Le Guide de l'Innovation

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EDITORIAL L’année 2022 a commencé avec l’annonce d’une 23e licorne. La France en comptait seulement 3 en 2017. Porté par des politiques volontaristes, un environnement financier et économique favorable, la France a enfin rattrapé une partie de son retard dans la course européenne et mondiale. Dans un même mouvement, de grandes entreprises privées et publiques ont pris des virages majeurs, en développant des incubateurs et laboratoires d’innovation, en écosystème avec des universités et des centres de recherche privée. Quand certains ne jurent que par SpaceX, c’est le CNES (établissement public à caractère industriel et commercial) qui incarne sur Mars l’excellence française avec la SuperCam du Rover Perseverance. Quand émergent des néobanques dédiées aux startups, des banques séculaires font de même avec autant de pertinence. Nous les avons interrogées dans ce guide. Les trajectoires fulgurantes de ces startups valorisées à plus d’un milliard d’euros moins de dix ans après leur création et la façon dont elles ont secoué leurs secteurs d’activité respectifs sonne néanmoins comme un rappel pour les organisations historiques : l’innovation est une question d’envie et de risque. Ce n’est plus une option, c’est une question de survie. ContentSquare est un excellent exemple : créée en 2008 et devenue la licorne ayant battu tous les records de la French Tech, a mis au coeur de sa stratégie de croissance la collaboration avec les startups et a créé son propre incubateur-accélérateur en 2020, l’Atomic Labs. Tout ne réussit pas, même aux révolutionnaires les plus audacieux. L’année a aussi été marquée par des échecs retentissants. Maillons essentiels de la réindustrialisation, les startups industrielles sont encore à la peine, faute d’investissement ou en prise avec toutes sortes de freins administratifs. Comment mieux anticiper et accélérer? Quels sont les ressorts de l’innovation aujourd’hui? Comment développer de nouvelles formes de collaborations entre startups et grandes entreprises? A quoi bon répéter les erreurs des autres? L’objectif de ce guide est d’apporter des clés concrètes. Il est fondé sur les retours d’expériences des unes et des autres. Des idées et des bonnes pratiques pour vous accompagner dans votre parcours d’innovateur !

The Machinery, Forinov et Neotopics



Un guide conçu et réalisé par un trio innovant Forinov est la plateforme qui connecte startup, grandes entreprises et partenaires de l’innovation (accélérateurs...) pour matcher offre et besoin d’innovation. Plus qu’une plateforme de mise en relation, Forinov permet de lancer des appels à projets et de gérer tout le suivi des relations pour simplifier la collaboration entre ses membres. The Machinery est une agence de Growth Hacking. Elle accompagne ses clients (entrepreneurs/intrapreneurs) dans la définition de leur stratégie de growth hacking via des méthodologies itératives pour trouver et générer des opportunités de croissance durable. 3 mots à retenir : Stratégie, Créativité, Data. The Machinery est à l’origine (en partenariat avec Estimeo) des premiers guides en France qui répertorient l’écosystème des Incubateurs et des Accélérateurs.

Neotopics est une maison de conseil et d’écriture, créée par Catherine Malaval en 2014. De la stratégie éditoriale au récit, Neotopics accompagne des entreprises à des moments clés de leur transformation, sur des sujets à fort enjeu patrimonial, stratégique et sociétal. Nominée Innovation, Créatrice d’avenir, 2017.

Le soutien de contributeurs Nous tenons également à remercier nos partenaires ESET & becoming qui ont rendu l’aventure possible ainsi que l’ensemble des acteurs de l’innovation qui sont passés derrière nos micros !


