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Du même auteur :
FORMOSE, QUEMOY, MATSU aux Editions Politiques, Bruxelles, 1958.
LA PASSION DE SIMON KIMBANGU aux Editions « Les Amis de Présence Africaine» Bruxelles, 1959.
LE DRAME DE LULUABOURG aux Editions de Remarques Congolaises, Bruxelles, 1959.
INDEPENDANCE CONGOLAISE PACIFIQUE CONQUETE aux Editions de Remarques Congolaises, Bruxelles, 1960.
Tous droits de reproduction et de traduction réservés pour tous pays. Copyright 1960 by « Remarques Congolaises» Bruxelles.
IL A ETE TIRE DE CET OUVRAGE CENT VINGT-CINQ EXEMPLAIRES SUR PAPIER DE LUXE DONT CENT NUMEROTES DE 1 AlDO CONSTITUANT L'EDITION ORIGI~ NALE ET VINGT -CINQ EXEMPLAI. RES HORS COMMERCE NUMERO~ TES DE 1 A XXV.
En guise d'avant-propos Il convenait que ce soit un belge qui le premier écrive cette histoire. Parce que le livre de Jules Chomé c'est déjà de l'histoire. Avec toutes les distances prises à l'égard de événement. Avec optique dégagée ,des passions et des fièvres. Même si l'observateur assiste désolé aUi spectacle des erreurs qui, en qu'elques jours, ont détruit de si grandes espérances, il garde, dans sa tristesse un regard clair.
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Puissent ceux qui ont été les premières victimes des erreurs, qu'ils ont, hélas, parfois appelées de leurs vœux - puissent les belges qui voulaient sincèrement - vivre au Congo leur avenir et un avenir fraternel avec les Congolais - comprendre que la réconciliation de nos deux peuples passent par les chemins parfois pénibles de la vérité! Puisse ce livre les y engager courageusement. Dans le climat où nous baignons depuis juillet il n'était pas d'œuvre plus urgente qu'e cette entreprise de démystification à laquelle Jules Chomé s'est attaché. Nous sommes heureux d'y associer notre revue. Jacques CEULEMANS, « Remarques Congolaises ».
Pour que puisse naître un jour, dans la vérité rétablie
ramitié
entre la Belgique et le Congo.
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Introduction La Conférence de la Table Ronde politique qui s'était tenue à Bruxelles en janvier 1960, avait valu à la Belgique, sur le plan international. un standing moral extraordinaire. M. Patrice Lumumba, qui n'était encore qu'un des six délégués auprès du Gouverneur général. faisait aux journalistes du monde entier réunis à Accra, cette décla~ ration officielle : (1) « Je dois ici féliciter l'esprit de compréhension dont le gouvernement belge a fait preuve à cette occasion. La Belgique a compris que le peuple con~ golais ne lui était pas hostile, mais qu'il réclamait simplement le changement du régime et la fin de l'injustice. Cette indépendance sera totale, et dans trois mois, notre pays accédera à la souveraineté inter~ nationale. Je dois souligner qu'il n'y a aucun pays en Afrique qui a conquis son indépendance avec plus de rapidité et de facilité que le Congo. La Belgique, qui a compris que le Congo appar~ tient aux Congolais, bénéficie aujourd'hui de nom~ breuses. sympathies en Afrique. « Les Belges sont loyaux et courageux, me disent tous les Africains que je rencontre depuis mon arrivée à Accra. Partout où nous verrons des Belges, nous les accueillero:p.s à bras ouverts » ajoutent~ils. » L'homme qui prononçait un tel éloge des colonisa~ teurs de son pays, - non point en leur présence mais à la face de journalistes venus en majorité d'Afrique et de pays de démocratie populaire - pourrait difficile~ (1) Courrier d'Afrique 20 avril 1960. Peuple 21 avril 1960. Cité 21 avril 1960.
Introduction
ment passer pour un ennemi de la Belgique et des Belges. Un discours comme celui~là, prononcé dans de telles circonstances, devait apparaître comme une totale justification pour ceux qui avaient préconisé ou fait aboutir la politique de générosité, consacrée par les résolutions de la Conférence de la Table Ronde .
*•• Aujourd'hUi, à l'issue des trois dédsions: que le Conseil de Sécurité a prises à l'égard de la Belgique, _ malgré les euphémismes de commande et les discours bénisseurs d'un Ministre des Affaires· étrangères:, _ qui s'est efforcé de faire passer pour des victoires toutes les défaites subies, par son pays, - il n'est pas difficile d'imaginer que la cote des Belges en Afrique n'est plus celle que M. Patrice Lumumba ,leur décernait dans cette Accra d'avril 1960. Les hommes d'Etat africains et du Tiersc-Monde, qui ne considèrent pas que la Conférence de la Table Ronde n'a été qu'une comédie monstrueusement hypocrite, doivent être aujourd'hui minorité. Et il est peu probable que les Belges soient accueillis, à bras ouverts aujourd'hui dans ces pays qui. célébraient, il y a quelques mois, leurs louanges.
**• Comment en est-on arrtve là? C'est ce que cette étude veut tenter d'expliquer. Certes, elle n'a pas la prétention de vider la question. Elle doit seulement jeter quelques lueurs, inciter à la réflexion, au dépassement des propagandes et du chauvinisme. Son auteur a l'intime conviction qu'au fur et à mesure que de nouveaux documents apparaîtront à la lumière, que de nouveaux témoignages seront recueillis, que « l'autre son de cloche' » se sera fait entendre, ce qui n'est ici qu'esquissé s'affirmera, ce qui n'est qu'avancé prudemment deviendra vérité officielle.
PREMIERE PARTIE.
A la veille de l'indépendance Le contexte de la crise Les causes
C'était le bon temps. On peut le dire, car ce temps n'était point mauvais pour les Noirs. Ils en garderont le souvenir et en éprouveront probablement la nostalgie. Assurément, ils n'avaient aucun droit politique. Et il est vrai que quelques Européens avaient le coup de pied facile. Bien sûr, la cité indigène était un sinistre bidon~ ville difficilement contrôlé par une poignée d' Adminis~ trateurs. Et il est vrai encore qu'en ce temps là, les Noirs ne pouvaient se mêler aux Blancs sur les jolies terrasses de Léo. Il y a cinq ans, c'était encore tout cela, mais le Noir riait, en ce temps--Ià. Son bonheur éclatait, Son insou~ ciance était totale: le Blanc arrangeait tout. Void les Congolais réduits à l'esclavage qui est le nôtre, l'esclavage du travail, de la responsabilité, du souci des lendemains, de la politique. Je me demande si c'est une promotion. » Rob. D. Libre Belgique 30 juin 1960.
« ... les comptes du paternalisme belge sont plus chargés que ceux de peuples moins bénins » François Mauriac L'Express, 14 juillet 1960.
Le paternalisme et ses séquelles
Le paternalisme et ses séquelles Le procès du paternalisme a été fait, ces dernières semaines, dans les journaux et les revues où il pouvait paraître le plus inattendu. Il est inutile de le refaire ici. Tout le monde aussi a déploré que les cadres n'aient pas été africanisés. - Cette formule est employée sans remords par ceux~là même qui proclamaient encore, il y a quelques mois, qu'ils ne consentiraient jamais à servir sous un supérieur noir - Il n'est plus nécessaire de condamner ce refus obstiné (ou cette mauvaise volonté, aussi coupable que le refus) de confier des responsabilités aux congolais. Il n'est plus personne aujourd'hui qui ne déplore que la colonisation belge n'ait pas voulu former en 80 ans un médecin, un ingénieur congolais. Même ceux qui s'opposèrent systématiquement, sous l'hypocrite prétexte du danger de subversion, à ce que des étudiants noirs fréquentent les universités de la métropole reconnaissent aujourd'hui l'erreur sans doute criminelle - qui a été commise à l'égard du peuple congolais. Du moment que le Congo était considéré comme un grand patronage, il fallait que les noirs, - ces grands enfants, - soient protégés contre les influences et les tentations extérieures. La ségrégation était justifiée par cet excellent pré~ texte, à la fois si confortable et si moral. Si les noirs étaient obligés de quitter, à une certaine heure, la cité européenne et s'il leur était interdit d'y résider, c'était évidemment parce qu'il fallait leur éviter le spectacle de nos mauvais exemples ... Mais encore une fois, ce procès de notre bonne conscience a été fait. Il est jugé sans appel. sur le plan national et sur le plan international.
ii)
Au surplus, il semble b!en que. ni . ce paternalisme . ses séquelles : r absence d africamsatIOn des :adr~s et ~~ défaut d'élites universitaires n'aient dû aVOIr neces~ sairement pour conséquence la crise de juillet 1960. D'autres éléments allaient jouer un rôle d~terminant dans le déclenchement de cette crise. Il convlen~ de .les examiner successivement, qu'il s'agi~se d~ la sItuatIon des fonctionnaires, de la volonté de secesslOX: des blancs du Katanga, de la propension des blancs a ~emeurer armés et surtout du caractère de la Force PublIque.
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La situation des fonctionnaires belges au Congo
veulent rentrer en Belgique serait beaucoup plus élevé - on parle de 50 %. » Les fonctionnaires avaient d'ailleurs demandé que le gouvernement leur accorde une véritable option Equator, dans le Soir, (1) la définissait comme suit : « Tout fonctionnaire belge du Congo pourrait se retirer quel que soit le nombre de ses années de service mais il renoncerait au reclassement dans l'administration belge, se contentant d'un dédommagement forfaitaire. » L'Afac avait envoyé un délégué à Bruxelles pour tenter d'obtenir, pour les fonctionnaires, cette faculté. Son délégué, M. Hanotte fit rapport à son retour au Congo, au cours d'une réunion tenue à l'hôtel Régina : « Il a développé, écrit le Courrier d'Afrique (2), quelques considérations sur l'option inconditionnelle que devraient avoir les fonctionnaires. Jusqu'à ce jour, la Belgique n'en a pas voulu mais vu l'évolution de la situation, l'on pourrait en venir à l'octroi au fonctionnaire d'une option mitigée ». La Libre Belgique (3) expliquera pourquoi le gouvernement ne donnera pas cette satisfaction aux fonctionnaires : « Si le gouvernement hésite à entrer dans cette voie, c'est parce qu'il craint que le droit d'option ne pousse un trop grand nombre d'agents à demander leur retour en Belgique ». « On nous vend au Congo, disent les fonctionnaires, c'est vrai, écrit La Libre Belgique (4:), car il n'y a pratiquement aucun droit d'option - S'ils veulent démissionner, les agents seront considérés comme étant en rupture de cO,ntrat, et devront assurer les frais de leur rapatriement, et même le voyage au prorata de la portion de terme qui leur reste à accomplir ». (1) Le 2 juillet 1960. (2) Le 2 juin 1960.
(3) Le 3 juin 1960. (4) Libre Belgique 26 mai 1960.
La situation des fonctionnaires belges
au Congo
t9
N'obtenant pas cette option, les membres du personnel de l'Administration d'Afrique, de la Force Publique et de la magistrature, désireux de quitter le Congo, devront mettre tout leur espoir dans la loi du 21 mars 1960 et dans « l'impossibilité de poursuivre leur carrière en Afrique jusqu'à son terme normal ». Il est terrible de penser qu'au 30 juin 1960, 40 à 50 % de ces fonctionnaires, que nous léguions au Congo indépendant pour qu'ils en constituent les cadres indispensables, n'acceptaient ce transfert, - ou plutôt ne le subissaient - qu'avec un tel espoir chevillé au corps. Un arrêté royal du 27 juin 1960 règle les mesures d'exécution de la loi du 21 mars et détermine « les cas d'impossibilité ». l., Les contribuables belges, à qui cette intégration vaudra de lourdes charges, et les fonctionnaires belges, qui verront leur avancement bloqué par les « intégrés », s'intéresseront sans doute de très près, un jour prochain, au rôle qu'un tel espoir et une telle certitude ont pu jouer dans le développement de la panique de juillet 1960. Nous nous bornerons plus loin à signaler des faits, à rappeler des témoignages - Il ne sera pas malaisé de les interpréter. *** Quoiqu'il en soit, même dépourvus de cette option qu'ils avaient vainement sollicitée, les fonctionnaires désireux de rentrer en Belgique semblent avoir nourri bien peu de doutes au sujet de la. possibilité qu'ils auraient d'invoquer, très vite, des circonstances de nature à faire jouer, en leur faveur, les garanties légales. Un fait le démontre - Il est peu connu - C'est Equator qui, dans une lettre de Léopoldville au Soir ( 1) le révèle : « En même temps qu'il y a un mois, il autorisait son personnel belge à évacuer les familles, le gou(1) Soir du 16 juin 1960.
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La situation des fonctionnaires belges
au Congo
verne ment général lui octroyait le transport gratuit vers la Belgique dij. quota de bagages « fin de carrière » . C'est à dire que chaque fonctionnaire a obtenu le moyen de renvoyer vers la métropole un poids de bagages qui dépasse facilement la tonne s'il est marié et a des enfants. A une condi~ tion : celui qui profite de cet avantage, normale~ ment réservé. aux agents, à l'heure de la retraite, ne pourra pas en réclamer le bénéfice une seconde fois par la suite. Et à travers le Congo, des centaines, des milliers de fonctionnaires ont décidé de « sauver leur biloko » de renvoyer en EuropeJ leur équipement, leurs objets familiers, leurs petits biens, tout ce qui entourait leur vie d'expatrié en Afrique. » Et après avoir décrit : « les files d' attente démesu~ rément allongées» à la gare des marchandises, Equator continue: « On n'a jamais, à Léopoldville, cloué autant de caisses, bouclé autant de malles, cadenassé autant de coffres. L'heure de la sieste pourtant sacrée est deve~ nue celle d'un récital précipité de coups de mar~ teau, de chocs et de grincements. Les camionneurs ont leurs horaires surchargés. Les compagnies spé~ cialisées ne font plus face à tous les appels. » Il est difficile de penser que des fonctionnaires, ayant l'intention de poursuivre, j.usqu'à. s?n terme no,:~ mal leur carrière au Congo se SOlent prIves, sans espOlr de ~etour, de tout ce qui faisait le décor de leur vie. D'aucuns moins bienveillants que nous, diront aussi sans doute ~ue si quelques fonctionnaires sont rentrés en Belgique sans valises, certains de leurs bagages tout de même les avaient précédés.
La volonté de sécession des Blancs du Katanga A la veille de la réunion de la Conférence de la Table Ronde, la revue « Remarques Congolaises» (1) publiait un numéro spécial consacré à l'histoire de l'idée du séparatisme au Congo. Les textes particulièrement significatifs, qui y étaient réunis, démontraient qu'avant les événements de janvier 1959, seuls les blancs « ultras» du Katanga et du Kivu prônaient le séparatisme. A. Peeters, dans Congo~Soir d'Elisabethville (2) écrivait : « Nous l'aurons assez dit, assez prédit, les idées séparatistes n'ont jamais été plus en progrès et nous y viendrons fatalement si nous voulons pré~ server nos biens, nos vies et l'avenir de nos en~ fants. » Gavage, ce précurseur de la Conakat, repoussait dans l'Essor du Congo d'Elisabethville (3) l'idée d'un Etat indépendant unifié et préconisait la formule de r autonomie interne des grands tertitoires congolais : « Les grands territoires doivent se grouper avec la Belgique, dans une large fédération, au titre de partenaires égaux et volontaires. » L'Essor du Congo, le 26 août 1958, reprenait à son compte cette position et r expliquait : « Nous l'avons dit et nous le répétons, nous ne voulons pas d'un Etat indépendant congolais uni~ fié. Cette accession ouvrirait la voie à diverses possibilités, dont nous ne retiendrons que celle de la suppression des rapports constants et sincères avec la Belgique ou encore celle de voir passer le Congo sous l'influence de pays étrangers. Nous ne pouvons tolérer qu'un jour le droit à notre (1) 'Le 21 janvier 1960 sous le ne '3.
(2) Le 15 mars 1958. (3) Le 24 avril 1958.
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La volonté de sécession des blancs du Katanga
présence puisse être contesté ou même contrarié. Nous réclamons donc, et pour toujours, le maintien de liens culturels et économiques étroits avec la Belgique et la seule formule valable ?Ous nous est la création de la fédération Belgo~congolaise, où, nous serons tous, territoires africains et métropole, partenaires égaux et volontaires, avec comme point de ralliement la couronne ... » Comme on le voit, seul l'intérêt des blancs, leur volonté d'assurer le maintien de leur présence et de leur influence justifiaient alors l'idée d'indépendance ou de large autonomie des provinces congolaises et de leur confédération avec la Belgique, sous une monarchie commune. L'Essor du Congo du 13 août 1958 expliquait d' ail~ leurs: « Une simple décentralisation des pouvoirs de Léopoldville vers les provinces ne peut nous satis~ faire pleinement. Tout au plus, pouvons~nous con~ sidérer pareille mesure comme un. premier pas vers l'octroi d'une large autonomie interne aux grands territoires congolais remaniés. Ce que nous dési~ rons, c'est que les grandes entités territoriales puissent un jour proche, s'administrer elles~ mêmes ... » Un journal de Léopoldville, L'Avenir, (1) caracté~ risait l'ensemble de ces aspirations en les appelant des « rêves autonomistes, sinon séparatistes, par exemple katangais, toujours désavoués à voix haute, mais qui séduisent déjà une bonne partie du vieux colonat local dont l'œil risque de regar~ der dans l'avenir plus favorablement vers l' exem~ pIe de Salisbury que vers celui de Léopoldville ». Il n'y avait à cette époque aucun doute - Seuls les blancs étaient séduits par de telles conceptions, nées d'ailleurs à leur seul profit. Les Congolais, en tout cas, ne s'y trompaient pas. (1) Le 13 juin 1958.
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Ils étaient tous, à cette même époque, résolument oppo~ sés à ce fédéralisme~ séparatisme. Léon lIunga écrivait dans la Tribune Libre de l'Echo Ju Katanga (1) : « Le fédéralisme entraînerait ipso facto la divi~ sion du Congo, dont on voudrait maintenant nier l'existence. Le Congo, l'œuvre commune des blancs et des noirs, connaîtrait ces querelles de division, de séparation, etc ... Le fédéralisme du colonisateur est un obstacle à l'évolution du colonisé vers son indépendance. Comment concevoir que le peuple sur la voie du progrès puisse à rencontre de ses intérêts majeurs partager des idées néfastes de division, qui nous le prévoyons, conduiront au séparatisme ». JOSé Lobeya, à Léopoldville, dans l'hebdomadaire des Pères de Scheut, Horizons (2) affirmait de son côté: « Au Katanga, l'idée du séparatisme ne ren~ contre guère l'assentiment des populations autoch~ tones : elles désirent rester unies - Ce sont les Européens - les colons surtout - qui, ayant sur le plan économique des problèmes communs avec les Rhodésiens et ayant des « penchants sociaux» semblables, sont naturellement ceux qui aspirent le plus à ce séparatisme. » Et Alexis Kishiba, à Luluabourg, dans Kasaï préci~ sait (3) : « On prône l'autonomie du Katanga. Ce qui nous étonne, c'est que cette idée d'autonomie n'émane pas de la Belgique, seule responsable de l'avenir de ses territoires, ni des Congolais, mais d'un certain nombre de coloniaux dont le but est de satisfaire leurs ambitions personnelles. Ils parlent (1) Elisabethville, le 1er août 1958. (2) Le 29 juin 1958. (3) Le l or mai 1958.
La situation des fonctionnaires belges au Congo
La situation des fonctionnaires belges au Congo Le gouvernement belge ne s'est certainement pas rendu compte de la portée de la bombe à retardement qu'il allait placer au Congo, en déposant sur le bureau de la Chambre des Représentants et en faisant voter son « projet de loi organisant les garanties de carrière au bénéfice des agents des pouvoirs publics subordonnés et des organismes d'intérêt public qui, pour des raisons indépendantes de leur volonté, seraient placés dans l'impossibilité de poursuivre leur carrière en Afrique, jusqu'à son terme normal» (loi du 21 mars 1960). Certes, il était équitable de se préoccuper du sort de ces agents qui, pour un motif étranger à leur comporte~ ment, se seraient vu expulser du Congo. Si un fonctionnaire déplaisait à son ministre noir et voyait interrompre brutalement sa carrière, il était humain que la Belgique se préoccupât de lui et cherchât à le reclasser dans les cadres métropolitains - Mais si le même fonctionnaire avait créé lui~même les conditions, dans lesquell~s son renvoi devait nécessairement inter~ venir, pouvait~il exiger, de sa patrie, la même sollici~ tu de ? Il semble bien que non. N' a~t~on point parlé de ce fonctionnaire qui, chargé d'un rapport par son ministre congolais, rayant rédigé et remis et le recevant en retour avec la prière de le compléter, l'aurait renvoyé à son ministre avec la men~ tion : « Puisque vous· savez mieux que moi ce qu'il faut faire, faites~le vous~même! »? Sans doute ce fonctionnaire allait~il être « placé dans l'impossibilité de poursuivre sa carrière en Afrique jusqu'à son terme normal ». Mais était~ce une raison pour le réintégrer dans les cadres métropolitains?
Etait~il dès lors opportun de légiférer, de prendre un engagement à la fois aussi précis et aussi général? N'aurait~on pas dû se contenter d'un engagement moral du ministre compétent, de la promesse d'examiner, avec bienveillance, chaque cas individuel? Certes, connaissant le 'caractère des Congolais et l'absence, chez eux, d'esprit vindicatif, l'on ne pensait pas que le nombre des agents, qui seraient considérés comme indésirables, dépasserait les 5 %, soit au total moins de cinq cents fonctionnaires, qu'il eut été assez aisé de caser dans les cadres de la métropole. L'on ne se rendait pas compte qu'en légiférant, on mettait au cœur des fonctionnaires, qui désiraient ren~ trer en BelgiqÎte, le poison d'un espoir: celui des circon,.stances qui les placeraient dans l'impossibilité de pour~ suivre leur carrière normale en Afrique et une tentation: celle de profiter du premier prétexte venu pour considérer que de telles circonstances étaient créées. L'on s'accordait pour considérer qu'un très grand pourcentage d'agents nourrissaient le désir ardent de quitter le Congo.
La Libre Belgique, le 3 juin 1960 écrivait : « D'après des sondages effectués, on évalue généralement à 40 % les agents qui quitteraient le Congo après le 30 juin. » Et le Peuple de son côté (1), tout en soulignant la différence entre les agents des sociétés, à qui évidemment aucune garantie de carrière n'était assurée, et les agents de l'Etat, estimait que le pourcentage de ceux~ci, qui souhaitaient rentrer dans la métropole était plus élevé encore : « On a signalé, écrivait ce journal, que le nombre des employés du secteur privé, qui veulent abandonner ou ont déjà abandonné leurs postes en Afrique, ne dépasse pas dix pour cent. Par contre, le nombre des petits fonctionnaires qui ( 1) Dans son numéro des
2~3
JuUlet 1960.
La volonté de sécession des blancs du Katanga
souvent de l'autonomie du Katanga. Nous posons la question : le Katanga est~il un pays conquis? Nous osons prétendre que le Katanga est terre autochtone et le restera; ce qui nous échappe à notre sens, c'est que cette autonomie est réclamée par une minorité et surtout pas par des Congolais eux~mêmes. Nous ignorons totalement le but que certains coloniaux poursuivent ici aù Congo. Nous savons que le but de toute colonisation est d'ame~ ner le peuple colonisé à" disposer de lui~même. C'est la justification même de toute colonisa~ tion. Tout peuple qu'on le veuille ou non, aspire à son indépendance. On parle d'autonomie et de fédéralisme des territoires congolais, cela signifie donc qu'il faudra diviser .le Congo - qui est déjà uni - pour en faire une fédération après - qui ne voit pas le danger dans ce jeu de mots? Nous savons bien que le but que certains coloniaux poursuivent est de voir certains territoires leur appartenir exclusivement. Après on ne parlera plus de fédéralisme. Il est un fait incontestable c'est que si l'autonomie est accordée aux coloniaux, il sera difficile pour eux de la céder aux autochtones. Et dans ce cas, la paix ne sera jamais assurée, les relations sociales au lieu de s'améliorer connaî~ traient un scandale : pareil à r Afrique du Sud et en Amérique du Sud ». Certains belges du Katanga réagissent contre les menées de leurs compatriotes. A r époque où M. Gavage et l'Essor du Congo font campagne pour l'autonomie du Katanga, A. Rubbens, dans' la Tribune Libre de l'Echo du Katanga, écrit : « Fédérer, c'est essentiellement associer par un pacte plusieurs Etats. Fédérer ne se conçoit que là où règne une telle divergence politique que mal~ gré l'intérêt commun, la soudure parfaite se révèle impossible. Tel n'est certainement pas le cas pour les provinces congolaises qui ont sans doute cha~ cune leur originalité, mais dont les particularismes
La volonté de sécession des blancs du Katanga
s'emboîtent, dont les économies se complètent, dont les bigarrures tribales sont analogues et dont la solidarité morale est prouvée par le parallélisme des mouvements politiques et sociaux. »
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Les milieux belges responsables sont et demeureront fidèles à la thèse de l'unité. La déclaration gouvernementale du 13 juin 1959 proclame: « Septante~cinq ans de collaboration entre populations blanche et noire ont assuré l'unité du Congo. » Lorsque les mouvements et partis congolais se réuni~ ront, pour la première fois, en un Congrès à Luluabourg en avril 1959, une des résolutions votées à l'unanimité proclamera la vocation du Congo à l'unité nationale (1). Au moment de partir pour le Congo, le ministre Van Hemelryck, dans une réunion d'information (2), confirme la position officielle de la Belgique : « Cette doctrine fondamentale implique que le Congo se forme et progresse comme un tout; elle implique en un mot l'Unité du Congo. Il semble qu'en Belgique comme au Congo cer~ "taines personnes s'interrogent sur le point de savoir si cette doctrine reste bien celle du gouver~ nement; on appréhenderait que le gouvernement envisage d'entrer dans les vues de ceux qui son~ gent à revendiquer pour rune ou l'autre partie du Congo la séparation du reste et l'indépendance immédiate. Je tiens à dire de la manière la plus formelle qu'il n'en est rien. Le groupe de travail avait déjà développé les raisons pour lesquelles l'intérêt supérieur de tous les habitants du Congo postule (1) Kasaï le 15 avril 1959. (2) Libre Belgique 10 mars 1959.
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l'unité du pays. Le gouvernement a pris position dans ce sens et maintient sans restriction aucune cette positfon. » Dans une allocution radiodiffusée à Léopoldville même, le 12 mars 1959, le ministre Van Hemelryck répète: , « J'ai dit nettement que porter atteinte à l'unité du Congo serait faillir à notre devoir essentiel à l'égard de ses 13 millions d'habitants. »
*** Ces proclamations ne désarment pas les blancs du Katanga; l'Union des Anciens Combattants du Katanga, au moment où le Ministre De Schryver passe par Elisabethville, les 2 et 3 décembre 1959, lui envoie une délégation conduite par son président, le Lieutenant~ Colonel de réserve de Ryckman de Betz, accompagné de Mrs. Beckers, Derriks, Sohier, Tafniez et Vleurinck (1). La délégation remet au ministre une note disant notamment : (2) « Les Blancs d'Afrique considèrent que les politiciens belges sont responsables du désordre actuel : depuis la guerre, on a vu le Congo dont on disait volontiers qu'il était une oasis de paix et de bonheur, envahi par des nuées d'hommes politiques belges, qui s'adressaient aux Noirs, leur parlaient de démocratie, de droits de l'homme, de revendication, leur demandaient avec insistance si vraiment ils étaient heureux. Les Blancs d'Afrique, dont beaucoup sont, quoiqu'on en pense en Belgique, les vrais amis des Noirs, qui vivent avec eux, qui connaissent leurs qualités et leurs défauts sont persuadés que tant (1) On retrouve tous ces personnages aujourd'hui dans les manifestations mondaines du Katanga «indépendant ». (2) Remarques congolaises nO 39 du 17 décembre 1959.
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que les politiciens belges auront l'occasion de pour~ suivre leur œuvre délétère, le Congo sera voué à sa perte. » Ce document, dont le ton est spécifique des blancs du Katanga, préconise pour le Congo un « chef de race blanche » qui « seul. sera admis par toutes les tribus du Congo, parce qu'il est au-dessus de la mêlée, parce que, seul. il peut arbitrer les conflits. Il faut offrir cette cou~ ronne au roi Baudouin, qui est extrêmement populaire au Congo ». Et au même moment, A. Decoster, dans un éditorial de l'Echo du Katanga (1) écrivait : « Le Katanga est désormais résolu, décidé à aller de ravant pour devenir une entité indépen~ dante : on peut être assuré qu'il aura « sa » con~ stitution, ses députés, ses sénateurs, ses ministres évidemment en très grosse majorité Noirs, proba~ blement avant un an d'ici. Il ne permettra à personne d'entraver sa mar~ che vers ce progrès qu'il considère comme indis~ pensable : l'instauration d'un Katanga indépendant, libre et démocratique. Il établira avec les territoires voisins et la Belgique des relations d'amitié, de collaboration sincère, traitant avec tous et chacun en égal. Dès aujourd'hui, il rejette l'oligarchie bureaucratique de Léopoldville, qui, depuis des dizaines d'années, freine son essor et entend prendre toutes décisions qui le concernent seul. Que ministres et gouvernement fassent tout ce qu'ils veulent, il n'abdiquera pas, lui. » A un autre endroit du journal. le même A. Decoster avait dit: « Depuis des décades notre province est la victime de Léopoldville, hydre insatiable, cité pourrie par l'ambition mégalomanique des parasites des « buildings »; elle se refuse à continuer plus longtemps ce jeu de dupes. » (1) 3 décembre 1959.
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La volonté de sécession des blancs du Katanga La volonté de sécession des blancs du Katanga
Ainsi donc, des blancs du Katanga n'avaient pas besoin du prétexte du prétendu « communisme » de M. Patrice Lumumba pour vouloir détacher leur riche province de l'ensemble congolais.
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Si les blancs du Katanga parlaient en 1959, avec plus d'assurance encore qu'en 1958, c'est parce qu'ils étaient parvenus, entretemps, à donner la vie à un parti de noirs, acceptant de lutter pour le triomphe de leurs aspirations. La Conakat (1) ou « Rassemblement Katangais » qui avait pour conseiller officieux, M. Gavage, préconisa, en effet, dans son programme de mai 1959, un fédéralisme dans lequel les Etats seraient autonomes, c'est-à-dire libres de se fédérer ou de demeurer à l'écart. « Le Katanga opte, disait la Conakat, pour un état autonome et fédéré, où les rênes des commandes politiques devront être entre les mains de Katangais authentiques et de tous les hommes de bonne volonté qui montrent et ont montré par des actes, qu'ils collaborent sincèrement avec eux pour le progrès et l'émancipation rapide du Katanga, suivant des conditions qui seront bien déterminées par le futur gouvernement de l'Etat autonome Katangais. La condition sine qua non pour la constitution d'un Congo fédéral réside dans la représentation équitable et proportionnelle à l'importance économique de chaque état autonome. » Max Bastin, directeur du Courrier d'Afrique; jugeait ainsi ce programme, dans un éditorial de son journal (2) : ( 1) La Confédération des Associations tribales du Katanga fonda. le 11 juillet 1959, le R.K. Conakat qui absorba l'Union Katangaise. parti européen dirigé par M. Achille Gavage (Congo 1959 CRISP p. 279). (2) Le 27 mai 1959.
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« Pour le dire tout net, nous ne croyons pas que la Co na kat ait rédigé ce texte toute seule, mais qu'elle y a été aussi aidée par les « hommes de bonne volonté » dont parle le communiqué. » Personne n'avait, en effet, d'illusion au sujet des inspirateurs de ce singulier parti « congolais » qui exigeait (1) : « point 1, maintien et même renforcement de la présence belge au Congo. point 2, collaboration étroite entre les couches autochtones et européennes de la population » * **
(1) « Remarques Congolaises » nO 28 du 1er octobre 1959. Avenir 16 septembre 1959. Le sénateur Leynen, dans un article de «Het Belang van Limburg» en date du 24 août 1959, reproduit par M. De Backer, dans la 3° partie de ses «Notes pour servir à l'étude des groupements politiques » publiées par Inforcongo, dit. sans ambages, que la vraie raison de la volonté fédéraliste de la Conakat est : «que l'on donne le cas échéant au Katanga la possi~ bilité de rechercher de sa propre autorité les moyens d'arriver à une union intime avec la Belgique ».
Les révélations de M. Davister
Les révélations de M. Davister Un texte capital parut sous la signature de Pierre Davister (1), à l'occasion du voyage royal au Congo et à la veille de la conférence de la Table Ronde. Ce texte décrit avec précision la manœuvre qui se déve~ loppera, en juillet 1960. « Tout l'Est du Congo est braqué contre Léo~ poldville. De « Léo - la détestée, » la province ne veut plus rien savoir parce qu'à ses yeux la capitale congolaise est la grande responsable de la situation présente en ne se défendant pas suffisam~ ment contre certains extrémistes et surtout en n'agissant que pour eux, en fonction d'eux, à tra~ vers eux. Dès lors, ce que Laeken a voulu, c'est que dans cette politique future qui s'amorce et qui sera plus que vraisemblablement fédéraliste, un dénominateur commun subsiste : la Belgique: Or, nul ne pourrait mieux symboliser la Belgique que le Roi. Le Katanga tel qu'il apparut au Roi, tel qu'il apparut au Ministre... est un Katanga décidé à devenir immédiatement un « état indépendant » et à mettre, s'il le faut, la Belgique devant le fait accompli. Que veut donc unanimement le Katanga? Rien d'autre que son indépendance immédiate et la réunion dans les 60 jours d'une « Assemblée· Nationale Katangaise » qui établirait la constitution katangaise et les modalités d'union entre le nouvel Etat et la Belgique. « ... la future constitution katangaise (hé oui, elle est déjà en gestation!) prévoira pour une, plusieurs ou toutes les régions du Congo, la possi~ bilité de s'unir au Katanga sous la forme d'Etats fédérés et pour autant qu'il soit bien entendu qu'il (1) Pourquoi Pas Congo 2 janvier 1960.
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n'est pas question de se séparer de la Belgique (1). Pour autant - car n'est pas admis qui veut que les différents Etats désireux de former l' en~ semble fédéral fassent preuve de maturité politique et mettent fin à leurs querelles intestines! Quoiqu'il en soit, la « Conakat » cette force va - mine de rien - appuyer le coup d'Etat Katan~ gais par son autorité de parti unique qu'elle est tout simplement en passe de devenir. En compen~ sation et pour autant, bien entendu, qu'elle garan~ tisse les avoirs et les biens. La Conakat fera au sein d'un gouvernement composé uniquement d'Africains la pluie et le beau temps. Elle (la Conakat) va jeter dans cet ensemble d'extrémistes (la Conférence de la Table Ronde) un son de cloche inédit, celui d'un ensemble d'Etats souverains et fédérés se refusant à accep~ ter Léopoldville comme capitale mais désireux de l'ester unis avec la Belgique et de garder le Roi Baudouin comme souverain. On va droit - on fonce même à toute allure vers un amalgame d'Etats fédérés dont le Katanga voudrait être le pôle d'attraction mais aussi le pôle de loyalisme à la Belgique, car tout est là : garder dans la structure fédérale ce bon ciment belge dont la couronne pourrait constituer le label de qualité 1 » S'il y avait, cette fois encore, un doute au sujet des vrais créateurs de la Conakat, M. Pierre Davister le dissiperait sans équivoque : « Qui fut le ciment de cette union? (la Cona~ (1) Toujours le même leitmotiv, dénonçant clairement son inspiration.
Les révélations de M. Davistet
kat). Nous n'hésiterons pas à le dire : l'Euro~ péen ». M. Davister ne laisse d'ailleurs subsisterj aucun doute au sujet des inspirateurs du coup d'Etat, auquel se prépare la Conakat : « On dit à Elisabethville que c'est spontané~ ment que les populations indigènes se rendirent compte que le Katanga formait une entité géogra~ phique, économique, ethnique. Au risque d'être foudroyé du regard par ceux qui, très sérieusement, m'ont avancé cette thèse, on me permettra de douter quelque peu de cette spontanéité subite. Disons, - et tant pis si on nous regarde d'un mauvais œil! - que très habilement certains manœuvrè~ rent en coulisses pour arriver à inculquer aux indi~ gènes cette notion d'une force réelle d'ailleurs que pourrait former un jour un Katanga où Noirs et Blancs seraient conscients de leur puissance com~ mune susceptible de faire bloc et surtout rempart aux exigences de Kalina et de la place Royale. » Ainsi donc, la volonté de séparatisme katangais reste bien ce qu'elle était en 1958 : une volonté délibérée des Blancs du Katanga mais qui, cette fois, sera mise en œuvre par des Noirs, dont ils ont pu s'assurer le con~ cours.
Une parenthèse L'importance économique du Katanga L'âpreté mise par les Blancs du Katanga à vouloir « sauver » cette province et la facilité avec laquelle ils
ont pu s'assurer, à cette fin, le concours actif d'hommes, politiques congolais ne s'expliqueraient pas sans doute si l'on ignorait le rôle capital qu'y joue l'Union Minière du Haut~Katanga. Fondée en 1906, par le Comité Spécial du Katanga (CS.K. datant lui~même de 1900) et la Tanganyika Concessions Limited (T.C.L.) au capital initial de 10 millions de francs, réparti en 100.000 actions souscrites par moitié par la Société Générale de Bel~ gique et par la T.C.L., cette société rémunérait par 100.000 actions de dividende les apports du C.S.K. (60.000 actions pour le résultat de ses études et prospec~ tions et ses droits de concessions) et de la T.C.L. (40.000 actions) . L'Union minière du Haut~Katanga verra porter son capital successivement à 12,5 millions (1912), 70 mil~ lions (1921), 300 millions (1938) et 5 milliards. Elle avait en 1956 un personnel européen de 2.000 agents environ au Congo et de 500 agents à Bruxelles. Plus de 21.000 travailleurs indigènes et leurs familles peuplaient ses cités. Elle~même, fille de la Société générale de Belgique, elle allait donner naissance à une série de sociétés auxi~ liaires, notamment la Sogefor : Société g'énêrale des Forces Hydro~électriques du Katanga, la Cofoka : Com~ pagnie foncière du Katanga, les Charbonnages de la Luena, les Minoteries du Katanga, la Sogechim: Société générale Industrielle et Chimique du Katanga, la Sogelec, Société générale Africaine d'électricité, la Sudkat : Société de Recherches minières du Sud~Katanga, la Metalkat : Société générale métallurgique du Katanga. La B.C.K., société des Chemins de fer du Bas~Congo~ Katanga, lui est étroitement apparentée.
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Fondée en 1910, elle devait assurer la liaison par fer entre le Katanga et l'Atlantique. A l'époque de sa fondation, le Katanga était tributaire du Sud et il fallait de trois mois à un an pour amener des marchandises de Boma à Elisabethville. Pour prix de ses activités, la B.C.K. recevra d'impor~ tantes concessions. Ne les exploitant pas elle~même, elle en confiera la gestion à une de ses sœurs: la Forminière~
des Sociétés minières du Kasaï, de Luebo et de la Lueta et poursuit la prospection d'énormes territoires de la pro~ vin<:e du Kasaï et leur mise en valeur. Si à Tshikapa, la Forminière est chez elle, à Bakwanga (1) elle est installée en Sa qualité d' entrepre~ neur de la Minière du Bécéka.
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A l'Union Minière du Haut~Katanga, la production du cuivre avait atteint en 1959 « son maximum histori~ que » : 280.000 tonnes, puisque l'année la plus forte, 1956, n'avait donné que 247.000 tonnes (2). Les résultats d'exploitation pour 1959 atteignirent 4.427.545.710 francs (contre trois milliards et demi pour l'exercice précédent). Le solde bénéficiaire parvint à 3.535.599.030 contre 2.410.626.892 francs. Avec le report antérieur de 76.086.948 contre 28.174.070 francs le solde disponible s'établit à 3.611.685.979 francs contre 2.438.800.962 francs. Et dans la presse, qui claironna ce prestigieux bulle~ tin de victoire (3), on pouvait lire : « On estime que pour 1960, on peut prévoir une nouvelle augmentation, en raison de l'augmentation du prix du cuivre et de l'augmentation des quantités vendues. » Dans l'officieuse « Agence Economique et Finan~ cière » (4) on prenait soin de souligner le rôle joué par l'Union Minière du Haut~Katanga dans les finances publiques congolaises : « Nous apprenons en effet que les taxes- et impôts ou droits versés durant l'exercice se montent
_ Cette autre fille de la Société générale, la Société Internationale Forestière et Minière du Congo (en. abrégé Forminiè~e) fut fondée en 1906 au capital de 3 millions, sous la présidence du Baron Baeyens, gou~ verneur de la Société générale et avec le concours de capitaux américains, apportés par les financiers Thomas F. Ryan et David Guggenheim. Le gouvernement, en rémunération des droits qu'il accordait à la Société, reçut gratuitement la moitié des titres. Lorsqu'en 1910, l'ingénieur Lancsweert découvrit un diamant de 20 milligrammes, le capital fut intégralement renouvelé par la Société générale de Belgique et le groupe américain Ryan. Et la Société installa son siège d'exploitation à Tshikapa. En 1912, le capital fut porté à 8 millions, en 1919 à 16 millions. En 1936, il fut transformé pour être, en fin de compte, représenté par 320.000 parts sociales sans désignation de valeur, dont la moitié était toujours en. juin 1960, détenue par le gouvernement belge, en rému~ nération des droits accordés à la Société. En dehors de ses mines, la Forminière exploite d'im~ menses domaines forestiers aux alentours du Lac Léo~ pold II. Outre ses propres exploitations, elle agit comme entrepreneur pour le compte de la Minière du B.C.K. et
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(1) Les noms de ces villes sont à retenir. - Nous les retrouverons au chapitre de l'intervention armée belge de juillet 1960. (2) Courrier dI'Afrique 18-19 juin 1960. (3) V. notamment la Cité 13 mai 1960; (4) Des 4-5-6 juin 1960.
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... C'est toute l'économie au Congo qui trouve une base solide dans l'existence de l'Union Minière. :. Si l'on considère qu'il s'agit là d'une seule Société on est bien forcé de considérer comme vraisemblable l'affirmation de M. Kibwe ( 1 ) suivant laquelle le Katanga intervenait pour 66 % dans le budget total de la Colonie. Il apparaît dès lors évident que priver le Congo du Katanga réduirait ses ressources à un tiers alors que sa population demeurerait des 8/9". Le priver en outre de la Province Minière, (lisez des revenus de la Forminière) ne lui laisserait sans doute qu'un cinquième des rentrées de la Colonie.
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(1) Au cours de sa Conférence aux Amis de Presence Africaine en février 1960.
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Une parenthèse, (importance économique du Katanga
à 2.400 millions, montant auquel s'ajoutent les 470 millions que le Congo perçoit par l'intermédiaire du Comité Spécial du Katanga et les 128 millions de redevance. Au total. il apparaît donc que c'est 3 milliards en chiffres ronds que le Congo perçoit dans le produit de l'activité de l'Union Minière. On pourra rapprocher cette somme du total du budget ordinaire qui comporte 7 milliards de recet~ tes fiscales. Encore la proportion dont il s'agit est~ elle trop faible, parce qu'elle ne tient pas compte des impôts sur les revenus privés qui ont leur ori~ gine directe ou indirecte dans l'activité de l'Union Minière. En face des 3 milliards que les pouvoirs publics reçoivent, les actionnaires privés· ont touché un divi~ dende net de 2.250 millions, impôt normal à déduire. Or, ces sommes réparties tant au secteur privé qu'au secteur public, constituent la base indispen~ sable à l'économie congolaise.
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Les trois Sociétés: Union Minière du Haut~Katanga, Forminière et B.C.K. bénéficièrent, à partir de 1913 et pendant 25 ans, de la direction éclairée de feu Jean J adot, qui était, en même temps, gouverneur de la Banque de la Société générale de Belgique. C'est en son honneur que la ville de Panda~Likasi fut appelée Jadotville. Actuellement, le Président des trois sociétés est tou~ jours le gouverneur de la Société générale. Ce Président, M. Gillet, fut promu grand officier de l'Ordre Royal du Lion, en 1956, à l'occasion du cinquan~ tenaire de l'Union Minière et de la Forminière. * **
C'est ce même M. Gillet, que, le samedi 9 juillet 1960, à 10,05 h. du matin, l'on aperçut, entre deux portes, au cabinet du Premier~Ministre, M. Eyskens (1), quel~ ques heures avant la première intervention militaire belge, puisque c'est à Kabalo, au Katanga que les forces métro~ politaines de Kamina se posèrent pour la première fois., le samedi 9 juillet 1960 peu avant 18 heures.
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Si la sécession du Katanga devait se consolider et si la tentative de M. Kalonji de fonder la République Minière du Kasaï avait réussi ou devait réussir, l'on aurait reconstitué un granc;l empire, puisque le diamant de Bakwanga resterait allié au cuivre du Katanga et que les deux sœurs, les deux grandes filles de la Géné~ raIe, leur mère, l'Union minière du Haut~Katanga et la Forminière continueraient à se donner la main.
,.,.,. Mais nous anticipons manifestement et il nous faut revenir à notre propos, cette parenthèse provisoirement fermée. (1) Libre Belgique 11 juillet 1960.
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Les adversaires kat an gais du séparatisme Les partisans de l'unité du Congo sont, au Katanga, au moins aussi nombreux que les partisans de la séces~ sion. Et ils ont, pout eux, l'avantage de la sincérité et la présomption du désintéressement. Ils se plaindront, à chaque élection, des avantages considérables que l' Admi~ nistration et l'Union Minière auront accordés à leurs con~ currents, les hommes de la Conakat. N' accuseront~ils pas ces derniers de bénéficier non seulement des appuis financiers de l'Union Minière, mais des voitures de celle~ci pour leurs déplacements élect~ raux, voire même, quand c'est absolument nécessaire, de l'avion directorial de cette grosse Société? Malgré ce lourd handicap, dans un pays où les dis~ tances rendent les déplacements difficiles et coûteux, les partis unitaires, la Balubakat, groupant comme son nom l'indique, les Baluba du Katanga, l'Association des Tshokwe du Congo Belge, Angola et Rhodésie (A.T.C.A.R.), et le M.N.C. Lumumba, recueilleront aux dernières élections plus de voix que la Conakat (1). S'ils ne réunissent ensemble que 24 sièges contre 25 à la Conakat, c'est dû au découpage des circonscriptions et à des impondérables. A Elisabethville par exemple, la Conakat aura 3 sièges contre 2 à la Balubakat pour un écart de 7 voix (8.657 contre 8.650). M. Jason Sendwe, président du Cartel Balubakat recueillera plus de 20.000 voix de préférence, M. Moïse Tshombe, président de la Conakat n'en aura que 2.200 (2). Sans doute, le premier se présentait~il aux élections législatives et le second aux élections provinciales, mais même proportionn,ellement, ces chiffres ne laissent aucun doute au sujet des popularités respectives des deux leaders.
Le séparatisme katangais de la Table Ronde à la veine de l'Indépendance A la Conférence de la Table Ronde de janvier 1960, la Conakat fut immédiatement dénoncée par tous les ,autres partis congolais. Elle fit machine arrière, M. Kibwe, le second de .M. Tshombe, déclara au cours d'une conférence faite à la tribune des « Amis de Présence Africaine », que « son parti n'avait parlé de séparatisme que pour arriver il une large autonomie dans le cadre d'un Congo uni ». « Il fallait, disait~il, réclamer beaucoup pour obtenir :,peu ». Pendant ce temps les amis blancs de M. Tshombe ( 1) se réunissaient à Elisabethville et y exposaient la ,« thèse d'un Katanga complètement indépendant » en même temps qu'ils votaient une motion de soutien à la 'Conakat (2). M. Moïse Tshombe quittait la Table Ronde pour un 'voyage éclair à Elisabethville. Peu après son retour, et sous l'influence, dénoncée par tous, de son souffleur blanc (3), il tenta de lever la question de l'indépendance du Katanga, à propos du régime minier. Ce fut un tollé général. Des délégués (MM. Lumumba et Kalonji notam~ ment) allèrent jusqu'à proposer que toutes les déléga~ 'tions congolaises. renoncent à leurs conseillers européens pour mettre fin à ce scandale d'un représentant congo~ lais, qui ne prenait la parole que pour lire les billets, que son conseiller blanc lui glissait ostensiblement. La Conakat fut à ce point isolée, qu'elle s'empressa
( 1) «Remarques congolaises» n° spécial des 23 et 30 juin 1960 Pp. 262 et suivantes et le relevé fait par Jules Chomé et Mupenda
Bantu dans «La mutinerie de la Force Publique et la Sécession Katangaise» nO spécial du 16 juillet 1%0 de Remarques congo~ laises. (2) Soir 1er juin 1960.
