l'ascension de Mobutu (Jules Chomé)

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iules chomé

da sergerat joseph désiré au général sese seko

editions comptexe


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jules chomé

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Du

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Fotmoso, Qacmoy, Matsu, Editionr Polidqucr, Bruxe[cq 1958.

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h pudon dc 9înpn Ktmbangç B,rlitiom Iæs Amis dc Prâ urco Africaine, BruxetlËo, 1959. It drahc dc Luluabowg, Edifions Romarquæ Congotairc* Bnucllæ,

1959.

l'ascension de

Itrdépcndancc congolalw, pocïtqttë conquàte, Editiom Remar-

quor Congolaiseq Bnxelleg

1960.

mobutu

La

crlsc congoldæ, De llndépendancc ù fhtemention mllttgtrc lelge (!0 iujlt-g lu@t IW), Editrons Remarquer

Congolaises, Bruxellcs, 1960.

M, Lumumba et h commwrLrzc, Edidonr Remarquce Congo-

It

labcs, BruxÊltæ,

1961.

du sergent ilêsïrê joseph au gênêral sese seko

gouvernemcnt congohis ct PON.U. Un pardoxe ttaglCna, Editions Remarques Congolaiseg Bruxelles, 1961. Eallolre Rwagdsorc, Editions Romargucc Congolrisec, Brtucl-

b,1962.

Aauawlnat dc'Puricc hrntmba ct hs révélatlot* de Molæ Tthombc, Editionc nemarqucû Congelaicer, BrgxellÊs, l9û{. b dranu congolab, Editions Droit ct tihé, Paris, 1964 Nohc ?shombe ct tesroquerlc huangalæ, Bditions do la Fon drtlon looeph lacqmotûe, Bnncllcs, 1966. llobutu ct Ia çontrcrévolufion en Afiiqrc, Editions Thre.

It

Mondo et Révolution, Enrrelles,

1967.

dranu du Ntger&e, Editions Tiers.Mdo et Révpluffo* Bnrotlor, 1969.

Éorrrons coMpLExE rue du chârelain Bb

1050 bruxelles

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I"ofoire CInmé, ou pourqtlrri rlrrus ottona tnulu réditer æliore Depuls guelques semalnes, la perutlon de ce livre aux éditiong Maspéro suscite de la part des autorités zatroises les réactions les plus violentes. En fait, do quoi s'agit-il? D'un liare d'hlsloirc, explique Juler Chomé, ovocat au Barleâu de Bruxelles.

Des r divagations r, des e écrits ridicutes I d'un r slphoné r, d,un gâteux r atûrme Pierre Davister (volr Spécial du mois de mars). En lalt, ce livre relate cles falte historiques qui se sont passés au Za|re. Témoin de certalns de qer événements et spécialiste de Ia questlon, {utqs . Qlopé expllque .l'iméslstible arcenslbn du sergent- Josepli Déeiré Mobutu au général Seæ Seko. Témoignage objectif?

r

Pamphlet? Le lecteur jugera. Quoi qu'il en soit, lâ réédition de ce livre interdit en France se pose en termes nouveaux. Au-delà de la valeur et de l'intérêt du texte, il y a une question de solidarité avec un éditeur français pour faire échéc à une p-olitigue d'étouffement d'une littérature d'opposition. llvre que nous voue présentons a été frappé d'interdiction par -le. Le gouvernement lrançals poan outrage à un chel d'.Ela! pour rcisàns diplomatiqucs, Des raisons semblables ont été plus d'une tois invoquées, notamment ordonner le retrait de la scène de TNP de Ia pièce d,Armand Gatti :,Passion cn uiolet, iaune et rougc en décembre 1968. n s,agissait

p,our-

alors du général Franco. Egalement pour interdire d,autres livres publiés per les éditlons Maspéro tel : r La grande mystiflcatlon du Congo-Kinshasa r.

Aulourd'hui, le général Mobutu a décidé d'employer leq^noyens de pressions les plus violents pour empecher la diffusion 1f,,Qlivre, pour faire taire Jules Chomé ou quiconque parlera contre son rffme, Rappel de guelques faits : Le.4 mar-s, guelques ressortissants zalrois tentent d'empêcher une conférence donnée par Jules Chomé à la librairie Le Nouieau Monile et ce, en la perturbant par des provocations (boules puantes, etc.) Le.7 mars, au cours d'une conlérence donnée à Liège, Jules Chom6 est violemment_ pls q partie et lrappé de plusleurs coups à la tête p.al u1-Z$1o!-s. Ce der4ier, poursulvi d'ôfhce pàr le Parquet,ï cependant été relâché dès le lendemaln. __Le_15 mars, _l'Ambassade du Zalre latt une démarche auprès de ]vL Val Eslande, Ministre deg Affaires étrangères, lui deniandant l'interdiction des réunions de présentation du livre'de Jules Chomé.

Le Ministre des Aflaires étrangères répond que, s,agissant

réunione strictement privées,

(Lc Soir,15-3-74).

de

n'était pas en mésure d,intervenir.

Par ailleurs, diverses organisations, dont des associations d,étudiants zaïrois en Belgique, ont dénoncé l'agression dont Jules Chomé a été victime, L'Association des Juristes Démocrates a protesté constatant que les assaillants avaient falt obstacle à la libre eipression d,opinion.

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L'Assoclation s'est également indignée que : l'ArnDassade d.u Za|re Bruæelles, ainst qu'il apparalt de tous les communiqués d.e presse, solt d.lrectement impliquée datlæ cet ccte. Elle demande au gouvernement d'adopter une politlque lerme enoers les agissements de tous ceuî quels qu'ils soient qui tentent d'empêcher I'eaercice iles ltbertés fonilamentales.

(Le Soir,

20-3-74).

Le 23 mars à Kinshasa, M. Sakombl Inongo, commissaire d'Etat de I'Orientation Nationale, rapporte que les commissaires d'Etat se

|..!-es autorîtés belges ont pris connaissance déctarutions du p:ll:d:ry !:. ta République zatrcise au rcprésentantiles d.e I'agence France .l"sjg.a l<.nshasa. Jusqu'ù présent, iI n,g a pas eu de conmunication

sont indignés des provocatlota inlurieuses d'un certain avocal communlste belge du nom de Jules Chomé, à l'endroit du président Mobutu Sese Seko. M. Sakombi ajoute : r C'est scns iloute pout soutenb son parti qui ne cesse de ftgresser, que cet aoocat en mal de célébrité ct il'argent, s'est lluré ù cette prcoocatlon. t Le Conseil Exécuttl Nalional s'étonne que I'utocal Jules Qhomé ge pefinette au ou et du su, pottt ne pos dire auec Ia complicité des autorltés belges, d'insulter le chel de I'Etat ile ce grand pags qu'est le Zatrc dans ces mïnables conlérences et plus spécialcmcnt dans la d.ernîère æuorc qu'il oient de publler. r C'esf scns doute en appllcatlon ilu traité d'amttié signé par lc général Mobutu Sese Selco et Sa Majesté Ie roi Baudouin lct d.es Belges que les autorltés de Bruo,clles tolërent cette situation malheureuse créée par les ëIucubrolions d'un Jules Chomé, comme si les intellectuels ou les iournalistes zaircis poavaient, eua cussi, se permettre d'insulter Ie

oqrcrcue aun autorités belqes.

?', L" p*g-parcIe a iaisi cette occasion pour rappeler Ia pratiquc t:lot1tf; Belgique concernant la oente iles'Iiwes éaites a yétrunôe;. uo\ye t'a.e::core rappelé ficemment Ie ministre d.e Ia Justice, il n'g a aucun contrôIe

-pr(alable, saul en cc qui concetne lcs bonnes mæuri, ù. l'imporiation d.e liores en li-elglque.-Cette position est fond.ée sw'Ia y.olorrt! |rt autorités belges dehô rien tairi qul iutsse contrecarrer Ia Iiberté d'opinion. 3.. Si une plalnte est itéposée ù l'égaril d,une publicalion bien iléter-

mtnée-, les_gutorités

so-nt,habilitées d.e

M, Sakombi rappelle qu'une photo du couple royal belge, publiée par le Journal Taila de Lumumbashi, avec une petite légende, avait provoqué un tollé de réactions et de provocations dans lo milieu des 45.000 Belges vivant au Zafue avec, à leur tête, I'Ambassadeur belge à Kinshasa.

Ce cas avait provoqué une sdinte colère belge; mais lorsque l'Ambassadeur du Zalro à Bruxelles demande des explications $ur l'âttitude do l'avocat Juler Chomé, qut ne ccsse il'inlurler Ie président île la Rëpubltquc du Zatre, Ics autorltëc belgæ sc rcbanchcnt d.enière leur coratltutlon qul garuntlt Ia ltberté d'eapresslon en Belglque, oubliant saru doule eæprcsdment que Ia Constltutton iluolutlonnaire du 24 iuin l9B7 garantlt auscl Ia llberté d'erprcsslon au Zalre.

t

que

de Belgique.

En gytre,. une pétition ailressée au goutetnement belge a été mise en , ctrculation ù Kirchasa. EIIe cst l,inittàtiue d,un technicîen belae travaillant ù. K_iruhasa, qui a rencontré Ie dirccteur général it{fteâce ZatrcP.resse. Munie ilei signatwcs dc nombreuæ nAges auÆt*ilc iteoatt ete depæec en orlginal ù I'anbassadc d.e Belgique ù Kinshasa. Elle ctemancte-elt go-uuernement belgc de reilrer d"e la clnulatton le Itore dc Uoocat_belge Jules Chomé, qùt terntt ta réputatton du général Mobutu

Sakombi.

2,

que noub

A la suite de Ia lerme déclaratîon du chel ilc l,Etat, Ie général Mobutu ^ Seko.Kudu Ng.bcndu Sele Wa Za Banga,'erigeant [ue ie gouoernement oetge c&r.flc sa position, sur la question de saoob si oui ou non il eatslc une amitié 9ntr9 Ia Belgique et-tre natre et, si oui ou non, cette atnifié tmpose dcs _deûoirs aur Belges conme du:, Zairois, plusieurs têmoignagcs dg yUtltOathte et d'amitté'ont été ewegistrés ite'ia part d,anis'ieiges

lorcqu'Il s'agit d'aller déranger Ie générat Mobutu Sese Selco en q rcpos dc reconstitutton I en Allemagne Fédéralc, pour dlscuter de milliarils, cclui-cî d.euient Important artr geux des illrlgeants belges, qui n'hésitenl pas ù lui dépêcher ù la lois Ie Premier Ministre et lc Ministre iles Aflaires Etrangères. t (Le Soir, 24 et 25 mars.) Le 24 mars 1974, Jules Chomé répond aux imputations de M.

t,

iudiciaircs sont automatiquemènt scisies .. clles seules se-prononcer, en toute initépenitance, sur le bien-fonilé

Dg tolt côté., I'agence,Za1re presse a publié un long article ,reproduisons ici, lntitulé : C,en est assez c,en est trop,

:

L'attltudc des autorltés belges est d'autant plus inetplicable

la plaintc.

ù

_ Nous sornmes désormais fcés, répond le soir même le général Mobutu Sese Seko à.I'aggnce zatre piessè : c,cst unà- luite ae ieipànsàtitità et unc manileitation de I'hgpocrisie caractériséé. _ A Kinshasa, _le-s observateurs estiment que la mise au point du gouv€rn€ment belge se situe parlaitement blen dans la ligne des déclarations derière -lesquelles s-'abritent souverainement les a-utorités de pour mieux couvrir leurs compatriotes de ,.tl_loy1"nl1 la race de Chomé,Felgqug dotrt l,activité principale consiste à inïulter constamment le chel de I'Etat du Zaire.-

gouuetnement belge. r

M. Sakombl termlns

.

En éqioant -mon liure, ie n, ai engagé que moi-même et iI est ù. Ia lolc tnlustc, puétu.-et rid.icule d,imputer une responsabilité quelcoiquc dans mes écrits el Iery d.iflusion, soit ù mon Souoeraiâ, soit cu gouounement belge, soit ù. mon pags lui_mê.me. Le matdi, à la suite des ,réclarations du président Mobutu, le porteparole du ministère des ÂITaires étrangôres a fait la aéclaietion ouivante: 3

ù

Bien que le considère qu'il soit iléjù contralre à notrc notion ile Ia liberté il'obliger un cltogen de d.lrc s'il est ou non membrc il'un parti polttique, ie tiens ù confi,1n21 lci publiquement ce que sil)ent tous ceur qut me connaissenl : Je n'al lamats été membrc d'un paili politique quel qu'il soit. t Il sera difficile aussi, màme ù. un mintstre zatrols, de lairc crobe d.ans lcs milieun où lc o|s, que Je suis en fltal de céIébritë et d'aryed,. Le propos de mon liore n'est pas d'irculter le chel ile I'Êtat d.u Zatre. S'tl en auait éH ainsi, il n'aurait pas manqué de me laire un procès comme lI en a lait ù d'aubes auteurs de ltores qui ne lui aoalenl pas plu. J'at lait de I'hlstoire.

Sese Sefto.

Cette initiatioe que nombreur sont les Belges au -belge est le signe qut, connaissant zanlc bien le père ile Ia nation zatrcise _ ileoenuc

l,aiment, I'admirent et Ii respectent. Mail_cette.-afftmation d.e l,arnitié des Belges ù notre endrcit, quelque .honorable. soit-el.Ie, ne suffi pas à nous aéfiarttr de notre ut{ttinci et de noûe Ieur seconde palrie

tnllansigeance.

.aes rcIations

Dep_uip des années, iles péripéties d.e toutes soiles ont émaiilé

vul

zalrois-belges,

A

chaque

fois,

Jusque

et assombri

ilans les épisodes lcs

IX I

I

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mais lorcqu.e jc

d.s solutions ont touiours été lrouoéct. A clnque fok, de I'adlon du génëral Mobutu Sarc Salco. En cflct, Ice Zalrols sonl oolonlters anltbelges, ainsi qut l'a rappclé lc Gutilc ilc la natlon. Et c'cst gtdcc au général Mobrilu, lul-m&nc, que Ie pcuplc p|luo ùarnallqucs,

ella ëlalcnl lc frult

mboit, malgré ccrtains senlimenls antlbelgcs, blcn natuels, a toulows pu êlre gutd.é d.arc Ia oote d.e I'amitié enven la Bclglquc.

C'est pourquol notre ind.lgnation est totalc d.e oolr que cet hommc, qut

a toulours culltoé dans lc ceur dc

son pcuple, I'drnitté pour les Belges, eû, auiourd'hut, balnë d.arw Ia boue par un Bclgc, sans que la Bclg[quc oficielle ilagisse. Nous n'acceptons plus il'être les amis dcs Belges uniquement pout

Ies milliard.s que nous pouuons latre gagner aut Bclges, II nc laut pas que, tout en courttsanl nos milllarils les Belges larssent sans réaction officielle et amicale un liare méchant, ëcrll par un Belgc mécho,nt, pour salir la ilputatlon de notre GuiîIe prestigteut, citculer et se aendrè sur

Ic

tlue

cesse

ce

flol il'iniwet quc l,on déocræ

a

BelgiQue,

plus d'amitié cntre nos pants. ou,on Ie d.isc franche rntf? déclaré le présldeDt de la Républigub du'Z'atre. pour nôtre part, nt6 trouoons ,qu'avec ou sans Ia Bêtgtquê nous laisons et continueràrc â lairc notre pctit bonhomme d.e chemii.,

C'en est trop, Le uase a déborilC. Nous csigeons que la Belgtquc, ou blen nous dise qu'elle ne ueut plus être I'anie du Zalrc, ou bien, sl elle est notre amie, qu'clle Ie prouve. Lorsque Kamitatu ou Chomé ueulent mettre d.es ltores injurieu.r ù. I'endtoit d.e notre Président sur Ie marché français, Ie gouuernement lrançais les interilit. Yoilù I'eaemple d'une amitié blen comprise, Le président Mobutu a signé un traité d'amitié auec Ie rot Bauilouin. Pourquoi le gouuernement du roi Baudouin laisse-t-ll impunément attaquer Ie présid.ent Mobulu? Nous uoulons que cette équivoque soit tirëc au clalr, une fois pour toutes. C'en est as8ez, c'en est trop. Quelques Jours plus tard, la Chambre de Commerce belgo-zaïroise publie le communiqué suivant : La C.Q,B.Z. aurait souhaité que soit interdlte en Belglque Ia iliflusion d'un ouorage constitutll d'oubages ù un chel il'Etat ébanger, aoeô'lequel nous auons un tralté d'amlfié, approuoé par notrc Padement, émanation

la

Zalle et Ia

S'il n'y

Ie marché belge.

de

demande

tmpunëmcnl srrr rna pe$onne, ie ne rcncontre que le silencc. . II nou.lserait lacile, a alors rcmarqué te prësldent Mobulu, d,cnlrctenlr tct, au zave,- une campagne contre Ie gouuernement belge et lc Rol. Il ,tous seruit lacllc de tattioel. Ie possé, ile pailcr de nouoeau-des brimodes ile .l'époquc coloniale. Les Zatrôis sont làcilement arûlbelges, c,est mot qut-tcE lorce au calme et cc qui anioe auJourd'hui ne lcur platt pas du lout, Aussi, a précisë Ie chel de I'Etat. tant que ie n,autal oas recu dc Brurellcs des éclaircissemenls sur cetic situationl aucun Zaf.rois ilé mon entourage_n'aura d'entretiens officiels alec lea aitorités belges. Je uiera d.u-reste d.c mettre omcieUement"frn ù. l,eûstence d.e la comitission mixte ôel-go-zalroisc et i'altenilrai Ia formation du nouoeau gouoetnement belge pour laire Iè point, une bonne lois pour toutes, iles rilations cntre

Le.. gouver,nement belge transmet une note au général Mobutu par I'intermédiaire de l'ambassadeur du Zalre à Bruxàlles. Le gouvernemerrt déclare avoir pris connaissance avec regret {es prises de po_sitions du chel de l'Etat du ZaTre à l'égard dés relatioirs belgozalroises.

gouvernement belge, affirme cette note, le traité d,amitié -belgo-zaTrois -Pour le continue à être ré document do base qrii regit ses rerations avec

l'Etat du

Zalre.

La ratiûcation de ce traité par la quasi-unanimité de la Chambre et du.Sénat-fpporte la démon-stration-de la volonté du peuple belge de voir se développer les relations entre les Etats, De plus, rappelle la note, la politique de la Belgique est fondée sur quatre principes fondamentaux : Le respect scrupuleur de la souueraineté ilu Zatte;

Natlon,

-

ElIc regrctlc quc dcE irraponsables n'agant aucune représentattoité

pulcrenl portæ altcinte aur- bonnet rclalions cntre Ie Zalre et Ia Belglquc por der puùllcatlons cgctémauquemcnt tcndancleuses dont Ie moins qu'on pulttc dlre, cst qu'elles n'appoilent aucune contrlbutlon à la oërtté hlstoriquc, Le 25 mars, Mobutu supprime la commission belgo-zalroise. Klnshasa, 25 mars ( A.F. P. ). Je oiens d.c mettre officiellement fin ù I'eristence d.e la commdssion mide belgo-zatroise et i'attends Ia lormation d.u nouoeau gouùernement bclge pour faire Ie point, une bonne lois pour toutes, d.es rcIations entre lc Zal.re et Ia Belgique. Je ne vous cache pes, a aiouté Ie présid.ent Mobutu, que Ia grauité de Ia situation est telle que des déoeloppements incalculables sont certo,ins. Ce qui aniue aujourd'hui aoec Ia Belgique est lrès graue ccrr nous aoons Ia, certitude que c'est avec Ia compliclté des autorltés belges que Ie livre a été dîfiusé et a reçu la publicîté que I'on sait, Autant nous enbetenons des relations dans Ia plus complète é.galité auec) par eremple Ia France, où i'ai toulours été considéré en chel d'Etat d'un pags souuerain, autant l'attitude de la Belgique cst équivoque, a souligné Ie président zatrois. Blen sûr, a pourouiui Ie pilsiilent Mobutu, lorsqu'i| s'agit ile d.iscutcr mllliotdt, le rcdeulens aut getxt des autorités belges le Wésiilent ilu Zalre,

La

teconna.issance d.e l'égalité des d.eur partenaires;

La .aolonté de déoeloppèr une coopération soulnliée par les deux parties; Le rcnlorcement de la collaboration et de la consultction (voir Le Soir du 2 avril).

base de ces princlpes que les autorités belges ont condamné, , C'est sur dan! passé, les action$ irresponsables de certains citoyens belges P au Z?ire. de

même qu'ils regretlent et qu,ils réprouvent âujourd'Ëui

ce qur est de nature à alÏecter les relations belgo-zalroises. Les relations gntle lqq deux Etats fondées sur le respect mutluel, doivent tenir compte

de la diverslté des traditions polititiues nailonales. La Belgtque lui respecte les lois et les règleme-nts qûe le Zelre s'est donnéfsôuhaite qlre les autorités zaTroises admetteni que l,acflon d,un cttoyen be[è 1'{lnnlique en rien la miee en cauEe des autorltés polittquËs belgei. Ce$gp-ci, soucleuses de la liberté d,opinion, n'inderdiseht pas "tei publications_ dont les prlses de posifloni sont'contraires au pàint de

vue belge.et de I'imniense_majôrité de la population. Ces qïestions con_cernent les autorités judiciaires. par ailleuis, le procureuf Général de.Ia. Cour d'Appel de Bruxelles, dans le cadre de ses compétences l_uolcrarres, ellectue une enquête sur la vente en Belgique du liwe de.M. Chomé. Le gouvernemônt s,étonne de I'alflrmatiotisôton laquelle

Ic livre a été,d.ifrusé et a rcçu îIe ta publicité, d.es autorités belges,iette assertion est non fondée et injuste, poursuit la note, et la-Belgique

x

XI

i


ô phtn6 conllsnce dans la volonté du président du Zalre d'assumer toutcr lor responsabilités d'un pays hôte à l'égard des résidents Ôtrrngcrr. C'est un principe que réciproquement les deux Etats ont toutourr appliqué. Au cours des quatorze années, les relations entre les deux Etats ont connu des moments difficiles, mais jamais la volonté de coopératlon n'a été mise en doute. C'est la raison pour laquelle la suggestion du président Mobutu d'évoquer, dès la formation du gouvernement belge, tous les aspects des relations belgo-zaîroises paralt excellente of correspond aux suggestions que la Belgique a présentées le 15 mars

ru président Mobutu, conclut la note. (Le Soîr,2-4-74.) Le 31 mars, d'après l'Agence France Presse, le mémorandum du

Souvernement belge sur les rapports belgo-zaïrois a êtê pwemenl et slmplement reieté par le gouvernement du présideût Mobutu Sese Seko, annonce-t-on officiellement à Kinshasa : Cette décision a été prise à I'issue d'un conseil restreint présldé par le chef de l'Etat, Le mémorandum belge avait été remis par le Souvernement de Bruxelles à l'ambassadeur du Zalre en Belgique, qut a été rappelé en consultation par le président Mobutu. Ce mémorandum, souligne-t-on ù Kinshasa, n'apporte aucun éIément nouteau, sinon d.es principes ténébrcus et des faux-lugants déiù connus por Ia uob d.e la presse belge. Sl le gouoernement belge ne lournit pas des éclaircissements satisfalsants, le Zalre n'aura d'autre alternatiue que de dénoncer unllatéralcmcnt le balté il'amitië qui le lie du roqaume de Belgigue. A partb de cc moment, précise-t-on de même source, Ies relations du Zaire auec la Belglque perdenl tout caractère priuilégté pow deoenb ordînaires. Dès lors, tout acte ou prise de position d'un sujet belge pouoant poiler atteinte ù notre chel d'Etat, ù. notre pays ou ù notre prestige, ne susciteta qu'lnd.ifférence de notre part.

L'ambassadeur zaiiois sera retenu à Kinshasa en attendant des ëclalrclssements sctislcisanls du gouvernement belge, aloute-t-on de tourco zalrolse.

(Lc Solr,2-4-74,)

Les commissaires d'Etat manilestent leur indignation à la suito des articles de presse publiés par Le Monde. M, Sakombi précise que : Les attaques-d.e Jean ile Ia Guériuière dbigées contre notte pags semblent êtie la ilponse des mllleur flnanciers iuils ù la prise de position énergîque en lavèur ile la cause atabe du général Mobulu Sese Selco,

a,u cours de son périplc. La violence, Ia'malhonnebt et le nioeau tene-à-tene, pourquoi pas imbécile, des articles publlés par Ie lownal t Le Monde t en oue de dénlgrer Ia réuolutioi zalroise authentique ne peuuent pas étonne4

a ajouté le porte-parole du conseil. L-e conseil déploie que le journal Le Monde, réputé sérieut, se lcts-se intorlquer par-Ia piopaganile losciste et contre-réuolutionnabe des milietis deTa haute-fliance étrattgère (sicl) notoirement nogautés par Ics intérêts sionisles,

La malhonnêteté intellectuelle d'un Jean de Ia GuérivÎère qui, par saile, sans doute, de iléfaillance intellectuelle manifeste, n'hésite pas ù identlfier les cgissements des malfalteurs, corûne tl en etiste darc toule société, ù la politique générale d'un pags qui lutte si courageusemenl pour Ie progrès de son peuple.

Il était donc nécessaire de rééditer ce livre et de laire échec à une politique d'étouflement syst{matique des livres de démystiflcation. -Si ce l-iwe disparait, il ris{ue do se'créer un précédent dans le phénomène de censure de fait. C'est pourquoi, malgré les pressions d'un chef d'Etat étranger, malgré lès multiples appels à lÀ censure de M. Pierre Davister, nous vouions que cette voii continuo à se faire entendre' Les mdmes raisons nous motivèrent à rééditer La gratrde mgstifi'

du Congo-Kirchasa de Cléophas Kamitatu : Nous entendins démontrer que daÂs un paas démocratÎque, même si et des accords.économiques le gouvernement a des rapporti diplomatiques 'pas pour autant les principes garunlls éirôits auec un autre, iI nb oiole dans sa constitution sous lc præsion d'un chel d'Etat étranger. cation

Noua on rommog lA.

Aulourd'hul, l'6dltlon du llvre do Juleg Chom6 est épulsée. Maspéro ne pout plur le rêédltor, Quolquo part, la censuro exlste encore. Votlà lcr termor danr lerquole se poEent la questlon de republication de cs llvre par l'édlteur belgo, Le lslt de réédlter co toxto n'lndlque pas que nous soyons néceslalrement d'accord avec les thèses de I'auteur. Sans doute ce témoignago oet-ll partlel et un dossler complet sur la décolonisation de ce pays reste à laire. Quol qu'il en solt, il ne s'a$t plus aujourdhui de la valeur du texte puisque le général Mobutu est bien décidô à farre pression pour que solent étouffées les opinions contraires à son régime, En eflet, les attaques des autorités du Zaire vont autant à Jules Chomé, qu'à Cléophas Kamitatu ou à Jean de Guérivière gui publia dang .Lc Monile rne série d'articles sur la situation actuelle du Zaire.

(Lc Monilc des 21 et 24 février.) En oflet, dans un article intitulé t Le Zalre mécontent du r Monde r ct du gouvernement belge r, Le Soir des 24 et 25 mars 1974 relate lot commentaires ellectués par les commissaires de l'Etat du Zalre cn oc qul concerne la campagne insid.iewement soutenue par la presse oooldanlalc et partlculièrement par des iownaut bclges et français, ù Ia tul|; ilc. mesutcE économlquu du 30 nooembrc (AZAP).

xII

a,* * Une dernière remarque

:

I'on soit en désaccord avec la Îaçon dont I'auteur Jules Chomé présente son argumentation, c'est, bien str, le droit de chacun. Tant mieux si, de la confrontation des thèses, émerge lentement la vérité. Que, étant directeur d'un important hebdomadaire bruxellois, M. Que

Pierre Davister use de son influence pour combattre le livre -L'âscension de Mobutu, avec lequel il n'est pas d'accord, cela n'est que normal et de bonno guene. Nous sommes cependant déçus do la tournure des articles publiés par M. Davister dans SpCc{al (voir SpCcial des 13, 20 ct 27 mars).

Si nous reprenons cee textes, qu'y

lisons-nous?

Que Jules Chomé, c'cst connu, a toulours été t un siphoné 4 gvgnt dc àeucnîr complètement t gdtcur 4 qu'Il n'est t qu'une,étoilc éteinte du Barreau, ui pseudo-révolutlonnalre, un mamiste d'opétette, etc... t. Pour ce qui est de Maspéro, c'est un éditeur auide de scandalet. À propos de l'agression dont a été victime Jules Chomé' Davister commente : II laut en efiet, être délù dans Ie ruisseau ou être tombé bien bas pouraccefter ile piênilre d.es ôoups (au sens slrict d.u terme) pout qu'un tel

xItr


l.lorc sc uendc. (..,) Jules Chomé n'a pos fini d,Atre assommê et ilassomnil chacune dcs tribunes qui consentira incore à le rcceoolr, Masochîsmc ou éttldent.besoin d'ar,gcnt? De son prochatn,Iit de soufirance, s'il peul cncorc écrire,-s'il peut encore parler, Jules Chomé accéltera ians cioutc dc répondre. Saul bien entenilu s'il nous laut dêplorer la'mort itu commisoovageut.

à

Enfn,

à_propos de

la dlflusion du liwe

en Belgique, M. Davister

pose le problème : Le gouuernement français, soucieun d.e respecter ses deooirs rnoraauÊ cnoers le Tiers-monde en généru| et le Zatri en particuller, a interitit la diflusion de cet ouurage méiliocn ct méchant comfosé surtoui itc red.ites,

sur Ie terrain f:ol.Cgi: (,..,) dlon que les autorltés belgesn,ontpaslâ (stc) de. I'intetdire, alorc qu'il s,agit d,un ouitrage iniultant un chel d'Etat étranger-. Comment diaDle, lermine I'auteir, en efiel, un gouoetnement peut-il charger son premier Ministre et son Mini;tr, des Aafiaires Etrangères d'arracher ù Mobutu un reliauat ile ouabc milliards d.e nos lrancs pour le plus gmnd proflt ite Ia SàciéE Géhéralc ct autoriser dans Ie même temps Ia iliffusion-d,un liorc-torchon, d,un livrc ordurier uis-d-pis ilu chel de I,Etât aoec lcquel ses représéntank ont négocié ù Munich? Ces commentaires, en efÏet, sont très décevants. Dans tous ces articles, Pierre Davister n'esquisse aucune contestation des faits et données énoncées par Jules Chomé. Sa seule réponse à L,Ascension coura_ge.

Mobutu consiste en un cha-pelet d'injures, ce quil dans une polêmique est une bien triste méthode, uue méthode zurtout sans-efflcacfté. De plus, nous ne pouvons que déplorer que le directeur d,un hebdod.e

nadaire gui, plus_d'une fois, dénonça des scandales politiques, sociaux ou flnanciers, réclame chaque semâne depuis la sdrtie ile l,buwage, une mesure d'interdiction.

Lorsque, pour Pn9 question de gros souE, une presse réclame Ia c€nsure et ap-plaud.!!, à l'agr-ession dont e6t victime un homme coupable d'avoir usé de sa liberté d'exqression en exposant publiquemeni son oplnion quant à un réglme pôlitique, le piré est à ôrain<ire. It9 pouvons nous empêcher de songer à tous ceux qui, comme -..Ng.r dit Davister, sont tombés bien bas pour aicepter de prendrô des coups pout que leur liure se uende. r,a liste est_longue depuis Beaumarchals se battant pour la liberté - la^presse, de Hugo se révoltant contre Napoléon III, Zola défendant Breght combattant le nazisme ntssant, AÉatrit< dénonçant -Dre;rf-us, le régime stalinien, etc. A chaque époque, à chaque fois, il y a eu une certaine presse pour- applaudir à la censure, en évoquant dis intérêts supérieurs puisque I_e mauuo.is usage de la'liberté ie iustifie que 1nès -maulaises plaisantàries.'(Dàvister, ryaL 9e.C9!r! !9, malad.resses et de Spécial, t3-3-74).

t Le courage d'interilire. t C'est un jeu bien dangereux, surtout pour un iournal soucieux de dé1oncer,_dit-on, les abus et.les inJustiëes de nôtre société, que de réclamer des mesures d'interdiction- Un précédent étant créé, les bonnes raisons ne manquent certes paS pour faire tai! l'écrivain gênant. Dans une escaladè à la censrire, les.rqisons diplomatiques,_politiques ou économiques, de même qué

r l'outrage à chef d'Etat- r pourrait être ini'oqué un -lriur pour que soit frappé d'interdiction t L, llen Espoir r de Ma-lraux. Les Editions COMPLEXB

ArpnÉ Vansr,rr.,lr

XTY

( Inpéparadon du Goryp à ron lndépcuilanæ Iæs Belges n'avaicnt ric,lr fait pour prépascr llndépendance dc leur colonie ni à longuc ni à brève échéanoc.

Inpéparaffon ù longpc

échéonoc

Au Congo même, les Belgæ nc youlaicnt à aucun prix de I'indépendance des noirs. Elle leur paraissait impensable. La seule indépendance à laquelle ils songcaient, ru moins daûs les provinces du Katanga et du Kivu, c'était celle qui aurait détaché de la métrolnle des régions dont ils auraient pu rester les maltres r. En Belgique, régnait une douce euphorie. Un éaivain a pu aplreler le Congo I Empire du Silence. On n'a pratiquement rien su, en métrop,ole, de la poursuite et du procès de Simon Kimbangu (1921), de sa longue incarcération (trente alrs), des innombrables relégations subies par les adeptes de sa religion, de I'atroce répression de la mutinerie de Luluabourg (1945).

l.

Noug avons décrit eo détail b procersus dc la tentativo dce blance Etât autoûome coûtrôIé par eux : Moitc Tshombe et lesûoquetb |catangahe, F.rtitions de la Èondation Josefh Jacqmottc, 1966.

du Katanga de créer un


-Er.I

Aux yeux des Belges, lc Congo était une sorte de grand patronagc où de bons 1Ères et de douces religieuses, en parfaite commuaion avec des administrateurs bielrveillants, se penchaient sur des noirs infantiles à qui I'oû ne voulait et I'on ne faisait que du bien. La métropole nc contrôlait rien, sauf théoriquement les dépenses, en laissant d'ailleurs de grandes latitudes au gouvernement çénéral de la colonic qui p,ouvait, sur place, faire passer un article des dépenses à un autre. On ne pensait pas à l'indépendance du Congo et s'il arrivait à quelqu'un d'y penser très vaguement, c'était sous la formc d'une communauté belgo-congolaise qull envisageait le scul avenir possible. Lorsqu'en 1955, dans son texte flamand, en 1956, dans son texte français, le professeur Van Bilsen rendit public un plan prévoyant l'émancipation du Congo en trente ans (émancipation-autonomie d'ailleurs et non indépendance), ce fut un tollé général en Belgique et au Congo. Læ plus bienveillants traitaient le professeur d'illuminé. Les autres de bradeur d'empire. Un député, feu Ernest De Muyter, interpella le gouvernement pour exigcr la révocation de ce traitre. Les hommes politiques ayant pourtant la réputation dlêtre parmi les plus lucides s'insurgèrent contre le plan Van Bilsen. Raymond Scheyven, futur ministre du Congo, au cours d'une conférence à la Chambre de Commerce de Luluabourg, proféra des paroles historiquee et définitives

:

au danger de fixer une limite dans le temlx. peut-on Comment dire à un capitaliste, à un technicien: venez vous installer, investissez ici votre argent, votre énergie, votre intelligence mais attention, dans dix, vingt ou trente ans, suivant le cas, cela touchera à son terme. Comment pouvez-vous encourager un jeune à venir ûae J'en viens

8

vailler au Congo si vous lui dites en mêmc temps qu'il n'a pas devant lui le temps d'une carrière entière t ? r Cette inconscience se manifestait dans tous le.s domainæ. Le principal était sans doute celui de I'enseignement.

Faut-il rappeler que dans la trinité qui gouvernait la colonie: Administration-Eglise-grandes sociétés, c'était I Eglise qui avait assumé seule la responsabilité de feû. seignement I ? Si lbn doutait de I'existence du système de la r trinité r et de la préméditation avec laquelle il s'était établi, il suffirait de rappeler à titre d'exemple des textes émanant de deux ministres libéraux de la colonie. M. Louis Franck { écrivait en 1930 : c Ce qui nous donne surtout bon espoir c'est quc toutc l'élite des coloniaux, à quelque opinion qu'ils appartiennent, est aujourd'hui persuadée quo eculc la rcligion chrétienne catholique, basée sur I'autorité, peut êtrc capablo de changer la mentalité indigène, de donner à nos noirs uno conscience nette et intime de leur devoir, de leur inspircr le respect de l'autorité et I'esprit de loyalisme à l'égard do

la

Belgique.

r

Le ministre Lippens avait de son côté écrit en 19226: c Tout fonctionnaire du gouvernement devrait être péuétré de I'idée que sa raison de vivre est de favoriser et 2,- Kasaî, 19 septembre 1956. Devenu, quelques années plus tard, ministre responsable de I'Assistance technique, le mhc M,- Scheyvei enverra au Congo des milliers de jeunes Belges sans aucuno pen. pective.

3. Ce n'était pas en effet, parce que I'enseignement laTc avait été introduit, les demières années, au Congo, presque à la sauvette et par la petite porte, qu'on pounait lui fsire partagcr la responsabilitd du systèma 4. Le Congo belge, Bruxelles, La Rcnaissance du Livre, 1930, I, p. 3ll, II, p. 208. 5. Cité par BuELL, The Nattv Problem h Afttca, New yorlç 192E,

p.

539.

(


dc dévololpor notro colonieation ct quc co dcvoir cmds" tait dans I'aido Er'il apportc,rait atrx grand€s cociétés. r L'cnseigncarcnt disp€nsé au Congo cxcluait syctématiquoment toute formation d'une élite. Lcr rcsponsablcs étaient très fiers de la e p!'ramido r qu'ils otendai€Nrt édi. ûer: un enseipement prinairc très largement diffusé (il était le plus étendu dc touæ I'Afriquc) était coiffé d'un enseignement sccondaire très réduit Gt sltftout orienté verg des domaines professionncls: l'on formait d'excellents relieurs parco que les bibliothèques des missions cn avaieot besoin, à Kisantu I'on formait d'excellents auxiliai. res médicaux (ils avaient souvent les aptitudes d'uû médecin mais ne p,ourraient jamais prétendre à un titre qui ett fait d'eux les égaux d'un blanc). Quant au sommet dc la pyramide: l'enseignement universitaire, il était inexistant. Oo n'y était pas encore arrivé. Le seul universitaire que le Congo ait connu était Thomas Kanza qui fut autorisé en 1952 à suivre à I'Université catholique de Louvain dcs cours de psychologie. En 1960, il n! avait pes au Congo un geul diplômé univcrsitairc dans une des branchec commo lo droit. la médccihc, les sciences. Pas un I Cotto cituatlon corroopondait à uno tactique élaborée par ler maltræ à ponsc dc la politiquc coloniale belge. M. Hcnri Depage, I'un de ceux-ci, écrivait 0 : a Construire des universités et accorder des droits politiques avant d'avoir permis 4uv Ahlç4ins d'atteindre le même niveau de vie que les Blancs serait favoriser la formation de mécontents et d'agitateurs. r

La conséquence de cette politique fut que le jeune Congolais ciui voulait accéder à une culture supérieure était

obligé de jouer aux missionnaires la comédie de la vocation.

J'ai gardé le souvenir d'un dlner au cours de la Conférence de la Table Ronde (ianvier 1960) en compagnie dc quelques leaders congolais, notamment MM. Kasavubu, Kamitatu, Kasongo (leader C.G.T. dElisabethville). Ils s'esclaffaient en rappelant I'un à fautre des souvenirs de séminaire, jouant à celui qui était parvenu à aller le plus

loin dans ces études-prétextes.

M. Kasavubu, je crois, avut été chassé après la troisième année. M. Kasongo remportait la 1nlme, il était

arrivé à se faire conférer les ordres mineurs... Il était évidemment terrible gue, pour accéder à une culture supérieure - orientée sans doute, mais la seule trnssible ces jeunes Congolais aient été contraints de jouer une comédie permanente et de la mener le plus longtemps possible.

a

Aucune formation politique n'était possible pour les Congolais. Il n'y avait pour eux ni liberté de presse, ni Iiberté d'association.

Au milieu de I'année 1959, un jeuue Congolais, Antoine Tshimanga (assassiné depuis par la police de MM. Mobutu et Nendaka), était condamné à six mois de prison parce qu'on avait découvert dang sa valise un exemplaire du jourual communiste belge vieux de six mois: I* Drapeau rouge.

6, Hcnri DEpÀcE, Contrtbufion à I'élaboratlon d une doctrtre visnt à la prcmotlon des lndlgèræs du Congo, Bruxelles, Arcom, fasc. 2, 1953,

t0

p.

19.

Tout voyage à l'étranger était pratiquement impossible. Pour obtenir un passeport, il fallait verser une caution

ll


do millo dollars et le verscment dc la caution pas nécessairement la délivrance du passelrcrt

n'impliquait ?'

a

bien' Ce quc I'on avait en vue c'était la poursuite du Congo' les être matériel. L'on pensait aiusi mithridatiser lais cpntre les dangers de la subversion' 4 janvicr 1959' Quelques semaines avant I'explosion du lc sérieux Timese Pouvait ésire : colonie visait à

Le gouvernement paternaliste dc la faire bénéficier sa population dlm tas d'avantages éco'

r

à I'absence de

nomiques pour mieux I'empêcher de penser droits politiques. du c Un Belge a rapproché oette politique de la méthode parlez Ne disant à table à ses enfants:

père de famille pas avec

la bouche Pleine' r

La presse coloniale était fière de cette politique eet do sous ,oo uip*rnte réussite. Le quotidien dEtsabethville le a Vive la sigpature d'un certain G'C'B', sous le titre miracle congolais r, se réjouissait : c On a placé l'économique avant le politique' Je pense à cette réponse de I'ouvrier noir de Léopoldville à son ami de Brazzaville qui vantait I'ampleur de ses droits politiques: vote, représentation à la Chambre française'

Il faut la citer, car elle est très belge dans son bon sens;

pas avec tout elle a comme un parfum de terroir: Ce n'est I ça que je m'achèterai une bicyclette' janvier 1959' des leaders congo' ?. Mêmc après les événements de congrès bir: âo"i Lumumba, seront empgches de participer à certains africaine' mêmc pays étrangers, A"nt A.t 8. Ttmcs, 23 octobre 1958' 9. L'Essor du Congo, 28 awil 1956'

t2

Cbitc politique répondait à

iTrië !énéraie suivant

la-

quelle :

a Pensée et comportemcnt de la masse sont malléables et peuvebt être refondus à volonté par une élite bienveillante, sage et lnrfaitement entralnée, I'intérêt primordial de la masse est le bien-être matériel et les biens de consom. mation * le football et la bicyclette et non la li. berté ro.

-

r

Ellc reposait sur e la conviction

quï

est possible grâcc

à une administration habile, d'arrêter l'évolution

socialc

et politique t (ibid.). Ce système, pour logique et cohérent quT soit, n'avait aucune chance de réussir si I'on ne pouvait isoler le Congo du reste du monde par de hautes murailles et en le privant de tout moyen fls çemmrrnication, notamment de la radio. tr y avait eu les déclarations du général de Gaulle à

Braz.aville en l944,la Charte des Nations Unies à San Francisco en 1947 et son alticle 73, la Conférence afro. asiatique de Bandoung en 1955 qui avait, au point F de eon communiqué tnal, acté lbccord de tous les peuples représentés :

1) pour déclarer que Ie colonialisme, dans toutes ses manifestations, est un mal auquel il doit être mis fin rapi. dement:

2) pour déclarer que la question des peuples soumis à I'assujettissement à l'étranger, à sa domination et à son exploitation constituc une négation des droits fondamentaux de I'homme, est contrairc à la Charte des Nations Unies et emp&he de favoriser Ia paix et la coopération mondiales. 10. Thomas

Houcrn, Natlonallsm ht Colonlal Alrlca, I-oa&es, Ftên

dérik Muller, 1956, p.