SOMMAIRE Introduction Innover. A quelles fins ? Et pour qui ? L’innovation, indicateur de performance d’un pays L’innovation : les nouveaux modèles L’innovation : panorama des bonnes pratiques

Thématique 1 : Pourquoi innover? Innover, c’est accepter la nécessité d’évoluer

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Innover pour s’adapter à un écosystème changeant et ponctué d’imprévus Agir durablement et répondre aux enjeux environnementaux et sociétaux Optimiser les processus internes avec la transformation numérique Générer de nouveaux revenus en identifiant de nouveaux relais de croissance Faire rayonner la marque au sein de l’écosystème en créant des connexions avec des partenaires de tous horizons

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Le témoignage inspirant

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Thématique 2 : Comment innover dans de bonnes conditions ? 27 De la veille à l’action : Provoquer des opportunités fructueuses Saisir les opportunités qui se présentent Échanger avec l’écosystème pour multiplier les points de vues et générer de la créativité Échanger avec des directions de l’innovation d’autres secteurs Avoir une vision centrée sur le client avec l’analyse du NPS Calquer le sourcing et la veille sur les besoins des métiers et les tendances émergentes

Culture de l’innovation : comment la promouvoir?

Diffuser une culture propice à l’innovation en entreprise Créer une pensée commune et miser sur l’intelligence collective

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Favoriser la communication et l’esprit critique Questionner et impliquer les collaborateurs Utiliser des outils collaboratifs

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Préférer un rythme d’apprentissage et d’acculturation continu

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Donner une envergure opérationnelle à la cellule innovation Insuffler plus de créativité au sein des équipes et du Comex Changer de nom de marque pour mieux refléter les ambitions innovantes du groupe

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Répartir les moyens entre différents projets et adapter sa stratégie

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Équilibrer ses budgets et définir une répartition entre l’innovation produit et la transformation interne Actualiser régulièrement ses procédés et stratégies afin de limiter les effets d’obsolescence

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Sanctuariser l’innovation pour ne pas rester en état stationnaire

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Concevoir l’innovation en termes de flux sur une temporalité plus longue S’ouvrir à un écosystème qui favorise la co-conception et l’open innovation Innover pour innover : une stratégie à éviter

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Mesurer pour mieux régner, des bonnes pratiques qui ont de la valeur !

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Se doter d’outils de mesure d’impact et récolter des retours pour adapter sa stratégie

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Développer des indicateurs adaptables sur la durée et aux contraintes environnementales

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Avoir une vision centrée sur les utilisateurs : Les observer et les questionner Penser en termes de plus-value pour les clients plutôt qu’en termes de chiffre d’affaires Ponctuer la feuille de route de petits succès afin de montrer la valeur ajoutée des projets innovants

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Oser se lancer, pour le meilleur et pour le pire

Ne pas avoir peur des échecs, ce sont des opportunités d’apprentissages Etre à l’écoute de la peur du changement et la contrer en formant les collaborateurs Détourner sa stratégie business vers une stratégie de talent Offrir la possibilité aux collaborateurs de s’investir pleinement dans leur projet Coordonner les innovations isolées pour gagner en efficacité Former à la création de site internet : une bonne pratique pour contextualiser une idée innovante Donner de l’autonomie et encourager la prise d’initiative

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Les lieux de l’innovation : les options possibles

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Le témoignage inspirant

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Utiliser les incubateurs pour se connecter à l’écosystème entrepreneurial Déployer des espaces dans plusieurs pays Personnaliser les lieux selon les objectifs S’appuyer sur des pôles de compétitivité ou les écoles Cartographier l’écosystème de partenaires potentiels

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Thématique 3 : Grands groupes / Startups : les clés d’une bonne relation Vision stratégique : Partager les fondamentaux

Aller au-delà du « make or buy » en combinant innovation interne et externe Cadrer et définir les enjeux et les objectifs de la collaboration Investir dans les startups : Des opportunités à saisir mais de façon réfléchie avec une vision long terme. Comprendre ses fragilités et celles de son partenaire pour avancer, ensemble Du côté des startups, savoir miser sur la différenciation dans la proposition de valeur et dans la relation Penser les relations sur un temps long, de la prise de contact au suivi de la collaboration Penser et agir comme une startup pour mieux comprendre le fonctionnement de cet écosystème Faire preuve de souplesse en adaptant ses procédés à ceux du partenaire S’ouvrir à d’autres cultures, entreprises et méthodes pour améliorer sa façon d’innover L’innovation : une véritable méthode d’apprentissage et de partage à intégrer dans la culture de l’entreprise. Acculturer en interne aux différences de fonctionnement d’une startup Appréhender les collaborations comme un partage au delà du projet en lui même