(1) (2) (3) :tion de
La Presse Africaine du 13 au 17 février 1960. Remarques congolaises nO 7 du 18 février 1960. Un avocat d'Elisabethville qui avait accompagné la déléga~ la Conakat à Bruxelles.
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de renoncer à des positions, dont tout le monde savait, dont tout le monde disait qu'elles étaient celles de ses maîtres blancs.
La structure de l'Etat congolais ne pourrait plus être modifiée que par les Congolais eux~mêmes, au moment où ils établiront leur Constitution.
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A la Conférence de la Table Ronde, ce séparatisme fut donc écarté sans équivoque. Et le gouvernement belge en faisant voter par les Chambres, la loi fonda~ mentale régissant provisoirement les structures du Congo et en édictant l'unité du pays, ne fit que consacrer la volonté unanime (1) des délégués congolais, qu'il s'était engagé à respecter. La Résolution n° 2 relative à r organisation de l'Etat du Congo stipulait en effet : « Le Congo, dans ses frontières actuelles, constitue, à partir du 30 juin prochain, un Etat indépendant, dont les habitants auront aux condi~ tions que la loi déterminera une même nationalité, sur le territoire duquel ils pourront se déplacer et s'établir librement et où les marchandises aussi pourront circuler sans entrave. 2. L'Etat du Congo est constitué, au 30 juin 1960, de six provinces dans la configuration géo~ graphique des provinces actuelles.. » Désireux en juillet~août 1960 à la faveur des cir~ constances de favoriser la sécession katangaise, le gou~ vernement belge feindra de croire que c'était à S'a volonté, à son caprice que l'unité du Congo était due et qu'il aurait tout aussi bien pu lui donner une autre forme. Il n'en était évidemment rien. L'unité avait été déci~ dée par l'ensemble des représentants du peuple congo~ lais. Il restait au gouvernement et aux Chambres d'enté~ riner cette volonté.
Un exemple parmi d'autres est significatif de la popu~ larité de M. Moïse Tshombe, à l'époque où ne régnait pas à Elisabethville, l'ordre du Major Weber. Le mardi 5 avril 1960, M. Kasavubu, qui n'est encore qu'un des six délégués, auprès du gouvernement général, est accueilli à Elisabethville. Les leaders politiques du Katanga, MM. Sendwe, Tshombe, Mwamba et des mil~ liers de gens l'attendent sur la place de la gare. Les journaux (1) racontent que: « M. Tshombe fut constamment hué par la foule qui put d'ailleurs difficÜement entendre l'orateur dont les mots prononcés étaient couverts par les cris hostiles . Ce fut ensuite le tour de M. Sendwe qui salua M. Kasavubu au nom du Cartel Katangais et demanda à la foule de répéter après lui quelques slogans comme « Vive Kasavubu 1 » « Vive le Congo uni! » « Vive le Cartel! » et « Vive l'Indé~ pendance 1 » repris en chœur par la majorité de la foule. » Et M. Kasavubu, comme s'il pressentait trois mois à l'avance le rôle éminent auquel il serait appelé, expliquait aux applaudissements de la foule, que l'objet de sa visite était de « renouer les liens d'amitié et de solidarité nationale qui doivent exister entre les provinces :. Le Peuple (2) soulignait: « M. Tshombe, président de la Conakat, se fait conspuer. »
(1) Les seize résolutions issues de la Conférence de la Table Ronde ont en effet été approuvées à l'unanimité par les délégués belges et congolais: (Congo 60. Bulletin d'Inforcongo nO 2, février).
(1) Cité 7 avril 1960. Courrier d'Afrique 7 avril 1960. Peuple 7 avril 1960. (2) 7 avril 1960.
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Et La Libre Belgique (1) « Voici maintenant introduit comme loup en et M. Tshombe conspué
écrivait de son côté : celui~ci (M. Kasavubu) bergerie dans le Katanga sur son propre terrain. »
*** Une scène comme celle~là fait comprendre que le Major Weber et le ministre Munongo aient, les 10 et Il juillet 1960, voulu éviter à tout prix que MM. Kasa~ vubu et Lumumba atterrissent à Elisabethville. L'on aurait pu constater, avant même qu'il proclame l'indépendance du Katanga, le degré de popularité de ce M. Tshombe qui a besoin de la présence des para..commandos belges (2) pour être applaudi par son peu.ple. C'est sans doute parce qu'il sentit que le séparatisme n'avait pas le vent en poupe, que M. Moïse Tshombe joua quelques temps la comédie de l'unité. A l'Echo du Katanga (3'), il déclarait au lendemain des élections : « Le moment est arrivé de s'entendre et de faire du Katanga un très grand pays qui fera bénéficier tout le Congo de ses larges possibilités minières et industrielles ainsi que de sa prospérité. Il faut, dit~il, « travailler à l'édification d'un Katanga heureux et prospère dans l'intérêt même du Congo, grâce à la collaboration et à la confiance des autres pays qui nous aideront à faire de ce Congo, une grande nation au cœur de l'Afrique. » A moins que le leader de la Conakat, ayant pour une fois, échappé à ses souffleurs blancs, se soit tout~à~coup, mis à penser Congolais ...
Le séparatisme katangais de la Table Ronde
Peu après d'ailleurs, se rendant aux Etats~Unis, et rencontrant MM. Herter et Harriman, M. Tshombe considère qu'une petite note d'anticommunisme ne doit pas faire mal dans le tableau. Il se vantera, à son retour au Congo (1) d' « avoir fait remarquer à ses interlocuteurs qu'il valait mieux prévenir que guérir le danger commu~ niste et que celui~ci était actuellement une réalité au Congo. »
*** (1) 7 avril 1960. (2) Ou, depuis le départ des troupes belges, de gendarmes·enca-
drés d'officiers et de policiers belges. (3) Courrier d'Afrique 24 mai 1960.
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(1) Courrier d'Afrique 10 • juin 1%0.
Une étape dans la sécession: la loi «sur-mesure» de la Conakat
Une étape dans la sécession la loi «sur mesure» de la Conakat Après les, élections, se place un incident qui, - si la sécession katangaise devait aboutir, - pèserait lourd dans le dossier de la Belgique. Le Cartel Balubakat, dans des lettres au Roi des Belges, aux Présidents -de la Chambre et du Sénat ainsi qu'au Ministre du Congo Belge et du Ruanda~Urundi, ( 1) élève une protestation : « Des irrégularités ont eu lieu lors des élections, des votes se sont faits sous la terreur, particulière~ ment à Kamina où il y eut de nombreux morts. Nous rejetons les résultats des élections et deman~ dons votre intervention. » Quelques jours après renvoi de cette plainte, le Car~ tel Balubakat refusera de siéger à l' Assemblée Provin~ ciale. « Tant qu'il n'aura pas; reçu de réponse à la lettre au Roi et au Ministre du Congo pour pr~ tester contre la façon dont se déroulèrent les opé~ rations électorales au Katanga (2). » Or, la « Résolution n° 10 relative à l'organisation des institutions provinciales» qui a été approuvée à l'unani~ mité par les délégués belges et congolais à la Conférence de la Table Ronde (3) stipule que: « la structure finale des provinces devra être arré-tée par une loi institutionnelle adoptée dans chaque province à la majorité des deux tiers par l'Assem~ blée provinciale, dans le cadre des mesures géné~ raIes fixées par la loi fondamentale provisoire. » La loi fondamentale provisoire votée par le Parle~ ( 1) Soir 1er juin 1960. (2) Cité 4 juin 1960. (3) Congo belge 60 - Bulletin mensuel d'Information par Inforcongo, n° 2 février 1960, page 1.
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ment belge ne constitue, nous l'avons vu, que la mise en œuvre, la consécration des délibérations de la Confé~ rence de la Table Ronde. Résultant d'un accord entre les délégués congolais et les délégués belges, il tombe sous le sens que les parle~ mentaires belges ne pouvaient valablement, à eux seuls" y apporter des modifications. L'Assemblée provinciale du Katanga comportait 60 membres élus. Il était donc évident que si les élus du Cartel Balubakat et de ses alliés refusaient de siéger, il était impossible de réunir la majorité constitutionnelle et, partant, de mettre en place les institutions provinciales. La Libre Belgique (1) explique très clairement que « C'est pour éviter précisément que des majo~ rités trop justes ne s'imposent à des minorités sub~ stantielles quO on avait convenu du quorum des deux tiers. » L'idée des délégués à la Table Ronde était que les gouvernements provinciaux soient proportionnels et qu'un parti, à m~ins qu'il dispose d'une majorité écrasante, ne puisse faire la loi aux autres dans la province. Pour gouverner, il devra nécessairement composer. La Conakat n'entrera pas dans cette voie. Elle a, dans sa politique visant à prendre, seule. le pouvoir, bénéficié d'une aide efficace de la part des autorités administra~ tives belges et tout spécialement du gouverneur de la province, M. Schoeller. Les adversaires de la Conakat seront l'objet d'inti~ midations de toutes sortes. M. Decoster, directeur de l'Echo du Katanga qui est accusé de soutenir le Cartel Balubakat est, dans les locaux de l'Assemblée provinciale, pris à partie, par les conseillers de la Conakat. Il ne pourra s'échapper, sous les httées des partisans de M. Tshombe, que grâce à la protection de la police (2). (1) 14 juin 1%0. (2) Cité 8 juin 1960.
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Le parquet d'Elisabethville, sous la conduite du substitut du procureur du Roi Wéry perquisitionne dans l'appartement de Mme Maryse Perrin déléguée auprès du Cartel Balubakat par M. le Professeur Doucy de l'Institut Solvay. Elle sera même mise en état d'arrestation pour « incitation à la désobéissance civile» (1) sur plainte déposée par la Conakat contre elle-même et contre M. Jason Sendwe, président du Cartel. Le magistrat la libèrera après son interrogatoire. Lorsque M. le gouverneur Schoeller accusera dans un discours (2) : « des personnes étrangères de créer le chaos » et dira « Nous craignons que certains dirigeants ne soient que des instruments ... ». tous ceux qui savent ce que représentent les dirigeants de la Conakat doivent penser que ce haut fonctionnaire dénonce enfin avec vigueur les influences qui dominent ce parti. II n'en est rien! Ce sont les leaders de la Balubakat et leurs conseillers qu'il montre du doigt. Après avoir usé de l'intimidation, on va jouer les sirènes. M. le gouverneur Schoeller, pour faire revenir les membres de la Balubakat à l'Assemblée leur tient ce langage (1) « Aucun parti ne désire gouverner seul. Tout le monde sait que le parti qui accepte les résultats de l'élection (la Conakat, évidemment) est tout disposé à assurer à l'autre la plus large participation au gouvernement. Tout le monde sait que le gouvernement à constituer, quel que soit son président, aura comme ( 1) Libre Belgique 9 juin 1960. (2) Soir 9 juin 1960. (3) Soir 9 juin 1960.
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premier souci de garantir formellement la protection de tous les habitants de cette province sans distinction de race ou de tribu et tout le monde sait qu'entre les deux partis katangais il n'existe qu'une différence de terminologie. » Quand on sait qu'un de ces partis, pour faire plaisir à ses maîtres blancs, a préconisé le séparatisme et que l'autre défend l'unité, le discours de M. Schoeller prend tout son sens. II va récidiver. Quelques jours plus tard, en effet ( 1) il proclame « Répétons-leur que la loi elle-même garantit leur participation équitable au gouvernement. Leur opposition purement négative n'a dès lors aucun sens. » Ce qu'il oublie de dire alors, c'est que cette loi qui devrait, en effet, garantir au Cartel une participation équitable, lui-même, le gouverneur Schoeller, a demandé au gouvernement belge de la faire modifier, de toute urgence, pour qu'à la majorité des deux tiers soit substituée la majorité simple. Et pourtant, entretemps aussi, les leaders de la Conakat ont eu l'occasion de démentir les bonnes intentions que M. Schoeller leur prêtait. Au moment de la composition du bureau de l'Assemblée provinciale, la Conakat s'est adjugée la Présidence, les deux Vice-Présidences et trois secrétariats sur quatre, le quatrième étant réservé à un « individuel » à sa dévotion (2). Apprenant la singulière requête que M. le gouverneur Schoeller a adressée à la métropole, M. Jason Sendwe envoie immédiatement un télégramme au Roi des belges, au ministre Ganshof van der Meersch, au gouverneur-généraI et à M. Charles Mutaka qui vient d'être élu président de l'Assemblée Provinciale du Katanga (3). (1) Libre Belgique 14 juin 1960. (2) Le Courrier d'Afrique 10 juin 1960. (3) Drapeau Rouge 11 juin 1960.
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« La promulgation de la loi autorisant la Cona~ kat à gouverner seule causera inévitablement la guerre civile après le 30 juin .» Le lendemain, le représentant de la Conakat, M. Munongo, se fait impératif à l'Assemblée provinciale ( 1 ). Il exige : « qu'un télégramme urgent et virulent (sic) soit envoyé au Ministre du Congo à Bruxelles pour que l'amendement sur le quorum soit voté immédiate~ ment. M. Munongo ajoute que si la Conakat n'obtient pas satisfaction, un coup d'Etat serait envisagé. » Et M. Kibwe, un autre député de la Conakat (2) s'adressant au président de l'Assemblée, M. Mutaka, lui signifie « Dites simplement au ministre que si la réponse n'est pas donnée dans les 48 heures, nous entre~ rons en contact officiellement et non en cachette avec la Rhodésie et l'O.N.li. » Entretemps, la Balubakat faisant confiance aux pro~ messes de M. le gouverneur Schoeller, M. Sendwe envoye un télégramme au Ministre du Congo pour lui dire « qu'il invitera son parti à siéger au Parlement si on lui attribue quatre sièges au sein du gouvernement katang ais » (3). Quatre sièges, c'eut été en deça de l'équité promise par M. Schoeller. C'eut été suffisant pour rendre impossible toute vel~ léité de sécession. Mais la décision de la Conakat est prise et bien prise. Elle n'a aucun motif de composer, de transiger, puis~ qu'elle sait que M. le gouverneur Schoeller lui a com~ mandé à Bruxelles une loi sur mesure.
M. Jason Sendwe, inlassablement, avertit la métr~ pole du danger de la manœuvre dans laquelle on veut entraîner le Parlement belge. Il envoie un télégramme au Roi et aux Présidents de la Chambre et du Sénat (1). « Protestons énergiquement tendance change~ ment loi permettant Conakat former gouvernement homogène Katanga.
(1) Courrier d'Afrique 13 juin 1960. Libre Belgique 13 juin 1%0. Cité 13 juin 1%0. Soir 14 juin 1%0. (2) MM. Munongo et Kibwe font, depuis, partie du gouvernement Tshombe. (3) Peuple 16 juin 1960.
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Plusieurs Européens travaillant coulisses Cona~ kat avec intention former Katanga indépendant, danger séparatisme. » Le ministre De Schrijver, que les démarches pres~ santes du gouverneur du Katanga ont convaincu et que les rodomontades de la Conakat ont impressionné, déclare à la Commission de la Chambre, le mardi 4 juin, au matin: (2) « que le Katanga allait se déclarer indépendant à 18 h. mardi et passer à la sécession immédiate si le Parlement belge ne votait pas immédiatement l'amendement à la loi fondamentale. » Sous prétexte d'éviter la sécession, on demande donc au Parlement de voter un texte de loi qui va la rendre possible. La Cité (3) voit clair. - Elle écrit : « L'attitude de la Balubakat est commandée par la crainte de voir se constituer un gouverne~ ment provincial avant que n'existe un gouvernement central capable de faire face à un mouvement sécessionniste. » Et la Libre Belgique elle~même n'est pas insensible au danger qui se dessine. Elle parle (4) : « du vieux projet de la Conakat : indépendance du Katanga, avec ou sans rattachement à la fédération des Rhodésies mais de toutes manières avec l'appui (1) Courrier d'Afrique 15 juin 1%0.
(2) Soir 15 juin 1960. (3) 16 juin 1960. (4) Editorial du 16 juin 1%0.
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de ces étrangers, y compris l'appui militaire, dit~on. C'est là sans doute, ajoute~t~elle, le premier péril extérieur auquel le jeune Etat devra faire face. » A la Chambre où l'affaire est menée, tambour bat~ tant, il ne se trouvera pour voter contre l'amendement que les deux députés communistes et trois socialistes dont le député Housiaux. Un P.S.c. et 65 socialistes s'abstiendront. Le député communiste Moulin motive son opposition dans ces termes qui paraissent aujourd'hui prophétiques
Peut~être n' était~il point si facile, nous n' en discu~ terons pas. » A l'Assemblée Provinciale du Katanga, la Cona~ kat exulte. Le représentant du Cartel Balubakat, M. Mwamba IIunga élèvera une protestation solennelle ( 1) . « II a dit en substance que les élections furent dirigées et contrôlées par l'administration qui n'a pas caché ses sympathies pour un parti déterminé. M. Mwamba ajoute que les populations sympathi~ ques au Cartel sont largement majoritaires et qu'elles ne sont pas d'accord pour accepter une situation qui leur est faite.
( 1) . « On nous propose de légiférer sous la menace d'un parti qui se déclare prêt à se séparer du Congo.
Si le projet était voté, nous n'aurions aucune garantie que ceux qui menacent de passer à un séparatisme immédiat ne le feraient pas demain avec l'aide légale que nous leur aurions donnée. :. La loi votée, la Libre Belgique, encore lucide à cette époque, écrira (2) : « L'effet en a été déplorable chez les gens de la Balubakat : le gouvernement belge, disent~ils, a donné raison à la Conakat qui veut le séparatisme, cela peut nous mener à la guerre civile. Comme l'ont souligné les parlementaires belges, le quorum des deux tiers contraignait les deux parties à s' en~ tendre. En modifiant la loi fondamentale, on leur a donné toute latitude de rester frères ennemis et l'on a donné une nouvelle prime aux partis qui refusent de se soumettre aux règles légales. Certains affirment qu'il eût été facile, faute de gouvernement provincial de laisser en place le col~ lège exécutif jusqu'à l'assagissement des leaders. (1) Drapeau Rouge 16 juin 1960. (1) Le 17 juin 1960.
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Après avoir fait allusion aux paroles pronon" cées dimanche par des membres de la Conakat, M. Mwamba a affirmé que cela ne fait d'ailleurs que confirmer les intentions maintes fois exprimées par ce parti soit l'indépendance totale du Katanga, le 30 juin, puis le rattachement à la Rhodésie. II a ajouté que son parti défendra jusqu'à la mort l'unité et l'intégrité du Congo... Il dit encore que les mesures prises le sont uni~ quement pour justifier un éventuel coup de force de la part de la Conakat et que tous les troubles anté~ rieurs sont l'œuvre du même parti. » C'en est trop pour la Conakat qui n'a plus besoin de se gêner. Le président de l'Assemblée, M. Mutaka coupe la parole à l'orateur et l'on procède, sans plus attendre à l'élection du gouvernement de la province. Contrairement aux promesses du gouverneur Schoel~ 1er et grâce à la loi votée à la sauvette par les Chambres belges, ce gouvernement de Il ministres (2) ne com~ prend aucun membre du Cartel. Autour de MM. Moise Tshombe, Godefroid Munongo et Jean~Baptiste Kibwe rien que des membres de la Conakat, deux « indépen~ dants » qui leur sont acquis et un M.N.C. Kalonji. (1) Essor du Congo 17 juin 1960. (2) Courrier d'Afrique 16 juin 1960.
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Un coup d'Etat avom:
de retard et après une courte discussion sur des questions diverses, en public, l'Assemblée se réunit à huis~clos, pendant plus d'une heure. C'est à ce moment que surgirent des jeeps et des camions de la Force Publique, qui s'installèrent autour du Cinquantenaire où siégeaient les Parlementaires, y compris ceux du Cartel. Deux officiers supérieurs pénétrèrent dans la salle réservée aux membres du secrétariat de l'Assemblée - mesure inutile, sem~ ble~t~il, car les membres se retirèrent sans qu'une déclaration soit faite. ' Interrogé par le correspondant de l'Agence Belga, M. Moïse Tshombe, président général de la Conakat, déclara que tout ce déploiement de forces était inutile, car le Katanga n'avait pas l'intention de prendre des décisions en marge de la loi et qu'il préférait quant à lui rester dans la légalité. Néanmoins une étrange atmosphère règna l'après~midi de mercredi, atmosphère accentuée par le déploiement anormal de forces de gendar~ merie - on prétendait même dans certains milieux que l'Assemblée Katangaise se réunirait avant minuit pour proclamer l'Indépendance du Katanga, mais il fallut bien se rendre compte à l'évidence que là n'étaient pas les intentions des nouveaux dirigeants Katangais » (1). Le coup avait avorté cette fois~ci. La prompte réaction du ministre belge et du gou~ vernement central avait étouffé la tentative de sécession dans l'œuf. La Force Publique déployée autour de l'Assemblée avait sauvé l'unité du Congo. Quelques jours plus tard, lorsqu'au mépris de la légalité à laquelle il venait de proclamer son attache~ (1) Courrier d'Afrique S juillet 1960 Congo -.
reproduisant l'Essor du
Un coup d'Etat avorte
ment, M. Moïse Tshombe annoncera la sécession du Katanga, il aura plus de chance. La Force Publique aura été désarmée la veille per les forc~s d'intervention belges. M. Tshombe ne devra plus cramdre son déploiement. Et les seuls militaires, qui vivront ce moment d'his~ t~ire, . s:ront les para~commandos belges, veillant sur la seCUrIte de son assemblée. Mais encore une fois, nous anticipons - A la veille du 30 juin 1?60, la Conakat et son gouvernement _, dont la Belglque a permis la mise en place - , restent sur leur coup manqué. Ils ~ttendront une nouvelle occasion. Au besoin, ils la susclteront. Leur détermination, ou plutôt celle de leurs maîtres blancs, est bien prise. , Quel que soit le gouvernement central, on est décidé a se passer ?e sa tut~lle. Les motifs que l'on invoquera seront fonctlOn des clrconstances; centralisme excessif mépris de l'autonomie provinciale, voire infiltration com~ muniste, puisque l'expérience a démontré que ce moyen paye encore. ***
Nous avons rencontré, à Bruxelles, en juin 1960 des amis belges vivant au Katanga. Pour eux la séces~ sion katangaise ne posait pas de problème. Elle était un fait acquis. Ils en avaient l'assurance.
Le Congo, sans le Katanga, Il'est pas viable
Le Congo, sans le Katanga, n'est pas viable Et pourtant, que ce soit avant ou après la Conférence de la Table Ronde, que ce soit même à la veille de la mutinerie de la Force Publique, tout le monde, en Bel~ gique et à l'étranger, est d'accord pour condamner l'idée du séparatisme katangais et pour considérer que le Congo, sans le Katanga, est voué à la mort. Le Monde (1), sous la signature de Pierre de Vos écrit « Si le Katanga devait se séparer du Congo, si le Bas~Congo devait pour les mêmes motifs choisir d'être un Etat séparé, alors ce serait la faillite à coup sûr. Car si les ethnies se comptent par centaines, si les limites provinciales instaurées par les Belges ne correspondaient en fait à rien et étaient arbi~ traires, l'unité économique du Congo était une merveille du genre. Sur le plan économique, toutes les régions groupées au sein d'un seul Congo étaient et res~ tent interdépendantes. Sans le Katanga le Congo ne peut vivre, comme il a besoin aussi du Bas~ Congo pour évacuer sa production, pour avoir un débouché sur l'Atlantique, comme il ne pourrait se passer du Kasaï, grenier agricole. » Nous ne citerons ici que deux opinions belges, choi~ sies parce gue leurs auteurs, depuis la sécession, ont, l'Iij1ute par une grâce du Saint~Esprit :S.C. Karel Van Cauwelaert, si sou~ 'uand il s'agissait de problèmes afri~ . Het Volk: (2)
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« Séparatisme d'inspiration européenne : au Katanga, où certains colons blancs tentent d'ar~ racher, le ~atanga à la communauté congolaise, dans 1espOir de maintenir la tutelle blanche sur une espèce d'île katangaise en exploitant les opp~ sitions tribales. Certains songent même à un rattachement à la Rhodésie du Nord, où les troupes britanniques assurent aux Européens un pouvoir discrétion~ naire. » ~t la Libre Belgique publiait le 7 juillet 1960, sous la slgnature de son envoyé spécial J. K., ce texte lucide: « ~n n'a guère de nouvelles du Katanga, mais on salt que M. Tshombe n'a pas abandonné son intention de proclamer la souveraineté de cette province. Les événements présents l'inciteront peut~ être à persévérer.
Mais il restera le séparatisme de la Conakat auquel la crise du gouvernement central donner~ peut~être un surcroît de vigueur. Or, sans le Katanga, le Congo n'est actuelle~ ment pas viable. » Ainsi donc, ou bien J.K. s'est trompé, ou bien la Libre Belgique en soutenant, comme elle le fait' la sécession k~ltangaise, veut condamner le Congo à m~rt 1
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Les Blancs armés
Les Blancs armés L'on ne dira jamais assez l'influence déplorable que l'habitude des blancs de vivre, armés, a pu avoir sur les relations entre Blancs et Noirs et le rôle tragique que cette propension des européens à se pourvoir d'armes a joué dans le cours des événements de juillet 1960. Depuis longtemps, sans doute, il était de bon ton pour un blanc vivant au Congo de conserver une arme chez soi. Vieux souvenir du temps des pionniers - ou des films « Western » de la jeunesse. Dans la nuit du 1er janvier 1959, l'on avait vu des civils blancs s'organiser, patrouiller en armes. Et cela avait fait sur les populations noires, une impression profondément déplaisante et inquiétante. Pendant plusieurs jours, plusieurs semaines, des patrouilles de volontaires armés avaient continué à faire leur ronde. Les noirs les avaient observées, avec haine parfois, avec terreur toujours.
""" La police doit être faite par des professionnels. Quand ce sont des civils qui la font, elle prend, lorsque ce sont des bourgeois dans nos cités, une allure de classe vite intolérable, lorsque ce sont des Blancs dans un pays africain, un visage raciste insupportable, quelles que soient les intentions ou les sentiments réels de ces gendarmes improvisés. Un avocat, qui passait à Léopoldville pour socialiste et négrophile, avait, dans les jours qui suivirent le 4 janvier 1959, suivi le courant et fait, comme ses voi~ sins, ses rondes martiales autour des bungalows, à la fois inquiets et confortables. Les congolais, qui avaient été ses amis, ne le lui avaient jamais pardonné. Il avait pris ces nuits~là un visage qu'ils ne pourraient oublier et qu'ils paraient des
couleurs de l'hostilité alors que sans doute il ne respirait que la crainte. Nous verrons plus loin les \ tragiques malentendus auxquels cette promptitude des Blancs à se précipiter sur des armes et cette crainte panique des Noirs de voir des Blancs armés a pu conduire les populations belge et congolaise dans de nombreux centres. L'exemple de Luluabourg fut sans doute le plus abominable.
""" Nombreux furent, après le 4 janvier 1959, les Blancs qui, même en plein jour, ne prétendaient plus se dépla~ cer sans armes. Nous avons encore le souvenir de ce jeune homme avec· qui, à la fin du mois de janvier, nous p~en~ons l'apéritif sous les grands arbres du Zoo. Nous 1 aVIOns connu jadis, en Belgique, timide, bon, doux même pour un garçon. Là~bas, aux portes de la cité où grouillaient 350.000 Noirs, il nous pressait d'aller voir le coffre de sa voiture où reposaient, prêts à l'emploi, des fusils, une mitraillette, des revolvers. Et il parlait avec une lueur dans les yeux des héca~ tombes de ba~kongo, qu'au premier signe, il pourrait faire avec son arsenal. Des ba~kongo, Parce qu'à cette époque c'étaient les ba~kongo qui étaient les mauvais. A la table, nous fai~ sions figure de naïf, pour les bienveillants, de traître à la race, pour les autres, l'on s'indignait que MM. Kasa~ vubu, Kanza, Diomi, Pïnzi et les autres membres de l'Abako détenus, n'aient pas encore été « collés au mur, avec douze balles dans la peau ~. C'était Monsieur Lumumba qui, à cette époque, était le bon Noir, avec qui on pouvait s'entendre ...
" *" Les journaux de Léopoldville publiaient des placards
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publicitaires pour les armuriers qui ont dû, à cette époque, édifier des fortunes.
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** L:s C.V.E., les Corps de Volontaires Européens, honms par le peuple congolais, prirent, pendant quel~ ques temps de plus en plus d'importance. Ils firent des exercices, comme nos « gardes civi~ ques » de jadis. Epinglons, parmi les récits de leurs manœuvres cet entrefilet du Courrier d'Afrique (1). ' , «Mercredi, trente membres du corps des volon~ taires européens de Matadi ont assisté, sur les hau;. teurs du Palabula, dominant le site du fleuve Congo, à une démonstration par une compagnie de la Force publique. La démonstration comportait ~ d~ploiement et un exercice d'attaque, avec 1 appUI de mortiers" une réduction d'une émeute avec des grenades lacrymogènes et des grenades offensives. Les volontaires ont ensuite bivouaqué et ont participé à des exercices de tir au pistolet. La journée s'est terminée par le salut aux cou~ leurs de la Force Publique. Cette sortie a été réalisée dans le cadre du renforcement de la formation du C.V.E. et du res;... s~r~ement des liens entre l~ Force Publique et les clvlls, pour le maintien de 1 ordre public. » Cette opération psychologique de corn pénétration entre les C.V.E. et la F. P. confinait au génie. Elle fut en tout cas une parfaite réussite. , Chaque fois, au cours des événements de juillet 1960, qu un Corps de Volontaires Européens se fit remettre des armes par le Commissaire ou s'en empara en for~ ça~t les. J;'0rtes d:un Ars~nal, la Force PubÙque, meme SI Jusque la elle n avait pas donné le moindre (1) Le 6 mars 1959.
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signe d'agitation, - se mit en mouvement, procéda à des perquisitions et des fouilles pour récupérer les armes, pour désarmer les milices blanches. Tant il paraissait impensable aux Noirs que dans un Etat indépendant congolais, les minorités blanches puissent encore se tar~ guer du privilège exorbitant de vivre et de se promener armées. Chaque fois d'ailleurs que les para~commandos belges intervinrent au cœur des conflits provoqués par l' obsti~ nation des uns à rester armés, et la volonté des autres de les désarmer, ce sont les hommes de la Force Publique qu'ils désarmèrent, souvent les seuls, toujours les· pre~ miers. II est vrai qu'on les baptisait de « mutins» pour la circonstance.
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Et pourtant, dès avant la proclamation de nndépen~ dance du Congo, il était interdit aux civils de transporter leur panoplie. Un arrêté récent (1) pris par le Premier Bourgmes~ tre de Léopoldville, (un Blanc à cette époque) rappelait avec vigueur que le décret « portant interdiction de cir~ culer en armes dans les limites de la ville de LéopoId~ ville » « s'applique aux armes à feu couvertes par un per~ mis de port d'armes. Il est donc interdit de prendre avec soi une arme à feu ou de la laisser dans sa voiture. »
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* .. Cet arrêté ne semble pas avoir été l'objet d'un très grand respect de la part des Blancs, si l'on considère la singulière récolte que firent au débarcadère de Brazza~ ville, les autorités de police au service de M. Fulbert Youlou (2). (1) N° 1154 du 13 mai 1960. (2) Agence France Presse dans la Libre Belgique des 9-10 juillet 1960.
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présence puisse être contesté ou même contrarié. Nous réclamons donc, et pour toujours, le maintien de liens culturels et économiques étroits avec la Belgique et la seule formule valable ?Ous nous est la création de la fédération Belgo~congolaise, où, nous serons tous, territoires africains et métropole, partenaires égaux et volontaires, avec comme point de ralliement la couronne ... » Comme on le voit, seul l'intérêt des blancs, leur volonté d'assurer le maintien de leur présence et de leur influence justifiaient alors l'idée d'indépendance ou de large autonomie des provinces congolaises et de leur confédération avec la Belgique, sous une monarchie commune. L'Essor du Congo du 13 août 1958 expliquait d' ail~ leurs: « Une simple décentralisation des pouvoirs de Léopoldville vers les provinces ne peut nous satis~ faire pleinement. Tout au plus, pouvons~nous con~ sidérer pareille mesure comme un. premier pas vers l'octroi d'une large autonomie interne aux grands territoires congolais remaniés. Ce que nous dési~ rons, c'est que les grandes entités territoriales puissent un jour proche, s'administrer elles~ mêmes ... » Un journal de Léopoldville, L'Avenir, (1) caracté~ risait l'ensemble de ces aspirations en les appelant des « rêves autonomistes, sinon séparatistes, par exemple katangais, toujours désavoués à voix haute, mais qui séduisent déjà une bonne partie du vieux colonat local dont l'œil risque de regar~ der dans l'avenir plus favorablement vers l' exem~ pIe de Salisbury que vers celui de Léopoldville ». Il n'y avait à cette époque aucun doute - Seuls les blancs étaient séduits par de telles conceptions, nées d'ailleurs à leur seul profit. Les Congolais, en tout cas, ne s'y trompaient pas. (1) Le 13 juin 1958.
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Ils étaient tous, à cette même époque, résolument oppo~ sés à ce fédéralisme~ séparatisme. Léon lIunga écrivait dans la Tribune Libre de l'Echo Ju Katanga (1) : « Le fédéralisme entraînerait ipso facto la divi~ sion du Congo, dont on voudrait maintenant nier l'existence. Le Congo, l'œuvre commune des blancs et des noirs, connaîtrait ces querelles de division, de séparation, etc ... Le fédéralisme du colonisateur est un obstacle à l'évolution du colonisé vers son indépendance. Comment concevoir que le peuple sur la voie du progrès puisse à rencontre de ses intérêts majeurs partager des idées néfastes de division, qui nous le prévoyons, conduiront au séparatisme ». JOSé Lobeya, à Léopoldville, dans l'hebdomadaire des Pères de Scheut, Horizons (2) affirmait de son côté: « Au Katanga, l'idée du séparatisme ne ren~ contre guère l'assentiment des populations autoch~ tones : elles désirent rester unies - Ce sont les Européens - les colons surtout - qui, ayant sur le plan économique des problèmes communs avec les Rhodésiens et ayant des « penchants sociaux» semblables, sont naturellement ceux qui aspirent le plus à ce séparatisme. » Et Alexis Kishiba, à Luluabourg, dans Kasaï préci~ sait (3) : « On prône l'autonomie du Katanga. Ce qui nous étonne, c'est que cette idée d'autonomie n'émane pas de la Belgique, seule responsable de l'avenir de ses territoires, ni des Congolais, mais d'un certain nombre de coloniaux dont le but est de satisfaire leurs ambitions personnelles. Ils parlent (1) Elisabethville, le 1er août 1958. (2) Le 29 juin 1958. (3) Le l or mai 1958.
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souvent de l'autonomie du Katanga. Nous posons la question : le Katanga est~il un pays conquis? Nous osons prétendre que le Katanga est terre autochtone et le restera; ce qui nous échappe à notre sens, c'est que cette autonomie est réclamée par une minorité et surtout pas par des Congolais eux~mêmes. Nous ignorons totalement le but que certains coloniaux poursuivent ici aù Congo. Nous savons que le but de toute colonisation est d'ame~ ner le peuple colonisé à" disposer de lui~même. C'est la justification même de toute colonisa~ tion. Tout peuple qu'on le veuille ou non, aspire à son indépendance. On parle d'autonomie et de fédéralisme des territoires congolais, cela signifie donc qu'il faudra diviser .le Congo - qui est déjà uni - pour en faire une fédération après - qui ne voit pas le danger dans ce jeu de mots? Nous savons bien que le but que certains coloniaux poursuivent est de voir certains territoires leur appartenir exclusivement. Après on ne parlera plus de fédéralisme. Il est un fait incontestable c'est que si l'autonomie est accordée aux coloniaux, il sera difficile pour eux de la céder aux autochtones. Et dans ce cas, la paix ne sera jamais assurée, les relations sociales au lieu de s'améliorer connaî~ traient un scandale : pareil à r Afrique du Sud et en Amérique du Sud ». Certains belges du Katanga réagissent contre les menées de leurs compatriotes. A r époque où M. Gavage et l'Essor du Congo font campagne pour l'autonomie du Katanga, A. Rubbens, dans' la Tribune Libre de l'Echo du Katanga, écrit : « Fédérer, c'est essentiellement associer par un pacte plusieurs Etats. Fédérer ne se conçoit que là où règne une telle divergence politique que mal~ gré l'intérêt commun, la soudure parfaite se révèle impossible. Tel n'est certainement pas le cas pour les provinces congolaises qui ont sans doute cha~ cune leur originalité, mais dont les particularismes
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s'emboîtent, dont les économies se complètent, dont les bigarrures tribales sont analogues et dont la solidarité morale est prouvée par le parallélisme des mouvements politiques et sociaux. »
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Les milieux belges responsables sont et demeureront fidèles à la thèse de l'unité. La déclaration gouvernementale du 13 juin 1959 proclame: « Septante~cinq ans de collaboration entre populations blanche et noire ont assuré l'unité du Congo. » Lorsque les mouvements et partis congolais se réuni~ ront, pour la première fois, en un Congrès à Luluabourg en avril 1959, une des résolutions votées à l'unanimité proclamera la vocation du Congo à l'unité nationale (1). Au moment de partir pour le Congo, le ministre Van Hemelryck, dans une réunion d'information (2), confirme la position officielle de la Belgique : « Cette doctrine fondamentale implique que le Congo se forme et progresse comme un tout; elle implique en un mot l'Unité du Congo. Il semble qu'en Belgique comme au Congo cer~ "taines personnes s'interrogent sur le point de savoir si cette doctrine reste bien celle du gouver~ nement; on appréhenderait que le gouvernement envisage d'entrer dans les vues de ceux qui son~ gent à revendiquer pour rune ou l'autre partie du Congo la séparation du reste et l'indépendance immédiate. Je tiens à dire de la manière la plus formelle qu'il n'en est rien. Le groupe de travail avait déjà développé les raisons pour lesquelles l'intérêt supérieur de tous les habitants du Congo postule (1) Kasaï le 15 avril 1959. (2) Libre Belgique 10 mars 1959.
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l'unité du pays. Le gouvernement a pris position dans ce sens et maintient sans restriction aucune cette positfon. » Dans une allocution radiodiffusée à Léopoldville même, le 12 mars 1959, le ministre Van Hemelryck répète: , « J'ai dit nettement que porter atteinte à l'unité du Congo serait faillir à notre devoir essentiel à l'égard de ses 13 millions d'habitants. »
*** Ces proclamations ne désarment pas les blancs du Katanga; l'Union des Anciens Combattants du Katanga, au moment où le Ministre De Schryver passe par Elisabethville, les 2 et 3 décembre 1959, lui envoie une délégation conduite par son président, le Lieutenant~ Colonel de réserve de Ryckman de Betz, accompagné de Mrs. Beckers, Derriks, Sohier, Tafniez et Vleurinck (1). La délégation remet au ministre une note disant notamment : (2) « Les Blancs d'Afrique considèrent que les politiciens belges sont responsables du désordre actuel : depuis la guerre, on a vu le Congo dont on disait volontiers qu'il était une oasis de paix et de bonheur, envahi par des nuées d'hommes politiques belges, qui s'adressaient aux Noirs, leur parlaient de démocratie, de droits de l'homme, de revendication, leur demandaient avec insistance si vraiment ils étaient heureux. Les Blancs d'Afrique, dont beaucoup sont, quoiqu'on en pense en Belgique, les vrais amis des Noirs, qui vivent avec eux, qui connaissent leurs qualités et leurs défauts sont persuadés que tant (1) On retrouve tous ces personnages aujourd'hui dans les manifestations mondaines du Katanga «indépendant ». (2) Remarques congolaises nO 39 du 17 décembre 1959.
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que les politiciens belges auront l'occasion de pour~ suivre leur œuvre délétère, le Congo sera voué à sa perte. » Ce document, dont le ton est spécifique des blancs du Katanga, préconise pour le Congo un « chef de race blanche » qui « seul. sera admis par toutes les tribus du Congo, parce qu'il est au-dessus de la mêlée, parce que, seul. il peut arbitrer les conflits. Il faut offrir cette cou~ ronne au roi Baudouin, qui est extrêmement populaire au Congo ». Et au même moment, A. Decoster, dans un éditorial de l'Echo du Katanga (1) écrivait : « Le Katanga est désormais résolu, décidé à aller de ravant pour devenir une entité indépen~ dante : on peut être assuré qu'il aura « sa » con~ stitution, ses députés, ses sénateurs, ses ministres évidemment en très grosse majorité Noirs, proba~ blement avant un an d'ici. Il ne permettra à personne d'entraver sa mar~ che vers ce progrès qu'il considère comme indis~ pensable : l'instauration d'un Katanga indépendant, libre et démocratique. Il établira avec les territoires voisins et la Belgique des relations d'amitié, de collaboration sincère, traitant avec tous et chacun en égal. Dès aujourd'hui, il rejette l'oligarchie bureaucratique de Léopoldville, qui, depuis des dizaines d'années, freine son essor et entend prendre toutes décisions qui le concernent seul. Que ministres et gouvernement fassent tout ce qu'ils veulent, il n'abdiquera pas, lui. » A un autre endroit du journal. le même A. Decoster avait dit: « Depuis des décades notre province est la victime de Léopoldville, hydre insatiable, cité pourrie par l'ambition mégalomanique des parasites des « buildings »; elle se refuse à continuer plus longtemps ce jeu de dupes. » (1) 3 décembre 1959.
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La volonté de sécession des blancs du Katanga La volonté de sécession des blancs du Katanga
Ainsi donc, des blancs du Katanga n'avaient pas besoin du prétexte du prétendu « communisme » de M. Patrice Lumumba pour vouloir détacher leur riche province de l'ensemble congolais.
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Si les blancs du Katanga parlaient en 1959, avec plus d'assurance encore qu'en 1958, c'est parce qu'ils étaient parvenus, entretemps, à donner la vie à un parti de noirs, acceptant de lutter pour le triomphe de leurs aspirations. La Conakat (1) ou « Rassemblement Katangais » qui avait pour conseiller officieux, M. Gavage, préconisa, en effet, dans son programme de mai 1959, un fédéralisme dans lequel les Etats seraient autonomes, c'est-à-dire libres de se fédérer ou de demeurer à l'écart. « Le Katanga opte, disait la Conakat, pour un état autonome et fédéré, où les rênes des commandes politiques devront être entre les mains de Katangais authentiques et de tous les hommes de bonne volonté qui montrent et ont montré par des actes, qu'ils collaborent sincèrement avec eux pour le progrès et l'émancipation rapide du Katanga, suivant des conditions qui seront bien déterminées par le futur gouvernement de l'Etat autonome Katangais. La condition sine qua non pour la constitution d'un Congo fédéral réside dans la représentation équitable et proportionnelle à l'importance économique de chaque état autonome. » Max Bastin, directeur du Courrier d'Afrique; jugeait ainsi ce programme, dans un éditorial de son journal (2) : ( 1) La Confédération des Associations tribales du Katanga fonda. le 11 juillet 1959, le R.K. Conakat qui absorba l'Union Katangaise. parti européen dirigé par M. Achille Gavage (Congo 1959 CRISP p. 279). (2) Le 27 mai 1959.
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« Pour le dire tout net, nous ne croyons pas que la Co na kat ait rédigé ce texte toute seule, mais qu'elle y a été aussi aidée par les « hommes de bonne volonté » dont parle le communiqué. » Personne n'avait, en effet, d'illusion au sujet des inspirateurs de ce singulier parti « congolais » qui exigeait (1) : « point 1, maintien et même renforcement de la présence belge au Congo. point 2, collaboration étroite entre les couches autochtones et européennes de la population » * **
(1) « Remarques Congolaises » nO 28 du 1er octobre 1959. Avenir 16 septembre 1959. Le sénateur Leynen, dans un article de «Het Belang van Limburg» en date du 24 août 1959, reproduit par M. De Backer, dans la 3° partie de ses «Notes pour servir à l'étude des groupements politiques » publiées par Inforcongo, dit. sans ambages, que la vraie raison de la volonté fédéraliste de la Conakat est : «que l'on donne le cas échéant au Katanga la possi~ bilité de rechercher de sa propre autorité les moyens d'arriver à une union intime avec la Belgique ».
Les révélations de M. Davister
Les révélations de M. Davister Un texte capital parut sous la signature de Pierre Davister (1), à l'occasion du voyage royal au Congo et à la veille de la conférence de la Table Ronde. Ce texte décrit avec précision la manœuvre qui se déve~ loppera, en juillet 1960. « Tout l'Est du Congo est braqué contre Léo~ poldville. De « Léo - la détestée, » la province ne veut plus rien savoir parce qu'à ses yeux la capitale congolaise est la grande responsable de la situation présente en ne se défendant pas suffisam~ ment contre certains extrémistes et surtout en n'agissant que pour eux, en fonction d'eux, à tra~ vers eux. Dès lors, ce que Laeken a voulu, c'est que dans cette politique future qui s'amorce et qui sera plus que vraisemblablement fédéraliste, un dénominateur commun subsiste : la Belgique: Or, nul ne pourrait mieux symboliser la Belgique que le Roi. Le Katanga tel qu'il apparut au Roi, tel qu'il apparut au Ministre... est un Katanga décidé à devenir immédiatement un « état indépendant » et à mettre, s'il le faut, la Belgique devant le fait accompli. Que veut donc unanimement le Katanga? Rien d'autre que son indépendance immédiate et la réunion dans les 60 jours d'une « Assemblée· Nationale Katangaise » qui établirait la constitution katangaise et les modalités d'union entre le nouvel Etat et la Belgique. « ... la future constitution katangaise (hé oui, elle est déjà en gestation!) prévoira pour une, plusieurs ou toutes les régions du Congo, la possi~ bilité de s'unir au Katanga sous la forme d'Etats fédérés et pour autant qu'il soit bien entendu qu'il (1) Pourquoi Pas Congo 2 janvier 1960.
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n'est pas question de se séparer de la Belgique (1). Pour autant - car n'est pas admis qui veut que les différents Etats désireux de former l' en~ semble fédéral fassent preuve de maturité politique et mettent fin à leurs querelles intestines! Quoiqu'il en soit, la « Conakat » cette force va - mine de rien - appuyer le coup d'Etat Katan~ gais par son autorité de parti unique qu'elle est tout simplement en passe de devenir. En compen~ sation et pour autant, bien entendu, qu'elle garan~ tisse les avoirs et les biens. La Conakat fera au sein d'un gouvernement composé uniquement d'Africains la pluie et le beau temps. Elle (la Conakat) va jeter dans cet ensemble d'extrémistes (la Conférence de la Table Ronde) un son de cloche inédit, celui d'un ensemble d'Etats souverains et fédérés se refusant à accep~ ter Léopoldville comme capitale mais désireux de l'ester unis avec la Belgique et de garder le Roi Baudouin comme souverain. On va droit - on fonce même à toute allure vers un amalgame d'Etats fédérés dont le Katanga voudrait être le pôle d'attraction mais aussi le pôle de loyalisme à la Belgique, car tout est là : garder dans la structure fédérale ce bon ciment belge dont la couronne pourrait constituer le label de qualité 1 » S'il y avait, cette fois encore, un doute au sujet des vrais créateurs de la Conakat, M. Pierre Davister le dissiperait sans équivoque : « Qui fut le ciment de cette union? (la Cona~ (1) Toujours le même leitmotiv, dénonçant clairement son inspiration.