52.

l3


r Ayant le sentiment qu'il fallait tout de même faire quclque chose pour éviter les mises en accusation de I'opinion, læ reproches continuels des Commissions de I'O.N.U., les autorités coloniales belges mirent au point deux réformes qui, avec le recul, ne pcuvelrt que provoquer une énonne hilarité. Par décret du 12 juillet 1948, on institua une ( carte du Méritc civique r. C.ette distinction était accordéc sur demande aux Congolais dont le casior judiciaire était vierge, dont le passé ne tévélait aucunc pratiquc non civilisée et qui n'avaient commis aucun actc contre l'honnêteté. Il fallait, en principc, être capable de lire. Mais était dispensé do oetæ obligation celui qui comptait vingt-cinq ans de bons et loyaux services dans I'administration. Cette cartc ne conférait aucun avantage concret, même pas celui de pouvoir aller au cinéma lorsquT s'agissait d'un film: Nègres interdits.

Les statistqiues établissent qu'en 1958, soit en dix ans, I'on avait distribué 1557 cartee du Mériæ civique. L'on fit, en 1952, un pas dc plus en créant le système de l'c rmmatriculation r.

Il s'agissait cette fois d'établir une assimilation quasi totale entre le noir qui en bénéfrcierait et le blanc. La condition de I'octroi de cette faveur était que le candidat puisse : c justifier par sa formation et sa manière de vivre d'un état de civilisation impliquant faptitude à jouir des droits et à remplir les devoirs prévus par la législation civile r. L'immatriculation n'était conférée qu'à procédure longue

et

la

desquelles

I'on faisait I'inventaire de la vaisselle

on

comptait le nombre de cuillères de la literie le nombre d'oreillers etc. U fallait en effet avoir I'assurance que le noir sollicitant son immaû"iculation vivait vraiment contme un blanc... Ensuite, si cet examen était concluant, le candidat était I'objet d'un interrogatoire par le Juge Principal du Tribunal Provincial. Enfin, un jugement était prononcé. tr faut savoir qu'à la fin de I'annéc 1958, il y avait deux cent dix-sept imrnatriculés pour une lnpulation de plus de treize millions de Congolais tt.

Monseigneur de,Hemptinne, évêque d'Elisabethville, justifiait les rrifficultés mises à I'octroi de I'immatriculation. La sous-commissiou katangaise de ta Commission pour la protection des indigènes adoptait le texte inspiré par ce

prélat de chocu:

c

Consciente de I'infériorité actuélle de I'indigène du Congo comparé à l'Européen, sans sbccuper de résoudrr

la question insoluble de

savoir

si l'évolution

progressive

de cette race arrivera à la rendre un jour l'égale de la nôtre ;

Reconnait chez les individus exceptionnels la possibilité d'arriver à oette égalité,, Et forme le væu suivant: Que c€tte assimiliation de la race placée sous notre tutells ne sc fasse qu'avec une ex-

suite d'une

compliquée.

LïmpÉtrant devait déposer une requête au Tribunal de

t4

première Instance. Des bans étaicnt publiés comme pour un mariaga Le Tribunal organisait desvisites domiciliaires au cours

11. Patrice Lumumba avait obtenu ron immatriculation. 12. GueBer.s, Relatlon complète des tra,aux de la Commission petmanente pour la protection des îndigènes du Congo ôelge, Elisabethville, 1953, p. 4/.2443.

l5


-----rr

Ftr'-'-'

trCmc prudence sans perdre de vue l'infériorité où sc trouve

cncore la presque totalité de

Il

la population indigènr. r

faut, dans I'esprit des responsables de la colon ration,

se montrer extrêmement attentif à toute manife, tation d'un sentiment national chez les noirs. Le Père Jean Roussel, missionnaire de Scheut, curé de la cathédrale Sainte-Anne à Léopoldville, écrit à l'intention des blancs qui se sentent une mission au Congo un traité de Déontologie coloniale 18 :

e Aujourd'hui les aspirations nationales se font jour. En soi, elles sont légitimes mais llmpulsivité des noirs peut leur faire facilement dépasser les limites de la justice et de la prudence. Les noirs prennent insensiblement cons. cience quls font partie d'un goupe erhnique devenu im. portant.

r

l"es grandes manifestations patriotiques, religieusæ et sportives, qui se déroulent dans les centres, développent cn eux un sentiment de solidarité et de fierté et leur don-

ncnt llmprcssion qu'ile sont unc force calnble d'agir et au besoin do e'opposer. Co scntiment national pourrait inFoduirc un csprit dc déûancc rendant imlnssible entre Noirs et Blancs une collaboration nécessaire pour le bien de tous, un esprit autonomiste qu'exploiterait vite le com. munisme ld.

r

C'est ce même professeur de déontologie coloniale qui trace les obligations des Congolais :

r

Devoirs des autochtones:

-

Ces autochtones

ont

des

Portant en sous-titrc : r Consignec do vio ct d'acti:oa pour r, Edition do 1956, p. 141. 14. Un textc comme cclui-ci cxpliquo parfaitemcnt I'attitude do I'Eglisc dc Léopoldvillo à légârd do Patricc Lumumba ct I'accusatioû

devoirs: devoirs de reconnaissaûce et de gratitude. Respeet, docilitë, collaboration loyale et sincèrc sont les grandes vertus que doit inculquer à scs frères noire tout colo-

nial épris d'idéal. Que les populations vorent,

qu,elles

æntent, qu'elles cotnprennenr et apprécient la dette immense qu'elles ont envers les métrolnles. Qu'eltes se rendent compte d'une façon évidente que oette dette doit c'amortir, du moins partielement, par une justc considération et une rétribution dans les domaines économique et politique u. r

Et comme des mouvements syndicalistes de la métropole essayent à cette époquc dlmplanter des syndicats au Congo,

le Père Jean Roussel

dénonce avec forcc et par avance ceux qui ne se réclameraient pas de la doctrine chrétienne:

r Au Congo,le syndicat tinspiration matérialiste pnvrrait tendre à paralyser l'économie, à fomenter des troubles entre les facteurs de la production, dégénérant en lutte raciale. e Lhction syndicale qui s'inspire du matérialisme est inoompatible avec I'idée de personnc et de sa destinée supâ rieure ; elle est incompatible avec I'esprit du christia.

nisme 16.

r

Mgr de Hemptinne, au Katanga, avait, à l,occasion dc son jubilé épiscopal u, lancé le même avertissement : c Le Congo nous parait devoir êtrc, au centre de I'Afri. le bastion de la civilisation chrétienne. Or, voici que I'ascension du Congo se trouve glavement compromise. que,

13,

l'élite

do r communisme r quo développcra ra

t6

propagnnde.

15. Op, cit- p.43. 16. Op. cit., p. 337. 17. L'Essor du Congo,23 rcptembro 195?.

t7


:1T'rrc"

r I-e Congo est attaqué de toutes parts par les forces du mal. LTslam tente de reconquérir les lnsitions dont nous I'avons chassé. Le communisme russe vise I'Afrique et prépare des équipes de Congolais, pow mener l'attaque. Dès à présent, certaines sectes subversives lui préparent le ter. rain. Le paganisme même cherche à relever la tête et sc recommande commc étant la formo authentique de la tra-

dition anoestrale, mais les ermernis les phlrs dangereux wtt fatlÉisme et le nûértafismc. r L'athéisme annonoe la ûn de toutes les religions et la libération dc la raison humainc. Lc matérialisme n'a d'autrc but quc la jouissancc dcs biens dc la tcrre. r C'est, hélas, de Bclgique même que nous viennent les messagers dc I'athéisme et du matérialisme. r

a

Il

se conçoit dès lors que, dans cette optique et avec tou-

tes les préoccupations nourries Imr oeu( qui se considéraient comme les tuteurs dcc noirs, il y ait eu des discriminations racialcs dans tous les domaincs: domaine de

la propriété foncièrc: un noir ne lnuvait pas aoquérir uae propriété comme un blanc et lorsqu'il I'avait acquise, il était tÛjaité corlme un enfant mineur; s'il voulait aliéner son bien, il devait au préalable faire homologuer sa décision par le Tribunal de première Instance; ségrégation de I'enseipement, ainsi que nous I'avons sipalé ci-avant; discrimination dans I'emploi; inéælité devant la justice et discrimination dans toutes les relations sociales. Malgré tout, au moment où l'on en vient à parler d'indépendance, en Belgiquc, c'est dans le cadre d'une communauté belgo-congolaise.

l8

Se disposant à accompagner

le roi dcs Belges dans son voyagp triomphal de 1955, un brillant journalistc belç u écrit ce qu'il pensc du Congo de I'an 2@0 dont le roi dcs Belges sera certainement encore le souverain : r Tout pennet de penser qu'au seuil de ce troisième milfqairc, le Roi Baudouin, qui aura 69 ans, aura gardé bon pied, bon æil, pour le plus grand bien de son peuple. Tout permet de penser aussi que les Africains, nos frères. auront compris ce que nous entendons par la promotion indigène. Répétons-leur que notre plus cher désir cst de voir à Léopoldville, avant I'an 2000, un Gouverneur de race noire, citoyen belgc et, à son heure, sénateur coopté. r Ce rêve n'était Ims mort en 1959, puisque, même après les événements de ianvier 1959, lorsque le chef dc cabinet adjoint du Premier ministrr,lc comte dâspremont Llmden, fera le tour du Congo sur les pas dir ministre Van Hemelrijck pour contrôler le rapport de celui-ci r0 il proclamera cncore

:

r Il

va dc soi que les autorités du Congo n'ont jamais d'aufe objectif ûnal que la création d'rme com. munauté entrc la Belgique et le C-ongo D. r

envisagé

o

C'est dans cette euphode, dans ce cadre où les Belgcs ne voulaient voir que des noirs souriants et reconnaissants, !8. Charles d'Ytrwer,r.q dans un éditorial de Ia Narion belge itrtitulé : r Avant le voyage du Roi au Congo. Réflexions ei anti. cipations

p.

91.

r,

cité par Arthur Conr, Bandoung, tournant de lhktotrc,

q'est eir gran4 partic cette narquc do méûancc qui entraîna - l?,^ la ddmirsion du scul minfutre cn qui les leaders congotatr avaient foi

ct, par--voic dc conrdqueoce, la précipitation d'unc libération, cr âccer.

turnt fimpréparation.

20. Mérrorandum sur 8a migsion d'enquête dans Congo 1959,

p,

116.

r9


qu'éclate le coup de tonnerre de l'émeute du 4 janvier 1959

ù llopoldville. Une manifestation de I'Abako où Kasawbu devait prcndre la parole est interdite à la dernière minute. Des milliers de Congolais rassemblés refusent de se disperser. Ils s'opp,osent à I'action de la police, détruisent des magasins, de.s églises dans la cité indigène, appelée r I-e Belge r. La foule des manifestants grossissant sans cesse et de plus en plus menaçantc marche sur la ville européenne qui nc doit son salut qu'à une intervention extrêmement brutale de la forcc publique aux ordres du général Jansscns. Plus dc 40 morts ofiiciels. Probablement plugieurs centaincr dans la réalité, les familles enterrant discrètement leurs morts do pcur d'être zuspectées d'avoir participé à l'émeute. Dès ce mom€nt, comme frappÉe de stupeur, I'administration coloniale va r perdre les p,édales r. Son moral va tomber d'autant plus bas que sa conviction et sa bonnc conscience s'étaient situées à un niveau plus élcvé.

Inprépcradon

I

bÈve écùéanæ

Le Parquet dc Léopoldvillc emprisonnera les leaders rrt I'Abako.

Le roi, puis le gouvernement belge feront' des déclarations promettant I'indépendance. On assistera à un durcissement brusque et inattendu dc nombreux milieux congolais. Au Bas-Congo notammett" dcs régions entières ooupent tout contact nv6ç l'fidministration.

tr faut

prendrc unc décision, improviser une politique. Ou bien, il faut rcprcndrc la situation en main, par la force. Et cela ne parait pae poesible. Lc gouvernement 2A

belge a sous les yeux I'exemple . algérien. L'Algérie est pourtant bien plus rapprochée de la France que le Congo ne I'est de la Befuique. L'oD a pu transp,orter un contin. gpnt de 500 000 hommes en Algérie. C.c serait impensable lnur la Belgique qui non seulement ne dispose pas d'une telle année mais qui est en outre empiêchée par un article de la Constitution d'envoyer dss miliçie1s au Congo. L'opinion publique belge, le parti socialiste, les syndicats cbrétiens n'admettraient jamais le départ au Congo de régiments belges chargés d'une action répressive

2r.

Ou bien, il faut s'entendre avec les représentants du peuple congolais. C'était la seule solution possible. Quels étaient les rrrpréscntants de ce peuple à qui, nous I'avons vu, on n'avait pas permis de constituer des lnrtis politi. ques ?

Par chance, ls minis66 du Congo était un homme de bonne volonté qui, n'ayant pas vécu dans le sérail colonial, n'en avait pas subi les déformations. M. Van Hemelrijck avait obtenu I'adhésion de tous les leaders congolais sur un plan qui aurait accordé I'indépendance au Congo de manière progressivc. Les Congolais auraient

fait sucoessivement

I'ex1Érience

du pouvoir au stade inférieur de la commune, puis au ni. veau de la région, ensuite de la province. Et enfin, pour @uronner le touL une fois quc ces diverses institutions auraient fonctionné, dcs élections législatives auraient doté lc Congo dbnc représentation à l'échcllc du pays et un gouvernement cenhal aurait été constitué par des hommes ayant eu lbccasion de fairc leurs preuves dans les institutions dc rang inférieur. Lc délai prévu pour I'exé. 21.

Ils

accepteront

plu

tard l'cnvol de ccrtaincg unités rous lc prê

tertc de la protcction dc vier

humaineg.

2t


cution complète de ce plan était d'environ quatre ans. Les Congolais avaient d'autant plus confiance dans le ministre que celui-ci était bafoué par les blancs au Congo. A Bukavu, les résidents belges lui avaient lancé des tomat€s à la tête. A Léopoldville, des slogans hostiles avaient été tracés sur

le

macadam.

L'hostilité des blancs les plus colonialistes avait donné aux Congolais la conviction que ce ministre voulait vraiment leru assurcr une indépendanoe réelle. Aussi lorsqu,ils le vircnt abandonné par lc pereonnel politique belge et contraint moralement à donncr sa démission par la méûanco que lui témoigpaient la Couronne et son premier ministrc, allant jusqu'à mettre en doute le rapport quT avait fait et à faire interroger par le comte d,Aspremont Lynden, chef de cabinet adjoint du premier rninistrs, fsutes les personnes qull avait lui-même rencontrées et entendues au cour$ de son voyage d'enquête, les Congolais furent convaincus que la politique du ministre était désa. vouée et que la Belgique ne voulait pas vraiment ôccor. dor I'indépcndanoc à sa colonie. Lo p6rti do Patrice Lumumba, le Mouvement National Congolais, notamment, déclarait aussitôt E :

c La

démission dc M. Van Hemclrijck prouve que la vaguc promessc d'indépendance incluse dans la déclara. 22. Cit6 par Crawford YouNc dans Introdnctiott ù ta polittguc congo

Idsc, p, lM. Luis Lopez ÂLvÂro, dane letmumba ou

tAldqu lattréc, p. g, -patrico

à cettc époque lee confidences de LumirmUa, r quand Van Hemelrijck [qu'il qualifie plus haut dc honnête, courageus€, lucide rl, abandonné Dar son propro

qui,_recevait

confirme que

.

personne prdsident du Conseil,

M. Eyskens, so voit cnûn obligÉ do démissibnio, Patrice tira -putliquement les conclusionc qui r'imposaient I Brtrxellei rofusant Ic dialogue, il ae restait qu'à pouriuivrc tâ tuttc. Cc cuc i'on rofugait aux Congolais à un moment où ll anralt êtê pocsible de mérugat une lrunsition réussb detait leur être accordé avcc emprcslooont quolqucr mois plus tard, trop tard déjà ! r 22

tion du 13 janvier n'était rien d'autre qu'un instrument de propagande.

n

Cette conviction, partagÉe par tous les partis congolais constitués entre-temps à la hâte, allait avoir pour conséquence qu€, par la suite, il n'y eut plus aucune confiance dans le gouvernement

belç et que

I'indépendance complète

que M. Van Hemelrijck avait préwe en quatre ans allalt être octroyée en six mois par son successeur, M. de Schrij' ver. Cette hâte s'explique saûs doute en partie par I'exi' gence de plus en plus pressante des leadêrs congolais mais aussi par un calcul machiavélique inagné par tme partie

du personnel politique de la métropole et par de nombrerx représentants des milieu( d'affaires belges. On s'est

dit: A

quelque chose, malheur est bon. Les Congolais veulent

leur indépendanoe tout de suite. On va la leur donner immédiatemcnt, à un moment où ils nc savent pas ctroorc s'çn servir. Aucun cadre n'a été afticanisé, comme le ni' nistre Van Hemelrijck voulait le faire progrcssivement. Ils n'ont pas d'arlminirtration et leur gouvernement de' wa s'appuyer nécessairement sur I'administration belge. Ils n'ont pas d'armée non plus et leur seule armée scsa la force publique, qui ne compte que des officiers belçs avsc, à leur tête" le général fansse'lrs. Sous le pseudonyme de M. Staelens, un très haut fonc'

tionnaire de la colonie, dont I'anorymat ne peut enpott être percé aujourd'hui, écrivait, au londemâin des événc. ments qui ont suivi la proclamation de I'indépcndanoc, ce texto qui nc laisse aucun dout'e au Eujet des inæntions dc oeux qui ont souscrit à cette indépendance brusquée s :

q En fait notre politique répondait à la fois à un fond de lâcheté, lbbsession de la guerre d'Algérie, et à un calcul 23. Dans I'hebdomadaire

La Relèvc,27 aott

1960.

23


asscz machiavélique.

M. de Schrijver a octroyé I'indépen

dance tout de suite mais

il

n'a opéré aucune des réformeg préconisées par M. Van Bilsen. La raison en est quî n'a jamais entendu accorder aux Congolais qu'une indépendance purement fictive et nominale. Les milieu:r ûnanciers ont cru fermement, car nos milieux poûtiques ont surtout été naifs, qu'il suffirait de donner à quelques Congolais des titres de ministre ou de parlementaire, des grands cor. dons, des autos de luxe, des gros traitements, des maisons somptueuses dans la cité européenne pour arrêter déûniti-

le mouvement d'émancipation qui menaçait intérêts. r vement

leurs

Ce calcul, pour machiavélique qu'il soit, n'en constituait pas moins une aberration: il comptait pour rien la person. nalité des leaders congolais que le peuple allait porter à la tête du pays. Un Lumumba ne manquerait pas, dès le prcmicr jour de llndépendance, de rendre clair aux yeux do tous qu'il nc sc contenterait pas des hochets du pou-

volr.

Mdr cc qul étrit bicn plut gravo, cn léguant au futur æuvornGmont du Congp ron adminictration et sa forcc publlquo,

lr

Bol3lquo allalt fairc poocs sur I'avcnir de son ox-colonio dcux dcr hlpothèqucc qui, conjuguées avec une ûtolrlèmo: la volonté do séccssion dcs blancs du Katanga, allaicnt entrahcr néc:essairement lcs catastrophes dont lc Congo n'a pas ûni de subir les cffets.

Troic hylpthèquet $E I'av€nir alu Congo Comme nous I'avong vu, le défaut de préparation dc I'indépendance à long terme n'a pas été conigé par unc préparation aæÉl&ée à la veille d'une indépendance devenue inévitable. Bien au contraire, I'absenc€ de prépara-

a eu pour conséquence un défaut d'africanisation des cadres dans I'administration et dans I'amée et le fait, unique sans doute dans ltistoire, que le gouvernement du pays promu à I'indépendance allait se trouver du jour au lendemain sans armée et sans administration. Mais il nous faut insister tout d'abord sur la

tion à bêve

échéanoe

troisième hypothèque que les Belges laissaient peser sur Ie Congo au moment de I'abandon de la souveraineté.

Ls volonté ile

sécession des

bhncs au Krtrnga

Ce n'était un secret pour personne que les blancs du Katanga formaient depuis des années des plans en vue de rendre leur province indépendante de la métropole et en tout cas du restant du Congo. L'on savait aussi qulls étaient pailenus à susciter un parti de noirs, se disant des q Katangais authentiques r par 24

25


opposition aux Baluba que I'administration et les grandes sociétés avaient importés comme main-d'æuwe au cours des décennies précédentes. parti : la Conakat, avait pour leaders Tshombe, Munongo, Kibwe, mais était en fait entièrement dirigé par ses promoteurs et conseillers blancs %. A quelques jours de Cæ

llndépendance du Congo, le Parlement belge avait - en partie inconsciemment donné aux sécessionnistes katangais le moyen de réaliser leur mauvais coup.

A la Confércnce de la Table Ronde, les délégués avaienr eu consciencc du danger que représentait la menace de séoession d'une province qui, avec lme population représcntant un scptième de I'ensemblc du Congo, raplnrtait 66 % du budget du pays entier. Permettre la sécession du Katanga, c€tait condamner lc restant du Congo à la misère et à la mort. La Confé. rence de la Table Ronde avait adopté une résolution no l0 rclative à l'organisation des institutions provinciales prévoyaût quc: . la stnrcture finale des provinces dewa être arrêtéo par unÊ loi inetitutionnclle adoptéc 1nr chaque ptovinco à la nulorlté dcs deux tters pat I'assemblée prodndalo danr lo cadro doc mcsurts généralee ûxées par la lol fondamcntalo. r

La loi

foadamcntale votée par le Parlement belge confirme cetûc disposition des représentants provisoires du pcuple congolais en son article 110 organisant l'élection des conseillers provinciaux cooptés :

r

L'élection se fait à un tour au scrutin secnet, lcs deux ticrs au moins des membres qui composent I'assemblée

étûrt ptésents.

D

Et en son article

ll4

:

c L'assemblée élit les sénateurs appelés à r€présenter la province au Sénat, ainsi que les membres du gouvernement provincial. L'élection se fait à un tour au scrutin secret, les deux tiers au moins des membres qui la comgrsent étant présents, r Cetæ disposition avait évidemment pour but d'empêcher qu'un parti puisse faire seul la loi dans la province et éventuellement proclamer une sécession. Les élections de mai 1960 avaient donné 104 871 voix au parti séparatiste, la e Conakat r, et 110091 voix au Cartel Balubakat, le parti unioniste. La Conakat avnt 25 élus directs, la Balubakat 24.

C'est dire que, si la résolution de la Conférence de la Table Ronde ct la loi fondamentale étaient reslrctées, tra Conakat devait nécessairement s'entendre avec la Balubakat pour constituer le gouvernement provincial et il était impossible pour elle et ses souffleurs blancs de proclamer I'indépendanoe de la province du Katanga. Sous la pression des élus de la C-onakat - dont la volonté était dès ce moment arrêtée et du gouverneur de la province, M. Schôller, qui envera au gouvememett belge télex sur télex s, le ministre du Congo déposera à la Chambre et au Sénat un projet que le Parlement belç sera invité à voter à la cravache (seul le député ç61a6rrnigts et trois socialistes voteront contre le projet parce qu'il fera

le jeu des sécessionnistes, 65 socialistes et un social-chré-

ten

s'abstiendront). L'amendement constituant

la loi

du

25. Le 5 juin 1960, par exemple, il télégraphie : c La misc en place au Katanga est tenue en échec par un plan délibéré de sabotage. La situation sera grav€ au Katanga si I'amendement n'est pas promulgué d'urgence. r

des institutions

2.. Julor Cnold, Tshombe ct l'esûoquerb ltnangahe. 26

27


d jour même insère un 16 juin 1960 entrant en vigueur le alinéa dans les articles ll0 et 114 :

l

la Si après deux réunions consécutives de I'assemblée' qui la com' présence-des deux tiers au moins des membres 'porro, peut I'assemblée vote' n'a pu être obtenue lors du des se pronotcer pour autant que la majorité

r

valablement membres soit Présente.

Cette fois, grâce

'

r

à cette loi sur

mesure' les jeux sont

faits.LeParlementcroupiondelaprovinceduKatanga" un dont les élus de la Balubakat s€roût absents' élira gou' le moment ce gouvernement conakat homogène' Dès du Ka' vernement est décidé à proclamer I'indépendance que cette tânga. Le gouvernement belge s'opposera à ce f de indépen' indépendance soit proclam& avant le iour J der Meersch dance du Congo. Le ministre Ganshof Van juin p'our em' intervienclra encore énergiquement le 28 la pêcher un coup d'Etat où I'on ett pu mettre en cause Ë'

responsabilité de la Belgique Do toutes manièreg, le dispositif était en place'

Il

pou'

vait joucr à la Prcmièro occasion'

Ll

rlturdon dor toncdonnairer belges

paralt évident, sur le plan juridique comme sur le plan moral, que I'on aurait dt donner aux fonctionnaires

Il

;

MEERScH' dans Fiz de la souveralneté belgc Vrrr oen -explique :

très clairem.ent et très sincèrement èiii", ". ""*of i 584, s'en par le systèmc qu-'av{! r II allait de soi que r, g-ài"-tË"-"nt belge' lié h veille du 3O iastitué la loi fondameiiË,-o"-p""""itlôt9.ter.,oAe une séces' juin, date prévue pour t"-ito"i"tutlon de. I'indépendance'conventions toutes les sion se produisît, q"i *ttï"ti"ii-en question de maintenir rintésrit6

t"-

Ë a"voir -"iï" iiî.-î."Ë"i"r'"tl'd B"Ë;;;-;vait le svstème arreté par la du territoire du Congo 'nJnAet"itt respecter pot L loi fondamentale' cons"ateei rauf h Conférence de r prendrait ûn' i-uiîo;uo iàut où sa souveraineté

28

Ils devaient être libres de ne voulaient pas servir un rÊntrer dans la métropole slls gouvemement congolais. Engagés au service du gouvernenent betge, c.elui-ci n'avait pas le droit de leur imposer de passer avec annes et bagages à un gouvernement étranger. Comme la Belgique n'avait pas africanisé I'administra' tion et légrait ses cadres au futur Souvernement congolais, le Parlement belge fut invité à voter un€ loi 27 imposant aux fonctionnaires de rester sur place mais leur ménageaût une porte de sortie. Si à un moment donné, ils se trouvaient placés devant une situation leur rendant impossible la poursuitc de leur carrière jusqu'à son terme normal au Congo, ils étaiert autorieés à quitter leur posrc et leur réintégra' tion dans les cadres nétropolitains lour était assurée. belgps ile la colonie une option.

Cettc solution était immorale et malhonnête non seu' lemcnt lpur oes fonctionuairce quc I'on soumettait à cette oontraintc mais augsi à l'égBrd du gouvernemcnt congolais à qui I'on transférait cn bloc pse administration sur la' quelle il ne pouvait pas compter et qui pourtaût était la seule quï avait à sa disposition, puisqu'on n'avait rien organisé, ricn prévu pour la remplacer. Or, des éléments rendus publics par la presse de l'époque révélaient qu'au moins 70 "1o du corpo des fonctionnaircs ne voulaient 1ms servir des chefe congolais. 70 "/" des fonctionnaires, qui avaient enoore de nombreuses années de carrière à founir au Congo, avaient, à la veille de llndépendance, renvoyé en Belgique leur q biloko r de fin de carrièrc, c'est'à'dire lcur mobilier, vaisselle, argcnterie etc., tout co qui cons' tituait le cadre de leur vie au Congo, décidant ainsi de viwe à l'hôtel ou c.hez des amis, ce qui prouvait claire' ment qu'ils n'avaient pas I'intention de rester au Congo ct 27. La loi du

2l marr 1960.


qu'ils étaient bien décidés à rentrer en Belgique dès qu'ils pourraient invoquer la loi du 21 mars 1960 à leur profit, c'cst-à-dire dès qu'ils trouveraient une occasion qui leur permette de considérer que leur carrière ne pouvait pas se poursuiwe au Congo jusqu'à son tÊrme normal. C'était là la deuxième hypothèque qui grevait lourde' ment l'avenir du nouvel Etat.

L'absenæ totale de force armée

porterait aucun changement, il était certain qu'ils n'accepteraient pas le destin qu'on leur réservait. Et c'est, nous le verrons, la mutinerie prévisible - mutinerie de revendication de la force publique qui constituera le déclencheur du processus qui permettra I'exode massif des fonctionnaires, puis servira de prétexte à I'intervention militaire belge et à la sécession du Katanga. Les trois hypothèques dont la métropole avait grevé l'avenir de son ancienne colonie frapperont le gouvernement du Congo dans les dix jours qui suiwont la procla-

mation de llndépendance. Comme trois bombes à retarNous I'avons vu, la seule force armée sur laquelle le gouvernement congolais devait s'appuyer était la force publique, qui ne comprenait pas un seul officier congolais. Depuis le gÉnéral Janssens, son chef, jusqu'au moindre cous-lieutenant, tous les cadres étaient belæs. Qui douc pouvait raisonnablement penser gu'au mo' mcnt où tel clerc d'sdministrafion ou de société, tel institutour. tol ponpistc mêmc était devenu député ou séna' ûour ù la favout d'uno élcction, ou 686ç ministre, les brvor militalrot nohr dc la force publiquc, dont certains ernlont dlx ou quinzo anc do corvioo ou avaient participe I la campojpo d'Abyoeinic; allaicnt acccpter de rester sim' plor roldatc gous lce ordrcs de leurs chefs blancs ? C'est poutaût cc quc I'on attendait d'Êux et le général Jans' ocns, pour quc tout soit clair, avait, le lundi 4 juillet, à 8 h du matin, inscrit au tabloau noir du camp militaire de Léopoldville cette équation : . après l'indépendance : avant I'indépendance r æ.

dement !

a

Cette introduction était essentielle pour la compréhension des événements qui vont confronter Patrice Lumumba et ses ministres avec une situation qu'aucun gouvernement, gans doute, au cours de I'histoire aussi expérimenté et aguerri ftt-il n'aurait pu immédiatement coutrôler. Elle

-

était aussi absolument nécessaire à la déûnition du personnage de Mobutu et du rôle qu'il allait jouer à la faveur des circonstances.

Ces hommes à qui leurs maitres blancs signiûaient sans

équivoque quc pour eux llndépendanoe de leur trmys n'ap 2E. Hosrvns, The Congo Slncc Independence,

30

\---

P.88.

3l


BrcI rappet htstorique Une justice à rendre à la Belgique est de reconnaltre qu'elle a organisé les premières élections congolaises avec le maximum de garanties. Des magistrats belges venus de la nétropole en vue de superviser les opérations dans tou' tcs les circonscriptions électorales parvinrent à empfuhcr lor violcnccs ct les abus auxquels l'on aurait pu's'attendre' Co rcnt lcr partis nationalistcg qui, bien que n'ayant pas lor lavoun do t'admlnlatration, I'cm1nrêrcnt largement' t o ninlrtno bol3o, Ganehof Van dcr Meersch, délégué orprolrémcnt au Congo pour procédcr à la misc cn placc dor instltutiong, joua lo jcu. Et c'est Patrice Lumumba présidcnt du Mouvement National C-ongolais - M.N.C. du gouvernement premier qui fut appelé à constituer le Congo comprenant en ordre principal en plus de son de Parti Solidaire Africain propre parti: le P.S.A. -Balubakat I'ad' de Jason Sendwe' Gizenga et Kamitatu,la le C.E.R.E.A. de Kasha' au Katanga, versaire de Tshombe mura et Bisukiro et, en principe, l'Abako dont le chef' M. Kasavubu, était élu hésident de la République. Ce gouvernemeût comprenait notamment Thomas Kanza, mi' nistro auprès de I'O.N.U. sans appartenance politique, mais 32

dont le père était un des lcaders de I'Abako, Christophc Gbenye, ministre M.N.C. de I'Intérieur qui sera le président du second gouvernement de Stanleyville, Pierre Mulele du P.S.A., ministre de I Education, qui sera plus tard ambassadcur du premier gouvernement de Stanleyville (celui de Gizenga) au Caire et qui animera par la suite les maquis du Kwilu avant d'être assassiné par Mobutu dans les conditions qui seront décrites plus loin, Maurice Mpolo, minis6e M.N.C. de la Jeunesse, gui sera assassiné avec Patrice lrrmrrm!4 et le vice-président du Sénat, Okito, le 17 janvier 196l à Elisabethville et, parmi les secrétaires d'Etat auprès du Premier ministre, deux membres du M.N.C.,I'un Joseph Mobutu promis aux destinées que I'on connait et à qui le présent ouvrage est consacré, I'autre Jacques Lumbala qui sera liwé par le collège des commissaires généraux de Mobutu au gouvernement sécessionnistc du Kasaï p,our y etre massacré avec dix autres personnalités h'mumbistes, dans les conditions les plus abominables.

Les fêtes de I'indépendancc s'étaient déroulées dans l,enthousiasme et n'avaient donné lieu à aucun incident sé. rieux. La position radicale et pour tout dire provocatricc prisc

le 4 juillet à 8 heures du matin par le

gÉnéral Janssens entrainera unc immédiate réaction de la part des militafues congolais. Un meeting do proæstation €st convoqué lnur 18 heures.

I-es militaires congolais cxigent I'africanisation des ca. dres et le rappel du gÉnéral Janssens.

Une atmosphère de révolte règne dans les cantonnements. Patrice Lumumba décidc de parler aux militaires. Et Ic 5 juillet, dans un discoun à la troupe, offre à tous les soldats une promotion automatique au rang sutrÉrieur. 33


Lcs soldats, considérant que le Congolais le plus élevé en gade était un adjudant et que dès lors la proposition du Premier minis6e ne conférait à aucun Congolais un poste de réel commandement, manifestèrent leur mécontentement et quittèrent leurs cantonnements pour se répandre dans la ville, sans annes mais en brandissant leurs oeinturons. Ce mouvement de revendication décida le gouvernement congolais à retirer leur commandement au gÉnéral Jans' sens et à d'autres officiers supérieurs belges de la force publique et à africaniser les cadres au somm€t.

Victor Lundula, auxiliaire médical, qui avait servi dans la force publique duraut la Seconde Guerre mondiale, fut nommé commandant en chef de l'armée congolaise. Joseph Mobutu, qui avait été pendant quelques années sergent

comptable dactylographe dans la foroe publique, deviendra chef d'état-major. Justin Kokolo, I'un des rares Co4golais à avoir atteint le grade d'adjudant, sera nomné com. mandant du camp de Léopoldville. Tout va donc rentt"r danr lbrdro à Léopoldvillo. Paûioo Lumumba a letoumé lr dtuatlon. Malhourcuocmcnt, Gntrre-temlx. au camp mi-

litalro do thyrvillc où la mutincrio sbst étendue, rme vlnglalno do roldatc, ayant bu plue quo dc raison vont on profitor pour so linrer lc 6 juillct à des débordements qui n'ont ricn dc oornmun avec les revendications qui justifiaicnt le mouvement. Dans le mess déjà, ils avaient cherché à lutiner I'une ou I'autre infirmière. Des sous'officiers congolais les avaient

rappelés à I'ordrc et avaient rétabli la discipline. Mais, dans la nuit,la même bande va sc procurer quelques jeepo ct quitter lc camp pour se rendre à rnkisi. Là,les soudards éméchés vont exiger du lieutenant belgs quî leur ourrc lo mag"asin d'atmes et leur liwe des fusils. Une fois cn 1ns' scssion do ces artnes, ils vont se liwer à touæs sortes 34

d'excès, parcourir

Ia région dïnkisi-Madimba, forcer I'entrée de quelques habitations d'Euro1Éens et violer quatre ou cinq femmes belges æ. Ces incidents pour regrettables qulls soient n'auraient pas pu avoir les conséquences énormes quTs ont eues. Ils ,étaient limités dans I'espace et dans le temps. Le gouvernement congolais a immédiatement tout mis en æuwe pour calmer les esprits, et empêcher un mouvement de panique. Les Européens de la région de Thysville InkisiMadimba, qui avaient été les témoins des excès,.avaient quelque raison de s'affoler. Pour les tranquilliser, des délégués du gouvemement, notamment Gaston Diomi, sénateur, et Charles Kisolokele, ministre d'Etat, fils ainé de Simon Kimbangu, organisèrent un train spécial et une colonne de véhicules permettant à ceux qui avaient peur de chercher un refuge temporaire dans la capitale.

Le refus des fonctionnairec blancc de s€rvir

-go*"-u-"ot*offi Il est évident que, sans la deuxième hypothàque lrsant sur le Congo, à savoir la volonté de la plupart des fonctionnaires de rentrer en métropole sans perdre leur droit à I'intégration, les incidents du 6 juillet n'auraient pas provoqué une panique généralisée et la fuite précipitée de la majorité des fonctionnaiæs belges. 29. Nous avoas donné le récit détaillé de ces événenents dans Iz p. 102 et suivantes. Il y aura beaucoup plus de viols par la suite mais ceux-ci s€ront la conséquence et non b causc de I'intervention militaire belge, C'est après le bombardement de Ma_ 9d p* _des_ navires belges et le massacre de militaires congolais que des_représailles se 6ont généralsées contre des.femmes utanines oânc le Bas€ongo. C-rise congolaisg,

35


'.t

Dcs fonctionnaircc installés à dec aentaincs, voitp deg milliers de kilomètreg d'rnkisi-Madimba, dans des régionc où il n'y avait eu ni le moindre viol, ni la moindre mutinerie, ont déctétê que I'on ne lnuvait tout do mênc pas lcs obliger à rcsær dans uû paye où fon violait lcur femmo ou leur fille, qu'il ne leur était donc plus possiblc dc æntinuer au Congo lern canièrs jusqu'à son termo normal et quïs avaicnt le droit dc Hnéficicr de la réintégration dans les cadrcs dc la métropolc oonformémcnt à la loi du 2l mars 1960 Eo.

Et

ce fut

la

débâcle. Sur 8200 fonctionnaires présents au Congo avant le 30 iuin 1960, il cn restait 1600 au mois d'aotl Et encore la plupart d'entrc cux étaient-ils a^ffectés à la seule provinæ du Katanga.

Il

n'est pas d'exemple d'un gouvenement confronté du jour au lendemain avec I'efiondrement dc tout le cadre administratif.

Mais pour compléter la catastrophe, lr tnoirièmo bombo à ætardcmcnl

il

fallait

qu'éclate

Le dccdon du K.trnlr

ffil.lrc

Le lundi ll juillet 1960, Moise Tshombc proclamait au micro de Radio Collège, lnste du Co[ège Saint François 30. Le baron Paul Knoucxrn, prédd€ût dc la Chambrc belep des Rcpréscntaats, qul avait de 8to iniértb au Cogo, notamnent danr h Kivu, parlÀnt dcvâDt la prcrco (du 27 septêmbrc 1960) r cstimc que, pcrmi lcs réfugiéc du Congo, E0 à 95 % dcs fooctioonairo (qui formcnt

la majorité des rapatriés) ront partir I comnc dcr dârdr ", lorr dcr prcmicrr hcidcût$ Ilr n'ont mtmc ps! pris L pcloo do falre leurr rcmisc+rcprises... Dâor le rld du Kivu,.par un rcul fonctioonaire nrcct nrté nrr glaæ elors qw W un scul Europëen rla été mot îê dera cGltc rédon ,,..

dc

Sales

tanga.

à

Etisabethville, I'indépendanæ totale

du

Ka-

Le prétexte donné à cettc procramation, décidée de toutes manièrcs bien avant lTndépendanoe du Congo, mais quT avait fallu rctarder jusqu'à ce quc la Belgique ait transféré sa souveraineté, était te fait qu,r * gouu"*"D€nt oe[tral à majorité extrémistc s'est constitué au Congo r et a institué: r Un régimc de temeur qui chasse

nos collaborateurs belges.

r

La forcc publique,

composée dtommes aplnrtenant à dss s tnisg étrangères à la provinoc du Katanga et en général fidèles au gouvernement central, ne s,était certainement pas mutinée oontre lui.

Alertés par une première intervention rnilitaire belgc à Kabalo au Katanga Ic 9 juiilet 1960, €t par les tentatves de leurs officiers blancg dc lcs détournei dc lcur devoir national qui leur commandait de sbpposer __

à la sécession et de désarmer les volontaires blancs, des etéments africain de Ia force publique s'étaient hcurtés à des Européens au cours de Ia nuit du 9 au l0 juilbt ar. Et le l0 juillet à 6 h du matin dir avions belges venus de Ia base de Kamina se posaient sur la plainc d,aviation d'Elisabethville et débarquaicnt trois ceits (

mandos

r

paracom-

belges et des soldats du bataillon

r

Libératioo r qui allaient €ntr€r immddiatement en action et nettoyer en quelques heures ta vine de tous res éléments qui lnurraient faire échec à Ia proclamation de la sécession katangaise. Ces éléments étaient qualifiés de c mutins r et de r rebelles r et furent jugés par la suite cornme tels par des conseils de guerre présidés par des magistrats belges, alors

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36 37


qFrr.'tF

quï

aurait dt paraitrc évident È des juristes que c'étaient eux qui étaient fidèles au gouvernement de leur pays et quo lcs c mutins r et les r rebelles r étaient les ofticiers blancc

qui les empêchaient de faire leur devoir et les soldats qu'ils avaient pu rallier à la cause de la sécession.

o

€t de permethe

ainsi æ la proclamation de Ia sécession à laquefle Moïse Tshombe dès lc lendernain du premier débarquement "in, La première intervention dans le Bas.Congo consisûe dans Ie bombardement de Matadi of perirent sous les obug belges de nombreux-soldats *ogofuir-iirn moment où il plus dans la vure u.ræ, à r proté.