Question de méthode : savoir appréhender l’innovation

Définir des critères pour sélectionner ses prochains partenaires et évaluer la réussite du projet. Sélectionner les projets en fonction des valeurs et de la vision sur le long terme du groupe Mettre en place un POC pour décider ou non de s’engager dans la collaboration Mesurer l’impact du POC et ajuster en conséquence pour maximiser les chances de réussite du projet Mesurer les performances du partenariat avant, pendant et après sa mise en place Utiliser des outils de mesures adaptés à chaque niveau d’avancement Diversifier ses programmes d’accompagnement pour générer un écosystème foisonnant

Question de communication : Fluidifier les échanges

Harmoniser la communication en interne et avec l’externe Briser les silos en interne comme avec l’externe afin de limiter les points de friction Qui se ressemble s’assemble : jouer sur les similarités lors des négociations afin de faciliter la mise en relation Gagner en crédibilité grâce à des “labels” afin de passer plus facilement les critères de sélections

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Questions d’interlocuteurs et de personnalités : qualifier les bonnes personnes Le profil type des responsables de l’innovation Le profil type à la tête d’une startup S’adresser à des interlocuteurs stratégiques appropriés et privilégiés Nommer des personnes référentes ayant pour rôle d’intermédiaire dans les mises en relation S’entourer de personnes qui savent travailler avec les acteurs publics et les bailleurs

Questions d’interlocuteurs et de personnalités : qualifier les bonnes personnes Prendre en considération la différence de temporalité, c’est éviter de mettre en péril une startup Multiplier les sources de financement et travailler avec des plus petits pour contourner les problèmes de temps longs. Échouer rapidement pour gagner du temps Sanctuariser l’innovation en créant des temps forts annuels

Questions financières : plus de transparence, plus de réalisme Estimer régulièrement le budget nécessaire à l’achèvement des projets Anticiper les cycles de vente dans le plan de trésorerie Allouer des budgets spécifiques au projet innovant afin d’éviter les conflits Créer un fonds Innovation dédié permet de simplifier les questions budgétaires par la suite. Intrapreneuriat : soutenir financièrement les initiatives. Partager le financement d’un projet entre plusieurs acteurs Innover sous la contrainte et viser la frugalité pour gagner en créativité

Questions juridiques : plus de simplicité et de confiance Historiser les contrats et gagner en temps de contractualisation Se baser sur les contrats proposés par les startups Prévenir les différends et différences Limiter les litiges de propriété intellectuelle en rédigeant un mémorandum Limiter les demandes de garanties

Lexique

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Introduction

Dresser un panorama complet des meilleures pratiques, en s’appuyant sur les retours d’expérience de celles et ceux qui innovent au quotidien. Innover. À quelles fins ? Et pour qui ? «Quelles sont les prochaines technologies émergentes, autres que le numérique uniquement, dans lesquelles l’Europe devrait investir ? ». Telle était la question posée en 2019 par la Commission européenne aux directeurs des principaux instituts de recherche et de technologie européens (lors d’un atelier organisé les 2 et 3 juillet 2019). Les réponses se sont tournées vers des technologies émergentes à fort potentiel de création de « prospérité au sens large du terme ». Les grands enjeux du 21e siècle ont en réalité été cernés avant la crise du COVID-19. Celle-ci n’a fait que renforcer la prise de conscience. Lancé en 2012, TEPSIE (Theoretical, empirical and policy foundations for building social innovation in Europe) a été le plus important projet de Recherche & Développement sur l’innovation sociale financé par la Commission européenne ces dernières années. La loi PACTE (Plan d’Action pour la Croissance et la Transformation des Entreprises) votée le 22 mai 2019 repensait déjà les conditions de développement des grandes entreprises, dans le respect de trois enjeux majeurs : sociaux, environnementaux et de gouvernance. Cette loi démontre aussi et surtout l’ancrage des entreprises dans le cadre plus global de la réponse aux 17 ODDs, qui se font cadre structurant, voir moteur de leurs plans stratégiques à 2025. Ces engagements répondent aussi à des revendications grandissantes. Les jeunes notamment s’engagent et s’approprient ce combat en faveur de la transition écologique et des innovations durables : « 42 % des Millenials décident d’acheter les produits ou services d’une marque du fait de son impact positif sur la société ou l’environnement » affirme le cabinet de conseil Deloitte dans une étude récente.

