Epidémie de choléra fevrier 2015

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Epidémie de choléra au secteur sanitaire de Béjaia survenue du 16/08/90 au 09 /10/90 Dr Ali AIT- MOHAND Médecin épidémiologiste, Service d'épidémiologie et de médecine préventive

I/ INTRODUCTION Le Secteur sanitaire de Béjaia comme la majorité des secteurs du pays n’a pas été épargné par le choléra qui vient une fois de plus confirmer son évolution cyclique multi-annuelle toutes les 4 années. C’est ainsi que 108 hospitalisations pour choléra - tout cas confondu - dont 68 autochtones ont été enregistrées parmi lesquelles 90 ont été confirmées bactériologiquement dont 55 originaires de Béjaia. Par ailleurs, 02 décès originaires du secteur sanitaire d’Amizour, wilaya de Béjaia, ont été notifiés. • • •

Le 1ercas a été notifié le 16 août 90 qui est un cas importé originaire d’Amizour. Le 1ercas originaire du secteur a été notifié le 28 août 1990et le dernier cas le 09.10.1990. Le dernier cas hors secteur a été déclaré le 06.11.1990 et est originaire de Bougaa, wilaya de Sétif. (Tableau n°1 et n°2)

Tableau n° 1 : Répartition mensuelle des hospitalisations pour choléra au secteur sanitaire de Béjaia en 1990 Cas Hospitalisés Confirmés Mois Août Septembre Octobre Novembre Total

06 18 80 04 108

Porteurs Sains

Décédés

01 04 23 / 28

01 / 01 / 02

06 18 62 04 90

Tableau n° 2 : Répartition mensuelle des cas de choléra au secteur sanitaire de Béjaia en 1990 Cas Hospitalisés Secteur Béjaia Amizour Sidi - Aich Bougaa Total

68 34 02 04 108

Confirmés Porteurs Sains Décédés 55 29 02 04 90

24 04 / / 28

/ 02 / / 02


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II / Description de l’épidémie du secteur sanitaire de Béjaia Le secteur sanitaire de Béjaia a enregistré 68 hospitalisations autochtones pour choléra dont 56 confirmées autour desquelles 24 porteurs sains ont été dépistés. Cependant aucun cas de décès originaire du secteur sanitaire de Béjaia n’a été enregistré. (Tableau n°3). Tableau n°3 : Répartition mensuelle des cas de choléra autochtones hospitalisés au secteur sanitaire de Béjaia en 1990 Cas Mois Août Septembre Octobre Novembre Total

Hospitalisés 01 04 63 / 68

Confirmés Porteurs sains 01 04 50 / 55

Décédés

01 / 23 / 24

/ / / / /

1. Répartition géographique Des 7 communes du secteur sanitaire de Béjaia, seule la commune de Béjaia a été touchée par le choléra. Dans cette dernière, l’épidémie s’est localisée au niveau de 02 localités que sont Targa Ouzemour et Amriou. De ces localités, 59 cas ont été hospitalisés du 1er au 10 octobre 90 dont 50 confirmés autour desquels 23 porteurs sains ont été dépistés. Ces localités situées à la périphérie ouest de la ville de Béjaia se caractérisent par une forte concentration de population résidant dans des habitations nouvellement construites et ne respectant pas en général les normes d’urbanisme (notamment l’évacuation des eaux usées). De plus, ce sont des zones qui ont le plus souffert durant la période estivale du manque d’approvisionnement en eau avec des coupures d’eau fréquentes et prolongées (tableau n°4). Tableau n° 4 : Répartition par communes du secteur sanitaire de Béjaia des cas de choléra autochtones hospitalisés au secteur sanitaire de Béjaia en 1990. Commune • Localité Amriou • Localité Targa Ouzemour • Autres localités Total Commune Béjaia Commune Oued Ghir Commune Talla - Hamza Commune Aokas Commune Tichi Commune Tizi N’berber Commune Boukhlifa T o t a l

Hospitalisés Confirmés Porteurs sains 17 14 10 42 36 13 09 05 01 68 55 24 / / / / / / / / / / / / / / / / / / 68 55 24