***",

d'-"ï;;;

ii ::"-

C'est d'ailleurs c€ bombardement dont toute

Aux

du traité d'amitié belgo-congolais, signé au moment de la proclamation de llndépendance, les forces belges ne p,ouvaient intervenir que sur la demande expressç du ministre de la Défense du Congo, Patrice Lumumba. termes

Les incidents strictement localisés d'rnkisi-Madimba ne justifiaient manifestement pas ude telle demande. Le gouvcrnement belge n'en décida pas moins dlntervenir en forcc soug le prétexte de protéger c l'hoûneur et la vie r dcc Bclgcc résidant au C;ongo oornme allait le déclarer à la Chambrc bclgo lo rninistrs dc la Défense nationale, Ar-

thru Gileon, I-c fait quc octto intervention militairo eut lieu d'abord dans la provincc du Katanga et qu'elle s'y développa massivement au point que trente-six heures après le premier débarquement, plus de 9 000 militaires belges occupaient le Katanga alors quT a'y en avait pas enoore un seul dans le Bas-Congo où pourtant s'étaient 6prnmig les seuls viols antérieurs à lIntervention, était évidemment très significatif. Le gouvernenent congolais comprit immédiateme[t que cette intervention, sous un prétexte humanitaire, n'avait pas d'autre pofiée que de réduire à l'impuissance les éléments

dits r lumumbistes r c'est-à-dire ûdèles à I'unité du Congo

la pressc f" p"rri* q,i"rr*.r, à l,époque, reconnaltre quT était c inop'ortun ,î n ,"t*"ootreux r c insensé r, qui fur à i,""grc t l"à,uorrs :oirê belge voutut bien, malgré

débordemenh que connut Ia région ao iu"coogo dans les heures qui Ie suivirent. La garnison du car cion de na"t o cortir du camp, se répandir dans dc p;;;;"* de brousse où, oette fois, de nombreuseg E*;;#; (probabtement environ) fyenr leux -cænts graves de la part de militaires déchainés. "i"rh;;;;s Plus tard une propagande habile et, hélas, officielle , cher_ cha à amalgamer les nombreux po-stgrieurs à lïnter"iofs 32. par la suite les f

ï ;;i#fl:H:fl1înïî:^11ïï

g$,;'rr"*iu+:i"ltr*ih"qffi i:sîfi :ï#:.,îï.:ï,r:

rrttryr"^iËi,"or: ;:H,r|to l' appelé aussi camp Dercornrnune, à &e z! ,urllet 1960. alors que I'O.N.U. evair n, ::p-lt"t ordonné l'évacuation ,i* ti*pr.î.Ëli'i,,T9ut "nr- à plusieurs

iiJ*:fr!'i ËËit::,"i;.': il;î,,ltf;.;,,ïii"

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J'Ëi.'.H?"l fiî'j o* 1tl1^.:.f::jion liiii" f A"ï*:ï:èJi: ;i""ii* "depuis Ë'T0 r:;i;: ^q:: ::,'ei"it iiii, ili,"i", :: :"ï fl:tï$ft n"t *iJfnhti#; fr il sanuson qui n,avait

38 39


fFr,6-__ quatro ou cinq qui s'étaient vcntion militaire belgc aux l'æuwe d'une ving proauir, le 6 luillet et qui avaient été garnison dc 4 000 hommss iaine ae soldats ivres sur une et une armée de 25 000"' long feu' Il n"tj..nl, Cette tentative d'esctoqueric fit justitier une intervention militaire dcmment impossible de a' exês qu'elle avait elle'même provoqués

;;;*

nait pas des dispositions, la Nation allait lui demandcr des comptes, le gouvernement d'ailleurs doit également veiller à cela. S'il faut mourir, nous mourrons. Nous deyions nous rendre au Katanga en tant que comptables de

la Nation [...] e.

L'on touche ici du doigt la situation tragique dans laquelle se trouvait le gouvernement légal du Congo. L'ancien avion du gouverneur général belge au Congo avait étê

ninistrc Lumumba Le Président Kasawbu et lc Premier à Elisabethville p'our vont tÈs couraSeusement se rendre du Katanga' essayer d'empfuher la sécession PatriceLumumbaindiqueraclairement,danssondis. ce voyag9 : cours au Parlement, les raisons do

r

dc suite [...J J'ai décidé tout

quï fallait absolument

Elisabethville' nous rcndions immédiatement à la Cham' devant lo chcf do I'Etat a prêté serment do protéger et de sauve' Lro, O*rot la Nation tout cntièro' ct que s,il ne pre' gurOcr I'intégrité du tçrritoirc nstional'

î*t i.t* n*

quo

ù .dc l'Initépendancc 33. Daru notro tivro It Crlsc congolalse' écri' nous 1960, spt.-bt" " l-ls" ttnterventlon mllttabe url ,îff, de relevcr att" ii est impossiblc viong déjà (p. 141) , ' oiitJtii"ïÀ excès généralisés au aqn*, *Ëi""-'iJi:Ëî juillet, les dans .les au 9 le plan nù";"q-- sinon sur danr lc ooint de justifier sur d; I'arméc bclec

'".iili"'âËJ"i - l'intervenn"Ïî"i-tî[i";t'ét tî'tii,.i,::Ëât*itàire aéroportéc du 24 iuridique

ville aura les mêmes

le6[ sur

stanlev'

-novembrc et oaradoxales' Alors

"t"tâ;;;;;"iitiopniqu"" t-t@"et pai'le ministre-Paul' ou'avant l'expédition c" Ëicr"iirt*"îi gtats-unis' il y-.avait cu quâtre mrs' 11"o6 5paak, ro, to p'"oioo-àâ i""*r . a'att"otats individuels' eionnaires et religieuJîei*J-i" ttpiet"itt"t oui suivront I'opê â!t ; perdre la ?l allaient qui devait "i;; aussil'p;;^;";tù";-ïni--intervention roit-u ration. Cette assassinats de prêtrcs 75 ces É;;;; .,"ï t o.ain.i,' sauver des ,i.. eux avaieot &é précisê ct do religicus", "n o-ii'o'* i"î?1-î'** elle-même' par I'intervention ;;; ;;"4;é;

o

placÉ, entre les

mains des autorités du Katanga.

I-e Président de la République et le Premier rninistp gui n'ont pas, à cÊ moment, d'autre force armée que cellc gue leur a léguê la Belgique ne disposent d'aucun avion pour leurs déplacements. Ils sont, pour ces déplacemcnts, tributaires de I'armée belgcs à l'égard dc la séccssion katangaise, on congoit la téc. Etant donné la politiquc adoptéc par les autorités bclgcs b l'égard de la sécession Katangaise, on conçoit la mauvaise volonté que mettront les militaires belges de Ilopoldville à permettre à Kasavubu et Lumumba lc voyage projeté.

Patrice Lumumba a donné connaissance, au cours dc la séance de la Chambre des députés du 15 juillet 1960, du proces-verbal dressé par I'administrateur-adjoint de la St reté concernant les tentatives de débarquenent à Elisabethville de la délégation militaire congolaise tout d'abord, du

Président de

la

République

et du Premier miniglss

sa-

suite F.

A I'escale de Kamina déjà, les militairee belçs et bcaucoup dEuropéens civils qui se trouvaient sul la plainc 34. l* tqte intégral do I'exposé do Patricc Lumumba a paru drnr Congo 1960, Annexer ct Biographier (C.R.LS.P.), p. 19 et suivaD&r

35. Op.

clt- p.

20.

4t 40


avaient traité le Président de la République et le Premier ministre de c macaques r.

r lls nous insultaient d'une façon incroyable' rapporte Lumumba et il continue: Mais quel avion nous a't-on voyage' donné? Alors qu'il y a des avions convenables de un on présente à notre chef dc I'Etat un avion sans sièges' de difficile avion de parachutistes dans lequel il nous était mais nous asseoir. Ce n'est pas ccla qui nous préoccupait Kamina partis de un moyen de transp'ort' Nous sorum€s à 20 h pour Elisabcthville où nous solnmes arrivés verc 22 h. Et avant notre atterrissage, ou a éteint les lumières' Les militaires belges qui y étaient ont donné I'ordre à

I'aviateur de ne pas atterrir. Pourquoi ? Parce que le Ka' mi' tanga était indépendant' le chef de I'Etat et le Premier sur' nistre ne peuvent pas y mettre pied, disaient'ils' En doit I'Etat de chef le volant la ville, nous leur avons dit: descendré, il est dans son territoire et il est dans son lmys' Il est inconcevable que des militaires belges puissent dé'

fendrc au chef de I'Etat de descendre chez lui' C'est comme et si lc Roi Baudouin faisait voyagp à travers la Belgique ne vous Baudouin' qu'un monsicur quelconquc lui disait: pas' dcsccndrez pas ici parcl quc oc pays nc vous appartient Malgré notrc insistance, ils ne voulaient rien entendre' Nous avons

dt

rebrousser chemin

s. r

qu'il Cc fait capital a été tellement peu mis en tumière nous parait utile de raPPeler : l) Des rxrlsrlges de la déctuation du conunandan Nko' pro' kolo (ce militaire qui allait etre tué dans I'engagement

Patricc ,r. cs, *" do rappeler qu'ôu Donen-t-I'aidc $9 cgtte démarc;he' de I'O'N'U' ai à celle cocorc à nJit" u" "'"""iip"t i.ii;'i-âvait "pù las ug 11Érol ou un avioo ai uo ;;;.;-dt îsil'i"'il ô,oogo' Ce qui dfuootro quc laoticommu'

roAiiË.o-*"iai.ioi îiroo Io rtuo.b" n'a"uiasraiJ 42

AO qu'un prétexte imaginé après coup'

voqué par I'expulsion de I'ambassadeur du Ghana sut fordre du oolonel Mobutu et dont on donnerait ensuite le nom au camp milihire de lJopoldville) qui dirigeait la dé. légation militaire congolaise accomFagnant le président dc la République et le Premier minis6e.

r

Sur llnsistance de ce dernier (le commandant de bord) l'avion a quand même pu atterrir. Lorsque je suis descendu de I'avion, j'ai remarqué que toute la plaine d'avia. tion était errtourée de militaires belges. plusieurs de oes mili1afuss se sont dirigés vers nous, armes à la main. J'ai demandé de me rendre au camp militaire, cela m'a été interdit. Ils m'ont dit que tous les mitibircs congolais étaient gardés par les militaires belges. Jbi ensuite demandé de m'entretenir avec le président du gouvernement provincial du Katanga, M. Tshombe, cela m'a été également intcrdit, et il a été précisé que si je me rendais chez M. lshombe, je serais fait prisonnier; on m'a signifré que M. Tshombe était en conférence en vue de déclarer le Katanga indépendant. c On m'a fait remarquer que la nouvelle selon laquelle le Président de la République et son premier ministre avaient

l'intention de se rendre à Elisabethville était déjà connue €t que dans le cas où ils aniveraient ils seraient faits prisonniers. e On m'a intimé lbrdre de quitter immédiatement Elisabethville sinon je serais fait prisonnier. r

2) Le têmoîgnage de laviateur belge, commnndaft de bord du DO B: e J'ai jugé bon de repartir immédiatement après avoir fait le plein afin d'éviter des incidents. L'aérodrome était 43


gardé militairement par des troupes métropolitaines' Il est cxact qu'au moment où j'ai quitté I'avion, plusieurs mili'

taires armés s'en sont approchés.

I

Pour le Président de la République, le Premier minis' tre et le gouvernemett congolais, plus aucun doute n'était la Bel' lnssible. Avec la complicité et I'aide militairc de gque, les blancs du Katanp ct les Africains quls avaient pu rallier à leur cause entendaient séparer le Katanga du Congo. tr fallait à tout prix empêcher que cette opération réussisse. tr y allait de la vic nême du pays.

sion katanlnise dans but garder main sur notre pays. Gou' vernement appuyé par peuple congolais refuse être placé devant fait accompli résultant de conspiration tramée par

imp,érialistes belges

et p€tit gtroupe leaders katangais.

Ecrasante majorité population katangaise est opltosée à sécession qui signifie perpétuation déguisée du régime co'

lonialiste. Aide militaire sollicitée a pour but esseûtiel protection du territoire national contre actuelle agression extérieure menaçant paix internationale. Insistons vivement sur extrême urgeûce envoi troupes O.N.U. au Congo. r

Les réfolutiors d€s 14 €t 22

C'est pourquoi, sans plus tarder, le Président Kasawbu ct le Premier ministre Lumumba sipèrent ensemble lc

télégramme suivant adressé à I'O.N.U. à New York et à 8? rcn rcpréecntant è Léopoldville, Ratph Bunche :

l-o gouvorncmcnt dc ta République du Congo sollicitc militaire' onvol urçnt par organisation O.N'U. d'unc aide Notro rcquCto cot juotifiéo par cnvoi au Congo de troupes métropolitaincs belges cn violation traité amitié signé enÛe Bclgiquc et République Congo 29 juin dernier' Aux termes de c'c traité, les troupes belges ne peuvent intervenir que sur demande exprresse gouvernement congolais' Cette de' mande n'a jamais été formulée par le gouvemement de la République Congo. Considérons action belge non sollicitée comme acte agression coûtre notre pays' Cause réelle de plupart troubles être provocation colonialiste' Accusons gouvernement belge avoir miautieusement préparé séces'

r

u

I'c

Solt, 14 iuillet

1961t

ct hc moncwrer belgo-katangaisa

Appel à PON.U.

37,

idlht

1960.

Lc

cadre de oet ouvrage ne nous lrrmet pas d'entrer dans lo détail des rplations qui e'engagcront alors entre le Congo et I'O.N.U. Nous y avons consacré, en 1961, tout un liwe æ. Rappelons succinctement que le Conseil de Sé' curité, dès te 14 juillet 1960 vote une résolution conforme au væu du gouvernement congolais. Il demande au gouvemement de Belgique de retirer ses Ûoupes du territoirc de la République du Congo. Il décide d'autoriser le Secré' taire général à prendre les mesures nécessaires en consultation avec le gouvernement de la République du Congo,

pow fournîr à ce gouvemement toute l'assistance militaire qui peut être nécessaire jusqu'à oe que, par les efforts du æuvernement congolais avec I'assistance t€chnique des Nations Unies, les forces de sécurité nationales puissent être en mesure de I'avis du gouvernement de faire face pleinement à leurs tâches. 38.

Le

Gouvernement congolais

ct I'ON.U. Un

poraèloxc traglqtc.

45


Cette résolution était claire:

l)

les troupes belges devaient se retirer du territoiro dc la République du Congo, c'est-à-dire de tout le territoirc, Katanga compris;

2) Le gouvernement congolais recevla toute I'aide rnili. taire dont il peut avoir besoin jusqu'au moment où des forces de sécurité nationale (pour la constitution desquelles tc.N.U. doit I'assister techniquement) æront en mesure de q faire face pleinement à leurs tllches r. Cæla signifie, sans conteste possible, que jusqu'au m(F ment où ces forces nationales ne seront pas en mesure de

r

faire face à leurs tâches

r

le

gouvernement congolais

Ilourra compter sur I'assistanss mililairc de I'O.N.U. pour I'accomplissement de ces tâches.

La première de ces tâches est certainement le maintien de I intégrité du territoire. Pour mettre fin à la sécession de la plus riche province du pays sécession qui était c l'æuwe des impérialistes bclgcs ct du pctit group€ de leaders katangais D et qui n'avait été proclaméo que grâcc à la présence des troupes bclgcc qui dcvaicnt s'cn allcr - le gouvemement Lu. mumba allait donc bénéû.cier dc I'assistance militaire de I'O.N.U. Cette résolution extrêmement claire, le gouvernement quï ne la comprend pas. Le Premier ministre belge Eyskens va définir sa thèss qui est en contradiction manifeste avec la résolution du Conseil de Sécurité et la requête du gouvernement congolais s. belge va feindre

39.

46

Cttë, 19 juillet

1960.

r L'O.N.U., dira-t-il, a envoyé des troupes pour maintenir I'ordre €t il s€rait inconcevable que I'O.N.U. iutervienne pour ou contre I'indépendance du Katanga. r Maintenir I'ordre c'est à cela que, pour le gouvernement belge, doit se borner I'action des forces de I'O.N.U. Cet objectif ne ûgurait pourtant ni dans la requêto du gouvernement congolais ni dans la résolution du 14 juillet. L'interprétation du gouvemement belge n'avait donc pas la moindre c,hanoe d'ête admise. Cette discussion permettrait néanmoins de gaper du temp. Au Katânga, eû effet, le major belge Weber et le colonel Crèvecæur tout en désarmant, comme nous I'avons vu, la force publique ûdèle au gouvernement central, se hâtaient de constituer une gendarmerie au service de ta sécession. Au surlrlus, I'opposition du gouvernement belge

introduisait la notion: c Katanga qui a[ait faire son chemin.

=

affaire intérieure r

a

Le Conseil de Sécurité devant I'incompréhension et la du gouvernement blge est à nouveau

mauvaise volonté

saisi de l'affaire congolaise et vote, le 22 jurllet, à I'unani-

mité, une seconde résolution dans laquelle il est demandé aux foroes belges de se retirer ( rapidement D. Une des décisions du Conseil de Sécurité vise expressément la situation au Katanga. Le Conseil, en effet: c invite tous les Etats membres à s'abstenir de toute action qui pourrait emlÉcher le rétablissement du droit et de lbrdre ainsi que I'exercice par le gouvernement du Congo de son autorité et aussi de s'abstenir de toute action qui pourrait I,orter atteinte à lTntégdté et à llndépendance politique de la République du Congo, r 47


Pour le su4rlus, la résolution du 14 iuillet est confirmée.

Encore une fois, pour tout le monde, tout est clair: le Katanga fait partie du Congo. Rien ne peut eûe fait oontrc I'intégrité du C.ongo. I-c gouvernement du Congo doit 1nuvoir exercer son autorité sur l'ensemble du pays.

Iæ Secrétaire général de I'O.N.U., à ce momcnt, a parfaitement compris la mission qui lui cst conûée. tr déclare avec

fierté0

:

r

Nous sommcs à un tournant dc I'Histoire. tr s'agit de I'avcnir dc I'Afriquc ct pcut-être de I'avenir du monde.

r La Forcr dcs Nations Unies au Congo est autorisée à la totalité du tenitoire de la République du

opércr sur Congo. r

C'était vrai. Si à oe moment Ie Secrétaire général de I'O.N,U., joignant le geste à la parole, coûlme le pouvoir lui en avait été conféré, avait, avec ses fortes, pénétré au Katanga et permis au gouverrement légitime de restaurcr son autorité sur cette province, ce qui était I'objet de sa rcquête -, c'est vrai, terriblement vrai, que I'avenir de I'Afriquc et I'avcnir du monde eussent été modifiés. La criso congolaisc ctt été immédiatement résolue et I'O.N.U. ctt acquis un prestige extraordinaire, une autorité incontestable.

La paix dans le monde ett été désormais moins fragile. a

Le gouvernement belge qui cherche encore à gagner du temps pour trrrmettre à ses officiers de créer cotte que cotte, et vaille que vaille, un embryon de force katan&. Lc Monde,22 juillet 48

1960.

prendre la relève des forces belges au mom€nt inévitable où elles dewont s'eû aller, va donner son interprétation de la dernière résolution du Conseil dc

pise qui puisse

Sécurité.

Lorsque M. Hammarskjôld va inviter la Belgique à éva' cuer ses troupes du Katanga, les autorités belges vont lui répondre que: ( La relève des casques blancs ne pourrait

intervenir dans chaque cas que lorsque la sécurité sera assurée de façon effective, c'est'à'dire quand la vie des blancs n€ sera plus en danger, mais aussi, on y insiste fort' quand la situation sera telle que puisæ reprendre la vie économique non pas dans deux ou trois grands oentres mais dans toutes les localités de quelque importance. c Au Katanga, I'O.N.U. n'a pas le droit de s'immiscer dans les affaires intérieures 40 bis. t La nouvelle condition mise par tes autorités belges au dépat de lcurs troupes, à savoir qu'elles ne les retireraient qu'au r.noment où I'O.N.U. pourrait assurrer non plus seu' lement la protection des vies humaines mais aussi la reprise de la vie économique était manifestement inouîe. Ceux qui la formulaient ne se faisaient aucune illusion - mais elle avait I'avantage de faire rebondir la discussion, de rendre nécessaire une nouvelle résolution, de gagner du temps' ce temps de plus en Plus Précieux. Quant au slogan r Katanga : affaire intérieure I il faisait sgn efusmin. Toutes ces tergiversations inquiètent fortement le Premier ministre Lumumba. Il menace de faire appel à des pays amis, des pays afro-asiatiques, par exemple, voire I'U.R.S.S. elle-même, si les Etats-Unis refusent I'aide que son voyage à Washington, au lendemain de la Résolution 40 bis. La Monde, 29 iuillet 196().

49


lurl du 22 juillet, lui avait laissé espérer. Le Vice-Premier ministre Antoine Gizenga protcste :

r

Les Nations Unies ont laissé la sécession katangaisc

se consolider{r.

r

laissera prendre.

Godcfroid Munongo, minigtl6 de I'Intérieur du gouverncment katangais, publie, le 2 aott 1960 {2, un communiqué annonçant la mobilisation générale des armées katan-

qui dewont sbpposer pzlr tous les moyens au débarquempnt des forces de I'O.N.U. au Katanga.

gaises

ce moment, en dehors de e volontaires blancs

r et de

policiers et gendarmes belges transférés dans le cadre de I'assistance technique, il n'y a, dans la prétendue arrnée tatangaise, que quelques centaines de chômeurs et de vagabonds recrutés à la hâte €t faisant I'exercice avec des bâtons, I-cs c affreux r n'ont pas ensore eu le temps d,arrivcr.

Lc ministre Kibwe surenchérit

:

r Les forces de I'O.N.U. dewont errtrer au Katanga

Et

s. r

tu€r nos soldats pour

Moîse Tshombe lui-même déclarera plus habile-

ment aa

gagps.

D

Les journalistes qui connaissent la situation rient sous cape en entendant ces rodomontades.

Les leaders katangais vont alors reprendre le relais du gouvernement belge et, inspirés 1nr leurs souffleurs blancs, se liwer à un bluff énonne auquel M. Hammarksjôld se

A

nement Lumumba que l'étranger amènerait dans ses ba'

Hammarksjôld s'y laisse Prendre. Alors que I'entrée des forces de ['O.N.U. au Katanga est prévue pour le 6 aott, le Secrétaire général cède au chantage. Il envoie à Elisabethville son adjoint' Ralph Bun' che. C-elui-ci ne pourra pas voir Tshombe en tête'à'tête. Ses conseillers eurol#ens ne le quitænt pas d'uûe se' melle. Bunche annonoe que le débarquement prévu lnur le

serà remis et Hammarksjôld décide de convoquer pour Ia troisième fois le Conseil de Sécurité.

6 aott

Pierre Davister qui est, à cette époque, le chantre attitré

de Tshombe, corlme il deviendra, après le coup dEtat de 1965, celui de Mobutu, Pavoise s : a Politiquement, leur bluff peut payer. Il paie déjà d'ail' leurs puisque I'O.N.U. a esquissé un léger mouvement de soit judicieusement recul. Or, le temps, pour autant

quï

employé s, travaille très activement en faveut de la cause katangaise. Le nouvel Etat ùtdépendant a besoîn de répit pour orguûser son armêe olin de pouvoîr reprendre gra' duellement fessentiel des tâcltcs assignées aux forces belges. r

:

r Nous sommes prêts à mourir plutôt que de nous soumettre à l'étranger et surtout à la dictature d'un gouver41. Lc Monde,2 aott 1960, 42. L'Essor du Congo, 5 aott 1960. 41. Le Monde,2 août 1960.

4. 50

L'essor du Congo, 4

aott

1960.

45. Drvrsrun, Katanga, enieu du mond.e, p. 16. 46. Et ou sait combien judicieusement il étdt employé par l'équipc belge des d'Aspremont Lynden et Rothschild et des colonels Weber

ct

CrèveccBui.

5l


Le Conseil de Sécurité r oublié qu'il avait fait droit, à deux reprises, à cette demande. Cette fois, cn oonsacrant la thèse: r Katanga : affaire intérieure r dans laguelle I'O.N.U. nlnterviendra pas, il consolide en fait la sécession. a

Lo t{rcluûon du q

In

t

aott

Albert Kalonji" président d'une aile du M.N.C. ayant rompu avec Patrice Lumumba avant la Conférence dc la

1960 :

réccrsion kstangsise cst une

rffrile htédcûo. r

La troisième résolution du Conseil de Slécurité, du I aott 1960, constitue un véritable tournant dans la ctise. Le Conseil, tout en invitant la Belgique à retirer immédio tement s cette fois, ses troupes de la province du Katanga,

c réaffirme que la force des Nations Unies au Congo nc à un conflit intérieur quelconque, consti. tutionncl ou autre, n'y interviendra pas et ne sera pag

sera pas partie

utiliséc pour en influencer I'issue.r Cette résolution est la négation des deux précédcnûer. Lbbstination des Belges a payé. Le C.onseil de Sécurité a oublié que le gouvernement légitime du Congo avait fait appel à lui pour que, privé d'une force militaire et victime d'une intervention militaire étrangère, il bénéûcie de l'aide militaire des Nations Unies aux fins de lui permettre de maintenir llntégrité du terdtoire, c'est-à-dire de mettre fin à la sécession du Katanga.

Table Ronde et leader des Baluba du Kasai, a parfaitement compris le sens de la résoluton du g aott.

Il s'abouche avec la e Forminière r (Société Internationale Forestière et Minière du Congo Forminière), sæur de l'Union Minière du Katanga et filiale comme elle de la Société Généralc de Belgique, ayant d'ailleurs le même président (M. Paul Gillet) que la Sociéré générale et I'Union Minière.

Dès le lendemain de la troisième résolution du Conseil de Sécurité, le 9 aott 1960, Albert Kalonji, qui a reçu dc Ia Forminière des bâtiments pour ssg minigtl,çs, une belle résidencc pour lui et des fonds s, proclame l,indépendance de l'Etat miniç1 du Kasai.

Ainsi donc lbn va pouvoir priver le Congo du revenu de ses minss fls diamants après lhvoir privé du revenu de son cuiwe. La sécession du Sud-Kasai scra aussi uue a affaire intérieure r dans laquelle I'O.N.U. nlnterviendra pas. .48. Devrsrtn, Katanga cnjeu du monde,

v-iew donnée

47. Il y a à ce moment, I 600 soldats belges dans la scule provincc du Katanga. Ce chiftre est révélé datrs I'Additif oo 9 au rapport d'Hammarksjôld au Conseil de Sécurité ; v. La Crtse congolalu,

I.R.R.I., p. 52

79E.

p. 190. Dans uae interdu moii, i -4i <t,avril_mai 196{. fard que ce qui- li ae.ruI,f"'ili finqncière-de la région ;tttié""Lî p*-t{;

cn exil, au

Kalonji explique sans

Dossler

que la seulc puissance répondu : r Faites comme Tshombe, procla-nez fioagp""ai""",--ooru vous paierons lio redcvance quc nouE versons actucllemcnt a iâ. ,53


Iæ gouvernement de Lumunba décide de réduire lui-même

la

Cette fois,

sécrcsion karqngaiçe

la situation est claire p,our le

gouvernement

congolais. Il ne peut que tirer les conclusions logiques de la dernière résolution de I'O.N.U. Puisque la sécession katangaise est désormais considérée comme une affaire intérieure dans laquelle I'O.N.U. se refuse à intervenir, c'est évidemment au gouvernement du Congo

quT appartient dc la

régler.

Patricc Lumumba apprenant lcs pourparlers Bunche, au momcnt où il se trouvait en Guinée, avait déjà déclaré {0 :

Lorsque le gouvernement Lumumba donnera I'ordre d'attaquer au général en chef Lundula, il sera mis fin, en quarante-huit heures, à la sécession du Sud-Kasai et les forces gouvernementales pénétreront dans le Nord du Ka_ tanga où, faisant leur jonction avec les forces populaires animée par la Balubakat, elles vont pouvoir déferler sur les territoires exigus du Sud de Ia province, fief de I'Union

Minière et de Moiise Tshombe et balayer, pratiquement féric Ie régime des vendus installé depuis quelques semaines sous la protection d'une armée étrangère. sans coup

r Je n'ai pas compris pourquoi le Secrétaire général de I'O.N.U., au lieu d'envoyer des forces de I'O.N.U. au Katanga, a préféré parlementer lnur la mise en application de la décision du Conseil de Sécurité. Devant cette attitude, nous estimons que le Secrétaire général n'a pas joué son rôle dans cette affaire. I* gouvemcmerû du Congo est, dans le cdre de sa souveraineté, décidê à prendre sês têsponsabilités, ct ttrrus allotts ttous d,ébrouiller naus-mêmcs. Aru Américaiur. aux Russcs ct à tout Ie monde, je dis' quc I'Afriquo demeurera I'Afriquc ct quï n'y a qu'une voic lnur ea prospÉrité, c'est la consolidation de son unité. r Dès le lendemain de la Résolution du 8 aott, le gouvernement Lumumba va procéder à la conæntratiou des meil-

leures troupes et des plus ûdèles dont il dispose au Kivu et au Kasai en vue de préparer les opérations de réduction des séaessions du Sud-Kasaî et du Katang 00. 49. L'Essot du Congo, 8 aott l9@. Catherine Hosrnrs, daw the Congo slnce Indepenîlence (p. 189 et guiv.), confirme le processus de la décision du gouvemement Lumumba. 50. C'est ce qui expliquera sa faiblesse lorg du coup d'Etrrt do

Mobutu. Celui<i avait coûsêrvé dans la capitale et aux abords de odld scs paracommandos formés avec l'aide du géaéral marocain 54

Kôttad. tlg plhient constituer la æule forco armée efficace de llopold. villc à un mornent où les troupes û<IèIes à tumumba, qui *avaii pai préfu q coup dans le dos,, étaient entièreoent engaga€s'dans t* rationr À 3 000 tilomè:tres dc là.

dré-

55


r A notre estime, le Katanga a oouru le plus grand danger, lorsque, vers la mi-aott, il était menacé au Nord 1nr deux mille soldats lumumbistes auxquels étaient opposés les trente soldats kataûgais du peloton Tchene et à lbuest, par l'avance de l'année nationale au Kasai. r

Il est prticulièrement significatif que lorsque I'O.N.U. décida, contre tout droit, de créer, pour la protection du

La quecdon lntangslse celsc d'être une ( sffaire lntérieure

)'

lvec la conplicité

de

LON.Ù.

décide rm cessez.Ièfeu

Mobutu C'est alors que

meût atteint

portant le cynisme à un comble rare'

le Secrétaire

que I'affaire katangaise

général de I'O'N'U' considé-

n'est plus une affairc inté' rieure et que I'O.N.U. a le droit de s'immiscer dans son non pour ramener ces territoires dans le sein règlement de I'Etat congolais mais pour interrompre I'action mili' tairc en cours, alors qu'clle nc ren@ntre pratiquement aucune résistance, et imposer aux forces gouvcrnementales un r cessez-le-feu r bientôt suivi d'une retraite' L'affaire nera

est intérieure lorsqull s'agit d'assurer I'intégrité du terri' toire. Elle cesse de l'être lorsqu'il s'agit de protéger, en

fait, la

sécession.

M. M. (initiales de Marc Mikolajczak), directeur

dc

I'un des hommes les plus proches de Moise Tshombé, fera quelques mois plus tard dans un éditorial de son journal6r cet aveu de taille qui montre la prtée réelle du r oessez'le'feu r imposé par I'O'N'U'

Katanga, une zone neutre de 55 krh de part et d'autre de la froatière, elle dut organiser un pont aérien pour évacuer les troupes congolaises qui avaient prénétré au Katanga au cours de leur offensive victorieuse. Ce pont aérien transporta plus de deux rnille cinq cents soldats 6s et les ramena sur leurs bases. Plus de quinze cents d'entre eux furent ainsi ramenés à Stanleyville. tr dagissait d,homnes originaire de la province orientale fidèles à patrice Lumumba et quï n'était pas question de renvoyer dans la capitale où ils auraient pu appuyer Ie gouvernement légitime contre la garde prétorienne que s'était constituée Mobutu et qui faisait la loi dans la capitale. a

Pour réaliser le c cessez-le-feu r sur le terrain des opérations, le secrétaire général de I'O.N.U. avait besoin de

I'aval d'un cbef militaire congolais. C'est le colonei Mobutu qui ordonnera Ie cessez le feu

68.

L'essor du Congo et

51. L'Essor du Congo, 3G31 ddccmbro

56

196().

52. Toute

Ia presse des 19-21 et 22 septembre

1960,

biographe, Francis Monheim (Mobiiu, lmomme seul, p. !2!o!le reconnait expressément qui f", au Sud-Kasaî. Comme I'attitude du"ncornmàndant "e "on".À" à chef, "pgratiàn, l"-E;r; Lundula,-exclut qu'il 51:

ait tui-même donné un tif orUr., ce peut etre que sur I'ordre de Mobutu que les troupes engagées au ne fatanga Ànt, elles aussi, déposé les ârmes, ( Lc coroner uàuitu est éccuré. sans consulter personne il donne ordre à scs troupes de revenir à Lédfi: 57


C'était évidemment une trahison. Alors que les armées de la République du Congo, ne rencontrant plus aucune résistancp, allaient mettre fin aux deux sécessions qui, si eUes étaient consolidées, rendraient le pays invivable, alors que le Secrétaire général des Nations Unies, après avoir refusé de réduire ces sécessions, voulait empêcher que le gouvemement aongolais accomplisse lui-même cette tâche qui s'imposait à lui, il n'est pas pssible d'appeler autrement que trahison le geste d'un officicr supérieur, qui, sans ordre de son gouvemement, sans I'acrord de son ministre et au mépris dc I'autotité de son commandant en chef qui, à Luluabourg se trouve plus pês du terrain des opérations, prend la responsabilité d interrompre le cours de celles-ci. Ce geste devait avoir lnur conséquence la réinstallation à Bakwanga du r gouvernement D de la prétendue république minière du Sud-Kasai et la consolidation de la sécession katangaise.

tr devait être salué comme un sucês inespéré par tous les ennemis du Congo. Cette attitude était d'autant plus surprenante que c'était en grande partic Mobutu qui avait étab[ les plans des opérations en sa qualité de chef d'état-major 0r. ville. Lundula, qui sc trouve à Luluabourg, voit donc revenir

bommes et le général entre dans une rage folle.

Il

ses

se rend aussitôt dans

la capitale et va voir Lumumba. Celui-ci, tout entier à sa conférence

d€s Etats Africains, ignore con chef d'état-major.

tout de la décision de Mobutu,

Il convoque

Je suis ministre de la Défense nationale, dit-il à Mobutu, et ie ae- suis au courant de rien. Vous, vous n'êtes qu'un simple colonel Gt vous ordonnez le cessez.le-feu sans même consulter votre oornmaûdant en chef, le général Lundula, n'était pas à Léo, répond Mobutu, je ne pouvais donc - leLundula pas consulter. Quant à moi, j'ai pris mes responsabilités. r 54. c The details of the plan of attack were worked out by Mobutu and Lundula. r (Catherine Hosrrns, The Congo since Independence, p. 190,) c Le colonel Mobutu a préparé les plans de cette opération militaire, r (Moxneru, op. cîc., p. tl4,)

t8

D'autre part, si des exês avaient été commis à l,occasion de la prise de Bakwang'a - exês qu'avec beaucoup de légèreté ou de mauvaise foi des ennemis du Congo qualifièrent de génocide ceux-ci ne p,ouvaient être re-

-

prochés au gouvernement congolais mais étaient une consé-

quence lointaine du conflit Baluba-Lulua que l,administration coloniale avait rallumé à la veille de I'indépendance 66. Ces excès qu'il appartenait à lbrmée - et par conséquent à Mobutu aussi de réprimer, n'enlevaient - et urgent des opérations rien au caractère indispensable menées en vue d'assurer I'intégrité du territoire et ne pouvaient en aucune manière justifier un arrêt unilatéral de I'expédition et une retraite qui devait entraîner des excès intniment plus graves et plus durables et notamment le génocide, - réel celui-ci et organisé, - des Baluba du Katang"a par Tshombe-Munongo et leurs q affreux n. Cbt atignement de Mobutu sur les volontés du Secrétaire général de I'O.N.U. était d'autatrt plus inattendu qull avait

été en grande lmrtie responsable de la détérioration des relations entre les forces de I'O.N.U. et le gouvernement de Patrice Lumumba. tr avait personnellement tenu, à la face des journalistes étrangers, à I'occasion d'un incident survenu sur un aérodrome où des officiers canadiens de I'O.N.U. avaient été brutalisés par des militaires congolais, les propos les plus saugrenus dont la presse mondiale s'était indigDée ou gaussée. L'incident était dt, avait affiruré Mobutu, à r uûe méprise due à la chasse aux espions s r et il avait trouvé cette excuse dont le ridicule sera lnrté au débit de Lumumba qui s'en était pourtant lui-même

indipé

:

55. Nous avons consacré

à cette question tout un

titte Le Drame de Luluabourg, Ed. Remarques 56. Ia

Ctré, 19 aott

ouvrage sous le

congolaises.

1960.

59


c Les Belçs ont incorporé des illettrés dans la force pu' blique pour quls ne puissent pas distinguer la différenco entre les insigncs ct documents dcs casques bleus et dcl mititairps belges 67. r

Rien ne semblait donc préparcr ce jeune colonel, plur solidaire que n'importe quel ministre des excès et des, ridicules de son armée, à se présenter quelques jours plus tard comme ltomme providentiel de fO.N.U.8. Faut-il voir une des raisons de cette conversion dans le fait quo la solde des militaires de Ilopoldvillc n'était plus payéc depuis quelques semaines et qu'e[e le sera bientôt par lo colonel Mobutu grâce à I'intervention du général Kettani, du cadre des forces de |O.N.U. ?

Ies deux hommes, a été l'æuwe

à Ia fois des conseillers belges et français de Kasavubu et de la Central Intelligence Agency dont Mobutu était déjà I'homme au Congo.

Andrew Ttrlly, Ie journaliste américain qui fut pour les années 1958-1961 l'historiographe quasi ofiiciel de la Maison Blanche et de la C.I.A, dans un livre écrit à la gloire de celle-ci 5e, rapporte avec complaisance le rôle que ses hommes ont joué auprès de Kasavubu pour le convaincre de ce qu'il pouvait et devait révoquer Lumumba. Patrice Lumumba lui-même dans son discours à la Chambre du 7 septembre 1960 60 a dénoncé les autres influences qui, conjuguées avec aelle des Américains, ont entraîné Kasavubu à rompre avec un Premier ministre dont il avait été jusque-là solidaire.

La CJA. et lrr < Évocation

ffi

>

Quoi qu'il en soit, une véritable synchronisation va s'éta' blir cntro lcs diverses manæuvres qui vont tendre à l'éli' mination du Prcmicr ministrc Patrice Lumumba. Le 5 sep tembro 1960, à I h 10, lc Président Kasavubu annonce à la radio dc Léopoldvillc qu'il révoquc son Premier mi' nistre. Il n'est plus contestable aujourd'hui que cette révo' cation, qui n'avait été précédée d'aucune discussion entre La Librc Belslque, 19 aott 1960. Cela n'empêchera pas Mobutu, quelques semaines plus tard, lorsque les forces de IO.N.U, lui donneront limpression de vouloir protéger la vie de Lrmumba et dcs hommes politiques lumumbistes et de rechercher un retour à la légalité, de sc liwer à leur égard aux 57.

58.

et ridicules, Après un incident survenu à Stanleyville cntre des militaires de I'O.N.U. et des soudards de la force publique, il allait adresser à ceux-ci un télégrammc les félicitânt e d'avoir engagé une lutte décisive pour la libération du Congo des communistes russês ct de lcurs valets ghanéens, guinéens, égapticns et indiens t (Courrier d'Alrique, 2l ne

mêmes excès

vernbrc 1960).

60

c Tous ces discours dans lesquels on me taxe de communisme, où I'on prétend que j'aurais I'intention de faire au Congo une Union soviétique sont en réalité écrits par les Belges et les Français. J'ai découvert chez le chef de I'Etat samedi demier 01 Messieurs Ghel, Van Bilsen 62, 59. C.I.A. The Inside story, p. 221 : r If president Kasavubu was incertain about his constitutional powers there were American ., officials " who would be glad to offer him counsel.., he wanted assurânces of support in strong quartiers. There upon, he sat at the feet of the C,LA. men, who reminded him that it was whitin his realm of responsibility to depose Lumumba and form a new government. , 60. Le texte intégral de ce discours a paru dans La pensée politique de Patrice Lumumba, p. 345. 61. Le 5 septembre étant un lundi, c'est le samedi 3 septembre que !-umumba s'était rendu chez Kasavubu. 62. Auteur du plan de 30 ans qu'avait si mal accueilli I'opinion belge en 1955-1956. Il avait été le conseiller de I'Abako à la Table Ronde et conservait la confiance de Kasavubu. Il venait d'être nonrmé c conseiller juridique I du chef de I'Etat (Ctté, 2O-Zl âott 1960), Avanr son entrée en fonction, il s'était rendu aux Etats-Unis et avait été reçu par le Premier ministre belge Eyskens. pierre Davister (Katanga lyiey-du monde, p. 207) avait pu écrire : c Le Roi Kasa, épaulé par M. _V"o Bilsen, sortait de son long silence pour révoquer p. Lumumba et plusieurs de ses ministres. r

6t


I'avocat Croquez 63, bref tout un état-major installé là-bas pour élaborer tous ces plans qui tendent à la balkanisation du Congo ! r Lumumba n'a pas été avisé de sa c révocation D et ne I'apprendra que par un ami qui a entendu par hasard la communication de Kasavubu, curieusement insérée dans la leçon d'anglais. Il se précipite aussitôt dans I'immeuble de Ia radio où il prendra la parole à trois reprises entre 9 et 10 h 30 du matin... Il déclarc notamment 0a :

r Je vous annonce qu'un Conseil

des ministres se tiendra ce soir pour el4mins1 la situation qui vient de se créer par la déclaration inattendue de M. Joseph Kasavubu qui a publiquement trahi la nation. Je n'ai pas été consulté par

M. Kasavubu, ni aucun ministre, ni aucun parlementaire. La démocratie exige qu'un gouvernement ne peut rép.er que sIl est élu par le peuple et sT a la confiance du peuple. Cette confiance nous I'avons 66. Nous avons prouvé Davister avait d'ailleurs au moment même de l'événement (Pourquoi >, 16 septembrc 1960) rêlaté comme suit le propos do Kasawbu : r A Jef Van Bilsen, gon consciller juridiquc, il dit simplement un soir : Je vais supprimer la caaaillo. r Ce mêmo M. Van Bilsen eera I'un dcs premiero à faire le pèlerinage à Elisabethville, capitale du Katanga en sécession (Eswr du Congo, 13 octobre 1960) que le geste de Kasawbu vient si opportunément de Pas ?

sauver.

63, Il s'agit de cet avocat parisien qui, à la demande de I'abbé Youlou, vint à Léopoldville défendre certains leaders de l'Abako, notamment Kasavubu, après les événernents du 4 janvier 1959. Depuis lors Maître Croquez est devenu, devant les tribunaux parisiens, I'avocat attitré de Mobutu chaque fois qu'un livre déplaît à celui-ci (MursNor, Entenons les Zombies

;

KlMrraru, La grande mystilication

du Congo Ktnslasa). 64. Ce texte tgure à la faæ, 4 des disques joints à Lumumba Patrbe, I*s 50 dernters iours de sa vie, de HErNz et Donmv, 6J. Iæ problème de la léealité ou de I'illégalité de la révocation par Kasavubu de son Premier ministre dépasse le cadrc du présent ouvrage. Nous avons traité cette question dans Remarques congolaîses no 31-32. 5 septembre 1960. Nous y démontrons que I'article 22 de lz Loi fonloi belge reproduisant purenent et simplement des disdamentale

-

62

au peuple, au monde entier, que le gouvernemett national et populaire que vous avez librement élu pour défendre vos intérêts, pour défendre votre patrimoine national, ce gouvernement a travaillé jusqu'ici dans I'intérêt supérieur

de la nation. r Par une singulière coincidence, le Secrétaire général de I'O.N.U., sous le prétexte de rendre effectif le cessez-le-feu pour lequel il avait si opportunément obtenu I'aval de Mobutu, mais, en fait, pour empêcher le retour à Léopoldville

des forces tdèles à Patrice Lumumba, bloque au même moment tous les aéroports. Le gén&al en chef Lundula qui se trouve à Stanleyville va tourner vainement au-dessus de I'aérodrome de Léopoldville sans pouvoir attenir. Il en sera de même du colonel Mpolo, un fidèle qui sera tué plus tard en même temps que Lumumba et le président du Sénat Okito. Kamitatu, président du gouvernement provincial de Léopoldville, qui était en tournée à Gungu et qui a fait connaitre par phonie à Kasavubu son désaccord, s'est procuré un avion et veut rentrer dans la capitale, la capitale de son gouvernement provincial. L'O.N.U. lui interdit de décoller. Pendant plusieurs jours, ces trois hommes qui, sur place,

auraient dt apporter leur appui à Lumrrmba et à son gouvernement seront empêchés de joindre Léopoldville. Ce blocage de tous les aérodromes du Congo n'empêpour la honte de I'O.N.U. et de son Secréchera pas

-

- I'atterrissage, le mercredi 7 septembre, sur I'aérodromc d'Elisabethville, d'un DC 7 de la Sabena taire général

positions de la Constitution belge, en I'espèce larticle 65 qu'auctn roi des Belges n'a jamais appliqué devait être considéré comme nul et non avenu pqrce que- contraire- à la volonté des représentants propeuple vigoires du congolais qui, dans les résolutions eè h Conferênce de la Table Ronde n'avaient conféré eu Président de la Républiquc que des pouvoirs eftremement restrictifs.