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L’innovation s’exprime aujourd’hui sous de multiples formes (technologiques, environnementales, sociales, marketing, etc.), sans exclusion les unes des autres, mais au service d’enjeux partagés plus collectivement, l’utilité sociale ou l’impact environnemental par exemple. Ce guide met ainsi en évidence des processus créatifs et de nouvelles dynamiques de collaboration, qui concilient innovation, stratégie et raison d’être.

Le contexte actuel incite davantage encore au changement. D’importants effets accélérateurs comme le télétravail et ses outils collaboratifs en ligne, le e-commerce, le click and collect, de nouveaux services ont largement contribué à ces transformations. Le vocabulaire est désormais celui du changement, vers un « monde d’après », d’une « start up nation », de « destruction créatrice », de « relocalisation », de « coconstruction », « entreprise libérée », « intelligence collective ». Les populations et acteurs économiques se réinventent. En témoigne : un taux de création d’entreprise qui revient à la normale à l’été 2020, le dépasse même. La Communauté des entreprises à mission dévoilait ainsi les résultats de son premier Observatoire : en 2020, 88 entreprises sont devenues sociétés à mission et 10 000 entreprises pourraient faire évoluer leurs statuts d’ici 2025. Sur ces 88 sociétés à mission, 13 sont labellisées B Corp. Avoir une mission, c’est avoir une vision de long terme, c’est appréhender différemment ses actions, les nouvelles formes d’allocation des budgets d’entreprises en témoignent. L’innovation a également changé d’acteurs au cours de son histoire. Elle était portée à ses débuts par une poignée de précurseurs, des innovateurs individuels. Elle est désormais bien moins individuelle que

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collective en ce qu’elle est entre les mains des politiques publiques et des entreprises à une échelle internationale autant que nationale. Dans la Revue française de gestion, un article récent de BenjaminCabanes, PascalLe Masson et Benoît Weil s’intéresse ainsi aux rôles des experts dans les stratégies d’innovation de rupture sur la base d’une étude de STMicroelectronics (ST). Cet article se penche sur la création d’un nouveau domaine de connaissance et interroge en quoi cela permet d’augmenter le potentiel d’innovation de rupture. L’étude questionne aussi l’émergence du nouveau dispositif managériales, le Technical Staff College (TSC) et sa capacité à redéfinir la place et le rôle des experts dans les stratégies d’innovation des entreprises. Autant de problématiques et manière de manager l’innovation qu’il convient de garder à l’esprit dans un contexte de transformation du monde de l’entreprise. Il ne s’agit plus de faire de l’innovation de manière individuelle mais de collaborer pour trouver des solutions. La récente pandémie a montré l’efficacité d’une collaboration internationale pour faire face au problème sanitaire.

Innover, indicateur de performance d’un pays L’innovation est aussi un réel indicateur de performance, utilisé pour mesurer l’avancée de chaque acteur en termes techniques et économiques certes mais aussi en termes sociaux et environnementaux depuis peu. Son champ d’action s’est donc aujourd’hui bien élargi. Elle est considérée comme partie intégrante de la dynamique des pays et des régions, ce dont témoigne la publication annuelle du Global Innovation Index. L’innovation est compétitive et quantifiable, classements, tops et graphiques, selon des critères diversifiés, sont élaborés chaque année dans ce rapport officiel. Les entreprises sont plus que jamais à l’honneur.

