré c’est qu’il quitta assez rapidement Liège pour aller s’installer à Francfort sur Main où il créa, avec ses deux fils, une des principales maisons d’édition du 16ème siècle. Il se rendit notamment célèbre en éditant les premiers livres imagés retraçant les expéditions européennes en Amérique. En réalité, s’il quitta Liège, d’abord pour Strasbourg avant d’échouer à Francfort, c’est contraint et forcé : il aurait adhéré à la religion réformée qui ne fut jamais en odeur de sainteté en terre épiscopale… Convaincu d’hérésie, il fut banni et ses biens furent saisis. Il mourut à Francfort en 1598. C’est à ses gravures qu’il doit sa notoriété. Il est d’ailleurs un de ces graveurs dont on a pu dire que les techniques modernes confirment l’immense talent : effectivement lorsque par des procédés photographiques on agrandit ses œuvres, on constate l’excellence du trait.

Gérard Mercator (burin) Cabinet des Estampes et dessins.

24

Cet autoportrait datant de 1597 laisse à penser que notre ami Théodore n’était pas un comique… (CED)


Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.