Les révélations de M. Davistet
kat). Nous n'hésiterons pas à le dire : l'Euro~ péen ». M. Davister ne laisse d'ailleurs subsisterj aucun doute au sujet des inspirateurs du coup d'Etat, auquel se prépare la Conakat : « On dit à Elisabethville que c'est spontané~ ment que les populations indigènes se rendirent compte que le Katanga formait une entité géogra~ phique, économique, ethnique. Au risque d'être foudroyé du regard par ceux qui, très sérieusement, m'ont avancé cette thèse, on me permettra de douter quelque peu de cette spontanéité subite. Disons, - et tant pis si on nous regarde d'un mauvais œil! - que très habilement certains manœuvrè~ rent en coulisses pour arriver à inculquer aux indi~ gènes cette notion d'une force réelle d'ailleurs que pourrait former un jour un Katanga où Noirs et Blancs seraient conscients de leur puissance com~ mune susceptible de faire bloc et surtout rempart aux exigences de Kalina et de la place Royale. » Ainsi donc, la volonté de séparatisme katangais reste bien ce qu'elle était en 1958 : une volonté délibérée des Blancs du Katanga mais qui, cette fois, sera mise en œuvre par des Noirs, dont ils ont pu s'assurer le con~ cours.
Une parenthèse L'importance économique du Katanga L'âpreté mise par les Blancs du Katanga à vouloir « sauver » cette province et la facilité avec laquelle ils
ont pu s'assurer, à cette fin, le concours actif d'hommes, politiques congolais ne s'expliqueraient pas sans doute si l'on ignorait le rôle capital qu'y joue l'Union Minière du Haut~Katanga. Fondée en 1906, par le Comité Spécial du Katanga (CS.K. datant lui~même de 1900) et la Tanganyika Concessions Limited (T.C.L.) au capital initial de 10 millions de francs, réparti en 100.000 actions souscrites par moitié par la Société Générale de Bel~ gique et par la T.C.L., cette société rémunérait par 100.000 actions de dividende les apports du C.S.K. (60.000 actions pour le résultat de ses études et prospec~ tions et ses droits de concessions) et de la T.C.L. (40.000 actions) . L'Union minière du Haut~Katanga verra porter son capital successivement à 12,5 millions (1912), 70 mil~ lions (1921), 300 millions (1938) et 5 milliards. Elle avait en 1956 un personnel européen de 2.000 agents environ au Congo et de 500 agents à Bruxelles. Plus de 21.000 travailleurs indigènes et leurs familles peuplaient ses cités. Elle~même, fille de la Société générale de Belgique, elle allait donner naissance à une série de sociétés auxi~ liaires, notamment la Sogefor : Société g'énêrale des Forces Hydro~électriques du Katanga, la Cofoka : Com~ pagnie foncière du Katanga, les Charbonnages de la Luena, les Minoteries du Katanga, la Sogechim: Société générale Industrielle et Chimique du Katanga, la Sogelec, Société générale Africaine d'électricité, la Sudkat : Société de Recherches minières du Sud~Katanga, la Metalkat : Société générale métallurgique du Katanga. La B.C.K., société des Chemins de fer du Bas~Congo~ Katanga, lui est étroitement apparentée.
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Une parenthèse, nmportance économique du Katanga
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Fondée en 1910, elle devait assurer la liaison par fer entre le Katanga et l'Atlantique. A l'époque de sa fondation, le Katanga était tributaire du Sud et il fallait de trois mois à un an pour amener des marchandises de Boma à Elisabethville. Pour prix de ses activités, la B.C.K. recevra d'impor~ tantes concessions. Ne les exploitant pas elle~même, elle en confiera la gestion à une de ses sœurs: la Forminière~
des Sociétés minières du Kasaï, de Luebo et de la Lueta et poursuit la prospection d'énormes territoires de la pro~ vin<:e du Kasaï et leur mise en valeur. Si à Tshikapa, la Forminière est chez elle, à Bakwanga (1) elle est installée en Sa qualité d' entrepre~ neur de la Minière du Bécéka.
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A l'Union Minière du Haut~Katanga, la production du cuivre avait atteint en 1959 « son maximum histori~ que » : 280.000 tonnes, puisque l'année la plus forte, 1956, n'avait donné que 247.000 tonnes (2). Les résultats d'exploitation pour 1959 atteignirent 4.427.545.710 francs (contre trois milliards et demi pour l'exercice précédent). Le solde bénéficiaire parvint à 3.535.599.030 contre 2.410.626.892 francs. Avec le report antérieur de 76.086.948 contre 28.174.070 francs le solde disponible s'établit à 3.611.685.979 francs contre 2.438.800.962 francs. Et dans la presse, qui claironna ce prestigieux bulle~ tin de victoire (3), on pouvait lire : « On estime que pour 1960, on peut prévoir une nouvelle augmentation, en raison de l'augmentation du prix du cuivre et de l'augmentation des quantités vendues. » Dans l'officieuse « Agence Economique et Finan~ cière » (4) on prenait soin de souligner le rôle joué par l'Union Minière du Haut~Katanga dans les finances publiques congolaises : « Nous apprenons en effet que les taxes- et impôts ou droits versés durant l'exercice se montent
_ Cette autre fille de la Société générale, la Société Internationale Forestière et Minière du Congo (en. abrégé Forminiè~e) fut fondée en 1906 au capital de 3 millions, sous la présidence du Baron Baeyens, gou~ verneur de la Société générale et avec le concours de capitaux américains, apportés par les financiers Thomas F. Ryan et David Guggenheim. Le gouvernement, en rémunération des droits qu'il accordait à la Société, reçut gratuitement la moitié des titres. Lorsqu'en 1910, l'ingénieur Lancsweert découvrit un diamant de 20 milligrammes, le capital fut intégralement renouvelé par la Société générale de Belgique et le groupe américain Ryan. Et la Société installa son siège d'exploitation à Tshikapa. En 1912, le capital fut porté à 8 millions, en 1919 à 16 millions. En 1936, il fut transformé pour être, en fin de compte, représenté par 320.000 parts sociales sans désignation de valeur, dont la moitié était toujours en. juin 1960, détenue par le gouvernement belge, en rému~ nération des droits accordés à la Société. En dehors de ses mines, la Forminière exploite d'im~ menses domaines forestiers aux alentours du Lac Léo~ pold II. Outre ses propres exploitations, elle agit comme entrepreneur pour le compte de la Minière du B.C.K. et
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(1) Les noms de ces villes sont à retenir. - Nous les retrouverons au chapitre de l'intervention armée belge de juillet 1960. (2) Courrier dI'Afrique 18-19 juin 1960. (3) V. notamment la Cité 13 mai 1960; (4) Des 4-5-6 juin 1960.
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... C'est toute l'économie au Congo qui trouve une base solide dans l'existence de l'Union Minière. :. Si l'on considère qu'il s'agit là d'une seule Société on est bien forcé de considérer comme vraisemblable l'affirmation de M. Kibwe ( 1 ) suivant laquelle le Katanga intervenait pour 66 % dans le budget total de la Colonie. Il apparaît dès lors évident que priver le Congo du Katanga réduirait ses ressources à un tiers alors que sa population demeurerait des 8/9". Le priver en outre de la Province Minière, (lisez des revenus de la Forminière) ne lui laisserait sans doute qu'un cinquième des rentrées de la Colonie.
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(1) Au cours de sa Conférence aux Amis de Presence Africaine en février 1960.
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Une parenthèse, fimportance économique du Katanga
Une parenthèse, (importance économique du Katanga
à 2.400 millions, montant auquel s'ajoutent les 470 millions que le Congo perçoit par l'intermédiaire du Comité Spécial du Katanga et les 128 millions de redevance. Au total. il apparaît donc que c'est 3 milliards en chiffres ronds que le Congo perçoit dans le produit de l'activité de l'Union Minière. On pourra rapprocher cette somme du total du budget ordinaire qui comporte 7 milliards de recet~ tes fiscales. Encore la proportion dont il s'agit est~ elle trop faible, parce qu'elle ne tient pas compte des impôts sur les revenus privés qui ont leur ori~ gine directe ou indirecte dans l'activité de l'Union Minière. En face des 3 milliards que les pouvoirs publics reçoivent, les actionnaires privés· ont touché un divi~ dende net de 2.250 millions, impôt normal à déduire. Or, ces sommes réparties tant au secteur privé qu'au secteur public, constituent la base indispen~ sable à l'économie congolaise.
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Les trois Sociétés: Union Minière du Haut~Katanga, Forminière et B.C.K. bénéficièrent, à partir de 1913 et pendant 25 ans, de la direction éclairée de feu Jean J adot, qui était, en même temps, gouverneur de la Banque de la Société générale de Belgique. C'est en son honneur que la ville de Panda~Likasi fut appelée Jadotville. Actuellement, le Président des trois sociétés est tou~ jours le gouverneur de la Société générale. Ce Président, M. Gillet, fut promu grand officier de l'Ordre Royal du Lion, en 1956, à l'occasion du cinquan~ tenaire de l'Union Minière et de la Forminière. * **
C'est ce même M. Gillet, que, le samedi 9 juillet 1960, à 10,05 h. du matin, l'on aperçut, entre deux portes, au cabinet du Premier~Ministre, M. Eyskens (1), quel~ ques heures avant la première intervention militaire belge, puisque c'est à Kabalo, au Katanga que les forces métro~ politaines de Kamina se posèrent pour la première fois., le samedi 9 juillet 1960 peu avant 18 heures.
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Si la sécession du Katanga devait se consolider et si la tentative de M. Kalonji de fonder la République Minière du Kasaï avait réussi ou devait réussir, l'on aurait reconstitué un granc;l empire, puisque le diamant de Bakwanga resterait allié au cuivre du Katanga et que les deux sœurs, les deux grandes filles de la Géné~ raIe, leur mère, l'Union minière du Haut~Katanga et la Forminière continueraient à se donner la main.
,.,.,. Mais nous anticipons manifestement et il nous faut revenir à notre propos, cette parenthèse provisoirement fermée. (1) Libre Belgique 11 juillet 1960.
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Les adversaires kat an gais du séparatisme Les partisans de l'unité du Congo sont, au Katanga, au moins aussi nombreux que les partisans de la séces~ sion. Et ils ont, pout eux, l'avantage de la sincérité et la présomption du désintéressement. Ils se plaindront, à chaque élection, des avantages considérables que l' Admi~ nistration et l'Union Minière auront accordés à leurs con~ currents, les hommes de la Conakat. N' accuseront~ils pas ces derniers de bénéficier non seulement des appuis financiers de l'Union Minière, mais des voitures de celle~ci pour leurs déplacements élect~ raux, voire même, quand c'est absolument nécessaire, de l'avion directorial de cette grosse Société? Malgré ce lourd handicap, dans un pays où les dis~ tances rendent les déplacements difficiles et coûteux, les partis unitaires, la Balubakat, groupant comme son nom l'indique, les Baluba du Katanga, l'Association des Tshokwe du Congo Belge, Angola et Rhodésie (A.T.C.A.R.), et le M.N.C. Lumumba, recueilleront aux dernières élections plus de voix que la Conakat (1). S'ils ne réunissent ensemble que 24 sièges contre 25 à la Conakat, c'est dû au découpage des circonscriptions et à des impondérables. A Elisabethville par exemple, la Conakat aura 3 sièges contre 2 à la Balubakat pour un écart de 7 voix (8.657 contre 8.650). M. Jason Sendwe, président du Cartel Balubakat recueillera plus de 20.000 voix de préférence, M. Moïse Tshombe, président de la Conakat n'en aura que 2.200 (2). Sans doute, le premier se présentait~il aux élections législatives et le second aux élections provinciales, mais même proportionn,ellement, ces chiffres ne laissent aucun doute au sujet des popularités respectives des deux leaders.
Le séparatisme katangais de la Table Ronde à la veine de l'Indépendance A la Conférence de la Table Ronde de janvier 1960, la Conakat fut immédiatement dénoncée par tous les ,autres partis congolais. Elle fit machine arrière, M. Kibwe, le second de .M. Tshombe, déclara au cours d'une conférence faite à la tribune des « Amis de Présence Africaine », que « son parti n'avait parlé de séparatisme que pour arriver il une large autonomie dans le cadre d'un Congo uni ». « Il fallait, disait~il, réclamer beaucoup pour obtenir :,peu ». Pendant ce temps les amis blancs de M. Tshombe ( 1) se réunissaient à Elisabethville et y exposaient la ,« thèse d'un Katanga complètement indépendant » en même temps qu'ils votaient une motion de soutien à la 'Conakat (2). M. Moïse Tshombe quittait la Table Ronde pour un 'voyage éclair à Elisabethville. Peu après son retour, et sous l'influence, dénoncée par tous, de son souffleur blanc (3), il tenta de lever la question de l'indépendance du Katanga, à propos du régime minier. Ce fut un tollé général. Des délégués (MM. Lumumba et Kalonji notam~ ment) allèrent jusqu'à proposer que toutes les déléga~ 'tions congolaises. renoncent à leurs conseillers européens pour mettre fin à ce scandale d'un représentant congo~ lais, qui ne prenait la parole que pour lire les billets, que son conseiller blanc lui glissait ostensiblement. La Conakat fut à ce point isolée, qu'elle s'empressa
( 1) «Remarques congolaises» n° spécial des 23 et 30 juin 1960 Pp. 262 et suivantes et le relevé fait par Jules Chomé et Mupenda
Bantu dans «La mutinerie de la Force Publique et la Sécession Katangaise» nO spécial du 16 juillet 1%0 de Remarques congo~ laises. (2) Soir 1er juin 1960.
(1) (2) (3) :tion de
La Presse Africaine du 13 au 17 février 1960. Remarques congolaises nO 7 du 18 février 1960. Un avocat d'Elisabethville qui avait accompagné la déléga~ la Conakat à Bruxelles.
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de renoncer à des positions, dont tout le monde savait, dont tout le monde disait qu'elles étaient celles de ses maîtres blancs.
La structure de l'Etat congolais ne pourrait plus être modifiée que par les Congolais eux~mêmes, au moment où ils établiront leur Constitution.
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A la Conférence de la Table Ronde, ce séparatisme fut donc écarté sans équivoque. Et le gouvernement belge en faisant voter par les Chambres, la loi fonda~ mentale régissant provisoirement les structures du Congo et en édictant l'unité du pays, ne fit que consacrer la volonté unanime (1) des délégués congolais, qu'il s'était engagé à respecter. La Résolution n° 2 relative à r organisation de l'Etat du Congo stipulait en effet : « Le Congo, dans ses frontières actuelles, constitue, à partir du 30 juin prochain, un Etat indépendant, dont les habitants auront aux condi~ tions que la loi déterminera une même nationalité, sur le territoire duquel ils pourront se déplacer et s'établir librement et où les marchandises aussi pourront circuler sans entrave. 2. L'Etat du Congo est constitué, au 30 juin 1960, de six provinces dans la configuration géo~ graphique des provinces actuelles.. » Désireux en juillet~août 1960 à la faveur des cir~ constances de favoriser la sécession katangaise, le gou~ vernement belge feindra de croire que c'était à S'a volonté, à son caprice que l'unité du Congo était due et qu'il aurait tout aussi bien pu lui donner une autre forme. Il n'en était évidemment rien. L'unité avait été déci~ dée par l'ensemble des représentants du peuple congo~ lais. Il restait au gouvernement et aux Chambres d'enté~ riner cette volonté.
Un exemple parmi d'autres est significatif de la popu~ larité de M. Moïse Tshombe, à l'époque où ne régnait pas à Elisabethville, l'ordre du Major Weber. Le mardi 5 avril 1960, M. Kasavubu, qui n'est encore qu'un des six délégués, auprès du gouvernement général, est accueilli à Elisabethville. Les leaders politiques du Katanga, MM. Sendwe, Tshombe, Mwamba et des mil~ liers de gens l'attendent sur la place de la gare. Les journaux (1) racontent que: « M. Tshombe fut constamment hué par la foule qui put d'ailleurs difficÜement entendre l'orateur dont les mots prononcés étaient couverts par les cris hostiles . Ce fut ensuite le tour de M. Sendwe qui salua M. Kasavubu au nom du Cartel Katangais et demanda à la foule de répéter après lui quelques slogans comme « Vive Kasavubu 1 » « Vive le Congo uni! » « Vive le Cartel! » et « Vive l'Indé~ pendance 1 » repris en chœur par la majorité de la foule. » Et M. Kasavubu, comme s'il pressentait trois mois à l'avance le rôle éminent auquel il serait appelé, expliquait aux applaudissements de la foule, que l'objet de sa visite était de « renouer les liens d'amitié et de solidarité nationale qui doivent exister entre les provinces :. Le Peuple (2) soulignait: « M. Tshombe, président de la Conakat, se fait conspuer. »
(1) Les seize résolutions issues de la Conférence de la Table Ronde ont en effet été approuvées à l'unanimité par les délégués belges et congolais: (Congo 60. Bulletin d'Inforcongo nO 2, février).
(1) Cité 7 avril 1960. Courrier d'Afrique 7 avril 1960. Peuple 7 avril 1960. (2) 7 avril 1960.
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Et La Libre Belgique (1) « Voici maintenant introduit comme loup en et M. Tshombe conspué
écrivait de son côté : celui~ci (M. Kasavubu) bergerie dans le Katanga sur son propre terrain. »
*** Une scène comme celle~là fait comprendre que le Major Weber et le ministre Munongo aient, les 10 et Il juillet 1960, voulu éviter à tout prix que MM. Kasa~ vubu et Lumumba atterrissent à Elisabethville. L'on aurait pu constater, avant même qu'il proclame l'indépendance du Katanga, le degré de popularité de ce M. Tshombe qui a besoin de la présence des para..commandos belges (2) pour être applaudi par son peu.ple. C'est sans doute parce qu'il sentit que le séparatisme n'avait pas le vent en poupe, que M. Moïse Tshombe joua quelques temps la comédie de l'unité. A l'Echo du Katanga (3'), il déclarait au lendemain des élections : « Le moment est arrivé de s'entendre et de faire du Katanga un très grand pays qui fera bénéficier tout le Congo de ses larges possibilités minières et industrielles ainsi que de sa prospérité. Il faut, dit~il, « travailler à l'édification d'un Katanga heureux et prospère dans l'intérêt même du Congo, grâce à la collaboration et à la confiance des autres pays qui nous aideront à faire de ce Congo, une grande nation au cœur de l'Afrique. » A moins que le leader de la Conakat, ayant pour une fois, échappé à ses souffleurs blancs, se soit tout~à~coup, mis à penser Congolais ...
Le séparatisme katangais de la Table Ronde
Peu après d'ailleurs, se rendant aux Etats~Unis, et rencontrant MM. Herter et Harriman, M. Tshombe considère qu'une petite note d'anticommunisme ne doit pas faire mal dans le tableau. Il se vantera, à son retour au Congo (1) d' « avoir fait remarquer à ses interlocuteurs qu'il valait mieux prévenir que guérir le danger commu~ niste et que celui~ci était actuellement une réalité au Congo. »
*** (1) 7 avril 1960. (2) Ou, depuis le départ des troupes belges, de gendarmes·enca-
drés d'officiers et de policiers belges. (3) Courrier d'Afrique 24 mai 1960.
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(1) Courrier d'Afrique 10 • juin 1%0.
Une étape dans la sécession: la loi «sur-mesure» de la Conakat
Une étape dans la sécession la loi «sur mesure» de la Conakat Après les, élections, se place un incident qui, - si la sécession katangaise devait aboutir, - pèserait lourd dans le dossier de la Belgique. Le Cartel Balubakat, dans des lettres au Roi des Belges, aux Présidents -de la Chambre et du Sénat ainsi qu'au Ministre du Congo Belge et du Ruanda~Urundi, ( 1) élève une protestation : « Des irrégularités ont eu lieu lors des élections, des votes se sont faits sous la terreur, particulière~ ment à Kamina où il y eut de nombreux morts. Nous rejetons les résultats des élections et deman~ dons votre intervention. » Quelques jours après renvoi de cette plainte, le Car~ tel Balubakat refusera de siéger à l' Assemblée Provin~ ciale. « Tant qu'il n'aura pas; reçu de réponse à la lettre au Roi et au Ministre du Congo pour pr~ tester contre la façon dont se déroulèrent les opé~ rations électorales au Katanga (2). » Or, la « Résolution n° 10 relative à l'organisation des institutions provinciales» qui a été approuvée à l'unani~ mité par les délégués belges et congolais à la Conférence de la Table Ronde (3) stipule que: « la structure finale des provinces devra être arré-tée par une loi institutionnelle adoptée dans chaque province à la majorité des deux tiers par l'Assem~ blée provinciale, dans le cadre des mesures géné~ raIes fixées par la loi fondamentale provisoire. » La loi fondamentale provisoire votée par le Parle~ ( 1) Soir 1er juin 1960. (2) Cité 4 juin 1960. (3) Congo belge 60 - Bulletin mensuel d'Information par Inforcongo, n° 2 février 1960, page 1.
publié
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ment belge ne constitue, nous l'avons vu, que la mise en œuvre, la consécration des délibérations de la Confé~ rence de la Table Ronde. Résultant d'un accord entre les délégués congolais et les délégués belges, il tombe sous le sens que les parle~ mentaires belges ne pouvaient valablement, à eux seuls" y apporter des modifications. L'Assemblée provinciale du Katanga comportait 60 membres élus. Il était donc évident que si les élus du Cartel Balubakat et de ses alliés refusaient de siéger, il était impossible de réunir la majorité constitutionnelle et, partant, de mettre en place les institutions provinciales. La Libre Belgique (1) explique très clairement que « C'est pour éviter précisément que des majo~ rités trop justes ne s'imposent à des minorités sub~ stantielles quO on avait convenu du quorum des deux tiers. » L'idée des délégués à la Table Ronde était que les gouvernements provinciaux soient proportionnels et qu'un parti, à m~ins qu'il dispose d'une majorité écrasante, ne puisse faire la loi aux autres dans la province. Pour gouverner, il devra nécessairement composer. La Conakat n'entrera pas dans cette voie. Elle a, dans sa politique visant à prendre, seule. le pouvoir, bénéficié d'une aide efficace de la part des autorités administra~ tives belges et tout spécialement du gouverneur de la province, M. Schoeller. Les adversaires de la Conakat seront l'objet d'inti~ midations de toutes sortes. M. Decoster, directeur de l'Echo du Katanga qui est accusé de soutenir le Cartel Balubakat est, dans les locaux de l'Assemblée provinciale, pris à partie, par les conseillers de la Conakat. Il ne pourra s'échapper, sous les httées des partisans de M. Tshombe, que grâce à la protection de la police (2). (1) 14 juin 1%0. (2) Cité 8 juin 1960.
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Une étape dans la sécession: la loi «sur mesure» de la Conakat
Le parquet d'Elisabethville, sous la conduite du substitut du procureur du Roi Wéry perquisitionne dans l'appartement de Mme Maryse Perrin déléguée auprès du Cartel Balubakat par M. le Professeur Doucy de l'Institut Solvay. Elle sera même mise en état d'arrestation pour « incitation à la désobéissance civile» (1) sur plainte déposée par la Conakat contre elle-même et contre M. Jason Sendwe, président du Cartel. Le magistrat la libèrera après son interrogatoire. Lorsque M. le gouverneur Schoeller accusera dans un discours (2) : « des personnes étrangères de créer le chaos » et dira « Nous craignons que certains dirigeants ne soient que des instruments ... ». tous ceux qui savent ce que représentent les dirigeants de la Conakat doivent penser que ce haut fonctionnaire dénonce enfin avec vigueur les influences qui dominent ce parti. II n'en est rien! Ce sont les leaders de la Balubakat et leurs conseillers qu'il montre du doigt. Après avoir usé de l'intimidation, on va jouer les sirènes. M. le gouverneur Schoeller, pour faire revenir les membres de la Balubakat à l'Assemblée leur tient ce langage (1) « Aucun parti ne désire gouverner seul. Tout le monde sait que le parti qui accepte les résultats de l'élection (la Conakat, évidemment) est tout disposé à assurer à l'autre la plus large participation au gouvernement. Tout le monde sait que le gouvernement à constituer, quel que soit son président, aura comme ( 1) Libre Belgique 9 juin 1960. (2) Soir 9 juin 1960. (3) Soir 9 juin 1960.
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premier souci de garantir formellement la protection de tous les habitants de cette province sans distinction de race ou de tribu et tout le monde sait qu'entre les deux partis katangais il n'existe qu'une différence de terminologie. » Quand on sait qu'un de ces partis, pour faire plaisir à ses maîtres blancs, a préconisé le séparatisme et que l'autre défend l'unité, le discours de M. Schoeller prend tout son sens. II va récidiver. Quelques jours plus tard, en effet ( 1) il proclame « Répétons-leur que la loi elle-même garantit leur participation équitable au gouvernement. Leur opposition purement négative n'a dès lors aucun sens. » Ce qu'il oublie de dire alors, c'est que cette loi qui devrait, en effet, garantir au Cartel une participation équitable, lui-même, le gouverneur Schoeller, a demandé au gouvernement belge de la faire modifier, de toute urgence, pour qu'à la majorité des deux tiers soit substituée la majorité simple. Et pourtant, entretemps aussi, les leaders de la Conakat ont eu l'occasion de démentir les bonnes intentions que M. Schoeller leur prêtait. Au moment de la composition du bureau de l'Assemblée provinciale, la Conakat s'est adjugée la Présidence, les deux Vice-Présidences et trois secrétariats sur quatre, le quatrième étant réservé à un « individuel » à sa dévotion (2). Apprenant la singulière requête que M. le gouverneur Schoeller a adressée à la métropole, M. Jason Sendwe envoie immédiatement un télégramme au Roi des belges, au ministre Ganshof van der Meersch, au gouverneur-généraI et à M. Charles Mutaka qui vient d'être élu président de l'Assemblée Provinciale du Katanga (3). (1) Libre Belgique 14 juin 1960. (2) Le Courrier d'Afrique 10 juin 1960. (3) Drapeau Rouge 11 juin 1960.
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Une étape dans la sécession: la loi «sur mesure» de la Conakat
« La promulgation de la loi autorisant la Cona~ kat à gouverner seule causera inévitablement la guerre civile après le 30 juin .» Le lendemain, le représentant de la Conakat, M. Munongo, se fait impératif à l'Assemblée provinciale ( 1 ). Il exige : « qu'un télégramme urgent et virulent (sic) soit envoyé au Ministre du Congo à Bruxelles pour que l'amendement sur le quorum soit voté immédiate~ ment. M. Munongo ajoute que si la Conakat n'obtient pas satisfaction, un coup d'Etat serait envisagé. » Et M. Kibwe, un autre député de la Conakat (2) s'adressant au président de l'Assemblée, M. Mutaka, lui signifie « Dites simplement au ministre que si la réponse n'est pas donnée dans les 48 heures, nous entre~ rons en contact officiellement et non en cachette avec la Rhodésie et l'O.N.li. » Entretemps, la Balubakat faisant confiance aux pro~ messes de M. le gouverneur Schoeller, M. Sendwe envoye un télégramme au Ministre du Congo pour lui dire « qu'il invitera son parti à siéger au Parlement si on lui attribue quatre sièges au sein du gouvernement katang ais » (3). Quatre sièges, c'eut été en deça de l'équité promise par M. Schoeller. C'eut été suffisant pour rendre impossible toute vel~ léité de sécession. Mais la décision de la Conakat est prise et bien prise. Elle n'a aucun motif de composer, de transiger, puis~ qu'elle sait que M. le gouverneur Schoeller lui a com~ mandé à Bruxelles une loi sur mesure.
M. Jason Sendwe, inlassablement, avertit la métr~ pole du danger de la manœuvre dans laquelle on veut entraîner le Parlement belge. Il envoie un télégramme au Roi et aux Présidents de la Chambre et du Sénat (1). « Protestons énergiquement tendance change~ ment loi permettant Conakat former gouvernement homogène Katanga.
(1) Courrier d'Afrique 13 juin 1960. Libre Belgique 13 juin 1%0. Cité 13 juin 1%0. Soir 14 juin 1%0. (2) MM. Munongo et Kibwe font, depuis, partie du gouvernement Tshombe. (3) Peuple 16 juin 1960.
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Plusieurs Européens travaillant coulisses Cona~ kat avec intention former Katanga indépendant, danger séparatisme. » Le ministre De Schrijver, que les démarches pres~ santes du gouverneur du Katanga ont convaincu et que les rodomontades de la Conakat ont impressionné, déclare à la Commission de la Chambre, le mardi 4 juin, au matin: (2) « que le Katanga allait se déclarer indépendant à 18 h. mardi et passer à la sécession immédiate si le Parlement belge ne votait pas immédiatement l'amendement à la loi fondamentale. » Sous prétexte d'éviter la sécession, on demande donc au Parlement de voter un texte de loi qui va la rendre possible. La Cité (3) voit clair. - Elle écrit : « L'attitude de la Balubakat est commandée par la crainte de voir se constituer un gouverne~ ment provincial avant que n'existe un gouvernement central capable de faire face à un mouvement sécessionniste. » Et la Libre Belgique elle~même n'est pas insensible au danger qui se dessine. Elle parle (4) : « du vieux projet de la Conakat : indépendance du Katanga, avec ou sans rattachement à la fédération des Rhodésies mais de toutes manières avec l'appui (1) Courrier d'Afrique 15 juin 1%0.
(2) Soir 15 juin 1960. (3) 16 juin 1960. (4) Editorial du 16 juin 1%0.
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Une étape dans la sécession: la loi «sur mesure» de la Conakat
de ces étrangers, y compris l'appui militaire, dit~on. C'est là sans doute, ajoute~t~elle, le premier péril extérieur auquel le jeune Etat devra faire face. » A la Chambre où l'affaire est menée, tambour bat~ tant, il ne se trouvera pour voter contre l'amendement que les deux députés communistes et trois socialistes dont le député Housiaux. Un P.S.c. et 65 socialistes s'abstiendront. Le député communiste Moulin motive son opposition dans ces termes qui paraissent aujourd'hui prophétiques
Peut~être n' était~il point si facile, nous n' en discu~ terons pas. » A l'Assemblée Provinciale du Katanga, la Cona~ kat exulte. Le représentant du Cartel Balubakat, M. Mwamba IIunga élèvera une protestation solennelle ( 1) . « II a dit en substance que les élections furent dirigées et contrôlées par l'administration qui n'a pas caché ses sympathies pour un parti déterminé. M. Mwamba ajoute que les populations sympathi~ ques au Cartel sont largement majoritaires et qu'elles ne sont pas d'accord pour accepter une situation qui leur est faite.
( 1) . « On nous propose de légiférer sous la menace d'un parti qui se déclare prêt à se séparer du Congo.
Si le projet était voté, nous n'aurions aucune garantie que ceux qui menacent de passer à un séparatisme immédiat ne le feraient pas demain avec l'aide légale que nous leur aurions donnée. :. La loi votée, la Libre Belgique, encore lucide à cette époque, écrira (2) : « L'effet en a été déplorable chez les gens de la Balubakat : le gouvernement belge, disent~ils, a donné raison à la Conakat qui veut le séparatisme, cela peut nous mener à la guerre civile. Comme l'ont souligné les parlementaires belges, le quorum des deux tiers contraignait les deux parties à s' en~ tendre. En modifiant la loi fondamentale, on leur a donné toute latitude de rester frères ennemis et l'on a donné une nouvelle prime aux partis qui refusent de se soumettre aux règles légales. Certains affirment qu'il eût été facile, faute de gouvernement provincial de laisser en place le col~ lège exécutif jusqu'à l'assagissement des leaders. (1) Drapeau Rouge 16 juin 1960. (1) Le 17 juin 1960.
M
Après avoir fait allusion aux paroles pronon" cées dimanche par des membres de la Conakat, M. Mwamba a affirmé que cela ne fait d'ailleurs que confirmer les intentions maintes fois exprimées par ce parti soit l'indépendance totale du Katanga, le 30 juin, puis le rattachement à la Rhodésie. II a ajouté que son parti défendra jusqu'à la mort l'unité et l'intégrité du Congo... Il dit encore que les mesures prises le sont uni~ quement pour justifier un éventuel coup de force de la part de la Conakat et que tous les troubles anté~ rieurs sont l'œuvre du même parti. » C'en est trop pour la Conakat qui n'a plus besoin de se gêner. Le président de l'Assemblée, M. Mutaka coupe la parole à l'orateur et l'on procède, sans plus attendre à l'élection du gouvernement de la province. Contrairement aux promesses du gouverneur Schoel~ 1er et grâce à la loi votée à la sauvette par les Chambres belges, ce gouvernement de Il ministres (2) ne com~ prend aucun membre du Cartel. Autour de MM. Moise Tshombe, Godefroid Munongo et Jean~Baptiste Kibwe rien que des membres de la Conakat, deux « indépen~ dants » qui leur sont acquis et un M.N.C. Kalonji. (1) Essor du Congo 17 juin 1960. (2) Courrier d'Afrique 16 juin 1960.
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Un coup d'Etat avom:
de retard et après une courte discussion sur des questions diverses, en public, l'Assemblée se réunit à huis~clos, pendant plus d'une heure. C'est à ce moment que surgirent des jeeps et des camions de la Force Publique, qui s'installèrent autour du Cinquantenaire où siégeaient les Parlementaires, y compris ceux du Cartel. Deux officiers supérieurs pénétrèrent dans la salle réservée aux membres du secrétariat de l'Assemblée - mesure inutile, sem~ ble~t~il, car les membres se retirèrent sans qu'une déclaration soit faite. ' Interrogé par le correspondant de l'Agence Belga, M. Moïse Tshombe, président général de la Conakat, déclara que tout ce déploiement de forces était inutile, car le Katanga n'avait pas l'intention de prendre des décisions en marge de la loi et qu'il préférait quant à lui rester dans la légalité. Néanmoins une étrange atmosphère règna l'après~midi de mercredi, atmosphère accentuée par le déploiement anormal de forces de gendar~ merie - on prétendait même dans certains milieux que l'Assemblée Katangaise se réunirait avant minuit pour proclamer l'Indépendance du Katanga, mais il fallut bien se rendre compte à l'évidence que là n'étaient pas les intentions des nouveaux dirigeants Katangais » (1). Le coup avait avorté cette fois~ci. La prompte réaction du ministre belge et du gou~ vernement central avait étouffé la tentative de sécession dans l'œuf. La Force Publique déployée autour de l'Assemblée avait sauvé l'unité du Congo. Quelques jours plus tard, lorsqu'au mépris de la légalité à laquelle il venait de proclamer son attache~ (1) Courrier d'Afrique S juillet 1960 Congo -.
reproduisant l'Essor du
Un coup d'Etat avorte
ment, M. Moïse Tshombe annoncera la sécession du Katanga, il aura plus de chance. La Force Publique aura été désarmée la veille per les forc~s d'intervention belges. M. Tshombe ne devra plus cramdre son déploiement. Et les seuls militaires, qui vivront ce moment d'his~ t~ire, . s:ront les para~commandos belges, veillant sur la seCUrIte de son assemblée. Mais encore une fois, nous anticipons - A la veille du 30 juin 1?60, la Conakat et son gouvernement _, dont la Belglque a permis la mise en place - , restent sur leur coup manqué. Ils ~ttendront une nouvelle occasion. Au besoin, ils la susclteront. Leur détermination, ou plutôt celle de leurs maîtres blancs, est bien prise. , Quel que soit le gouvernement central, on est décidé a se passer ?e sa tut~lle. Les motifs que l'on invoquera seront fonctlOn des clrconstances; centralisme excessif mépris de l'autonomie provinciale, voire infiltration com~ muniste, puisque l'expérience a démontré que ce moyen paye encore. ***
Nous avons rencontré, à Bruxelles, en juin 1960 des amis belges vivant au Katanga. Pour eux la séces~ sion katangaise ne posait pas de problème. Elle était un fait acquis. Ils en avaient l'assurance.
Le Congo, sans le Katanga, Il'est pas viable
Le Congo, sans le Katanga, n'est pas viable Et pourtant, que ce soit avant ou après la Conférence de la Table Ronde, que ce soit même à la veille de la mutinerie de la Force Publique, tout le monde, en Bel~ gique et à l'étranger, est d'accord pour condamner l'idée du séparatisme katangais et pour considérer que le Congo, sans le Katanga, est voué à la mort. Le Monde (1), sous la signature de Pierre de Vos écrit « Si le Katanga devait se séparer du Congo, si le Bas~Congo devait pour les mêmes motifs choisir d'être un Etat séparé, alors ce serait la faillite à coup sûr. Car si les ethnies se comptent par centaines, si les limites provinciales instaurées par les Belges ne correspondaient en fait à rien et étaient arbi~ traires, l'unité économique du Congo était une merveille du genre. Sur le plan économique, toutes les régions groupées au sein d'un seul Congo étaient et res~ tent interdépendantes. Sans le Katanga le Congo ne peut vivre, comme il a besoin aussi du Bas~ Congo pour évacuer sa production, pour avoir un débouché sur l'Atlantique, comme il ne pourrait se passer du Kasaï, grenier agricole. » Nous ne citerons ici que deux opinions belges, choi~ sies parce gue leurs auteurs, depuis la sécession, ont, l'Iij1ute par une grâce du Saint~Esprit :S.C. Karel Van Cauwelaert, si sou~ 'uand il s'agissait de problèmes afri~ . Het Volk: (2)
Con\,
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« Séparatisme d'inspiration européenne : au Katanga, où certains colons blancs tentent d'ar~ racher, le ~atanga à la communauté congolaise, dans 1espOir de maintenir la tutelle blanche sur une espèce d'île katangaise en exploitant les opp~ sitions tribales. Certains songent même à un rattachement à la Rhodésie du Nord, où les troupes britanniques assurent aux Européens un pouvoir discrétion~ naire. » ~t la Libre Belgique publiait le 7 juillet 1960, sous la slgnature de son envoyé spécial J. K., ce texte lucide: « ~n n'a guère de nouvelles du Katanga, mais on salt que M. Tshombe n'a pas abandonné son intention de proclamer la souveraineté de cette province. Les événements présents l'inciteront peut~ être à persévérer.
Mais il restera le séparatisme de la Conakat auquel la crise du gouvernement central donner~ peut~être un surcroît de vigueur. Or, sans le Katanga, le Congo n'est actuelle~ ment pas viable. » Ainsi donc, ou bien J.K. s'est trompé, ou bien la Libre Belgique en soutenant, comme elle le fait' la sécession k~ltangaise, veut condamner le Congo à m~rt 1
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Les Blancs armés
Les Blancs armés L'on ne dira jamais assez l'influence déplorable que l'habitude des blancs de vivre, armés, a pu avoir sur les relations entre Blancs et Noirs et le rôle tragique que cette propension des européens à se pourvoir d'armes a joué dans le cours des événements de juillet 1960. Depuis longtemps, sans doute, il était de bon ton pour un blanc vivant au Congo de conserver une arme chez soi. Vieux souvenir du temps des pionniers - ou des films « Western » de la jeunesse. Dans la nuit du 1er janvier 1959, l'on avait vu des civils blancs s'organiser, patrouiller en armes. Et cela avait fait sur les populations noires, une impression profondément déplaisante et inquiétante. Pendant plusieurs jours, plusieurs semaines, des patrouilles de volontaires armés avaient continué à faire leur ronde. Les noirs les avaient observées, avec haine parfois, avec terreur toujours.
""" La police doit être faite par des professionnels. Quand ce sont des civils qui la font, elle prend, lorsque ce sont des bourgeois dans nos cités, une allure de classe vite intolérable, lorsque ce sont des Blancs dans un pays africain, un visage raciste insupportable, quelles que soient les intentions ou les sentiments réels de ces gendarmes improvisés. Un avocat, qui passait à Léopoldville pour socialiste et négrophile, avait, dans les jours qui suivirent le 4 janvier 1959, suivi le courant et fait, comme ses voi~ sins, ses rondes martiales autour des bungalows, à la fois inquiets et confortables. Les congolais, qui avaient été ses amis, ne le lui avaient jamais pardonné. Il avait pris ces nuits~là un visage qu'ils ne pourraient oublier et qu'ils paraient des
couleurs de l'hostilité alors que sans doute il ne respirait que la crainte. Nous verrons plus loin les \ tragiques malentendus auxquels cette promptitude des Blancs à se précipiter sur des armes et cette crainte panique des Noirs de voir des Blancs armés a pu conduire les populations belge et congolaise dans de nombreux centres. L'exemple de Luluabourg fut sans doute le plus abominable.
""" Nombreux furent, après le 4 janvier 1959, les Blancs qui, même en plein jour, ne prétendaient plus se dépla~ cer sans armes. Nous avons encore le souvenir de ce jeune homme avec· qui, à la fin du mois de janvier, nous p~en~ons l'apéritif sous les grands arbres du Zoo. Nous 1 aVIOns connu jadis, en Belgique, timide, bon, doux même pour un garçon. Là~bas, aux portes de la cité où grouillaient 350.000 Noirs, il nous pressait d'aller voir le coffre de sa voiture où reposaient, prêts à l'emploi, des fusils, une mitraillette, des revolvers. Et il parlait avec une lueur dans les yeux des héca~ tombes de ba~kongo, qu'au premier signe, il pourrait faire avec son arsenal. Des ba~kongo, Parce qu'à cette époque c'étaient les ba~kongo qui étaient les mauvais. A la table, nous fai~ sions figure de naïf, pour les bienveillants, de traître à la race, pour les autres, l'on s'indignait que MM. Kasa~ vubu, Kanza, Diomi, Pïnzi et les autres membres de l'Abako détenus, n'aient pas encore été « collés au mur, avec douze balles dans la peau ~. C'était Monsieur Lumumba qui, à cette époque, était le bon Noir, avec qui on pouvait s'entendre ...
" *" Les journaux de Léopoldville publiaient des placards
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Les Blancs armés
publicitaires pour les armuriers qui ont dû, à cette époque, édifier des fortunes.
..
** L:s C.V.E., les Corps de Volontaires Européens, honms par le peuple congolais, prirent, pendant quel~ ques temps de plus en plus d'importance. Ils firent des exercices, comme nos « gardes civi~ ques » de jadis. Epinglons, parmi les récits de leurs manœuvres cet entrefilet du Courrier d'Afrique (1). ' , «Mercredi, trente membres du corps des volon~ taires européens de Matadi ont assisté, sur les hau;. teurs du Palabula, dominant le site du fleuve Congo, à une démonstration par une compagnie de la Force publique. La démonstration comportait ~ d~ploiement et un exercice d'attaque, avec 1 appUI de mortiers" une réduction d'une émeute avec des grenades lacrymogènes et des grenades offensives. Les volontaires ont ensuite bivouaqué et ont participé à des exercices de tir au pistolet. La journée s'est terminée par le salut aux cou~ leurs de la Force Publique. Cette sortie a été réalisée dans le cadre du renforcement de la formation du C.V.E. et du res;... s~r~ement des liens entre l~ Force Publique et les clvlls, pour le maintien de 1 ordre public. » Cette opération psychologique de corn pénétration entre les C.V.E. et la F. P. confinait au génie. Elle fut en tout cas une parfaite réussite. , Chaque fois, au cours des événements de juillet 1960, qu un Corps de Volontaires Européens se fit remettre des armes par le Commissaire ou s'en empara en for~ ça~t les. J;'0rtes d:un Ars~nal, la Force PubÙque, meme SI Jusque la elle n avait pas donné le moindre (1) Le 6 mars 1959.
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Les Blancs armés
signe d'agitation, - se mit en mouvement, procéda à des perquisitions et des fouilles pour récupérer les armes, pour désarmer les milices blanches. Tant il paraissait impensable aux Noirs que dans un Etat indépendant congolais, les minorités blanches puissent encore se tar~ guer du privilège exorbitant de vivre et de se promener armées. Chaque fois d'ailleurs que les para~commandos belges intervinrent au cœur des conflits provoqués par l' obsti~ nation des uns à rester armés, et la volonté des autres de les désarmer, ce sont les hommes de la Force Publique qu'ils désarmèrent, souvent les seuls, toujours les· pre~ miers. II est vrai qu'on les baptisait de « mutins» pour la circonstance.
..•*
Et pourtant, dès avant la proclamation de nndépen~ dance du Congo, il était interdit aux civils de transporter leur panoplie. Un arrêté récent (1) pris par le Premier Bourgmes~ tre de Léopoldville, (un Blanc à cette époque) rappelait avec vigueur que le décret « portant interdiction de cir~ culer en armes dans les limites de la ville de LéopoId~ ville » « s'applique aux armes à feu couvertes par un per~ mis de port d'armes. Il est donc interdit de prendre avec soi une arme à feu ou de la laisser dans sa voiture. »
..
* .. Cet arrêté ne semble pas avoir été l'objet d'un très grand respect de la part des Blancs, si l'on considère la singulière récolte que firent au débarcadère de Brazza~ ville, les autorités de police au service de M. Fulbert Youlou (2). (1) N° 1154 du 13 mai 1960. (2) Agence France Presse dans la Libre Belgique des 9-10 juillet 1960.
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Les Blancs armés
« Nombreux sont les réfugiés qui étaient armés.
Les gendarmes ont saisi tout un arsenal de vers, de fusils et même de mitraillettes. »
revol~
« Moi, je nourris mes élèves à l'européenne.: du bœuf, des légumes, des boulettes de viande et rai constaté que leurs facultés mentales gagnaient beaucoup à ce régime sain et fortifiant. » Colonel De Ruycker
« ... la plupart des réfugiés belges, pa;sant à Brazzaville sont armés, en sorte qu'un très grave incident pourrait survenir qui mettrait le feu à la poudrière qu'est devenue Léopoldville. » . Il s'agissait, là, faut~il le souligner, des tout premiers réfugiés. Et ils ont, tous, raconté qu'ils avaient été l'objet de fouilles de la part des mutins de la Force Publique. Qu'aurait~on récolté à Brazzaville, sans ces fouilles, qui ont tout de même dû amener certaines découvertes? Il est difficile, en présence de tels faits, de contester à la police d'un Etat souverain le droit de rechercher de telles armes en vue de les saisir. Il est difficile de voir, dans l'exigence des policiers de fouiller les coffres des voitures, un simple prétexte à ennuyer, à humilier, à vexer. II est hélas certain, aussi, que pour beaucoup d'Euro~ péens, habitués à être les maîtres de ce pays, la fouille en elle~même apparaissait déjà comme une vexation, radicalement intolérable. Ceux qui n'auraient pas les nerfs assez solides pour supporter la révolution totale, qui allait se produire dans la nuit du 30 juin au 1er juillet auraient dû, partant, quitter le Congo avant. Ils auraient ainsi épargné aux autres les conséquences de leur inadaptation, la contagion de leur nervosité et plus tard de leur panique. Personne cependant, au soir du 30 juin, ne pouvait se faire d'illusion. Le Congo indépendant ne permettrait plus à la mino~ rité européenne de demeurer armée, de constituer des milices armées ou de rendre vie aux C.V.E. de sinistre mémoire, ou de se retrancher dans des Forts Chabrol improvisés, au cœur des cités blanches. Cette ère-là était en tout cas révolue.
(Il. de
la Force Publique.
La Foree Publique Il serait sans doute plein d'enseignements de conter son histoire. Mais cette histoire, pour intéressante qu'elle soit, nous écarterait par trop de notre propos. Ce qui importe, c'est l'image que l'o~ av~it. de la Force Publique dans la métropole et que 1 on etait parvenu à imposer aux futurs gouvernants du Congo. Le chef de la F. P. le général Janssens était un « dur ». Il se vantait d'avoir maté l'insurrection du 4 janvier 1959. Et il avait sans doute raison. Le 10 janvier 1959, après sa victoire, il faisait un dis~ cours à la troupe, au Camp Léopold Il (2). « Vous savez tous les incidents qui se sont produits dimanche dernier à la Cité ... Les hommes au cœur mauvais ont démoli les bâtiments publics: ils ont brisé et pillé les maga~ sins du quartier Foncobel. .. On les a tués parce qU'ils sont des voleurs, parce qu'ils sont des pillards. On ne tirait que pour se défendre, et ces quelque 43 morts ne sont pas dignes de respect ... Si nous le voulons, nous pouvons les haïr. Kasa~ vubu a fui. Kasavubu n'a pas ouvert le feu. En (1) Interviewé à Kamina par le Patriote Illustré du 18 janvier 1959. (2) D'après le texte d'une lettre adressée par un militaire .congolais de la Force Publique au Comité du Mouvement ~a~lonal ·Congolais. La Gauche de 17 janvier 1959. Ces propos pretes au général n'ont, semble-t-il jamais été démentis.