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Le rapport European Innovation ScoreBoard (EIS) qui analyse les performances de recherche et d’innovation des pays européens selon 27 indicateurs classe la France en 10ème position. A cette échelle de compétition, le déploiement d’environnements plus favorables à l’innovation est le défi numéro 1 pour les grandes entreprises françaises, ETI et startups. Comment mieux partager ressources et connaissances pour accéder au Top 5 des champions européens? Ce guide propose un panorama de pratiques innovantes. L’INPI publie chaque année son TOP 10 des déposants de brevets et entreprises française les plus innovantes. Globalement les secteurs français les plus porteurs sont ceux de l’industrie et des transports (PSA, Airbus, Renault) mais aussi ceux du luxe à la française (l’Oréal, LVMH) et de l’énergie (Schneider Electric, le CEA, Alstom…).

Mais les grands groupes ne sont plus les uniques porteurs de l’innovation. Depuis quelques années on observe également la fulgurante ascension des startups dans l’éco-système de l’innovation. L’univers startup américain qui a la part belle avec ses acteurs de l’innovation tels que AirBnB ou Elon Musk (Bitcoin, SpaceX…). En France la Station F est devenu l’endroit innovant par excellence. Plus grand campus de startups au monde, inauguré le 27 juin 2017 il n’a de cesse de gagner en ampleur. Et depuis deux ans, il publie le Future 40 et le French Tech 120, un répertoire de ses startups les plus prometteuses. L’indice d’innovation globale pour 2020 résulte d’une collaboration entre l’INSEAD, l’OMPI et le Cornell College of Business sur les grandes tendances de l’innovation en 2020.

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Au regard des index, il s’agit donc bien de renforcer les collaborations et notamment celles réunissant jeunes pousses innovantes et pionniers de l’innovation. Un défi intergénérationnel en quelque sorte avec à la clé une coopération, forte, pérenne et innovante entre les startups et les grands groupes pour répondre aux enjeux d’un monde qui change.

Innover : les nouveaux modèles On identifie aujourd’hui deux grandes approches de l’innovation. L’innovation ouverte théorisée en 2003 par Henry Chesbrough dans son livre Open Innovation – The New Imperative for Creating and Profiting from Technology se positionne en opposition au concept d’innovation « fermée », propre à la R&D d’une unique entreprise. Toutefois ce modèle binaire, s’il est à l’époque de sa publication plébiscité et encore aujourd’hui largement adopté est discuté. Trop large? Peu pratique? Daté diront certains? Aussi il instaure encore à ses dépens une forme d’opposition à la collaboration entre les entreprises qui se revendiquent de l’open innovation et les autres. Il faudrait mieux définir voir redéfinir ce terme pour lui associer un cadre plus précis, telle est la conclusion retenue des travaux de Loilier Thomas, Tellier Albéric dans leur article « Que faire du modèle de l’innovation ouverte ? ». Ils lui ajoutent le terme d’ « intégrative » L’ouverture est devenue la règle, non plus l’exception, elle s’avère désormais indispensable pour innover et se démarquer au sein d’un écosystème innovant complexe.

Innovation

Les systèmes d’informations actuels sont en « open source » (Wikipédia, OpenFoodFact…) les théories managériales coopératives et démocratiques, les théories de l’innovation « open », les outils du digital collaboratifs… Moins positivement,

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un nouveau terme a même vu le jour, « l’openwashing », inspiré du concept de greenwashing pour dénoncer les démarches faussement ouvertes, qui répondent à des enjeux purement marketing ou de communication.