Décédés / / / / / / / / / / /

Taux p. 100000 / / / 43,09

35,17


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2. Caractéristiques de personnes On note une prédominance féminine avec 57,35% des cas et un sex-ratio de 0,75 qui s’expliquerait par les travaux ménagers entraînant une exposition plus importante à la source d’infection. Toutes les tranches d’âge sont touchées mais les âges extrêmes sont les plus atteints (essentiellement les plus de 65 ans) : • 30% des cas ont moins de 20 ans et 50% des cas ont plus de 45 ans. • Soit 80,9% pour les âges extrêmes. • Les 0 - 1 an ne sont pas touchés et cela pourrait s’expliquer par une éventuelle protection par le lait maternel. On constate des taux de morbidité spécifique pour l’âge très élevés pour les tranches d’âges supérieurs à 45 ans avec un taux de plus 167,31/10000 habitants pour les plus de 65 ans, (Tableau n° 5) Tableau n° 5 : Répartition par tranches d’âge et par sexe des cas de choléra hospitalisés au secteur sanitaire de Béjaia en 1990.

Tranches d’âge (Ans) 00 - 01 01 - 04 05 - 09 10 - 14 15 - 19 20 - 24 25 - 29 30 - 34 35 - 39 40 - 44 45 - 49 50 - 54 55 - 59 60 - 64 65 & + Total

Masculin

Féminin

2 sexes

%

Sex.Ratio

/ 03 03 04 01 01 01 01 01 02 02 01 02 03 04 29

/ 01 04 01 04 03 / 03 01 01 05 02 03 02 09 39

/ 04 07 05 05 04 01 04 02 03 07 03 05 05 13 68

/ 5,9 10.3 7.3 10.3 5.9 1.4 5.9 2.9 4.5 11.8 4.5 7.3 7.3 19.1 /

/ 03 0.73 04 0.25 0.33 01 0.33 01 02 0.4 0.5 0.66 1.5 0.44 0.74

Taux p. 100000 / 15.96 24.49 4.113 23.61 21.22 7.08 33.75 22.53 47.73 131.38 53.14 110.01 144.92 167.31 35.17

*Taux calculé par rapport à la répartition de la population du secteur sanitaire de Béjaia en 1990. 3. Répartition dans le temps. Après une notification de 05 cas isolés sans lien apparent entre eux entre le 28 Août et le 29 septembre, l'épidémie a éclaté le 1er Octobre avec 50 cas pour s’éteindre le 09 octobre 90. Le pic de l’épidémie a été atteint le 04 octobre 90 avec une notification de 19 cas confirmés (Graphe n° 1)


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Graphe n°1: Répartition mensuelle des cas de choléra (confirmés et porteurs sains) hospitalisés au secteur sanitaire de Béjaia. 30

25

A= août, S= septembre, N= novembre

Nombre de cas

20

Cas porteur sain

15

Cas confirmé

10

5

0

A

S

1

2

3

4

Octobre

5

6

7

8

9

10

N

Mois III) Analyse de l’épidémie 1/ L’apparition brutale, massive avec extension rapide et une disparition tout aussi rapide a fait suspecter des le début une épidémie d’origine hydrique ponctuelle ou de source commune. (Graphe n°1) En réalité, l’origine de l’épidémie a été localisée dans deux quartiers de la ville de Béjaia avec une source d’infection différente pour chacune d’elle. • Dans la localité Amriou où 17 cas ont été déclarés, la source identifiée a été une cross-connection, branchement illicite d’une conduite d’eau secondaire passant à travers un regard d’eaux usées. L’identification rapide et l’intervention tout aussi rapide des services des eaux et de nos services ont fait limiter le nombre de cas. • Dans la 2ème localité Targa - Ouzemour où 42 cas ont été déclarés, la source d’infection a été aussi une autre cross-connection, canalisation d’eau potable principale de la localité traversant un oued où sont déversées toutes les eaux usées. La survenue de cette épidémie à la fin de la semaine a fait retarder l’intervention des services des eaux. Le manque d’approvisionnement en eau avec coupures fréquentes et prolongées à l’origine d’une pression négatives au niveau des canalisations permettant ainsi une aspiration des eaux usées, constituent l’un des facteurs favorisant le plus important de cette épidémie.