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« La Force Publique, dans les mains du· jeune Etat congolais sera un atout de la plus grande importance : ce sera en somme le seul gage de sta~ bilité qu'il pourra donner au monde. La Force Publique est la seule institution du Congo qui réponde encore aux critères les plus stricts de l'efficacité. Il n'y a pas eu ici d'africanisation accéléréel mais une préparation en profondeur depuis dix ans des cadres de demain.
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il pourra donc installer solidement son autorité et
M. Patrice Lumumba à Stanleyville, le 18 mai 1960, proclame sa confiance dans la Force Publique du géné~ raI J anssens (1) « Nous ne voulons plus de troupes étrangères au Congo qui devient un pays indépendant. Il s'agit d'un affront à la Force Publique ainsi qu'au général Janssens. La F. P. avec ses milliers de sol~ dats congolais et d'officiers belges, suffit ample~ ment. » Mais pour le leader du M.N.C. cette confiance allait de pair avec l'exigence qu'il formulait (2) de voir instau~ rer immédiatement un gouvernement provisoire qui pourra précisément assurer cette transition indispensable. « La libération immédiate du pays et la passa~ tion immédiate des pouvoirs, c'est la seule voie possible pour éviter l'éclatement d'incidents graves dont la Belgique supportera la responsabilité morale sur le plan international. (3) » Le lieutenant~général J anssens venait de lancer un communiqué du quartier général de la F. P. « particuliè~ rement rassurant » (4:) « Il (le lieutenant~général J anssens) croit de~ voir répéter que la Force Publique, c'est~à~dire l'Armée du Congo, est parfaitement capable de faire face à la situation actuelle et même à des situation plus graves. C'est à cette Force nationale et à la Police - unies dans un même effort qu'il appartient de défendre le Congo et non à des forces internationales que certains appellent parce que la crainte qui les étreint les rend aveugles. :. Une telle déclaration, à sept semaines: de l'éclatement de la mutinerie, dénotait chez le général un extraordinaire défaut de clairvoyance.
l'essentiel sera sauf. » L'absence de transition dont J. K. se félicite, c'est le '$eul point sur lequel les futurs dirigeants congolais, mis en confiance, en ce qui concerne la F. P. elle~même, manifestent, à bon droit, de l'inquiétude.
(1) Peuple du 19 mai 1960. (2) Et que M. Kasavubu avait formulée si spectaculairement en quittant la conférence de la Table Ronde de janvier 1960. (3) Peuple du 19 mai 1960. Libre Belgique du 19 mai 1960. Cité du 19 mai 1960. (4) Courrier d'Afrique du 13 mai 1960.
Le commandant de la Force Publique a pris une attitude très nette dans un ordre du jour : la Force Publique servira le nouvel Etat congolais avec la plus entière fidélité. Il y aura un ministre congolais de la Défense nationale. Ses ordres seront exécutés. C'est clair et précis. L'exemple est sans doute uni~ que dans l'histoire de la décolonisation, qu'une armée coloniale passe intégralement et sans transi~ tion au service du nouvel Etat indépendant. Une armée est indispensable au Congo non seu~ lement pour le maintien de l'Ordre dans les temps troublés d'aujourd'hui mais aussi pour en défendre les frontières contre des convoitises qui sont trop évidentes. Le futur gouvernement congolais pourra donc en appeler à une force capable de réprimer les désordres. Si le gouvernement congolais le veut vraiment,
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« La Force Publique, dans les mains du Jeune Etat congolais sera un atout de la plus grande importan{;e : ce sera en somme le seul gage de sta~ bilité qu'il pourra donner au monde. La Force Publique est la seule institution du Congo qui réponde encore aux critères les plus stricts de r efficacité. Il n'y a pas eu ici d'africanisation accélérée' mais une préparation en profondeur depuis dix ans· des cadres de demain.
Le commandant de la Force Publique a pris une attitude très nette dans un ordre du jour : la Force Publique servira le nouvel Etat congolais avec la plus entière fidélité. Il y aura un ministre congolais de la Défense nationale. Ses ordres seront exécutés. C'est clair et précis. L'exemple est sans doute uni~ que dans l'histoire de la décolonisation, qu'une armée coloniale passe intégralement et sans transi~ tion au service du nouvel Etat indépendant. Une armée est indispensable au Congo non seu~ lement pour le maintien de l'Ordre dans les temps troublés d'aujourd'hui mais aussi pour en défendre les frontières contre des convoitises qui sont trop évidentes. Le futur gouvernement congolais pourra donc en appeler à une force capable de réprimer les désordres. Si le gouvernement congolais le veut vraiment, il pourra donc installer solidement son autorité et r essentiel sera sauf. » L'absence de transition dont J. K. se félicite, c'est le \leul point sur lequel les futurs dirigeants congolais, mis en confiance, en ce qui concerne la F. P. elle~même, manifestent, à bon droit, de l'inquiétude.
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M. Patrice Lumumba à Stanleyville, le 18 mai 1960, proclame sa confiance dans la Force Publique du géné~ raI J ans sens (1) « Nous ne voulons plus de troupes étrangères au Congo qui devient un pays indépendant. 11 s'agit d'un affront à la Force Publique ainsi qu'au général Janssens. La F. P. avec ses milliers de sol~ dats congolais et d'officiers belges, suffit ample~ ment. » Mais pour le leader du M.N.e. cette confiance allait de pair avec l'exigence qu'il formulait (2) de voir instau~ rer immédiatement un gouvernement provisoire qui pourra précisément assurer cette transition indispensable. « La libération immédiate du pays et la passa~ tion immédiate des pouvoirs, c'est la seule voie possible pour éviter l'éclatement d'incidents graves dont la Belgique supportera la responsabilité morale sur le plan international. (3) » Le lieutenant~général J anssens venait de lancer un communiqué du quartier général de la F. P. « particuliè~ rement rassurant » (4) « Il (le lieutenant~général J anssens) croit de~ voir répéter que la Force Publique, c'est~à~dire l'Armée du Congo, est parfaitement capable de faire face à la situation actuelle et même à des situation plus graves. C'est à cette Force nationale et à la Police - unies dans un même effort qu'il appartient de défendre le Congo et non à des forces internationales que certains appellent parce que la crainte qui les étreint les rend aveugles. :. Une telle déclaration, à sept semaines de l'éclatement de la mutinerie, dénotait chez le général un extraordinaire défaut de clairvoyance. ( 1) Peuple du 19 mai 1960.
(2) Et que M. Kasavubu avait formulée si spectaculairement en quittant la conférence de la Table Ronde de janvier 1960. (3) Peuple du 19 mai 1960. Libre Belgique du 19 mai 1960. Cité du 19 mai 1960. (4) Courrier d'Afrique du 13 mai 1960.
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Pouvait~on écarter plus nettement l'idée de faire intervenir au Congo Forces de l'O.N.li. ou même Forces belges? L'aveugle, c'était le général! Mais encore une fois sa force de convIction a été contagieuse. Et M. Patrice Lumumba prenant la parole à Stanley~ ville, le matin des élections et commentant les résolutions votées au Congrès du M.N.C. (1) « Considère que la Force Publique suffit ample~ ment à assurer l'ordre. Il fait appel à tous les mili~ taires congolais et belges afin qu'ils servent demain le gouvernement congolais avec loyauté et fidélité. :. Mais sa confiance est conditionnée par une exigence, qui, si elle avait été satisfaite, eût rendu sans doute impossible la mutinerie des 5~6 juillet. « Le Congo, proclamait~il, ne sera vraiment indépendant que s'il dispose, dès l'accession à l'indépendance, de sa propre administration, de sa propre armée dirigée par ses propres fils.
Le M.N.C. réclame l'affectation immédiate de Congolais à tous les postes de commande tant dans l'administration que dans l'armée, afin qu'ils puis~ sent faire dès à présent leur apprentissage et être aptes à prendre en mains la directjon du pays dès le 30 juin. » Mais de cette africanisation des cadres de la Force Publique, le général Janssens n'a pas voulu et ne veut pas. Le Soir a publié une sorte de journal tenu par une « personnalité belge à Léo ». Nous pensons qu'il n'est pas difficile de percer l'anonymat de cette personnalité, de cette très haute personnalité. Quoiqu'il en soit, il semble qu'elle raconte des événements qu'elle a elle~ même vécus, lorsqu'elle note, au 7 juillet, à8 h. 30 du matin (2) : « Je peux affirmer que M. Cornélis et M. Lafontaine ont eu un conflit violent avec le (1) Peuple d~ 24 mai 1960. Libre Belgique du 24 mai 1%0. (2) Soir du 29 juillet 1960.
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général pour qu'il admette la nomination des dix premiers adjudants congolais, il y a six mois. Depuis, à de multiples reprises, ils ont insisté pour que quelques congolais qui font remarquablement fonction de chefs de peloton, passent au grade d'officier : sous~lieutenant. Le général ne contestait pas leurs activités pr~ fessionnelles, mais n'en voulait pas pour des, raisons d'« éducation et de standing ». Le gouverneur~général et le vice~gouverneur.. général avaient beau invoquer l' avanc~ment dans les armées anglaises, notamment en temps de guerre et ...... les maréchaux de l'Empire, rien à faire. » Cette obstination est, de l'avis de cette « person.. nalité » la grande cause du mécontentement militaire. Elle désole aussi M. Patrice Lumumba qui revient sur la question, au cours d'un meeting organisé par l'A.P.Le. (1) « Après avoir affirmé qu'il possédait un plan pour former en trois mois des Africains aptes à occuper de hautes fonctions dans diverses branches de r Administration, il a déploré que le Congo accède à lâ souveraineté internationale, alors que la Sûreté, la Magistrature, la Police et l'Armée sont entre les mains des Européens. » Et, précédant de près de trois mois, les graves accu~ sations que porterait M. Staelens dans l'hebdomadaire catholique « La Relève» (2) : (1) Libre Belgique du 7 juin 1%0. Courrier d'Afrique du 7 juin 1960. (2) Du 27 août 1960; l'article a été reproduit dans le nO 30 de Remarques congolaises. Il y est dit notamment : « En fait, notre poli~ tique répondait à la fois à un fond de lâcheté (obsession de la guerre d'Algérie) et à un calcul assez machiavélique. » ~ « II (M. De Schrijver) a octroyé l'indépendance tout de suite mais il n'a opéré aucune des réformes préconisées par M. Van Bilsen. La raison en est qu'il n'a jamais entendu accorder aux Congolais qu'une indépendance purement fictive et nominale. Les milieux financiers ont cru fer~
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« M. Lumumba a mis en doute « la réalité de l'indépendance » qui sera accordée le 30 juin. » La Libre Belgique le soulignera d'ailleurs dans son éditorial du 30 juin 1960 (1) : « L'ordre repose encore sur une Force Publique dont les cadres sont belges. » Ce qui ne l'empêchera pas d'ailleurs quelques jours plus ta:? _d'imp~ter. au gouvernement congolais la res~ ponsablhte de n aVOIr pas pu maintenir l'ordre ... * **
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L'on n'a pas assez souligné que, de deux côtés extrê~ mement éloignés l'un de l'autre, malgré une confiance s~ns réserve ~xI;'rim~e à la Force Publique, des pressen~ bments se fals~lent Jour et une solution, était esquissée. -; la. seule ra,lsonnable sans doute du moment qu'on n avait consenti en temps utile, ni au gouvernement pro~ visoire ni à l'africanisation des cadres de l'armée. , ,L'U.C.A.M., (Union des Cadres et Agents métropo~ htams) adressait, sous la signature de ses secrétaires nationaux MM. A. Lonnoy et W. Gilliard, une lettre ouverte aux présidents de la Chambre et du Sénat et au Premier~Ministre, M. Eyskens (2). Après avoir tout d'abord souscrit au slogan officiel: « Il y a la Force Publique, corps d' élite incon~ testé sur laquelle tout le monde compte. » la lettre ouverte continue « Nous estimons qu'il est indispensable et urg~nt de faire ?ppel à une force de police incon~ testee par toutes les populations. mement - car nos milieux politiques ont surtout été naïfs - qu'il suffirait de donner à quelques leaders congolais des titres de ministres ou de parlementaires, des grands cordons, des autos de luxe d: gros traitements, des maisons somptueuses dans la cité euro~ pe~nne, pour arrêter définitivement le mouvement d'émancipation qUI menaçait leurs intérêts, » (1) Intitul~ «~ienvenue à la République du Congo ». (2) CourrIer d Afrique du 12 ;mai 1960.
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A notre avis et de très nombreux congolais partagent notre opinion, seule une force patronnée par les Nations~Unies aurait ce caractère. Elle aurait pour mission de faire régner l'ordre au Congo jusqu'au 30 juin et éventuellement même après cette date si le gouvernement congolais en faisait la demande. L'envoi d'une telle force au Congo serait de nature à calmer bien des appréhensions et opérerait un déplacement des responsabilités de la Belgique envers les Nations~Unies, La Belgique est en effet paralysée dans ses attributions de police : intervient~elle pour rétablir l'ordre qu'elle est suspectée de partialité; s' abstient~ elle au contraire qu'on l'accuse d'immobilisme. » Et M. Victor Larock, dans un éditorial du Peuple (1) intitulé « Le Sort du Congo », après avoir apporté le nécessaire tribut d'hommage à la Force Publique : « A partir du 30 juin, les quelque 25.000 Noirs de la Force Publique, encadrés d'officiers Blancs et commandés par un général belge, seront mis au ser~ vice de l'Etat congolais - leur valeur est recon~ nue, - Les informations venant du Congo les montrent disciplinés, prêts à toute intervention. Il suffira, dit~on, que leur chef lève la main. » formule cette suggestion pleine de bon sens qui, si elle avait été retenue, aurait évité toutes les catastrophes qui allaient, quinze jours plus tard, s'abattre sur le Congo et sur les relations belgo~congolaises. Nous n'avons jamais compris pourquoi le parti de M. Larock et M. Larock lui~même n'ont pas, au cours du débat parle~ mentaire sur l'intervention armée de la Belgique au Congo, fait de ce texte essentiel tout l'usage qui leur était possible. « Une initiative est à prendre, écrivait M. Larock, à la fois pour alléger la tâche des forces de sécurité et pour prévenir les velléités d'intrusion - trop visibles - de certaines puissances étrangères. (1) 21 juin 1960.
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Le gouvernement belge devrait, sans attendre, s'assurer qu'une force de police des Nations~Unies pourrait. le cas échéant. être dépêchée au Congo dans le minimum de temps. Il rendrait ainsi aux populations congolaises un service salutaire. Une mesure de cette sorte ne se décide pas du jour au lendemain. Elle doit être bien préparée et bien réglée. Il va de soi que cette intervention serait conçue, et que la force de police serait constituée, de manière à présenter toute garantie d'une absolue neutralité. La mission des « casques bleus » serait d'une part, d'assurer aux côtés de la Force Publi~ que congolaise la sécurité des habitants du Congo. Noirs ou Européens, et, d'autre part, d'empêcher que l'anarchie, dont le risque est certain, ne serve de prétexte à des ingérences étrangères. » Le leader socialiste, comme les Cadres et Agents métropolitains, avait compris, malgré les distances qui les séparaient, que si, par malheur, la Force Publique s'avé~ rait insuffisante pour maintenir l'ordre, c'était à une force internationale, - au désintéressement incontestable qu'il fallait faire appel. Ils excluaient, explicitement ou tacitement, l'intervention de la Belgique, l'ancien pays colonisateur, dont les initiatives militaires au Congo seraient nécessairement toujours suspectées, au lende~ main de l'indépendance. ***
Mais les ministres ont des oreilles pour ne point entendre. Et l'euphorie subsista. Les gouvernants congolais, à qui aucune possibilité n'avait été laissée avant le 30 juin de remédier eux~ m.êmes au défaut d'africanisation des cadres, et qui n'ayant détenu aucun pouvoir et se voyant investis de tous les' pouvoirs en une fois, n'avaient pu mettre à la tête de la Force Publique, avant leur prise de pouvoir, aucun homme à eux, - qu'il soit Noir ou Blanc -
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n'avaient pas, - à l'heure de la reprise sans transition, d'alternative à la confiance. C'est donc la carte qu'ils joueront. M. Joseph Kasavubu, devenu le Chef de l'Etat, adres~ sera à la Force Publique cet appel (1) : « officiers, sous~officiers, gradés et soldats, en tant que Chef de l'Etat indépendant du Congo. j'adresse un cordial salut à la Force Publique et lui exprime toute ma confiance. Je sais que le pays peut compter sur son armée congolaise et que, dans toutes les circonstances, elle sera digne de ses glorieuses traditions. » M. Patrice Lumumba, Premier~Ministre, après avoir déclaré au représentant de l'Associated Press (2) : « Le Congo a maintenant besoin d'une longue période de calme ... et rappelé « qu'il a une confiance totale dans les officiers belges qui commandent l'armée congolaise », reviendra tout de même sur son idée~force, celle qu'il aurait voulu réaliser avant l'indépendance, à la fav,eur d'un gouverne~ ment provisoire: « Nos soldats et leurs officiers belges sont liés les uns aux autres. Avec l'aide des Belges, j'espère que nous pourrons créer aussi vite que possible une armée nationale qui sera commandée par des officiers congolais. » Quant au général Janssens, lui~mêm.e, il y va natu~ rellement de son ordre du jour (2). On ne fait pas plus rassurant. « Officiers, sous~officiers, gradés et soldats, Nous avons été la force du vieux Congo indé~ pendant, nous sommes la force du Congo d' au~ jourd'hui et, à partir du 1er juillet 1960, nous serons la force du nouvel Etat indépendant du Congo, (1) Courrier d'Afrique 5 juillet 1960. (2) Cité du 5 juillet 1960, (3) Libre Belgique du 5 juillet 1960.
La Force Publique
Dès ce moment, nous obéirons tous au gouverne~ ment congolais, avec le désir de servir le pays comme nous l'avons toujours servi, c'est~à-dire avec fidélité, discipline, courage et efficacité. Fiers de nos sept campagnes victorieuses, aidés par nos glorieuses traditions, pensant à nos 12.000 morts, nous entrerons dans le nouvel Etat, la tête haute, le cœur confiant, les muscles forts, prêts à tous les sacrifices pour que vive le Congo dans l'ordre et dans la paix. »
..
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Et c'est alors que paraîtra, dans la Libre Belgique encore et toujours, sous la signature de J. K. ce texte ineffable (1) : « C'est tout l'avenir du Congo qui est en jeu. Un seul moyen: la Force Publique qui demeure le miracle de ce Congo qui fut belge. La Force Publi~ que est aujourd'hui la seule institution solide de ce pays. Ses soldats ont un esprit de corps : ils ne sont plus Bangala, Bayaka, ou Bakongo, ils sont de la Force Publique. Tous ont la même allure martiale, le même sou~ rire jusqu'aux oreilles, la même efficacité aussi. La Force Publique fait une prodigieuse démonstration: bien encadrés, bien formés, les Congolais sont capaA bles de réaliser de grandes choses. - On le savait depuis longtemps, mais bien longtemps les Belges ont agi dans ce pays comme si cette vérité~là leur échappait. »
. ....
A l'heure où les rotatives du journal tournaient, la Force Publique se mutinait à Léopoldville. (1) Libre Belgique du 5 juillet 1960.
Le défaut de transition Le défaut de transition entre le régime colonial et l'indépendance n'avait pas été dénoncé et déploré que par M. Patrice Lumumba. M. Joseph Kasavubu, nous l'avons vu, avait été le premier à réclamer un gouvernement provisoire. Lors de son triomphal voyage à Elisabethville, il pré~ cisera l'un des mobiles de son exigence (1) . « C'est pour pouvoir g-arantir les biens des Européens et des Congolais que nous avions demandé un gouvernement provisoire. » Et dans une lettre au Roi et aux Présidents de la Chambre et du Sénat (2), M. Kingotolo, secrétaire géné~ raI et M. Moanda, Vice-Président général de l'Abako, formuleront l'alternative: ou un gouvernement provisoire ou une force de police étrangère. « Nous exigeons la formation dans l'immédiat d'un gouvernement Congolais. Dans le cas con~ traire, nous sommes décidés à solliciter un service d'ordre étranger et à boycotter toutes les résolu~ tions de la Table Ronde. Nous sommes très désireux de préparer mêmes notre indépendance... »
..
nous~
* .. Entretemps d'ailleurs, deux agents de l'administration coloniale belge ont posé crûment, brutalement, le pro~ blème de la transition. Le 21 avril 1960, à Kisantu, dans une salle de l'admi~ rable jardin du Frère Gillet, en présence de l'évêque Mgr. Verwimp et d'une grande foule blanche et noire, M. Saintraint, administrateur du territoire de Madimba et M. Riickmans, administrateur-adjoint principal. pro~ (1) La Cité du 7 avril 1960. (2) Courrier d'Afrique 13 mai 1%0. Soir 13 mai 1960.
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cèdent à l'installation du Collège exécutif, issu des réso~ lutions de la Table Ronde. Le discours de M. Saintraint (1) aussitôt traduit en kikongo par M. Rijckmans, fait l'effet d'un coup de théâtre. Le Courrier d'Afrique titre: « L'administration territoriale, après avoir fait un bilan sérieux de la situation refuse de poursuivre sa tâche « sans pouvoir et sans moyens » et se dit prête à céder la main. » Le bilan de la situation dressé par M. Saintraint est très somhre. Il n'y a plus d'autorité respectée dans la région. L'anarchie se développe. Par exemple, « dans le domaine pénal. les juridictions de secteur n'osent plus jouer leur rôle spécialement vis~à~vis des jeunes désœuvrés. C'est ainsi qu'on règle « à l'amiable» des crimes contre les person~ nes : nous connaissons plusieurs cas de viol où loin d'en déférer les coupables à l'officier de Police judiciaire on s'est contenté de leur infliger des amendes minimes. » (2) Après avoir souligné que la proposition de l'Abako de. const~t~er ~v~nt le 30 juin, un gouvernement provi~ SOlre a ete re]etee par la Belgique, (3) M. Saintraint développe le thème qu'il faut, à tout prix, assurer à la région, une transition paisible. Il s'écrie: « Aujourd'hui à 70 jours de l'Indépendance, il est temps! (4) (1) Courrier d'Afrique 22 avril 1960. Cité 26 avril 1960; . . (2) Il ne faudra jamais oublier qu'à cette époque, le Congo etaIt encore «belge» et que, c'était donc, le gouvernement colonial qui avait la responsabilité de la situation. C'est dans le territoire de Madimba que se produisirent les premiers viols d'européennes, les seuls même au cours de la première phase de la mutinerie. (3) Soir 24~25 avril 1960. Drapeau Rouge 25 avril 1960 (4) Courrier d'Afrique 22 avril 1960. •
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Nous ne pouvons accepterm-eooh··tion qui nous amène au 30 juin sans avoir remis le territoire à personne, alors que nous savons qu'il passera en fait et en droit dans d'autres mains au 1er juillet. » A qui donc confier les pouvoirs, puisqu'il faut une autorité? A ceux qui, sur le plan local. sont les seuls sus~ ceptihles de les exercer. « Nous savons, dira M. Saintraint, que l'Abako a un plan détaillé de mise en place d'une nouvelle administration. Dès lors, et devant la situation actuelle, nouS pensons qu'il vaut mieux qu'elle procède très rapi~ dement à ce remplacement. » Et de conclure avec une logique et une lucidité remarquables qu'il appartiendra aux membres du collège, installés ce jour~là, « de s'imposer à la population de façon à ce que les directives qu'ils seront appelés à don~ ner, soient écoutées de tous et suivies par tous ... » (1) La relève doit être assurée par l'Abako. Les administrateurs belges se mettront au service des congolais qui assumeront l'autorité. Ils les aideront de leurs conseils, désormais, à leur place de techniciens.
*** La presse métropolitaine réagit mal. Le Soir (2), dans son Courrier Africain dont tout le monde sait qu'il est de la plume de son « spécialiste des questions congolaises », M. Désiré Denuit, écrit: « Cette décision ... fait pas mal de bruit à Léopoldville où l'on se demande si c'est bien le rôle de l'administration de se mettre au balcon et de compter les coups, sans préjudice du danger que le désordre qui s'ensuivrait pourrait entraîner (1) Courrier d'Afrique 22 avril 1960. (2) Du 26 avril 1960.
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pour les nombreux Blancs résidant dans le Bas~ Congo. » Le Peuple (1) titre : « Le gouvernement désavoue les deux fonction~ naires territoriaux qui avaient abandonné leur poste. » Le Soir (2) précise, dans sa « Petite Gazette ». « ... MM. Saintraint et Rijckmans ont été mis en congé. » La Cité (3) estime « très regrettable » cette démis~ sion des deux administrateurs de Madimba. Et Le Soir (4) reproduira, avec complaisance, « l'avis d'un délégué à la Conférence économique belgo~ congolaise » (5). « Certains louent le courage de MM. Saintraint et Rijckmans: m'est avis que la solution est de facilité et la politique de ces messieurs, celle du chien crevé. L'incartade est grave. Sur le plan « discipli~ naire » d'abord. Mais surtout sur le plan de la paix publique générale. Leur décision est en contradiction avec le pro~ cess us très précis organisé par le gouvernement jusqu'au 30 juin. » (6)
*** MM. Saintraint et Rijckmans avaient sans doute, en accomplissant leur geste spectaculaire du 21 avril 1960, accepté tous les risques : celui d'être critiqués, (1) Du 28 avril 1960. (2) Du 29 avril 1960. (3) Des 30 avril ~ 1er mai 1960. (4) Du 30 avril 1960. (5) La seconde Table Ronde qui se réunissait à ce moment à Bruxelles. (6) ~'. Saintraint a dit connaître le nom de cette personnalité. li devrait etre livré à la publicité.
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trainés dans la boue, révoqués même. Tous les risques, sauf un : celui de voir leur S.O.s. sans réponse et sans suite, celui de voir cette démission larvée de toute une administration se continuer, s'amplifier hypocritement alors qu'il est encore temps sans doute pour procéder à une véritable et loyale transmission des pouvoirs, à une transition honnête entre le régime colonial qui se liquéfie et l'administration congolaise qui doit naître et qui devrait pouvoir « se roder » avant le jour J. de l'Indé~ pendance.
*** L'envoyé spécial de la Libre· Belgique J. K. est, à cette époque, toujours aussi lucide (1) « Placés au pied du mur, dès avant la date gal~ vanisante du 30 juin, peut~être l'élite du pays et les chefs coutumiers réussiraient~ils à reprendre quel~ que peu le contrôle des masses. Mais il ne faut pas attendre le 30 juin pour prendre des mesures. Or, le temps passe, et aucune tentative de solu~ tion n'intervient. La période transitoire devient une liquidation pure et simple. Kalina prépare le sauvetage de ses meubles (2). Pas d'histoire avant le 30 juin. Ensuite advienne que pourra. » ***
Nous pouvons conclure avec lui: « Ce n'est pas l'indépendance qui est reuse. C'est la façon d'y parvenir. »
dange~
(1) Le 25 avril 1960. (2) Nous avons vu que le mot ne doit pas être pris seulement dans son acception morale. On rembarquait aussi, au physique, < les meubles et objets mobiliers ~.
L'accession à l'Indépendance
L'accession à l'Indépendance Et pourtant toùt s'était passé bien mieux qu'on ne l'avait pensé. Les institutions s'étaient mises en place, moyennant, moins de tergiversations que n'en exige, dans la métropole, le moindre remaniement minis~ tériel. A la tête de l'Etat, l'on avait placé le plus repré~ sentatif des leaders congolais, le père de l'indépendance, celui qui, le premier, dès 1956, avait lancé la revendica~ tion de l'indépendance immédiate. -
à tout prendre -
M. Joseph Kasavubu s'était préparé à ce rôle d'arbi~ tre et d'unificateur. L'on se souvient de son appel à la solidarité des provinces, lorsqu'il parle à Elisabethville, aux côtés de M. Tshombe, le champion du séparatisme. Il a l'occasion de renouveler ses déclarations d'atta~ chement à l'unité du Congo, lorsqu'invité à former le gouvernement, il préconise : (1) « Une formation fédérale de l'Etat congolais c'est à dire l'autonomie administrative pour chaque province, mais avec un gouvernement central fort. gardien vigilant de l'unité congolaise. » Et prêtant le serment constitutionnel de président de la République, il déclarera solennellement (2) :
« Je jure d'observer les lois de la Nation Con~ golaise, de maintenir l'indépendance nationale et l'intégrité du territoire. » A la tête du gouvernement, l'on a installé le plus dynamique des leaders congolais. Et aussi celui dont le parti étend son influence, avec des fortunes diverses, au Congo tout entier et s'e présente comme le plus dégagé des liens du tribalisme. (1) Peuple du 20 juin 1960. (2) Courrier d'Afrique 27 juin 1960.
Si
On a souvent parlé de la démagogie de M. Patrice Lumumba. L'on serait bien en peine sans doute de citer les textes où il aurait promis à ses partisans et ses électeurs la manne du ciel, des Cadillac ou des femmes blanches. Mais en revanche, l'on pourrait constituer une anthologie des discours de M. Lumumba dans lesquels. avec beaucoup de gravité et de courage, il a averti ses compatriotes que l'indépendance n'opérerait pas de miracles, et qu'il leur faudrait travailler bien plus dur dans le Congo libéré que sous la domination coloniale. Un jour d'avril 1960, il s'en était allé sur les routes du Kasaï, prêcher la réconciliation entre Baluba et Bena~ Lulua (1), et il avait entraîné la foule derrière lui jusqu'au cimetière, où il fleurit la tombe d'un mort inconnu, victime des drames.
J.K.,
l'envoyé spécial de la Libre Belgique (2)
raconte: « Trois fois, M. Lumumba prit la parole pour dire que le temps de la révolution était passé. C'est fini d'attaquer les Blancs. C'est fini de saboter l'impôt. Il faut travailler. Le travail fait les grands pays, c'est le travail qui a fait de la Bel~ gique ce qu'elle est. Ne croyez pas que le 30 juin, l'argent tombera à flots, que vous prendrez le train, le bateau ou l'avion sans payer. Il faut combattre la paresse et l'oisiveté. » De telles paroles soulevaient les acclamations. - Est~ce pour molester les Européens que nous avons acquis l'indépendance? crie Lumumba. (1) Que l'administration était parvenue à opposer les uns aux autres à propos du problème de l'indépendance. - V. le petit livre ,que nous avons consacré au «Drame de Luluabourg» - Il faudra , qu'aussitôt matée la sécession katangaise, le gouvernement s'attelle courageusement à apaiser ce conflit artificiellement provoqué mals qui depuis son déclenchement, a pris des proportions tragiques.
(2) Le 11 avril 1960.
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Non! répond la foule. Nous ne voulons pas de vengeance? Non! Il n'y a que 100.000 Européens parmi nous. Beaucoup veulent rester. Ceux~là seront nos amis. Et à la sortie, des mains noires se tendent, amicales, vers les quelques journalistes européens présents. » A Accra, il proclame : .( 1 ) « Nous ne nous berçons pas d'illusions, pen~ dant cinq ans notre politique économique sera une politique d'austérité. Notre peuple a été prévenu qu'indépendance était loin de vouloir dire salaires plus élevés ». Quelques jours plus tard, à Léopoldville même, il prévient les Congolais, que : (2) « L'indépendance du Congo ouvrirait une lon~ gue période d'austérité et de dur labeur... » (3) Le 24 juin 1960, présentant son gouvernement, Mon~ sieur Lumumba déclare : (4) « Nous nous engâgeons à former un gouverne~ ment du peuple, par le peuple et pour le peuple. Nous aurons le souci de maintenir envers et contre tout l'intégrité du territoire et la nation dans son unité. » M. le Ministre Ganshof van der Meersch, inter~ viewé par J. K. de La Libre Belgique (5) rend à M. Lumumba cette justice : « Personnellement, je suis certain que (1) Soir du 21 avril 1960. (2) Libre Belgique 23~24 avril 1960. (3) M. Alphonse Nguvulu, qui sera le secrétaire d'Etat au Plan dans le futur gouvernement congolais ,et dont notre presse a fait une fois pour toutes, un autre d~magogue, tenait les mêmes propos dans le Peuple du 25 avril 1960. (4) Peuplé 25~26 juin 1960. Courrier d'Afrique 24 juin 1960; (5) Des 25..26 juin 1960.
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M. Lumumba ne s'est pas réservé la Défense Natio~ nale pour mener une politique personnelle, mais parce qu'il a le souci évident de maintenir l'ordre. C'est là la principale préoccupation de tous les responsables ». Le Premier Ministre Lumumba confirmera d'ailleurs ce souci dans un discours au peuple congolais : ( 1 ) « Je suis fermement décidé, a souligné avec force le Premier Ministre, à prendre les mesures nécessaires pour faire respecter l'ordre. » Monsieur le Ministre De Schrijver, interrogé par l'agence Belga, à Léopoldville (2) délivre au gouvernement congolais, ce certificat de légitimité sur lequel les autorités belges pourraient difficilement revenir : « Toutes les institutions sont mises en place, à l'issue d'élections démocratiques au suffrage universel. Il y a peu de pays qui accèdent à l'indépen~ dance dans de pareilles conditions. » Et la Libre Belgique, elle~même, qui, dans quelques jours, va injurier le Premier Ministre à longueur de colonnes, lui décerne cet éloge: (3) « M: Lumumba est un bûcheur : Il comprend vite les problèmes, expédie rapidement les affaires courantes, .. »
*** L'avenir se présente sous les meilleurs auspices. La Conférence des Etats Africains indépendants, réunie à Addis~Abeba envoie au Secrétaire Général de l'O.N.U. un télégramme manifestant combien elle est attentive à l'unité du Congo (4). (1) (2) 1960. (3) (4) 1960.
Le Soir du 30 juin 1960. La Cité du 27 juin 1960. Le Courrier d'Afrique du 27 juin Le 7 juillet 1960, sous la signature de J.K. Le Drapeau Rouge du 23 juin 1960. Le Soir du 23 juin
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« La Conférence de Sécurité informe collective~ ment Votre Excellence qu'elle est disposée à sou~ tenir de tout cœur toute mesure que vous jugeriez, en consultation avec le Conseil de Sécurité, néces~ saire de prendre pour aider le peuple du Congo à préserver son intégrité territoriale. » Il n'est pas jusqu'au Souverain Pontife lui-même, SS le Pape Jean XXIII. qui, dans son message à la République naissante, n'apporte ses vœux à l'unité du Congo (1) : « Vous prierez enfin pour que l'union de votre Peuple demeure et se consolide. » (2)
( 1) (2) Joseph de leur
Cité du te. juillet 1960. De bons catholiques comme le Vicomte Terlinden et M. Pholien ont dû, pour une fois, refuser de s'unir aux prières Eglise.
Le discours du Premier Ministre Lumumba D'aucuns feignent d'y voir l'une des causes de la mutinerie de la Force Publique, l'origine de la détéri~ ration des rapports entre les belges et les congolais, la première étape d'un plan démoniaque ... Le Soir (1) y dénonce « une incartade », un « flot de grossièretés et d'injustices », une « cascade d'injures et d'accusations scandaleuses ». « Vers l'Avenir ». accusera M. Lumumba d'avoir prononcé des « paroles odieuses ». Et la Dernière Heure appellera le discours « un suicide international ». Ce fut un concert dans la presse et chez les hommes politiques belges. Bien des gens, sans doute, qui vitupérèrent alors le Premier Ministre du Congo le faisaient de confiance et n'avaient pas lu son discours. Avec le recul, nous ne voyons rien à modifier à ce que nous disions de ce texte dans l'article que nous consacrions au gouvernement congolais, le 7 juillet 1960 (2) . « Il suffit de lire le discours du Roi des Belges pour se rendre compte que conçu comme un dithy~ rambe unilatéral et sans nuance, pour le fond, comme une admonestation paternelle à des enfants trop tôt emancipés, pour le ton, il n'était audible pour un nationaliste comme M. Lumumba qu'à la condition d'être un des volets d'un diptyque. Si le discours royal avait contenu, à côté de l'éloge de l'œuvre des Belges au Congo, quelques réserves au sujet des abus commis et des libertés violées, si le tableau avait été quelque peu balancé, (1) Du 2 Juillet 1960. (2) Numéro spécial 2&-27 de « Remarques Congolaises ••
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Le; discours du Premier Ministre Lumumba sans doute, M. Patrice Lumumba aurait~il pu s'abstenir d'y apporter des retouches. Mais après un éloge si absolu qu'il rendait pro~ prement incomprehensible le désir d'indépendance des Congolais et après que le Souverain eût dit aux représentants du peuple congolais, à la face du monde: « C'est à vous, Messieurs, qu'il appartient maintenant de démontrer que nous avons eu raison de vous faire confiance. » il était impensable que M. Patrice Lumumba ne mette pas les choses au point et n'énumère lui aussi, à la face du monde, quelques~unes des raisons justifiant le besoin d'in~ dépendance du peuple congolais. Le discours du Premier Ministre fut certes aussi unilatéral que l'homélie du Roi. Encore peut~on lui en faire plus difficilement le reproche puil';qu'il est constant qu'avant son dis~ cours et après, il a, à de nombreuses reprises, et dans des termes sans équivoque, rendu à l'œuvre des Belges au Congo l'hommage qu'elle méritait, alors qu'on ne pourrait certainement pas citer une seule parole du Roi des Belges impliquant la plus petite réserve concernant certains aspects, pour le moins déplaisants, de notre occupation colonialè. La seule question qui se pose est dès lors de savoir si les griefs formulés par le Premier Minis~ tre du Congo sont fondés ou injustes. A cet égard,· M. Patrice Lumumba peut atten~ dre avec sérénité l'historien du Congo qui contre~ dira, sur un seul point, le sévère inventaire qu'il a dressé. Il ne s'en trouvera pas, - en dehors des hagio~ graphes de service, - un seul pour nier qu'au cours des 80 ans de régime colonial : 1) les noirs ont été contraints à des travaux harassants pour des salaires insuffisants. Il suffit de rappeler à cet égard les abus, aux~ quels donnèrent lieu la récolte du caoutchouc et le portage, par exemple;
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2) Les Congolais ont « connu les ironies, les insultes, les coups » parce qU'ils étaient des nègres. La chicotte était encore prévue dans des textes législatifs de 1941, pour les « indi~ gènes» relégués. Certaines insultes, qu'il n'est point nécessaire de rappeler sont encore dans toutes les mémoires. Les Blancs en étaient arrivés à oublier leur caractère insultant, tant elles étaient monnaie courante. Quel est par ailleurs le colon qui niera, qu'il tutoyait les Noirs, quel que soit leur âge ou leur qualité? 3) Les Noirs ont été « spoliés » de leurs terres au nom de textes prétenduement légaux ». Il n'est plus personne aujourd'hui qui admette le principe de la vacance des terres, à la faveur duquel l'autorité coloniale a procédé à des ces~ sions et concessions de territoires. Les terres cédées et concédées n'étant pas vacantes, c'est qu'elles appartenaient à des Congolais. Ceux~ci ont donc été spoliés. Cela semble indiscutable. 4) La loi n'était pas la même selon qu'il s'agissait d'un Blanc ou d'un Noir. La lecture des codes en témoigne et le Ministre du Congo Belge n' a~t~il pas reconnu que ces textes discrimina~ toires étaient si nombreux qu'après plusieurs mois, et malgré le travail forcé d'une commis~ sion de juristes, on n'était pas parvenu à les supprimer tous! ... 5) Les Congolais ont connu les souffrances atro~ ces des relégués pour opinions politiques ou croyances religieuses ... et ceux~ci « exilés dans leur propre patrie », « leur sort était vraiment pire que la mort même ». M. Patrice Lumumba a~t~il exagéré en stigmatisant ainsi l'abomi~ nable répression du Kibangisme, du Mpa~ disme, de la Kitawala pour laquelle la Belgique
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officielle n'a pas encore exprimé jusqu'ici le plus discret des regrets. 6) Le contraste entre les somptueuses demeures des Blancs· et les paillottes des Noirs était éclatant. Bien plus, celui que nous nous obsti~ nons à considérer comme le plus grand gou~ verneur du Congo, n' avait~il pas pris, il y a moins de 20 ans, des décrets interdisant aux Noirs de résider dans les cités blanches, bâties sur leurs propres terres. II s'inspirait sans doute de l'exemple de ces concessions européennes en Chine où on lisait à la grille des Parcs des écriteaux qui en interdisaient l'accès « aux chiens et aux Chinois ». Et qui, de nos coloniaux, oserait nier que jusqu'il y a quelques mois, les Noirs « n'étaient admis ni dans les cinémas, ni dans les restau~ rants, ni dans les magasins dits européens ». 7) II suffirait de rappeler la répression de la muti~ nerie de Luluabourg, en 1944, pour justifier M. Patrice Lumumba d'avoir rappelé les « fusillades, où périrent tant de ses frères ». Puisqu'à la faveur de cette seule répression, en dehors de leurs complices civils qui furent pen~ dus, plus de cent soldats furent fusillés, sous les ordres des officiers même qui les avaient arrêtés, jugés et condamnés à mort. Non certes, le Premier Ministre du Congo n'a pas menti. Il n'a même pas exagéré. Et si un jour une commission d'historiens con~ go lais dépouillait les archives de la répression coloniale, - à supposer qu'un administrateur pré~ voyant ou les termites ne les aient pas détruites à la veille de l'Indépendance, - il est probable que l'histoire qu'ils écriraient serait plus tragique que le bref et sobre tableau dressé par M. Lumumba. Il était bon, que cet abcès fût crevé, au jour 1 de l'Indépendance congolaise.
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La douche glacée infligée par le Premier Minis~ tre du Congo à nos représentants officiels était un traitement plus sain que l'aspersion à l'eau de rose à laquelle ils croyaient pouvoir s'attendre. Nous n'avons pas cessé de le proclamer: Il faut reconnaître ses torts si l'on veut en faciliter r oubli, si l'on veut bâtir une amitié durable. Nous n'avons pas reconnu nos torts. Il fallait dès lors qu'on nous les rappelle une bonne fois. La vérité est toujours utile - La dire c'était déjà prouver qu'on était libre Maintenant qu'elle est dite, on peut passer l'éponge, on peut construire une amitié dans la liberté et r égalité. La vérité est une base plus solide que le malen~ tendu, le mensonge ou la restriction mentale. Il était clair qu'après cette libération, dont les Congolais comprenaient toute la portée, M. Lumumba ne devait pas faire effort pour ren~ dre, dans la même journée, à la Belgique et à son Roi l'hommage qui leur étaient dus. Que la Belgi~ que ait, finalement, mis au point, à la Table Ronde de janvier 1960, un processus de décolonisation dont il n'est pas d'exemple, sans doute, dans rhis~ toire; qu'elle ait respecté complètement et appa~ remment sans restriction, les engagements qu'elle a pris, doit lui valoir la reconnaissance du peuple Congolais et le respect des nations - la générosité de son abandon final doit compenser dans une grande mesure les erreurs, les abus et les excès du passé. Le Président du Conseil Congolais pouvait donc, l'après~midi, sans se contredire, rendre hom~ mage à la Belgique qu'il avait stigmatisée le matin. Toujours au nom de la vérité, parce que toute œuvre humaine présente de multiples aspects. Le fait qu'il n'ait pas ignoré les aspects néga~ tifs qu'ont hélas présentés dans le passé nos rap~ ports coloniaux avec son pays, donne plus de
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valeur véritable et plus de prix au souhait qu'il a formulé finalement, de voir s'établir « une colla~ b~ration durable et féconde entre nos deux peuples desormais égaux et liés dans l'amitié ». S'il est exact que ce discours apparut comme révé~ late?r _au~ yeu~ d'un grand nombre de Belges (1), habitues a la legende dorée des manuels scolaires et de~. re~ations d~ missionnaires, il est puéril d'imaginer qu Il aIt pu aV01r une influence explosive sur les popu~ lations noires. . Si le.s ,Belges ignoraient tout ce qu'a rappelé le Pre~ mler MInIstre Lumumba, il tombe sous le sens que les congolais ne partageaient pas cette ignorance. Ils, conn_aissaie~t, évidemment, tous les abus passés que 1 on denonçaIt, pour en avoir été, eux, ou leurs parents, les victimes. Nous avons rencontré, en Belgique même, de nom~ breux congolais, dont certains étaient d'excellents catholiques, - certains même étudiants à l'Université de Louvain. - Ils nous ont parlé, des larmes dans les yeux, qui de son père, qui de son grand~père maternel mort en relégation, après 15, 17 ans d'exil, pour crime de religion kibangiste. Rappeler les injustices dont les leurs avaient été les victimes, loin de les exciter, prenait un caractère d'exorcisme. Sommes~nous assez naïfs pour imaginer que les cent mutins fusillés au Kasaï en 1944 n'avaient ni père, ni mère, ni frères, ni sœurs, ni épouse, ni fiancée ni amis? • 1944! Est~ce si loin? Ne nous rappelons~nous pas comme si c'était d'hier la libération de Bruxelles. le Palais de Justice qui fumait, toutes nos dernières crain~ tes et nos premières joies? Pensons~nous vraiment que les Noirs aient la mé~ moire plus courte? (1) Au point qu'ils considerèrent a priori comme injustes et faux ,tous et chacun des rappels faits par M. Lumumba,
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Et que les milliers de congolais convoqués par le Procureur du Roi de Luluabourg pour assister à l' exé~ cution spectaculaire d'une vingtaine de mutins et écou~ ter le discours que ce magistrat avait préparé et qu'il prononça, en toge, devant le front des futurs suppliciés, n'ont plus, dans les yeux, après 16 ans. l'horreur de cette scène? Si nous avions été. en 1944, témoins d'un tel spec~ tacle, l' aurions~nous oublié? Et tous les Congolais n'avaient~ils plus le souvenir du tutoiement que les Blancs leur imposaient sans pos~ sible réciprocité? Et des longues attentes devant le guichet où on les servait avec mépris quand les dames à la peau blanche avaient terminé leurs emplettes, à l'intérieur du magasin? Un homme de cœur comme le Ministre V an Hemel~ rijck avait ressenti avec un malaise quasi~physique, quand il en fut témoin, tout l'odieux de tels usages. Pensons~nous que les Noirs qui les subissaient y étaient indifférents? Inutile de continuer cette énumération. Les Congo~ lais en entendant le discours de leur Premier Ministre n'ont rien appris. Loin de les inciter à une révolte, ce discours a dû les « décomplexer », leur prouver, mieux que par des textes, qu'ils étaient vraiment libres et que tous ces abus, dont eux et les leurs avaient souffert, étaient pour toujours révolus.
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M, Victor Larock, dans un éditorial du Peuple (1) avait vu clair : « Il ne faut pas trop compter sur leur gratitude. Les injustices, communes à tout régime de coloni~ sation, laissent généralement plus de souvenirs que les bienfaits. » (1) Le 28 juin 1960.
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Et renvoyé spécial de la Libre Belgique relatait ce dialogue de sourds qu'à la veille du 30 juin poursui~ vaient un Blanc et un Noir (1). « Le colon voulait que le sénateur témoignât quelque gratitude aux Européens pour le bien qu'ils ont fait à ce pays, et le sénateur voulait que le colon reconnut que toute l'œuvre belge n'avait pas été strictement désintéressée. Ils s'ob~ stinaient donc dans cette discussion vaine où s'opposaient la méfiance et la présomption. Beaucoup d'Européens ne veulent pas com~ prendre qu'il n'y a pas lieu d'espérer de gratitude débordante. » Un tel texte constitue évidemment la critique anti~ cipative du discours royal.
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** Lorsque M. Albert Kalonji envoya au Roi des Belges son télégramme d'excuses, dont la platitude dut gêner même son destinataire, un député parmi d'autres que son geste indigna, M. Thiskihu lui répondit: (2) « II (M. Kalonji) qualifiait le discours du Pre~ mier Ministre d'insultes et d'excitation. Or, il est de notre devoir, nous, les Elus de la Nation, d'exprimer les mobiles qui nous ont poussés à réclamer cette indépendance immédiate. Car, c'était un moment historique. Personne n'ignore que les Belges nous ont aidés et que c'est suite à cette compréhension réciproque que nos deux pays amis renforceront les vrais liens d'amitié et cela' tout en rejetant les flatteries. ai la conviction que le discours du Premier Ministre ne vise pas la personne du Roi mais le colonialisme. »
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*** (1) Libre Belgique du 30 juin 1960. (2) O>urrier d'Afrique du 6 juillet 1960.
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Le discours du Premier Minlstre Lumumba « Le Général Janssens, comman:d.antde la F. dépend dorénavant, précise~t~on rue de la Loi gouvernement congolais et plus spécialement M. Lumumba, Ministre de la Défense Nationale Congo» (1).