Innover : panorama des bonnes pratiques

Nouveau contexte, nouveaux acteurs, nouveaux outils aussi… L’innovation est aujourd’hui le reflet de la transdisciplinarité et de la complexité des systèmes du monde moderne (théorisé notamment par Edgar Morin notamment dans son ouvrage Science avec conscience). Coopérer est essentiel pour concilier les approches, les enjeux et les écosystèmes qui font l’innovation d’aujourd’hui. Finalement l’interdépendance de tous les acteurs de l’innovation s’observe. Les grandes entreprises attendent des startups un point de vue innovant. Les startups attendent des grandes entreprises des financements, une sécurité, une renommée qu’elles estiment essentielles pour innover. Les fonds d’investissement également sont particulièrement présents dans le financement de l’innovation. Les universités, les écoles et le monde académique la génèrent aussi. Toutes ces interactions créent des réseaux d’innovation qu’il est crucial d’exploiter. Ce guide s’inscrit dans cette transition. Il donne la parole à des approches de l’innovation parfois considérées comme incompatibles du fait de leurs structures radicalement différentes en termes de taille, de politiques et d’ambition. Il rassemble et analyses les bonnes pratiques identifiées en termes d’innovation au sens de création de « prospérité au sens large », afin de prendre le virage de la co-création de l’innovation.

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Thématique 01

POURQUOI innover ? C’est la question première. Bien plus que la création de nouveaux concepts, services, l’innovation est une philosophie, un état d’esprit qu’il faut adopter pour parvenir à ses fins. Innover, c’est se questionner, évaluer son environnement, renouveler ses prismes de lecture et explorer de nouvelles pistes. Les témoignages racontent au contraire la nécessité de bien identifier les motivations et les cibles, les objectifs quantitatifs et qualitatifs. Ce questionnement fixera la trajectoire, l’ambition et les moyens alloués. En substance, l’innovation est un moyen de préparer et de pérenniser le futur.

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Innover, c’est accepter la nécessité d’évoluer Il est essentiel de savoir se remettre en question. Il est essentiel aussi de garder en tête sa position d’innovateur.

En tant que startup, notre proposition est de faire bouger les choses. Si tout le monde aime notre projet c’est qu’il y a un problème quelque part Benjamin Athuil, Co-Fondateur et Président de la startup CareGame

Plus agiles, les petites structures peuvent réajuster régulièrement leurs process, produits et s’adapter facilement aux évolutions de leur marché et des usages. Ce n’est pas toujours le cas pour un grand groupe :

Un grand groupe est bien conditionné pour l’amélioration continue, moins pour la rupture (un virus, un nouvel entrant sur le marché, etc). Il faut des approches nouvelles. Si elles sont peu connues et mal maîtrisées par les opérationnels, l’innovation les aide à se les approprier.

Julien Bourcerie, Head of Open Innovation chez BOUYGUES SA

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Innover pour s’adapter à un écosystème changeant et ponctué d’imprévus La collaboration au travers d’une démarche d’Open Innovation permet, du point de vue du groupe BNP Paribas de répondre au fait que :

La plupart des outils sont faits pour un monde prévisible. Ainsi, même si nous faisons des scénarios planning, il faut savoir tordre les outputs des processus de planification pour s’adapter à une réalité changeante.

Laurent Herbillon, Directeur Open Innovation de chez BNP Paribas

Collaborer et co-innover c’est solliciter, questionner les multiples réactions qui font suite à un changement. C’est aussi augmenter son champ d’observation et de comparaison pour adopter une décision qui n’en sera que meilleure.

Agir durablement et répondre aux enjeux environnementaux et sociétaux Les grands groupes parlent désormais de transformation, de volonté, d’obsession en interne pour désigner leurs démarches d’innovation, un terme justifié par les enjeux sociétaux et environnementaux forts auxquels ils doivent faire face.

Notre stratégie d’innovation n’est pas exclusivement centrée sur la réalisation ou la maîtrise de techniques et de savoirs technologiques mais bien sur l’objectif d’aller vers un monde plus structuré, mieux organisé, plus fluide et plus agréable Pascal Alberti, Directeur de l’innovation et du développement territorial, Université technologique de Compiègne

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Innover c’est se transformer. Le mot transformation est au cœur des démarches d’innovation de Total. La volonté d’être neutre en carbone d’ici 2050 est une vraie obsession en interne et justifie cette transformation. Jean Charles Guillet, Head of Open Innovation chez TOTAL

Différents mouvements sont observables quant à la place des équipes responsables de l’innovation dans les organisations. Elles ont tout d’abord été rattachées à la direction générale, puis à la direction stratégie. Aujourd’hui, un rapprochement avec les équipes RSE s’observe.