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2/ Le sérotype retrouvé reste le sérotype ogawa qui n’a développé aucune résistance aux antibiotiques. IV/ Mesures de surveillance • Tout cas de diarrhée dont l’âge était supérieure à 4 ans et se présentant aux urgences bénéficiait d’un écouvillonnage rectal avec recherche de vibrion cholérique. • Tout cas de diarrhée nécessitant une hospitalisation était admis au service d’isolement préparé à cet effet. • Pour chaque cas déclaré, une enquête épidémiologique est instituée le plus rapidement possible. C’est ainsi que 625 personnes vivant au contact des 68 cas hospitalisés pour choléra ont bénéficié d’une chimio - prophylaxie à base d’oxytetracycline et d’écouvillonnages rectaux qui ont permis de dépister 24 porteurs sains. Chaque porteur sain dépisté bénéficiait d’une 2° chimio - prophylaxie et d’un 2° écouvillonnage rectal jusqu’à stérilisation. Et 46 prélèvements d’eau pour recherche du vibrion cholérique ont été effectués aux alentours du domicile de chaque cas dépisté. Le vibrion cholérique a été retrouvé une seule fois dans un prélèvement d’eau de robinet. (Tableau n° 7) Tableau n° 7 : Prélèvements d’eau effectués pour la recherche du vibrion cholérique Réserves Mois d’eau Août 02 Septembre 04 Octobre 22 Total 28

Puits Robinet Eaux usées 01 / / 01 / / 07 09 03 09 09 03

Total

Observations

03 05 38 46

Le vibrion cholérique a été retrouvé une seule fois dans un prélèvement de robinet

V) Problèmes rencontres 1. Une mauvaise organisation du service d’isolement qui a souffert de l’absence d’un médecin responsable de service. Cet état de fait a entraîne une prolongation de la durée d’hospitalisation et une mauvaise déclaration des cas. Ce qui a poussé le service d’épidémiologie à faire détacher un technicien pour s’occuper de cette tache et éviter ainsi une sous notification. 2. Absence de collaboration du service de la morgue pour les précautions d’usage et obligatoires devant un cadavre de choléra. Cette tache a été exécutée encore une fois par le service d’épidémiologie faute d’agents compétents au service de la morgue. 3. Absence de permanence durant le week-end de l’épidémie de certains services autres que la santé. 4. Lenteur des résultats des prélèvements d’eau et des écouvillons effectués par le laboratoire d’hygiène de wilaya. 5. L’absence de cartes géographiques du secteur et de la ville de Béjaia qui auraient été d’un grand apport. 6. La panique de la population et de certains responsables ayant entraîne certaines réactions néfastes.


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V) Conclusion, Recommandations. 1. La lutte contre le choléra ne doit pas relever du seul service d’épidémiologie et de médecine préventive mais de l’ensemble du secteur de la santé et cela en collaboration étroite et suivie de tous les autres secteurs concernés par le programme de lutte contre les maladies à transmission hydrique. C’est ainsi que l’épidémie de cette année aurait pu être évitée si des règles simples d’assainissement du milieu ont été respectées permettant ainsi d’économiser pour la santé le coût de 418 journées d’hospitalisation associé au coût du traitement, du diagnostic et des enquêtes épidémiologiques. 2. Si le choléra suscite peut être plus de craintes que toute autre maladie infectieuse dans l’esprit de la population et des responsables, il est étonnant de voir combien peu on s’en préoccupe sitôt la peur de l’épidémie dissipée. Cela est d’autant plus regrettable que le meilleur moment de combattre le choléra se situe entre les épidémies. D’où la nécessité de renforcer dés à présent le programme de lutte contre les maladies à transmission hydrique et de rester vigilant notamment en matière de surveillance des eaux qui demeurent le principal facteur de transmission. 3. L’épidémie de choléra de cette année constitue l’exemple typique d’une situation d’urgence crée par une épidémie ou une catastrophe. Cela doit inciter les autorités à préparer un programme d’action et d’intervention devant une épidémie qui doit faire partie du programme de lutte contre les maladies transmissibles.


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