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Curieuse conception de la dépendance que celle de ce général qui, au lendemain du 30 juin, va se permettre de censurer son ministre, comme s'il entendait, dès le début, « mettre ce nègre au pas » et l'inviter à ne plus faire de discours, dorénavant, sans lui en soumettre le texte au . préalable. Un document comme celui que le Soir (2) a livré à la publicité accrédite sans nul doute l'idée que le général. maître de la seule Force armée existant au Congo, espérait, en s'appuyant sur cette force, comman~ der lui~même au gouvernement congolais. Et qu'il comp~ tait enfin réaliser, à la faveur de la faiblesse du gouver~ nement congolais, ce rêve que l'administration coloniale ne lui avait pas permis de vivre : être le seul maître du Congo. Voici cette lettre extraordinaire adressée le 5 juil.. let 1960 par le Général J anssens au Premier Ministre, M. Lumumba: « J'ai l'honneur d'attirer respectueusement votre attention sur la question du moral de la Force Publique et de porter à votre connaissance que si l'on continue à faire certaines déclarations et à poser certains actes, les pires réactions sont à craindre de la troupe. Je tiens à insister sur ce point et répète for.. mellement et solennellement que si l'on continue à employer des méthodes déraisonnables et incom~ patibles avec r esprit et la discipline militaire, nous allons vers une catastrophe. La déclaration faite le 30 juin 1960 par Mon~ (1) Le Peuple 2-3 juillet 1960. (2) Du 20 août 1960.
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sieur le Premier Ministre, lors de la séance solen~ nelle du Parlement, a étonné le cadre et la troupe. Le communiqué diffusé à la radio le -4 juil~ let au soir (1) a jeté le trouble parmi nos hommes. La lettre cHointe (2) émanant de Monsieur Nyembo, secrétaire d'Etat à la Défense nationale est un defi à toutes les règles de discipline. ' Ajoutons à cela que l'augmentation des désor~ dres publics depuis le 1er juillet a entraîné dans nos rangs la déception et l'étonnement, parce que ?o~s ~roYions tous que le gouvernement congolais JOUIrait d une totale popularité. De tout cela, il résulte que l'on est en train de porter dangereusement atteinte à l'efficacité de l'armée congolaise au moment où le pays en a le plus pressant besoin, Comme je n'ai l'habitude, ni de me contredire ni de me répéter, je me permets de vous prie~ respectueusement de considérer ceci comme un dernier et solennel avertissement. Le Commandant en Chef. ( s. ) Janssens Lieutenant Général. Cette lettre se passe de commentaires. Le moins qu'on en puisse dire est que si elle avait été suivie ( 1) Voici le texte de ce communiqué : . «I1,.a été c.onstitué 4 commissions chargées notamment : - de 1 elaboratlOn du nouveau statut des fonctionnaires de l'Etat. , - de I:~tude de la réforme judiciaire; - de 1 ~tude de la nouvelle structure administrative du Congo; - de 1 étude de la nouvelle organisation de l'armée congolaise, Les nouvelles réformes 'envisagées auront pour but de supprimer toute trace de discrimination raciale dans les matières précitées. Elles entreront en application aussitôt que les commissions auront déposé leurs conclusions. (2) Note. à ~, Delestienne. «Prière de ~ien vouloir m'envoyer ~M. Baroko Clement et Kasapo Crispin d urgence demain 5-7-60 a .15 h~ures. Avec mes remerciements. (s). Niembo, Albert, SecrétaIre d Etat à la Défense Nationale. Léo le 4-7-60 N.B. - L'adjudant Delestienne est le chef 'des d~ux militaires Barokô et Kasapo.
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d'une révocation immédiate du général (ce qu'on ignore encore à l'heure actuelle) celui~ci, sollicitant en Belgique sa « compénétration » pourrait difficilement nier s'être mis, lui~même, dans des conditions rendant impossible la continuation de sa carrière au Congo jusqu'à son terme normal...
*** Mais le peuple, le bon peuple congolais ignore les velléités de dictature du chef des Janissaires et les difficultés que ce bouillant général donne à son Premier Ministre, Le peuple congolais est tout entier à la joie de son indépendance. Belga et l'Associated Press câblent ensemble (1) : « Le calme règne dans toute la province et partout Congolais et Européens fraternisent dans une atmosphère pacifique, « Tout le monde a: perdu ses complexes (2). oublie les discriminations mais chacun obéit aux ordres. » J.K. se souvenant des anciens matches de football de Léopoldville où, très souvent, de nombreuses voitu~ res d'Européens se faisaient cabosser pendant que leurs occupants étaient gratifiés de quelques horions, a assisté, avec 70.000 congolais, à un grand match au Stade Baudouin. II câble à La Libre Belgique (3) son enthousiasme : « ... dans cette foule immense, pas le moindre geste d'hostilité à l'égard de quiconque, au con~ traire, une gentillesse souvent empressée à l'égard des Européens ... »
(1) (2) masses, (3)
Peuple 2-3 juillet 1960. Si le discours du ,Premier Ministre a eu un effet sur les ce ne peut être. nous r avons vu que celui-là, Les 2-3 juillet 1960.
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« Peu avant 6 heures, la foule s' écoula paisi~ blement, sans le moindre incident, témoignant fré~ quemment sa sympathie aux Européens qui pas~ saient. » Et le même envoyé spécial J.K. écrira dans son journal (1) ces lignes qui ne laissent aucun doute sur la parfaite réussite de l'indépendance dans la psycho~ logie du peuple congolais : « Toute la foule congolaise avait la joie dans le cœur et l'on mesurait la puissance de ce mot d'indépendance. Les Noirs travaillent comme avant, mais ils rient davantage. L'indépendance c'est un sentiment qui embaume leur âme de bons Noirs. Ils ne savent trop ce que c'est, ils ne se doutent pas que ce sera décevant en beaucoup de maniè~ res, mais même quand ils le sauront, l'indépen~ dance leur restera chère.
Rien n'a changé, sauf les sourires luisant dans les faces noires, les milliers de sourires revenus sur les faces congolaises, c'était le plus beau des feux d'artifice. » A l'heure même où cette Libre Belgique était distri~ buée dans les demeures confortables de ses abonnés, en même temps que les petits pains frais du déjeuner matinal. M. le Premier Ministre Lumumba se rendait, le front soucieux, au Camp Léopold où venaient de surgir des difficulté1? dont personne encore ne pouvait suppu~ ter les conséquences.
( 1) Le 6 juillet 1960.
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DEUXIEME PARTIE
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La mutinerie de la F oree Publique
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« Peu avant 6 heures, la foule s'écoula paisi~ blement, sans le moindre incident, témoignant fré~ quemment sa sympathie aux Européens qui pas~ saient. » Et le même envoyé spécial J.K. écrira dans son journal (1) ces, lignes qui ne laissent aucun doute sur la parfaite réussite de l'indépendance dans la psycho~ logie du peuple congolais : « Toute la foule congolaise avait la joie dans le cœur et r on mesurait la puissance de ce mot d'indépendance. Les Noirs travaillent comme avant, mais ils rient davantage. L'indépendance c'est un sentiment qui embaume leur âme de bons Noirs. Ils ne savent trop ce que c'est, ils ne se doutent pas que ce sera décevant en beaucoup de maniè~ res, mais même quand ils le sauront, l'indépen~ dance leur restera chère.
Rien n'a changé, sauf les soutires luisant dans les faces noires, les milliers de sourires revenus sur les faces congolaises, c'était le plus beau des feux d'artifice. » A l'heure même où cette Libre Belgique était distri~ buée dans les demeures confortables de ses abonnés, en même temps que les petits pains frais du déjeuner matinal. M. le Premier Ministre Lumumba se rendait, le front soucieux, au Camp Léopold où venaient de surgir des difficulté~ dont personne encore ne pouvait supputer les conséquences.
(1) Le 6 juillet 1960.
DEUXIEME PARTIE
La mutinerie de la Foree Puhlique L'intervention militaire belge
Séance de la Chambre des Représentants du jeudi 14 juillet 1960. M. le Premier Ministre Eyskens. « Faut~il dire que le Gouvernement déclare devant cette Chambre unanime, sauf, et j'en regarde deux là~bas (les deux députés communis~ tes) les représentants d'un régime d'une bestialité cynique, son indignation. (Applaudissements.)
L'effondrement de la Force Publique n'est pas le fait du hasard. Elle a été longuement préparée. Un pays libre comme le nôtre devient facilement l'objet de ce genre de manœuvres. » M. Wigny, Ministre des Affaires Etrangères. « rai aussi reçu un papier qui me confirme dans mon opinion que tout cela ne vient pas du Congo lui~même. Qui se ressemble s'assemble. »
Libre Belgique, 15 juillet 1960.
Chronologie de la mutinerie « Nous sommes les victimes d'un plan diabo~ lique prémédité.
Car comment expliquer sinon que le premier coup eût été porté par cette Force Publique que tout le monde admirait. Dans la désorganisation, certains ont réussi à chasser tous les blan'cs. Tout ce dessein a été poursuivi non pas par tout le Gouvernement mais par un ou deux hommes, dont l'un avait en mains la radio. Préméditation ? Les indices sont nombreux. Il y a l'affaire du cargo polonais, notamment. M. Wigny, Ministre des Affaires Etrangères de Belgique. Séance du Sénat du 19 juillet. Libre Belgique, 20 juillet 1960.
Le mardi 5 juillet. Tout a commencé à Léopoldville, au Camp Léopold II, le mardi 5 juillet, vers la fin de l' après~midi. C' est l'Etat~major de la Force Publique qui communique lui même (1) que : « Dans la soirée ... quelques dizaines de mili~ taires ... ont manifesté bruyamment leur mécon~ tentement. L'intervention de leurs officiers et sous~offi~ ciers et celle des autres militaires a permis de ramener le calme dans le camp où la nuit s'est passée sans autre incident. » Le motif de l'agitation, c'est « le mécontente~ ment des militaires qui posent des revendications en matière d'avancement et de rémunération (1). » Pour la Libre Belgique (2) : « Les revendications des soldats pourraient semble~t~il, se résumer en ces points : 1. mécontentement au point de vue de la solde. 2. mécontentement au point de vue des promo~ tions. 3. Désir d'évincer les officiers belges, ceux~ci devant être remplacés par des officiers congo~ lais (il n'yen a pas) lesquels seraient assistés par des « officiers techniciens » blancs. Pour Le Peuple (3) : « La F. P. a bougé pour deux raisons essen~ tielles. D'abord parce que les hommes ont mal pris une proclamation du général Janssens leur disant que, pour les soldats, il n'y a pas d'indépendance seul compte le devoir! (1) Courrier d'Afrique du 6 juillet 1%0. (2) Du 7 juillet 1960. (3) Des 9~1O juillet 1960.
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Ensuite, parce que dans leur grosse majorité, ce sont des Bangala, déçus de voir leur leader Bolikango, écarté de toute responsabilité impor~ tante :.. La Cité (1) constate aussi ce désir d'un autre Mi~ nistre de la Défense Nationale que M. Lumumba, en l'espèce, M. Bolikango. « Ce serait donc l'indication d'un mécontente~ ment à l'égard du chef du gouvernement auquel on reprocherait aussi d'avoir songé à intégrer des militaires européens dans son cabinet. » Ce journal retient également les « revendications des militaires à propos des grades et des soldes » et ajoute: « Certains n'excluent pas l'influence d'agita~ teurs. » Mais étant donné r orientation du mouvement orientation qui se précisera davantage le mercredi matin, - Le Peuple (2) fait allusion, à : « Certaines manœuvres d'aventuriers blancs qui veulent la chute du gouvernement Lumumba. » Le camp Léopold II de Léopoldville et le Camp Hardy de Thysville sont en liaison téléphonique. Le mouvement de mécontentement qui a pris nais~ sance à Léo, dans la soirée va se propager à Thysville, vers 10 heures du soir. Les officiers du Camp sont mis en état d'arrestation. Le Commissaire de district des Cataractes, M. Willy Carels, a fait un récit très complèt et très précis de la mutinerie à Thysville (3). Il faut sans cesse s'y référer. « .On distingue fort bien dès ce moment, écrit~il en relatant la situation à 5 h. 30 du matin, qu'il y a eu deux sortes de mutins : les « disciplinés » ( 1) Du 7 juillet 1960. (2) Des 9~10 juillet 1960. (3) Soir du 21 juillet 1960.
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et ... les « crapules»! Ce sont ceux~là qui sont allés à Inkisi et à Madimba. » Au cours de la nuit, en effet, ces « crapules », - une petite minorité, - se sont livrés à des excès qui n'ont rien de commun avec les revendications de l'ensemble de la troupe. A Thysville même, ils se sont contentés de désha~ biller des assistantes sociales et des institutrices du Camp. Mais les choses en sont restées là. S'il y a eu des scènes immorales il n'y a pas eu de viol. Malheureusement ces quelques voyous ont pu s'em~ parer de jeeps. Ils vont se rendre à Inkisi, Madimba et Mbanza~Boma pour continuer l'orgie interrompue. Pour le récit de leurs sinistres exploits, il faut recou~ rir à la relation faite à l'agence Belga par un agent terri~ torial (1) que nous reproduisons presque intégralement ci~dessous.
Le mercredi 6 juillet. La mutinerie va se développer sur deux théâtres et prendre des caractères absolument différents.
1. Dans la région de Thysville. A Inkisi, vers 5 heures du matin, une jeep venue du Camp Hardy sème la révolte chez les soldats cantonnés dans la ville. A 7 heures, le lieutenant, commandant le peloton, est désarmé. Les munitions sont réparties entre les mutins. A 8 heures, ils tirent des coups de feu sur la maison <lu régional pour obtenir la clef de la chambre forte où se trouvent les munitions. Ensuite tous les Européens du poste sont incarcérés. La femme d'un territorial est entraînée dans une cham~ bre à l'écart et est violée à plusieurs reprises. (1) Libre Belgique 8 juillet 1960. Peuple 8 juillet 1960. Cité 8 juillet 1960. Courrier d'Afrique 9~1O juillet 1960 sous le titre « selon l'agence Belga ». La presse de Léopoldville n'avait pas ·publié de récit des événements.
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A 9 h. 30, des militaires dans deux jeeps, font l'inspection des maisons pour rechercher les armes. A la fin de la matinée, nouvelle visite des mutins qui arrêtent d'autres personnes et un voyageur européen venu de Léopoldville. A Madimba, les mêmes soldats arrivent au début de l'après~midi. Deux voitures blindées venues de Léo~ poldville sont tombées dans une embuscade. Les deux lieutenants sont arrêtés. A Mbanza~Boma, un groupe de soldats venus de Madimba se présente chez les religieuses où la plupart des femmes des territoriaux et des européens du poste se sont réfugiées. Ils perquisitionnent le couvent. Une femme européenne est violée par quatre soldats. Les autres sont menacées. Vers 16 heures, le mari de la femme violée, le matin, est libéré. Un peu plus tard, Monsieur Diomi, Vice~Président du gouvernement provincial de Léopoldville, libère tous les autres détenus. A 18 heures le même monsieur Diomi arrive au Camp Hardy à ThysvilIe, en compagnie de M. Kiso~ lokela (1), fils du prophète Simon Kimbangu. Ils obtiendront la libération des officiers du Camp, M. Diomi veille à rembarquement dans le train et à la protection de tous les européens de la région, qui en ont exprimé le désir. Ce train des réfugiés partira le 7 juillet, à 16 h. 20 pour Léopoldville (2). A Thysville tout est renré dans l'ordre, et le com~ missaire de district décidera de rester sur place, en compagnie du conseiller d'ambassade Marchal et de 152 européens. (1) Ministre d'Etat dans le gouvernement de M. Lumumba. (2) Cité du 8 juillet 1960.
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A Madimba, malheureusement, les choses vont se gâter de nouveau dans la soirée. De nouvelles inspections ont lieu, sous la menace. Vers 23 heures, des militaires partent pour Mbanza Boma « chercher des femmes ». V ers une heure du matin, un camion et une voiture arrivent au pensionnat. Les soldats terrorisent les reli~ gieuses à la chapelle et emmènent deux jeunes filles. Ils les abandonneront" quatre kilomètres plus loin, après les avoir fait se dévêtir, mais sans abuser d'elles (1). Ceux qui, dans la région de Madimba~Inkisi ont tenu jusque~là et n'ont pas pris le train de M. Diomi, forme~ ront une colonne de voitures pour se réfugier dans la capitale où ils parviendront dans la journée du 7. Le territorial termine comme suit son récit à l'agence Belga : « Ce matin, nous avons enfin pu regagner Léopoldville par la route. Des scènes analogues à celles décrites se sont produites un peu partout à Inkisi notamment et à Thysville. » Nous demandons notre rapatriement immédiat et nous demandons que le gouvernement belge prenne les mesures qui s'imposent pour ramener immédiatement en Belgique tous ceux qui veulent partir. » On comprend l'extrême nervosité de l'auteur de ce récit si l'on considère que c'est très probablement sa femme qui a été la victime de viols répétés. Nous savons par le ~apport du commissaire de dis~ trict des Cataractes qu'il n'y a pas eu de viols à Thys~ ville, les 5 et 6 juillet (2). y en a~t~il eu dans la région d'Inkisi en dehors de ceux que le territorial rapporte dans son récit? Nous ne pouvons ni l'affirmer ni l'infirmer. (1) L'ensemble du récit qui précède est une synthèse de la relation de M. Caerels et de celle du « territorial» à l'agence Belga. (2) Soir 21 juillet 1960.
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~a press~, en t?ut cas, n'apporte aucune précision à c~t egar~ bIen qu elle donne des détails au sujet des reperCUSSlOns de la mutinerie dans la région du BasCongo. A Kimpese,
« Des soldats ont réuni r ensemble de la population européenne au centre du poste, pour réclamer le dépôt immédiat des armes. Après les avoir réquisitionnées, ils ont quitté la place pour se rendre dans le poste voisin. » (1) A ~u~ala, le personnel de la cimenterie a subi. quelques seVIces . « Toutes les armes ont été réquisitionnées » ( 1) . A Zongo, le personnel de la centrale a souffert les mêmes désagréments. Il enverra, d'ailleurs, dès le lendemain, une délégation auprès du Premier Ministre pour le menacer d'évacuer la Centrale. « Si le personnel n'est pas protégé par les autorités » (2). Pour être complet, ajoutons qu'un journal français (3) relate qu'« ailleurs », les mutins : « Ont pr~cipité dans un ravin, le matériel agricole lourd d une grosse société foncière. A Inkisi, un employé au pipe-line a dû être évacué par hélicoptère, parce qu'il était menacé, mais un peu P~~s t.ard d~l1S la journée, les hommes du pipe-Hne réfugIes a la cImenterie de Lukala ont pu regagner leurs installations (4). . A M,a~adi, où un administrateur congolais de territOIre a ete nommé, un commissaire belge a été arrêté sur son ordre (5). Sans doute les rumeurs les plus (1) Cité 8 juillet 1%0.
(2) (3) (4) (5)
Cité du 8 juillet 1960. Le Monde du8 juillet 1%0. Cité du 7 juillet 1%0. Libre Belgique du 7 juillet 1960.
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sinistres se répandent, comme si la réalité n'était pas déjà assez pénible. « Les nouvelles en provenance du Bas Congo, écrit la Libre Belgique (1) font état d'un nombre très important de morts, mais il est impossible en ce moment d'obtenir confirmation. » Mais renvoyé spécial de La Libre Belgique démentira cette rumeur. « Aucun Européen tué» câblera-t-il (2). Et c'est lui qui a raison. Il n'y a pas un mort. II. A Léopoldville. Pendant ce temps, la mutinerie a suivi un tout autre déroulement dans la capitale. Le matin du 6 juillet, à 7 h. 30, le Premier Ministre M. Lumumba entre au camp militaire (3). La Libre Belgique rendra pour la première et la dernière fois justice au Chef du Gouvernement congolais (4). Elle reconnaît qu'il fait ce qu'il peut pour calmer, pour réprimer la mutinerie. J. K. précise : « M. Lumumba ne put se faire entendre lorsqu'il se rendit à la caserne pour tenter d'apaiser les esprits. Sa voiture fut bousculée et il fut conspué. Il dut battre en retraite (4). Dans son message aux troupes, M. Lumumba leur promettait »des améliorations sensibles à leur situation sociale. » En attendant r élaboration du nouveau statut de r Armée, il annonçait la promotion de tous les gradés et soldats à un grade supérieur. « La nouvelle réforme envisagée pour l'Armée, (1) Du 7 juillet 1960. (2) Le 8 juillet 1%0.
(3) Courrier d'Afrique le 6 juillet 1%0. (4) Le 7 juillet 1%0.
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Chronologie de la, mutinerie promettait~il,
supprimera toute trace de discrimina~ tion raciale parmi les militaires. » Il rappelait aux soldats la nécessité de la discipline et « que les représentants du Gouvernement parmi eux sont leurs officiers, leurs sous~officiers et leurs gradés, lesquels ont prêté le serment de servir notre pays avec loyauté (1). » Ce langage n'a pas satisfait les militaires. . Une partie des troupes quitte la caserne sans armes mais en tenant le ceinturon à la main. Les barrages de police sont impuissants à arrêter les soldats. Ils se dirigent vers l'ancienne l'ésidence du Premier~,Ministre, au Boulevard Albert (1). « Le Premier~Ministre ne s'y trouvait pas. Les manifestants s'en prirent aux policiers de garde. Ils s'en prirent également à quelques pas~ sants européens et à certaines voitures sans que ces incidents prennent un caractère systématique. » Les manifestants se dirigent vers le Palais de la Nation. Ils sont arrêtés devant les portes gardées par les gendarmes. Ils vont molester le Commandant du Palais, puis un commissaire de police. Ils empêchent les photographes de presse de prendre des photos.
Un fusil enlevé à la gendarmerie est remis à la police. V ers 1 h. 30, une délégation de militaires est reçue par le Président de la République, M. Kasavubu. Le Ministre des Affaires Etrangères, M. Bomboko parlemente avec les manifes'tants. Vers Il h. 30, il obtient qu'ils Se retirent.
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A 12 h. 30, le Premier~Ministre et Ministre de la Défense Nationale fait une déclaration à la radio. Il (1) Courrier d'Afrique du 6 juillet 1960.
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y annonce les premières décisions prises par le Gou~ vernement (1). « 1) Des promotions seront faites incessam~ ment dans l'armée en faveur des congolais. 2) Des mesures seront prises contre des offi~ ciers et sous~officiers européens que le Gouverne~ ment considère comme responsables des troubles. 3) Le Premier~Ministre a eu, à ce sujet, un entretien avec M. Van den Bosch, ambassadeur de Belgique. 4) Les militaires arr-êtés seront libérés immé~ diatement. Notre objectif. a dit M. Lumumba, est de con~ fier, à des congolais des postes de commande dans l'Administration, l'Armée et la Police et de prou~ ver ainsi que le Congo est réellement « indépen~ dant. » Entretemps, la communication par liaison radio avec Thysville, qui était coupée depuis deux heures du matin, est rétablie. Le Gouvernement apprend les troubles du Camp Hardy. MM. Kamitatu et Diomi, président et vice~prési~ dent du gouvernement provincial partent immédiatement. Nous connaissons déjà le rôle joué par M. Diomi en faveur des réfugiés de Madimba, Inkisi et Thysville. Le Président de la République et le Premier Ministre partiront eux~mêmes pour Thysville dans r après~midi. du 6 juillet à 17 heures. M. Lumumba a d'autant plus de mérite à entrepren~ dre ce voyage que « de bonne Source on apprend que les mutins de Thysville ont menacé de tuer Lumumba s'il se pré~ sente devant eux (2). » D'autre part, une colonne de mutins monte vers la capitale. ( 1) Courrier d' Afrique 6 juillet 1960. (2) Libre Belgique 7 juillet 1960, sous la signature de
J.
K.
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Le Ministre de l'Information, M. Kashamura, a déclaré au micro de la radio nationale dans la matinée du 6: (1) « La situation est grave. « Les ennemis de notre indépendance ont pro~ voqué partout des troubles et ont créé un malaise dans l'armée. Nous devons, tous" comme des frères, lutter contre les ennemis de l'intérieur et de l'extérieur. » Dans la capitale, une assistante sociale, Mlle V er~ meersch a été molestée mais non blessée, dans la journée du 6 et un européen qui intervenait a reçu quelques coups de ceinturon (2). Dans la soirée du 6, les cinq commissaires européens , oolice sont arrêtés et incarcérés. voisinage du camp de police, on fait le siège de ..J'un commissaire qui !oule en respect en la menaçant d'une '~,).
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Le Président de la République et le Premier~Ministre, partis pour Thysville, ont rencontré la colonne de soldats qui montait vers Léopoldville. « Les soldats assuraient à M. Kasavubu qu'on leur avait signalé qu'ils pouvaient s'attendre à une éventuelle attaque des militaires belges (1). » M. Kasavubu les détrompe. M. Lumumba parle aux soldats. Ils l'applaudissent. « Ils rentrèrent ensuite en bon ordre dans leur camp. » Une dépêche Associated Press parvenue à Bruxelles au début de la soirée du jeudi 7 juillet (2) annonce « La révolte de la Force Publique congolaise a pris fin aujourd'hui et les deux centres de résis~ tance, Thysville ~ Léopoldville sont retournés à une situation relativement normale. » A Thysville, en tout cas, le commissaire de district des Cataractes, M. Willy Cards, est formel (3) « Les 8, 9 et 10 juillet, c'est le calme complet. La journée du Il juillet débute elle aussi dans le calme. » Il faudra la folle intervention des marins belges à Matadi pour que la mutinerie renaisse et prenne cette fois des développements considérables. A Léopoldville, à l'exception de cette rumeur étrange d'une invasion soviétique qui va jeter le jeudi, les soldats sur les routes qui mènent à l'aérodrome (-4). tout est aussi rentré dans l'ordre.
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Et voilà tout 1 Nous avons eU! le scrupule d'entrer dans les détails. ( 1) Libre Belgique du 8 juillet 1960. (2) Peuple du 8 juillet 1960. (3) Soir 21 juillet 1960. (4) Libre Belgique 9~1O juUlet 1960. Nous reviendrons sur cette «rumeur» lorsque nous rechercherons l'existence éventuelle d'un «complot ».
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Parce qu'il faudra faire le départ - et très nettement entre les sévices qui ont précédé intervention militaire belge au Congo et ceux qui la su.ivront. Si la Commission d'enquête - unilatéralement désignée par le Gouvernement belge - ne faisait pas cette distinction, elle se déconsidérerait. Et, à cet égard, il ne faut pas qu'il y ait d'équivoque. Il ne faut pas jouer sur les mots, et parler, comme M. le Ministre de la Justice Merchiers a semblé le faire, au cours de sa conférence de presse, des sévices antérieurs à intervention belge en divisant celle-ci, en considérant isolément chaque endroit, en envisageant l'intervention des para~commandos non en bloc, mais dans chaque région, dans chaque poste déterminé et en considerant comme antérieur à l'intervention belge chaque sévice qui s'est produit avant que les militaires belges aient mis le pied à r endroit où il a été commis. Ce serait d'une mauvaise foi insigne. Nous sommes au XX· siècle, au temps de la radio. L'intervention belge a été connue au Congo dès qu'elle s'est produite. Le Gouvernement congolais a immédiatement ordonné qu'elle cesse, puis, a protesté contre elle. C'est le samedi 9 juillet, nous le verrons, que la Belgique est intervenue militairement pour la première fois.
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Ce sont donc les sévices commis avant le 9 juillet qui, seuls, pourront être pris en considération pour apprécier l'intervention belge, sinon sur le plan juridique où elle paraît indéfendable, au moins sur le plan humain où l'on a voulu la placer. Sur ce point, il est impossible de transiger.
Le monde jugera notre pays. L'histoire le condamnera même si son gouvernement peut encore pendant quelques temps égarer une opinion publique trop bien disposée.
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** Faisons donc le point.
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Chronologie de la mutinerie
La première mutinerie a donné lieu à des excès qui ne sont pas négligeables. Il y a eu certainement deux scènes de viols répétés dont ont été victimes des européennes. Il y a eu des scènes immorales, des gestes déplacés, des arrestations arbitraires mais qui n'ont pas été maintenues, quelques violences légères mais pas de meurtre, assez bien de vexations et de brimades. Peut être y a~t~il eu plus de viols qu'e les deux qui ont été rapportés aveC certitude. En tout cas, tout est strictement localisé. Le Gouvernement a immédiatement réagi. Il a tout mis en œuvre pour faire rentrer les mutins dans l'ordre. Il y a d'ailleurs, dans la plus large mesure, réussi. Dans les jours qui suivront, il fera l'impossible pour apaiser les paniques ou spontanée~ ou pr~vo:ruées qu~ vont se produire et pour mettre [m aux mCtdents qUt naîtront de ces paniques elles-mêmes.
*** Paniques spontanées et compréhensibles! que celles des européens qui vont accueillir dans l'après-midi du 7 juillet les réfugiés de la région d'Inkisi ~ Thysville : ceux du convoi automobile d'abord: « Dès leur arrivée à l'Ambassade ils sont pris en charge par des amis. Le train avec les réfugiés de Thysville était attendu au début de la soirée (1). Un journaliste nous décrit l'arrivée de ces réfugiés (2) . « Les premières familles belges qui ont quitté la région de Thysville et de Madimba sont arrivées (1) Cité du B juillet 1960. (2) Libre Belgique duB juillet 1960.
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au début de r après~midi à Léopoldville. Couverts de poussière, non rasés, depuis plusieurs jours, les vêtements sales, les hommes se sont rendus auprès de r Ambassade de Belgique pour chercher protec~ tion. Les femmes et les enfants qui les accompa~ gnaient, les suivaient, portant sur leur visage les traces de longues nuits d'insomnie et de scènes d'épouvante qu'ils venaient de vivre. » Un repas hâtif est servi à l'Ambassade. C'est là qu'un rédacteur de l'Agence Belga a pu recueillir les premiers témoignages vécus de ce qui s'est passé les 5 et 6 juillet dans la région de Madimba. « Dans la capitale congolaise, écrit la Cité (1) aux dernières nouvelles, r arrivée des réfugiés pro~ voque un vent de panique et les nouvelles les plus folles se répandent et celles qui arrivent ici doivent être appréciées avec prudence. » Et pourtant, même en ce moment, pour ceux qui ont été les témoins de ces tragiques incidents, tout ne semble pas joué. Ils ont l'intuition que ces débordements n'ont qu'un caractère local, qu'ils seront sans lendemain, qu'ils ne justifient pas un « lâchez tout ». Une jeune femme rentrée en Belgique décrit l'état d'âme des réfugiées, (2) au moment de l'embarquement dans les vedettes pour Brazzaville. « On hésitait à s'en aller ... On espérait que les choses allaient se calmer. que l'on pourrait rentrer chez soi. Et puis, il y avait les parents, les maris qu'il fallait laisser au Congo. Les vedettes étaient là. Mais personne, tout d'abord, ne voulait y prendre place. Nous étions tellement désemparées. Nous. agissions comme des automates.
Chronologie de la mutinerie
Le personnel des bateaux nous criait d' embar~ quer. Mais nous ne bougions pas. Enfin, certaines femmes se sont décidées et toutes les autres ont suivi. Que fallait~il faire? » Il est certain que si les hlancs avaient été laissés à eux~mêmes, si les exemples n'étaient pas venus de haut, si des fonctionnaires, décidés, coûte que coûte, à rentrer en Belgique et qui croyaient avoir enfin trouvé leur pré... texte, n'avaient pas soufflé, de toutes leurs forces, sur les braises de cette panique naissante, hésitante et qui avait toutes les chances de s'' éteindre avec le calme et l'ordre revenus, il est certain que l'on n'aurait pas connu cet exode massif des européens. J. K. dans un billet de Léopoldville du dimanche 10 juillet, au matin (1) le dit encore : « Ce qui m'afflige le plus dans cette situation, c'est le lâchage des nerfs chez nombre d'Européens. On conçoit que les gens de Thysville, d'Inkisi et de Madimba cherchent à fuir le cauchemar qU'ils ont vécu. Mais il y eut surtout des incidents isolés. »
---(1) Du 8 juillet 1960.
(2) Le Soir 10--11 juillet 1960. «Le récit des rescapés.»
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(1) Libre Belgique du 12 juillet 1%0.
Les cadres blancs de la Force Publique
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titre : « Héros fatigués » il publie ce cinglant écho :
Les cadres LIanes de la Force Publique Les cadres blancs de la F. P. sont les premiers à s'effondrer à une allure qui, pour ces hommes, qui fai~ saient si volontiers jusqu'ici les matamores, ne peut s'expliquer uniquement par la peur. La « personnalité belge » de Léo qui confie ses souvenirs au Soir, note le 7 juillet à 8 h. 30 du matin (1) : « Sacré général! Il a donné sa démission. Il dira que c'est parce que Lumumba lui impose des ordres inexécutables : il est beaucoup plus vrai de dire que le général s'en va parce que sa troupe ne lui obéit plus. La fameuse formule: « Le général Janssens a la F. P. parfaitement en main» était une bau~ dru che. » Ce n'était pas seulement la formule qui était une baudruche. « Il faudra bien qu'un jour, écrit la même personnalité (2), on essaie de faire une enquête sur cette liquéfaction militaire. Quand le général est parti (ou du moins a démissionné), il restait à Léo plus de troupes fidè~ les que de mutins. Sa démission a été accompagnée du départ de pas mal d'officiers, qui ont sauvé leur femme et puis en civil ont monté la garde pour défendre éventuellement leurs épouses. Il n'est pas sûr qu'à ce moment tout ait été perdu de la discipline et de la fidélité de beaucoup de soldats d'ici. ». Et le Pourquoi Pas, ce moniteur des milieux colo~ niaux (ou colonialistes) est encore plus dur : Sous le (1) Soir du 29 juillet 1960.
(2) Soir du 5 août 1960.
« Sitôt le général Janssens dégringolé de son piédestal - et avec quel fracas! - un vent de panique souffla sur la gent militaire. L'impossible, l'inimaginable s'était produit : le dieu avait des pieds d'argile. Dès lors, les Européens de la Force Publique perdirent la foi et la boussole. Pas tous assurément. Mais on vit de pauvres militaires effondrés, venir chercher refuge à r ambassade de Belgique et ne plus oser en sortir. La mâchoire tremblante, ils disaient : - Je suis menacé, je suis terriblement menacé, ils vont me tuer ... Ils suppliaient qu'on allât en hâte leur acheter un pantalon foncé, une chemise blanche à échan~ ger contre leur tenue kaki. Ces pauvres militaires se déguisaient en civils et ils étaient parmi les civils, les plus secoués, les plus tremblants ... Ce n'était pas bien joli. Certains colonels donnaient r exemple. L'un d'entre eux réputé comme homme dur - snob aux allures de Prussien flegmatique - rappliqua dare~ dare sur Léopoldville et disparut bien vite de la circulation. Il partit en avion avec... madame. Sous un faux nom. »
(1) Pourquoi Pas du 15 jUillet 1960.
Les fonctionnaires, les magistrats
Les fonctionnaires, les magistrats Non contents de suivre le mouvement, vont en prendre la tête. M. Antoine Saintraint, l'homme courageux qui avait, à Kisantu, crié dans le désert et qui a, lui, le droit d'être sévère, dénonce ce lâchage généralisé, dans une inter~ view à la Libre Belgique (1). « Certes nous avons été le témoin d'actes de dévouement et d'héroïsme. Mais à côté de cela que de lâchetés, que de bassesses de la part de cer~ tains hauts fonctionnaires. Dès le début, la haute administration s'est fissurée, craquelée. Des magistrats, des officiers supérieurs ont fui comme des lâches, comme des rats, en se dissimulant parfois sous des noms d'em~ prunt. Cela a été le cas pour un magistrat qui s'est fait appeler M. Berlate (2). Nous avons vu des majors se battre pour monter dans des bus avant des femmes enceintes. Des médecins ont tenu jusqu'au bout. Mais il en est d'autres, des lâches qui sont partis les tout premiers et hantent déjà les ministères à Bruxelles pour rune ou l'autre revendication. Nous ne som~ mes pas très fiers d'être belges. Nous ne le sommes même plus du tout. » Les premiers rentrés ne perdent, en effet, pas leur temps. La loi du 21 mars 1960, nous l'avons vu, était (1) Du 25 juillet 1960. (2) On nous a raconté l'histoire de ce président du tribunal d'un chef-lieu de province qui pour pouvoir prendre plaœdans le premier avion réservé aux femmes et aux enfants se fit inscrire sous un nom de femme. La Libre Belgique du 15 juU1et 1960 rapporte que «sur une liste de malades prioritaires ne figuraie;tt que des hommes dont la seule maladie était une frousse intense. D autres personnes s'inscrivirent simultanément sur plusieurs listes de départ ... »
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généreuse. Mais les bénéficiaires éventuels n'étaient pas encore tout à fait tranquilles, malgré les assurances don~ nées par le Ministre Scheyven (1) dans un message aux agents européens du Congo : « Des craintes ont été exprimées au sujet de ce qu'il faudra entendre par « raisons indépen~ dantes de leur volonté» lorsqu'il s'agira d'appré~ cier si ragent peut bénéficier de l'intégration. Toutes ces questions, nous pouvons vous en donner l'assurance, seront examinées et résolues dans l'esprit de compréhension qui a présidé jusqu'ici à l'élaboration des dispositions déjà intervenues. » Dès leur arrivée à Bruxelles, les fonctionnaires et agents vont se précipiter chez le Ministre des Affaires Africaines pour lui faire préciser que les événements qui se déroulent au Congo constituent bien ces « rai~ sons indépendantes de la volonté » les « plaçant dans l'impossibilité de poursuivre leur carrière en Afrique ». . A une délégation de l'U.C.A.M. (Union des Cadres et Agents Métropolitains) le Ministre précisera (2) que remplissent les conditions légales : « Les dommages physiques causés aux agents et membres de leur famille et les dommages à leurs biens provoquant de pertes matérielles importan~ tes ainsi que r existence dans la région où ragent exerce ses fonctions, d'un état d'insécurité mettant les personnes et les biens en danger imminent. » Dès ce moment, plus rien ne doit retenir ceux qui, dès avant le 30 juin, étaient décidés à partir et n'atten~ daient que l'occasion pour le faire en conservant leurs droits. Ils seront, dans la plupart des cas, les premiers à partir. (1) Libre Belgique du 1~ mai 1960. . (2) Libre Belgique 12 jwllet 1960. Oté 12 jwllet 1960.
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Les fonctionnaires, les magistrats
Bien plus, s'ils étaient les seuls à partir, ils auraient belle figure devant la Commission qui jugera de rappli~ cabilité de la loi du 21 mars 1960. Singulier « état d'insécurité » que celui qui n'aurait fait fuir que les agents de r administration, les officiers et les magis~ trats! Dès lors, là où leur exemple - celui de r élite ne sera pas suffisamment suivi, ils aideront eux~mêmes à la panique dont seule la généralisation pourra les justifier. II suffit d'interroger les innombrables colons et agents du secteur privé rentrés au pays - et qui le regrettent amèrement - pour se rendre compte du rôle joué dans leur propre panique par les fonctionnaires et agents de leur ville ou de leur poste. ***
D'ailleurs, une fois la sécession katangaise réalisée, le gouvernement belge qui va, dès ce moment, adopter une politique différente à r égard du Katanga et du restant du Congo, obligeant les fonctionnaires à demeu~ rer au Katanga et favorisant leur départ dans le restant du pays (1) s'empressera de lever dans r esprit des agents qui hésiteraient encore, les derniers doutes. « Le Ministre des Affaires Africaines commu~ nique, lit~on dans la presse (2), que, suite aux événements qui se déroulent au Congo, les agents de r administration de la Force Publique, des offi~ ces parastataux et de renseignement agréé sont considérés comme étant dans l'impossibilité de poursuivre leur carrière en Afrique. En conséquence, les garanties prévues pour les agents précités par la loi du 21 mars 1960 leur sont acquises. » Dès ce moment, la débandade est générale à Léo~ (1) Sans doute parce qu'il escomptait que la désorganisation qu'entraînerait leur départ hâterait l'effondrement du gouvernement Lumumba. (2) Soir du 14- juillet 1960.
Les fonctionnair:es. les magistrats
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poldvilIe, M. André Saintraint confie à J. K., (1) son indignation : « II nous disait son dégoût devant la fuite générale des fonctionnaires supérieurs. Incapables d'organiser quoi que ce soit, sinon r évacuation par priorité de leurs familles et de leurs objets personnels. La fureur est grande surtout contre certains hauts fonctionnaires. - Le procureur général et ses substituts sont venus nous dire qu'ils ne pouvaient plus travailler et qu'ils s'en allaient. Ils nous ont remis les clés des coffres de la Justice. » Au Tribunal de 1re Instance de la capitale, le 20 juil~ let, il n'y a plus que le Président. Et il n'est pas. tendre pour les magistrats de son tribunal (2). « Le Président, M. Van Raemdonck, a déclaré qu'il restait seul membre du Tribunal, tous les autres étant partis, certains cette semaine encore, alors que tout danger extérieur paraissait bien écarté. » « Plusieurs membres de l'Ordre judiciaire sont installés à Brazzaville d'où ils reviennent parfois furtivement pendant quelques heures à Léopold;.. ville pour chercher des objets personnels. » A Coquilhatville et à Stanleyville, c'est Hugues V ehenne qui récrit (3) : « - Partis! L'Administration en tête! Elle a bien fait! N' est~ce pas elle qui depuis longtemps conseillait aux Noirs de faire filer les colons! Et la magistrature 1 Il n'y a plus un seul magistrat à Coq, ni à Stan. A Stan, un avocat exerce provisoirement les
-----(1) Libre Belgique du 20 Juillet 1960.
(2) Cité 21 juillet 1960. Libre Belgique et Peuple 21 juillet
1960. (3) Soir du 28 juillet 1960.
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Les fonctionnaires. les magistrats
fonctions de procureur général. Tous partis, voUs 1»
dit~on
Le Premier~Ministre de la Province Orientale, M. Pinant, confiait d'ailleurs à l'envoyé spécial de la Libre Belgique (1). « Il n'y a même plus de magistrats dit~il. J'ai demandé à des avocats européens de remplacer les magistrats. Ils le font bénévolement. » Le Dr Job, parlant au Rotary d'Elisabethville (2) de la folie collective qui s'empara des Luluabourgeois évoquait: « ... Les juges, greffiers et substituts-, envolés. » Le président de la Chambre, M. Kronacker, (3) ren~ trant d'un voyage au Congo, dira lui aussi: « Hélas! 80 à 95 % des fonctionnaires sont partis « comme des dards » lors des premiers inci~ dents. Ils n'ont même pas pris le temps de faire leurs remises~reprises... » « Dans le Sud du Kivu, pas un seul fonction~ naire n'est resté sur place, alors que pas un seul Européen n'a été molesté dans cette région. »
* ** Comment ne pas citer ici les mots terribles de à J. K. (4:). Il évoque le sacrifice de son collègue Ryckmans, mort courageusement en voulant porter secours, dans le Bas~Congo, à des européens isolés et que menaçait la seconde mutinerie, celle qui suivit l'intervention militaire belge et le bombardement de Matadi. « - Ils me l'ont tué. Il est mort en héros et en saint. Mais demain, en Belgique, les coloniaux qui
M. Antoine Saintraint
(1) (2) (3) (4)
Le 28 juillet 1960. Essor du Congo du 4 août 1960. Soir des 25-26 septembre 1960. La Libre Belgique du 20 juillet 1960.
Les fonctionnaires. les magistrats
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ont fichu le camp les premiers exploit:r~nt ~on cadavre pour obtenir une meilleur compen~~rat1on avec les cadres. belges, car ils ne pensent ,qu a cel~ Compénétration, pension .... 13yck~ar:s. n y pensait pas, lui. Ce serait un sacnlege d utlhser sa mort héroïque pour cela. » Un fait est si.gnificatif et se passe de commentaires. Là où tous les' fonctionnaires avaient pris la fuite, de nombreux agents du secteur privé demeuraient. On ne leur avait pas: promis la compénétration. Là où tous les magistrats avaient décampé, la plu~ part des- avocats étaient restés. Si l'intégration dans les barreaux de la Métropo~e l.e~r était sans aucun doute acquise, elle ne leur assurait evldemment ni clients, ni dossiers ....
Le .ôle de rambassadeur de Belgique
Le rôle de
rambassadeur de Belgique
dans cette liquéfaction générale est mis en lumière par le journal de la « personnalité belge à Léo » qui confia ses souvenirs au Soir. On y voit que, dès le 7 juillet, le représentant de la Belgique encourage la panique au lieu de tenter de r enrayer, que dès le 9 juillet il décrètera à Léopoldville que les conditions prévues pour r application de la loi du 21 mars 1960 sont réunies, alors que le gouvernement belge n'émettra cette opinion que le 13 juillet. Mais lisons ce journal : .: 7 JUILLET: L'Ambassadeur fait diffuser ravis suivant : les femmes et les enfants devraient aller à Brazzaville - les hommes rester (ceux qui ont du service utile). L'Ambassadeur précise que chacun agit sous s'a responsabilité propre, lui n'en prend aucune. 9 JUILLET ~ 8 H. J'ai bien dormi, chez moi. Ce matin je téléphone au Parquet, on me répond que seuls les commis sont en service - pas· de magistrats. Ils ne sont tout de même pas partis à Brazzaville, tous! Que je regrette de n'être pas au moins procureur général. C'est tout de même pas le moment de lâcher. L'Ambassadeur fait s'avoir que les fonctionnai~ res et agents de la province de Léo peuvent se considérer comme n'ayant plus la possibilité de travailler. Le procureur général a été arrêté au camp militaire, hier, pendant quelques heures; lâché à 18 heures. Le.." magistrats estiment qU'ils sont aussi dans l'impossibilité de travailler. _ - C'est pas sûr! L'arrestation a été le fait des mutins, ils ont été libérés par les ministres ... (1) » (1) Soir 29 juillet 1960.
Quelques jours plus tard le jeu de l'Ambassadeur belge dans les troubles et dans le d~v:loppement de la panique, apparaît de plus en plus clalr. a cette « person~ nalité belge de Léo », à l'anonymat S1 transparent. « 22 JUILLET ~ Il HEURES. « Quelque chose de dramatique, à mon avis, pour la Belgique, pour les Belges d'ici, .pour les affaires belges abandonnées, pour les relahons avec le Gouvernement congolais, pour le moral de tous, Blancs et Noirs... Il s'agit de l'attitude de r Ambassade belge. Il y a pire. Il y a que des communiqués du Gouvernement belge paraissent qui insistent pour que tous - où c' est h~mainement possible :- res~ tent à leur poste. Ce n est pas posslble en blen des endroits. C'est possible ici pour beaucoup. Je parle notamment des fonctionnaires. L'Ambassade dit la même chose « en général ». Mais - et ceci est certain - chaque fois qu'un agent public va demander à l'Ambassade ce qu'il doit faire, on lui dit : « Allez. . vous~en: partez tout de suite 1 » ............ Que faut~il croire, les communiqués officiels belges ou les ordres et. instruc~ions indi~iduelles (voire collectives à certams servlces) de 1 Ambas~ sade de s· en aller le plus vite possible ? Est~ce que ceux' qui sont en service servent la volonté et l'inté. . rêt national belge en restant ou seront~ils consi. . dérés comme des traîtres et des vendus par les mêmes autorités belges et par l'opinion belge? Cette politique actuel\e, à deux faces n' est pas hon. . .J>" nête. . J'ajoute que le gouverne~ent co.ngol~is se rend parfaitement compte et explOlte la sltuahon. Il dénonce les bonnes intentions belges et le « sabotage » de toute l'Administration , et ça
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Le rôle de
rambassadeur
de Belgique
déteint chez les parastataux et les privés) par l'Ambassadeur. Il est bien certain qu'il n'y aura pas de normali~ sation des relations diplomatiques entre la Belgi~ que et le Congo, demain ou après~demain sans le remplacement de M. Y;an den Bosch, incontesta~ blement persona non grata ... Ça devrait se savoir... »
A côté de la. peur, la. vengeance L'attitude de r Ambassadeur de Belgique ne parti~ pas de cette volonté de revanche qui habitait sans aucun doute de nombreux belges quittant le Congo?· Qui le dira? « Dans beaucoup d'abandons, il y a eu de r amertume, rapporte J. K. (1) un esprit de revan~ che contre les congolais. Cela paraît indiscutable. » Et la « personnalité de Léo » qui fait ses confidences au Soir, toujours aussi clairvoyante, écrit (2) : « Oserais~je ajouter que si nombre de gens se sont enfuis devant les menaces réelles, les violences ou les horreurs, il y en a tout de même beaucoup (c'est le cas de la grosse majorité de ceux qui habi~ taient Léo) qui n'avaient pas de motifs suffisants, réels, de s'en aller. Je dirai même qu'en certains lieux des violences furent exercées parce que les Blancs ... s'en allaient (3) . cipait~elle
·····Ëtk~ congolais, aujourd'hui, à tous les étages, ajoutent à leurs griefs passés, celui du départ mas~ sif des Belges, départ qui n'a d'autre but et d'autres motifs selon eux, que de mettre le Congo dans r anarchie et la misère . i~~' Belges auraient tort de se consoler en pen~ sant : « Nousi partis, ils seront encore plus mal.. heureux que I?-0us, et s'ils veulent en sortir, ils nous rappelleront ». Quand ils' se rendront compte de leur malheur, ils nous en voudront davantage, et s'ils crient au secours, ce sera partout, sauf chez nous. »
....