63


porteur d'une cargaison d'armes belges (neuf tonnes d'aræ. mes de petit calibre) à l'usage des forces de la sécession Comme il faut à tout prix réduire Patrice Lumumba à I'impuissance, le Secrétaire général de I'O.N.U. fait occu' per par la force armée l'immeuble de la radio dont I'accès sera interdit désormais.

Patrice Lumumba sera frappé par cette mesure, alors que Kasavubu pourra faire à la radio installée sur le territoire tout proche du Congo.Bnzzaville toutes les déclarations

gu'il voudra. Cette synchronisation des moyens mis en @uvrË par tous ceux qui nbnt plus d'autre but que d'abattre Patrice Lu' mumba 0? n'empêchera pas celui'ci et son gouvernement de se faire i2lebisciter par les chambres législatives. 66. Voir la presse du 8 septembre 196O notamment Le Peuple de cette date. Ausii Cozgo 1960 de C.R.I.S.P., tome II, p. 7&2 et suiv. 6?. Au mépris des intérêts profonds et de I'avenir du pays. C'est ainsi que la r révocation de Patrice Lumumba et le répit qu'elle va donnei à la sécession r (Marc Mrcorrczm ecrit dans L'Essot du Congo

du ?

arrêtéo

la

: r La menace militaire sur le Katanga est vont accélérer le recrut€ment des mercenaires au sêrvice de

septembre 1960

rf

sécession.

Lc colonel ThIxQuEn, dans Notre guefte au Katanga, p' 12, recr&

l,atmosphère du moment I c C'cst alors qu'à travers le monde dans les bars louches de Johannesbourg comme dans les mess d'officiers parachutistes des Djebels, aux alentours de la place dc Brouckère iomme parmi les pieds-noirs du Maroc et de Tunisie, le bruit com' pourrait reprendre du service -.oçu à courir que tout ancien militaire itt.t*"terir au Katanga, que les soldes étaient appréciables' "o-àe que le " baroud " était à prévoir. Il n'en fa[4! pT plus pour que- de Éelgique, d'Afrique du Sud, d'Afrique du Nord, du Proche'Orient rnêàe ei du Canada, une bande d'âventuriers dans le sens précis du mot tt qui court les aventures " et non dans le sens péjoratif du mot, tente de gagner ce Katanga, cæur et richesse de I'Afrique... La majorité d'entre eux, cependant, était composée de Belges' I Én Belgique le recrutenent dans les cadres de la gendarmerie et- de la police L-faisait quasi officiellement sous le couvert de I'aide techniqo". Dtt centaines àe gendarmes belges et de très nombreux policiers ien allèrent au Katanga, renforcer les cadres de la c gendarmerie r de Tshombe. De nombreux officiers et anciens officiers de la force publiquo repartent comme ( technicieng ! au Katanga, en accord avec ies ministres des Affaires africaines et des Affaires étrangères.

64

Dès le 7 septembre, la Chambre des Rcprésentants, par 60 voix contre 19, déclare nulle la révocation du Premier ministre. Le lendemain 8 septembre, le Sénat à son tour, par 4l voix contre 2 et 6 abstentions, vote la confiance au Premier ministre. Le 13 septembre,les deux Chambres réunies votent une motion accordant les pleins pouvoirs à Patrice Lumumba par 88 voix contre 25 et 3 abstentions. Le 14 septembre, Ileo, qui a été désigné comme Premier ministre par Kasavubu mais qui ne s'est jamais - et pour présenté devant les Chambres, nomme, dans la cause matinée, Mobutu commandart en chef de I'armée. Iæ soir, Mobutu, au cours d'une conférence de presse donnée sur la terrasse de I'Hôtel Régina, proclame son pnemier coup dEtat. L'armée congolaise, dit-il, a décidé de neutraliser le chef de I'Etat, les deux gouverDements en présence, ainsi que les deux Chambres législatives jusqu'à la date du 3l décembre 1960. Tout le monde a compris qu'en fait cette mesure ne vise que Lumumba et le Parlement. Mobutu annonce qu'il confie le gouvernement du pays à des c techniciens r congolais. Il a rappelé de Belgique, à cette fin, un lot d'étudiants de I'Université catholique de Louvain qui constituera, sous la présidence de Bomboko qui, comme pour faire bonne mesure ou à titre d'alibi est, lui, étudiant à I'Université libre de Bruxelles, au Collège des commissaires généraux. _ C'est ainsi que cette c armée I qui, au moment où le gouvernement Lumumba fut empeché de mettre fin à la sécession au fatanga, comptait c une centaine de soldats seulement armés à la diable -ei tout juste capables de défiler à moitié correetement , (Croisettes et Casques Blancs de DavrsrrR et ToussArNT, p. 55) allait en quelques mois atteindre plus de 2 000 hommes avec lesquels le gouvÀement congolais ou I'O.N.U. auraient à découdre, sans parler de la flotæ d'avions à réaction c Fouga-Magister que I'argent àe I'Union Minière ', permettra à Tshombe d'acquérir. 65


w" Avant d'analyser la suite des événements, avec désor' mais comme objectif principal le rôle que Mobutu va y jouea il nous faut étudier le personnage, rechercher qui €st, au juste, ce Mobutu qui, pour s'emparer du lnuvoir, vient d'arrêter I'offensive victorieuse des troupes gouvernementales au moment où elles vont metûe fin à la sécession des deux régions les plus riches du pays, et qui, par la force des armes, a décidé de réduire à I'impuissance le Premier ministre du Congo, le gouvernement choisi et soutenu par le Parlement et pâf, le peuple et de fermer les Chambres législatives elles'mêmes.

Qd

oct Mobutu?

Né à Lisala le 14 octobre 1930, d'Albéric Bemann cuisinier des pères capucins de Molegbe et de Marie-tvladeleine Yemo (qui venait de s'échapper du harem d'un grand chef dc la région dont cllo avait été environ la soixartièmc épouse et à qui cllc avait donné quatrc enfants), il avait reçu au baptême les prénoms de Joseph-Désiré et-le nom d'tm oncle: Mobutu, qui avait été guerrier féticheur : Mobutu-Seko-Kuku æ. tr fait ses études primaires en partie chez les Pères dc Scheut à Léopoldville, en lnrtie chez les Frères des écoles chrétiennes à Coquilhawille. Le 13 février 1950, à 20 ans, après une ?nnée, semblet-il, d'études moyennes, est enrôlé dons la force publique.

il

68. Renseignements fournis par le biographe.hagiographe de Mobutu : Francis Monrnnr, dans Mobutu lhomme ,rezl. Disons une fois pour toutes que Monheim était c un ami de longue date D de Mobutu, qu'il avait été son bras droit au Commissariat à I'Information après le premier coup d'Etat et qu'il a indiqué aux dernières pages de son livre, les sentiments .lans lesquels il l'avait écrit : r Si, à travers ces pages, I'admiration et I'affection que je voue à Mobutu apparaissent, malgré tout, que mes lecteurs veuitlent bien mo le pardonnerl Je ne suis qu'un témoin, mais personne ne peut m'empêcher de témoigner avec enthousiasoe. r

66

67


D'abord comptable-adjoint dans le bureau du commandant du camp de Coq, il est envoyé en novembre 1950 à I Ecole centrale de Luluabourg où il suit les cours de secrétariat et de comptabi[té. tr sort de l'école en janvier 1953, cornme secrétaire-comptable-dactylo, entre en cette qualité dans les bureaux du building administratif où il est nommé sergent en avril 1954.

militaire lui laisse assez dc loisirs pour écrire, sous la direction de Pierre Davister, quelques articles pour Aaualités alricaircs . Sa carrière

En

1956, son temps de service

69. Pour donner une idée des sentimentE qui animaient les journalister congolais nationalistes, avant I'indépendance du Congo, à l'égard dc Pierre Davister, il est bon de relire ce qu'en disait Congo, I'heMo-

le

i h

,t

qu'à son évicton, un rôle de conseiller et de confident 20. Patrice Lumumba a fondé le mouvement National Congolais (M.N.C.). Mobutu n'en deviendra membre que le 28 décembre 1958, à lbccasion du meeting donné par Lumumba, Ngalula et Diomi à leur retour du congrès d,Accra.

En awil 1959, Mobutu obtient de faire un stage de journalisme à Inforcongo,

à la forcc publique ter-

miné, Mobutu est engagé comme rédacteur à, Actualités africaines et à, L'Avendr, lc quotidien le plus colonialiste de Léopoldville, grâce à I'intervention de Piere Davister, qui passe, au( yeux de l'intelligentsia congolaise, pour le plus colonialiste des journalistes belges @ et qui jouera

madairo des frèrcs Kanza, nem

auprès de Mobutu, toujours, auprès de Tshombe aussi jus-

t

t

19 mart 1960, dans un article ad homi-

à Bruxelles.

Sa présencc en Belgique amènera patrice Lumumba à faire de lui l'un des représentants de son parti à Bruxelles. C'est pendant ce long séjour dans la métropole et, poûr certains, avant même son arrivée en Belgique, que Mobuhr jouera Ie rôle d'indicateur de la Streté belge. tr renseignera celle-ci sur les actions et les propos des jeunes Congolais qui commencent à affluer dans les rmivcrsités et les stages de toutes sortes.

Ce rôle d'indicateur de la Streté a été rappelé par dInnombrables articles et liwes. Jamais Mobutu n'a envoyé de protestation.

a

e TIr n'ec pâs aEsez clairvoyant pour tc rcndre comptc quc les temps ont changé, Les temps oir I'on ., bouffait !' impunément du nègre ; les temps, où à longueur de colonnes, tu te distinguais dans

fl

tes " coins d'ombre " ; les temps où enremble avec ton rédac.rhcf de l'époque, tu faisais publier dans un quotidien de ln place, der

: " Les noirs sentent mauvais à la poste t'. Ce sont là, confrère, des injures que les nègres, dont la mémoire est très ûdèlc, n'oublient pas facilement. Tu pourrais même aujourd'hui, toi, Davister, " jouer " la carte noire que tu ne serais pas réhabilité aux yeux des Congolais. Car, de tous nos confrères blânca, tu cs sans doute en tête de file des colonialistes butés dont bicntôt lc Congo sera heureux de se débarrasser. Demain, confrère, la presse congolaise s'assainira et son premier objectif sera d'écarter les brcbis galeuses de ton genre. Ifeureusement le groupe dont tu tienr la tête est peu conséquent. Demain, tu devras partir. Nous viendrons te dire ,. adieu " sans

Emest Glinne, à l'époque député au parlement belge, aujourd'hui ministre du gouvernement belge, écrivait dans I.a Gauche du 24 septembre 1960:

phrases telles

rancune,

i{ ir

fr ,4:

r Et même pour prouver que nous sommes des .. gentlemen ",

que tes valises.

nous passons l'éponge, nous sommes prêts à t'aidor à faire ( Ne penses-tu pas que le plus tôt sera lc mieux pour toi ? r

70. Pierre I)avister qul, ea quittant pourquol pas ?, avait f.ondé, Spécial au- moyen de capitaux très importants verséJ par Moise Tso_Le ei défendra sa ,politique pendant qu'il sera a h iete du gouvernement de Léopoldville, passera ayec armes et bagages au service-de f"f"U"i", immédiatement après le coup d'Etat du 2j iovembie 1965, ,arn aotr" transition que celle-ci (Spécùzt, 3 décembre 1965) : r Du coup, les éléments politiques, économiques et humains chan_ gaient nécessairement du tout au tout ; de Tihombiste, I,avenir du

Congo devenait Mobutiste. C,est un fait, et le réalisme d'en tenir compte. t "or*und" Depuis lors, Spécial n'a pas cessé d'€tre Ie journal officieux de Moburu B_rrxeUes, ce qui I'a fait appeler pa, uo h.bdo-adaire _à satirique : la Voix de son Nègre.

68 69


c Jorirnaliste à. L'Avenir quotidien de Léo, M. Mobutu y était aussi indicateur de la Streté ! r Michel Merlier, dans son liwe Le Congo de Ia colonisation belge à findépendance 7r, parlait de r Mobutu, ancien agent de la Streté belge r. Remarques atricaînes en 1966, p. 34, après que ma collaboration à cetæ revue eut pris fin, écrivait en parlant de Mobutu au moment de son premier coup d'Etat :

r

Pourtant le colonel Mobutu semblait à cette époque fidèlement attaché à Patrice Lumumba auquel il devait son ascension rapide: petit journaliste, à I'occasion indicateur de police, Lumumba en avait fait d'abord son secrétaire à la présidence du Conseil, ensuite un colonel chef d Etat-Major, tous les observateu$ et tous les témoins du drame s'entendent d'ailleurs pour décrire Mobutu cornme un être falot et velléitaire. r C'est au cours de la Conférence de la Table Ronde à Bruxelles que Patrice Lumumba apprit le métier accessoire qu'avait exercé son jeune protégé. U n'attendit pas que Mobutu s'en excuse pour lui accorder le pardon le plus entier en lui disant qu'il le comprenait, que sa bourse de stagiaire ne lui permettait pas d'entretenir sa famille, mais que maintenant c'était fini, que I'indépendance rendrait inutiles de telles compromissions, etc. Les délégués du M.N.C. à la Table Ronde et quelques autres connaissaient I'incident. Pierre De Vos dans Vie et mort de Patrice Lumutnba rappelant lui aussi que Mobutu avait été indicateur de la Sûreté belge (p. 85 et 87), rapporte les propos que Lumumba lui a tenus à ce propos : 71. Editions Maspero, Cahiers [.ibres,

no l2-3!, p.

321.

'

q Je sais que Mobutu a servi la Streté, mais il faut se replacer dans I'atmosphère dans laquelle nous avons vécu à cette époque.

e Les Belges nous payaient mal, nous devions élever nos enfants dignement, un billet de cent francs permettait d'équilibrer le budget. Mobutu en a eu besoin et je comprends

quï

ait accepté, comme tant d'autres, de jouer aux in{icateurs. Maintenant quï est chez moi, c'est bien fini. r (P.240.) Serge Michel, dans Uhuru Lumumba\ pouvait s'indigner de l'attitude de Mobutu e neutralisant r patrice Lumumba :

(

lnur les " grandes agences " occidentales, bafouant son bienfaiteur, I'homme qui lui avait pardonné son passé de mouchard au nom de la souffrance de ses frères [...] r posant

et rapporter 1p. 97) oette croustillante anecdole d'un Conseil

de ministres tenu chez Lumumba quelques jours avant son éviction

:

c Il faut régler ces problèmes de presse, dit Lumumba. Mobutu crie: " Tous des espions, les joumalistes. Je le sais. Je lhi été." r C'est un agent de la Sûreté, M. Henry, qui est le parrain d'une tlle de Mobutu ?s. o

Il

est assez normal eue, de la Streté belge, Mobutu ait passé, au bon moment, dans les servicps secrets américains en I'espèce la C.I.A., la Central Intelligence Agency72. Editions Julliard. 73. Moxnrru, op. ctt.,

p.

90.

70

7r


Ç

Sur ce point, I'on dispose d'une source indiscutable: Andrew Tully, I'historiographe officiel de la Maison Blan' che pour la période 1948-1961 et de la C.I.A. Passant en revue dans son livre C.I.A. Inside Storyz* les interventions de la C.I.A dans les différentes régions du monde, ses échecs, ses suôês. Tully vante la découverte par la C.I.A" de Mobutu: c l'homme fort r du Congo. c On peut dire, écrit-il, sats peur de so tromper' que Mobutu fut " découvert " pat la C.I.A. r Rappelant le rôle joué par la C.I.A. auprès dc Kasavubu pour lc pousser à révoquer Lumumba ?6 et les difficultés auxquelles cette révocation donna lieu, T\rlly écrit :

r

C'était évident que l'indolent Kasavubu n'était pas un adversaire pour Lumumba, ,mais la C.I.A. disposait de I'homme qui devait prendre I'affaire en charge au nom

de Kasavubu. q Cet homme était évidemment Joseph Mobutu. A dater du 14 septembre, il émergea comme I'homme militaire. ment fort du Congo. Avec I'assentiment de Kasavubu, Mobutu entra en fonction... r Puis évoquant le collège des commissaires-étudiants, mis en place par Mobutu :

c Le Collège des Hauts Commissaires, avec I'aide de la C.I.A., mit la main sur une série de lettres de Lumumba... r A Ia grande joie de ses patrons américainsi un des premiers actes de Mobutu, en assumant le pouvoir, fut de chasser du pays ces " techniciens " russes et de confisquer cette littérature. <

Cependant Lumumba demeurait comme une épine dans

le flanc du régime Mobutu. 74. New York, 1962, p. 221. 75. Voir plus haut, p. 62.

72

r L'homme fort du Congo ordonna la capture de Lurii::. avant qu'il atteisnît Stanleyville. q

Pour brutale qu'elle soit, on ne pouvait nier que la mort

dc Lumumba avait purifié I'air et créé une

atmosphère

où I'on pouvait passer à I'unification du Congo

76. a

;l

r{

l

iq

;

Un autre historien américain, Charles P. Howard Sr u, rappone que bien avant son coup d'Etat, Mobutu avait été, pendant tout le mois d'aott 1960, I'hôte nocturne de I'ambassade des Etats-Unis, jusqu'au jour où il disposa d'assez d'argent pour assurer la paye de I'armée et renverser le gouvernement : e It was common knowledge among in formed sources in the Congo, that during the month of August 1960, Mobutu was a constant nigbt time visitor of the United States Embassy in Leopoldville. Shortly afterwards he turned up with enough money to undermine tlre Lumumba government; being able to pay the army and take over. r L'ambassadeur des Etats-Unis à ce moment étaurt M. Clare Timberlake qui allait prêter son hétcoptère perUne déclaration récente du générat Neguib (voir Ze Monde, 1973) à qui la C.I.A. avsit voulu faire iouer, à l'égard de Nasser, le rôle imparti à Mobutu à l'égard dc Lumumba permet de faire un intéreesant recoupcment. Dans son liwc, Andrew lirlly, parlant du rôle de la C.I.A. en Egypte avait écrit, p. 104 : c In any event, Neguib was C.I.A.'c man r; p. 106 : r At least on thc surface, Neguib 76.

4 aott

had emerged as Egypt's " strong man ". I Il emploie donc pour le général Neguib les mêmes expressionc que pour Mobutu, dans le chapitre consacré au Congo, Les révélations faites par le général Neguib ca 1973 sont particulièrement signiûcatives : r Iæ général Neguib explique ainsi qu'à deux reprises, en 1953 et 1954, les Etats-Unis, par I'intermédiaire de Ia C.I.A., lui offrirent de I'aider, avant son éviction, contre le coloncl Nasser. Il a refusé, explique-t-il encore, parce qu,il n'admettait pas lidée de " rechercher un soutien étranger pour rester au pouvoir t'. r 77. Freedomways, vol. 2, ro 2, Spring 1962, New York, p. 145.

73


tr''sonnel pour faciliter

la

recherche

de Patrice Lumumba

après sa fuite...

Trois ans plus tard, Mobutu recevait, aux Etats-Unis, la récompense officielle des services rendus par lui. Hôte du général-chef d'état-major américain, il allait recevoir, sur I'ordre du Président Kennedy, la plaque de commandeur de Ia Légion du Mérite 78 avec la citation suivante : r En nettoyant son pays des éléments étrangers communistes, il a prouvé qu'il était le gardien de ta liberté et ' uu ami des nations libres du monde. n Quelques jours avant, le chef d'état-ma,ior des EtatsUnis et Mrs Wheeler, son épouse, avaient eu pour Mobutu, une délicate attention, en lui faisant retrouver au club des ofliciers du Fort Lesley: a un vieil ami, I'ancien ambassadeur au Congo, M. Clare Timberlake, qui connut le général avant qull ne s'élevât au pouvoir r ?9.

Avant le coup d'Etat, il nY a pas plus c anticalotin r que Mobutu. A Bruxelles, il n'y avait pas de disciple plus fervent du minigfis Buisseret, franc-maçon et anticlérical notoire. A qui voulait I'eutendre, il disait quï était peut-être le seul Congolais athée, et il se gaussait de ses compatriotes qui se disaient socialistes mais qui n'en étaient pas moins des mystiques.

Au lendemain du coup d'Etat, son tdèle Pierre Davister l'interroge æ :

k

I

78. Peuple,23 mai 1963 La Llbrc Bclghue, 2J-26 79. Lc Progrès de llopoldvllle,30 mai 1963. 80. Pourquol pas ?. 26 novcobre 1960.

74

t

mai

1963.

a

liste.

Pas de souffleurs en coulisse ? demande le journa-

dit-il. C'est le bon Dieu qui m'inspire. -< JeSi,crois avoir mal entendu. Celui qui me parle ainsi est-il bien le même homme que celui qui s'enorgueillissait jadis d'être l'ami et le disciple de M. Buisseret, anticlérical et franc-maçon notoire. Mais mon interlocuteur est sincère et croit à l'inspiration divine. Les temps ont simplement changé. r Que s'est-il passé ? Patrice Lumumba n'est pas lnur les Américains seulement I'homme à abattre. I-es milieux pligieux du Congo, dont nous avons vu plus haut la haine de l'athéisme, ne lui pardonnent pas que dans le programme gouvernemental que, malgré les soucis qui accablent son gouvernement, il est parvenu à déposcr le 20 juillet 1960 sur le Bureau des Chambres 8r, il soit dit :

c Le gouvernement s'engage à assurer aux habitants de la République les grandes libertés h rmaines, en tout premier lieu la liberté de religion. c Lo gouvernement empêchera par tous les noyens qu'une religion quelle qu'elle soit, soit imp,osée directement ou

indirectement notamment par la voie de I'enseignement. A cet efiet, il proclamc la séparation absolue entre I'Etat

et les Eglises. a Le gouvernement demande aux religieux et religieuses de toutes les confessions de rester dans leur domaine propre, le culte, I'enseignement de la religiou, les euvres de charité et de ne pas utiliser l'enseipement comme moyen de propagande politique. 81.

Le texte en a

p. 374 et

été

publil daos

Renarques Congolaîses, 1960,

suiv.

75


r e La République du Congo sera un Etat laîc, démocratique, gouverné par le peuple pour le peuple. r

Un tel texte était évirlemment inacceptable pour la hiérachie d'une Eglise qui avait répé jusque-là en maîtresse incontestable. Moins d'une semaine après le dépôt du pro. gramme gouvernemental, Monseigneur Malula, évêque arxiliaire de l-éopoldville, avait fulminé 82 :

r

La religion n'est pas quelque chose d'imp,orté dans ce pays. I* laicisme, au contraire, ce déchet de Ia cîviiï satîon occidentale, importé au Congo par les ennemis ôe Dieu, nbst nullement de nature à nous ennoblir. Faut-il introduire dans notre Congo ce sous-produît de la civili' sation occidentale qui dans certains pays d'Europe a été encore réccmment à lbrigine de luttes scolaires vaines et stériles ? Non. Pous les vrais nationalistes congolais, p,our tous ceux qui aiment sincèrement ce pays, le laïcisme est un attentat à la vie religieuse du peuple bantou dont la vie privée familiale et publique est tout entière imprégnée

de sens religieux. Je fais uo appel solennel à tous ctux qui sont fiers et jaloux de leurs richesses traditionnelles pour repousser Ie matêrialisme athée cotnme le pire des esclavages et comme étant diamétralement opposé à toutes les tendances retgieuses de l'âme bantoue. r L'anticlérical Mobutu avait w là une cart€ à jouer. Léopoldville valait bien une messe t Dès ce moment, il recewa les encouragements de la presse catholique, spécialement de Présence congolaise, organe proche de Mgr Malula s :

c Colonel, nous fondons de grands espoirs sur vous. Finies toutes les mesures de clémence vis-à-vis des ennemis de la nation. Tous les perturbateurs hors d'état de nuire, s'il vous plait. Combattez aver la demière énergie le lumumbisme jusqu'au bout. c Nous sommes derrière vous et nous vous soutenons puissamment, sans réserve.

r

C'est le même joumal qui, le 14 janvier 1961 réclamera, le premier, le ûansfert de Lumumba de sa prison de Thys-

ville à Elisabethville 8a. Trois jours plus tard ce væu était réalisé et le Premier ministre était assassiné. Au cours du Te Deum, célébré à l'occasion du premier anniysls4ils de I indépendance du Congo, Mgr Malula, promu entre-temps archevêque de Léopoldville, proclamait

s6 :

c Un drame se joue au ceur de I'Afrique. Deux forces s'affrontent au Congo: le matérialisme d'où gu'il vienne et nos traditions spirituelles. Lc Congo est devenu le terrain de leur iréductible antagonisme. La lutte est d'autant plus âpre que le Congo servira d'un magnifique tremplin pour subjuguer le continent africain. C'est avec un c<rlu plein d'angoisse, mes frères, que j'élève ma voix lnur avertir ceux qui sont responsables de ce pays. Il nl a qu'une option possible. " Ciui n'est pas avec moi, dit le Christ, est contre moi

Et

". r

s'adressant aux premiers rangs

c plastronnait

dc

I'assistance où

r Mobutu :

tation du ministre lumumbiste Gbenye. Il y est fait appel r au jeune général pour ieter toute la pourriture de la politicaille dans la pou.

I

29 juillet 1960. E3. Pftsence congolatse, 7 janvier 1961. læs appels à Mobuht sc répéteront par la suite, par excmple, lo 6 octobre 1962, avant I'artes' 82. Lc Counler d'Alrtque,

76

belle 84. Iæ journal avait !a tartuferie de justificr son exigence par r la sécurité personnelle des prisonniers et l,ordrc public de la province de Léo r. 85. Le Courrier d'Alrlque, 11 juitlet 1961.

77


(

Unissons-nous, mes frères. Une poignée d,hommes de bonne volbnté auxquels je rends aujourd,hui un vibrant hommage ayant comme arme leur foi en Dieu et leur

dévouement à la Nation ont

pu endiguer la vague de tyrannie qui menaçait de réduire notre pays à I'esclavage. Nous ne cessons d'invoquer p,our erur Celui qui, du haut des cieux, dirige non seulement les hommes mais aussi les événements. Qu'avec I'aide de Sa grâce, ceux qui ont com_

mené I'euvre de pacification de notrc lnys puissent I'achever. D

Et

commc eT fallait encore une fois pourfendre cetûe qull vomit, Mgr MaIuIa en donne sa déûnition:

idéologie

e Le matérialisme, cette course aux plaisirs, au confort, llntéret égoisûe, cette superstition moderne qui, faisant

à miroiter devant les yeux de ltumanité le mirage d'un

bonheur paradisiaque terrestre, menace d'emberliûcoter certains de nos frères; en réalité cette superstition des pays soi-disant hypercivilisés et surcultivés ne cherche qu'à nous réduire à un esclavage dans lequel les droits de la persoûre humaine, de la famille, et de Dieu, sont littéralement méconnus. r

Patice Lumumba avait vu juste lorsque dans le dernier discours qu'il prononga à la Chambre congolaisq le 7 sep tembre 1960 eô, il s'était écrié : c

rnitisur catholiques, qui mènent leur propagande dans leurs journaux qui provoquent tous les malheurs que nous contaissons; devons-nous p€rmettre cet état de chose ? r En Afrique, tous ceux qui sont progressistes, tous ceux C.e sont tous ces

qui sont pour le peuple et contre I'impérialaismo, @ soot des agents de Moscou !!! r Les terribles démêlés qui oplroseront, en 1923, Mobutu à Mgr Malula et au Vatican lui-même sz, ressemblent fort à un règlement de comptes. Et le prélat doit æ demander, après ce long concubinage qui se tennine par une rupture retentissante, si son Ëglise n'aurait pas pu s,accommoder mieux du laîcisme de Lumumba que de cette solidarité avec un homme qui, apês avoir, avec sa bénédiction, liquidé Lumumba, a successivement éliminé Tshombe, Ka-

savubu, pour régner sans partage et sans contrôle, et qui peut aujourdtui proclamer : e Il n'y aura jamais au Z.altre,

moi vivant, cornme chef de I'Etat, de problèmes entre Dieu, Mobutu et les Zafuois. Mais entre Dieu, Mobutu, les Zairois et les hommes de I Eglisê, oui 88.

QUT ait eu, au lendemain de I'indépendance du Congo et après son coup d'Etat, des habitudes d intempérance, est établi par le témoipage de son hagiographe, Francis Monheim, dont on sait pourtant avçg quelle admirative ferveur il témoigne, lui à qui Mobutu, le lendemain du second coup d'Etat et alors quT le félicitait de sa réussite, avait dit avec une jolie modestie :

r J'ai fait mon petit possible 8e. r 87. L'Agence France-presse, à- Kinshasa (v. Le Solr, 13 juin l9Z3) a accusé les milieui prà"t Vatican de vouloir r intensifier la propagande subversive -"ànir" du pays ,oo r Si cette campaqne de provocation devait continucr" aù il'"n rer,irterait- pour le Vatican des conséquenc., fa"n.or.r,voire même incal-

rapporte que Mobutu

culables.

86. Conso ,960, C.R.I.S.P.,

78

p.

843

ct

E46.

r

", "i-il

r

88. Iaterview d'Etienne Ugeux dans 89. Spécial, 2 décembre i965.

Le

Soir,

r.

7 awil, 197!.

79


Fi c Toutes ces émotions, écrit Monheim e0, après l'évio tion de Lumumba, ont mis les nerfs de Mobutu à tenible épreuve. En cinq jours de temps, le colonel a maigri. de 15 kilos... Il est tellement nerveru( qu'il n'arive plus à manger; le whisky par contre Ie tient debout; il en boit une, puis deux bouteilles par jour. r D'autres témoins sans doute moins bienveillants ont souligné cette tendance. Sergc Michel Dotammsal er, alors secrétaire de presse qui nc quittait plus lc premier minigfrc

Lumumba:

c Mme Lumumba a caché la clé de la cave mais n'a pu refuser une bouteille de champagne au colonel Mobutu vautré dans un fauteuil. q Il se fait servir par Mme la présidente, lia lorgnant comme il l'a vu faire dans les cabarets de Bruxelles. r Serge

Michel rapporte encore et

:

r Les leaders sont en vacances, week-end à la bantouc chez le Premier ministre qui n'est plus que patrice et où chacun

fait ce qui lui plalt; Mobutu boit systématique.

ment et en silence

I

et parlant de la scène de Thysville, où s'est sans doute décidé le sort de Lumumba s8 : c Mobutu boit... Mobutu se saoule.

l

c Lorsque le ministre des Affaires étrangères du Congo' Brazzaville fit une ultime démarche, la nuit précédant l'exé' cution, en faveur des condamnés, il trouva le général Mo' butu ivre-mort ea. r

Pour compléter le tableau, il faut reproduire ici le por' trait que Monheim, au lendemain du coup d'Etat de 1965' toujours un peu amoureux de son modèle, a brossé de Mo' butu

e6.

c Autodidacte, grand amateur de musique classique, lec' teur assidu de journaux et dtebdomadaires auxquels il est abonné, grand sportif (football, équitation, parachutisme, etc.), admirateur de Tisot et surtout du général de Gaulle, aimant la bonne chère et les bons mots, adorant taquiner ses amis, très à I'aise dans n'importe quel milieu, déteudu' affable, Joseph Désiré Mobutu est un personnage fascinant dont la gravité u'exclut jamais une certaine insouciance et dont I'intelligence est empreinte de slnntanéité. Mobutu est, dans le vrai sens du mot, un humaniste.

Un tel éloge reud un fâcheux écho. Il existe des por' traits très semblables de dirigeants nazis et de chefs de la Gestapo, eux aussi grands amateu$ de musique classique

entre deux < interrogatoires r. c Humanistes heures et très tendles avec leurs amis.

Il

semble que de tels excès se soient produits par la suite, au moins en une âutre occasion où Mobutu ne devait pas

avoir bonne conscience. Nous paderons plus loin pendaisons de la Pentecôte. Rappelons ici que : 90. 91. 92. 93.

80

Op. cit., Mobutu.l'homme seul, Uhuru Lumumba, p, 147. Op. cit., p. 197. Op. cit., p, 252.

p,

I

des

l4g. 94. Pourquoi pas?, 18 mai 1967. 95, Spécial,25 novembre 1965.

I

à

leurs


t"l Dès le mometrt où Mobutu c ueutralisa r Patrice Lu' mumba, celui-ci fut privé de sa liberté. Il n'eut plus aucun accès à uue radio quelconque alors que Kasavubu continuait à faire des déclarations à Radio-Brazzaville et à la

Retour à I'hlctolre Lec ruitec du coup d,Etat du colonel Mobutu

La réaction du premier minisfse patrice Lumumba et de son gouvemement ne se fait pas attendre. Dès le matin du 15 septembre 1960, le gouvernement rend public le communiqué suivant :

Radio-Makala, cette radio clandestine offerte Imr des milieux belges et katangais aux adversaires de Lumumba. Placé en résidenoe surveillée dans sa demeure, il vit renforcer cette surveillance par Mobutu à chaque sortie qu'il parvint à faire dans la cité,.In cordon dc soldats mobu. tistes affecté à sa garde ne cessa de grossir. a

r Le gouvemement central de Ia République du Congo

L'appel que le colonel Mobutu fit aux jeunes universitaires congolais de Belgique n'était pas fornrit.

les impérialistes lrour jouer un coup d'Etat contre le gou_ vernement légal et p,opulaire. n

Depuis le début de septembre, oes jeunes gens fortement influencés par leurs maîtres et trnr le milieu belge furieusement excité contre le Premier.ministre du Congo, avaient pris des positions dont certains durent avoir honte par

porte à la connaissance du peuple que le colonel Mobutu, chef d'état-rnajor des forces armées, a été corompu par

Et Patrioe Lumumba lui-même, au cours de la dernière sortie quT parviendra à faire, traqué dans léopoldville par les soldats envoyés par Mobutu pour I'arrêter, déclarera, dans le même hall de ttôtel Régina où le colonel

avait proclamé son coup d,Etat

eo :

r I-e colonel Mobutu me doit tout. Je l,ai nourri alors qu'il était un clochard et il s'est mis maintenant au service des impérialistes. r 96.

82

La Ctté,

ll

octobre 1960.

la suite. L'Association des étudiants noirs de

Belgique, générale ancêtre de I'Union des Etudiants congolais (U.G.

E.C.) lance un appel à la révocation de c l'indésirable Lumumba r e7, allant jusqu'à proclamer :

s Si Lumumba reste au pouvoir nous ne verrons aucun inconvénient à I'attitude séparative de M. Tshombe et d'autres. Nous les encouragerons jusqu'à l'éclatement complet

du pays. 97.

r

La Llbre Belgique,9 septembre

1960.

83


F',' Cette attitude de véritable trahison prise publiquement dans un pays qui encourageait et soutenait, à ce moment, la sécession du Katanga devait, aux yerD( du colonel Mobutu, qualifier particulièrement ces jeunes gens p,our s'emparer de la direction de leur pays. Iæs milieux réactionnaires blancs eutr, en tout cas, étaicnt strs de ne pas se tromper. Ils se vantèrent d'avoir immédiatement fourni à ces étudiants tous les moyens matériels dont ils p,ouvaient avoir besoin, et pour commenoer sans doute, les billets d'avion qui devaient leur permettre d'ac_

courir

à

I'appel de Mobutu. Un périodique d'extrêmedroite æ rapportera quelques jours après le coup d'Etat :

c Quelques homm6s de droite aidèrent les étudiants de Léo à prendre le pouvoir. Je n,hésite pas à révéler quc tous les moyens matériels dont disposèrent les universitaires congolais pour tenter de vaincre leurs adversaires communistes furent procurés par des mililafuss de droite. r

Ainsi que Ie raconte Monheim dEtat proclamé :

s, aussitôt son ooup

r Iæ colonel Mobutu envoie un télégramme

à I'Associa_

tion des Etudiants noirs en Belgique et 4g heures plus tard les premiers universitaires arrivent à Ndjili : Marcel Lihau,

le président de lâssociation, Evarisjs Letiki, fosé baumer [...1.

,

Nuss_

Et comme il faut nornmer parmi eux le président du Collège des commissaires généraux :

tous de Louvain, dit quelqu'un, et que Bomboko est de I'Université libre de Bruxelles, ça tombe ûès bien r00. D

L'un d'entre eux, Mario Cardoso ror qui avait été, lui aussi, membre du M.N.C., avant de recevoir la grâce mobutiste, allait donner le ton. Faisant, au nom du Collège, une première déclaration publique, il proclamait :

c Le colonel Joseph Mobutu s'est fait votre porte-parole, votre interprète. Il est aujourd'hui I'homme qui nous a dé-

liwés du colonialisme communiste et de llmpérialisme marxiste léniniste. Il est aujourd'hui celui qui a comFris le véritable intérêt supérieur du pays: " grâce à I'armée ûationale congolaise, nous ne pass€rons pas d'un esclavage

à I'autre ". r Le colonel a lbccasion de manifester, à diverses reprises, sa conception de la démocratie.

Le 20 septembre 19601% utt communiqué officiel traduisait la conception que cet ancien journaliste avait do la liberté de la presse : r Le colonel Mobutu communique

à la presse ce qui suit :

A partir de ce jour, mardi 20 septembre, et conformément aux dispositions _que j'ai arrêtées, un collège de hauts commissaires chargé de la gestion des départements mi. nistériels vient d'être mis en place. Ce collège est seul ha. bilité pour conduire la politique générale du pays, fairo respecter la légalité et assumer lia représentation de la Râ publique du Congo à l'étrançr.

c Les éttrdiants firent rapidement leur choix sur la personne de Justin Bomboko. Comme nous sourmes presque E-urope Magazîne, 28 septembre au 99. Op. cit., p. lil. 9_8,

84

ll

octobre

1960.

l0o. Op. clt.,9. 152.

l0l. Que la réforme de I'r authenticité r fera appeler plus tard Losembe et quc la justic6 suisse sâuvera in extremis en 1973, & I'extradition réclaméc par Mobutu à cor et à cri. C'est Monheior op. cit,, p. 155, qui a rapporté le texte de sa déclaration. 102. Iâ Gauche,24 septembre 1960.

85


( La presse est tnvitée dorénavant à n'entrer en contact qu'avec ce collège et toute dérogation à cette règle, tendant à faire publier des communiqués contradictoires des partis rivaux, amènera d'office I'arrestation des contrevenants à

I'ordre établi. r de presse ayant relaté que le colonel Mobutu était d'accord pour rouwir le Parlement r si telle était la volonté de la majorité des parlementaires >, Le Coutrîer dAfriquelo avait dt publier, dès le lendemain, Une

dépÊæhe

oette rectification

Léopoldville, une prison a été instituée à Binza 16 où les pires sévices sont infligés aux détenus qui passent parfois des journées entières sans prendre de nourriture. r

Kamitatu dénonce les exactions des militaires de Léo. Il rappelle que chaque jour des hommes sont enlevés de glé ou de force et disparaissent; que des ûllettes subissent les assâuts de militaires qui se livrent à de nombreux viols.

Kamitatu

a pris les mesures pour remédier à

cette

aituation.

:

c Dans I'information publiée hier sous le titre: " Le colonel Mobutu se déclare près à rouwir le Parlement si

telle est la volonté de la majorité des pùlementaires ", prière de lire: " si la majorité des parlementaires désavoue M. Lumamba, je suis prêt à autoriser la réouverture du Padement " et non " si la najorité des parlementaires est de oet avis ", corrlme nous I'avions écrit à la suite d'une mauvaise retansmission du texte. Ceci change évidemment les choses n, concluait Le Counier dAtrique.

Il confirme rotamment avoir envoyé: û une lettre au colonel Mobutu lui demandant de reprendre en main I'armée et de mettre fin aux actes indignes d'une armée dont les responsables eont militaires r. tr affirme: c Nous entrons dans un régime de dictature de I'armée en débandade. r Aussitôt Mobutu réagit violemment rm

:

Le célèbre camp militaire de Binza qui donnera son nom âu Êinza r qui, autour de Mobutu, gouvernera le Congo fusqu'à ce que Tshombe devienne Premier ministre, puis reprendra b pouvoir après le second coup d'Etat jusqu'à ce que Mobutu élimine deux de ses membres : Nendaka et Bomboko, pour régner sans partage. Mobutu et les membres du groupe avaient leur habitation à fintérieur du camp où les para-commandos assuraient leur protection. 105,

. groupe do

Les excès commis par la soldatesque de Mobutu s'aggra-

vent sans

cesse.

Cléophas Kamitatu, président du gouvernement provincial de Léopoldville et qui a dans ses attributions I'ordre et la sécurité de la capitale slnquiète de ces débordements.

Au cours d'une conférence de presse lu il révèle notamment que

:

e A I'insu des autorités gouvernementales de l'Etat de 103.

Le Courrier d'Afrlque, 6 octobre 1960

1960.

104.

86

La

;

Le Monde, E

octobre

Un envoyé spécial do I'agence France-Presse à qui Mobutu fit une déclaration à ètte époque (Libre Betglque, 2.4 oaobre 1960) prikise que, ( pour accéder au nid d'aigle occupé par Mobutu, à cinq kilomètres de Léopoldville, on doit franchir un double barrago de barbelés, Serdé par des commandos en tenue do campagne. < faut pour franchir co barrage, uoe autorisation personnelle du colonel Passé ce double barrage, oa déboucho sur un petit plateau où les quelque trois c€nts soldats qui composent les commandos occupent les villas abandonnées par les Belges. L'entrée elle-même de la villa du colonel est gardée par une auto-mitrailleuse et dix soldats tarocains renforcent la garde personnelle du colonel Mobutu. r Ces soldats marocains constituaient une attention personnelle du général Kettani dont on sait le rôle dans la préparation du coup

Il

d'Etat. presse,

20 octobre

1960.

106.

La

presse

et aotammeût Lc Peuple, 22,Q3 octobre

1960.

87


t'il s Nous allons prendre des mesures draconiennes à la pro-

chaine incartade de

M. Kamitatu r, déclare-t-il.

mitatu se trouve, depuis, au camp de I'Ozone, pour les besoins de I'enquête.

Cela n'empêchera pas Kamitatu de demeurer tdèle à la légalité. Le 29 septembre il avait déjà proclamé quï a'y avait pas de solution possible sans Lumumba. Peu après, dans une conférencc de presse, il avait confir' mé qu'il considérait Lumumba oomme le seul chef du gouvernement malgré sa révocation par le président Kasa' vubu.

Lorsqu'au congrès de Sofia, I'Assemblée gÉnérale des juristes démocrates, composéc de 360 juristes de 47 nations différentes, consacta la légalité du gouvernement Lumumba, Kamitatu publia en première page de son hcbdo' madaire, Solidarité africaîne, le texte de la résolution de Iâ.I.J.D., et une photographie de Lumumba avec la l& gende suivante :

r

Ne vous inquiétez pas, mes chers amis, votre gouver' nement, le gouvernement légal, sera bientôt réinstallé. Mes vacances prennent

finrfi. r

Mobutu entrera en transes. Il cherchera à confisquer les cxemplaires du journal qui n'ont pas été distribués. tr prescrira des poursuites judiciaires contre Kamitatu et, dans une interview où il attaqueru Solidarité africairæ\0g, il dira : e Vous savez que Kamitatu, président du gouvernement provincial de Léopoldville est l'éditeur responsable de cc journal contre lequel une action judiciaire est en cours. c Les policiers militaires se sont rendus chez M. Kamitatu et I'ont arrêté. Cela se passait jeudi après-midi. M. KalO7. 108.