(1) Libre Belgique du 3 août 1960. . (2) Soir du 5 août 1960. (3) Nous verrons que plusieurs incidents sont dus à cettë volonté des noirs de garder les blancs auprès d'eux.
Les incidents nés des efforts des Congolais pour enrayer la luite généralisée des européens
Les incidents nés de la réaction des blancs à la mutinerie Ils seront de deux ordres : 1) les blancs apprenant ce qui s'est passé, le 6 juillet dans la région d'InkisiIviadimba vont, dans de nombreux endroits, s'emparer d'armes et les soldats de la Force Publique (qu'on baptisera uniformément de mutins) vont rechercher ces armes ce qui entraînera des perquisitions, des résistances de la part des européens, des arrestations et parfois, à l'occasion de ces incidents, des brimades et des vexations. 2) les noirs, dans bien des cas, chercheront à enrayer la fuite généralisée des Européens. Jls ne veulent pas que les blancs s'en aillent. Et, comme dans le restant du Congo, rien, - jusqu'au 9 juillet, date du début de l'intervention militaire belge, - rien de semblable aux incidents dramatiques d'Inkisi-Madimba ne s'est passé, les Congolais ne comprennent pas pourquoi leurs blancs s'en vont. Ce n'est pas pour violer les femmes blanches qu'ils veulent les empêcher de partir, ce n'est pas pour molester les européens, c'est parce qu'ils ont conscience de n'avoir pas mérité cet abandon général, et la désorganisation qu'il entraînera, c'est parce que, dans bien des cas, ils les aiment bien et parce qu'ils ont besoin d'eux. Tragique cercIe vicieux. Des incidents naîtront de ces efforts des noirs pour retenir les blancs. Et la panique de ceux-ci s'exacerbera souvent dans la mesure même où ils auront l'impression que l'on veut mettre obstacle à leur fuite. Singulier paradoxe. C'est dans un incident de cet ordre : un train de réfugiés dont les noirs essaient d'empêcher le départ, que les autorités belges trouveront le premier prétexte de leur intervention militaire (1). (1) Le samedi 9 juillet à Kabalo dans le Katanga.
Un journaliste aussi malveillant que possible à l'égard des Congolais, M. Jo Gérard rapporte, avec attendrissement les propos que lui tient un noir du Katanga : (1) «Dans un garage, l'un d'eux (africain) me dit : « Si le patron veut rentrer en Europe on l'attachera à la chaise de son bureau pour qu'il ne nous abandonne pas. » Ce sentiment que l'on trouve louable lorsqu'il se manifeste dans le bon Katanga, peut-on le considérer comme criminel lorsqu'il trouve son expression dans le restant du Congo? C'est lui pourtant qui expliquera que les soldats congolais empêchent tout d'abord le départ massif des blancs de Matadi et les retiennent le samedi 9 juillet dans un hôtel de la ville où le Président de la République et le Premier ;Ministre, en personne, viendront les délivrer le dimanche 10 juillet (2). C'est dans ce souci d'arrêter l'hémorragie que le tra-
fic entre Léopoldville et Brazzaville sera arrêté à plusieurs reprises. Il sera d'ailleurs chaque fois rouvert sur l'intervention de ministres congolais, en présence de l'aggravation de la panique que provoquait la mesure prise dans l'espoir de l'enrayer ... ( 1) Libre Belgique du 18 juillet 1960 (2) Soir du 12 juillet 1%0, - La Libre Belgique du 11 juillet 1960. A la radio, M. Kashamura avait expliqué que si les abords du port de Matadi étaient gardés par les gendarmes, c'était pour enrayer la panique qui avait saisi les belges.
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Les incidents nés des efforts des Congolais
L'on se mouvait, de plus en plus, dans ce cercle vicieux. L'attitude de l'Ambassade belge à Léopoldville, ne laissait évidemment aucun espoir d'en sortir. C'est ce même mobile qui explique l'incident de Kongolo (au Nord d'Albertville) où des soldats de la Force Publique sont accusés d'avoir tiré sur un bateau de réfugiés dont ils voulaient empêcher l'exode. A cet endroit, où aucune violence n'avait été com~ mise, toute la population blanche avait décidé de s'en aller, à l'exception de l'évêque, des Pères des missions et de trois officiers. «II semble que les évacués aient essuyé des coups de fusil des mutins au moment de l'embar~ quement. » dit un communiqué émanant «du gouvernement pro~ vincial du Katanga» le samedi matin (le 9 juillet). Il faut faire des réserves expresses au sujet des nouvelles transmises par ce gouvernement provincial dont on sait qu'à ce moment, il se préparait à justifier l'intervention des parachutistes belges, qui devait lui permettre de proclamer l'indépendance du Katanga. Au surplus, si, à Bruxelles, l'on parlait de deux tués et de 9 blessés grav·es, on indiquait que les deux victi~ mes étaient: « une femme et un enfant» (1). Alors que d'après le gouvernement provincial du Katanga, les morts étaient «un fonctionnaire de l'administration et un colon portugais» et il y avait trois blessés. Depuis lors, l'on n'a plus reçu aucune précision au sujet de cet incident et de ses suites et l'on ne sait donc s'il a fait des victimes et quelles elles sont.
Les' LIanes armés et la recherche des armes par la F.P. ,Nous avons parlé de la propension des européens à s armer. Il ~ombe sous le sens que le Congo indépendant ne pas permettre que perdure une situation aussi I.ntolerable et qui pouvait, à tout instant, dégénérer en catastrophe. ~ouv:ut
, Au surplus, personne ne s'étonne que, dès leur d~barq,u:men.t à Brazzaville, les blancs fuyant le Congo
aient ete pnvés de leurs armes, s'amoncelant sur le débarcadère. S'ils s'indignaient de se voir enlever leurs armes, au Congo même, c'est donc qu'ils avaient gardé, maIgre le bouleversement du 30 juin, tous leurs com~ p~e~es ~e sup~riorité à l'égard de leurs anciens colon~ses. C est qu ils ne pouvaient pas accepter ce renversement de la situation
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;. ~ès le début. les soldats congolais marquèrent le ~OUCI de ne pas laisser des armes en possession des blancs. .:A Thysville même, le jeudi matin (7 juillet 1960) \ .« les militaires ont commencé à perquisitionner 'Joutes les habitations européennes, enlevant les .armes qui s'y trouvaient. Suivant le témoin, rapporte la Cité (1). c· étaient des commandos congo!ais ,et des. gendarmes qui opéraient, accompa,gnes d un adjudant européen désarmé et suivis de di~aines de civils congolais poussant des cris de ')Qie. Ces militaires n'ont pas pillé. »
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Lès~<cris. d,: joie» c'esF la satisfaction du peuple de VOIr m,~ttre fm a une situation anormale et qui inquiète. T
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, S'il~ a"à,l'occasion des perquisitions quelques europeens mQlestes, ce sont en général ceux qui s'opposent ( 1) Cité 11 juillet 1960.
(1) 'La Cité du 8 juillet 1%0.
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à la perquisition ou ceux chez qui l'on découvre des armes. Certes, ces visites domiciliaires ne sont pas appré~ ciées par la population européenne. La Libre Belgique (1) s'indigne des perquisitions de Matadi: . «Les soldats mutins continuaient samedi à fouiller les maisons particulières sous le prétexte d'en enlever les armes. » La moisson de Brazzaville faite aprè~ les ~erquis~ tions et les fouilles démontre pourtant qu Il ne s agIssaIt pas d'un prétexte. A Léopoldville, même alors que l' ordre rè~ne ~t que M. Kasavubu a pris le commandement de 1 ar~ee, ce qui a entraîné une « nette détente » (2) 1 agence France~Presse rapporte que « Les soldats continuent de chercher des armes et fouillent systématiquement les voitures euro~ péennes. » (2) Mais l'Associated Press (3) reconnait que cette recherche n'est pas accompagnée de brutalités. « Il n'y a eu aucun acte de violence. la troupe patrouille sans cesse dans la ville ~n jeeps et en camions. Un certain nombre de cltoye~s b:lges ont été arrêtés. Un porte~parole de 1 armee a déclaré que ceIIe~ci recherchait surtout les person~ nes armées. » La presse belge baptisera du nom d' «otages» tous les blancs arrêtés dans de telles circonstances. Un communiqué du Courrier d'Afrique (4) est significatif à cet égard : « Les otages arrêtés à Jadotville ont été rela~ chés et il ne s'agissait pas à proprement parler ( 1) Du 11 juillet 1960.. . (2) Libre Belgique 9·10 JUIllet 1960. (3) Soir 9 juillet 1960. (4) Des 16-17 juillet 1960.
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d'otages mais d'européens trouvés en possession d'armes. Les autres n'ont pas été ennuyés. » Le couvre~feu est appliqué à Léopoldville à 18 heu~ res. Mais les blancs désireux de fuir s'en moquent. Et ce sont sur la route du «beach », de longues files de voitures. Cette circulation interdite de nuit entraînera, elle aussi des incidents avec les soldats chargés de faire respecter le couvre~feu.
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Dans bien des cas, les blancs ne se contenteront pas de conserver les armes qu'ils détiennent, ils vont cher~ cher des armes au bureau de police, toujours contrôlé par des officiers belges, ou au «Territoire» où elles sont conservées. Et ceci est encore plus grave. La population noire s'in~ quiètera de voir de véritables milices blanches se con~ stituer et s'armer. Les militaires n'auront de cesse qU'ils aient fait restituer les armes enlevées. II est impossible de relater pour chaque poste, com~ ment des incidents, - la plupart d'ailleurs, sans gra~ vité, ~ sont nés. A Boende, par exemple, où plus tard après 1'inter~ vention armée belge au Katanga, se traduiront des inci~ dents extrêmement pénibles. Au 9 juillet 1960, il ne s'est rien passé. Aucun blanc n'a été blessé ou molesté. Une réfugiée de Boende, Mme S.D.G. racontera dans une lettre au Pourquoi Pas (1) comment ratmos~ phère va se gâter : « La nuit du samedi 9 au dimanche 10, quel~ ques Européens du corps des volontaires (2) s'emparèrent des armes et munitions, déposées comme d'habitude au Territoire. Complètement affolé par la peur, le policier de (1) Du 22 juillet 1960. (2) Les «c.V.E. ~ dont le rôle a été néfaste, partout.
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garde courait au « Belge » (1) raconter tout cela en grossissant les faits. Résultat: le dimanche 10 au matin, la population était houleuse et apeurée, les soldats n'obéissaient plus aux ordres et s' empa.raient de leurs armes. Un bruit circulait : « On va perquisitionner chez les Européens pour les désar~ mer. » Les événements de Goma nous paraissent exemplai~ res. Nous disposons pour les reconstituer, d'un récit très complet (2). C'est un officier belge en garnison à la frontière du Ruanda~Urundi qui les raconte. - 11 les a vécus - 11 les voit d'ailleurs avec l'optiqùe très particulière d'un blanc et d'un officier. Son récit n'en est que plus significatif : « Suite aux troubleS' de Léopoldville et de Thysville, des Blancs de Goma, formés en Corps de Volontaires se sont rendus vendredi soir (3) au dépôt de munitions de la ville pour y enlever des fusils et des munitions. C'était évidemment dans un simple but de défense mais la Force Publique - travaillée depuis quelque temps par des émissaires (M.N.C., paraît~ il!) qui leur ont fait gober qu'après nndépen~ dance les Blancs allaient tuer les soldats noirs (4) - la Force Publique a cru à une attaque des Blancs; aussitôt les soldats sont montés dans des camions qui les ont dispersés aux quatre coins de la ville et ils ont montré leur intention de désar~ mer les Blancs. Ce fut le début de la panique ... ( 1) Pour ceux qui l'ignoreraient, signalons qu'on appelait «le belge» la cité indigène. (2) La Libre Belgique du 18 juillet 1960. «Notes d'un officier au Ruanda-Urundi. (3) Donc le 8 juillet. (-4) Parce que, pour cet officier belge, seule une propagande méchante a pu faire considérer à ces bons soldats noirs qu'il était intolérable que les blancs s'arment et se constituent en milice!
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Ces soldats noirs se sont saisis de leur com~ mandant qui, disaient~ils, les avait trahis en per~ mettant aux Blancs de s'emparer des armes et munitions. » .Il faudra le sang~froid du colonel Six pour apaiser, temporairement au moins, les soldats noirs et leur faire remettre les armes. Le colonel jurera solennellement que les commandos de Kisenyi au Ruanda ne les attaque~ raient pas ... Mais reprenons le récit de l'officier belge qui décrit très clairement, le mécanisme de la panique, la psycho~ logie des peurs en présence. « Voilà en fait, écrit~il. le fond de la question : de part et d'autre, tant chez les Noirs que chez les Blancs règne une énorme peur : les Blancs de Kisenyi (au Ruanda, à proximité de la frontière) qui se sont groupés près des hôtels de la plage et sont là, bardés d'armes, ont peur que la F. P. ne fasse une descente sur Kisen,yi : et de 1 autre côté de la frontière, la F. P. de Goma tremble de peur à ridée que les troupes belges de Kisenyi ne descendent sur Goma ... ! On en est là! D'un côté, il y a les soldats noirs ... qui con~ s~ate-?-t que les civils s'arment jusqu'aux dents, qui s eXCItent et se demandent ce qui se trame. De l'autre côté, il y a les Blancs qui sentent que la situation se détériore, s'arment pour proté~ ger leurs femmes, leurs enfants, leurs biens; et l'énervement des uns fait monter celui des autres, et vice~versa, jusqu'au moment où Blancs et Noirs sautent sur leurs armes, convaincus qu'ils vont se faire égorger l'un par l'autre. » Et cette notation du lundi après~midi (le Il juillet) particulièrement évocatrice de la situation : «La F. P. est retranchée dans son camp, sous le commandement d'un adjudant noir. Du côté des
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Blancs, c'est l'indécision. Que faut~il faire ? .oésar~ mer les Noirs ou non? Tout le monde en discute, les civils blancs se promènent en armes dans la rue, tout le monde donne son avis. » Avions~nous raison de souligner l'optique du narra~ teur? Il ne lui vient pas à l'idée que le Congo est, depuis quelques jours, un pays indépendant, que les soldats noirs constituent la force armée du gouverne~ ment de cet Etat, que leur souci de ne pas permettre à la minorité blanche de courir en élrmes et de constituer une milice est parfaitement légitime (1). Cela dépasse son entendement. Pour lui, en pareil cas, la seule question qui se pose est de savoir si l'on va désarmer les soldats noirs! Et pourtant à Goma, il n'y a eu, au Il juillet, ni viols, ni violences, ni brimades (2). C'est dans cette optique qu'il faudra considérer la plupart des interventions militaires belges, particuliè~ rement au Katanga : on désarme les militaires noirs, surtout les garnisons fidèles au gouvernement central. On laisse leurs armes aux blancs. Et pourtant, au départ de ces événements, il semble que certains mili~ taires de haut~grade aient vu clair. (1) Le très colonialiste «Essor du Congo, relatant le 23 juillet 1960, les événements de Goma, reconnaîtra pourtant le caractère illégitime de l'action des C.V.B. : «La panique s'est déclarée parmi la population européenne, suite ,waisemblablement aux événements du Bas-Congo car aucune raison locale ne semblait la justifier. Quant à la mutinerie de la Force Publique elle a été provoquée par la distribution d'armes et de munitions au corps de volontaires en dépit des instructions formelles de ne pas mobiliser le C.V. Des unités de ce corps furent chargées de la surveillance de certains points de la 'Ville. Il semble que la gendarmerie, forte de deux pelotons. se soit crue menacée par ce fait. Il n'y eut aucun pillage et les soldats ne pénétrèrent dans aucune maison. Néanmoins. Goma se vida totalement de ses habitants européens. » (2) Une dépêche de Bukavu. n'en annoncera pas moins la mort de M. Caprasse. commissaire de district à Goma. C'est le 14 juillet seulement (v. la Cité de ce jour), que la presse belge annoncera que M. Caprasse lui-même a démenti cette information.
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Si r on en croit la Cité (1). « Selon le colonel Six, r excitation semble avoir commencé lorsque les membres du Corps des Volontaires'Européens se sont présentés vendredi soir au commissariat de police pour se faire dis~ tribuer des armes et des munitions. La troupe a cru être menacée et a occupé cer~ tains points de Goma. Certains civils faisant l'objet d'un contrôle régulier par les policiers ou les gendarmes en service commandé, au sujet du transport illégal d'armes, ont cru être en présence de mutins. Cette fausse interprétation a semé la panique parmi les Européens de Goma et des environs, qui ont commencé à se réfugier à Kisenyi (Ruanda). » Même récit, même interprétation dans le Monde (2) qui tire la morale de cette triste histoire. « Ainsi en voulant prendre de légitimes (3) précautions, bien des Européens auront en fait été à la base de leur propre perte, car dès que les Congolais voient un Blanc en armes ils pensent qu'il va les abattre. » Retenons de ces récits que ce sont les derniers où l'on souligne qu'un soldat noir n'est pas nécessairement un mutin. Le 9 juillet, l'intervention militaire belge se déclen~ chera. Dès ce moment, de telles distinctions trouble~ raient peut~être la bonne conscience des belges. Tous les militaires congolais seront indistinctement des mutins ...
* ** Les événements de Luluabourg dont nous parlerons (1) Du 11 juillet 1960. (2) Monde du 12 juillet 1%0. (3) L'adjectif est évidemment discutable.
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ailleurs, puisque leur développement est postérieur à l'intervention militaire belge et qU'ils ne doivent peut~ être qu'à cette intervention de ne pas s'êtr,e terminés comme à Goma, n'ont pas d'autre origine que l'affron~ tement de deux peurs : celle des soldats noirs parce que les blancs se sont armés et retranchés, celle des blancs parce que les noirs veulent leur enlever leurs armes.
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A Jadotville les Européens se sont approvision~ nés en armes de la Force Publique et ont organisé des patrouilles (1). »
*** Un réfugié du Katanga racontera dans un journal français (1) ce qui se passe à Elisabethville, du 6 au 9 juillet. C'est le processus classique : « Les messages personnels des familles disper~ sées dans le Bas~Congo démoralisent.
On prend dans le dépôt de la police les armeS de celle~ci et on se les répartit entre Eu't'Opéens en même temps que pour être prêt à toute éven~ tualité on organise des tours de garde de nuit, et l'on prévoit le regroupement des familles dans les bâtiments de l'école. Le samedi 9 on apprend qu'à Elisabethville la Force Publique est devenue menaçante (2) : elle aurait même tiré, et il y aurait des morts (3). Dimanche 10. Alerte à 2 h. du matin, les Européens armés se rejoignent au bureau du Territoire (4). ( 1) Le Monde du 4- août 1960. (2) Parce qu'on l'a compris désormais, la Force publique devient menaçante si elle émet cette prétention, exorbitante aux yeux des blancs, de leur enlever leurs armes. (3) Exemple de la fausse rumeur. Il n'y aura pas de mort à Elisabethville avant .les combats de la nuit du 9 au 10 jUillet. (4) Retenons cette précision. L'armée belge est intervenue à Kabalo dans le Katanga, dans la soirée. La nouvelle en est parve~ nue au début de la nuit à Elisabethville. La Force publique sort de la caserne vers 23 h. Les blancs armés vont rencontrer la Force Publique et se battre. De là, les morts d·Elisabethville.
( 1) Ce sont ces Européens armés que la Force Publique arrê~ tera et qui seront libérés quelques jours plus tard par le bourgmestre Lundula, futur général en chef de l'armée congolaise. Les soldats noirs qui ont arrêté ces blancs armés sont des « mutins ». Ces blancs coupables de détention illicite d'armes sont, eux, des «otages» 1
Bilan de la mutinerie et de ses suites immédiates
Bilan de la mutinerie et de ses suites immédiates On ra vu. En dehors des excès profondément répréhensibles qui se sont produits à Inkisi, Madimba, Mbanza~Boma, dans la nuit du 5 au 6 juillet, et qui sont le fait de quelques soldats isolés - une vingtaine peut~ être sur les 4.000 du Camp Hardy, sur les 25.000 de la Force Publique du Congo - rien de grave ne s'est produit. La panique se développe parmi la population blan~ che, en partie spontanément à la nouvelle des quelques excès réels - peu nombreux mais épouvantables du Bas-Congo, ou même à la vue des victimes de ces excès, en partie sous l'influence des agents de l' adminis~ tration, magistrats, cadres de la Force Publique qui voient dans la panique le prétexte pour abandonner le Congo et exiger leur compénétration dans les cadres de la Métropole. La panique elle~même va engendrer des incidents de deux ordres, ceux qui seront dus aux tentatives - parfois maladroites - des congolais pour enrayer l'exode des européens et ceux qui seront provoqués par la pro~ pension des blancs à s'armer et par les efforts des noirs pour les désarmer. Pour dresser un tableau complet des événements du 5 au 9 juillet, il faut signaler la révolte des détenus de la prison centrale de Stanleyville (1) qui ont défoncé les portes de la prison. Mais dès 23 heures, la plupart de ces détenus avaient été repris devant le palais provincial. Au surplus, la presse le souligne (1) : « Dans les milieux officiels on signale que la discipline et le calme continuent de régner au (1) Soir et Cité du 8 juillet 1960.
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sein de la Force Publique mais que la population européenne vit à nouveau dans l'inquiétude. »
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** Pas un meurtre semhJ.e-t-il dans tout le Congo. Et s'il y a des morts, ce qui ne semble pas acquis - ils ne doivent pas dépasser le nombre de deux ...
*** Objectivement, donc, il est impossible de relever au 9' juillet dans les événements du Congo, les excès généralisés dont seraient victimes les blancs et surtout les femmes blanches, - généralisés au point de justifier sur le plan moral et humain - sinon sur le plan juridique l'intervention non sollicitée de l'armée belge dans le Congo indépendant.
L'irresponsabilité du gouvèrnement congolais
L~irresponsabilité du gouvernement congolais dans la mutinerie de la Force Publique et les diffi~ cuités de maintenir l'ordre, est incontestable. Nous nous sommes efforcés d'en convaincre nos concitoyens au lendemain même des premiers troubles. Dans le numéro spécial publié par la Revue « Remar~ ques Congolaises » le Il juillet 1960, paraissait un texte que nous, avions écrit le 8 juillet sous le titre : « Le Maintien de l'Ordre ». Nous ne devons pas avec le recul, en modifier une seule ligne : (1)
*** « De toutes manières un fait est dès ores acquis. Les excès qui se seraient produits ces der~ niers jours au Congo - et qui n'ont jusqu'ici coûté la vie d'aucun blanc - ne sont pas le résultat d'une révolte populaire que certains milieux de l'ancienne métropole appréhendaient. Nulle part le peuple ne s'est soulevé, nulle part il n'a cédé à un réflexe xénophobe. Il a accueilli son indépen~ dance dans la joie, mais sans violence et sans haine. Ce n'est pas le peuple qui a donné des diffi~ cuités aux dirigeants qu'il s'est choisi. Et lorsque les journaux nous disent que la situation pour les blancs n'est plus tenable dans le Bas~Congo, il faut dissiper une équivoque. Ce n'est pas aux pacifiques populations bakongo que cette situation serait imputable. Ce serait aux garnisons de la Force Publique (1) « Remarques congolaises », 2e année, nO 28. pp. 296 et suiv. Nous répétions, sans nous lasser, cette démonstration dans le n° spécial du 16 juillet 1%0 : «La Mutinerie de la Force Publique et la Sécession Katangaise » p. 302.
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casernées dans le Bas~Congo précisément pour y . maintenir l'ordre qu'elles auraient été seules a troubler. Quel paradoxe! Si violences il y a eu - et nous répétons ici toutes réserves - elles sont le fait de ceux~là même qui devaient les empêcher. Or, c'est nous, Belges, qui avons formé la Force Publique. Et pas le gouvernement congolais qui n'est en place que depuis quelques jours. En étions~nous fiers d'ailleurs! Nos hommes politiques, nos éditorialistes ne proclamaient~ils pas, en bombant le torse « Nous léguons au futur gouvernement congolais, cet instrument sûr, admi~ rable, cette machine bien rôdée; cette force intacte sur laquelle il pourra compter en toutes occa~ sions ». Cette Force Publique c'était les hommes que nous avions placés à sa tête, qui la commandaient, au soir du 4 juillet 1960. Et non ceux que le gouvernement congolais y aurait installés pour la prendre en mains. On touche du doigt, cette fois, les risques tragiques auxquels notre politique a exposé devait nécessairement exposer le gouvernement congolais - et que l'instauration d'un gouvernement provisoire congolais aurait palliés. Le gouvernement congolais qui allait prendre, du jour au lendemain, le pouvoir dans la nuit du 30 juin au 1 juillet, n'avait pu se constituer une force de police quelconque, à l'appui de son auto~ rité. Il avait à sa disposition la seule force que nous lui avions remise, en en vantant les qualités. Il n'en n'avait point d'autre : Nous ne lui avions donné ni le temps, ni l' oc~ cas ion de forger sa propre force ou de transformer celle que nous lui lèguions, en y installant par
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Le discours du Premier Ministre Lumumba
« Peu avant 6 heures, la foule s'écoula paisi~ blement, sans le moindre incident, témoignant fré~ quemment sa sympathie aux Européens qui pas~ saient. » Et le même envoyé spécial J.K. écrira dans son journal (1) ces, lignes qui ne laissent aucun doute sur la parfaite réussite de l'indépendance dans la psycho~ logie du peuple congolais : « Toute la foule congolaise avait la joie dans le cœur et r on mesurait la puissance de ce mot d'indépendance. Les Noirs travaillent comme avant, mais ils rient davantage. L'indépendance c'est un sentiment qui embaume leur âme de bons Noirs. Ils ne savent trop ce que c'est, ils ne se doutent pas que ce sera décevant en beaucoup de maniè~ res, mais même quand ils le sauront, l'indépen~ dance leur restera chère.
Rien n'a changé, sauf les soutires luisant dans les faces noires, les milliers de sourires revenus sur les faces congolaises, c'était le plus beau des feux d'artifice. » A l'heure même où cette Libre Belgique était distri~ buée dans les demeures confortables de ses abonnés, en même temps que les petits pains frais du déjeuner matinal. M. le Premier Ministre Lumumba se rendait, le front soucieux, au Camp Léopold où venaient de surgir des difficulté~ dont personne encore ne pouvait supputer les conséquences.
(1) Le 6 juillet 1960.
DEUXIEME PARTIE
La mutinerie de la Foree Puhlique L'intervention militaire belge
Séance de la Chambre des Représentants du jeudi 14 juillet 1960. M. le Premier Ministre Eyskens. « Faut~il dire que le Gouvernement déclare devant cette Chambre unanime, sauf, et j'en regarde deux là~bas (les deux députés communis~ tes) les représentants d'un régime d'une bestialité cynique, son indignation. (Applaudissements.)
L'effondrement de la Force Publique n'est pas le fait du hasard. Elle a été longuement préparée. Un pays libre comme le nôtre devient facilement l'objet de ce genre de manœuvres. » M. Wigny, Ministre des Affaires Etrangères. « rai aussi reçu un papier qui me confirme dans mon opinion que tout cela ne vient pas du Congo lui~même. Qui se ressemble s'assemble. »
Libre Belgique, 15 juillet 1960.
Chronologie de la mutinerie « Nous sommes les victimes d'un plan diabo~ lique prémédité.
Car comment expliquer sinon que le premier coup eût été porté par cette Force Publique que tout le monde admirait. Dans la désorganisation, certains ont réussi à chasser tous les blan'cs. Tout ce dessein a été poursuivi non pas par tout le Gouvernement mais par un ou deux hommes, dont l'un avait en mains la radio. Préméditation ? Les indices sont nombreux. Il y a l'affaire du cargo polonais, notamment. M. Wigny, Ministre des Affaires Etrangères de Belgique. Séance du Sénat du 19 juillet. Libre Belgique, 20 juillet 1960.
Le mardi 5 juillet. Tout a commencé à Léopoldville, au Camp Léopold II, le mardi 5 juillet, vers la fin de l' après~midi. C' est l'Etat~major de la Force Publique qui communique lui même (1) que : « Dans la soirée ... quelques dizaines de mili~ taires ... ont manifesté bruyamment leur mécon~ tentement. L'intervention de leurs officiers et sous~offi~ ciers et celle des autres militaires a permis de ramener le calme dans le camp où la nuit s'est passée sans autre incident. » Le motif de l'agitation, c'est « le mécontente~ ment des militaires qui posent des revendications en matière d'avancement et de rémunération (1). » Pour la Libre Belgique (2) : « Les revendications des soldats pourraient semble~t~il, se résumer en ces points : 1. mécontentement au point de vue de la solde. 2. mécontentement au point de vue des promo~ tions. 3. Désir d'évincer les officiers belges, ceux~ci devant être remplacés par des officiers congo~ lais (il n'yen a pas) lesquels seraient assistés par des « officiers techniciens » blancs. Pour Le Peuple (3) : « La F. P. a bougé pour deux raisons essen~ tielles. D'abord parce que les hommes ont mal pris une proclamation du général Janssens leur disant que, pour les soldats, il n'y a pas d'indépendance seul compte le devoir! (1) Courrier d'Afrique du 6 juillet 1%0. (2) Du 7 juillet 1960. (3) Des 9~1O juillet 1960.
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Cluonologie de la mutinerie
Ensuite, parce que dans leur grosse majorité, ce sont des Bangala, déçus de voir leur leader Bolikango, écarté de toute responsabilité impor~ tante :.. La Cité (1) constate aussi ce désir d'un autre Mi~ nistre de la Défense Nationale que M. Lumumba, en l'espèce, M. Bolikango. « Ce serait donc l'indication d'un mécontente~ ment à l'égard du chef du gouvernement auquel on reprocherait aussi d'avoir songé à intégrer des militaires européens dans son cabinet. » Ce journal retient également les « revendications des militaires à propos des grades et des soldes » et ajoute: « Certains n'excluent pas l'influence d'agita~ teurs. » Mais étant donné r orientation du mouvement orientation qui se précisera davantage le mercredi matin, - Le Peuple (2) fait allusion, à : « Certaines manœuvres d'aventuriers blancs qui veulent la chute du gouvernement Lumumba. » Le camp Léopold II de Léopoldville et le Camp Hardy de Thysville sont en liaison téléphonique. Le mouvement de mécontentement qui a pris nais~ sance à Léo, dans la soirée va se propager à Thysville, vers 10 heures du soir. Les officiers du Camp sont mis en état d'arrestation. Le Commissaire de district des Cataractes, M. Willy Carels, a fait un récit très complèt et très précis de la mutinerie à Thysville (3). Il faut sans cesse s'y référer. « .On distingue fort bien dès ce moment, écrit~il en relatant la situation à 5 h. 30 du matin, qu'il y a eu deux sortes de mutins : les « disciplinés » ( 1) Du 7 juillet 1960. (2) Des 9~10 juillet 1960. (3) Soir du 21 juillet 1960.
Cluonologie de la mutinerie
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et ... les « crapules»! Ce sont ceux~là qui sont allés à Inkisi et à Madimba. » Au cours de la nuit, en effet, ces « crapules », - une petite minorité, - se sont livrés à des excès qui n'ont rien de commun avec les revendications de l'ensemble de la troupe. A Thysville même, ils se sont contentés de désha~ biller des assistantes sociales et des institutrices du Camp. Mais les choses en sont restées là. S'il y a eu des scènes immorales il n'y a pas eu de viol. Malheureusement ces quelques voyous ont pu s'em~ parer de jeeps. Ils vont se rendre à Inkisi, Madimba et Mbanza~Boma pour continuer l'orgie interrompue. Pour le récit de leurs sinistres exploits, il faut recou~ rir à la relation faite à l'agence Belga par un agent terri~ torial (1) que nous reproduisons presque intégralement ci~dessous.
Le mercredi 6 juillet. La mutinerie va se développer sur deux théâtres et prendre des caractères absolument différents.
1. Dans la région de Thysville. A Inkisi, vers 5 heures du matin, une jeep venue du Camp Hardy sème la révolte chez les soldats cantonnés dans la ville. A 7 heures, le lieutenant, commandant le peloton, est désarmé. Les munitions sont réparties entre les mutins. A 8 heures, ils tirent des coups de feu sur la maison <lu régional pour obtenir la clef de la chambre forte où se trouvent les munitions. Ensuite tous les Européens du poste sont incarcérés. La femme d'un territorial est entraînée dans une cham~ bre à l'écart et est violée à plusieurs reprises. (1) Libre Belgique 8 juillet 1960. Peuple 8 juillet 1960. Cité 8 juillet 1960. Courrier d'Afrique 9~1O juillet 1960 sous le titre « selon l'agence Belga ». La presse de Léopoldville n'avait pas ·publié de récit des événements.
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A 9 h. 30, des militaires dans deux jeeps, font l'inspection des maisons pour rechercher les armes. A la fin de la matinée, nouvelle visite des mutins qui arrêtent d'autres personnes et un voyageur européen venu de Léopoldville. A Madimba, les mêmes soldats arrivent au début de l'après~midi. Deux voitures blindées venues de Léo~ poldville sont tombées dans une embuscade. Les deux lieutenants sont arrêtés. A Mbanza~Boma, un groupe de soldats venus de Madimba se présente chez les religieuses où la plupart des femmes des territoriaux et des européens du poste se sont réfugiées. Ils perquisitionnent le couvent. Une femme européenne est violée par quatre soldats. Les autres sont menacées. Vers 16 heures, le mari de la femme violée, le matin, est libéré. Un peu plus tard, Monsieur Diomi, Vice~Président du gouvernement provincial de Léopoldville, libère tous les autres détenus. A 18 heures le même monsieur Diomi arrive au Camp Hardy à ThysvilIe, en compagnie de M. Kiso~ lokela (1), fils du prophète Simon Kimbangu. Ils obtiendront la libération des officiers du Camp, M. Diomi veille à rembarquement dans le train et à la protection de tous les européens de la région, qui en ont exprimé le désir. Ce train des réfugiés partira le 7 juillet, à 16 h. 20 pour Léopoldville (2). A Thysville tout est renré dans l'ordre, et le com~ missaire de district décidera de rester sur place, en compagnie du conseiller d'ambassade Marchal et de 152 européens. (1) Ministre d'Etat dans le gouvernement de M. Lumumba. (2) Cité du 8 juillet 1960.
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A Madimba, malheureusement, les choses vont se gâter de nouveau dans la soirée. De nouvelles inspections ont lieu, sous la menace. Vers 23 heures, des militaires partent pour Mbanza Boma « chercher des femmes ». V ers une heure du matin, un camion et une voiture arrivent au pensionnat. Les soldats terrorisent les reli~ gieuses à la chapelle et emmènent deux jeunes filles. Ils les abandonneront" quatre kilomètres plus loin, après les avoir fait se dévêtir, mais sans abuser d'elles (1). Ceux qui, dans la région de Madimba~Inkisi ont tenu jusque~là et n'ont pas pris le train de M. Diomi, forme~ ront une colonne de voitures pour se réfugier dans la capitale où ils parviendront dans la journée du 7. Le territorial termine comme suit son récit à l'agence Belga : « Ce matin, nous avons enfin pu regagner Léopoldville par la route. Des scènes analogues à celles décrites se sont produites un peu partout à Inkisi notamment et à Thysville. » Nous demandons notre rapatriement immédiat et nous demandons que le gouvernement belge prenne les mesures qui s'imposent pour ramener immédiatement en Belgique tous ceux qui veulent partir. » On comprend l'extrême nervosité de l'auteur de ce récit si l'on considère que c'est très probablement sa femme qui a été la victime de viols répétés. Nous savons par le ~apport du commissaire de dis~ trict des Cataractes qu'il n'y a pas eu de viols à Thys~ ville, les 5 et 6 juillet (2). y en a~t~il eu dans la région d'Inkisi en dehors de ceux que le territorial rapporte dans son récit? Nous ne pouvons ni l'affirmer ni l'infirmer. (1) L'ensemble du récit qui précède est une synthèse de la relation de M. Caerels et de celle du « territorial» à l'agence Belga. (2) Soir 21 juillet 1960.
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~a press~, en t?ut cas, n'apporte aucune précision à c~t egar~ bIen qu elle donne des détails au sujet des reperCUSSlOns de la mutinerie dans la région du BasCongo. A Kimpese,
« Des soldats ont réuni r ensemble de la population européenne au centre du poste, pour réclamer le dépôt immédiat des armes. Après les avoir réquisitionnées, ils ont quitté la place pour se rendre dans le poste voisin. » (1) A ~u~ala, le personnel de la cimenterie a subi. quelques seVIces . « Toutes les armes ont été réquisitionnées » ( 1) . A Zongo, le personnel de la centrale a souffert les mêmes désagréments. Il enverra, d'ailleurs, dès le lendemain, une délégation auprès du Premier Ministre pour le menacer d'évacuer la Centrale. « Si le personnel n'est pas protégé par les autorités » (2). Pour être complet, ajoutons qu'un journal français (3) relate qu'« ailleurs », les mutins : « Ont pr~cipité dans un ravin, le matériel agricole lourd d une grosse société foncière. A Inkisi, un employé au pipe-line a dû être évacué par hélicoptère, parce qu'il était menacé, mais un peu P~~s t.ard d~l1S la journée, les hommes du pipe-Hne réfugIes a la cImenterie de Lukala ont pu regagner leurs installations (4). . A M,a~adi, où un administrateur congolais de territOIre a ete nommé, un commissaire belge a été arrêté sur son ordre (5). Sans doute les rumeurs les plus (1) Cité 8 juillet 1%0.
(2) (3) (4) (5)
Cité du 8 juillet 1960. Le Monde du8 juillet 1%0. Cité du 7 juillet 1%0. Libre Belgique du 7 juillet 1960.
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sinistres se répandent, comme si la réalité n'était pas déjà assez pénible. « Les nouvelles en provenance du Bas Congo, écrit la Libre Belgique (1) font état d'un nombre très important de morts, mais il est impossible en ce moment d'obtenir confirmation. » Mais renvoyé spécial de La Libre Belgique démentira cette rumeur. « Aucun Européen tué» câblera-t-il (2). Et c'est lui qui a raison. Il n'y a pas un mort. II. A Léopoldville. Pendant ce temps, la mutinerie a suivi un tout autre déroulement dans la capitale. Le matin du 6 juillet, à 7 h. 30, le Premier Ministre M. Lumumba entre au camp militaire (3). La Libre Belgique rendra pour la première et la dernière fois justice au Chef du Gouvernement congolais (4). Elle reconnaît qu'il fait ce qu'il peut pour calmer, pour réprimer la mutinerie. J. K. précise : « M. Lumumba ne put se faire entendre lorsqu'il se rendit à la caserne pour tenter d'apaiser les esprits. Sa voiture fut bousculée et il fut conspué. Il dut battre en retraite (4). Dans son message aux troupes, M. Lumumba leur promettait »des améliorations sensibles à leur situation sociale. » En attendant r élaboration du nouveau statut de r Armée, il annonçait la promotion de tous les gradés et soldats à un grade supérieur. « La nouvelle réforme envisagée pour l'Armée, (1) Du 7 juillet 1960. (2) Le 8 juillet 1%0.
(3) Courrier d'Afrique le 6 juillet 1%0. (4) Le 7 juillet 1%0.
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Chronologie de la, mutinerie promettait~il,
supprimera toute trace de discrimina~ tion raciale parmi les militaires. » Il rappelait aux soldats la nécessité de la discipline et « que les représentants du Gouvernement parmi eux sont leurs officiers, leurs sous~officiers et leurs gradés, lesquels ont prêté le serment de servir notre pays avec loyauté (1). » Ce langage n'a pas satisfait les militaires. . Une partie des troupes quitte la caserne sans armes mais en tenant le ceinturon à la main. Les barrages de police sont impuissants à arrêter les soldats. Ils se dirigent vers l'ancienne l'ésidence du Premier~,Ministre, au Boulevard Albert (1). « Le Premier~Ministre ne s'y trouvait pas. Les manifestants s'en prirent aux policiers de garde. Ils s'en prirent également à quelques pas~ sants européens et à certaines voitures sans que ces incidents prennent un caractère systématique. » Les manifestants se dirigent vers le Palais de la Nation. Ils sont arrêtés devant les portes gardées par les gendarmes. Ils vont molester le Commandant du Palais, puis un commissaire de police. Ils empêchent les photographes de presse de prendre des photos.
Un fusil enlevé à la gendarmerie est remis à la police. V ers 1 h. 30, une délégation de militaires est reçue par le Président de la République, M. Kasavubu. Le Ministre des Affaires Etrangères, M. Bomboko parlemente avec les manifes'tants. Vers Il h. 30, il obtient qu'ils Se retirent.
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A 12 h. 30, le Premier~Ministre et Ministre de la Défense Nationale fait une déclaration à la radio. Il (1) Courrier d'Afrique du 6 juillet 1960.
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y annonce les premières décisions prises par le Gou~ vernement (1). « 1) Des promotions seront faites incessam~ ment dans l'armée en faveur des congolais. 2) Des mesures seront prises contre des offi~ ciers et sous~officiers européens que le Gouverne~ ment considère comme responsables des troubles. 3) Le Premier~Ministre a eu, à ce sujet, un entretien avec M. Van den Bosch, ambassadeur de Belgique. 4) Les militaires arr-êtés seront libérés immé~ diatement. Notre objectif. a dit M. Lumumba, est de con~ fier, à des congolais des postes de commande dans l'Administration, l'Armée et la Police et de prou~ ver ainsi que le Congo est réellement « indépen~ dant. » Entretemps, la communication par liaison radio avec Thysville, qui était coupée depuis deux heures du matin, est rétablie. Le Gouvernement apprend les troubles du Camp Hardy. MM. Kamitatu et Diomi, président et vice~prési~ dent du gouvernement provincial partent immédiatement. Nous connaissons déjà le rôle joué par M. Diomi en faveur des réfugiés de Madimba, Inkisi et Thysville. Le Président de la République et le Premier Ministre partiront eux~mêmes pour Thysville dans r après~midi. du 6 juillet à 17 heures. M. Lumumba a d'autant plus de mérite à entrepren~ dre ce voyage que « de bonne Source on apprend que les mutins de Thysville ont menacé de tuer Lumumba s'il se pré~ sente devant eux (2). » D'autre part, une colonne de mutins monte vers la capitale. ( 1) Courrier d' Afrique 6 juillet 1960. (2) Libre Belgique 7 juillet 1960, sous la signature de
J.
K.
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ChTonologie de la mutinerie
Le Ministre de l'Information, M. Kashamura, a déclaré au micro de la radio nationale dans la matinée du 6: (1) « La situation est grave. « Les ennemis de notre indépendance ont pro~ voqué partout des troubles et ont créé un malaise dans l'armée. Nous devons, tous" comme des frères, lutter contre les ennemis de l'intérieur et de l'extérieur. » Dans la capitale, une assistante sociale, Mlle V er~ meersch a été molestée mais non blessée, dans la journée du 6 et un européen qui intervenait a reçu quelques coups de ceinturon (2). Dans la soirée du 6, les cinq commissaires européens , oolice sont arrêtés et incarcérés. voisinage du camp de police, on fait le siège de ..J'un commissaire qui !oule en respect en la menaçant d'une '~,).
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Le Président de la République et le Premier~Ministre, partis pour Thysville, ont rencontré la colonne de soldats qui montait vers Léopoldville. « Les soldats assuraient à M. Kasavubu qu'on leur avait signalé qu'ils pouvaient s'attendre à une éventuelle attaque des militaires belges (1). » M. Kasavubu les détrompe. M. Lumumba parle aux soldats. Ils l'applaudissent. « Ils rentrèrent ensuite en bon ordre dans leur camp. » Une dépêche Associated Press parvenue à Bruxelles au début de la soirée du jeudi 7 juillet (2) annonce « La révolte de la Force Publique congolaise a pris fin aujourd'hui et les deux centres de résis~ tance, Thysville ~ Léopoldville sont retournés à une situation relativement normale. » A Thysville, en tout cas, le commissaire de district des Cataractes, M. Willy Cards, est formel (3) « Les 8, 9 et 10 juillet, c'est le calme complet. La journée du Il juillet débute elle aussi dans le calme. » Il faudra la folle intervention des marins belges à Matadi pour que la mutinerie renaisse et prenne cette fois des développements considérables. A Léopoldville, à l'exception de cette rumeur étrange d'une invasion soviétique qui va jeter le jeudi, les soldats sur les routes qui mènent à l'aérodrome (-4). tout est aussi rentré dans l'ordre.
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Et voilà tout 1 Nous avons eU! le scrupule d'entrer dans les détails. ( 1) Libre Belgique du 8 juillet 1960. (2) Peuple du 8 juillet 1960. (3) Soir 21 juillet 1960. (4) Libre Belgique 9~1O juUlet 1960. Nous reviendrons sur cette «rumeur» lorsque nous rechercherons l'existence éventuelle d'un «complot ».
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Chronologie de la mutinerie
Parce qu'il faudra faire le départ - et très nettement entre les sévices qui ont précédé intervention militaire belge au Congo et ceux qui la su.ivront. Si la Commission d'enquête - unilatéralement désignée par le Gouvernement belge - ne faisait pas cette distinction, elle se déconsidérerait. Et, à cet égard, il ne faut pas qu'il y ait d'équivoque. Il ne faut pas jouer sur les mots, et parler, comme M. le Ministre de la Justice Merchiers a semblé le faire, au cours de sa conférence de presse, des sévices antérieurs à intervention belge en divisant celle-ci, en considérant isolément chaque endroit, en envisageant l'intervention des para~commandos non en bloc, mais dans chaque région, dans chaque poste déterminé et en considerant comme antérieur à l'intervention belge chaque sévice qui s'est produit avant que les militaires belges aient mis le pied à r endroit où il a été commis. Ce serait d'une mauvaise foi insigne. Nous sommes au XX· siècle, au temps de la radio. L'intervention belge a été connue au Congo dès qu'elle s'est produite. Le Gouvernement congolais a immédiatement ordonné qu'elle cesse, puis, a protesté contre elle. C'est le samedi 9 juillet, nous le verrons, que la Belgique est intervenue militairement pour la première fois.
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Ce sont donc les sévices commis avant le 9 juillet qui, seuls, pourront être pris en considération pour apprécier l'intervention belge, sinon sur le plan juridique où elle paraît indéfendable, au moins sur le plan humain où l'on a voulu la placer. Sur ce point, il est impossible de transiger.
Le monde jugera notre pays. L'histoire le condamnera même si son gouvernement peut encore pendant quelques temps égarer une opinion publique trop bien disposée.
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** Faisons donc le point.
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Chronologie de la mutinerie
La première mutinerie a donné lieu à des excès qui ne sont pas négligeables. Il y a eu certainement deux scènes de viols répétés dont ont été victimes des européennes. Il y a eu des scènes immorales, des gestes déplacés, des arrestations arbitraires mais qui n'ont pas été maintenues, quelques violences légères mais pas de meurtre, assez bien de vexations et de brimades. Peut être y a~t~il eu plus de viols qu'e les deux qui ont été rapportés aveC certitude. En tout cas, tout est strictement localisé. Le Gouvernement a immédiatement réagi. Il a tout mis en œuvre pour faire rentrer les mutins dans l'ordre. Il y a d'ailleurs, dans la plus large mesure, réussi. Dans les jours qui suivront, il fera l'impossible pour apaiser les paniques ou spontanée~ ou pr~vo:ruées qu~ vont se produire et pour mettre [m aux mCtdents qUt naîtront de ces paniques elles-mêmes.
*** Paniques spontanées et compréhensibles! que celles des européens qui vont accueillir dans l'après-midi du 7 juillet les réfugiés de la région d'Inkisi ~ Thysville : ceux du convoi automobile d'abord: « Dès leur arrivée à l'Ambassade ils sont pris en charge par des amis. Le train avec les réfugiés de Thysville était attendu au début de la soirée (1). Un journaliste nous décrit l'arrivée de ces réfugiés (2) . « Les premières familles belges qui ont quitté la région de Thysville et de Madimba sont arrivées (1) Cité du B juillet 1960. (2) Libre Belgique duB juillet 1960.
Chronologie de la mutinerie
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au début de r après~midi à Léopoldville. Couverts de poussière, non rasés, depuis plusieurs jours, les vêtements sales, les hommes se sont rendus auprès de r Ambassade de Belgique pour chercher protec~ tion. Les femmes et les enfants qui les accompa~ gnaient, les suivaient, portant sur leur visage les traces de longues nuits d'insomnie et de scènes d'épouvante qu'ils venaient de vivre. » Un repas hâtif est servi à l'Ambassade. C'est là qu'un rédacteur de l'Agence Belga a pu recueillir les premiers témoignages vécus de ce qui s'est passé les 5 et 6 juillet dans la région de Madimba. « Dans la capitale congolaise, écrit la Cité (1) aux dernières nouvelles, r arrivée des réfugiés pro~ voque un vent de panique et les nouvelles les plus folles se répandent et celles qui arrivent ici doivent être appréciées avec prudence. » Et pourtant, même en ce moment, pour ceux qui ont été les témoins de ces tragiques incidents, tout ne semble pas joué. Ils ont l'intuition que ces débordements n'ont qu'un caractère local, qu'ils seront sans lendemain, qu'ils ne justifient pas un « lâchez tout ». Une jeune femme rentrée en Belgique décrit l'état d'âme des réfugiées, (2) au moment de l'embarquement dans les vedettes pour Brazzaville. « On hésitait à s'en aller ... On espérait que les choses allaient se calmer. que l'on pourrait rentrer chez soi. Et puis, il y avait les parents, les maris qu'il fallait laisser au Congo. Les vedettes étaient là. Mais personne, tout d'abord, ne voulait y prendre place. Nous étions tellement désemparées. Nous. agissions comme des automates.
Chronologie de la mutinerie
Le personnel des bateaux nous criait d' embar~ quer. Mais nous ne bougions pas. Enfin, certaines femmes se sont décidées et toutes les autres ont suivi. Que fallait~il faire? » Il est certain que si les hlancs avaient été laissés à eux~mêmes, si les exemples n'étaient pas venus de haut, si des fonctionnaires, décidés, coûte que coûte, à rentrer en Belgique et qui croyaient avoir enfin trouvé leur pré... texte, n'avaient pas soufflé, de toutes leurs forces, sur les braises de cette panique naissante, hésitante et qui avait toutes les chances de s'' éteindre avec le calme et l'ordre revenus, il est certain que l'on n'aurait pas connu cet exode massif des européens. J. K. dans un billet de Léopoldville du dimanche 10 juillet, au matin (1) le dit encore : « Ce qui m'afflige le plus dans cette situation, c'est le lâchage des nerfs chez nombre d'Européens. On conçoit que les gens de Thysville, d'Inkisi et de Madimba cherchent à fuir le cauchemar qU'ils ont vécu. Mais il y eut surtout des incidents isolés. »
---(1) Du 8 juillet 1960.
(2) Le Soir 10--11 juillet 1960. «Le récit des rescapés.»
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(1) Libre Belgique du 12 juillet 1%0.
Les cadres blancs de la Force Publique
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titre : « Héros fatigués » il publie ce cinglant écho :
Les cadres LIanes de la Force Publique Les cadres blancs de la F. P. sont les premiers à s'effondrer à une allure qui, pour ces hommes, qui fai~ saient si volontiers jusqu'ici les matamores, ne peut s'expliquer uniquement par la peur. La « personnalité belge » de Léo qui confie ses souvenirs au Soir, note le 7 juillet à 8 h. 30 du matin (1) : « Sacré général! Il a donné sa démission. Il dira que c'est parce que Lumumba lui impose des ordres inexécutables : il est beaucoup plus vrai de dire que le général s'en va parce que sa troupe ne lui obéit plus. La fameuse formule: « Le général Janssens a la F. P. parfaitement en main» était une bau~ dru che. » Ce n'était pas seulement la formule qui était une baudruche. « Il faudra bien qu'un jour, écrit la même personnalité (2), on essaie de faire une enquête sur cette liquéfaction militaire. Quand le général est parti (ou du moins a démissionné), il restait à Léo plus de troupes fidè~ les que de mutins. Sa démission a été accompagnée du départ de pas mal d'officiers, qui ont sauvé leur femme et puis en civil ont monté la garde pour défendre éventuellement leurs épouses. Il n'est pas sûr qu'à ce moment tout ait été perdu de la discipline et de la fidélité de beaucoup de soldats d'ici. ». Et le Pourquoi Pas, ce moniteur des milieux colo~ niaux (ou colonialistes) est encore plus dur : Sous le (1) Soir du 29 juillet 1960.
(2) Soir du 5 août 1960.
« Sitôt le général Janssens dégringolé de son piédestal - et avec quel fracas! - un vent de panique souffla sur la gent militaire. L'impossible, l'inimaginable s'était produit : le dieu avait des pieds d'argile. Dès lors, les Européens de la Force Publique perdirent la foi et la boussole. Pas tous assurément. Mais on vit de pauvres militaires effondrés, venir chercher refuge à r ambassade de Belgique et ne plus oser en sortir. La mâchoire tremblante, ils disaient : - Je suis menacé, je suis terriblement menacé, ils vont me tuer ... Ils suppliaient qu'on allât en hâte leur acheter un pantalon foncé, une chemise blanche à échan~ ger contre leur tenue kaki. Ces pauvres militaires se déguisaient en civils et ils étaient parmi les civils, les plus secoués, les plus tremblants ... Ce n'était pas bien joli. Certains colonels donnaient r exemple. L'un d'entre eux réputé comme homme dur - snob aux allures de Prussien flegmatique - rappliqua dare~ dare sur Léopoldville et disparut bien vite de la circulation. Il partit en avion avec... madame. Sous un faux nom. »
(1) Pourquoi Pas du 15 jUillet 1960.
Les fonctionnaires, les magistrats
Les fonctionnaires, les magistrats Non contents de suivre le mouvement, vont en prendre la tête. M. Antoine Saintraint, l'homme courageux qui avait, à Kisantu, crié dans le désert et qui a, lui, le droit d'être sévère, dénonce ce lâchage généralisé, dans une inter~ view à la Libre Belgique (1). « Certes nous avons été le témoin d'actes de dévouement et d'héroïsme. Mais à côté de cela que de lâchetés, que de bassesses de la part de cer~ tains hauts fonctionnaires. Dès le début, la haute administration s'est fissurée, craquelée. Des magistrats, des officiers supérieurs ont fui comme des lâches, comme des rats, en se dissimulant parfois sous des noms d'em~ prunt. Cela a été le cas pour un magistrat qui s'est fait appeler M. Berlate (2). Nous avons vu des majors se battre pour monter dans des bus avant des femmes enceintes. Des médecins ont tenu jusqu'au bout. Mais il en est d'autres, des lâches qui sont partis les tout premiers et hantent déjà les ministères à Bruxelles pour rune ou l'autre revendication. Nous ne som~ mes pas très fiers d'être belges. Nous ne le sommes même plus du tout. » Les premiers rentrés ne perdent, en effet, pas leur temps. La loi du 21 mars 1960, nous l'avons vu, était (1) Du 25 juillet 1960. (2) On nous a raconté l'histoire de ce président du tribunal d'un chef-lieu de province qui pour pouvoir prendre plaœdans le premier avion réservé aux femmes et aux enfants se fit inscrire sous un nom de femme. La Libre Belgique du 15 juU1et 1960 rapporte que «sur une liste de malades prioritaires ne figuraie;tt que des hommes dont la seule maladie était une frousse intense. D autres personnes s'inscrivirent simultanément sur plusieurs listes de départ ... »
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généreuse. Mais les bénéficiaires éventuels n'étaient pas encore tout à fait tranquilles, malgré les assurances don~ nées par le Ministre Scheyven (1) dans un message aux agents européens du Congo : « Des craintes ont été exprimées au sujet de ce qu'il faudra entendre par « raisons indépen~ dantes de leur volonté» lorsqu'il s'agira d'appré~ cier si ragent peut bénéficier de l'intégration. Toutes ces questions, nous pouvons vous en donner l'assurance, seront examinées et résolues dans l'esprit de compréhension qui a présidé jusqu'ici à l'élaboration des dispositions déjà intervenues. » Dès leur arrivée à Bruxelles, les fonctionnaires et agents vont se précipiter chez le Ministre des Affaires Africaines pour lui faire préciser que les événements qui se déroulent au Congo constituent bien ces « rai~ sons indépendantes de la volonté » les « plaçant dans l'impossibilité de poursuivre leur carrière en Afrique ». . A une délégation de l'U.C.A.M. (Union des Cadres et Agents Métropolitains) le Ministre précisera (2) que remplissent les conditions légales : « Les dommages physiques causés aux agents et membres de leur famille et les dommages à leurs biens provoquant de pertes matérielles importan~ tes ainsi que r existence dans la région où ragent exerce ses fonctions, d'un état d'insécurité mettant les personnes et les biens en danger imminent. » Dès ce moment, plus rien ne doit retenir ceux qui, dès avant le 30 juin, étaient décidés à partir et n'atten~ daient que l'occasion pour le faire en conservant leurs droits. Ils seront, dans la plupart des cas, les premiers à partir. (1) Libre Belgique du 1~ mai 1960. . (2) Libre Belgique 12 jwllet 1960. Oté 12 jwllet 1960.
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Les fonctionnaires, les magistrats
Bien plus, s'ils étaient les seuls à partir, ils auraient belle figure devant la Commission qui jugera de rappli~ cabilité de la loi du 21 mars 1960. Singulier « état d'insécurité » que celui qui n'aurait fait fuir que les agents de r administration, les officiers et les magis~ trats! Dès lors, là où leur exemple - celui de r élite ne sera pas suffisamment suivi, ils aideront eux~mêmes à la panique dont seule la généralisation pourra les justifier. II suffit d'interroger les innombrables colons et agents du secteur privé rentrés au pays - et qui le regrettent amèrement - pour se rendre compte du rôle joué dans leur propre panique par les fonctionnaires et agents de leur ville ou de leur poste. ***
D'ailleurs, une fois la sécession katangaise réalisée, le gouvernement belge qui va, dès ce moment, adopter une politique différente à r égard du Katanga et du restant du Congo, obligeant les fonctionnaires à demeu~ rer au Katanga et favorisant leur départ dans le restant du pays (1) s'empressera de lever dans r esprit des agents qui hésiteraient encore, les derniers doutes. « Le Ministre des Affaires Africaines commu~ nique, lit~on dans la presse (2), que, suite aux événements qui se déroulent au Congo, les agents de r administration de la Force Publique, des offi~ ces parastataux et de renseignement agréé sont considérés comme étant dans l'impossibilité de poursuivre leur carrière en Afrique. En conséquence, les garanties prévues pour les agents précités par la loi du 21 mars 1960 leur sont acquises. » Dès ce moment, la débandade est générale à Léo~ (1) Sans doute parce qu'il escomptait que la désorganisation qu'entraînerait leur départ hâterait l'effondrement du gouvernement Lumumba. (2) Soir du 14- juillet 1960.
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poldvilIe, M. André Saintraint confie à J. K., (1) son indignation : « II nous disait son dégoût devant la fuite générale des fonctionnaires supérieurs. Incapables d'organiser quoi que ce soit, sinon r évacuation par priorité de leurs familles et de leurs objets personnels. La fureur est grande surtout contre certains hauts fonctionnaires. - Le procureur général et ses substituts sont venus nous dire qu'ils ne pouvaient plus travailler et qu'ils s'en allaient. Ils nous ont remis les clés des coffres de la Justice. » Au Tribunal de 1re Instance de la capitale, le 20 juil~ let, il n'y a plus que le Président. Et il n'est pas. tendre pour les magistrats de son tribunal (2). « Le Président, M. Van Raemdonck, a déclaré qu'il restait seul membre du Tribunal, tous les autres étant partis, certains cette semaine encore, alors que tout danger extérieur paraissait bien écarté. » « Plusieurs membres de l'Ordre judiciaire sont installés à Brazzaville d'où ils reviennent parfois furtivement pendant quelques heures à Léopold;.. ville pour chercher des objets personnels. » A Coquilhatville et à Stanleyville, c'est Hugues V ehenne qui récrit (3) : « - Partis! L'Administration en tête! Elle a bien fait! N' est~ce pas elle qui depuis longtemps conseillait aux Noirs de faire filer les colons! Et la magistrature 1 Il n'y a plus un seul magistrat à Coq, ni à Stan. A Stan, un avocat exerce provisoirement les
-----(1) Libre Belgique du 20 Juillet 1960.
(2) Cité 21 juillet 1960. Libre Belgique et Peuple 21 juillet
1960. (3) Soir du 28 juillet 1960.
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Les fonctionnaires. les magistrats
fonctions de procureur général. Tous partis, voUs 1»
dit~on
Le Premier~Ministre de la Province Orientale, M. Pinant, confiait d'ailleurs à l'envoyé spécial de la Libre Belgique (1). « Il n'y a même plus de magistrats dit~il. J'ai demandé à des avocats européens de remplacer les magistrats. Ils le font bénévolement. » Le Dr Job, parlant au Rotary d'Elisabethville (2) de la folie collective qui s'empara des Luluabourgeois évoquait: « ... Les juges, greffiers et substituts-, envolés. » Le président de la Chambre, M. Kronacker, (3) ren~ trant d'un voyage au Congo, dira lui aussi: « Hélas! 80 à 95 % des fonctionnaires sont partis « comme des dards » lors des premiers inci~ dents. Ils n'ont même pas pris le temps de faire leurs remises~reprises... » « Dans le Sud du Kivu, pas un seul fonction~ naire n'est resté sur place, alors que pas un seul Européen n'a été molesté dans cette région. »
* ** Comment ne pas citer ici les mots terribles de à J. K. (4:). Il évoque le sacrifice de son collègue Ryckmans, mort courageusement en voulant porter secours, dans le Bas~Congo, à des européens isolés et que menaçait la seconde mutinerie, celle qui suivit l'intervention militaire belge et le bombardement de Matadi. « - Ils me l'ont tué. Il est mort en héros et en saint. Mais demain, en Belgique, les coloniaux qui
M. Antoine Saintraint
(1) (2) (3) (4)
Le 28 juillet 1960. Essor du Congo du 4 août 1960. Soir des 25-26 septembre 1960. La Libre Belgique du 20 juillet 1960.
Les fonctionnaires. les magistrats
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ont fichu le camp les premiers exploit:r~nt ~on cadavre pour obtenir une meilleur compen~~rat1on avec les cadres. belges, car ils ne pensent ,qu a cel~ Compénétration, pension .... 13yck~ar:s. n y pensait pas, lui. Ce serait un sacnlege d utlhser sa mort héroïque pour cela. » Un fait est si.gnificatif et se passe de commentaires. Là où tous les' fonctionnaires avaient pris la fuite, de nombreux agents du secteur privé demeuraient. On ne leur avait pas: promis la compénétration. Là où tous les magistrats avaient décampé, la plu~ part des- avocats étaient restés. Si l'intégration dans les barreaux de la Métropo~e l.e~r était sans aucun doute acquise, elle ne leur assurait evldemment ni clients, ni dossiers ....
Le .ôle de rambassadeur de Belgique
Le rôle de
rambassadeur de Belgique
dans cette liquéfaction générale est mis en lumière par le journal de la « personnalité belge à Léo » qui confia ses souvenirs au Soir. On y voit que, dès le 7 juillet, le représentant de la Belgique encourage la panique au lieu de tenter de r enrayer, que dès le 9 juillet il décrètera à Léopoldville que les conditions prévues pour r application de la loi du 21 mars 1960 sont réunies, alors que le gouvernement belge n'émettra cette opinion que le 13 juillet. Mais lisons ce journal : .: 7 JUILLET: L'Ambassadeur fait diffuser ravis suivant : les femmes et les enfants devraient aller à Brazzaville - les hommes rester (ceux qui ont du service utile). L'Ambassadeur précise que chacun agit sous s'a responsabilité propre, lui n'en prend aucune. 9 JUILLET ~ 8 H. J'ai bien dormi, chez moi. Ce matin je téléphone au Parquet, on me répond que seuls les commis sont en service - pas· de magistrats. Ils ne sont tout de même pas partis à Brazzaville, tous! Que je regrette de n'être pas au moins procureur général. C'est tout de même pas le moment de lâcher. L'Ambassadeur fait s'avoir que les fonctionnai~ res et agents de la province de Léo peuvent se considérer comme n'ayant plus la possibilité de travailler. Le procureur général a été arrêté au camp militaire, hier, pendant quelques heures; lâché à 18 heures. Le.." magistrats estiment qU'ils sont aussi dans l'impossibilité de travailler. _ - C'est pas sûr! L'arrestation a été le fait des mutins, ils ont été libérés par les ministres ... (1) » (1) Soir 29 juillet 1960.
Quelques jours plus tard le jeu de l'Ambassadeur belge dans les troubles et dans le d~v:loppement de la panique, apparaît de plus en plus clalr. a cette « person~ nalité belge de Léo », à l'anonymat S1 transparent. « 22 JUILLET ~ Il HEURES. « Quelque chose de dramatique, à mon avis, pour la Belgique, pour les Belges d'ici, .pour les affaires belges abandonnées, pour les relahons avec le Gouvernement congolais, pour le moral de tous, Blancs et Noirs... Il s'agit de l'attitude de r Ambassade belge. Il y a pire. Il y a que des communiqués du Gouvernement belge paraissent qui insistent pour que tous - où c' est h~mainement possible :- res~ tent à leur poste. Ce n est pas posslble en blen des endroits. C'est possible ici pour beaucoup. Je parle notamment des fonctionnaires. L'Ambassade dit la même chose « en général ». Mais - et ceci est certain - chaque fois qu'un agent public va demander à l'Ambassade ce qu'il doit faire, on lui dit : « Allez. . vous~en: partez tout de suite 1 » ............ Que faut~il croire, les communiqués officiels belges ou les ordres et. instruc~ions indi~iduelles (voire collectives à certams servlces) de 1 Ambas~ sade de s· en aller le plus vite possible ? Est~ce que ceux' qui sont en service servent la volonté et l'inté. . rêt national belge en restant ou seront~ils consi. . dérés comme des traîtres et des vendus par les mêmes autorités belges et par l'opinion belge? Cette politique actuel\e, à deux faces n' est pas hon. . .J>" nête. . J'ajoute que le gouverne~ent co.ngol~is se rend parfaitement compte et explOlte la sltuahon. Il dénonce les bonnes intentions belges et le « sabotage » de toute l'Administration , et ça
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Le rôle de
rambassadeur
de Belgique
déteint chez les parastataux et les privés) par l'Ambassadeur. Il est bien certain qu'il n'y aura pas de normali~ sation des relations diplomatiques entre la Belgi~ que et le Congo, demain ou après~demain sans le remplacement de M. Y;an den Bosch, incontesta~ blement persona non grata ... Ça devrait se savoir... »
A côté de la. peur, la. vengeance L'attitude de r Ambassadeur de Belgique ne parti~ pas de cette volonté de revanche qui habitait sans aucun doute de nombreux belges quittant le Congo?· Qui le dira? « Dans beaucoup d'abandons, il y a eu de r amertume, rapporte J. K. (1) un esprit de revan~ che contre les congolais. Cela paraît indiscutable. » Et la « personnalité de Léo » qui fait ses confidences au Soir, toujours aussi clairvoyante, écrit (2) : « Oserais~je ajouter que si nombre de gens se sont enfuis devant les menaces réelles, les violences ou les horreurs, il y en a tout de même beaucoup (c'est le cas de la grosse majorité de ceux qui habi~ taient Léo) qui n'avaient pas de motifs suffisants, réels, de s'en aller. Je dirai même qu'en certains lieux des violences furent exercées parce que les Blancs ... s'en allaient (3) . cipait~elle
·····Ëtk~ congolais, aujourd'hui, à tous les étages, ajoutent à leurs griefs passés, celui du départ mas~ sif des Belges, départ qui n'a d'autre but et d'autres motifs selon eux, que de mettre le Congo dans r anarchie et la misère . i~~' Belges auraient tort de se consoler en pen~ sant : « Nousi partis, ils seront encore plus mal.. heureux que I?-0us, et s'ils veulent en sortir, ils nous rappelleront ». Quand ils' se rendront compte de leur malheur, ils nous en voudront davantage, et s'ils crient au secours, ce sera partout, sauf chez nous. »
....
(1) Libre Belgique du 3 août 1960. . (2) Soir du 5 août 1960. (3) Nous verrons que plusieurs incidents sont dus à cettë volonté des noirs de garder les blancs auprès d'eux.
Les incidents nés des efforts des Congolais pour enrayer la luite généralisée des européens
Les incidents nés de la réaction des blancs à la mutinerie Ils seront de deux ordres : 1) les blancs apprenant ce qui s'est passé, le 6 juillet dans la région d'InkisiIviadimba vont, dans de nombreux endroits, s'emparer d'armes et les soldats de la Force Publique (qu'on baptisera uniformément de mutins) vont rechercher ces armes ce qui entraînera des perquisitions, des résistances de la part des européens, des arrestations et parfois, à l'occasion de ces incidents, des brimades et des vexations. 2) les noirs, dans bien des cas, chercheront à enrayer la fuite généralisée des Européens. Jls ne veulent pas que les blancs s'en aillent. Et, comme dans le restant du Congo, rien, - jusqu'au 9 juillet, date du début de l'intervention militaire belge, - rien de semblable aux incidents dramatiques d'Inkisi-Madimba ne s'est passé, les Congolais ne comprennent pas pourquoi leurs blancs s'en vont. Ce n'est pas pour violer les femmes blanches qu'ils veulent les empêcher de partir, ce n'est pas pour molester les européens, c'est parce qu'ils ont conscience de n'avoir pas mérité cet abandon général, et la désorganisation qu'il entraînera, c'est parce que, dans bien des cas, ils les aiment bien et parce qu'ils ont besoin d'eux. Tragique cercIe vicieux. Des incidents naîtront de ces efforts des noirs pour retenir les blancs. Et la panique de ceux-ci s'exacerbera souvent dans la mesure même où ils auront l'impression que l'on veut mettre obstacle à leur fuite. Singulier paradoxe. C'est dans un incident de cet ordre : un train de réfugiés dont les noirs essaient d'empêcher le départ, que les autorités belges trouveront le premier prétexte de leur intervention militaire (1). (1) Le samedi 9 juillet à Kabalo dans le Katanga.
Un journaliste aussi malveillant que possible à l'égard des Congolais, M. Jo Gérard rapporte, avec attendrissement les propos que lui tient un noir du Katanga : (1) «Dans un garage, l'un d'eux (africain) me dit : « Si le patron veut rentrer en Europe on l'attachera à la chaise de son bureau pour qu'il ne nous abandonne pas. » Ce sentiment que l'on trouve louable lorsqu'il se manifeste dans le bon Katanga, peut-on le considérer comme criminel lorsqu'il trouve son expression dans le restant du Congo? C'est lui pourtant qui expliquera que les soldats congolais empêchent tout d'abord le départ massif des blancs de Matadi et les retiennent le samedi 9 juillet dans un hôtel de la ville où le Président de la République et le Premier ;Ministre, en personne, viendront les délivrer le dimanche 10 juillet (2). C'est dans ce souci d'arrêter l'hémorragie que le tra-
fic entre Léopoldville et Brazzaville sera arrêté à plusieurs reprises. Il sera d'ailleurs chaque fois rouvert sur l'intervention de ministres congolais, en présence de l'aggravation de la panique que provoquait la mesure prise dans l'espoir de l'enrayer ... ( 1) Libre Belgique du 18 juillet 1960 (2) Soir du 12 juillet 1%0, - La Libre Belgique du 11 juillet 1960. A la radio, M. Kashamura avait expliqué que si les abords du port de Matadi étaient gardés par les gendarmes, c'était pour enrayer la panique qui avait saisi les belges.
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Les incidents nés des efforts des Congolais
L'on se mouvait, de plus en plus, dans ce cercle vicieux. L'attitude de l'Ambassade belge à Léopoldville, ne laissait évidemment aucun espoir d'en sortir. C'est ce même mobile qui explique l'incident de Kongolo (au Nord d'Albertville) où des soldats de la Force Publique sont accusés d'avoir tiré sur un bateau de réfugiés dont ils voulaient empêcher l'exode. A cet endroit, où aucune violence n'avait été com~ mise, toute la population blanche avait décidé de s'en aller, à l'exception de l'évêque, des Pères des missions et de trois officiers. «II semble que les évacués aient essuyé des coups de fusil des mutins au moment de l'embar~ quement. » dit un communiqué émanant «du gouvernement pro~ vincial du Katanga» le samedi matin (le 9 juillet). Il faut faire des réserves expresses au sujet des nouvelles transmises par ce gouvernement provincial dont on sait qu'à ce moment, il se préparait à justifier l'intervention des parachutistes belges, qui devait lui permettre de proclamer l'indépendance du Katanga. Au surplus, si, à Bruxelles, l'on parlait de deux tués et de 9 blessés grav·es, on indiquait que les deux victi~ mes étaient: « une femme et un enfant» (1). Alors que d'après le gouvernement provincial du Katanga, les morts étaient «un fonctionnaire de l'administration et un colon portugais» et il y avait trois blessés. Depuis lors, l'on n'a plus reçu aucune précision au sujet de cet incident et de ses suites et l'on ne sait donc s'il a fait des victimes et quelles elles sont.
Les' LIanes armés et la recherche des armes par la F.P. ,Nous avons parlé de la propension des européens à s armer. Il ~ombe sous le sens que le Congo indépendant ne pas permettre que perdure une situation aussi I.ntolerable et qui pouvait, à tout instant, dégénérer en catastrophe. ~ouv:ut
, Au surplus, personne ne s'étonne que, dès leur d~barq,u:men.t à Brazzaville, les blancs fuyant le Congo
aient ete pnvés de leurs armes, s'amoncelant sur le débarcadère. S'ils s'indignaient de se voir enlever leurs armes, au Congo même, c'est donc qu'ils avaient gardé, maIgre le bouleversement du 30 juin, tous leurs com~ p~e~es ~e sup~riorité à l'égard de leurs anciens colon~ses. C est qu ils ne pouvaient pas accepter ce renversement de la situation
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;. ~ès le début. les soldats congolais marquèrent le ~OUCI de ne pas laisser des armes en possession des blancs. .:A Thysville même, le jeudi matin (7 juillet 1960) \ .« les militaires ont commencé à perquisitionner 'Joutes les habitations européennes, enlevant les .armes qui s'y trouvaient. Suivant le témoin, rapporte la Cité (1). c· étaient des commandos congo!ais ,et des. gendarmes qui opéraient, accompa,gnes d un adjudant européen désarmé et suivis de di~aines de civils congolais poussant des cris de ')Qie. Ces militaires n'ont pas pillé. »
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Lès~<cris. d,: joie» c'esF la satisfaction du peuple de VOIr m,~ttre fm a une situation anormale et qui inquiète. T
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, S'il~ a"à,l'occasion des perquisitions quelques europeens mQlestes, ce sont en général ceux qui s'opposent ( 1) Cité 11 juillet 1960.
(1) 'La Cité du 8 juillet 1%0.
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Les blancs armés et la recherche des armes pal" la P.P.
à la perquisition ou ceux chez qui l'on découvre des armes. Certes, ces visites domiciliaires ne sont pas appré~ ciées par la population européenne. La Libre Belgique (1) s'indigne des perquisitions de Matadi: . «Les soldats mutins continuaient samedi à fouiller les maisons particulières sous le prétexte d'en enlever les armes. » La moisson de Brazzaville faite aprè~ les ~erquis~ tions et les fouilles démontre pourtant qu Il ne s agIssaIt pas d'un prétexte. A Léopoldville, même alors que l' ordre rè~ne ~t que M. Kasavubu a pris le commandement de 1 ar~ee, ce qui a entraîné une « nette détente » (2) 1 agence France~Presse rapporte que « Les soldats continuent de chercher des armes et fouillent systématiquement les voitures euro~ péennes. » (2) Mais l'Associated Press (3) reconnait que cette recherche n'est pas accompagnée de brutalités. « Il n'y a eu aucun acte de violence. la troupe patrouille sans cesse dans la ville ~n jeeps et en camions. Un certain nombre de cltoye~s b:lges ont été arrêtés. Un porte~parole de 1 armee a déclaré que ceIIe~ci recherchait surtout les person~ nes armées. » La presse belge baptisera du nom d' «otages» tous les blancs arrêtés dans de telles circonstances. Un communiqué du Courrier d'Afrique (4) est significatif à cet égard : « Les otages arrêtés à Jadotville ont été rela~ chés et il ne s'agissait pas à proprement parler ( 1) Du 11 juillet 1960.. . (2) Libre Belgique 9·10 JUIllet 1960. (3) Soir 9 juillet 1960. (4) Des 16-17 juillet 1960.
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d'otages mais d'européens trouvés en possession d'armes. Les autres n'ont pas été ennuyés. » Le couvre~feu est appliqué à Léopoldville à 18 heu~ res. Mais les blancs désireux de fuir s'en moquent. Et ce sont sur la route du «beach », de longues files de voitures. Cette circulation interdite de nuit entraînera, elle aussi des incidents avec les soldats chargés de faire respecter le couvre~feu.
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Dans bien des cas, les blancs ne se contenteront pas de conserver les armes qu'ils détiennent, ils vont cher~ cher des armes au bureau de police, toujours contrôlé par des officiers belges, ou au «Territoire» où elles sont conservées. Et ceci est encore plus grave. La population noire s'in~ quiètera de voir de véritables milices blanches se con~ stituer et s'armer. Les militaires n'auront de cesse qU'ils aient fait restituer les armes enlevées. II est impossible de relater pour chaque poste, com~ ment des incidents, - la plupart d'ailleurs, sans gra~ vité, ~ sont nés. A Boende, par exemple, où plus tard après 1'inter~ vention armée belge au Katanga, se traduiront des inci~ dents extrêmement pénibles. Au 9 juillet 1960, il ne s'est rien passé. Aucun blanc n'a été blessé ou molesté. Une réfugiée de Boende, Mme S.D.G. racontera dans une lettre au Pourquoi Pas (1) comment ratmos~ phère va se gâter : « La nuit du samedi 9 au dimanche 10, quel~ ques Européens du corps des volontaires (2) s'emparèrent des armes et munitions, déposées comme d'habitude au Territoire. Complètement affolé par la peur, le policier de (1) Du 22 juillet 1960. (2) Les «c.V.E. ~ dont le rôle a été néfaste, partout.
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garde courait au « Belge » (1) raconter tout cela en grossissant les faits. Résultat: le dimanche 10 au matin, la population était houleuse et apeurée, les soldats n'obéissaient plus aux ordres et s' empa.raient de leurs armes. Un bruit circulait : « On va perquisitionner chez les Européens pour les désar~ mer. » Les événements de Goma nous paraissent exemplai~ res. Nous disposons pour les reconstituer, d'un récit très complet (2). C'est un officier belge en garnison à la frontière du Ruanda~Urundi qui les raconte. - 11 les a vécus - 11 les voit d'ailleurs avec l'optiqùe très particulière d'un blanc et d'un officier. Son récit n'en est que plus significatif : « Suite aux troubleS' de Léopoldville et de Thysville, des Blancs de Goma, formés en Corps de Volontaires se sont rendus vendredi soir (3) au dépôt de munitions de la ville pour y enlever des fusils et des munitions. C'était évidemment dans un simple but de défense mais la Force Publique - travaillée depuis quelque temps par des émissaires (M.N.C., paraît~ il!) qui leur ont fait gober qu'après nndépen~ dance les Blancs allaient tuer les soldats noirs (4) - la Force Publique a cru à une attaque des Blancs; aussitôt les soldats sont montés dans des camions qui les ont dispersés aux quatre coins de la ville et ils ont montré leur intention de désar~ mer les Blancs. Ce fut le début de la panique ... ( 1) Pour ceux qui l'ignoreraient, signalons qu'on appelait «le belge» la cité indigène. (2) La Libre Belgique du 18 juillet 1960. «Notes d'un officier au Ruanda-Urundi. (3) Donc le 8 juillet. (-4) Parce que, pour cet officier belge, seule une propagande méchante a pu faire considérer à ces bons soldats noirs qu'il était intolérable que les blancs s'arment et se constituent en milice!
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Ces soldats noirs se sont saisis de leur com~ mandant qui, disaient~ils, les avait trahis en per~ mettant aux Blancs de s'emparer des armes et munitions. » .Il faudra le sang~froid du colonel Six pour apaiser, temporairement au moins, les soldats noirs et leur faire remettre les armes. Le colonel jurera solennellement que les commandos de Kisenyi au Ruanda ne les attaque~ raient pas ... Mais reprenons le récit de l'officier belge qui décrit très clairement, le mécanisme de la panique, la psycho~ logie des peurs en présence. « Voilà en fait, écrit~il. le fond de la question : de part et d'autre, tant chez les Noirs que chez les Blancs règne une énorme peur : les Blancs de Kisenyi (au Ruanda, à proximité de la frontière) qui se sont groupés près des hôtels de la plage et sont là, bardés d'armes, ont peur que la F. P. ne fasse une descente sur Kisen,yi : et de 1 autre côté de la frontière, la F. P. de Goma tremble de peur à ridée que les troupes belges de Kisenyi ne descendent sur Goma ... ! On en est là! D'un côté, il y a les soldats noirs ... qui con~ s~ate-?-t que les civils s'arment jusqu'aux dents, qui s eXCItent et se demandent ce qui se trame. De l'autre côté, il y a les Blancs qui sentent que la situation se détériore, s'arment pour proté~ ger leurs femmes, leurs enfants, leurs biens; et l'énervement des uns fait monter celui des autres, et vice~versa, jusqu'au moment où Blancs et Noirs sautent sur leurs armes, convaincus qu'ils vont se faire égorger l'un par l'autre. » Et cette notation du lundi après~midi (le Il juillet) particulièrement évocatrice de la situation : «La F. P. est retranchée dans son camp, sous le commandement d'un adjudant noir. Du côté des
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Blancs, c'est l'indécision. Que faut~il faire ? .oésar~ mer les Noirs ou non? Tout le monde en discute, les civils blancs se promènent en armes dans la rue, tout le monde donne son avis. » Avions~nous raison de souligner l'optique du narra~ teur? Il ne lui vient pas à l'idée que le Congo est, depuis quelques jours, un pays indépendant, que les soldats noirs constituent la force armée du gouverne~ ment de cet Etat, que leur souci de ne pas permettre à la minorité blanche de courir en élrmes et de constituer une milice est parfaitement légitime (1). Cela dépasse son entendement. Pour lui, en pareil cas, la seule question qui se pose est de savoir si l'on va désarmer les soldats noirs! Et pourtant à Goma, il n'y a eu, au Il juillet, ni viols, ni violences, ni brimades (2). C'est dans cette optique qu'il faudra considérer la plupart des interventions militaires belges, particuliè~ rement au Katanga : on désarme les militaires noirs, surtout les garnisons fidèles au gouvernement central. On laisse leurs armes aux blancs. Et pourtant, au départ de ces événements, il semble que certains mili~ taires de haut~grade aient vu clair. (1) Le très colonialiste «Essor du Congo, relatant le 23 juillet 1960, les événements de Goma, reconnaîtra pourtant le caractère illégitime de l'action des C.V.B. : «La panique s'est déclarée parmi la population européenne, suite ,waisemblablement aux événements du Bas-Congo car aucune raison locale ne semblait la justifier. Quant à la mutinerie de la Force Publique elle a été provoquée par la distribution d'armes et de munitions au corps de volontaires en dépit des instructions formelles de ne pas mobiliser le C.V. Des unités de ce corps furent chargées de la surveillance de certains points de la 'Ville. Il semble que la gendarmerie, forte de deux pelotons. se soit crue menacée par ce fait. Il n'y eut aucun pillage et les soldats ne pénétrèrent dans aucune maison. Néanmoins. Goma se vida totalement de ses habitants européens. » (2) Une dépêche de Bukavu. n'en annoncera pas moins la mort de M. Caprasse. commissaire de district à Goma. C'est le 14 juillet seulement (v. la Cité de ce jour), que la presse belge annoncera que M. Caprasse lui-même a démenti cette information.
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Si r on en croit la Cité (1). « Selon le colonel Six, r excitation semble avoir commencé lorsque les membres du Corps des Volontaires'Européens se sont présentés vendredi soir au commissariat de police pour se faire dis~ tribuer des armes et des munitions. La troupe a cru être menacée et a occupé cer~ tains points de Goma. Certains civils faisant l'objet d'un contrôle régulier par les policiers ou les gendarmes en service commandé, au sujet du transport illégal d'armes, ont cru être en présence de mutins. Cette fausse interprétation a semé la panique parmi les Européens de Goma et des environs, qui ont commencé à se réfugier à Kisenyi (Ruanda). » Même récit, même interprétation dans le Monde (2) qui tire la morale de cette triste histoire. « Ainsi en voulant prendre de légitimes (3) précautions, bien des Européens auront en fait été à la base de leur propre perte, car dès que les Congolais voient un Blanc en armes ils pensent qu'il va les abattre. » Retenons de ces récits que ce sont les derniers où l'on souligne qu'un soldat noir n'est pas nécessairement un mutin. Le 9 juillet, l'intervention militaire belge se déclen~ chera. Dès ce moment, de telles distinctions trouble~ raient peut~être la bonne conscience des belges. Tous les militaires congolais seront indistinctement des mutins ...
* ** Les événements de Luluabourg dont nous parlerons (1) Du 11 juillet 1960. (2) Monde du 12 juillet 1%0. (3) L'adjectif est évidemment discutable.
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ailleurs, puisque leur développement est postérieur à l'intervention militaire belge et qU'ils ne doivent peut~ être qu'à cette intervention de ne pas s'êtr,e terminés comme à Goma, n'ont pas d'autre origine que l'affron~ tement de deux peurs : celle des soldats noirs parce que les blancs se sont armés et retranchés, celle des blancs parce que les noirs veulent leur enlever leurs armes.
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A Jadotville les Européens se sont approvision~ nés en armes de la Force Publique et ont organisé des patrouilles (1). »
*** Un réfugié du Katanga racontera dans un journal français (1) ce qui se passe à Elisabethville, du 6 au 9 juillet. C'est le processus classique : « Les messages personnels des familles disper~ sées dans le Bas~Congo démoralisent.
On prend dans le dépôt de la police les armeS de celle~ci et on se les répartit entre Eu't'Opéens en même temps que pour être prêt à toute éven~ tualité on organise des tours de garde de nuit, et l'on prévoit le regroupement des familles dans les bâtiments de l'école. Le samedi 9 on apprend qu'à Elisabethville la Force Publique est devenue menaçante (2) : elle aurait même tiré, et il y aurait des morts (3). Dimanche 10. Alerte à 2 h. du matin, les Européens armés se rejoignent au bureau du Territoire (4). ( 1) Le Monde du 4- août 1960. (2) Parce qu'on l'a compris désormais, la Force publique devient menaçante si elle émet cette prétention, exorbitante aux yeux des blancs, de leur enlever leurs armes. (3) Exemple de la fausse rumeur. Il n'y aura pas de mort à Elisabethville avant .les combats de la nuit du 9 au 10 jUillet. (4) Retenons cette précision. L'armée belge est intervenue à Kabalo dans le Katanga, dans la soirée. La nouvelle en est parve~ nue au début de la nuit à Elisabethville. La Force publique sort de la caserne vers 23 h. Les blancs armés vont rencontrer la Force Publique et se battre. De là, les morts d·Elisabethville.
( 1) Ce sont ces Européens armés que la Force Publique arrê~ tera et qui seront libérés quelques jours plus tard par le bourgmestre Lundula, futur général en chef de l'armée congolaise. Les soldats noirs qui ont arrêté ces blancs armés sont des « mutins ». Ces blancs coupables de détention illicite d'armes sont, eux, des «otages» 1
Bilan de la mutinerie et de ses suites immédiates
Bilan de la mutinerie et de ses suites immédiates On ra vu. En dehors des excès profondément répréhensibles qui se sont produits à Inkisi, Madimba, Mbanza~Boma, dans la nuit du 5 au 6 juillet, et qui sont le fait de quelques soldats isolés - une vingtaine peut~ être sur les 4.000 du Camp Hardy, sur les 25.000 de la Force Publique du Congo - rien de grave ne s'est produit. La panique se développe parmi la population blan~ che, en partie spontanément à la nouvelle des quelques excès réels - peu nombreux mais épouvantables du Bas-Congo, ou même à la vue des victimes de ces excès, en partie sous l'influence des agents de l' adminis~ tration, magistrats, cadres de la Force Publique qui voient dans la panique le prétexte pour abandonner le Congo et exiger leur compénétration dans les cadres de la Métropole. La panique elle~même va engendrer des incidents de deux ordres, ceux qui seront dus aux tentatives - parfois maladroites - des congolais pour enrayer l'exode des européens et ceux qui seront provoqués par la pro~ pension des blancs à s'armer et par les efforts des noirs pour les désarmer. Pour dresser un tableau complet des événements du 5 au 9 juillet, il faut signaler la révolte des détenus de la prison centrale de Stanleyville (1) qui ont défoncé les portes de la prison. Mais dès 23 heures, la plupart de ces détenus avaient été repris devant le palais provincial. Au surplus, la presse le souligne (1) : « Dans les milieux officiels on signale que la discipline et le calme continuent de régner au (1) Soir et Cité du 8 juillet 1960.
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sein de la Force Publique mais que la population européenne vit à nouveau dans l'inquiétude. »
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** Pas un meurtre semhJ.e-t-il dans tout le Congo. Et s'il y a des morts, ce qui ne semble pas acquis - ils ne doivent pas dépasser le nombre de deux ...
*** Objectivement, donc, il est impossible de relever au 9' juillet dans les événements du Congo, les excès généralisés dont seraient victimes les blancs et surtout les femmes blanches, - généralisés au point de justifier sur le plan moral et humain - sinon sur le plan juridique l'intervention non sollicitée de l'armée belge dans le Congo indépendant.
L'irresponsabilité du gouvèrnement congolais
L~irresponsabilité du gouvernement congolais dans la mutinerie de la Force Publique et les diffi~ cuités de maintenir l'ordre, est incontestable. Nous nous sommes efforcés d'en convaincre nos concitoyens au lendemain même des premiers troubles. Dans le numéro spécial publié par la Revue « Remar~ ques Congolaises » le Il juillet 1960, paraissait un texte que nous, avions écrit le 8 juillet sous le titre : « Le Maintien de l'Ordre ». Nous ne devons pas avec le recul, en modifier une seule ligne : (1)
*** « De toutes manières un fait est dès ores acquis. Les excès qui se seraient produits ces der~ niers jours au Congo - et qui n'ont jusqu'ici coûté la vie d'aucun blanc - ne sont pas le résultat d'une révolte populaire que certains milieux de l'ancienne métropole appréhendaient. Nulle part le peuple ne s'est soulevé, nulle part il n'a cédé à un réflexe xénophobe. Il a accueilli son indépen~ dance dans la joie, mais sans violence et sans haine. Ce n'est pas le peuple qui a donné des diffi~ cuités aux dirigeants qu'il s'est choisi. Et lorsque les journaux nous disent que la situation pour les blancs n'est plus tenable dans le Bas~Congo, il faut dissiper une équivoque. Ce n'est pas aux pacifiques populations bakongo que cette situation serait imputable. Ce serait aux garnisons de la Force Publique (1) « Remarques congolaises », 2e année, nO 28. pp. 296 et suiv. Nous répétions, sans nous lasser, cette démonstration dans le n° spécial du 16 juillet 1%0 : «La Mutinerie de la Force Publique et la Sécession Katangaise » p. 302.
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casernées dans le Bas~Congo précisément pour y . maintenir l'ordre qu'elles auraient été seules a troubler. Quel paradoxe! Si violences il y a eu - et nous répétons ici toutes réserves - elles sont le fait de ceux~là même qui devaient les empêcher. Or, c'est nous, Belges, qui avons formé la Force Publique. Et pas le gouvernement congolais qui n'est en place que depuis quelques jours. En étions~nous fiers d'ailleurs! Nos hommes politiques, nos éditorialistes ne proclamaient~ils pas, en bombant le torse « Nous léguons au futur gouvernement congolais, cet instrument sûr, admi~ rable, cette machine bien rôdée; cette force intacte sur laquelle il pourra compter en toutes occa~ sions ». Cette Force Publique c'était les hommes que nous avions placés à sa tête, qui la commandaient, au soir du 4 juillet 1960. Et non ceux que le gouvernement congolais y aurait installés pour la prendre en mains. On touche du doigt, cette fois, les risques tragiques auxquels notre politique a exposé devait nécessairement exposer le gouvernement congolais - et que l'instauration d'un gouvernement provisoire congolais aurait palliés. Le gouvernement congolais qui allait prendre, du jour au lendemain, le pouvoir dans la nuit du 30 juin au 1 juillet, n'avait pu se constituer une force de police quelconque, à l'appui de son auto~ rité. Il avait à sa disposition la seule force que nous lui avions remise, en en vantant les qualités. Il n'en n'avait point d'autre : Nous ne lui avions donné ni le temps, ni l' oc~ cas ion de forger sa propre force ou de transformer celle que nous lui lèguions, en y installant par
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exemple aux postes~clés - non plus des hommes qui avaient été les plus sûrs soutiens du régime colonial - mais des chefs convaincus de la gran~ deur de leur tâche nouvelle : défendre l'Etat nais~ sant, protéger le gouvernement qui devait assurer ses premiers pas, des chefs enthousiastes acquis à l'indépendance du Congo et qui eussent insufflés à des hommes, éduqués dans un tout autre esprit, leur conviction et leur enthousiasme. Vraiment quand on sait tout cela - et qui pourrait l'ignorer? - il faut passer les bornes de la mauvaise foi pour reprocher au gouverne~ ment congolais de n'avoir pas été capable de main~ tenir l'ordre alors que nous ne lui avons pas permis d'en avoir les moyens et alors que la Force Publi~ que que nous avons mise à sa disposition lui a « claqué dans les mains ». Alors que le désordre est venu précisément de cette force de l'ordre... ».
Les répercussions des événements en Belgique Et pourtant nous allons le voir, ce n'est pas cette position équitable et raisonnable, - collant aux faits que les autorités belges vont adopter. Si l'on s'était montré juste vis~à-vis du gouvernement congolais, compréhensif pour une situation dont il n'était - en tout cas - pas responsable; sans doute aurait~on pu chercher avec lui des solutions : un moyen de pré~ venir le retour de pareils incidents, un moyen d'apaiser les craintes des belges sincèrement désireux de demeurer au Congo, parce que les autres, ceux qui avaient décidé de rentrer en Belgique à la première occasion, rien ne pourrait les faire renoncer au prétexte qu'ils tenaient enfin. Et au début, l'on aurait pu croire que l'opinion belge allait adopter ce jugement de bon sens. Un Ministre libéral déclare aux journalistes (1) : « Quant au général Janssens, c'est un militaire gaffeur et il- porte une grande responsabilité dans les incidents. » Le président du Parti Social~Chrétien, M. Théo Lefèvre, au débat de la Chambre du Il juillet, déclare encore (2) : « Voici longtemps que l'africanisation des ca~ dres aurait dû être entamée. Un congolais ne pouvait accéder à un poste plus élevé que celui de sous~officier! Lorsque cet instrument de l'ordre s'avéra inef~ ficace, le général Janssens adressa à M. Lumumba une lettr~ sur un ton tel qu'aucun ministre ne pou~ vait le tolérer de la part d'un militaire. » (1) Libre Belgique 8 juillet 1%0. (2) Peuple 12 juillet 1960.