88

Le Monde, 7 novembre La

presse

1960.

du 13 oovembre 1960.

r o

Lc représentant spécial au Congo de I'Organisation dcs Nations Unies, I'ambassadeur Dayal, dans son rapport de travail au Secrétaire gÉnéral, en date du 2 novembre 1960 r00, a fait cette description très sévère du rôle et de faction des commissaires généraux :

t l2l. - Le collègc des commissaires, formé de jeunes étudianæ inexpérimentés dont le but déclaré était de continuer à faire fonctionner les éléments de I'administration a ctêÉ ses propres problèmes en relation avec I'effort des Nations Unies. Ces jeunes gens étaient invariablement accompag!és par de nombreux conseillers belges, pris à I'occasion parmi leurs propres maîtres.

c La

conséquence inévitable

fut que les commissaires

étaient plus enclins à écouter leurs propres mentors qu'à agir en coopération avec les consultants des Nations Unies qui, dans beaucoup de ministères, virent se dresser contre eu( un mur d'opposition.

q En effet, au lieu de coopérer avec la mission d aide technique des Nations Unies comme c'était leur but proclamé, les commissaires se sont en fait opposés à elle. q Leur inexpérience, leur manque de méthode et d'ordre, Ieur sensibilité aux influences extérieures combinés à une propension à publier des déclarations contradictoires ont 1@. Document A/4557 de fO.N.U. Nous avons reproduit le texte intégral des deux rapports de M. Rajeshwar Dayal en annexes de notre livre Le Gouvernement congolais et I'O.N,U. Un paradoxe lragique, aux éditions de Remarques congolaises, cf. p. 178-179.

89


mtroduit de nouveaux éléments de retard, de confusion et de désorganisation. Par la combinaison de ces facteurs, la situation chaotique de I'administration et de l'économie atteignit presque I'effondrement. r

mis duraût les dernières semaines par I'A.N.C. ont eu lieu tant à Léopoldville que dans les diftérentes provinces rr0. r

L'ambassadeur Dayal a d'autre part constaté de manière définitive que le collège des commissaires généraux qui n'avait aucune existence légale n'avait d'autre autorité que celle du colonel Mobutu lui-même.

pourtant très lourde, oommence à être lui-même effrayé de la situation qui s'est créée à la suite du coup d'Etat de ce jeune colonel. Dans son propre rapport à I'Assemblée générale de I'O.N.U. ur '

t

- Le collège a été nommé par le chef de l'étatmajor de I'A.N.C. 122.

L'autorité des commissaires est, dans la meilleure hypothèse, simplement une autorité dérivée i en tant que corps désigtÉ par le chef tétat-mnjor, son autorité ultime réside dans Ia volonté de celuïci et dans telle autorité sur ses troupes qu'il peut être en position d'exercer de temps en temps. D Dans le même rapport,le représentant spécial de I'O.N.U. constate que le désordre et le chaos se sont aggravés considérablement depuis la prise du pouvoir par Mobutu, cette

e

prétention arbitraire d'unités de I'A.N.C. r.

à I'autorité politique avec appui

c 5. - Un des développements les plus perturbateurs et même alarmants, enregistrés depuis le 2L septembre 1960,

a

été

la disparition

continue

et

souvent rapide

de la loi et de I'ordre. Le facteur qui a contribué le plus à cette disparition a été l'indiscipline des forces de iâ.N.C., qui, de plus en plus, se sont rendues coupables d'actes illégaux et arbitraires de toutes softes. Cette indiscipline constitue à I'heure actuelle I'une des plus gtaves menaces à l'égard des objectifs des opérations des Nations Unies au Congo. Les actes illégaux et de violence com90

Et M. Hammarksjôld, dont la responsabilité dans la duction à I'impuissance du gouvernement Lumumba

réest

r Le Secrétaire général des Nations Unies déclare que Iindiscipline de I'armée congolaise, coupable de plus en plus d'actes illégaux et arbitaires de toutes sortes, représente à lteure actuelle lia menace la plus grave à I'action des Nations Unies au Congo...

r

M. H. dénonce le coup d'Etat du colonel Mobutu qui; lui, a été une q intrusion de l'armée sur la scène politique qui constituait une nouvelle menace à la paix et à la sécurité r. solon

Il

dénonce aussi q le collège des comnissaires composé d'étudiants sans expérience, qui s'opp'ose à la mission de

I'O.N.U. r. Un homme politique belge, qui ne participe pas à ltystérie collective de I'antilumumbisme et à l'encensement du providentiel Mobutu, I'ancien ministre socialiste Victor Larock, s€ gausse de ce : a colonel de vaudeville et de oette quinzaine d'éliacins promus commissaires 112. t Le vaudeville, hélas, est au Congo proche de la tragédie. Lorsque cet homme qui demeure ûdèle à la légalité et au gouvernement de Patrice Lumumba, le gouverneur de ll0. Op. cit., p. 129. l1l. Lâ presse du 4 novembre 1960 et rotamment La Libre

Belgique

et La Cité.

ll2. Le Peuple,3

novembre 1960.

9l


!JI'

=- "

la province de Léopoldville, M. Cléophas Kamitatu, dénonce la c dictature r de I'armée en débandade et annonc€ sa décision de faire rétablir I'ordre par la police aidée de contingents de I'O.N.U., Mobutu amène dans la capitale des blindés du camp de Thysville et impose sa violenoe.

Il tie[t une conférence de presse et accuse Kamitatu ct I'O.N.U. de comploter contre lui. tr en profite pour proclamer ru que : c Le Padement ne se réunira qu'avec son

Il

s'opposera à la reprise des relations avec Itt.R.S.S. ou la Tchécoslovaquie. " Si uu gouvernement s'aventurait à renouer avec oes pays, je le mettrais par terre le jour même ", a-t-il diL Il s'opposera également au départ de Lumumba. " Je saurai bien I'en empêcher ". r

autorisation.

II est clair quï considère déjà Lumumba comme son prisonnier. Lumumba ne s'y trompe pas. tr envoie un télégramme à I'O.N.U., dans lequel il so plaint d'être menacé par I'armée congolaise et demande la protection des troupes de I'O.N.U.

Patrice Lnmumba a des raisons sérieuses de s'inquiéter.

c D'après mes renseignements, Moumié est dans la province. Si je mets la main dessus, ce sera un cadeau 1rcur le Premier minisfls camerounais. fe b lui cnverrai par avion spécial. r

A un autre

encoreuo

il dit:

c Un jour, je prendrai Moumié lui-mêmg et jc me ferai un plaisir de faire don de son coqx au gouvernement du Cameroun. r De ælles proclamations, manifestant do telles inûentions, u'étaient pas habituelles dans lhistoire des lelations entre Etats. Leur singularité même avait de quoi inquiéter. Lorsque trois mois plus tard, patrice Lumumba, Okito, le viceprésident du Sénat et Mpolo, gelr minigfre, seront expédiés

au Kasai d'abord, puis au Katanga ct qu,on avertira Tshombe de I'arrivée de trois pquets à son intention, il

sera impossible de ne pas volr, entre oet envoi et lTntention proclamée par Mobutu à l'égrd de Moumié plus qu'une

Depuis quelque temps, Mobutu multiplie les accusations contre le leader camerounais vivant en exil: Félix Moumié. n prétend quc Moumié organise pour le compte de Lumumba des camps de préparation au terrorisme. Il a ordonné son expulsion. Il a appris, dit-il, quï se trouverait toujours dans la région de Léopoldville.

troublank coincidence. Ce que Mobutu nh pu réaliser avec Moumié, mort empoisonné quelques semaines plus tard en Suisse, au profit du président Ahidjo du Cameroun, il a pu le réatser avec Lumumba" le 17 janvier 1961, au profit des autorités du Katanga en sécession. Lumumba était un cadeau p,our Tshombe. Mobutu le lui a envoyé par avion sp,écial.

a Je ferai tout pour I'arrêter, déclare-t-il à un joumaje I'enverrai en cadeau au gouvelnement camerounais. r

a

fiste il4 et

A un autre, il

déclare

ll3. La

lc

presse

du

116.

novembre 1960.

tl4. La Libre Belgique, 18 octobrc

1960.

ll5. Le Courrier d'Afrique, t8 octobre 1960.

92

Iæ rapprochement de Mobutu avec Tshombe se renforce dans la mesrue où le colonel a llmpression que I'O.N.U., grâce à qui il a pu prendre le pouvoir, réalise I'erreur 116.

Le Peuple, 18 ocrobre 1960. 93


F

qu'elle a commise sur le plan des taits autant que sur le

plan du droit et veut essayer de rétablir la légalité au Congo, ce qui doit entraîner nécessairement la réouverture drt Parlement et le retour au pouvoir de Patrice Lumumba. Mobutu, chef d'état-major d'une armée qui a pour de' voir de mettre fin à la sécession du Katanga, va dès lors

comploter avec les dirigeants de cette province. Fidèle à I'idée force déjà déûnie par les étudiants auxquels il a fait appel: c plutôt l'éclatement du Cltngo que le retour au lnuvoir de Lumumba r, Mobutu se rend à Elisabethville, cn lte$onne, le 16 octobre 1960. tr y rcncontre Tshombe et lui ( dit son admiration pour la tenue des gendarmes katangais n? r qu'il avait pourtant pour mission de combattre et contre qui il avait établi des plans de bataille' deux mois plus tôt. Mobutu avait étê accueilli à Elisabethville par le maior lVeber, lbfficier belge qui avait pris en charge lbrganisa' tion politiqug s1 rnititairc de la sécession rs. Il s'était entretenu longtemps avec I'ennemi ds lhrnitf congolaise :

je

viens d'avoir avec le président Tshombc s'est déroulé dans ure atmosphère de très grande cordialité, a déclaré dimanche après-midi le colonel Mo' butu m quittant la résidence du président kataagais rre. r

r

L'entrctien que

Tshombe de son côté déclarera

ls

:

r Le colonel Mobutu avait manifesté l'intention de s'entretenir avcc moi. Nous avons marqué notre accord à sa yenue à Elisabethville. Nous avons passé en revue tous les problèmes qui se posent à I'heure actuelle au Congo. Le

ll?. L'Essor du Congo, l7 octobro 1960. ll8. I-a Ctté, l7 octobro 1960. ll9. Op. cfr.

colonel Mobutu a réussi à neutraliser le président Kasavubu, Lumumba et le Parlement. Il a installé le collège des commissaires gÉnéraux qui sont des jeunes gens sans expérieuoe mais dnns lequels on peut aoir contÎatæe. t

Cet éloge dans la bouche de la marionnette de I'Union rninière et du valet des colonialistes belges n'a pas rempli de honte Mobutu et ses boys paroe quls étaient convain' cus de I'avoir mérité, Quand il prendra le chemin du retour, Mobutu se retrouvera dans I'avion aux côtés de I'ambassadeur Rothschild, à l'époque âme damnée de la sécession, l'un des auteurs de la Constitution du Katanga, qui, plus tard, en tant que chef de cabinet du ministre des Affaires étrangèrcs, Paul Henri Spaak (avant de devenir ambassaderu de Belgiquo ù Paris) parrriendra à inftéchir en faveur de lshonbc la politiquo belgc. Se trouvaicnt aussi dang I'avion, lcs membreg 6ç 1a misoion belgc d'assistanco tecbniquc au Katang:a dont on sait

lc rôlc qu'ils avaient joué pour enpêchcr le retour du Katanga au sein du Congo. e Je suis encbanté de mon bref séjour à Elisabethville. Je regrette seulement quï n'ait pas duré trois jours ril r, a déclaré Mobutu €n prenant place dans le Boeing de la Sabena. Auparavant, le colonel Mobutu et le président Tshombe. souriants, s'étaient longuement serré la main, mitraillés par les flashes des photographes.

A son retour à Léopoldville. Mobutu, lesté de quelques millions, déclarera à la presse rt2 : c quT avait I'appui entier, économique, moral €t ûnancier du Président Tshombe I

l2l. Op. cit. 122.

L'Essor du Congo, lE octobrc

1960.

l2O. Op. crt.

95

94


t'' c Je puis même dire que je ne considère pas Tshombe oomme séparatisæ.

r

Iæs journalistes prennent acte de cc que: e Tshombo était prêt à l'assister er cas de différend avec I'O.N.U. r r Lorsqu'on lui demande s'il pouvait compter sur une aide militaire, le colonel Mobutu s'est montré ravi. tr a répondu que " tout son appui, cela résumait tout " 14. r tr parait difficile de ne pas considérer comme un acte de haute trahison le fait, pour uû chef militaire, de se rendre clans une provincc en séoession ct intriguer avec les chefs rebelles contro les autorités décidées à rétablir I'unité du pays. Quinze jours plus tard, Ie Secrétaire général de l'O.N.U. manifestant dc plus en plus son intention d'aider à la res. tauration de la légalité au Congo, ce qui sipiûait le rétablissement du gouvernement légal de Patrice Lunum. ba, Mobutu allait envoyer à Elisabethville des émissaires, notamment Marcel Lihau, commissaire général à la Justice et Daniel Tshitambo, membre du collège des commissaires, qui, au cours d'entretiens secrets avec Tshombq étaient chargés par le colonel de rechercher I'appui de Tshombe, €n vuo d'une nouvelle opposition aux Nations Unies rx.

d!

I

I

H

lt

Dayal avait raison de dire dans son rapport du 2 novembre 1960: c 55. Les activités betæs ont augmenté

-

dans les récentes semaines l'intransigeance du comrnandant de I'A.N.C. aussi bien que des autorités katangaises rx. Elles ont empêché rme activité politique paciûque et pal 123. 124.

Le Counier tAfrleuc, 18 octobro

La Llbre

Belgiquc,

3

1960.

novembre 1960:'

Le

Soh,

5

là la possibilité d'un éventuel retour à un gouvernement constitutionnel et le rétablissemeût dc I'unité et de I'inté. grité du payr.

D

Entre-temps, Mobutu donne des gages à Tshombe. tr fait transférer à llopoldville le président du gouvernement de

stanleyvi[e, Finant, et trois autres personnalités lumumbistes, dont le commandant Fataki: c Quatre partisans de M. Lumumba qui exerçaient des fonctons dans la province orientale du C.ongo, dont M. Finant, président du gouvernement provincial, arrêtés réoemment par ordre du colonel Mobutu arrivés - sont jeudi soir par avion à Léopoldville, venant de Stanleyville m. Lo cploncl Mobutu avait convoqué les journalistes à I'aérodromc de Ndjili pour quïs assistent à l,arrivée de I'avion en ptovenance de Stanleyville. Les quatre persorutes se trouvaient sous la garde d'une demi-douzaine de gendarmes et dbfÊciers de Mobutu. L'un des prison, niers, le capitaine fataki, commandant le camp militailç de Stanleyville, avait les menottes aux poings. Les autreg prisonniers paraissaient hagards et effrayés. r

Ces quatre hommes feront partie du c cadeau r de onze personnalités lumumbistes livrées à Bakwanga, capitale de I'autre province en sécession. trs y seront massacrés dans les conditions les plus aleminallsg.

novembro

1960.

125. On sait quc les commissÊires géoéraux commo lcg autoritér katângais€8 étaient à ce moment inspirés par des BelgBs qui étaient paryeûu8 à eynchroniser leurs acitivités danr la peur commune d'un retour dc Lumumba.

96 I

126. LA prcccc dec 15-16 octobrc 1960 ootammcût

La Ltbrc

Belgtquc.

97


it

Le rapport du représentant spÉcial de I'O.N.U. au Congo a condamné r (60) I'usurpation des pouvoirs p,olitiques par le chef d'état-major r; dénoncé r (61) les activités tyranniques illégates du personnel de lâ.N.C. non seulement à Léopoldville mais à travers tout le pays. Depuis la prise dtr pouvoir par leur chef d'état-major le 14 septembre, ces troulres indisciplinées, manquant de tout contrôle cohérent, ont été entrainées dans le tourbillon de la cause politique r I constaté que c (64) la volonté arbitraire de la soldatesque I'est substituéc à la loi du pays r; et conclut: r (118) Le coup d'Etat du chef de l'état-major de lâ.N.C. a introduit un nouveau facteur ajoutant à la complexité de la situation. Le travail quotidien de I'administration devait être dirigé par un collège de commissaires recrutés surtout parmi les étudiants. En fait, llmtption de I'armée sur la sêne politique a cependant constitué une nouvelle menace pour la paix et la sécurité; elle a entravé en fait factivité politique paciûque. Loin de fournir une quelconque mesure de sécurité et de stabilité, lâ.N.C. devint le principal fauteur de désordre. Cette force éparpillée dans difiérents centres à travers le pays, manquant dc toute dircction ou contrôle cohérent, indisciplinée, non payée mais bien armée commença à prendre

la loi dans ses propres mains. c La pratique des arrestatons et des emprisonnements arbitraires sans la moindre justification légale, fut à I'ordre du jour. c A Léopoldville, oæur de la vie du pays et centre principal d'activité politique, elle a installé un état de terreur menaçant de paralyser la vie de la communauté. r

de plus en plus mince, de plus en plus menacée des autorités de I'O.N.U. Celle-ci sommé€, à plusieurs reprises, de

liwer Lumumba s'y était refusée. Le rapport du représentant spÉcial Dayal en date du 2 novembre 1960 fait mention du dernier ultimatum qui lui avait été présenté par Mobutu. Le refus de lirner patrice Lrrmumba, écrit-il : a. (23) provoqua une violente réaction avec aocusations publiques, faites de mauvaise foi, émanant du chef de l'état-major que du président du collège des commissaires généraux qui publièrent un r ultimat'm r à I'adresse de I'O.N.U. On le menaça de ce que de toutes les garnisons du Congo, les troupes de

lâ.N.C.

attaqueraient I'O.N.U. s'il ne lteure spécifiée. r

liwait pas M. Lu-

mumba à

Patrice Lu.numba, conscient du dangcr

quï couait en

rcstant à lJopoldville, lorsquï apprit que I'Assemblée générale do I'O.N.U. veuait de trancher cn faveur de Kasavubu lc conf,it dc légitimité sur lequel le Parlement congo-

lais seul ett pu valablement statuer, sentit que le jour était proche où cette maigre protection lui serait, ellemême, tetirée.

Il prit alors la décision de quitter

clandestinement sa résidence pur rejoindre ceux de ges minigt€s qui, autour du vioe-président Antoine Giznnga avaiecrt rallié Stanleyville où ils reaonstituaient le gouvernement légal sous la protection d'rme fraction importante de I'armée nationale congolaise, commandéc par le général cn chef, Lundula. tr partit donc dans l'a nuit da Tl novembre 1960 avec la complicité d'officiers guinéens de I'O.N.U. et I'aide du président Kamitatu.

Entre cette violence brutale de Mobutu et de sa solda' t€sque et Patrice Lumumba, emprisonné dans sa résidence cernée par la troupe, il n'y avait plus que la protection 98

99


autour de sa maison. Si Lumumba ose sortir de nouveau de chez lui pour tenir des meetinç politiques, !e farrête-

rai immédiatement

D.

La veille: c I'O.N.U. avait refusé de remettre M. Lumumba aux soldats du colonel Mobutu rs r. q fe veux convaincre I'O.N.U. qu'elle me permette de mettre la maiu sur Lumumba r, avait déclaré lundi apêsmidi (le 10) à la presse le colonel Mobutu 1æ.

Mobutu et l'éliminntion de Patrlæ

Lunmbr

fait Quelques jours après son coup d'Etat, Mobutu avait décerner un mandat d'anêt conûe Patrice Lumumba' Le Procureur général belge qui avait été chargé de cetùe mission prétendit n'avoit jamais délivré qu'un mandat d'amener. Mobutu cherchera à imputer plus tard Ïinitiative de cette procédure au président Kasavubu. Mais le 13 octo' bre 1960, Mobutu lui-même avait dissipé toute équivoque

ct pris la responsabilité du mandat. e Le colonel Mobutu a déclaré ffi quc c'était lui ct non le président Kasavubu qui était à I'originc du mandat d'arrêt contre M. Lumumba. r

Il

avait déposé ce jourJà une uouvelle plaintc oontre Lumumba pour injures parce que celui-ci avait c proféré des insultes à son égard devant les soldats de son armée' r

Il avait précisé : ( que I'armée ne forccrait pas I'entrée de

la résidence de Lumumba, mais que si celui'ci sortait, elle I'arrêterait. Eû attendant, je maintiens le blocus militails

I*

ln. l^

prcsso

du 14 octobro 1960 aotaomcnt

Monde, 15 octobro

r00

1960.

Ia

IJbrc

On a vu que, jusqu'au début de novembre, les autorités de I'O.N.U. rcfusèrent de liwcr Patice Lumumba et quc oelui-ci quitta l-éopoldville lorsqu'il omprit que cette protection ne pourrait plus lui être continuée après le vote de I'Assembléc générale. Dèe qulls apprirent le départ de leur prisonnier, Mobutu ct ccs oonscillcrr américains cn$rent cn transes. Mobutu mit tout cn <ruvro pour mcttrc la main sur Pa. ûioo Lumumba. Notre propos n'est pas de namer las circonstances de I'arrestation, de la détention et de la mort du Premier mi. nistre ængolais, mais de rétablir le rôle qub joué Mobutu dans le lrocessus de son f,liminatisa. Le 28 novembre 1960 le oolonel Mobutu annonco que Lumumba nb pas encore atteint Kikwit mais que q toutes les dispositions ont été prises pour 8on arrestation ræ r.

Il chargc un ccrtain Gilbert PonBF, agcnt de streté qui avait déjà travaillé en cùeville avec la Strcté belge et qui avut étÉ,le prenier à faire le voyage dElisabethville pour le compte de Mobutu, de commandcr les iecherches. 128. Le Pcuplc ct La Llbrc BcIgQw, t2 octobrc 1960. 129. Ctté, 12 octobro 1960. 130. HBrNz ct Do$ay, Lumumba Patrlae. Let 50 ilcmlas vle, p. 54.

Ia

Belslaue'

s

lonrt de

101


iln ,l i* jt

'i

Le document qui I'accrédite est établi c d'ordre du colonel Mobutu r. Pour faciliter le retrÉrage, il fallait un hélicoptère. Mobutu s'était vu refuser un tel appareil de I'O.N.U. D'après les renseignements qui nous furent donnés de source stre à l'époque, le colonel Mobutu demanda et obtint de I'ambassadeur Timberlake son hélicoptère personnel. Heinz et

Donnay donnèrent une autre version r8l

r

:

Une demande en bonne et due forme fut alors intro-

duite par

le

colonel Mobutu auprès d'une compagnie Il fut fourni à la fois l'a14nreil et le pilote européen, un spécialisæ des vols de reconnaissance, à basse altitude. r aérienne eurolÉenne.

Quel que soit le fournisseur réel de l'hélicoptère, il est en tout cas établi que c'est le colonel Mobutu lui-même qui I'a demandé et obtenu. Grâce aux opérations de repérage, Pongo parvient à arêter Lumumba. A la réception du télégramme annonçant I'arrestation, Mobutu et son état-major sablèrent le champagne r8?. Mobutu rit sout cape (chuckled) en relisant le télégramme et commenta : r J'ai toujours dit qu'il lmsserait un moment pÉnible lnur atteindre Stanleyville. r Après son arrestation, Patrice Lumumba fut brutalement molesté et frappé à coup de srosse de fusil par les soldats de lâ.N.C. Il sera matnené pendant trois jours par Pongo et sa bande. C'est le 2 décembre à l7 h 15 qu'il sera ramené à I'aérodrome de Ndjli, portant au visage la trace des coups reçus, les lunettes brisées, les mains et les pieds liée. l3l. Op.

clt.

132. The Guardbn, 3 décembre 1960, cité par Catherine Hosrns, The Congo Independence, p. 267.

t02

a Iæs observateurs de I'O.N.U. ont signalé que lorsqu,il est sorti de I'avion à I'aéroport de Ndjti, il n,avait plus ses lunettes et que sa chemise était tachée, sa chevelure était en désordre; il avait un caillot de sang sur la joue et il

avait les mains liées derrière le dos. On I'a brutalement fait monter à coups de crosse dans un camion de I'A.N.C. qui est parti aussitôtrs- r On allait I'amener coûlme un trophée à la résidence du colonel Mobutu. Heinz et Donnay rs., résumant la presse de l'époque rapportent:

r Le petit convoi gagna ainsi le camp des para-comnanà Binza où vivait le colonel Mobutu et franchit les barbelés quasi sans ralentir. Au moment de le mettre en dos

cellulc dans uno des villas, les soldats ont eûcore ,, vigoureusemcnt houspillé lc prisonnier ", selon les termes d,un journalistc présent, le forçant à nouveau à poser pour les photogaphes, visage crispé, yeux défaits selon I'agence Associated Press.

r

t

Le coloræl Mobutu, les bras croisés, a regardé calme,tuew ses soldats frapper et bousculer le prisomier et le tirer W les cheveux 1...1 t Kamitatu t% qui doit avoir eu, au sujet de la scène, des renseignements de première main, raconte que Mobutu scrutalnt Lumumba q avec méchanceté r lui a q craché au visage, puis lui dit : " Eh bien ! Tu avais juré d,avoir ma peau, aujourdtui c'est moi qui ai la tienne. parle ! . 133. Rapport du Secrétaire général de I,O.N.U. au Conseil de rité du 2 décembre 1960, Document l/52, chap. D.

Sécu-

134. Op. ctt., p. g. 135, Ia Grande Mystîlication du Congo Kinsha.ra, p. gl.

103


;P-" Et

d'ordonner qu'on I'enferme dans uns cùambre noiro avant de décider de son sort. La nuit même du 2 décembre, désirant sans doute couper court aux demandes de grâoe en faveur de Lumumba, Mobutu décide de le transférer à la prison de Thysville. r Une lettre adressée par Patrioe Lumumba au représen. tant spécial de I'O.N.U., Dayal, montre quel est le traitement que le colonel Mobutu a réservé à son prisonnier au cours de son incarcération dans le camp de Thysville. C'est le 4 janvicr 196l que Lumumba fit appel à fOrganisation internationale 1æ.

r

Nous sorlmes enfermés dans des cellules humides depuis le 2 déoembrc 1960 et pas une æule fois on ne nous a permis de sortir. Les repas qu'on nous aplrorte (deux fois par jour) sont tês mauvais; souvent pendant trois ou qua. tre jours, je ne mange rien, me ootrûentânt d'une banane. J'ai informé de cela le médecin de la Choix-Rouge qu,ils m'ont envoyé et ceci en présence du ælonel de Thysville.

J'ai demandé que I'on m'achète des fruits avec mon argent, car la nourritunr qu'on me donno ici est mauvaise. r Bien quo lc médecin cn donno I'autorisation, les autorités militairee qui me gardcnt mo lc refusent, disant qu,ils suîvent en cela lordre reçu du CIæf de fùtû, le coloræl Mobutu. c Le médecin de Thysville m'a prcscrit une petiæ promenade chaque soir afin que je sorte un peu de la cellule, mais le colonel ct le commissaire de district le refusent" r L,es vêtements que je porte déjà depuis trente-cinq iours n'ont jamais été lavéo ! II m'est interdit da portçr dee souliers [...] r

Apês avoir infligé à patrice Lumumba ce traitement indigne, le colonel Mobutu I'expédiera avec le vioe-président du Sénat, Okito, et le ministre Mpolo, à F.lisabeth. ville le 17 janvier 1961. Conduits par deux des commissaires aux ordres du colonel Mobutu, Ferdinand Kazadi, commissaire général à la Défense, et Jonas Mukamba, commissaire-adjoint à I'Intérieur, les prisonniers furent atrocement maltraités pendant tout le trajet Un co-pilote du DC4 d,Air Coogo qui ser,vit au transport, Ie Sud-Africain Jack Dixon, a donné la desoiption suivante

V. Iæ tcxtc lntégral do cctto lcttro danr La Pns&

Patdca Lurnumba, D. 3/2.

104

polttlqtaa dc

:

r Il a ajouté que lorsqu'il vit les Congolais frapper M. Lumumba dans I'avion, il tenta de s,interposer mais en vain. Parfois, ils arrachaient, a-t-il dit, les cheveux de M. Lumumba ct les lui mcttaicnt dans la bouche. Ie revins à la cabinc où so trouvait le fonctionnairo congolais responsable de la mission (Mukamka) et je lui dis: " Ditesmoi, nous devons remettre Lumumba vivant. " r q

Le

fonctionnaire congolais

n'a fait que hausser les

épaules.

Il

a indiqué qu'à son arrivée, M. Lumumba était dans un tel état quï était improbable qu'il puisse survivrp. I c

Iæ rapport du sous.officier suédois Lindgren de I'O.N.U., présent sur I'aérodrome d'Elisabethville tæ, a décrit la scène de I'arrivée :

c Le premier passager à quitter I'avion a été un Africain bien habillé: il a étê suivi par trois autr$ Africains dont 137.

136.

ls

The Durban Sundoy Tribune,

12

février

Peuplc, 13 février 1961. ll8. Remarques congolaises, 25 janvier 1962,

1961,

cit pat nc

p. &. 105


les yeux étaient bandés et les mains liées derrière le dos. Le premier d'entre eux avait une petitc barbe. Au moment où ils ont descendu les marches,les gendarmes se sont précipités sur eux, les ont frappés, donné des coups de crosse de fusil et les ont jetés dans la jeep. r Quaûe gendarmes ont alors sauté dans la jeep et se sont assis. A ce moment-là, un des trois prisonniers a poussé des cris pergants. D

Que Patrice Lnmumba ut été mourant à son débarquement à Elisabethville ou quI ait pu surviwe et qu'il ait été abattu, comme on le pense généralement, par le ministre katangais Munongo, ne change rien aux responsabilités de l'homme qui a décidé I'expédition des c trois colis r. Dans le premier cas, Lumumba a été assassiné par des commissaires généraux qui nbvaient d'autre autorité, nous I'avons vu ls, que celle de Mobutu et qui n'ont pu agir que slu son ordre. Dans le second cas il a été envoyé en cadeau à un homme: Munongo, qui avait annoncé que si Lumumba venait à Elisabethville, il le tuerait: c ST vient chez nous, nous ferons ce quc les Belges n'ont pas su fairc, nous le tuerons D, et qui, dans des instructions écrites à tous les chefs de sa gendarmerie, avait stipulé que si Patrice Lumumba arrivait au Katanga d'une façon ou d'une autre : c il doit en oe cas disparaitre rs r. Celui qui liwe sciemment à la violence des autres ceux dout il veut se débarrasser est aussi bien leur assassin que sT les avait tués de ses propres mains.

Il

egt sigûificatif que Mobutu ne los a jamais désavoués et les suite de diverses promotions. 140, Vollcsgazct, l5 férrier 1961, reproduit par Le Peuple, 16 février t971. 139.

a fait bénéficier par

106

lr

En 1966, après son second coup d'Etat, Mobutu devenu lEtat, dans un message solennel à l'occasion du sixième anniversaire de l'indépendance, a proclamé ral :

chef de

c Gloire et honneur à cet illustre Congolais, à ce grand Africain, premier martyr de notre indépendance économique: Patriæ Emery Lumumba. Comment en ce 30 juin 1966, jour historique s'il en fut" où notre pays va faire ses premiers pas vers la conquête de son indépendanoe économique, comment er une telle occasion ne trms évoquer la tgure que fut et que restera Patrice Lumumba ? Au nom du gouvernement, nous vous demandons dc garder maintetant gae minute de sileuce à la mémoire de celui que nous proclamons officiellement ce jour Héros national, Patrice Emery Lumumba. r Le plus gand boulevard de Léopoldville portera désormais son nom, et la villa d'Elisabethville. où il aurait été achevél4, devient ur centre de pèlerinage et de recueillement...

Cette consécration par Mobutu d'un homme dont il a contribué à faire un martyr ne doit pas avoir beaucoup de précédents dans I'histoire. Il est des écæurements qui dépassent tout commentaire et des impudcnces qui coupent

le

souffle.

l4l.

,%6 C.RI.S.P., p. 120. Par un Munongo qui a été par la suite ministre à Iéopoldvilb et y vit 5enr {egfs toujourr eo liberté. Congo

142.

107


F' noyautés par des milieux commu!$tes ne savent pas entendre prononcer son nom sans entrer €n transes et lancer

Après I'tsssssinrt de Lumumba

des huées 16. r

A la conférence de Cacablanca,le ioi du Maroc, Mohamed V,les Présidents Nasser, Nkruma, Sekou Touré, Modibo Keita, les représentants de I'Algérie, de la Lybic, de Ceylan avaient, dans un point 4: r demandé instam-

Haîti était la patrie de Duvallier, et de ses tontons Macoute. Que ce soit chez Papa Doc seulement que Mobutu ait étê (en nars 1962, date de sortie du livre) ssmpris et admiré est en effet très significatif. Davister continuant sur sa lancée écrivait: c Ce n'est pas sans raison que le général Mobutu ajuste son comportement sur une seule ligne de conduite: I'anticommu-

ment aux Nations Unies d'agir immédiatement en vue de désarmer ct dissoudre les bandes i[égales de Mobutu. r

La nouvelle de la mort du Premier ministtp congolais provoqua un tollé dans le monde entier. Le Conseil de Sécurité prit le 2l féwier 196l une résolution exigeant : c que les unités et le personnel armés congolais soient réorganisés et soumis à une discipline et à un contrôle et que des dispositions soient prises sur des bases impartiales et équitables à cette ûn et en vue d'éliminer touto possibilité dlngérence de ces unités et de oo personnel dans la vie politique du Congo 16. r

nisme.

r

Ceux qui ont suivi les récents périples du gÉnéral et qui connaissent sou actuelle admiration pour la Chine doivent se demander si cetæ c ligne de conduite r correspondait bien à une cpnviction et n'était pas un moyen parmi d'autres de conquérir le pouvoir.

Tout le monde flétrit l'assassinat de Patrioe Lumuba et à un ttro quelconque, ont lrfis part à

déooncc oeux qui, son élimination.

Pierre Davister dont Mobutu avait été le c p,oulain r ls et qui avait honoré d'une préface le livre de Francis

Monheim consacré à Mobutu, y a introduit une perle d'hunour involontaire: û [...] il a fallu que je me rendc à Haiti pour entendrç ua politicien de cette lle du bout du monde me parler de son xdmiratisn sans nuanoes pour le général Mobutu, alors quâ Bruxelles, aertains étudiants l

1

l4l. Iâ tcxto intégral dc la r&olutioa cst publié dlns Congo 1961, C.R.!.S.P., p. 329. 144. Moxræru, Mobutu l'homma sanl, p, 39. 108

145,

Op. clt., p,

1L


ilr ville et décident d'arrêter Tshombe, pour eNr faire un bouc émissaire, Mobutu va assur€r sa protection personnelle à Tshombe. Lorsque celui-ci est transféré à Léopoldville avec des égards que I'on n'a 1ns eus pour Lumumba, Mobutu aura porr lui des attentions qu'il est bon de oomparer avec le traitement quï avait infligé à Lumumba er dont celuici s'était plaint dans sa dernière lettre à I'O.N.U. C'est Monhein r{o qui raconte : Mobutu et Tchombc

On a vu quelle a été I'attitude de Mobutu à l'égard de Tshombe et de la sécession katangaise au moment oùr Patrice Lumumba vivait encore et était susoeptible de reprendre en main le pouvoir et devait être abattu. Lorsque Ihrmée congolaise sous les ordres du gÉnéral Lundula est sur le point de réduire la sécession, Mobutu fait le jeu do I'O.N.U., ordonne un cessez-le-feu et l'évacuation des troupes engagées dans les opérations. Au moment où I'O.N.U. amorce une politique tendant à lbccupation du Katang"a et à un rétablissement de Ia légalité au Congo, ce qui devait avoir pour conséquences la réouverture du parlement et sans nul doute le retour de Lumumba, - Mobutu qui a déjà pris des contacts avec Tshombe, par llntermédiaire de Pongo, et de quelques-uns de ses commissaires généraux et qui s'est rendu en personne à Elisabethville pour y conclure une alliance avec le chef de la sécession, s'appuie sur Tshombe pour faire échec à I'O.N.U.

la disparition de Patrice Lumumba, I'ensemble des leaders oongolais, dont plusieurs ont des responsabilités écrasantes dans la dégradation de la situation et l'élimination de Lumumba, se réunissent à C,oquilhat-

r Iæ général Mobutu ne se soucie d'abord pas des nouveaux pensionnaires de ses parachutistes (au camp de Binza) mais il ûnit æpendant paf, leur rendre visite. Tshombe est très abattu, oe " dur " du Katanga. est au brd des larmes.

Mobutu, qui ne ferait pas de mal à une mouche, console cornme il peut son interlocuteur larmoyant. Il décide d'alléger son régime et celui de Kimba qui, soit dit en passant, se montre beaucoup plus couragcux. Iæ général ordonne quc dcs draps, des serviettes de toilette et du savon soient dornés aux prisonniers. Il leur offre deux bouteilles de champagne et une paire de bouteilles de whisky 141 r c

Deux joumalistes de Pourquoi pas ?, Davister et Toussaint dont le premieç on le sait, avait guidé les premiers pas de Mobutu dans le joumalisne et étatt demeuré son gfand ami avant de devenir, après son second coup d'Etat, son porte-parole en Belgique, écrivaient de leur côté 16 :

c " Mon

général

", qui ne demeure pas loin de la résiy passe d'ailleurs très sou-

dence suryeillée de Tshombe,

Quand, après

110

Mobutu lhomme seul, p. 212. 147. Kimba alors ministre des Affaires étrangères

146.

tùd l'un

du Katanga, plus Premier ministre du Congo, après l,éviction de Tshombe, æra quatre pendus des de la Pentecôte.

148, Croiseues

ct

Casques Bleus,

p.

87.

11t


vent... en voisin. tr a toujours dans le coffrc dc sa voituro I'une ou I'autre surprise à I'intention de " son " prisonnier auquel il apporte tantôt les journaux tantôt un petit p,oste de radio, lorsquï ne s'agit pas d'une bonne bouteille dc champagne ou d'une bonne bouteille de vin. r

Ils confirment que c'est Mobutu qui imposa la libératioo de Tshombe l{e. Andrew Tully révélera d'ailleurs que la libération do Tshombe par Mobutu lui fut inspirée par la C.I.À m.

r

Tshombe fut gardé prisonnier pendant deux mois, pen-

dant que la C.I.A. faisait des représentations en sa faveur. Ici encore, I'honrme de la C.I.A., Mobutu, se révéla de nouveau par une décision caractétistique. Avec ou sans l'accord de Kasavubu, en juin, Mobutu ordonna de relâ. cber Tshombe. r Lorsque Mgr Malula baptisa, en l'église de Notre-Dame de Fatima, le dernier enfant de Mobutu en présence du Délégué Apostoliquc, le parrain et la marraine étaient lo Président de la République Joseph Kasavubu et son épouse. Et le bébé s'appellerait loseph Guy Oscar Moise, unissant aiusi symboliqucmcnt Kasawbu et Tshombe, les deux hommes qui étaient €ncore indispensables à I'ascension de Mobutu s\ Quelques jous plus tard, au moment où I'O.N.U. semble décidée enfin à appliquer au Katanga lec résolutions du Conseil de Sécurité du 2l février 1961, Mo-

butu s'en va signer, avec les autorités illégales de cettc province en sécession, un accord militaire, et dès la signature de cet accord, proclame rr: 149. 150.

Op. ctt., p. 91. CJ't. The Inctile Story, p. 227.

l5l. Le Coarrlet tAlriquc, 3l juillct

lc aott 1961. 152.

ttz

Lc Monde,

2l

iuillet

1961.

196l

i Ia Llbrç

Belglque,

e Maintenant I'O.N.U. aura'à compter avec moi au

t8nga,

Ka'

D

ce moment les nationalistes lumumbistes qui constituent la majorité parlementaire et qui viennent d'entrer en force dans le gouvernement d'Adoula exigent quI soit mis

A

fin

d'urgence à

la

sécession' avec

ou sans le concours dc

I'O.N.U. q Une seule voix s'était élevéc avec énergie contre I'o1É'

ration du Katangê, celle du général Mobutu. Sa réaction aux projets de certaines factions congolaises, de I'O'N'U' ct d'une partie de I'armée congolaise représentée par les foupes de la Province Orientale (général Lundula) était évidemment prévisibler6. r L'O.N.U. tentera dc mettre fin à la sécession sous fim' pulsion de son représentant à Elisabethville,ConorO'Brien' Cette æntative sela mise en échec par les avions Fouga' Magister dont Tshombe a pu faire I'acquisition grâce aur r€scources illimitées que fUnion minilp a mises à sa dis' p,osition. Lotsque, après un c€ssez le feu, le Premier minis' tre Adoula lui-même décidera que les troupes congolaises reprendront I'oftensive, non seulement Mobutu refusera dc se séparer de ses para'commaûdos, constituant sa garde prétorienne, quT entend garder auprès de lui à Léo mais il conclut do nouveaux accords avec Tshombe et s'oppose 14. à lbpération ordonnéc par le gouvernement I-c vicc-Premier ministre Gizenga qui n'avait accepté d'entrer dans le gouvern€ment Adoula, le 2 août 1961' qu'à la condition que lbn poursuive sans désemparer l'unité du pays sc retira à Stanleyville' annonçant qu'il ne revien' 153. Jacqucc Conov,

ty.-piric"a

p. 340 et

pas?,

Iz 3

Solr, 26 septembre 1961'

novembre

196l:

Congo

1%I' C'R'['S'P"

suiv.

113


drait pas dans la capitale avant gue lc program'ne oonvenu

.l

I

soit ûdèlement exécuté. tr appellera lui-même le peuple et I'armée au combat contle la séoession katangaise. C'est le préteile dont on se saisira pour obtenir oontrË lui un vote de cetsul€, puis son arrestation et sa déprtation sans jugement ea janvier 1962 à lIle de Bula-Bemba où il vivra plus de deux ats, complètement isolé, à la garde des hommes dc Mobutu. Mobutu ne permettra lc rctour du Katanga au sein du Congo que lonquc tout danger en provenanoe des partis lumumbistes lui paraltra écatté.

Mobuto dcmeûe lc vrai mrltrc de la po[tique congolaiee

nbst plus Depuis l'élimination de Patrice Lumumba ce un secret pour personne que Mobutu est le vrai maître de la politique congolaise. d'où devait Quand il fut question de réunir le Parlement fait connalsortir un nouveau gouvernement, Mobutu avait tresaûsambagesquellesétaientleslimitesqu'ilimposait à la tiberté des députés et sénateurs' J. K.

166

rapporte

:

la

sucoès de Gizenga au Parlement entratnerait dcstitution de Kasavubu,la sécession du Bas.Congo et unc renaissance des sécpssions du Katangê et du Sud-Kasai'

c Un

r Il

est d'ailleurs certain que Mobutu et ses

I

500 soldats

d'un gou' ûdèles s'opposeraient par la force à I'installation vertement Gizenga à Léo. I qui C'est pourquoi les ministres et les parlementaires Van Der Dussen de Kestergat, journaÏste de Ia Ltbtc ricevait volontiers, à cette époque, les con6dcnces do Mobutu, no du 22 juin 196f. 155. Jean

a;;s;;;; sû

lt4

u5


;n" à

le gouvernement Lumumba Stanleyville avaient p,osé comme condition à leur retour dans la capitale que Mobutu, le chef de I'armée et Nendaka, le chef de la continuaient

police, soient privés de leur poste et mis hors d'état de nuire.

IIs eurent le tort de se contenter d'un compromis, lo Parlement ss sdrrnissant en conclave, dans I'enceinto de I'Université de Lovanium. Gizeng fut sans doute le seul à n?tre pas dupe de ce compromis. tr fut d'ailleurs, noug I'avons vu, lc premicr à êtne victime du piège dans lequcl ses comFaFons, dans leu hâte dc retourner à llopoldville, s'étaient précipités. Mobutu ne cachait pas ses intentions

:

r Je me mettrai au service du gouvernement légal tant que celui-ci me plaira t a dit en substance lc général Mobutu lors d'une conférence de presse tenue au lendemain du " conclavg " d€ Lovanium 156. r Et ce singulier militaire ntésitait pas à se gausser du progranme que lc gouvemement de coalition avait établi :

r

Excellence, dit souvent Mobutu au premier ministre, votre famerx " non alignement " c'est de la farce t6?. r

Lorsque

le

ll

ls ministrs de I'Intérieur, Christophe

Gbenye,

décembrc 1961, révoquera I'administrateur de la St reté, Victor Nendaka,les bureaux de ta Streté seront aussitôt encerclés par les soldats de Mobutu. Le ministre se verra refuser, par la force, I'accès aux locaux de la Streté.

156. Pourquol pas 157. Idem.

l16

?, 3 aovembrc

1961.

Il faudra une intervention énergique de I'O.N.U. pour que Mobutu rappelle ses soldats. Le ministre Gbenye nommera alors Amisi à la tête de la Streté. Celui-ci ûe poura jamais exercer ses fonctions, Nendaka ne quittera jamais son bureau. Et c'est Christophe Gbenye qui dewa quitter le ministère de l'Intérieur et se contenter du titre honorifique de q vice-Président du Conseil ltt8 r. Gizenga éliminé, Gbenye évincé, un périodique néo-co' lonialiste r6e pouvait faire le point : r La clef du problème du Congo

actuel est toujours dé. tenue par I'armée nationale congolaise. Pour vaincre à Léopoldville,lTst [sic] doit écarter Mobutu et sa force de frappe, les para-commandos gouvernent, au sens intégral du terme. Sans leur accord, Adoula n'existe pas. On le voit bien devant les difficultés du minisÛe de I'Intérieur,

M.

Gbenye. e Après avoir révoqué solennellement le chef de la Streté

congolaise, M. Nendaka, il y a plus de deux mois, il n'est pas parvenu à empêcher Nendaka de continuer à occuper ses bureaux.

Il

n'a pas réussi à empêcher que Nendaka envoie Gi?Êîgâ. " au frais " dans le camp des cent 4aisons. e Non, Nendaka agit en parfaite unité de pensée et dc we avec Mobutu et ticnt donc sa forcc du général. r a

Le général Mobutu ne mit une sourdine à ses proclamations d'autorité que lorsque le gouvernement Adoula, purgé de tous ses membres lumumbistes, fut, en fait, à ses ordres. Son ami Davister explique rm

:

158. Remarques congolaises, 1961, p. 495. 139. Alrtquc Express, l0 février 1962. 160, Pourquot pas ?, 2l décembre 1962.

t17


e Le gén&al Mobutu n'était pas hostile à l'idée qubn llmagins embourgeoisé afin de pouvoir agir plus facile. ment et plus promptement au moment opportun. D

la politique américaine au Congo, qui cherche à faire dc notre pays un second Vietnam. c Soyez assuré que je n'épargnerai aucun effort

lnur

met-

tre un terme à l'intervention politico-militaire des Améria

cains 16r.

,

En 1963, on I'a vu, après divers remaniements qui n'avaient jamais fait I'objet d'uo vote de confiance des Chambres, Clnille Adoula avait substitué aux éléments lumumbistes des politiciens appartenant à des partis qui avaient été écrasés aux seules élections gu'avait connues le Congo, celles de 1960. Le Parlement prit soudain conscience de ce que s'était installée à Léopoldville une. vraie dictature, coiffant le gouvemement Adoula lui-même, dictature des hommes dits du r groupe de Binza D, avec, à leur tête, le général Mo-

butu Les Américains n'avaient rendu possible le retour du Katanga au sein du Congo qu'au moment où celui-ci avait à sa tetc un gouvernement à leur dévotion.

LInf,uence américaine, dans la capitale. était de plus en plus envahissante. Le Premier ministre Adoula ne faisait plus rm pas sans son consciller américain. On pouvait difficilement le rencontrer sans I'ambassadeur des EtatsUnis. A telle enseigne que Moise Tshombe, qui avait quitté le Katanga au moment de I'effondrement de sa sécession, lorsqu'il tentera, au cours de son exil madrilène, de se fairc remettre ea selle par les nationalistes, jouera, avec ea duplicité coutumière et sa légendaire abselroe de scrupules, la carte antiaméricaine, allant jusqu'à déclarer au président Mobiûo Keita, qui lui avait assez légèremeut accordé audience

r 118

:

Nul plus quc moi no réalise le danger que représente

16l. leuac Atriquc, 2? iuilt€t 196{. Uo mois plus tard, lc mêoo du Congo, allait avec son chef mititaire Mobutq demander et obteoir des Etats-Unis une eidc millairc infniment plus colsidérablo que cellc qui avait été accordê à

Tshombe, devenu Prcmier ninistre Adoula.

It9


mission cxtra-parlementaire d'établir un projet de constitution qui serait soumis à un référendum-

Il

s'agit d'unc nouvelle et gtave violation de

la Loi

fondamentale dans ses dispositions reprises des résolutions

de la Table Ronde.

Raidissemcnt du Parlement et fermeture dec Ctambres

Le 25 septembre 1963, le Sénat congolais vote une résolution exigeant la libération, dans les vingt-quatre heures, d'Antoine Gizenga. Et les deux principaux partis lumumbistes: te M.N.C.L. (Mouvement National Congolais Lumumba) et Ie P.S.A" (parti Solidaire Africain) appuient par des manifestations de rue, I'exigence du Sénat. La Streté de Nendaka arrêûe sept députés de oes panis dont Christophe Gbenye, Ibomas Mukrvidi, Gabriel Yumbu, Bocheley-Davidson, qui joueront tous un rôle dans Ie mouvement révolutionnaire qui egt, à ce momenL sur Ie point de prendre naissance.

Pour cette foig ils seront liHrés le jour mêmc. Sentant que lbpposition parlementaire, longtemps réduite au silence par la terreur ou la comrption, menace le gouvernement Adoula qui, tel quï est ûnalement composé, ne bénéficie plus d'aucun appd, ni aux Chambres, ni dans Ie peuple, la ctique usurlrant le pouvoir va faire uû nou. veau coup de forcc.

It îo

29 septcmbre 1963, une ordonnance présidentieflc,

226, clôture la cession du parlement et charge une oom.

120

Le jour même où le Président Kasavubu consacre cette nouvelle illégalité, les députés Bocheley-Davidson et Yumbu sont arrêtés et emprisonnés. Dès le lendemain, 30 septembre 1963, à Léopoldville, les chefs des principaux partis nationalistes constituent le Conseil national de libération (C.N.L.) qui, dans son manifeste publié le 3 octobre, dénonce lïlégplité des mesures qui viennent d'être prises, s'engage à poursuiwe c la décolonisation effective du Congo flsminf, par la coalition des puissances étrangères l et la formation c d'un gouvemement de salut public r chargé d'organiser, dans les quatre mois, des élections législatives. Kasavubu proclame alors l'état d'exception dans la capitale et le 23 octobre prend un arrêté suspendant les activités des partis lumumbistes et de leurs mouvements de jeunesse. Il ne reste plus alors aux dirigeants du C.N.L. qu'à entrer dans la clandestinitÉ. La plupart passeront le fleuve et slnstalleroût à, BrazzavilTe.

Lo r{voludon ect ilédencùée Pierre Mulele, ancien ministrc de I'Education nationale du gouvernement Lumumba, député du P.S.A. d'Antoine Gizenga, qui a orgauisé la première armée des partisans, dans la province du Kwilu, voit, dès le 25 octobre 1963, sa tête mise à prix. Une prime de 500 000 francs est offerte à qui l'arrêtera et le livrera.

t?t


En même temps que Pierre Mulele libère l,équivalent de deux provinces belges, Gaston Soumialot, dans lBst du Congo, s'installe clandestinement dans la région d'Uvira, dbù partiront les grandes ofiensives de juilet 1964.

Iæ mouvement, qui a reçu son impulsion des partis tunrnmlistes, majoritaires sur le plan parlementaire et à qui toute opposition vient d'être interdite, a de profondes racines dans le mécontentement du peuple ængolais, qui a le seûtiment que I'indépendance dont il attendait, quatre ans plus tôl mille avantages, lui a été volée par une classe de profiteurs noirs, étroitement eo rrnise à d'anciennes influences coloniales et à l,influence de plus en plus pré1nndérante des Etats-Unis.

Pourquoî pas ? allut écrire : r C'est une révolution à quoi oous assistons dans l,Est du Congo, à une sorte de jacquerie de çns excédés par la misère, par I'attitudc abominable de IA.N.C. qui a pillé, violé, tué... r Jlgnore encore qui est au juste M. Soumialot, mais, sans préjudice de sa personnalité et de ses vues politiques, il est certain que le mouvemeût dont il est deveûu le dirigeant fut slrontané et justifié au dépaft r0r. ,

Aux pillages et aux débordements de I'armée du gÉnéral Mobutu, le peuple oppose I'attitude des partisans qui, à cette époque, en tout cas, obéissent à un code très stict imposé par Mulele e3 gerrmislot et dont nous reproduisons ici les huit commandements :

r l) Donnez le respect à tous les hommes, même les hom. mes vilains

;

_.162. Pourquot pas ?, 3l juillet- 1964, sous la signature, c€tte fois, dc Philigge Toussaint, journalicts plus objectif qur-6uÀt", et qui û,était pas lié comme lui à Mobutu, qui apr-è.s ,oo',""ooà pulsera

du Congo.

*up

d'Ètet,

I,li-

2) Achetez les objets des villageois en toute honnêteté ct sâns vol. Ne confisquez aucrm objet des villageois pas même une aiguille, 1ns même un fil; 3) Remettez les objets empnrntés à tempa et sans difficultés;

4) Payez les objets que vous avez détnrits et de bon cæur;

5) Ne frappez Ims et n'injuriez pas autrui (d'autres personnes);

6) Ne détruisez pas et aussi ne piétinez pas (ne marchez pas sur) les champs des villageois; ?) Respecæz les femmes et ne vous alnusez Ims avec elles comme vous le voulez; 8) Ne faites pas souffrir ceux que vous arrêtez pendant les combats (ne faites pas souffrir les détenus de guerre). Ne confisquez pas et ne prenez pas leur bieu (objets personnels, par exemple: aluleau)r., argeût, montre et tous les autres objets).

r

D'autres préceptes mulelistes disaient notamment

:

c Toute la force des partisans est entre les mains des villaçois... Iæs partisans doivent aider les villageois pour tout ce dont ils souffrent. [...] tr faut enseigner et conseiller tous les villagcoic.

I

tr était donc normal que la révolution soit eoutenue par le peuple tout entier. Le colonel chargé par Mobutu de défendre.Stanleyville, ayant abandonné cette p,osition, pratiquement sans combattre, dira à Frédéric François, de la Radio-Télévision belge: c Toute la population était lumumbiste. Toute la population était contre I'armée. r

t22 123


Devant les suoês de la révolution, le Premicr minisûË Adoula ne faisait pas le r poids r. Scs complaisances à l'égard d€s Etats-Unis ne lui avaient pas enlevé certains scrupules démocratiques. Il éprouvait une répugnance insurmontable à faire appel à des mercenaires dans la lutte contre ses compatriotes.

Le moment était venu de faire appel à Tshombe. Nous reproduirons plus loin, au chapitre consacré à l,enlèvement de Moïse Tshombe, le témoignage de M. Naegels, gÉrant de Pourquoi pas?, qur établit que I'appel à Tshombe éma. nait de Mobutu lui-même.

On conprend alors lnurquoi Mobutu I'avait toujoun ménagé. tr était la grande réserve de fimprérialisme €t du néo-colonialisme. Le moment était venu de faire appel à lui, à ses gendarmes katangais quï avait gardés sous pression, sur le territoire de I'Angola, depuis l,cffondre. ment de la sécession aux meroenaires. -, Iæ gouvernement Tshombe créé dans I illégêlité la plus absolue comptait parmi ses membres Godefroy Munongo,

que I'opinion internationale tient pour l'un des assassins directs de Patrice Lumumba et un Albcrt Kalonji, I'homme de la sécession du Sud-Kasaî, à qui l'é,quipe Mobutu-Nendaka avait livré les onze leaders les plus aimés du parti de Lumumba, qui avaient connu à Bakwqnga une mort atroce.

La prise du pouvoir par

Tshombe allait accélérer le rythme des victoires des insurgés.

Le 1* juillet

1964, on annonçait de Kongolo. Kindu était menacée.

la chute de Kabalo et

Le lE juillet, Kasongo tombait aux mains des forceg

Le 30, Kabongo. Le 31 juillet, alors que les insurgés investissaient le Kivu, le nord de Ia province du Kasai, la province orientale et atteignaient même la province de I'Equateur, une nouvelle menaoe se précisait, visant cette fois la capitale elle-même, Bolobo, Kwamouth, Mushie étaient occupés. Les avantgardes de I'armée populaire étaient à 100 kilomètres de Léopoldville. Des Belçs qui ont été en contact av€c ces hommes, les décrivent 1æ c remarquablement disciplinés et organisés r. Ssnningville est menacée. Un journaliste belgc qui rencontre Mobutu, chef dc lâ.N.C., écrit ls : c I-e génénl Mobutu, aussi bien, était

effondré quand je I'ai w. c Il se rend compte enfin...

r

Partout où ses armées ont rencontré les forces populaires, elles ont été battues à plate couture ou ort fui honteusement.

Un hebdomadaire qui ne lui a pas, dans le passé, ménagé les encouraggmerts, hésenee congolaîser06, écrit:

r Avant

le retrait des troupes onusiennes du Cougo, lo gÉnéral Mobutu n'avait cessé d'affirmer avec forco, à ceux gui voulaielrt I'entendre, que Bes troupes étaient ca. pables d'intervcnir ù touc moments et en touteo circons"taûoes là où dcs troublcs scraient eignalés. r Que voit-on maintenant ? Les troupee de I A.N.C. comrile des petits boy-ecouts, fuient devant les rebclles, abandonnant daûs la plupan des cas armcs ct munitions. Comnent peut on comprendre que nos troupes, dont I'en-

populaires.

Le 21, c'était Baudouinville. Lc 25, Kindu et.Kalima. 124

163.

lû.

11 Sob, 31 iuillct

1964.

3l iuill€t 1964. 165. héæncc êongolalsc, lc sott 196,4. Powquol pas ?,

tzs


tretien cotte énormément cher au pays (le budget ordinaire de I'armée nationale congolaise s'élève à l0 milliards de francs congolais par an) puissent battre en retraite ou se laisser prendre comme des mouches par ces rebelles, armés dans la plupart des cas de machettes, de flèches et d'autres armes primitives

?r

Même des para-comrqandos envoyés à Albertville passent à la rébellion" d'autres se rallient aux forces populaires à Stanleyville.

Mobutu ne dispose plus gue de sa garde prétorienne se garde bien d'envoyer au combat. Déjà il utilisait pourtant des mercenaires. Il n'avait pas attendu I'arrivéc de Tshombe à Léopoldville lnur en ro-

quï

cruter.

Lc colonel belge Vandewalle, dont nous verrons

plus

loin le rôlo dans la lutte conhe les forces populaires congolaises, rapporte 16; et son témoignage, sur c€ 1nint, ne peut être mis en doute :

r

Quand Moïse Tshombc rentra à IJopoldvillo, il y avait sir mois gu'avec I'aide américaine, lc général Mobutu utilisait des aviatcurs étrangers pour bombarder et mihailler

126

livrc Odystéc ct reconquêtà dc

.traite-

r Celui-ci [Ie général Mobutul n'avait cédé à personne la haute main sur les devises pemettant les recrutements à l'étranger.

L'armée de Mobutu ne présente plus aucune résistance organisée. C'est la liquéfaction complète. I-es forces de Sorrrnialot, à travers le Kasaî, sont sur le point de faire leur jonction avec celles du colonel Pakassa, qui descendent le long du lac Léopold-Il, et celles de Mulele qui remontent par Kikwit. L'immense potentiel révolutionnaire en puissance dans Léopoldville, cette ville qui compte à présent plus d'un million et demi d'habitants, n,attend, pour éclater, que la jonction des armées du peuple.

166. Danr roo

lor révoltés du Kwilu, avant de réserver le même mcût à ccur de la vallée de la Ruzizi.

StalttcyrrûIe,

p. 2(8.

r En vertu

de la décision du 27 septembre 1964,

il

était,

ainsi quc son délégrré, habilité à signer les ac'tes bcqgagemerts au nom du gouvernement. Cette décision avait été minutée dans ses bureaux. Blle porte I'en-tête r Ministère de la Défense Nationalc Quartier générat de I'Armée Nationale Congolaise Etat-Major. G. L r

-

a

Devant la débâcle dc ses troupes et lorsque Tshombc I'appuiera, Mobutu va rccruter deg nercenaires sur une plus grande échellc.

Le colonel

Vandewalle ro7

(brit

:

e En débarquatt lc 2A aott, Ie colonel Vandewalle ap prcnait que le gcllérù Mobutu avait passé, avec I'acoord de Moïse Tshombe, de Godefroy Munongo et de Victor Nendaka, une commandc dg millç guerricre à gages, dont lco prcmicrs étaient déjà au combat.

r Lc rccrutomcnt était mené cn Rhodésie ct en Aftiqw du Sud à coupc d'a.nnonceo publicitaires. r A

rm autrc €Ndroit dc son tivre (p. 150) to æloncl Van

dewalle donne des détailg au eujct do cette commande. tr y avait eu des problèmes avcc le célèbrc chef de rrcrc€l6il, Op, clt., 9, 201.

t27


naires Mike Hoare qui s'était illustré à la tête d'une bande d'q affreux r au servioe de Tshombe, pendant les combats de la sécession katangaise. Avant de prendre du service pour le compte de Mobutu, il prend ses précautions : c Revenu à plus dc sang-froid" Mike Hoare, accompagné de Mme Julia Renonprez, épouse ps1ç1 168, se fit rec€voir par le Comité National de Sécurité, Tshombe, Mobutu, Mu. Dongo et Nendaka. tr voulait une directive écrite et la con. firmation des temes du contrat à souscrire par les volon taires. Il obtint fun et I'autre. I* Sénéral Mobutu rédigea et signa la commande. Il avait manifestement entendu le colonel Marlière 100 61 sea exposé du plan.

r Il

l) la compaguie de 200 hommes qui doivent

I

immédia. l(amins, mission: reprise de Manono,

Albertville, Fizi, Uvira.

2) 300 volontaircs soit mobiles en création.

6 pelotons pour les 6

groupes

3) 500 volontaires qui doivent en compagnie des ments A.N.C. reprendro Stanleyville immédiatement.

élé-

r Ce même soir, le capitaine Protin nota dans son agenda avoir vu un organigramme pour une " force de frappe " de 123 hommes (un état-major plus quatre groupes), plus 77 réserves, le tout disponible dans une semaine; Ce sont très exactement les 2@ hommes du primo de la commande, les futtus combattants prévus poltr " Watch Chain " 168. Purcn étâit uD autre ofûcier mercenairc ayant sion du Katanga.

gcwi ts

céccr-

Officier_behp dc I'ancienne force publique quc Mobutu avait gardé à ccs côiâ coooc conseiller nilitsire, 169.

t28

r Comme la plupart de celles qui furent engÊgées e'o dehorc de I'appui logistique et de la direction belges, elle fut aanglante

et inutile

[...1

c Le lendemain 14

aott,le gÉnéral Mobutu rcçut le capi'

taine Protin. tr lui parla de I'engagement de sept colonnes ! tr lui proposa de prendre le commandement de I'une d'ellcs. Mike Hoare, en partanoe pour Bukavu et la reconquête d'Albertville, devait déclarer à André Protin: " Je veux bien collaborer mais pas avec tout le monde et pag

être aux ordrps

écrivit :

tement arriver

ooup d'cnvoi ettal.é des opératione dc mercenaires au Congo 0n 1964, compte non teûu, corrlme toujours, des aviateurs rméricains ou ctrbains.

". r

qu'ilt?

ait aucun doute au sulet du fait que c'est Mobutu lui-même qui, devant I'effondrement de eon armée, a prie à ce moment, la reslnnsabilité du tecrutement des mercenaires, épinglons cette autre précision du colonel Pour

Vandewalle uo :

q A Kolwezi,le2T septembre l9&,il [Tshombel signa ce jour-là une décision qul lui était présentée lxr son conseiller [Vandewalle]; Elle approuvait I'acte d'cngagement des mercenaircs proposé par les eerviccs du gÉnéral Mobutu... r Plus tar4 Mobutu, confirmera pcrconncllcmcnt tdÈle Pierro Davistcr ur quo c'cst lui-mêmo : 170. Op. clt.,

p.

à

son

193.

1965. Plur tard pour ro rébablllter aux essaiera de fairo croirc quo lcs cogarcgprds de l'opinion africainc, gËmcûts dc mercenaireo étaicnt impufablcr à Trhæbe. prêidcot MoAprès la rÉvolte des mercenaires, per cxemplo, r butu a mic lo chef de I'Etât rwandâis au déû dc prower sêB aocula-

l7l. SpécA, 28 octobre

il

h

tions selon lcsquelee Itl-15 janvicr 196E.

il

aurait recruté dcr tGrccûaircl

4 lt

$oh,

t29


r"

( [...] qui, depuic le retour de Tshombc a engagé les volontaires

" européens et sipé ou fait

signer leur con.

trat. r L'intervention des mercenaires ne suffira pas pour rcdresser

la situation.

tr faudra I'intervention directe des troupes belges transportées par I'aviation américaine et leur parachutage sur Stanleyville, la capitale de I'insurrection, ainsi que I'organisation, par des officicrs supéricurs belges, de fexpédition des forces nercenaires lancées à la conquête de oette villg pour briser l'élan des forces populaires.

Wachington avait été irrité, dit-on, par trop de prudenoe bol3o ct serait sur le point d'envoyer à Léopoldville du

natéricl lourd, des camions et de I'aviation. Ccpendmt, lo grand obstacle à unc aide efficace des Etats.Unis serait dbrdre linguistique. Pour reprendre en mains les débris de I'armée congolaise, il faudrait des çxperts militaires américains parlant français. r Spaak prêta aux Américains les para-commandos belger

ct des officiers de l'active, tionnels r.

-

prétendument

r non opéra-

Il

r Il sc confirmc à Bnrxcllcc quc lcs Etats-Unis entendent, c'il lc faut, intervenir dircctcmeut au Congo pour éviter à

suffit de lire les mémoires du colonel yuo6"*a[e ur et de prendre connaissance du rôle joué par ces officierg pendant la reconquête pour voir @mment ils concevaient dans la pratique le caractère . non opérationnel r de leuf rôIe. Cette lecture pennet de mesurer I'ampleur de la supercherie que constitua le discours par lequel tç ministre belge parvint à éviter à I'Assemblée généralc de I'O.N.U. une condamnation de son pays polr I'opération aérolnrtéo sur Stanleyville. Il est donc établi que les troulres de Mobutu étaient virtuellement écrasées, lorsque les Belges et les Américains décidèrent, in extremis, d'empêcher le triomphe des forces

tout prix que

populaires

Averell Harriman, envoyé spécial du Président Johnson" avait, au lendemain du jour où Stanleyville était tombéc aux mains des insurgés (le 6-8), débarqué en catastrophe à Bruxelles 0e 7-8)) ct s'était enfermé pendant dc longues heures avec le minigftp belge des Affaires étrangères paul. Henri Spaak, por décider lc gouvernement belgo à cetto intervention directe. I* Monde rn avait eu des écùos de ce colloque.

oe pays ne verse dans le camp communiste r?s.

Le Mondc, 8 scptcnbro 1964. 173. C'étâit la r{édition,dc la tactiquc quf quatro anr plur tôÇ avait été utilisée contrc Lumumba. Tout Ë nonai bvait pourtant qu;aucun dea chefs dc la révolution n,était comnuniste, d mème de fôrmation marxiste. Gaston Sounialot, ûotâmment, dcyait déclarcr À J.IC do h llbre Belgqte (18 juin 1964) : r On af6rmc que trous somme3 comnunigtes. Noue nc savoùs pa, cc qu'est le commuairme. Nous sommes des socialist€s *ricainslaiur voulons vivre en comnunauté, ei c'cst te ç6a1srrnime, aton ooi nàur 172.

sopm€s coomunistes, mais aous sommcs catholiqucs, protestant, murulmans. On dit que,j'ai cu des cortâcts avec É Clfùoil. fout cim. plemenÇ je logeais danr lo même hôtcl qu'cul et que vou! d'ailleun I Bujumbara. Ce n'cst pas unc raison pour concluri Suo ie lcl ,*"*-

130

:

q Aussi longtemps, écrira le colonel Vandewalle tTs, que celle-ci U'Arméo Populaire dc Libératonl se mesura seule

à I'A.N.C. fi'armée de Mobutu], cllo connut des victoires. La fortune changea de camp non pas avec I'utilisation des mercenaires, ils échouèrent à Albertvilc avec la chaîne de trais. Jo n'ai rien contre les chinois. s'ils peuvent nous aider et investir chez nous, ils peuvent le faire comme n,importe qui, oou, sorr-as oon alignér, voilà tout. r 174. Odyssée ct rcconquêre de Stanleyville. 175. Op. ctt,, 9. 260.


montre rzo, comme

à Boende, mais avec t4 miss en vigueur d'un plan, d'une tactique, d'une logistique, impossibleg à concevoir sans les assistanoes betgc et américainc et plus particulièrement sans I'appui déterminant des équipes de I'Ommegang.

r

De prétendus averr du présidelra ttilro Tré.toung

Le moniteur belge de Mobutu, ltebdomadaire Spécial de Pierre Davisteç au retour du voyage cn Cbine du 96éral écrivait" le 3 janvier 1973 : c On sait dès à présent, dong avec certitude, que lv[ao, dont Mobutu a " admiré la brutalc franchise " a fait des aveux complets concernant l aide de la Chine communiste à la rébellion muleliste de 1964-1965. e Mais fargent que je leur ai donné, a dit Mao, ils I'ont dépensé à boire du champagne et à se faire photographier dans des p,oses avantagsuses, tandis que vous vous battiez àla tête de vos troupes et c'est donc vous qui avez vaincu" r

tr cst fort probablc quc oc textc a été, dc toutes pièces, inventé par Mobutu lui-mêmo ou par rm plumitif à sa solde. Il parait tellement pêu rnaisemblable que le président Mao Tsé-toung ait tenu des propos aussi injustes en ce qui concerne I'Armée de libération p,opulaire et aussi ridicules en ce qui concerne les exploits militaires du fl6. lfarch Chaln, nom d'une opération

ratéo, r

Ommegang

r

étant

le nom donné par le colonel Vandewallc à I'opération dc reconquête dc Stanleyville.

t32

général Mobutu Injustes, puisque les révolutionnaires congolais n'ont pas été battus parce qu'ils buvaient du champagne et posaient 133


pour le photographg mais parce qu'its ont été écrasés par I'intervention étrangère, que si nous avons bon souve- a dénoncée, nir, le gouvemement chiuois en temps et liel avec plus de vigueur quc quiconque. Ridicules, puisque tout le monde ,uit qu" ce n,est pas _ Mobutu qui a vaincu les insurgés mais que bien au contraire. il a toujours été battu par eux, jusqu,à ce que les Améri. cains et les Belgec jettent te poids de leur aviation et de leurs parachutistes dans la bataille et viennent au secourg des mercenairps rec,rutés par lui parmi les anciens affreux du Katanga, la pè8no raciste d'Afrique du Sud et de la Rhodésio ct les dcsperadoe fascistcs du monde occidental. Nul doute que r'il a waiment prononcé tme condam_ nation aussi injuste et aussi légère à l,encontre des cen taines de milliqg dtornmes qui ont risqué ou eacdfié leur l" po* assurer I'indépendance de leur pays et lutter contre la dictature né.o-colonialiste qui oppriijt bur peuple, et qui n'ont ûnalement succombé qoâ oiroo d,interventions étrangères, Mao Tsé-toung corrigera, avec sa c brutale franchise D, un iugBment aussi odieux que ni rtistoire ni lee peuples d'Afrique n'avaliseront jamais.

Lec ncrcenairer cû ler forûcc de pormée de Mobutu

Une fois encor€, la C.LA. était intervcnue au se€ourt de son r homme fort r au Congo. Lc quotidien New york Times 1?7 expliquera que c'est grâc€ à l,aide aérienne four_

nie par Ia C.LA. à

fAN.C. et aur

fensive populaire

été ewayée et vaincue :

a

mercenaires que l,of-

c Les pilotes dc ces avions fles avions prêtée à lâ.N.C.l oonstruits en Amériquc étaient des vétérans subains anticastristcs.

" poru ces avions étaient des nécaniciens européens demandés par des annonoes dans les jour. tnaux de Londres. Ceru qui les avaieNrt aonduie à l,action ]étaient dce " diplomatcs " américains ct autrcs fonctionrnairts ocsupant dcs lnstcs apparcrnrnent civils. c Iæs " rampants

r Le responsablc, ', paycur ct dircctcur do tous ", était la 1C.LA. avec les guartiers généraux à Langlcy; la rapido let efficaoe production d'une " force aérienne instantanée " lau Congo démontre son degré intense d'engagement à cet ,cndroit. 177.

Editioo internationate, 24 awil

1966.

134 135


r Lbpération de la C.LA. au Congo a toujours été la bien ycnue et approuvée de tou les pliticiens des Etats_Unis. r a

Pour donner une idée de Ia mentalité des mercenaires qui combathont pour le compte de Mobutu eonlre les foroes populaires de son pays, épinglons les prolns de I'un des chefs mercenaires à son retour en Afrique du Sud. Mike Hoare déclarait lc 14 décembre t96i à l,Associated Itess r?8 :

r Tuer des communigtes, cr€gt comme tuer de la ver-

mine. Tuer des nationalistes africains, c'est comme tuer Ie n'aime rri lss rrns ni les autres. Mes hom. mes et moi.même avons tué entre 5 000 et lO 000 rebelles des animaux.

congolais pendant les 20 mois que j'ai passés au Congo. r Puis il ajoute laconiquement: e Mais cela ne suffisait pas.

Il y a 14 millions

de Congolais, vous savez, et je suppose

la moitié d'entre eux ont été rebc[es à ép,oquo ou à une autre quand j'étais là-bas. r qu'environ

une

Dc tcls propos doivent blesser tout Africain ayaff le

cæur à sa place. Ils ne semblent pas gêner Mobutu qui, dans son c Façe à Face r avec la presse rn exprimera ses remeîciements

au mercenaire p,our I'avoir sauvé de la mutinerie de Kisangani

(Stanleyville). Parlant des mercenaires qui ont dénoncé le

complot

:

c SIls ont agi ainsi, déclare Mobutu, c'est parce que lc colonel Mike Hoare, ancien chef des mercenaires qui est 178.

Le Soia 15 septeobre

179.

14 aott t966.

fiêle.

C'est

Dc nombreux joumalistes virent, le 12 septembre rur I'aérodrome de Coquilhatville

196,4,

malntcnant en Afrique du Sud, m'est resté lul qui a déjoué le complot. r

r

une section de mercenaires commandés par un grand blond à la poitrine barrée de la Croix de Fer, rendre les honneurs au général Mobutu ræ. r o

Il

faut rendre une justice aux militaires de Mobutu.

Battus dans tous les combats, quand ils n'ont pas fui avant de combattre, ils ont toujours excellé dans les opérations dbccupation des territofues reconquis par les mercenaires. Le peuple congolais savait ce que signifiait c.etûg occupation par des hommes d'autant plus frénétiques et sanguinaires quïs avaient quitté, quelques mois auparavant, ces régions et ces villes sans combattre, animés d'une peur

panique et quïs avaient à venger non les coups qu'ils n'avaient pas reçus mais les humiliado$ quls avaient bues jusquâ la lie, æ qui est plus grave. Ces soudards qui

ne valaient rien dans les batailles faisaient merveille dans la répression. Sous le couvert des avions américains et la protection des merccnaires fascistes et racistes qui assistaient amusés parfois mêmc écæurés à leurs débordements, ces -brutes, qui n'avaient de courage quo contrc des adversaires désarmés, traquaient, battaient à mort, fusillaient tous oeux qui, dans les régions quls réoccupaient, avaient fraternisé avec les forces patriotiques. Ils volaient tout ce qui leur convenait et violaient femmes et filles.

1964.

lg). .Zr Solr, 15 scptembro

1964.

137


Un prêtre congolais du Kwilu écrivait $r en parlant det actions de répression des troupes de Mobutu :

r Non seulement leur attaque est contre les bandes mu. lelistes, mais contre tout homme, enfant, femme, adulte, chèvre, cochon, poule, maison. r

Læs mititaires passent de village en village.

dient les cases,

I-c correspondant de La Libre Belgique;nrlant d,une autrc région reconquise à I'autre bout du pays, le Kinr' atu approches de Luvéungi, raplrcrtait rm :

r II y a quelques maisons de vilràgeois en chaume et en pisé' Toutes sont abandonnées. Elles flambent bientôt dang des tourbillons de flammes. Des soldats vont de rnaison eû maison, avec dcs torches dterbes sèches. r alrtcaînesræ:

r

Remarques

Lee volontaircs blancs oomme

I'AN.C. ont commis deg crimes abominables. La prise d'Uvira, I,agence catholique D.LA" I'a annoncé, fut l'æuvre des mercenaires. e Sachez qu'à Albertville, I'A.N.C. a massacré les gens jusque dans les rits de thôpitar et ce, malgré r,interyentioa du personnel religieux, qui avait pourtant subi plusieurc sévices de la part des jeunesses apês le départ d,Albert. ville du général otenga r81. A Bukavu, les rebelres' l8l. Cette lettre a été oubliée danr La Ganche,6 J:K" La Libre nàbique, zoCr -i"io rsâ., " iuia ll?. 16r. r<ematques alrtcaines, 2g octobre 1964. t8{. L'un des chefs nilitair; ai-i,ei.i--' .

138

1964.

a

trs incen

tuent tout etre humain quïs y voient, attrapent les chèvres, les poules ; Ie gros bétail sur leur pas. sage athap€ aussi des ballcs. r

Un correspondant occasionnel avait écrit à

dlnicnt identifiés suivant leur appartenance tribale. L"es rlvcs du lac furent teintées de sang. Le centre de la ville fut pillé non pas par les rebelles : ils n'ont jamais occupé lo centre de la ville, mais par les fidèles gardiens de lbrdrc, les soudards de I'A.N.C. r

Pour Présence congolaise, hebdomadaire catholique de Ilopoldville qui, on s'en souvient, avait été le premier à exiger I'envoi de Lumumba à Elisabethville, la répres. sion n'était pas encore asæz étendue. Déplorant t* que I'opération belgo-américaine n'ait pas continué jusqu'à la destruction du deruier nid de rebelles, le journal s'en prend aux étudiants de I'Ugec (Union gé. nérale des Etudiants congolais) qui avaient condamné I'opération belgo-américaine de Stanleyville : c Après Stan, nettoyer Léo. Leur retour au Congo re et leur envoi dans une de nos maisons de correction seraient très bien accueillis. Tous ces a

Thomas lÇanzv en puissance et tous les Congolais éduqués

à l'étranger devraient être tenus à fæil par notre Streté nationale, dès leur retour au Congo. a

Il est honteux

d'écouter que Lovanium, université ca. tholique, veuille imiter les extravagances de hrniyelgitf, " libertine " de Bruxelles et devenir ainsi le foyer des idées importées de I'Est. 185. Présence congolaîsc,

5

déccmbre 196,4 de Belgique qui, au risque de sc voir expulser par les autorités belgeq avaient protest6 conte l,opératioa 186. Des étudiants congolais

belgo-américaine aéroportéc.

139


ftfffi{'ry-r La colline inspirée deviendrait-elle la colline rouge ? Iæs partis politiques subversifs devraient disparaitre et tous leurs leaders mis à l'ombre, car le C.N.L, avec leguel ils collaborent signifie Ie désordre et la mort. Une discipline coloniale devrait réapparaître.

>

Mobutu n'allait pas négliger semblable recommandation.

Mobutu à la conquête du pouvoir absolu Après la chute de Stanleyville et la nenace de I'insur' rection écartée pour quelque temps, le jeu à Léopoldville va se faire plus subtil. Quel que soit le mobile qui va I'animer - que ce soit sa crainte devant l'étoile montaûte de Tshombe, que ce soit son souci d'apaiser les leaders nationalistes africains pour obtenir d'eux plus facilement qu'ils interrompent toute as' sistance aux révolutionnaires 18? ou que ce soit simplement un remords tardif et un mouvement do son ccgur d'aacien leader révolutionnaire, lc président Kasavubu allait amor'

oer uD virage et y entrainer uûe partie du personnel pli' tique qui I'entourait. En septembre 1965 déjè, I'on avait, sans oonsulter Tshombc, toujourc hcmicr ministrc, ordonné I'cxpulsion

de dix-æpt étrangcrs' indésirables, parmi lcsquels Pierc Davister lui-même, cct intime dc Tghombc

8.

M. Ahtdfo

avait rârssi au Caneroun à Cuq 187. Politiquc qui -positions prenant quelques spectaculaires (ûotamm€trt contre Tsbombc) était parvenu à isoler scg r rebellec r. 188. Spécbl, dèr lc 9 scptembre, fulmine : : Il fâut croire que lr propagendo téléYiséc prochlnoigo dc Eraza' ville commenco à porter ses fruits à llopoldvillo où, e'hoso curiculc'

l.l0

t4r


Au cours des premières séanoes du padement, issu pourtant d élections truquées et sans valeur, on entend des

D'autnes oomrnentateurs bclges sont plus pessimistes.

députés et des sénateurs parler avec mépris des meroenaiLc 12 octobre 1965, Kasavubu révoque brutalement Tshombe de son 1rcste de Premier rninistrs et confie cette charge à M. Evariste Kimba, ancien ministre des Affaires étrangères de Tshombe dans le Katanga en sécession. En même temps, le président de la République

r

On n'a pas ûni dc mesurer les conséquences du nou' vcau virage pris par la politique congolaise ls. r

res.

les ingérences de

Bt Spêciol à la veillo dc la réunion d'Accra, prédit

Pierre Davister, fort navré de l'élimination de son pro.

Dans le même temps, le Premier rniniglp Kimba, inter' viewé par Spécial, n'écark pas la possibilité d'une uégocia. tion avec les c Soumialot, Gbenye et les Kauza r. Et Kanitatu, ministre des Affaires étrangères du nouveau gouvernement, dénonce à la radio Moisc Tshombe conme étant I'ami de Jan Smith. Kasavubu se rend en peÉotnc à Accra. Le 23 oatobro 1965, il prononoe, devant les chefs dEtat assemblés, et notamment devant le président Nkrumah, un discours qui esquisso un net rapprochement avec les Etats révolutionnai. res d'Afriquc. Il annonce une réconciliation avec le Congo-

e On virera à gauche pour dédouaner le nouveau gouau ', sommet " d'Accra, on revirera à droite 'lorsqu'il s'agira de réconforter les U.S..d gui seront râsSUrés en r€trouvant des hommes .. à eux " dans la nouvelle équipe. tr leur suffira donc d'en revenir à leurs premières vernement

t

C'est aussi I interprétation d'une partie de lbpinion de gauchc en Belgique, Ia Gaucttc notamment éctit rp :

I

l-c nouvcau gouv€rnement est un gouvetne.rot ogJoolonialiste dc droitc, cornme le gouvernement précédent Pour le moment, il n,essaicra sans doute que de modifier la politique étrangère du Congo: atttude plus nationa_ liste (par exemple à r'égrd de ra Rhodésie du sud), voûe en faveur de I'admission de la Chine à I,O.N.U., peut-etre même reconnaissance de la R. F. de Chine. r on cornmcrce

listcg tt.

r

à inciter Ia population à

sc méûer dcg... $ Inpérh-

On colrçoit que Davister, qui avait tout fait-Ëçiu. pour qu,on se néûo des r comm.nistes r qui n'étaicnt nuUc part, un choc au ccur lor-sq^u'il_ enrendit parÉr des . impé,i;]isï;; "i îï-Ëi**, partout. 189, IÂ Gaucltc, 23 octobrc 1965.

t42

:

e On padc avec insistancÊ d'unc probable " ouverturc à gauche " de M. Kaqavubu à la conférence d'Accra qui gbuwe oc mardi 19 ror. D

dénonce quatre ambassades occidentales.

tecteur, prédit :

arnounl.

Iz

,îolr prévoit :

,

Btazzawlle et, abordant naires, explique ræ

le problème br(tlant des mercc-

:

c J'er viens maintenant à un problème qui, je lc sais, vous préoccupe beaucoup ct qui préoccupc tout Africain" parce quT met cn causo la dipité même de I'Afrique: pour comprendre cc problèmo ct recberchcr sa solution, il est à mon avis essentel de le replacer dans son contexte historique. L'on oublie Eop souvent que les mercenaires ont été amenés au Congo par le gouvernement du Katanga

Iz

Sotr, 16 octobre 1965. Spéclal, 2l octobre 1965. 192. Service congolais d'information, Nouvelles 190.

l9l.

du Congo, no lS.

t43


à l'époque où il était sécessionnairp. Lorsque, au début de 1063, la sécession katangaise fut résorbée, le gouwrûement central hérita non seulement de I'actif, mais éplement de tout Ie passif plitique de la sécession et notanment des mercenaires. Le gouvernement central c'efforça de liguider oe passif, en réalisant, au sein de I'armée natio. nale congolaise, conformément aux veux expriméc 1nr ler Nations Unies, Ia pleine intégration des forces de la eê cession. Cette intégration s'arréra laborieuse et n'était pas encore entièrement terminée lorsque éclata la r&

bellion. Dès lors, je fus contraint, dans le but d,éviter l'éclatement du pays, de faire ap.pel à celui qui étaif lo seul à même de réaliser oette réintégration, au risquo dc voir augmenter le nombre de mercenaires w. c Sur le plan interne mon pays a fait peau nepve. La

R6

publique dénocratique du Congo se toume résolument vers I'avenir et s'engage à apporter au problème dcs mcroc. naires une solution dérnitive, conforme aux intérêtc cupê rieurs du Congo et de I'Afrique. r

Intorviewé par ce journal rer, lo président Kasavubu allait être plus net encotre, en disant des mercenaires :

r

Ces gens-là sont venus illégalement chez nous. Tshombc

a voulu en faire I'instrument de sa politique personnelle.

r

Plus tard, Mobutu déclarera à ses a'nis Monheim et J. K. (Van der Dussen de Kestergat) de La Lîbre Belgique, clva Kasavubu, à Accra, était allé beaucoup plus loin dans see accords avec les leaders africains révolutionnaires. Francis Monheim, sotr oonmensal ct son hagiographa

r De très bonne souroe, jai appris toutefois que le gÉnéral Mobutu venait d'etre mis au courant de certains accords passés à Accra entre le président Kasavubu et le Ghana.