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Et de son côté, dans le même débat, le Président du Parti Socialiste Belge, M. Collard stigmatisera (1) : « .,. L'affirmation qui s'est révélée fausse que la Force Publique était un élément parfait entre les mains de ses chefs blancs, que sa cohésion. que sa discipline et que son dévouement à ses chefs européens et sa fidélité étaient à rabri de toute. espèce de soupçon. Or, c'est précisément la défection de cette Force Publique qui est la cause déterminante des événements ». Les réactions en Belgique ne vont hélas pas suivre. une voie parallèle aux événements du Congo. Alors que les seuls drames au Congo, se sont limités dans l'espace, à la région de Madimba ~ Inkisi, dans le. temps, à la nuit du 5 au 6 juillet et que l'on va vers le rétablissement de l'ordre (2) et l'apaisement, en Be1~ gique, au contraire, la température va monter. Elle montera, en partie, sans doute, naturellement lorsque la nouvelle des excès du Bas~Congo parviendra à Bruxelles, (3) et lorsque les premiers réfugiés atterriront à l'aérodrome de Melsbroeck. Elle montera, surtout, sous la pression - vite irrésis~ tible - de plusieurs journaux - dont les plus répandus, dans le pays : Le Soir, La Libre Belgique, qui vont ameuter l'opinion publique, agiter devant les ministres. répouvantail de leur responsabilité au cas où les viols se généraliseraient, où des massacres se produiraient. Et certains ministres ne demandaient sans doute qu'à être convaincus, tel ce Ministre de la Défense Nationale. qui, dès les premières heures, envoyait des troupes dans " 12 juillet 1960. l'avons vu, un fait accompli dès le 7 juillet à ..lus total règnera jusqu'au 11 et ne sera ,giquement que par l'intervention militaire' . le texte Belga reproduisant la narration du
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les bases africaines, pour qu'elles soient à pied d'œuvre
( 1) : Et pourtant, au début, les autorités responsables avaient exprimé sur les événements des vues réalistes et raisonnables. A la Commission des Affaires Etrangères et Afri~ caines de la Chambre, le 7 juillet (2) « M. De Schrijver a dit qu'il faut être prudent au sujet des nouvelles qui viennent du Congo. Les officiers blancs sont toujours à Thysville et n'ont jamais été arrêtés. » (3) Interrogé sur les événements du Congo, M. Eyskens a répondu (4) : « Qu'il les considère comme les petites convul~ sions d'un jeune Etat. » (5) M. De Schrijver déclare à la presse (6) : « Il ne faut rien dramatiser. Les incidents sont en voie de résorption. A Léopoldville tout est ren~ tré dans l'ordre... » . M. Théo Lefèvre est plus précis encore (6) : « Il ne faut pas exagérer les incidents. On savait que la situation était pourrie dans le Bas~ Congo. Et le Général Janssens a commis de très graves erreurs. » L'échotier du Peuple (7) rapporte un propos du sénateur Henri Rolin : « C'est une surprise désagréable, nous disait (1) V. les pages où nous ferons la chronologie de l'intervention . (2) Cité du 8 juillet 1960. (3) Le r~?port d,u, commissaire de district M. Willy Caerels atteste que s Ils ont ete un moment arrêtés, ils sont libres en tout cas le 7. (4) Soir d'u 8 juillet 1960. (5) Lui reprochera-t-on assez ces «petites convulsions ». Comme il a raison pourtant si l'on compare ce qui s'est passé au Congo avec les troubles qui ont présidé à la naissance des Républiques Indienne et Indonésienne, par exemple. (6) Libre Belgique du 8 juillet 1960. (7) Le 8 juillet 1960.
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hier Henri Rolin, dans les couloirs du Parlement. Cependant jusqu'à jeudi après~midi, on n'avait pas tiré un seul coup de feu au Congo. Il faut s'en réjouir et dénoncer une fois de plus les paniquards et les capitulards. On souhaite qu'ils quittent le plus rapidement le Congo et soient remplacés par des hommes qui ne perdent pas les nerfs en face des convulsions qu'amène inévitablement la naissance d'un nouvel Etat ... » Le Président du P.S.B., M. Collard déclare de son côté (1) « La situation est suffisamment délicate pour ne pas recourir à des dispositions prématurées. Il faut surtout pour le moment avoir beaucoup de sang~froid et ne pas présenter. à l'opinion les choses de manière plus grave qu'elles ne sont en réalité. » M. De Vleeschauwer, Ministre de l'Agriculture, met le doigt sur la plaie, lorsque quittant, le 8 juillet, le Con~ seil de Cabinet, il lance à la presse (2) : « Si tous les journalistes ici et au Congo répan~ daient moins de faux bruits, tout· irait beaucoup mieux. » Le rôle d'une certaine presse est terrible, à cette heure. Elle exploite au maximum les sentiments d'inquié~ tude, d'angoisse de ceux qui ont des proches au Congo. Elle va souffler tour à tour la crainte, la haine, la vengeance. Elle va réclamer à cor et à cri l'intervention des troupes belges. Aidée par les interventionnnistes de tout poil qu'elle trouvera partout, elle poussera le gouvernement belge à tout remettre en question au Congo, à rattraper cette (1) Le Soir du 9 juillet 1%0. (2) La Libre Belgique des 9~10 juillet 1960.
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ind~pen~ance, inconsidérément accordée, à reprendre la. ~1t~atlO? en mains, à installer au Congo un résident mIlItaIre, a placer au gouvernement des noirs dociles et contrôlables. Mais avant d'aborder les textes, - si lourds de ~esponsa~ilité~ dan~ le drame congolais, - émanant des mt7r;rentlOnmstes, Il nous faut examiner, un instant, ce t~al:e belgo~congolais auquel il sera fait tant de vaines references.
Le traité belgo-congolais
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Le traité belgo-congolais Le mercredi 29 juin 1960, dans l'atmosphère d' eu~ phorie des veilles de fêtes, MM. Eyskens, Wigny, De Schryver et Ganshof van der Meersch, pour la Be1~ gique, MM. Lumumba et Bomboko, pour la République du Congo, avaient signé un «Traité d'amité, d'assis~ tance et d'aide technique» en Il articles ( 1 ). Au chapitre militaire, il était dit : « Toute intervention militaire des forces belges stationnées dans les bases du Congo ne pourra avoir lieu que sur demande expresse du ministre congolais de la. Défense Nationale. Des accords ultérieurs fixeront la modalité de reprise des bases militaires belges au Congo et préciseront les formes de coopération souhaitées par les deux gouvernements. » Ce texte était clair. Il prévoyait la possibilité d'une intervention de troupes belges au Congo mais il en pré~ cisait la condition sine qua non : «une demande expresse» du ministr,e congolais de la Défense Nationale. Dès avant le Traité, il était clair pour tout le monde que les forces armées belges ne pourraient plus, après l'indépendance, prendre d'initiatives au Congo. Dans une interview prise par la Libre Belgique (2)' à la question : « Il n'est donc pas exclu que le gouvernement congolais fasse appel à des forces belges après le 30 juin? un homme aussi favorable à la Belgique que M. Bomboko avait répondu : ( 1) Le préambule disait : « Les hautes parties contractantes, considérant que leur intérêt commun est de maintenir entre elles des liens d'amitié et de solidarité dans le respect de la souveraineté de chacun des deux Etats indépendants ». (2) Du 19/5/60.
« Ce n'est pas exclu, mais c'est évidemment le gouvernement congolais qui en prendra la responsabilité. » Et M. Marcel Grégoire dont l'hostilité à l'indépen~ dance congolaise fut constante, avait au moins le mérite, avant l'indépendance, de donner un avis de juriste, net et sans équivoque (1) : «Le grave, écrivait~il, c'est ce qui se passera après le 30 juin, lorsque les belges seront sans qualité juridique pour prendre des initiatives. »
*** C'est du côté belge que le traité fut d'abord remis en question. Dès le jeudi 7 juillet, les Commissions des Affaires Etrangères et africaines de la Chambre réunies sous la présidence du baron Kronacker en présence de ;MM. Wigny, De Schrijver et Scheyven « pour examiner le projet de loi portant approbation du traité d'amitié, d'assistance et de coopération technique entre la Belgi~ que et le Congo» avaient décidé d'ajourner leur vote. «Sur proposition d'un membre de la Commis~ sion, on n'avait pas voté (2). Les membres ont estimé qu'étant donné les événements du Congo, il valait mieux remettre le vote à mardi.
La Commission, a dit M. Kronacker, veut « digérer tout cela» et se réunira mardi à 10 h. 30 pour prendre une décision. » Les journaux (2) donnent des précisions concernant les motifs de c,ette décision. « M. Lahaye (libéral) s'est étonné de voir dis~ cuter un projet de traité d'amitié, au moment où des hommes, des femmes et des enfants doivent être évacués de Thysville, où des actes d'hostilité et de brutalité sont commis sur la personne de nos· (1) Soir du 20 mal 1960. (2) La Cité du 8 juillet 1960. Le Soir du 8 juillet 1960.
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compatriotes et au moment où on saisit leurs biens.» (1) M. De Schryver lui~même, bien que formulant des réserves au sujet des nouvelles parvenues à Bruxelles, se laissait aller, dans l'ambiance, à déclarer, lui, qui avait signé le traité, la semaine précédente (2) : «Quant à l'opportunité du projet de loi, il semble en effet qu'il serait comparable à une coquille vide, s'il n'y a pas d'accord sur son con~ tenu et son esprit des deux côtés. » M. Loos (PSC) ira plus loin encore (3) : « Le traité n'a aucun sens au moment où l'on reçoit des nouvelles aussi alarmantes et ce serait faire preuve de faiblesse que d'offrir encore un tel traité d'amitié dans lequel la Belgique est le seul donnant. » Quant aux fonctionnaires belges revenant du Congo, leur opinion est encore plus nette (4) : « Un autre fonctionnaire (rentré de Léopold~ ville) interrogé au sujet du traité d' amitié belgo~ congolais, explose : - Le traité d'amitié? Aux oubliettes, vous comprenez bien! » Quelques jours plus tard, le Vicomte Terlinden écrira dans la Libre Belgique (5) : « Remarquons tout d'abord que le traité d'ami~ tié belgo-congolais n'existe encore qu'à l'état de projet, et qu'il n'a été ratifié ni par les Chambres belges, ni par les Chambres congolaises. »
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Le' traité belgo-congolais
Ce sont donc bien les belges qui, les premiers, ont fait les «dégoûtés ». Faut~il s'étonner que les autorités congolaises aient suivi leur exemple. La lettre par laquelle le gouverne~ ment congolais annonçait la rupture des relations belgo~ congolaises signalait (1) : «Que le Parlement a refusé d'approuver le traité d'amitié. » Au Parlement d'ailleurs, M. Lumumba avait déclaré, le vendredi 15 juillet, suivant une dépêche de l' Asso~ ciated Press (2) : «Les actes du gouvernement belge, depuis l'indépendance, font que le traité d'amitié et d'as~ sistance entre les deux pays n'est qu'un chiffon de papier de mauvaise foi. »
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Quand on sait les motifs pour lesquels les Commissions belges ont remis l'examen du traité, la réponse que le ministre \-Vigny fera le 27 juillet 1960 (3) à la question «Le traité d'amitié et d'assistance technique signé par le gouvernement belge et le «gouver~ nement » (4) de Léo reste~t-il en vigueur? » est difficilement qualifiable, si l'on veut à tout prix, éviter l'outrance, M. Wigny. - « Pour moi, il est en vigueur. Il ne prévoit pas expressément la nécessité d'une ratification. » M. Wigny s'était sans doute aperçu de l'énorme bévue commise, - avec sa bénédiction - par les Com~
( 1) De quels biens parle M. Hilaire Lahaye 7 Est-ce peut-être des armes que tant de nos compatriotes détenaient 7... (2) Cité du 8 juillet 1960. (3) Soir du 8 juillet 1960. (4) Libre Belgique des 9-10 juillet 1960. (5) Du 14 juillet 1960.
(1) Libre Belgique des 16-17 juUlet 1960. (2) Reproduite par la Libre Belgique des 16-17 juillet 1960. (3) Libre Belgique du 28 juillet 1960. (4) Parce qu'à partir de ce moment on ne parlera plus du gouvernement de M. Lumumba qu'en l'affublant de guillemets ou en le qualifiant de «soi-disant gouvernement ».
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Le traité
belgo~COrigolaia
missions, lorsqu'elles postposèrent le vote du traité, dont elles eussent dû, au contraire, hâter la ratification ... II est bien évident, n'en déplaise au Ministre belge des Affaires Etrangères, que le traité n'avait jamais été en vigueur. D'ailleurs, s'il l'avait été, seul un appel exprès du ministre congolais de la Défense Nationale eût pu entraîner l'intervention des troupes belges. Toute référence au traité, si elle n'est pas vaine, dès l'abord, se retourne donc contre ceux qui la tente~ raient pour justifier les opérations des paras~commandos belges.
1:
Les interventionnistes Par une sorte de paradoxe, c'est un socialiste, M. Anseele qui, le premier, à la séance des Commis~ sions des Affaires Etrangères et africaines de la Cham~ bre le 7 juillet a lancé l'idée d'une intervention en dehors des conditions prévues par le Traité d'amitié. La Cité (1) rapporte comme suit son intervention: « M. Anseele a surtout demandé des précisions quant à la Force militaire belge. II a demandé aussi si le général Janssens était déjà remplacé et
s'il fallait vraiment attendre l'invitation du gOrt~ vernement congolais pOl1Jr défendre nos compa~ triotes. » Mais cette question, même si elle suggère la réponse a y faire, paraît bien anodine à côté de la campagne d'intimidation et de pressiop qu'une certaine presse va mener. Dans son numéro du 8 juillet 1960 (2), la Libre Belgique accumule les titres inquiétants : « Le gouver~ nement minimise les incidents du Congo» « Les soldats mutins se sont livrés à d'odieuses violences à Thysville et dans le Bas~Congo » (3) et écrit, dans un éditorial engageant la responsabilité du journal : « Le gouvernement belge ... ne peut laisser tomber les bras ni rester passif devant les désordres a<:tuels. Il n'est pas impossible que le gouvernement de Bruxelles craigne d'engager dans l'affaire les trou~ pes belges stationnées en Afrique. Il serait criminel que cette crainte dégénère en pusillanimité. Si des (1) Du t8 juillet 1960. (2) A un moment où, nous l'àvons vu, les excès de la nuit' du 5 au 6 juillet demeurent les seuls incidents graves qui se soient passés au Congo; (3) Ce que l'on a vu, est faux, en ce qui concerne Thysville, et extrêmement limité, en ce qui concerne le Bas..congo.
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missions, lorsqu'elles postposèrent le vote du traité, dont elles eussent dû, au contraire, hâter la ratification ... Il est bien évident, n'en déplaise au Ministre belge des Affaires Etrangères, que le traité n'avait jamais été en vigueur. D'ailleurs, s'il r avait été, seul un appel exprès du ministre congolais de la Défense Nationale eût pu entraîner l'intervention des troupes belges. Toute référence au traité, si elle n'est pas vaine, dès r abord, se retourne donc contre ceux qui la tente~ raient pour justifier les opérations des paras~commandos belges.
Les interventionnistes Par une sorte de paradoxe, c'est un socialiste, M. Anseele qui, le premier, à la séance des Commis~ sions des Affaires Etrangères et africaines de la Cham~ bre le 7 juillet a lancé l'idée d'une intervention en dehors des conditions prévues par le Traité d'amitié. La Cité (1) rapporte comme suit son intervention : « M. Anseele a surtout demandé des précisions quant à la Force militaire belge. Il a demandé aussi si le général Janssens était déjà remplacé et s'il fallait vraiment attendre l'invitation du gort~ vemement congolais pour défendre nos compa'~ triotes. » Mais cette question, même si elle suggère la réponse il y faire, paraît bien anodine à côté de la campagne d'intimidation et de pressiop qu'une certaine presse va mener. Dans son numéro du 8 juillet 1960 (2), la Libre Belgique accumule les titres inquiétants : «Le gouver~ nement minimise les incidents du Congo» « Les soldats mutins se sont livrés à d'odieuses violences à Thysville et dans le Bas~Congo » (3) et écrit, dans un éditorial engageant la responsabilité du journal : « Le gouvernement belge ... ne peut laisser tomber les bras ni rester passif devant les désordres actuels. Il n'est pas impOSSible que le gouvernement de Bruxelles craigne d'engager dans r affaire les trou~ pes belges stationnées en Afrique. Il serait criminel que cette crainte dégénère en pusillanimité. Si des (1) Du 8 juillet 1960. (2) A un moment où, nous l'àvonsvu, les excès de la nuit' du 5 au 6 juillet demeurent les seuls incidents graves qui se soient passés au Congo. (3) Ce que l'on a vu, est faux, en ce qui concerne Thysville, et extrêmement limité, en ce qui concerne le Bas..congo.
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troupes belges ont été stationnées au Congo, c'est précisément pour préserver les populations blan~ ch~s contre des désordres graves (1). En ordonnant leur intervention trop tard ou en subordonnant celle~i systématiquement à une réquisition problématique des ministres congolais, nos ministres assumeraient une nouvelle et lourde responsabilité. » « ... II n'est jamais trop tard pour abandonner des illusions et adopter des solutions réalistes. » «Jeudi après~midi. au Parlement, certains ministres semblaient vouloir minimiser la gravité des événements. Qu'ils se méfient. Un moment vient où l'opinion ne se contente plus de mots. » Le même journal revient à la charge, le lende~ main (2). «On aurait aimé une ferme déclaration met~ tant le gouvernement congolais en face de ses res~ ponsabilités et proclamant en toute clarté que les troupes d'Afrique n'attendraient pas que l'émeute tourne à la tragédie pour intervenir énergique~ ment. Cette déclaration publique n'est pas venue. Néanmoins la presse a enregistré une prise de position plus ou moins officieuse d'un ministre libéral se livrant à des considérations juridico~ politiques, d'où il résulte que les soldats belges cantonnés en Afrique n'assisteront pas impassi~ bles au massacre éventuel de leurs compatriotes. (3) Tout cela manque un peu de clarté et de netteté. » ( 1) Cette affirmation parait bien audacieuse. Il semble que le stationnement de troupes belges ait été plutôt prévu pour aider éventuellement le gouvernement congolais à repousser une agres~ sion contre ses frontières. (2) Dans son numéro des 9~1O juillet 1960. (3) Tout le monde sait qu'il n'a jamais été question d'un tel massacre, ni avant l'intervention militaire belge, ni après et malgré cette intervention.
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Et la Libre Belgique va s'efforcer de faire la clarté, en formulant ses exigences : «2) Parmi ces mesures, il y a évidemment l'intervention des troupes belges. Le gouvernement congolais doit savoir que la Bel~ gique ne laissera jamais massacrer ses enfants et qu'elle ne tolèrera pas davantage qu'ils soient r objet de sévices ou livrés à la menace des foules indigènes en proie à r émeute. »
r organisation de
« 4) Dans tout cela il serait sot de s'encombrer de scrupules juridiques (1). Certes notre journal a toujours défendu le droit sur le terrain internatio~ naI. tout particulièrement. Mais le maintien de r ordre et la sauvegarde des vies est un impératif qui dépasse tous les autres. » Les «coloniaux» s'agitent également. M. Blaise président d'une délégation d'anciens coloniaux effec~ tuant une démarche chez le Premier Ministre et reçue par son chef de Cabinet, M. d'Aspremont~Lynden, déclare au micro d'une station radiophonique étran~ gère (2) : «Je m'insurge contre le fait que l'autorité belge semble prendre les choses de «manière désin~ volte. » Les anciens coloniaux vont d'ailleurs manifester le dimanche matin (3) devant la statue de Léopold II. Le Soir (4) va préconiser, lui aussi, l'intervention : « . .. nos gouvernants doivent bien se per~ (1) Au cours de toute la crise, on constatera, tour à tour, le mépris le plus profond affiché pour le juridisme, quand il gêne, et r affectation du plus grand respect, quand il sert. (2) Libre Belgique des 9-10 Juillet 1960. (3) A un moment où ils ignorent que, depuis la veille, les parascommandos belges sont intervenus au Katanga et que leurs vœux sont donc comblés. (4) Du 9 juillet 1960.
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suader que l'opinion réagira avec violence et à juste titre si elle constate que notre «politique de générosité» n'aboutit qu'à infliger de durs sévices et peut~être des blessures et la mort aux Belges du Congo. L'émotion provoquée dans notre popu~ lat ion par les dramatiques incidents de Thysville en est la preuve patente. » L'éditorial du Soir du lendemain (1) est encore plus énergique. Il titre « La fermeté paie ... » et dit : « Si M. Lumumba s'avérait incapable de rame~ ner ses concitoyens au calme, le gouvernement belge se trouverait dans l'obligation d'assurer lui~ même la protection des familles européennes au Congo. » La Libre Belgique du Il juillet 1960 va dévoiler le véritable objectif des interventionnistes. Sous le prétexte de protéger des vies humaines _ qui ne semblent pas menacées au matin du 9 juillet 1960 - ce qu'il faut, c'est rétablir l'ordre, - notre ordre _ et reprendre le Congo en main : « Devant l'incapacité manifeste du gouverne~ ment congolais à s'acquitter de sa tâche essentielle: le maintien de l'ordre, il reste à la Belgique, un devoir impérieux à remplir : celui de le rétablir elle~même par tous les moyens et de la manière la plus énergique. Notre pays ne peut pas se discréditer davantage devant r opinion internationale (2). » ... Les moyens de rétablir l'ordre existent. Et quand l'ordre sera rétabli il restera à placer au Congo un résident militaire expérimenté, doté de moyens efficaces. On pourra ainsi apprendre progressivement et méthodiquement aux Congolais - et en y mettant tout le temps qu'il faudra - que (1) Les 1O~11 juillet 1960. (2) C'est précisément l'intervention qui va entraîner ce discré~ dit dans l'opinion internationale.
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l'exercice du pouvoir, dans cet immense pays de 13 millions d'habitants pose tout de même d'autres problèmes que l'administration d'une chefferie. » Le président du parti libéral, M. Motz, se fera le théoricien de l'intervention militaire. Au lendemain de la première intervention (1), il déclarera. « La situation est encore confuse, mais une chose apparaît clairement, c'est l'intérêt et l' effica~ cité des interventions des troupes de l'armée belge et nous affirmons notre conviction de la nécessité de maintenir dans ['avenir des bases militaires bel~ ges au Congo. » Le même homme politique a, le lendemain, les hon~ neurs du Soir (2) sous le titre prometteur : «M. ,Motz justifie en droit l'intervention belge. » On lit avec surprise les justifications données par le juriste Motz. Le moins qu'on en puisse dire est qu'elles semblent dépourvues de rigueur juridique. « A l'issue de son entretien avec M. Lefèbvre, ministre de l'Intérieur, M. Motz a été entouré par les journalistes. Après avoir dit qu'il n'avait rien de particulier à déclarer, le président du parti libéral s'est demandé: «y a~t~il un gouvernement au Congo? Dans l'état actuel des choses, l' opinion publiqu~ belge ne· comprendrait pas que l'on n'intervienne pas pour sauver la vie de nos compatriotes au Congo! » M. Motz a ajouté qu'à son avis, il ne saurait y avoir de complications internationales à la suite d'une telle intervention (3). (1) (2) (3) tude à
Le Courrier d'Afrique du 11 juillet 1960. Du 12 juillet 1960. L'événement allait montrer que M. Motz avait peu d'apti~ la prophétie.
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« Intervenons~nous contre une armée congolaise bien organisée ou contre des mutins, a~t~il demandé. Pour le reste on a le temps d'établir les bases juri~ diques d'une telle intervention. » (1) M. Charles Janssens, député libéral et avocat dis~ tin gué, va surenchérir au cours du débat à la Chambre du Il juillet (2). « Il ne peut être question d'abandonner les bases militaires au Congo. Inutile de s'encombrer de scrupules juridiques à ce sujet. » Un autre député libéral, M. Hougardy, parlant à la Fédération libérale de Forest a ce mâle langage : «Nos forces militaires sont en mesure de redresser la situation, pour autant que leur inter~ vent ion soit immédiate, énergique et spectacu~ laire. » Le Soir, à qui les premières interventions militaires donneront de nouvelles forces s'écrie (3) : «Plus de faute à commettre. » et clame sa répugnance pour «l'angélisme ». L'angé~ lisme, le juridisme, les scrupu]es juridiques, voilà les ennemis au moment où ce sont les armes qui doivent parler . .fI faut, dit le Soir, «Se bien persuader de l'intérêt et de l' effica~ cité que représentent les forces métropolitaines pour l'avenir même de la nouvelle République. » La Libre Belgique (4) dans un éditorial intitulé : « Il faut reviser l'ensemble de la politique congolaise » va révéler le plan des interventionnistes : « Nous le répétons donc. A l'heure actuelle, il n'est qu'une politique possible. (1) II ne semble pas qu'on les ait «établies» aujour?'hui. Quant aux bases de fait, il suffit de considérer, avec sang-froid, ce qui s'est passé du 5· au 9 juillet, pour se rendre compte qu'elles se dérobent également. (2) Drapeau Rouge du 12 juillet 1960. (3) Le 12 juillet 1960. (4) Le 12 juillet 1960.
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1. - Tout d'abord rétablir l'ordre partout, y compris à Léopoldville par tous les moyens sans en excepter les plus durs, s'ils s'avèrent néces~ saires. Heureusement l'expérience des derniers jours démontre qu'il est très probable qu'il ne faudra pas aller jusque~là et il est à peu près certain que l'usage des moyens extrêmes ne sera pas indispensable. Mais il est toujours réconfortant de les avoir derrière soi. Pour ces opérations, il conviendra d'envoyer de Belgique tous les renforts nécessaires.
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2. Continuité de ordre. Il conviendra ensuite de placer aux côtés du gouvernement congolais un résident ou un gouver~ neur militaire, à la fois énergique et intelligent (1), chargé d'assurer la continuité du maintien de l'ordre. 3. Indépendance mais pas à n'importe quel prix. Il faut obtenir du Parlement congolais le rema~ niement du gouvernement de Léopoldville, par t élimination de certains hommes qui ont révélé leur incapacité ou leur tendance anarchique. ............ Il appartient à la Belgique de les (ses troupes) renforcer. Et si on n'est pas très nombreux, il existe toujours un moyen de maintenir l'ordre, c'es~ de se montrer impitoy.y,le contre tous ceux qUI bronchent et qui comm'éttent une exécution ou un meurtre. Le Congo a été conquis avec des fusils. Il serait tout de même singulier qu'une armée moderne ne puisse pas s'y maintenir avec des avions à réaction et des canons! .(1) Le journal avance le nom du colonel Logiest.
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Sinon, (sans cette politique), la Belgique se ridiculisera définitivement aux yeux du monde entier et les Belges passeront pour des pleutres. L'occasion leur est offerte de sauver leur honneur. Il faut qu'ils la saisissent. » Cette nouvelle version d' « En Avoir ou Pas» allait recevoir bientôt son prix devant le Conseil de Sécurité et l'opinion mondiale. Le même article préconisera l'introduction dans le gouvernement belge « des hommes ~euf~ extra~par1e~ mentaires, pris par exemple dans l anCIen personnel colonial ». Le lendemain, Le Soir, sous le titre fracassant « Les Hommes~léopards » (1) écrira : « Répétons~le : le nœud du problème est à Léo~
poldville. Et c'est le seul que nous hésitons à trancher 1 » Et comme si l'action des interventionnistes était synchronisée, c'est le même jour. (2) qu~ sous l~ titre « Regrettables hésitations» La LIbre BelgIque redIra de son côté: !>: « Par ailleurs, la sécession du Katanga r~nd plus urgente (sic) encore le redress~me~t ~e, 1 o~~ dre dans l'ensemble du Congo. Or rIen n a ete faIt jusqu'à présent pour reprendre le contrôle de la capitale du Congo. C'est pourtant là que se trouve le nœud de affaire. Il est évident que l'ordre ne pourra être rétabli tant que le Congo aura à s"a tête des hommes comme Lumumba, Kashamura, Nguvulu qui, loin de chercher à endiguer la révolution, l' ont encou~ ragée par des déclarations antieuropéennes ou des promesses démagogiques. Voilà la réalité .. Nous le répéterons encore une fois. Nous le répéterons autant qu'il le faudra. »
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(1) Le Soir du 13 juillet 1%0..
(2) La Libre Belgique du 13 juillet 1960.
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L'appel pressant des interventionnistes au gouver~ nement belge sera entendu, faut~il le dire. Les paras~ commandos interviendront à Léopoldville (1). .La. Li.bre ~elg.ique, se réj~u~ssant de voir ses exigen~ ces amSI satIsfaites, va preCIser les mobiles de son action (2). « Dans notre pensée il s'agissait d'abord de protéger les Belges qui se trouvent là~bas, mais
aussi de remplir le périlleux vide gouvernemental. q~i s'est produit à Léopoldville depuis que la Bel~ gique dans un moment de folie politicienne, a cédé le pouvoir à l'un des ministères les plus grotesques et les plus extravagants qui ait sans doute jamais surgi dans toute l'histoire du monde. Ce gouvernement, nous l'avons dit, est une fiction. Dès lors, l'opération militaire doit se com~ pIéter d'une opération politique. Non pas pour renier la politique d'indépen~ dance mais pour la rendre possible et efficace en obtenant du Parlement congolais la constitution d'une équipe gouvernementale composée exclusi~ vement de quelques Noirs sérieux et honnêtes. Tandis qu'un résident militaire (à maintenir aussi longtemps qu'il le faudra) assurera l'ordre. » Ayant peur de n'avoir pas été comprise - et Dieu sait pourtant si certains milieux responsables l'écoutaient d'une oreille complaisante - La Libre Belgique revient à la charge sous le titre « Deux devoirs urgents » : « 1. Tout d'abord, il faut, sans perdre une minute de plus, reconnaître le gouvernement du Katanga. Toute hésitation, tout retard pourrait constituer un nouveau crime contre le Congo. M. Eyskens, attention! . ( 1) Nous narrerons la chronologie des interventions, au tome II de cet ouvrage. On y verra le prétexte donné à l'intervention dans la capitale congolaise. (2) Libre Belgique du 14 juillet 1960.
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2. Il faut ensuite refuser toute reprise des rela~ tions avec le Congo. Pour la bonne raison (tou~ jours la même), que l'initiative prise dans ce sens par Lumumba n'a aucune signification, puisqu'en fait, Lumumba ne représente pas le Congo. Si nos diplomates sont expulsés du Congo, on pourrait fort bien les attacher aux forces d' inter~ vention belges comme conseillers juridiques ou poli~ tiques.
Remettre en question certains fondements juri~ diques actuels de l'Indépendance du Congo. :. Enfin, dans son éditorial du 20 juillet, le même jour~ nal après avoir rappelé son article du 12 juillet, sur les avions à réaction et les canons, écrira, avec un tran~ quille cynisme : . « Naturellement devant une répression quelque peu dure (calculée à la mesure de ce qui était nécessaire) la conscience démocratique interna~ tionale aurait tressailli, on aurait entendu un défer~ lement de messages de protestation et toutes les ligues genre « droit de l'homme » auraient affiché leur indignation coutumière et à sens unique. Mais les tressaillements de la conscience démo~ cratique internationale (toujours plus sensible à l'exécution d'un Chessman qu'au viol de milliers de femmes innocentes (1)) se seraient vite épui~ sés et brisés sur le roc de la bonne conscience de nos commandos. L'ordre règnerait sans doute de nouveau dans le Congo et la Belgique, dénoncée comme crimi~ nelle par certains hypocrites, serait respectée· de nouveau par tout le monde. » (1) Des milliers 1 Et on reprochera, après cela, aux speakers de la radio congolaise leurs exagérations lorsqu'ils évoqueront, par exemple, les monceaux de morts faits par le bombardement de Matadi. Comme si les Bantous, qui vivent plus près de l'Equateur que les Marseillais, n'avaient pas à ces exagérations plus d'excuses que des plumitifs œuvrant au cœur de. Bruxelles, rue Montagneaux-Herb es-Potagères,
Les voix de la sagesse avaient, cela va de soi, - peu de chances d'être enten~ dues dans un tel climat d'hystérie. Les membres du groupe libéral de la Chambre avaient, dès le 6 juillet, posé à M. Lilar, vice~présideIit du Conseil des Ministres, la question (1) : « Les troupes belges, vont~elles intervenir éven~ tuellement, au Congo? » M. Lilar avait été catégorique : « Non, a répondu M. Lilar. Le ministre a expliqué ensuite le nouveau statut des forces métro~ politaines au Congo. - Selon les accords provisoires conclus entre la République du Congo et la Belgique, les troupes belges ne peuvent intervenir que sur la demande formelle du Ministre de la Défense du Congo, c'est~à~dire M. Lumumba. Ensuite le Ministre belge de la Défense Nationale doit également donner son accord (2). D'autre part, des milieux gouvernementaux expriment clairement qu'un appel de M. Lumumba, dans les circonstances actuelles, pose des problè~ mes délicats. Il serait peut~être préférable que M. Lumumba fasse appel à l'O.N.U. qui, - à son tour - pourrait éventuellement charger les troupes belges de certaines tâches en vue du maintien de l'ordre et de l'intégrité territoriale du Congo. » On était donc parfaitement conscient à ce moment de l'impossibilité de faire intervenir les troupes belges s·ans une demande expresse du Ministre congolais, et même de l'inopportunité de les faire intervenir directement, en cas d'appel.
La première réaction de M. Eyskens avait également Il) Le Peuple du 7 juillet 1960. (2) En caractères gras dans le texte.
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été saine. Il n'avait pas oublié les termes du traité qu'il avait signé quelques jours ·auparavant. Aux journalistes qui lui demandent le jeudi 7 juillet (1) : _ « Les forces belges métropolitaines station~ nées dans les bases, n'interviendront~elles pas?
il avait déclaré : _ Non. Sauf bien entendu si le gou'vemen1;etit congolais en faisait la demande et si nous do~ntons alors notre accord. Mais il ne peut être question de faire intervenir les forces métropolitaines pour de petits incidents. Croyez~moi : il ne faut pas voir le Congo avec les normes belges. » Au moment où les interventionnistes élèveront la voix, sans doute quelques socialistes, les jeunes gard~s notamment, et r ensemble des communistes mettront~lls le gouvernement en garde contre l'inter.vention mil,itaire avant qu'elle se déclenche et crieront~lls pour qu on y mette fin dès la nouvelle des premières parachutages (2) . Et il n'est pas douteux que si les appels de ~es « mauvais belges » avaient été en~endu~, .to~s le~ VIO!S . qui se commirent après r intervent1o~ mlhta~r~, c est~a dire après le 9 juillet (et ils const1tue~t eVlde~~ent l'immense majorité, puisque les seuls vlOls anter1eur~ à l'intervention se localisent à Inkisi~Madimba et a la nuit du 5 au 6 juillet) ne se seraient pas produits, la Belgique n'aurait pas été condamnée à.New:~or.k et devant r opinion mondiale, les Belges, qUl le de~lraI~nt, seraient toujours au Congo et l~s hom~es d. affaires belges auraient continué avec la Jeune Repubhque des opérations, plus fructueuses peut~être qu'au temps de la Colonie ... Mais hélas, comme me le disait, un jour, un excellent (1) Libre Belgique du 8 juillet 1960. (2) Nous-même, dans des numéros spéciaux d~ .« Remar~ues Congolaises» des Il et 16 juillet, adressés aux mInistres et a d.e nombreux Parlementaires, nous avons fait tout ce qui était humainement possible pour ~ettre le~ aut~~it~s responsables en garde contre les tentations d intervention militaire.
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abbé de mes connaissances, pour beaucoup de gens de ·chez nous, si leur voisin leur dit qu'il pleut et s'il est ·communiste, cela suffit pour qu'ils refusent d'emporter leur parapluie.
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Au surplus, il n'y avait pas que les communistes .à voir clair.
Le président du P.S.c., M. Théo Lefèvre a dû, combattre jusqu'au bout, pour éviter que .l'irréparable se commette. Il est impossible de compren~ dre autrement les propos qu'il tient, le samedi 9 juillet ,en sortant de chez le Premier Ministre Eyskens, à 14 heures, c'est à dire trois heures avant que les premiers parachutistes tombent du ciel au Katanga, à un moment -où sans doute les dés de r aventure étaient jetés. « Il ne s'agit pas, dit M. Lefèvre (1) d'un mouvement de la population noire contre la popu~ lat ion blanche mais d'une émeute de la Force Publique. Il s'agit de ne pas prendre des mesures précipitées qui pourraient opposer r opinion publi~ que congolaise et son gouvernement. D'aucuns réclament des mesures spectaculaires qui, si elles profitaient à des groupes de Blancs des grands centres pourraient aussi nu'Îre gravement aux popa,lations blanches disséminées dans le pays (2). » Même après le début de l'intervention, M. Théo Lefèvre, très courageusement, tentera de remonter le 'courant. Le mardi 12 juillet, au matin, il déclarera (3) : « C'est très facile d'adopter une position théo_ rique, mais il faut voir les répercussions qui semble~t~il,
(1) Cité du 11 Juillet 1960. (2) Ces propos .étaient l'expression du bon sens. Ils allaient hélas apparaître bientôt· comme prophétiques. La plupart des viols. qui suivront l'intervention militaire belge, se commettront dans des ~postes isolés. (3) Soir du 13 juillet 1960.
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Les voix de la sagesse
peuvent en résulter. C'est très gentil de dire qu'il faut lancer des parachutistes sur le Congo. Mais a~t~on pensé aux Blancs qui se trouvent disséminés dans la brousse? Il ne faut pas se laisser entraîner dans des attitudes qui susciteraient une série de conséquences qu'on ne peut prévoir. » Et après la sécession du Katanga, Monsieur Théo Lefèvre, toujours aussi lucide (1) dira encore (2)1 comme pour répondre à La Libre Belgique, au Vicomte Terlinden, à M. Joseph Pholien et à tant d'autres catho~ liques : « Le problème n'est pas si simple. Car, enfin, Lumumba pourrait faire valoir auprès de rO.N.li. que la plus grave atteinte à l'ordre se produit au Katanga et dès lors exiger des renforts dans cette province. (3) En ce qui concerne cette dernière question (la sécession du Katanga) il faudrait tout de même qu'on ne nous fasse pas le reproche, plus tard, d'avoir fait peser plus lourdement dans la balance des intérêts matériels que des vies humaines. On doit éviter de donner l'impression de com~ (1) Je n'ai jamais rencontré M. Théo Lefèvre. Mais l'objectivité me commande de rendre hommage à sa clairvoyance et à son courage, au début de la crise. Depuis lors, il s'est solidarisé avec les hommes de son parti qui ont assumé les plus lourdes responsabilités dans le développement des catastrophes. (Pour être précis, je tiens à dire que je ne pense pas à M, De Schryver, en écrivant cela). Et cette considération m'est une nouvelle occasion à la foi~ de déplorer la discipline de parti qui condamne des hommes lUCides à la complicité du silence et de me réjouir d'y échapper. Il n'empêche qu'à mes yeux M. Théo Lefèvre fait partie de cette grande réserve dans laquelle il faudra puiser lorsqu'on voudra sincèrement renouer avec un Congo réellement indépendant. (2) Libre Belgique 16-17 juillet 1960. (3) M. Lefèvre se faisait évidemment à cette époque des illusions au sujet de l'interprétation que M. Hammarskjold allait donner aux résolutions du Conseil de Sécurité lui enjoignant «de fournir au gouvernement de la République du Congo l'assistance militaire dont il a besoin» (Résolution du 14 juillet).
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Les voix de la sagesse
ploter au profit de nos intérêts matériels pendant les deux ou trois jours qui précèderont l'interven~ tian des forces de l'O.N.li. » Ce texte aussi prend tout son sens, quand on sait que la première intervention militaire belge a eu pour objet non le Bas~Congo où il y avait eu - quelques jours avant - des viols, mais le Katanga, où, le 9 juillet, il n'y avait rien eu ...
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Sans doute avons~nous une nouvelle fois, anticipé. Il le fallait pour comprendre la parfaite cohérence de la politique des interventionnistes, qui savaient exacte~ ment où ils voulaient conduire le gouvernement et com~ bien quelques hommes de ce gouvernement n'attendaient que ces encouragements des rotatives et de la rue pour agir. . Il le fallait aussi pour comprendre le caractère, dès l'abord - désespéré de la résistance que certains tenteraient d'opposer à l'intervention.
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Mais revenons maintenant au matin du samedi 9 juillet 1960.
Le samedi 9 juillet 1960
Le samedi 9 juillet t 960 Depuis le matin du 7 juillet, plus rien de grave ne s'est passé au Congo. II ne semble pas qu'un seul meurtre de blanc ait été commis (1). A Thysville tout est rentré et demeuré dans l'ordre depuis la nuit où l'on a déploré le débordements de quelques voyous en uniforme (2) Partout ailleurs, les remous provoqués par la nou~ velle des excès de Madimba~Inkisi tendent à s'apaiser, les incidents engendrés par la panique, par la tendance des blancs à s'armer, par le souci des noirs de leur enlever leurs armes, par les peurs qui s'affrontent se règlent, sinon sans difficultés, au moins sans effusion de sang. Le gouvernement congolais se dépense sans compter. MM. Kasavubu et Lumumba se jettent sur toutes les routes d'air et de terre pour ici rassurer les blancs, là calmer les noirs, ramener l'ordre et la confiance, partout. A l'heure où le thermomètre baisse au Congo, la température monte à Bruxelles.
'" ** S.M. le Roi Baudouin rentre, à 6 h 30, en avion militaire, du Midi de la France (3).
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A 9 heures, un conseil de cabinet se réunit d'urgence.
*'"'" L'objet des délibérations du Conseil des Ministres est révélé par un journal français (1). « Le conseil des ministres belges examine actuellement la situation au Katanga après avoir reçu des indications selon lesquelles cette pro~ vince s'apprêterait à proclamer son indépendance. M. Moïse Tshombe, président du gouvernement katangais, a toujours affirmé avec force qu'il n'était pas question de rallier un Etat voisin, par exemple la Rhodésie, mais n'a jamais caché non plus ses craintes d'un Etat congolais unitaire, où le Katanga - seule province riche - devrait entre~ tenir les cinq autres provinces. »
..
** Au sortir du Conseil des Ministres, M. Lefèbvre, Ministre de l'Intérieur « a la mine soucieuse» (2). Ce qu'il va dire confirme le renseignement donné par le « Monde » : « La fièvre monte au Katanga, dit~il, on signale de graves incidents, des Européens blessés (3) . M. Tshombe, Premier Ministre dans le gouveme~ ment provincial du Katanga, aurait fait part de son intention de détacher cette province de la République du Congo. »
..
(1) Le dossier des sévices ouvert par le Ministre de la Justice M. Merchiers (Peuple du 29 juillet) ne fait pas état d'un seul assassinat. La « personnalité belge de Léo » poursuivant dans le Soir du 5, août 1960, son «journal d'un témoin », écrit: ... j'attends avant de parler de massacre généralisé de savoir combien de civils belges sont morts durant ce mois de juillet, (2) Le rapport de Willy Caerels, commissaire de district des Cataractes, dans le Soir du 21 juillet 1960. (3) Libre Belgique du Il juillet 1960.
'" .. (1) Monde des 10~11 juillet 1960. (2) Libre Belgique 11 juillet 1960. (3) Cette allégation est évidemment fausse, le samedi 9 juillet à 9 heures du matin. Mais à partir de ce moment~là, il faudra nécessairement enrober du souci des vies humaines les préoccupa~. tions extrêmement différentes auxquelles on va obéir.
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Le samedi 9 juillet 1960
Le samedi 9 juillet 1960
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A 10 heures 05, - c'est La Libre Belgique qui l'écrit (1) - : « On aperçoit aussi, entre deux portes, M. Gil~ let, gouverneur de la Société Générale, qui a eu . un bref entretien avec un fonctionnaire du cabi~ net. »
Un peu avant 18 heures, des parachutistes belges. venus de la base de Kamina, tombent du ciel à Kabalo et font partir le train.
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A 18 heures, un message du journal « l'Essor du Katanga» annonçait à Belga que Kamina est intervenu à Kabalo. « Tout E'ville est à l' écoute. ~ (1)
Ne serait~ce point avec M. Harold d'Aspremont~ Lynden, le chef du cabinet, que s'est entretenu M. Gil~ let qui, malgré le silence pudique de La Libre Belgique, n'est pas seulement le gouverneur de la Société Géné~ raIe, mais aussi le Président de l'Union Minière du Haut~Katanga (2) commanditaire de M. Moïse Tshombe.
***
A Il h. 30 : « M. Eyskens, accompagné de M. De Schrij~ ver, ministre des Affaires Africaines, quittent (sic) le Conseil pour Laeken où ils sont attendus par le Roi. » (3) *** Dans l'après~midi, à: Kabalo, au Katanga, un incident, comme il y en eut des dizaines oppose deux cent cin~ quante réfugiés européens installés dans un train en partance pour Albertville et les soldats congolais, venus en camion de Kasongo pour demander aux Européens de ne pas partir et qui, pendant les palabres, empêchent le départ du train. •**
* **
*** A 18 heures 45, la base de Kamina confirme son intervention.
*** Le dimanche soir, 10 juillet, M. Patrice Lumumba fait un discours à la radio ( 2 ) . Il proclame sans équivoque : « Nous venons d'apprendre que le gouverne~ ment belge a envoyé des troupes au Congo et qu'elles sont intervenues. La responsabilité de la Belgique est grande. Nous nous élevons avec force contre cette mesure qui met en danger les bonnes relations entre les deux pays. Nous faisons appel à tous les congolais pour défendre notre République contre tous ceux qui veulent la menacer. »
*** Le 12 juillet, la presse (3) reproduit une dépêche de New-York, en date du 11 juillet
( 1) Le Il juillet 1960. (2) En même temps d'ailleurs que de la Forminière et de la
B.C.K. (3) Libre Belgique du 11 juillet 1960.
( 1) Libre Belgique du 11 juillet 1960. (2) Soir du 12 juillet 1960. (3) La Cité, notamment.
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Le samedi 9 juillet· 1960
« Le gouvernement belge a fait parvenir au secrétariat des Nations~Unies., l'assurance que l'intervention militaire au Congo n'a pas pour objet de remettre en question le geste généreux du 30 juin.
L'intervention est faite à la: demande du gou~ vemement congolais. » Ainsi donc. si dès le 9 juillet, la Belgique s'engageait dans l'aventure, dès le 11. elle était plongée dans le mensonge et la propagande.
TAB,LE
DES
MAT'IERES
Avant-Prepos Intreductien
5 9
PREMIERE PARTIE
A la veille de l'Indépendance. Le contexte de la crise. Les causes. Le paternalisme et ses séquelles La situatien des fenctiennaires belges au Cenge La velenté de sécessien des blancs du Katanga Les révélatiens de M. Davister Une parenthèse. L'impertance écenemique du Katanga Les adversaires katangais du séparatisme Le séparatisme katangais de la Table Rende à la veille de l'Indépendance . Une étape dans la sécessien : la lei c sur mesure » de la Conakat . Un ceup d'Etat averte Le Cenge, sans le Katanga, n'est pas viable Les Blancs armés La Ferce Publique Le défaut de transitien L'accessien à l'Indépendance Le discours du Premier Ministre Lumumba
14 16 21 30 33 38 39 44 53 56 .58 63 75 80 85
DEUXIEME PARTIE
La mutinerie de la Force Publique. L'intervention militaire belge. Chrenelegie de la mutinerie Les cadres blancs de la Ferce Publique Les fonctionnaires, les magistrats Le rôle de l'Ambassadeur de Belgique A côté de la peur, la vengeance Les incidents nés de la réactien des blancs à la mutinerie Les incidents nés des efferts des Congelais Les blancs armés et la recherche des armes par la F. P. Bilan de la mutinerie et de ses suites immédiates L'irrespensabilité du Geuvern..ment cengelais Les répercussiens des événements en Belgique Le traité belge-cengelais Les interventiennistes Les veix de la sagesse Le samedi 9 juillet 1960
101 116
118 124 127 128 129 131 140 142 145 150 155 165 170
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