Au terme de ces accords, des troupes ghanéennes devaient assurer la relève des policiers nigÉriens stationnés c

C'était s'engager formellement à renvoyer lee merccNrairrs, qui constituaient unc insulto permarente à la dignité

à Léopoldville. < Et parmi les tâches assipées à ces troupes, ûgurait en bonne place la suppression de plusieun hommes politiquec et... du général Mobutu lui-même. r Effectivement, un premier contingent de Ghanéeus était anivé à Brazzaville au début de la semaine dernière. r

c Décision de renoncrr aux merccnaires et volonté fcrmo

A J. K. qui I'interviewera r07 Mobutu déclarera : c Vous nç pouvez croirc à quel p,oint il était temps

africainc. Déjà très crair dans son d.isco'rs, Kasawbu était plus net encore dans ses conversations de couloir et le rcprésentant du journal Iæ Monde à Accra avait noté u :

dhméliorcr les r€lations avec les Etats voisins scmbreNrt indiquer pour les observateurs que le Congo va, dans leg pmchains jours, chaqger sa politique généralo. r 193.-n s'rgisâir -d'ua pieux menrolup. c,étart Mobuûr q'r averr. cotto fois, rccruté lcr mercenaircs ranr-lcsquclr lo rélùnÊ- ô ;d.; ct Kasawbu lui-oêoe auraieot ê6 balay&194,

t4

Le Mondc,26 octobrÊ

1965.

d'agt, le sang allait couler. Je ne peux vous en dire plus... c Cæ que le général ne dit pas,la rumeur publique le dit: à Accra, le président Kasavubu s'était engagé non seulement à faire partir les mercenaires, mais aussi à débarras195. 196. 197.

Le Monde,29 octobre 1965. Spécial,2 décembre 1965. La Libre Belgique, 29 novembrc

1965,

t45


I r-

| -TryÆry-r.

-

rcr l'Afrique de Mobutu, de Tshombe ct dc quetqucs autres. Le Ghana, pour cc faire, avait pronis son ,, assistance technique o, sous la forme de petits groupes de spécialistes cn coup de main. La manifestation de I'ambassade de Bclgrque trt était un premier rodage pour un groupement congolais noyauté dc spécialistes.

r

Nous avons anticipé pour montrer que les milisu:( p19_ ches de Mobutu avaient le sentiment que Kasawbu était allé beaucoup plus loin dans ses @nversations secrètes que dans son discours et quï était décidé non seulement à éliminer les mercenaires et à sc rapprocher des q rebel-

r

mais encore à purçr le Congo et I'Afrique de quel. ques-uns de ceux que I'on considérait comme des grands les

criminels: Mobutu notamment, achetant sans doute, par complices, lbubli de ses pro-

le sacrifice de ses anciens

pres fautes. Mais revenons en arrière.

Au lendemain du discours dâccra, la stupeur et I'in_ quiétude frappent les amis de Tshombe et de Mobutu. J. K. dans un article intitulé c Le président Kasavubu va-t-il entralner le Congo dans un virage à guche ? r rr

avertit

:

c Quoi quT en soit, la politique de M. Kasavubu est lourde d'aventures pour le pays. L'extrémisme africain obnubilé par Ia peur d'une Afrique contrerévolutionnaire qui engloberait le Congo veut obtenir le départ des merce. naires.

M. Kasavubu cède sur ce point, il est clair que toutes les entreprises européennes se replieront avec les merq Si

cenaires.

l?1. 199.

t46

1"

_c93rs

laquelle des drapeaux -1965. belges furent déchirés.

-de La Lîbre Belgtque, 26 octobre

r C'est du moins ce que I'on affitme ici, et cela semble conforme à la vérité. e Et I'on ne sait comment la Belgiquo pourrait maintenir eur place s€s agpnts de lhssistanoe tcchniquo et de I'assistance miliailp. On suppose que M. Spaak aura fait savoir cela très ûettement au président Kasavubu m. r

Et plus loin, dans le même article, f. K. s'interroge: c Maintenant, voici le pays à la veille de retoumer dans les déchirements. Une solution - le coup de frein que pourrait dônner M. Kasavubu mais qu'il cst assez illusoirc d'espérer.

q Et la situation n'est pas loin de rappeler celle de sep tembre 1960 lorsqu'un jeune colonel décida d'interromprc momentanément une vie politiquc qui conduisait le pays à la catastrophe. a Non, iI n'est pas certain du tout que les mêmes causes produisent les mêmes effets, mais si I'on veut envisager toutes les solutions possibles, on ne peut oublier celle-là. r Quand on

lit un tel article, on n'a pas de difficultés

à

comprendre que le gouvemement congolais ait, à la veille du coup d Etat de Mobutu, expulsé un journalisûe étrançr qui suggérait la solution du putsch militaire. Bien des gouvernements - occidentaux, faut-il le dire ? - n'auraient pas été aussi patients dans un cas parcil 1... Au dême moment,I'auÛe ami tês intimc de Mobutu et Tshombe, pierre

Davister, écrivait dans son heMomadairc Spécial (dont n'est pas difficile non plus de comprendrc la eaisie) :

il

200. Ceci était dit avec intention I'on peosait généralement que Spaak ne portait pas Tshombe dans- son ccur et que le départ dcs mercenaires lèverait une hypothèque sur sa politique congolaise. Aussi J.K. fait-il un appel du pied dans I'espoir que, si Spaak reste impassible, ses maîtres américains le contraindront à intervenir.

147


. Kasanrbu se ietto dane les bras de Nknrnah. Bicn str, clcst touchant, maig * oela' ebxplique mal e M. Kasavubu danse Ie charleston à lteure du yéyé, il réentonne dcs rengaines qui ne sont plue à la mo&. L'hictoire de I'isolement du Congo du reste de I'Afrique. Ltis. toirc des mercenaircs, ltistofue des æoscillers européenc st des ingérences étrangères. De vieilles histoires qui n'intê ressent plus personne. Fallait-il vraiment que

M. Kasawbu

les détere ? r Iæ poids d'Accra va peser dans lrr balance car il fut dit au Ghaaa dcs c;hosec qui no doivcnt pas plaire à tout lc monde, qui nc peuvent pas plaire eû tout cas au gÉné.

ral Mobutur Lo départ des " volontaires " eurolÉens et lTntervention des pays de I'O.U.A. N'est-ce pas le plan Adoula qui rcvient sur Ie tapis et n,est-ce pas ce plan-là que le général Mobutu rejetait hier avec force ? l gsrrhaiisag que l'équivoque persistante n'engendre par des jusqu'au.boutistes qui, tôt ou tard, derrraient provoqu€r lc réflexe d'autodéfense des mobutistes Dr. r

Bt d'appelcr Mobutu Io r troisième homne r.

A

trois scmaincs du coup dEt8t, pourqwû vrait écriro :

pas ?

m

Bau-

r Ainsi Joseph Mobutu pouvait prendre le lnuvoir quand ct comme il le voulait. r Pas un bouton de guêtre ne manquait à son régiment do paras. tr y avait consaç:né tous ses soins (ces hommps touchent d'ailleunr une solde exceptionnelle). r

Les coulu de

fun

de Mobutu

Pour Mobutu, les dirigeants politiques peuvent aller jusqu? un certain point celui qu'ont fixé ses maltrer américains

-

-

mais pas au-delà.

Le Peuple dit de lui e

Il

:

est considéré corlmc ltomme-clé deno les affaires

congolaises par

le pouvoir de veto de fait

décisions du gouvernement.

r

Kasavubu ayant annoncé son intcntion de renvoyer les mercenahes, Mobutu va, tout de suitc, signifier quT n'est pas d'accord.

Au lendemain d'Accra, Associated Press m rapporte que la déclaration dc Kasavubu :

r

[...] aurait suscité I'iro du gÉnéral Mobutu, comman. dant en chef de lâ.N.C. qui est partisan de I'utilisation de ces combattants dans la lutte contre lcs reb€lles. r Et à son confidçnt J. K., Mobutu dit

201. fipéclal,2E oc{obro 196j. Pourquol pas ?, 2 déccmbrc 1965.

2!L 148

quI a sur les

ÀP., 27 æIobre 1965. 2M. La Librc Belgiquc, lc novcrnbrc

4

des mercenaires :

203.

1965.

t49


.

Ce sônt des hommes valables qui aident réellement les

populations de I'intérieur. C-ela me peine qu,on les traite

comme des mercenaires à chasser. On ne les chassera pas.

Jc sais qulls viennent ici pour gagner de l,argent, Àais beaucoup d'entre eux travaillent avec un grand idéal [on se rappelle de la déclaration de Mike Hoare !1. c Et s'il faut un jour les fairc partir, ce ne sera pas de

cette manière-là. r Lorsque le Congo nbura plus besoin d,eux, ilg ront avec les honneurs qui leur sont dus. r

pilti-

Démentant les propos de Kasavubu à Accra, Mobutu prend sur lui la responsabilité de l,appel aux mercenaires, depuis I'accession de Tshombe au pouvoir

r

naires.

Il

quï

sau. des meroc. nous revient, en efiet, que c,est Ie général Mobutu

scul qui, depuis le retour dc Tshombe, a engagé les ,, vo. lontaires " européens et signé ou fait signer leurs con

trats. r

Mobutu altait maryucr un dcuxième coup d,arrêt lors. guo Kasavubu ct Ie premicr ministrc Kimba allaient lais. ger cntendrc quc I'on cherchcrait un rapprochement avec

les leaders insurgés. Les deux problèmes étaient d,ailleurg liés. Chasser les merceaaires sans s'entendre avec les insurgés, c'était évidemment courir à un nouvel effondrement de lâ.N.C. devant les forces populaires:

r Ils savent, écrit t. K. &, ta puissance latente d,une rébellion dont les causell n'ont pas disparu: pattout, Ia masse sc sent abandonnée et partout elle s,enflammer sous 205,

150

lrcurrait la direction des agitateurs de Soumialot et Gbenye. r IA Llbre Bclglque,2g octobre

196j.

r Jamais, vous m'entendez, dira-t-il

à son fidèle Davis' je serai à la tête de lâ.N.C. lcs Gbenye-Soumialot et consorts ne feront partie d'un gou. vernement d'urion nationale. Me voyez-vous, claquant des talons et disant " Exællence " à ces bandits qui ont cher. ter æ?, jamais, tant que

ché à me tuer ? Et s'ils revenaient quand même

- Je prendrai alors, c'est-à-dire,? lorsquî le faudra, toutes mes responsabilités. r Le général a &é fon ûet dans ses déclarations

lâ.F.P.

:

Le général Mobutu nous a fait comprendre rait prendre toutcs ses reslnnsabilités au sujet

Aussi Mobutu va-t-il démentir brutalement les prolns apaisants du chef de I Etat et du Premier ministre I :

à

:

r

Les mercenaires ne seront pas chassés, les rebelles nc reviendront pas à Léo aussi longtemps qu'il dépendra de

lui. r Davister explique d'ailleurs avec rme oertaine candeur quelles sont, en dehore des ordreç reçus de la C.I.A., les raisons qu'a Mobutu de ne pas vouloir lc retour à tJo des nationatstes æs. C'est une pièce de dossier. r Il sait que son nom n'a pas été rayé d'rme lisæ noiro où figurent aussi celui de Kasavubu, de Bomboko, de Kandolo, de Ncndaka, d'Adoula et - bien str - do Tshombe. Cc groupe-là, faut-il le dirc, cristalliso d'aillcurs toutes teg rancunes dcs communistce qui scraicnt installés depuis longtemps au Congo ræ si oo rempart, dont Mobutu est la 206. M. Kimba avait dit notamment : r L'armée natlorale rc bat depuis dcr annécs. Ellc est fatiggéc ct dolt gc rcposcr ct notrc rcud est maintenant d'éviter que lc aang coulo. r (Le Mondc, 31 octobrc, 1æ novembre 1965.) 207. Spécbl,28 octobrc 1965. 208. SpéctuL,25 novembre 1965. 209. C'€st là, tout lc oondc fa c.oopris,

te llttératuro dc la

CIÀ

t5l


pierrc de base, ne s'était révélé aussi infranchissable et N'est-ce pas d'ailleurs Justin Bomboko

qui a dit

un

jour: Si ces avant... Tshombe

gensJà devaient revenir

je

serais pendu

I

c C-e que pense Bomboko,

le général Mobutu le

pensc

aussi. On ne saurait, dès lors, lui reprocher son refus net refus catégorique sT en est de creuser sa propre

-tombe. r

-

pris le pouvoir. Il dit aussi tout I'intérêt attachê pat son gouvernement à la reprise du dialogue avec le Congo-Brazzaville. I-e 4 novembre, le gouvernemert ordonne I'expulsion de deux journalistes dont J. K. (van der Dussen de Kestergat) qui vient de mener, dans .Lc Libre Belgique, une campagne de calomnies contre le c virage à gaucbe r de Kasa. vubu, en faveur de Tshombe et d'un éventuel coup dEtat de Mobutu. 9pêcial de Davister est interdil

t52

Lc Solr, 3

novcmbro 1965.

dans son journal

ar

:

Le moins gue I'on puisse dire, c'est que le président a enEainé le Congo sur ute p€nte extrelnement dangereuse par ses tentatives dbuverture à gauche' r critique le rapprochement avec le Congo'Brazzaville ct s'indigne que M. Ganao, minisÛ€ des Affaires étrangÈres ds ce pays, ait déclaré c [...t aux Congolais quïs avaient été jusqu'ici victimes de Ïimpérialisme et du néo'colonialisme, mais que main'

tr

te,nant oela

Malgré les deux coups d'arrêt de Mobutu, Kasavubu et ses ministres semblent décidés à poursuivre le virage amorcé. Les agences de presse Inbel et Reuter rapportent 2r0 que le nouveau gouvernement : c [...] va entreprendre une politique de rapprochement avec les pays africaine non alignés, prendre ses distances vis-à-vis des gouvernements blancs d'Afrique du Sud et de Rhodésie et peut-être de I'Ocam. r Le ministre des Aftaires étrangères, Kamitatu, proclame quc les responsablee congolais yeal6qdifi6r leur attitude à l'égard du mouvement révolutionnairc angolais, complètement ncutralisé dcpuis quc Tshombe, I'ami de Salazar, a

210.

f. K. s'épanche

r

aussi solide. c

Expulsé,

tr

irait mieux. r

morigènc

le ministre Kamitatu en favertissant de ce

que les capitales occidentales sont méûantes parce que Kasavubu avait promis à leurs ambassadeurs de laisser Tshombe en Place.

Le lendemain âr J. K. titre : r La crise congolaise pourrait mener à un coup d'Etat' r De toute manière, il y a dans I'air un coup dEtat' c Si ce n'est pas M. Kasavubu qui le fait, et ot ne voit pas comment il le réussirait, ce pourrait être le général Mobutu qui rééditerait I'opération de septembre 1960' Mais on n'€n est pas eûcore là. I-o général veut res' ter en dehors de la politique et il consenera certainement oette attitude aussi longtemps que co sera possible' Mais peut-être ne sera'cc plue possible très longtemps' Il nl a d'ailleurs aucun intérêt à ce que se prolonge I'actuelle confusion politique qui ne sert p€rsonne sinon lee visées chinoises. D (8i4 Pendant ce temps, des autorités locales prcnûent 'léjà des mesures contrc les meroenaires, tel oc commissaire gé' 2ll. La Librc Belglque,67 novembre 196J. 2t2. IA Llbre Belgigue, 8 novembre 1965. 153


néral à Kindu,lc major Poto-Poto, qui prend prétexte d'un incident mineur pour fairc désamer les r volontaires r étrangers dc lâ.N.C., c'est-à-dire les mercenaires Iæs événements se précipitent.

s.

e [...] trois bataillons dc troupes ghanéennes ct chfttoises sont basés sur le tcnitoire du Congo.Brazzaville et pour' mient etnc app€lé8 à soutenir lo président Kasavubu. I

Derx officiers belges, le commandant Lamouline et lc capitaine Protin, - des s affreux r de la première heurc sont rappelés d'urgenoc à Bnrxelles ltl parce qu'ils appuicnt

Mobutu aæréditcra d'ailleurs ces faur bruits en déclamnt que :

ouvertement Tshombe.

traversant lc flcuve depuis Btazzaille, dans l'eau. r

fs

ministre de I'Intérieur, Ncndaka qui connait la musiguc, lui qui, depuis cinq ans, concubine avec la Streté belge dénoncr un complot su :

-

e Parmi les conspirateurs, se ûouvent des officiers bcl. ges (ut colonel, un major, deux aviateurs), des mercenaires, des employés de commerce, des pilotes de lignes commerciales, des banquiers et même des missionnaires, " en général des Belges ". r

Radio-Léopoldville, avec des accents gue

plus entendus depuis que s'était tue

I'on n'avait la voix de Kasha.

ttrg1s uo stigmatise :

r

[...] les menées diaboliques des impérialistes et do lcurs valets qui veulent détourner lc Congo de ses véritablcs objcctifs. r Dans I'autre camp, on relance les faux bruits, fabriqués, en 1960, dans les officines de la C.I.A. Alors,

cotnme

c'était un bateau polonais qui s'approchait de Matadi. Maintenant, on a payé un député de la Conaco - te parti de Tshombe pour affirmer à I'Assemblée er? que :

-

213. La Libre Belgique, 8 novcmbre 1965. 214. La presse du 15 novembre 1965. 215. Le Figaro, 22 novembrc 1965. 216. Juma, 1er janvier 1966, parlera d'ailleurs plus tard de < la radio s€ remettant à l'école de Kashamura r. 217. Le Soir, La Librc Belgique, l0 novembre 1965.

154

c [...] si les Ghanéens

I*

essayaient d'entrer au Congo, eû

il les ferait

sautef

Spécial de Davister entre en transes 2r8 :

c Mobutu est le dernier rempart et ce qui est mieux, le dernier rempart solide contre I'aventure politique, voirc même l'aventure tout court... Mobutu dit... " Non " ct parfois même trois fois " Non " - lorsque la marge dc sécurité quT a lui-même déûnie et qu'il situo exactemeût dans son esprit risque d'être compromise. c Cærtes, il a accepté le discours de M. Kasavubu à Accra dans ce quï a de symbolique et d'africain, mais pour Itaspect pratique, Mobutu " veille au grain ". r Le Premier mini6ts'6 Kimba, lui, qui, pendant tant d'années, a participé aux entreprises de mystification dc Tshombe, fait preuve d'une tardive lucidité r$. !'{aiûfsaanf gu'il est de I'autre côté, il doit comprendre pourquoi I'on traitait Lumumba et Gizenga de c communistes r. c Chaque fois qu'un Congolais essaie récllement de travailler dans I'intérêt dc son pays, les ennemis de la République démocratique du Congo I'accugent d'être communiste. r Dénonçant ensuite les menées de certains étrangers qui

æ livrent à la concussion pour: û [...] maintenir le Congo 218. Spëctal, 25 novembre 1965. 219. Lc Soir, 23 novembrc 1965,

r55


dans son état de perpétuelle exploitation

r

et qui e [...] essaient de nous corrompre en mettant des sommes colossales à la disposition de certaines persoûtes r, il lance un

appel à I'union de tous les C_ongolais p,our que leur pays c [...] joue enfin le rôle qui lui est normalement dévolu :

celui d'un Etat-pilote. r La Radio de Léopoldville dénonce Tshombe et Kalonji. Parlant d'eux, le speaker dênlarcw z

< Un complot ourdi par certains étrangers vient d'êttrc découvert.

r Ces deux hommes politiques ont voulu démanteler le Congo.

Les champions du chaos congolais sont aujourdtui parmi nous et participent aux institutions de l'actuelre léc

gislature.

c Celui qui donna le coup d'envoi du match le plus criminel, dont I'enjeu était I'anarchie de notre pays, est I'an-

cien président du Katanga. q Le deuxième champion de I'anarchie coagolaise roitelet de I'Etat autonome du Sud-Kasaî. r

fut lc

L'éditorialiete qualifie Tshombe : ( ... de traitre, assassin, néo-colonialiste D et accuse c ... Tshombe et Kalonji d'avoir " vendu le Congo à des impérialistes étrangers r ".

Le ministre Kamitatu lui-même, parlant à la radio, pro. 2r: c Nous ne pouvons pas avoir M. Tshombe au trnuvoir. C'est un colonialiste. Tshombe est un valet des impérialistes et un ami de Jan Smith, le premier minigft,ç clame

de Rhodésie.

r

220" Ia-Ltbre-Belglque. 24 novembre 1965. Certes,

a-ssez

mal ptacé pour dénoncer

ls

Katanga. 221, Le Monde,23 novembrc 196i.

156

-a

crime s""

-i"ï'buo Kimba

Deux cents jeunes gens, aux cris de c Le Congo aux Congolais r, brtlent deux drapeaux belges devant I'ambassade de Belgique. Le président du c Front des Mouvements de Jeunesse du Congo r demande la levée de I'immunité parlementaire de Tshombe et sa comparution devant les tribunaux congolais. Kasavubu, fidèle à sa politique louvoyante, aura vainement essayé de conjurer le sort qui I'attend, en reniant ses engagsments d'Accra et en nommant Mobutu au grade de lieutenant général æ. Il aurait évidemment dt le révoquer, après ses incartades répétées et l'insoumissiou au pouvoir civil affichée par lui. tr se ftt au moins présenté dans une position juridique et politique meilleure dans l'épreuve de force qu'il ne pou-

vait plus éviter. Quoi quI en soit, le vocabulaire dont on use à la radio, les manifestations de rue, les drapeaux belges brûlés, le rapprochement avec les pays révolutionnaires d'Afrique, les velléités de secouer le joug des puissances occidentales, le risque de voir chasser les mercenaires et rentrer à Léo les leaders insurgés, c'en est trop pour les maîtres américains de Mobutu. On s'attend à I'arrestation de Tshombe 2er. a C'est alors que le général Mobutu décide d'agir. Dans la nuit du Z au 25 novembre, il destitue le président Kasavubu et prend lui-mêmc la présidence de I'Etat. r Tshombe, en se déclarant c absolument ravi même plus tatd% z 222..Par ordonnance vembre 1965.

était

,éo.oi;n-î;

ro

r, dira lui-

400 du chef de l'Etat, en date du 3 no-

Yoir les révélations de La Llbre Belglque des 3l décembre 1965, et 2 janvier 1966. 224. Devrsren, dans Spécial, 2 décembre 1965, Ia Libre Belgiaue ct Le Solr,4 décembre 1965. 223,

lu

157


r

Lc

pouvoir.

général Mobutu m'a sauvé

l

la vie en prenant

le

Il

est difficile de sonder les reins et les cæurs. eui dira à quels wais mobiles répondait le mouvement vers I'Afrique du président Kasavubu et du gouverrement Kimba ?

ST s'agissait, comme beaucoup en sont convaincus, de pur machiavélisme, il n'y aurait eu aucunc raison pour les maîtres américains de faire donner le dernier atout: Mobutu. Bien au contraire, ils eussent eu toutes les raisons de se féliciter de voir leurs collaborateurs se dédouaner auprès de I'Afrique nationaliste et révolutionnaire, à la faveur d'une comédie dont ils eussent, dans ce cas, connu par avance le scénario. SIls ont fait agir I'c homme fort r de 1960, et s'ils ont dt une nouvelle fois, jeter le masque, c'est parce qu'ils ont eu des raisons de s'inquiéter, c'est parce quTs ont décelé, dans I'atmosphère du Léopoldville de novembrc 1965, des cgurants qui les déroutaient et quls D'étaient plus strs de contrôler. Là cst, sans nul doute, la vraie raison du putsch militaire auqucl la C.I.A. a donné le feu vert. Cbst co quc pensc le merccnaire de Mobutu qulntervicwera Pierrc Fontainc (pourquoi pas ? da 22 septembre 1966): e Mobutu a certainement bien fait d,éloigner Kasawbu qui, tout indolent quï soit, virait au rouge vif, si on ose cette image. r

Le coup d'Etat du 25 novembre 1965 et l'établissement de la dictature quelques semaines après

le coup d'Etat, va

c Du coup, les éléments politiques, économiques et humains changeaient nécessairement du tout au tout; de tshombiste, l'avenir du Congo devenait mobutiste. c C'est un fait, et le réalisme coalmande d'en tenir compte 2e.

Au c ouf

r

r

lendemain

du coup d'Etat u,

il

avait poussé un

de soulagement

c [...] au coup de balai du gédéral Mobutu. Un soulagement que les Belges devraient, souligne-t-il, normalement partager car Monsieur Kasavubu était devenu étrangement hostile à notre pays et nc se donnait même plus la peine de cacher sa hargne et ses sentiments personnels. Lbublie-t-on ? Des excités venaient dc brtler publiguement notre drapeau lorsque le général Mobutu prit brutalenent le pouvoir. r 225. Spécbl,3 février 1966. 226. Spécial,9 décembrc 1965.

158

159


Fïlifl-e.grMobutu annonce tout d'abord qu'il va ( gouverner par ordonnances présidentielles, d'application jusqu'à annulation par le Parlement r, c'est donc, en principe, laisser aux parlementaires le soin de contrôler sa gestion. Mais à J. K.,

il

déclarew

:

r L'armée a décidé: plus de politiciens. Aucun. C'est clair. Et si un homme politique s'avise de tenir un meeting, on I'enverra devant un tribunal militaire. II ramassera cinq ans de prison. Le tribunal siégera au stade, devant Ia foule. Et les ministres seront étroitement tenus en main. La moindre incartade, crac dedans. r la sorte. peu ont eu impudence de s'en vanter. Avec Pierre Davister % Mobutu va surenchérir encore : Beaucoup de dictateurs ont agi de

c Au début, nous avons déposé ces décrets devant le Parlement pour délibération et décision. Mais les députés ne voulurent pas accepter certains décrets...

Sprccnr..

-

C'est alors que vous avez rendu le Padement

impuissant ?

le

entre Pour éviter une épreuve de j'ai que nc se' ces décrets décidé Padement et moi-même, force

Mosuru.

raient plus soumis à I'avis du Parlement. Mais en même temps j'ai ûxé par un mémorandum ce que le Parlement devait faire pendant les cinq prochaines années... J'ai dit aux députés et aux sénateurs: reposez-vous d'abord, faites une pause de cinq ans... r

la tranquille

r Le Premier ministre Mulamba conduit d'ailleurs militairement son équipe. Petit doigt sur la couture du pantalon

lss

minigtrss doivent se présenter chaque matin à 9 heures

précises à sa résidence.

r

Iæ 7 mars

1966, Mobutu, à la rentrée du parlement, annoncc aux députés et sénateurs qu'il leur retire le pou-

voir d'examen et de discussion des ordonnances-lois du Pouvoir exécutif æe. Pouvoir qu'il leur reconnaissait au lendemain du putsch. I-e régime militaire est total désor. mais.

Le 22 mars 1966, Mobutu s'attribue le pouvoir législatif, Parlement ne sera plus consulté, il sera sinplement s informé r. Interviewé par le rédacteur de Spieget le 2g novembre 1966, Mobutu s'explique:

le

227. La Libre Belgique, t2 décembre 1965. 228. Spécial,9 décembre 1965, 229. Le Peuple, g mars 1966.

160

!

I

o

r Le Séminaire National du Corps des Volontaires dc la République est heureux de proclamer ofticiellement aujourd'hui le lieutenant général Joseph Désiré Mobutu, second héros de notre pays m. r Tous les pouvoirs tant législatif, exécutif que judiciaire sont entre les mains du seul Mobutu: président de la Ré-

publique, chef de I'Etat et du gouvernement, présidentfondateur du parti unique Qe Mouvement Populaire de la Révolution, M.P.R., nouvelle appellation du Corps des Volontaires de la République) et chef de I'armée. Tous les organes de I'Etat sont subordonnés aux décisions du Parti. Même la justice est subordonnéc au Parti et tenue d'obéir aux décisions du Bureau politique. En 1970, une réforme judiciaire met le Procureur général 230. Conso

,%6, C.RI.S.P- p. 13.


O"r.r.rnro, au seryice du chef de I Etat et tous les magistrats sous la dépendance du procureur général. Spécial at y va d'un commentaire officieux :

e Naturellement la guestion vient immédiatement à l,es-

prit de savoir si cette réforme ne vaudra pas au général Mobutu la réputation d'avoir voulu mettre le pouvoir judiciaire à sa merci. A cette possible critique, un haut magis-

trat congolais répond : - Bien str que non. L indépendancp du magistraÇ ce n'est pas d'interpréter la loi comme il veut, mais la dire telle que l'a voulue Ie législateur. II est certain qu,en instaurant

Un acsasdnat politique : le < complot de lr Pentecôûe

On comprend que la Suisse ait refusé récemment l,extradition de l'âncien minigtrc Losembe (ex-Mario Cardoso) au profit d'un pays où règne une telle conception de la

Pour mieux asseoir sa dictature et le régime de terreur qu'elle impliquait, le général Mobutu fait arrêter,le 30 mai 1966, quatre personnalités qui seront immédiatement accusées d'avoir trempé dans le complot dit c de la Pentecôte r. Le matin même de leur arrestation, le haut-commissaire à I'Information du Congo, Jean-Jacques Kande, avait annoncé, au nom du gouvernement que:

I'unité de commandement dæts le pouvoir judiciaire,commo eIIe existait déjà dans tous les autres domaines, Ie président de la République, législateur suprême, marque un nouveau point contre I'anarchie. II garantit que justice la sera bien rendue de la même manière pour tous. r

justioe.

n

r Messieurs Kimba, Anany,

Bamba, Mahamba vont maintenant comparaître devant un tribunal militaire qui les condamnera à mort et ils seront pendus. r Cette annonce du châtiment qui attendait ces quatre personnalités avant même qu'une instruction ait été ouverte à leur charge, manifestait, dès I'origine, I'absence de toute loyauté dans les poursuites. Le lendemain de I'arrestation, le 31 mai, le général Mobutu crée, par ordonnance présidentielle æ, un s Tribunal

231. Spécial, 18 mans l9?0.

232. Ordonnance-loi 66-338 créant un tribunal militaire d'exception composé d'un président et de dcux juges nommés par le Président de la République parmi les officiers supérieurs de |A.N.C.

t62 163

!


militaire d'exception r chargé de juger et de condamner, le jour même, les quatre accusés. Ceux-ci, après avoir été présentés au général Mobutu lui-même, pieds nus, en guenilles et portant la trace de sévices quTs avaient subis, avaient comparu devant ce prétendu q Tribunal r composé de trois colonels : pierre

- et Honoré Nkulufa, Ingila, Ferdinand Malila subordonnés directs du chef de I'Etat où, eu I'absence de toute instruction, de toute inculpation précise, de tout réquisitoire et de toute défense, ils s'étaient vu infliger, après cinq minues de r délibération r, la peine capitale. Les journalistes qui les ont vus au cours de leur cès r les décrivent I :

c pro-

r

Les avant-bras ensenés dans de grosses cordes, pieds nus, les vêtements fripés et sales, le regard un peu égaré. r Quarante-huit heures plus tard, ils étaient exécutés devant une foule évaluée à deux cent mille personnes.

Il

était pourtant constant que les prétendus c conjurés r n'avaient pas eu d'annes à leur disposition et que le complot dont on les avait accusés n'avait pas reçu le moindre commencement d'exécution et n'avait pas fait la moindre

Ccttc r provocation r ne semblait pas discutable puis' quiil était officiellement reconûu quc des ofticiers étaient intervenus dans les pourparlers et que les accusés avaient été arrêtés au cours d'une conférencê avec le gouverneur nilitaire de la capitale. Mais leur demande d'êtrc confrontés avec les officiers qui les avaient provoqués fut repoussée purement et simplement par le r Tribunal r qui avait mission de les condamner.

Rarement, sinon jamais, on n'avait vu semblable précipitation, ni procès politique s'apparentant aussi clairement que celui-ci à un assassinat.

Lorsquïs ont demandé la confrontation, le Président coupé

courte

a

:

e Messieurs, nous sommes ici devant le Conseil de gueffe. C-e ntst pas polu une discussion. Nous somm€s ici, c'est pour punir quelqu'un, donc. I-e tribunal mililails ne demande pas beaucoup de temps. Maintenant en tant que Président nous allons à côté pour mettre les choses au point. r

victime.

C'est cinq minutes plus tard

I-es accusés, pendant les quelques minutes où, sous les Ia foule, ils avaient pu s'expliquer, avaient affirmé qu'ils n'avaient pas fait autre chose que d'envisager la formation d'un gouvernement civil destiné à remplacer la dictature militaire à laquelle des officiers supérieurs de l'armée avaient manifesté l,intention de mettre fin. Ces officiers supérieurs, après avoir inspiré c les

A la demande de grâce,

qull revenait avec le verdict. il fut répondu :

r Lorsqu'un chef

il

huées orchestrées de

conjurés n, les avaient ensuite dénoncés et livrés. 233. Le Soriz, 2

164

juin

1966.

décide,

décide, un point c'est tout

!r

Plus grave peut-être que le crime, est la tentative de faire passer ses victimes pour q des hommes vendus à I'impérialisme, au capitalisme, travaillant pour le compte et dans l'intérêt de milieux étrangers r. C'est grâce, sans doute, à l'équivoque qu'il a créée de 234. Ccngo /966, C.R.I.S.P.,

p.

437.

Il

existe un enregistrement de

ce singulier procès.

r65


cette mânière, grre

le général Mobutu a pu évit€r, dang

une partie de I'Afrique, l'horreur et I'indignation qui ont soulevé le reste du monde.

Kimba, Anany, Bamba, Mahamba quelles qu'aient pu être leurs erreurs passées - étaient de ces hommes qui avaient combattu avec courage le gouvernement de Moise Tshombe. Anany, 1nr exemple, ancien minigfle de la Défense nationale du gouvemement Adoula, et qui, ù ce titre, avait pourtant lutté contre I'insurrection de pierre Mulele au Kwilu, avait, par la suite, avec beaucoup de courage, refusé de participer aux élections organisées par Moise Tshombe si celles-ci n'étaient pas précédées d'une réconciliation avec ceru( que I'on appelait c les rebelles r et du renvoi des mercenaires. Bamba, dignitaire de cette église kimbanguiste, dont la doctrine est toute de non-violenoe, avait passé plus de dix ans dans un camp de concentration du régime colonial, en raison de ses opinions religieuses. Avec Mahamba, il appartenait à ce groupe d'hommes modérés qui avait encouragé le président Kasavubu dans l'évolution qu'il avait amorée vers une politique plus africaine, moins engagée en faveur des puissances occiden-

intention de mettre

fin au régime de dictature et dc réta-

blir la légalité. Ils avaient demandé à Anany et consorts sT leur

I-e seul.rôle d'Anany, Bamba, Mahamba, Kimba avait été d'établir une liste de personnalités susoeptibles de faire partie d'un tel gouvernement provisoire, au cas où la dictature s'eftacerait. On oomprend pourquoi il était imFossible de faire aux prétendus r conjurés r un proês honnête et loyal. Quelques semaines plus tard, I'aucien ministre des Afiaires étrangères, Cléophas Kamitatu, allait à son tour être condamné pr le même tribunal dans des conditions aussi scandaleuses, à cinq ans de prison. Il fut interné dans lIe do Bula-Bemba, où Antoine Gi?errya a vécu pendant deux ans et demi, sous le régime de M. Adoula. Il en sortit après quelques mois. tr avait eu la chance de ne pas avoir fait partie de la première fournée.

a

tales.

C'était cette évolution que le coup d'Etat du général Mobutu avait brusquement interrompue. C'est parce que ces quatre hommes noncé qubn les a supprimés.

n'y avaient pas re-

à des hommes politiques, dont les quatre t66

Au cours d'une interview à la R.T.B.46, Frédéric François posa au général Mobutu la question suivante : Président, je crois que I'opinion publique mondiale a été aussi un peu émue par le fait, du moins étonnée par lc fait que les pendaisons, que les exécutions ont été faites sans procès, du moins c€ que nous appelons dans notre esprit cartésieq comme vous le dites, un procès ? r n

On sait à présent la véûté sur ce prétendu r complot r. Dans les mois qui suivirent le coup d'Etat, de nombreux militaires haut placés, qui avaient apporté leur appui au général Mobutu, étaient mécontents de le voir établir une dictature. Certains de ces militaires avaient fait connaître condamnés, leur

serait

possible, dans cette éventualité, de constituer un gouvernemeNrt provisoire.

M. le

235. Diffusée

le 4 juillet

1966.


Mobutu répondit

:

c Il y a eu un procès. Il y a eu d'abord une ordonnanceloi que j'ai rendue publique au lendemain de ce comFlot

et qui donnait carte blanche à un tribunal mititairc 6'erception de faire ce qull devait faire. c tr était du devoir des trois ofticiers supérieurs qui constituaient cette justice militaire d'exccption d,accepter ou pas que les conjurés aient des avocats pour leur défense. r L'onlèvcmeni de Mo'lbe Tshombo

Oq sait qu'au lendemain du coup d'Etat de 1965, beaucoup dbbservateurs e'étaient imaginé que Mobutu tirait les marrons du feu pour Tshombe. Tshombe lui-même manifesta sa rcconnaissance à Mo. butu :

r

Lc général Mobutu, avait-il déclaré, vie en prenaût le pouvoir e. r

m'a sauvé la

Avec une absence totale de perspicacité, oertains de ces observateurs expliquaient l'eftacement de Tshombe au lendemain du coup d'Etat par un habile calcul:

r

Iæ sentiment général est que Tshombe n'apparait pas Irour permettre à Mobutu de se dédouaner atx yeux des Africains. r

tr devait apparaitrc

assez

vitc que les

préoccupations

de Mobutu étaient d'un autre ordre. tr entendait régner seul. A cette fin, il était déÆidé à liquider Tshombe après avoir éliminé Kasavubu. Avec Tshombe, I'opération devait êfte, si elle réussissait, particulièrement rentablc. Etânt donné le sentiment de 236.

r68

Devrsrrn, Spécîar,2

décæmbro 1965.

169


mépris et d'hostilité que lbpinion afrrcame et progressiste dans le monde nourrissait à l'égard de Tshombe, il représentait une occasion exceptionnelle pour Mobutu d,en faire

le bouc émissaire de tous les malheurs du Congo et de se dédouaner détnitivement lui-même aux yeux des natio-

lllistes noirs. Tshombe avait sompris tÊs vite I'intérêt quT présentait désormais aux yeux de Mobutu. Et il avait, sous prétexte de santé, repris le chemin de son exil madrilène.

Son absence ne changeait rien au problème sinon qu'elle rendait la solution plus difficile.

Peu après son départ, le régime du général Mobutu à Tshombc un proês par contumace.

fit

Sulprimer l'homme qui représentait aux yeux du monde africain I'image même de la trahison, c'ett été en même temps €nterrer pour toujours I'aftaire Lnmumba.

Tout proês loyal contre les assassins du grand leader congolais aurait exigé, au banc des accusés, aux côtés de Moise Tshombe, ex-chef de I'Etat sécessionniste du Katanga où il a trouvé la mort, et de Godefroid Munongo,

son ninistre de I'Intérieur, qui l,a sans doute tué, I'exprésident Kasavubu, le général Mobutu lui-même ainsi que Victor Nendaka, ancien chef de la polioe.

Dans un tel procès, I'on aurait recherché sans doute quels sont les plus coupables de ceux qui ont envoyé Lumumba à une mort certaine ou de ceux qui I'ont tué ou laissé tuer à son arrivée au Katanga.

L'on comprend pourquoi un tel procès n'aurait pas été possible dans le Congo du général Mobutu. Crest pourguoi, bien que Tshombe ait été désigné par tous comme un assassin de Lumumba, il n'avait pas été question de cette accusation dans le proês que lc général 170

Mobutu lui avait fait faire et qui avait abouti à sa condamnation à mort 237. C'est pourquoi aussi l'enlèvement de Tshombe en plein ciel constituait pour Mobutu une événement providentiel. Il mit immédiatement tout en æuvre pour obtenir son extradition. C'est pourquoi aussi le Procureur général du Congo, Kabeya, lorsqull s'est rendu à Alger pour se fairE liwer Tshombe, proclame que la condamnation à mort prononoée par contumace contre lui n'est susceptible ni d'opposition

ni d'appel. La pendaison de Moïse Tshombe sans débat public, sans déballage gênant quant aux circonstances de la livraison de Lumumba aux autorités katangaises, aurait été un coup magistral, la mystification suprême. Moise Tshombe payant pour un crime dénoncé par tous mais p,our lequel il n'avait même pas été condanné, c'ett été faire de son exécuteur avait au moins autant sinon plus dc responsabilité -quequi lui dans le meurtre du 17 janvier 1961 le vengeur du grand leader congolais et africain. Promener Tshombe dans les rues de Kinshasa et I'exécu-

ter le jour anniyç1gai1s de l'indépendance du Coqgo ctt 237. Att cours du simulacrc do procèe qui tui avait été fait par défaut devaot les trois cololrels qui avaient envoyé au gibet Aaany, Bamba, Mahamba, Kimba" Mokc Tshombo avait ét6 poursuivi pour avoir organisé lrr cécessioo katanfAiso (ct co n'cct pæ trqut qui minimiserong ce crime après avoir publid un liwc de 420 pages pour le dénoncer. Mais Mobutu, qui avait appuyé lrr récession tant qu'elle était dirigée contre Lumumba, était bien mal placé pour faire èe procès), €ntretenu des mercenaires en Angolr (ceux doût Mobutu e'est ser9i par la suitc pour combattre les forces populaircc), provoqué h révolte des gendarmes katangais à Kisang8di. Il n'a pas été et pout cause questior do l'asssssinat de Patrice Lumumba, pour -donner une idée -dE ce procès, signalons quc les accusés ont comparu cans défenseur et que le ,seul civil du lot, Emery ou Luther Katteng, ancien chef de cabinet au département des r Affaires sociales r, ayant Éclâmé un âvocat, ( on en cherche un dans la salle, puis on t€nte d,en contacter un en ville par tfléphonc, Mais il ne se présentÊra pas ,.

t7t


la dernière touche qui aurait ravi les La méthode de I'envoi de c colis précieux r est chère, on I'a vu, au général Mobutu depuis fort longapporté à I'affaire

avait été dérouté vers Alger, Moîse Tshombe

te se rendait

ftt

connaisseurs.

pas au Lungo et n'accomplissait aucune tâche rapport avec ses ambitions politiques.

temps.

Lommerçaût virtuellemett en faillite en 1958, Moise Tshombe se trouvait, à la fin de la sécession katangêise, à la tête d'une fortune considérable. Un ministre belge, qui avait quelque raison de connaltre sa situation, évaluait son avoit, à ce moment, à six cent cinquante millions de francs belges, répartis entre des banques suisses, espagnoles et belges. Il n'est pas douteux que son passage à la tête du gouvernement du Congo lui a permis d'arrondir

Il

avait à peine, en septembre 1960, a neutralisé r patrice Lumumba, qu'il proclamait que si Félix Moumié, qu'il soupçonnait d'être I'un de ses conseillers, tombait èntre ses maiûs, il I'expedierait comme un c colis l à son adversaire, le président Ahidjo. (Félix Moumié n'est pas tombé entre ses mains, mais il mourait, quelques mois plus tard, empoisonné à Genève.) Quand Patrice lsprrm!4 fut, le lZ janvier 1961, expédié à Elisabethville, Moïse Tshombe en fut averti par un coup de téléphone de Léopoldville lui annonçant I'arrivée d'un q colis r. C'est le même vocable qui fut adopté par la radio de Kinshasa à la nouvelle du c kidnapping r de Moïse Tshombe. Le général Mobutu a attendu, vainement, le précieux q colis r. Certes, Moîse Tshombe n'avait pas renoncé à ses ambitions politiques. Et qu'il ait été disposé à donner un coup de pouce au destin qull estimait être le sien n'était pas douteux. Sans doute n'y aurait-il rien eu d'invraisemblable à ce qu'il ait stipendié quelques partisans en vue de procéder à des sabotages et quelques mercenaires pour qulls soient prêts à le seconder, à toutes fins, le moment venu. Mais I'homme était trop réaliste, trop rusé pour songer à reprendre le pouvoir par la force. Il était convaincu et

les incohérences du régime du général le confirmaient-dans

cette conviction

que, tôt ou tard, le pouvoir lui serait tombé entre les mains comme

qui

en

enoore son magot. Ses loishs forcés dans lc domaine politique I'avaiett, tout naturellement, amené à chercher d'heureux placements. Et c'était manifestement d"ns le cadre de telles préoccupations qu'il avait fait le voyage qui lui fut fatal. Appâté par le projet dc création d'une chaine d'hôtels

(il était gueston de cnéer une société au capital de 45 milliqas de dollars dont il aurait été le président), il était tombé dans le piège qui lui avait été tendu. Au profit de qui ? Du général Mobutu sans aucun doute. Mais par qui ? tr n'existe pas encore, à I'heure actuelle, de certitude à oet égard et bien des précisions ont été données puis démentiec, qui n'avaient d'autre but, sans doute, que de semer la confusion. S,il est à pcu près certain quc c'est lo Français Bodenan qui a, dans I'avion, mené I'afiairc cn jouant du revolve& ll est à peu près aussi certain quï no pouvait songer à . maltriser tout le mondc sans une complicité au moins parmi ses compagnotu de vol$.

un fruit mtr.

Intrigues et sabotages pouvaient hâter ce momert et justifiaient quelques mises de fonds, mais c'était tout. Et il

est certain qu'au moment où I'avion qui te transportait

t72

,J_

238. Les tribunaux suirscr ût, en rott 1973, autorisé I'ertradition do Bodenan. Peut4tro le procès qui lui ccra fait tpportcra-t:il cnfin der grécisiona qusnt

rux coonondiaiter du ttdnapping ct è tcr mobilo.

t73


Le Belge Hambursin est un co-auteur possible. Il y eut, entre lui et Mohe Tshombe, au lendemain de lia séoession katangaise, un conflit très aigu au cours duquel furent échangées des accusations extrêmement graves.

Il s'est révélé, au cours des poursuites, qu'Hambursin avait remis à Pierre Davister des fonds importants @lusieurs millions de francs belges) appartenânt à MoTse ' Tshombe. Pierre Davister est, on le sait, ce journaliste belge qui, après avoir lanoé I'hebdomadaire Spécial au moyen de fonds fournis par Moise Tshombe, alors presisl minigfs du Congo, et en avoir fait lbrgane ofticieux du gouvernement Tshombe, a, aussitôt après le coup dEtat du général Mobutu, proclamé, expressis verbis, que le Congo, de r tshombiste r était devenu e mobutiste r et modifié sans autr€ forme de procès, sa ligne politique en conséquence. Spécîal qui était, depuis lors, le moniteur du c mobutisme r, baignait, comme il fa[ait s] attendrc, dans une joie sans mélauge après le kidnapping de Molse Tshombe, à la pensée du sort qui attendait le précieux r colis r lorsqu'il parviendrait au Congo. Nous savons, dbuûe part, qu'au lendemain dc la séces8ion, d'anciens mesocnaires de Tshombe étaient acharnés à sa pcrtc et prêts à tout 1rcur I'abattre. Certains hommes qui avaient exposé leur vic à son service, qui gardaient dc leurs blessures des infirmités déûnitives, €t qui voyaient, dans la misèr€, des veuves de mercenaires tués dans les combatg, ca voulaient à mort à Moise Tshombe de ne lnint avoir tenu seg promesses et de les laisser sans secours alors qu'il menait, lui, une vie opulente au moyetr des centaines {g millisas qu'il avait r planqués r. L'ex-avocat Flæ Sigal ne pouvait davantage être éearté. En dehore du fait qu,il avait servi d'intermédiaire entrc Moise Tshombe €t la société-appât, il n'est pas indift74

quï ut

qr

du général Mobutu. Les gardes du corps cspagnols ont pu être achetés; le fait quïs aient été libérés les premiers plaiderait plutôt en faveur dlme tclle blryothèsc. Et nul ne peut dirc avec certitudc aujourdtui que le pcrsonnel anglais de l'avion était audcssus de tout sou1r fércnt

étê,

1961, I'avocat

çon. Quels que soient, parmi les compagnons de voyage de Moîse Tshonbe, les exésutânæ du rapt, I'hypothèse la plus rnaisemblable jusqu'ici est qu'il s'agit d'rm coup monté par la CJ.A. On sait que le général Mobutu est

Itomme fort de la C.I.A" au Congo depuis

septembre

1960.

Depuis quT a pris le lnuvoir, à la fin de 1965, le repré' sentant de la C.I.,A,. à Kinshasa a provoqué le rappel de l'ambassadeur des Etats-Unis parce gue oe diplomate ne lui était pas assez favorable.

Le quotidien démocrate-chrétien belge La Cité du 15 juil-

let

1967 rapportait que c'était Monsieur Devlin" patron des services s€crets américains au Congo, qui avait mis sur pied toute I'opération &.

'L'on savait que la C.I.A exerçait une partie de ses actvités en Europe, sous le couv€rt d'une société installéc au Liechtenstein. C'est une société établie dans la Principauté qui s'est abouchée avec I'ex-avocat Sigal en vue de l'opération immobilière qui a servi d'appât; c'est la même société qui a réservé I'avion du rapt. Elle a d'ailleurs été dissoute aussitôt après I'enlèvement, cotnme si celui-ci avait été son seul objet réel. Les parlementaires du Parti social chrétien belge, appartenant majorité gouvemementale d'un des pays les plus étroitement fidèles à I'alliancc américaine, ont fait connaitre qu'ils considéraient que la C.I.A. était responsable de la dégradation continue du Congo 239.

àh

(Ia Libre Belgique, 14 iuillet

1967).

t75


Pour la C.I.A., si l'enlèvement avait dt conduire à la livraison de Moisc Tshombe au gÉnéral Mobutu et à son exécution, c'ett été un succès fracassant puisque lbpération aurait permis à son c homme fort r de redorer son blason de nationaliste luttant contre I'impérialisme et le colonialisme ef que elle aurait fait - suprême astuce - inconscient jouer à I'intransiçante Algérie un rôle sans plus, doute mais essentiel - dans I'opération et aurait, de conduit le président Boumedieno à cautionner le régime du général Mobutu. Lo président Boumediene eut assez de clairvoyance pour ne pas jouer le rôle qui lui était imparti dans la machination. Malgré une décision de la Cour suprême d'Alger favorable à I'extradition, il refusa de liwer Tshombe à celui qui brtlait de le liwer au bourreau. Pour qui douterait des intentious de Mobutu à l'égard de Tshombe dont il attendait la livraison, il suffit de rappeler l'interview que le général accorda à lâssociated Itess 210 : c Que va-t-il se passer avec Moise Tshombe ? r demande le journaliste. Réponse de Mobutu: r Sans préjuger dc la décision du Tribunal d'Alger que nous ne connaissons pag encore. pour ttous Tshombe est un homrne mofi. n a été jugé et condamné à mort par nos tribunaux. r Dans la bouche d'un homme gui avait, - nous I'avons comploté avec Tshombe pendant la sécession du -, Katanga, contre le gouvemement Lumumba, puis contre I'O.N.U., qui avait été jusqu'au bout solidaire de Tshombe,

vlr

de tels propos avaient de quoi indigger. Comment les qualifier lorsqu'on apprend le rôle joué par Mobutu personnellement dans I'appel fait en 1964 à lshombe en vue d'accepter le rôle de Premier ministre du 240.

t76

Lc

Peuplc

et La Llbn Belgîque,22-23 juillet

1967.

battait son ptein et où Congo au moment où la révolution

littéralemeût sous l"s tioup"s de Mobutu se décomposaient de libération t les coups des forces populaires son numéro du 27 juil' C'est Pourquoi pas? qui' dans contacté le let 1967 révèle que Uotutu a personnellement Pierre encore ger"nt de lhebdomadaire auquel collaborait le témoipage de oelui' Davistet, Raymond Naegels' Ctst un rappel oppor' ci que Powquoi pas? rcrrd public après tuû du Passé:

cMaiscescrimesdedroitcommlm'quandTshombc les aurait-il commis

?

sats nul doute' c Au moment de la sécessiot katangaise' où' baptisé Cest-à-dire entre 1960 et 1963' ou momeût ,, impérialistes .. Tiroir-Caissg il faisait le jeu de tous les

€t de tous les néo'colonialistes' c Que faisait, à cette époque' M' Mobutu ? I'avait fait sauter c On sait qu'une promotion fulgurante comptable d'un échelon modesto - celui du sergent - au (colonel' commandant sommet de la hiérarchie militaire que cet homme atpenser peut de l'armée congotaise); on

æotifsuivaitdetrèsprèscequisepassaitauKatangaet Or' en juillet 1964' notamment ce qu'y faisait M' Tshombe' du destin de son ce même M. Mobutu, toujours préoccupé gu'un seul pays, estime : " eD son âme et conscience " homme peut reprendre valablement

la barre: Moise

Tshombe.Ilsesaisitluî.mêmedutéIéphoneet,deLéo. de contader poldville, appelle notre gérant et lui demande dont Tslombe' alors en exil volontaire' ce même Tshombe

mois aupara' les révélations publiées par tous quelques journal' vant avaient provoqué la saisie de notre pressé' M' Mobutu' en cet été 1964' s' lI est d'oilleurs lort une nouvelle fois' Car 24 heures plus tard' it tétêphone t77


. ee$ urgent, dit-il, très urgent... t Qu'est-ce qui était urgent ?

eu,un " ctiminel ,, de droitt comtnun vienrze occuper le poste de premier ministre en cei Congo où M. Mobutu tirait les ficelles.

r Mais non, n'est-ce pas ? Ce qui était urgpnt était que M. Tshombe en qui M. Mobutu plaçait toute sa conûance, vienne tenter de sortir son pays du chaos. De dcux choses l'une, dès lors: où les ctimes évoqués aujourdhui sont imaginaires ou M. Mobutu, en 1964, les avait personnelIement amnistiés. r

ou les mots n'ont plus de sens ou Mobutu a tout simplcment trahi Tshombe corlme il a trahi pafrioe Lumumba, Kasavubu et tant d'autres.

Mobutu ot lea gendarmcc krtsnEdt Une premièrc révolte des meroenaires quc Mobutu avait

utilisés pour combattre lcs forces populaires s'était pro' duite à KisangÊd (Stanleyville) au cours de l'été 1967. La chef mercenaire Mike Hoare avait largement contribué à la maûer. tr avait été, nous I'avono vu, oongratulé par Mobutu personnellement pour con intefvention. Mobutu avait promis aux gsndarmee katangaie eotralnés par lee mercenaires quïs auraient la vie sauve ct sgnient réintégrés dans I'armée,

sïs

se rendaient'

Mobutu avait pris vis.à-vis d'un autre cbcf mercenaire, le oolonel belge Scbramme, I'engagemeot que rien n'arri' verait aux çndarmes katangais qui se rallieraient sans combattrre

u.

I.e 3l juillet, le gouvcrnemcnt dc Mobutu langait uu r alpel aux anciens gendarmea katanSÊis combattant dans les rangs des mercenaircs étrangers, leut dcmandant de réin-

tégter I'atmée nationale. Leg autoritée congolaises ont ajouté qu'aucun mal ne scrait fait aru gendarmes qui se présenteraient d'eux-mêmes aux autorités, sang armes %2. r ?4l. Lc Soir, 12 aott 242.

t78

1967

IA Librc Belgique

rr-'Le Peuple,3l juillet 1967'

t79


Le lendemain r Radio Bukavu D, par la voix du gouverneur de Ia province du Kiw, Engulu, parlant au nom de Mobutu, proclamait ar

Entre-temps Mobutu avait écrit au président du Comité intemational de la Croix-Rouge une lettre qu'il avait rendue publique et dans laquelle il fait c savoir qu'il accordera

r Le Président de la République vous attend à bras ouverts et vous réserve vos places dans l,armée nationale. Il comprend que vous avez été trompés par des bandits et vous considère conme des frères simplement égarés. r

une amnistie à ceux de ses ressortissants qui désireraient retourner dans leur patrie et ne pas émigrer en Zambie r.

3

C-eux

qui se laissèrent prendre à oes a1ryels

_

une ch-

quantaine semble-t-il - furent fusillée sans jugpment dès Ieur débarquement à Léopoldville ou à Coquilhatville. Leur chef, le colonel Tshipola fut exécuté après une parodie de jugement. Le major Mwambu fut abattu

à

sa

descente d'avion. Ces exécutions ne furent conDues que plusieurs mois après. a

bassadeur du Congo dans ce pays.

Le gros des gendarmes katangais avait suivi ra revorte et la retraite des mercenaires conduits par Schramme et Bob Denard.

En aott 1967, ils formèrent à Bukavu un gouvernement

de salut public sous la direction du colonel Léonard Monga,

jeune officier katangais, frais émouru de ÏEcore militaire belge.

Le 5 novembre l967,le colonel Schramme fait évacuer Bukaw et se retire sur le sol du Rwanda avec 2500 hommes et 1500 femmes et enfants. Les blessés sont soignés par la Croix_Rouge Intematio-

nale. Cette organisation entame des pourparlers en vue du transfert des réfugiés en Zambieua. 243. Le Soir, ler aott 1962. 244. pour le détail des pourparlers,

/9ô2, C.R.I.P.S., p. 405 et suivantes.

r80

Le 9 novembre, M. Gafner, délégué de la Croix-Rouge, rentre à Genève et fait rapport au C.I.C.R. concernant les assurances données par Mobutu. Celui-ci avait fait savoir c qu'en ce qui conceme les gendarmes katangais et leurs familles, il approuvait en principe leur transfert vers la Tambie, mais à la condition qulls aient préalablement pris connaissance des mesures d'amnistie du gouvernement du Congo en faveur de ceux d'entre eux qui désireront regagner leur patrie. Le délégué du C.I.C.R. au Rwanda reçut les insfudions urgentes pour quc cette communication se fasse dans les délais les plus brefs et en présence de l'Am-

on consultera avæ, trlrit Congo

t

A la suite de ces contacts répétés, une partie, puis la totalité des gendarmes katangais consentent à retourner au Congo, r sur la foi d'une promesse d'amnistie garaûtic par I'Organisation d'Unité Africaine (O.U.A.) et acceptent de renoncer à chercher asile dans un autre pays africain. r Un message de la Croix Rouge Internationale du 24 novembre 1967, après qu'a été obtenuc cette garantie de I'O.U.A. constate : c En ce qui concerne les gendannes katangais, le C.I. C.R. prend acte quc, selon la procédurc ûxée, sous la seule reslrcnsabilité de I'O.U.A., les personnes retourneront au Congo sur la foi d'une amniste accordée par le Président Mobutu. r

Le Secrétaire général de I'O.U.A., Diallo Telli, exprime sa satisfaction : c Ce retour au Congo des 2526 anciens gen-

t8l


darrres katangais avec leurs familles est une victoire pour I'O.U.A. r

tês graode

Le colonel Léonard Monga et le capitaine Pierre Damase Nawej qui se trouvaient au camp Kokolo à Léopoldville

avril 1969, par deux officiers des servic.es de renseignements au siniste camp des parachutistes de Binza. Il y sont questionnés et torturés pendant 24 heures. Ils sont ensuite assassinés le 1l arnil 1969 à une heure du matin. Lbrdre de cette exé' cution avait étÉ donné par télex de Monte'Carlo où Mo' butu se trouvait en séjour. A oe moment, il ne restait plus en vie qu'un tiers dcs gendarmes rentrés au Congo sur la foi d'une amnistie gui avait signiûé pour eux I'emprisonnement et le place'nent

depuis le 25

awil 1968, sont

emmenés le 5

dans des samps dlnternement u6. Il eemblc qu'à lteure actuelle, survivant.

il n'y ait plus un seul

Le

pmcès cous le régime

Mobdu

Nous avons vu à quelle parodic de justice un tribunal militaire spécial, institué et nommé par Mobutu, après les prétendus crimes quT devait sanctionner, s'était livré pour condamner à mort en cinq minfiçg guatre anciens ministres qui devaient être pendus 48 heures après devant deux cent millc personnes. Un quotidien aussi bien disposé que Le Soir à l'égard du général Mobutu et de son régime, ntésitait pas à écrire au lendemain de ce véritablc assassinat 9fi :

r LB monè entier réprouvera les actes d'uo gouvenrement qui ne voulut 1ns d'un prooès régulier dans rme afiaire à laquelle il attachait une si grande importance. r On ne s'immisc€ra pas dans la politique intérieurc d'un Etat avec lequel nous evons tant de licrs, on coostatera que le général Mobutu a désormaig du sang sur les mains après une parodie dc justice. r On sait que Kamitatu, gui eut Ia chance d,échapper à I'arrestation en même temps que les quatre pcndus de la avril 1969. Voir aussi Pourquoi pas ?, 6 mai Llbre Belglque,30 avril 1969, Le SoÎr, 25 avril 1969.

245. I-a Meuse, 30

Ia

182

l

i

1969,

2Æ.

I1 Soir, 3 juia

1966.


Pentecôte, fut jugé par le même tribunal condamné à cinq ans de prison.

à huis clos et

Nous consacrerons le demier chapitre de cet ouwage au cas exemplaire de Pierre Mulele.

Le général Olenga qui fut I'un des

çfusfg mitifairss fle

I'insurrection, et qui avait eu le tort de croire à I'amnistie promise, fut poursuivi quelques mois après son retour lnur crime de haute Ûahison. Il fut condamné à qpnze ans de prison et pourrit quel. que part dans un cul de basse-fosse, s'il vit encore. Mun-

gul Diaka qui fut

successivement ambassadeur du gouvernement Gizenga à Pékin, puis rallié à Mobutu, I'un des advemaires les plus furieux de Mulele, avant de devgrir ambassadeur de Mobutu à Bruxelles, le président du parti unique M.P.R. fondé par celui-ci et son envoyé spécial à

Alger lorsquT s'agit de réclamer la livraison de TshoBbe, est tombé un jour en disgrâce. Il a été accusé d,avoir voulu assassiner les enfants du président Mobutu et d'avoir détourné vingt millions de francs belges du temps de son ambassade à Bruxelles. Aucun avocat B'a osé plaider à l,audiencc que cet argent avait été utilisé conformémcnt aux instructions du gértéralprésident. Condanné à unc longue peine, Mungul Diaka ne donne plus sipe de vie. Pour une p€rsoane qui fait I'objet d'un procÈs public se déroulant dans les conditions contestables que nous connaissons, des dizaines disparaissent sans laisser de trace. Ne citons qu'Antoine Tshimanga, ce courageux jeune homme qui fut I'un de nos premiers amis congolais et qui dut assister au viol de sa femme, pâf quelques policiers militaires, ava[t de mourir sous leurs coups.

184

La rfpreccion des mowemeub cctudiantins Le 4 juin 1969, une manilestation interdite des étudiants de Lovanium descendant sans violence vers le centre de la ville sera I'occasion d'une terrible répression L'armée ouwe le feu. Selon lss 6pmmuniqués officiels, il y aurait eu 6 tués et 12 blessés parmi les manifestants et 6 blessés et 2 disparus parmi les forces de I'ordre. L'agence Reuter parle de 9 tués, I'agence France-Presse de 12, le minis1fu6 de I Education nationale donne un bilan offi'

cieux de 23 morts. Un médecin belge affirme qu'il y a 112 tués dont 68 civils. Plusieurs centaines d'étudiants sont incarcérés. L'Université Lovanium est fermée. L'Institut pédagogique national (I.P.N.) et I'Institut d'enseignement médical (I.E.M.) de Kinshasa sont fermés guelques jours plus tard. Les étudiants du Lovanium sont renvoyés dans leurs familles. Tous les étudiants de I'I.P.N., de I'I.E.M. et de |E.N.A. (Ecole nationale d'administration) qui s'étaient solidarisés avec les étudiants de Lovanium sont exclus de leurs instituts. La bourse d'études est supprimée ou suspendue pour tous les étudiants et aussi pour les étudiants congolais qui, 185


cn Belgique, ont manifesté devant I'ambassade à Bruxel. les. Dix-neuf étudiants de Lovanium et douze élèves de IE.N.A. après deux mois de détention préventive sout condamnés à des peines de deux à vingt ans de prison feme p,our ceux de Lovanium, de deux à six mois de prison pour ceux de I E.N.A Le 12 juin 1969, le Bureau politique du parti unique, le M.P.R., réuqi sous la prési. dence de Mobutu, frappait d'interdit toutes les organisations et associations étudiantines. Désonnais, seule la jeunesse du M.PR. est autorisée à se constituer en syndicat pour la sauvegarde des intérêts de la jeunesse étudiante. I-es manifestants du 4 juin 1969 tués par I'armée ont été enterrés dans une fosse commune. On a refusé à leurs familles leurs corps et le droit de leur faire des funérailles.

Iæs étudiants sont arrêtés, conduits au camp d'eotralnement des para-commandos de Ndjili. La plupart seront battus, dont certains très violemment pendant toute la nuit.

Sur 3007 étudiants inscrits à. Lovanium, 2gg7 seront onrôlés dans lâ.N.C.

Cela provoquera deux ans plus tard, le 2 juin 1971, de nouveaux incidents qui donneront lieu à une nouvelle répression.

La mère de Mobutu venait de mourir. Elle avait été enterrée avec un grand faste.

I-es étudiants avaient décidé de manifester dans I'enceinte même de Lovanium p,our commémorer les victimes du 4 juin 1969.

Le curé de la

paroisse universitaire avait accepté de

dire une messe anniversaire. Aussitôt, la troupe prend positiou dans I'enceinte rrniyslsitaire. Mobutu décrète la fermeture de l'Université et ordonne l'enrôlement des étudiants dans I'armée poru une période de deux ans. 186

É I

lA7


pêche gue oe portrail qui se voulait méchant, de montrer que Mulele était un caractère.

a lc mérito

En lg5g, Mulele fonde le Parti solidaire africain (P.S.A.) avec Sylvain Kama qui sera tué à Stanleyvillc lors du parachutage des troupes betæs - Kamitatu et Giznng entreront dans le P.S.A. dont ils deviendront les deux leaders.

Ltascasipst de piene Mutele Pour la jeunesse de Mulele nous n'avons que les renseignements donnés par Kamitatu sur sotr ancien condisciple et compagnon de lutte à un moment où, minislre du gouvernement Adoula, il nourrissait, à l'égard de celui qui venait d'entrer dans le maquis, des senriments empreints de

malveillance.

I Mulele Piene, dit Karrritatu,

est connu depuis sa jeu-

pour son extrémisme et son athéisme. Déjà en qua. trième moderne à Kinzambi, alors quT n,avait qu, quirræ ans, Mulele voulait convaincre ses condisciples que lamys_ tère d'une vierge qui donne naissance à uu homme-Dieu était de Ia blague et quï fallait ne pas y croire. s Il I'affirma avec une telle conviction que, mis devant le dilemme d'y croire ou de s'en aller, il préféra s,en aller de l'établissement où il se trouvait, et où il était entré dans I'intention de s,y faire frère enseignant. r nesse

Ce n'était pas gentil de la part de Kamitatu de présen. ter Mulele comme un extrémiste et un athée, à un moment où, nous I'avons vu, dans un Congo fortement cléricalisé,

l'athéisme était dénoncé comme Ie mal suprême. 188

Il

n,em_

Mulele, d'abord vioe-président du Comité national du Parti puis secrétaire général du Parti, est élu député na. tional aux élections de 1960. Patrice Lumumba lui confie, dans son gouvernement, lo poste de ministre de lEducation nationale. II sera révoqué par Kasavubu en nême temps que le Premier minisfts, à qui il étâit tié trop étroitement. Il accomlmp.era Lumumba dans ra fuite et restera auprès de lui, aussi longtemps que possible. Il nc fuira gu'au moment où Lumrrmba tombera entre les mains de Pongo. Il parviendra à Stanleyville où Gizenga le maintiendra dans son gouvernement avant de I'envoyer comme ambassadeur au Caire. a

C'est dans I'exercice de ses fonctions d'ambassadeur en République Arabe Unie que j'ai eu la chance et I'honneur de connaltre Pierre Mulele et de viwe avec lui au Caire

huit jours d'activité fébrile, au lendemain de I'arrestation d'Antoine Gizenga dont il s'agissait d'organiser la défense. J'ai été témoin du sérieux de cet homne jeune encore, il devait avoir environ 45 ans, de son austérité même. Il n'étalait pas ce luxe dont s'entourent, hélas, tant de leaders africains. Il avait improvisé son ambassade dans 189


unc maison simpte du quartier de Zamalek, dépourvue de meubles. Son seul luxe, c'était un poste uaiversel de radio lui permettant de capter res émissions du moade entier. rI n'avait pae de serviteurs.

C'était sa femrne elle-même qui faisait la cuisine pour famills déjà grande (iI avait six ou sept eofants) à laquelle s'étaient ajoutés res enfants de patrioc Lumumba, d'Okito et de Mpolo, réunis à cette époque, et réchauffés dans leur détresse par I'affectioû de cette bonne maman Mulele, qui cherchait à leur faire oublier la pene de leur çs11s

père.

Je garderai toujours le souvenir de ces soirs où qqand nous avions ûni de travailler et que je me préparais

à rcgagner mon hôtel, je montais à l'étage pour saluer lvlme Mulele et que je trouvais là, assis par terre devant la lélévision, parce que l,ambassade manquait de sièges, les petits Lumumba mêlés aux petits Mulele... une quinzaine

Il fondait, déjà alors, les bases de son action future sur lcc paysann et les villageois. Son objectif était la destruction des fondements mêmes de lbrganisation sociale, économique et poïtique qui e était implantée au Congo. tr voulait construire uae société nouvelle.

C'est bien plus qulnc rébellion quI imaginait: c'est à une nraie révolution qu'il pensait déjà en 196l-1962. Ce sont ces idées quT allait appliquer deux ans plus tard dans son Kwilu J'ai retrouvé l'écho de ees préoccupations de 196l-1962 dans un des précepæs inculqués en L964 à ses r rebelles r: r Lc partisan obéit ct é@ute, car il prépare le monde de demain. t o

d,en-

fants ayant retrouvé une atmosphère familiale. A cettc époque, j'avais eu conscience de l'extraordinaire prÉeence dc Mulele et de la gravité avec laquelle il abordait lcc problèmee de son 1nys. tr n'avait pas cncorc été en Chine. Il n,avait pas eu bceoin dhller en Chine, pour être convaincu de ce que seule unc révolution p,ouvait débarrasser le Congo des traitres à la solde de l'étranger et Irrnettre au peuple de prendre s11

pnin

ses propres destinées.

Iæs multiples déceptions encourues par les milieux na-

tionalistes et progressistes, qui se recoîrmuuldaient de patrice Lumumba, avaient ameué pierre Mulele à considérer gu'il fallait renoncer aux luttes réformistes lnur entamer les luttes révolutionnaires à ta faveur desquelles les masses elles-mêmes prennent leur sort en main et suppriment leurs propfes souffrances.

Je ne devais plus revoir Mulclc, apês notre semaine de travail au Caire. A mon voyage suivant, lorsqul me fallut rencontrer, au sein de la Ligue afro-asiatique, les autres

avocats de Gizenga, Mulele a'était plus au Caire. La R.A.U. venait de reconnaitre le gouvernement Adoula et Mulele avait cessé d'être r lrennna g&ta t. Lorsque j'ai appris quï avait reparu au Congo, j'ai su tout de suite que c'était pour y faire la révolution quï avait jugée indispensable depuis longtemps. Pendant les ûois ans et demi où il a tenu le maquis du Kwilu, il a fait sans doute la

la résistanoe révolutionnaire cn Afrique. L'on saura un jour dans quelles conditions il a dt lutter avec des arcs, des flèches, des lances, des première expérience réelle de

machettes, des fusils de fabrication locale. Les seules armes modernes que les partisans ont eues à Icur disposition étaient celles qu'ils avaient pu enlever aux

190

t9t


soldats de

lâN.C, è qui ils infligsaisal défaite sur dé-

faite.

Ils n'ont pratiquemeirt jamais reçu de munitions. Nous avoul su qu'un moment ils étaient quatorze mille larti. sans groupés autour dc Mulele, et qu'aucun parachutage d'armes ou dc munitions n'a été réalisé par aucun des pays sur l'aide desquelles ces hommes eusscnt dt pouvoir compter.

sent pour conclure qu'il s'agit d'un mouvement de type nouveau dans le contexte du Congo. c Son radicalisme s'exprime tant dans le choix des méthodes (constitution de maguis, actions de sabotage et destruction du potentiel de la région, recours à la violence) que dans la définition des objectifs. On en retire I'impression que les dirigeants de la rébellion ont, dès le départ, choisi une stratégie de révolution totale, en coupant tous

Au même momedt, les soldats et les mercenaires de Mobutu, les gendarmes katangais, recevaient une aide mas.

les ponts derrière eux. L'absence même de toute déclaration

sive des Etats-Unis.

qu'aucune

La seule aide qui ne fit fut celle de son peuple. Bien que sa tête etrt étê mise à prix pour 500 000 R bien que I'on multipliât les moyens de prcssion et les tra. casseries dans le but d'excitff le peuple contre lui: proclamation de I'état d'exception, fermeture dee magasins... jamais pendant trois ans et de,ni I'on n'a pu trouver un tnlne parmi soo peuple poru le dénoncer. Benoit Verhaegeû, alon profcsscru à lovanium et qui disposait de renccigncmcnts dc prcmièrc main sur les événements du Kwilu, a donné dcs analyscs pénétrantes du mouvement mulelistc sz :

jamais défaut à Pierre Mulele

r

Contrairement à ce qui se produira au début dcs autres rébellions aucune proclamation, aucun texte ne sont diffusés qui permettrait de connaitre les buts,les dirigeants et I'idéologie du mouvement. Cependant, la nature des opérations entreprises, le choix des objectifs et des personnes à attaquer, I'utilisation de la violence, ainsi que certaines déclarations fragmentaires des partisans, suffi247. Rébellions au Congo,

192

p.82,

ou de doctrine renforce encore l'impression négociation n'est p,ossible. r

d'intentions

Le même auteur décrit un village du Kwilu après sa conquête par les partisans 248. On explique aux villageois que bientôt le salut promis par Mulele viendrait: un gouvernement dirigé par le peuple qui apporterait la trmix, le bonheur et la prospérité à tous. En attendant, la vie normale a recommencé au village.

Des champs de manioc ont été plantés. Les villaçois, dès les premiers moments de la rébellion, ont appris à produire du poiwe et du sel, denrées importées jusqu'à maintenant. IIs éprouvent quelque fierté de ces nouvelles réalisations.

Deux fois par semaine, les mulelistes organisent des réunions qui commencent le matin et prennent fin le soir. Tous les habitants du village, femmes et enfants aussi bien que les hommes, sont obligÉs d'y assister. Au cours de ces 1érrni61s d'initiation, on emploie la méthode question-ré1nnse par laquelle les missionnaires catholiques ont cnseigné

le

catéchisme

%e.

ù48. Op, ctt., p. ll3. 249. Noug avons reproduit plus haut les huit ordres quo les partisans dolvcnt guivre. Voici les ( trois ordrês de nission que doivent exécuter

hr

partlsans

r

:

193


Un homme qui a beaucoup souffert de la rébellion et y a perdu des parents a écrit :

Bomboko se pork, lui-même et par écnit, garant auprès des autorités de Btazzaville de la sécurité future de Pierre

a Mon opinion est la suivante: ils étaient d€s patrioteg et voulaient faire du bien au pays et au peuple. r

Mulele.

r rébellioo r 'l'histoirc du Kwilu, histoire unique dans du Congo et daus l'histoire de I'Afriquer nous parlerions aussi de la révolution profonde qu'elle impliquait pour le rôle dc la femme 6[ans Ia société africaine, mais cela nous mènerait Si notre propos était de faire I'histoire de la

trop loin. a

La trahison est encore trop fraicbc p,our n'être pas dans toutes les mémoires. Mulele se trouvait, à Brazzaville, ltôto du gouvernement de la République populaire du Congo. Il est approché par des envoyés de Kinshasa qui cherchent à le convaincnc que le momeût dc la réconciliation nationalo a sonné, que l'arnnistie proclamée par Mobutu n'est pa8 un vain mot, ni ua piègc. Mulclo n'est pao convaincu. Iæ gouvernement de Btazzaville lui-même, avant,do le laisscr partir, exige des garanties. L€ gÉnéral Mobutu a donné sa r parolc d'honneru dbfficier r, aftime son ministre des Afiaires étrangèreg Bomboko qui a passé le fleuve poru se faire plus persuasif. r Les partisans doivent obéir à tout ordrc que lcur chef leur donnc. Nc confisquer aucun objet des vilageois, pag mômc uoe aiguille, par

mêmo ua frL Remettre aux cùefs tout co qui a été conûsqud des cnnemis pêndaût les combats. r En même temps que cca textes manifestent le caractère rural rechcrché par la révolutioo, ils font comprendre gu'avcc leul caract&e pro. fondémeot humain, ils devaient, aux yeux du peuple, fairc apparaltro ler partisans commo la vivantc anttthèsc des soudardr do I'A.N.C.

194

Afin de donner plus d'éclat à ses engagements solennels, Mobutu prête son yacht présidentiel pour rauæner Pierre Mulole à Kinshasa. Le ministre des Affaiies étrangères Bomboko lui-même est veûu le chercher et lui fait escorte. I-e soir de son arrivée, ute réception est donnée en sotl honneur chez le général chef de la garnison de Kinshasa. On sable le champagne ! On fêt€ la réconciliation I On ge cougratule t On s'embrasse t On proteste de ses sentimc'lrts de fraternité et d'amitié ! Dans la nuit, les militaires, qui viennent do le fêter, I'arrêteut, le battent, le tornrrent, le tugrt sur I'ordre de Mobutu. On prétendra, après sa mort, quT a été jugé et coûdasné à buis clos par un conseil de guerre ct quï a été fusillé aussitôt apês sa condamnation. Personne n'est dupe. SI y a eu un jugement, c'est un mort qu'on a condamné. a

L'assassinat

de Mulele,

quI ait été ou non précédé

d'un simulacte de procès, est horrible. Venant apês une arrestation aussi illégale que la sicnûe, si I'on considèrc I'immunité que le chef de I'Etat lui avait garantie solen' nellement 8, oet assassinat constituc un véritable défi au droit comme à toute humanité. C'est la marque du mépris 250. L'hypothèse selon laquelle Bomboko aurait agi dc sa propro lnitiativo est à €xclure. Après I'assâssinat, Mobutu a formellemeot dê clar{ qu'il réitérait sa conûance à son ministre des Alfaires étratrgèræ ot qu'il ne lc désavouait nullement. (14 Cttê, 17 octobrc 1968.)

195


lc plus souverain de tous les droits de l'homme les

plus

élémentaires.

A

plusieurs reprises. les autorités de Kinshasa avaient la mort de Mulele. Une fois même elles avaient poussé le mensonge si loin que son corps avait été identifié que cer-tainsaffirmant - fois, I'on de ses amis en furent ébranlés. Chaque devait apprendre par Ia suite, sans quT se livre à un grand éclat sans qu'il fasse preuve de la moindre forfanterie, quT vivait toujours et quïl continuait le combat pour l,honneur de son peuple et de sa race, pour l'édification des générations qui viendront apÈs lui et qui s'inspireront de annoncé

son exemple. Mainænant que poru la troisième fois, Mobutu a annoncé la mort de Mulele et qu'il est, sans doute cette fois Imrvenu, grâce à un honteux traquenard, à le détruire physiquement, il est probable gue dans les forêts et les plaines du Kwilu, tout un peuple continuera à le croire vivant et attendra patiemment quT revienne, aux oôtés de patrice Lumumba, pour le libérer de cpt impérialisme et de ce néo-colonialisme, si tragiquement incarnés par Mobutu et son améc.

Table Impréparation du Congo à son indépendance Trois hypothèques sur I'avenir du Congo

Bref rappel

.

7 25

historique

32

La résolution du 8 aott 1960: r La sécession katangaise est une affaire intérieure. D .... La question katangaise cesse d'être une c affaire inténeUfe

56

D

Qui est Mobutu ? . ... Retour à lltistoire. Les suites du coup d Etat du colonel Mobutu

laise

t96

100 110 115

.

De prétendus aveux du présideat Mao Tsé-toung . . . . . . Lei mercenaires et les fastes de I'armée de Mobutu . . . . Mobutu à Ia conquête du pouvoir absolu Les coups de frein de Mobutu Le coup d"Etat du 25 novembre 1965 et l'établissement

de la dictature

67 82

Mobutu et l'élimination de Patrice Lumumba Mobutu et Tshombe Mobutu demeure le vrai maitre de la politique congoRaidissement du Parlement et fermettre des Chambres .

52

nn 133

135

t4t t49 159

t97


Un assassinat politique : le c complot de la pentecôte r r63 L'enlèvement de MoTse Tshombe t69 Mobutu et les gendarmes katangais . .. . 179 Les procès sous le régime Mobutu 183 La répression des mouvements estudiantins .. 185 L'assassinat de pierre Mulele r88

PnÉoÉDEMMENT PARUa

AUx ÉDITIoNa coMPLExE

Le mellleur dos mondoa . Une ambltlon : informer le plus sérieusement possible le public de certaines situations sociales qui par leurs conséquences nous Collection

<<

semblent intolérables.

Un prlncipe l la volonté de présenter une information sérieuse est incompatible avec une politique d'édition dogmatique ou unilatérale.

Une lol : présenter les divers courants d'opinion qui peuvent falre autour d'une question en laissant la parole aux tenants

se

de

tendances opposées.

Un réaultat : offrir au lecteur non pas un livre lermé sur lui-même, mais un ouvrage ouvert qui entame le débat. Non pas une information partiale mais un dossier qui fait le tour du problème, et dont chaque donnée est analysée, discutée, débattue, et chaque fois remise en question. Un eepolr : aboutir à une base de réflexion qui permette la prise de conscience de certaines réalités sociales.

LE ÎEMP8 DEs ÉÎRANGERA Glaude Mortons ot Sorgo dô Waorsoggor Le premier dossier complet consacré à la situation des travailleurs émigrés en Belgique. 217 pages:

FB

189.

L'AVORlEMENT dosalor établl pan Phlllppo Touasalnt Une analyse de la question du point de vue sociologique, médical et juridique traitée par des spécialistes de ces problèmes.

O. Collon, W. Calewaert, A.-M, Dourlen Rollier, A. Dubois, C. Faestenaekens, J. Messine, W. Peers, P. Piraux, F. Twiesselmann, E. Sullerot, R. Vokaer. 195 pages :

r98

FB 289. 199


COLLECTION < L'HUMANIIÉ COMPLEXE Gonseiller de collection : Robert Jaulin

COLLECTION ( LE PLAT PÂYg dirig6e par Jacques Dô Docker

collection ne sépare pas les unes des autres les diverses disci_ -.cette plines traitant de l,homme : ainsi la sociologie pourrait être nommée { Ethonologie du monde occidental ,, et i,Ethnologie r gsçielegis des civilisations diverses r; la psychologie pourrait être considérée comme un chapitre des disciplines précédentes, et les Sciences poli_ tiques transparaltre à travers des méthodologies diverses. Aussi I'unité souhaitée apparaltra à travers les les informations

ou les analyses présentées, plutôt qu,en "ngag"m""nts, découpages scientistes. "aisJrrà" Certes, nous aurons pour souci de mettre l,accent sur les problèmes de la société occidentale, celle_ci prise de façon aussi r futuriste r que possible, en raison de sa dynamique profonde et souvent masqué; cependant nous ne délaisserons pas, au contraire, les problèmes qui assaillent le monde en son entier, et par conséquent font le sort ou l'histoire actuelle des autres civilisations. Loin de nous réfugier dans

le jargonnage, Ies panneaux universitaires et publicitaires,

R,J.

LEA JEUNEA ET LE MOUVEMENT COMMUNAUTAIFE H6làne Golin et Michel paradelle, pn6lace

du Dooteur G. Mendel

Voici un livre qui rend compte, avec un respect qui n,enlève rien

à l'acuité de l,observation de la vie de trois comirunautés aujourd,hui, en France-

un regard d'ethnologue est posé sur des hommes et des femmes qui ont choisi de vivre à côté de nous, mais hors des normes de notre société. Ce livre essaie d,éclairer leurs motivations inconscientes et de dégager les conséquences que ce mode de vie a eu sur la mise en

forme de leur inconscient. 192 pages :

200

-5.-=:

FB

289.

La collection < Le Plat Pays , se propose, en dehors de tout souci didactique ou anthologique, de diffuser des textes représentatifs de la littérature néerlandaise contemporaine, auprès du public francophone, Elle publie des româns, des nouvelles, éventuellement du théâtre ou de I'essai. La collection s'attache tout d'abord aux lettres flamandes et en révélera quelques auteurs, parmi les plus importants des écrivains actuels.

Le < PIat Pays > voudrait faire connaitre une culture qui, quoiqu'elle s'inscrive dans un contexte européen et joue au niveau économique et social, un rôle dêterminant, reste profondément méconnue dans les milieux de la langue française,

uN sotR, uN

TRAIN Johan Daisne Pré?ace de Maroel Brlon de I'Aoad6mio frangaiae

nous

chercherons la vie quotidienne, son désarroi et ses révoltes; cette vie de tous les jours n'est jamais simplement signiflcative de l,homme en sa seule dimension individuelle, elle expriÀe d,abord des phénomènes globaux, réfère à des collectivités et il'histoire des civilisations.

r)

Le sommeil gagne un compartiment, un wagon, un train entier, Que signifie cet étrange phénomène? Le narrateur se trouvera deux compagnons, un alné et un cadet, pour vivre une aventure dont la dimension prendra, au-delà d'un symbolisme évident, un sens métaphysique. Johan Daisne, l'auteur d,e L'homme au crâne rasé, a écrit, âvec ce récit, l'un des chefs-d'æuvre de la littérature fantastique. André Delvaux en tira un {ilm inoubliable. Marcel Brion, de l'Académie française, grand romancier du merveilleux, et connaisseur sans égal des arts inspirés par l'étrange a accepté de préfacer cet ouvrâge. 139 pages :

FB

159.

MENUET Louie-Paul Boon Pr6face do Clâlro Etoherelli

Un trio d'êtres irrémédiablement étrangers l'un à I'autre. Une bouleversante image de la solitude, située dans la grisaille d'une banlieue industrielle flamande, après la deuxième guerre. Ce récit de I'un des chefs de Iile des lettres néerlandaises (proposé par les Pays-Bas et la Flandre comme candidat au prix Nobel) est non seule201


r ment une médiation angoissée sur la difnculté des rapports humains et Ia secrète cruauté qui les sous-tend, il est aussi un constat sans appel de la misère morale et psychologique en milieu prolétarien. Claire Etcherelli, l'auteur de Elise et la uraie uie (Prix Fémina) et de A propos de Clémence, â trouvé dans ce livre tendre et aigu à la fois, le reflet de ses propres hantises. 132 pages

: FB

159.

Hora collâctlon

LA ORANDE MYSTIFIOAÎION

DU CONOO-KINAHAAA

Cl6ophae Kamitatu Le document que voici est le témoignage d'un mernbre de ce que d'aucuns veulent nommer < la classe politique r. II témoigne de ce qu'il a directement vécu, avec ou contre d'autres pârlementaires et politiciens de Kinshasa, et par-là même, jette une certaine lumière Bur les comportements, les hésitations ou les haines de cette couche dirigeante.

202


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