Avant, c’était : “on veut apporter des solutions, différentes, innovantes.”. Maintenant nos clients ont ajouté : “à impact positif pour la planète”. La RSE devient un vrai sujet clef, avec des budgets à la hauteur des enjeux et des opportunités. En effet, nos clients mettent désormais de gros moyens financiers sur les projets RSE et assument une forte ambition

souligne Gaëtan Bolloré, Co-Fondateur de Startup Flow

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Optimiser les processus internes avec la transformation numérique La crise de la covid-19 aura finalement précipité la digitalisation, la dématérialisation des processus. Une reconfiguration qui s’est avérée nécessaire et bénéfique aussi bien pour les startups que pour les grands groupes. Malgré les difficultés inhérentes à une transformation rapide, il est important de prendre en considération les retours des clients, des utilisateurs, et d’agir par itérations afin de trouver un compromis adapté à toutes les parties prenantes explique Denis Cristol, Directeur innovation et pédagogie à l’Association pour le progrès du management (APM). Enfin, les rencontres à distance permettent un gain de temps considérable tant pour les startups que pour les grandes entreprises souligne Valentin Bouteiller, CEO et co-founder de ZEI. Selon Bouygues SA et Aéma Groupe, la transformation numérique et la culture du changement peuvent aller de paire : digitaliser, c’est accélérer affirme Erwann Bertheleme de chez Aéma Groupe.

Que ce soit via de l’innovation incrémentale ou disruptive, nous avons pour objectif de participer à la transformation digitale, d’améliorer nos process, d’être plus efficaces et d’améliorer notre relation client.

Erwann Bertheleme, Directeur innovation chez Aéma Groupe

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Générer de nouveaux revenus en identifiant de nouveaux relais de croissance

La capacité d’un groupe à déterminer comment améliorer l’existant relève de l’innovation selon Erwann Bertheleme :

Il faut être en capacité d’identifier, de créer de nouvelles offres et d’identifier de nouveaux relais de croissance initiés maintenant pour qu’à terme cela puisse représenter de nouveaux revenus complémentaires.

Erwann Bertheleme, Directeur innovation chez Aéma Groupe

Pour Julien Bourcerie, Head of Open Innovation chez Bouygues SA, il n’est pas d’innovation sans un partage de bonnes pratiques entre les métiers. Ces recommandations sur le transit d’informations sont également à appliquer en interne afin de créer une dynamique collective et innovante.

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Faire rayonner la marque au sein de l’écosystème en créant des connexions avec des partenaires de tous horizons Créer du lien, c’est s’offrir la possibilité de montrer les avancées réalisées par le groupe et en conséquence améliorer l’image de la marque. Cela a également un impact sur les relations entretenues avec les clients, les fournisseurs et la société de façon plus globale. Le CNES partage un cas concret d’une innovation initialement destinée au spatial et qui a pu être transposée au domaine de la santé pour répondre à des enjeux de santé publique :

En croisant les différents algorithmes, on s’est rendu compte que les algorithmes du spatial étaient en capacité de détecter les anomalies de santé. On a donc pu travailler avec eux sur comment détecter les radiographies qui présentent des cas de covid.

Gilles Rabin, Directeur de l’innovation, des applications et de la science au CNES

Même dans l’adversité, une coopération peut émerger :

Nous travaillons actuellement sur un projet de symbiose industrielle. Ils possèdent les brevets, ils ont besoin d’exécuter un plan mais ils ne peuvent pas le faire seuls, chacun doit trouver sa place. Il peut y avoir de l’adversité voir de la compétition mais la coopération reste essentielle.

Kamal Dadi, Senior Innovation Officer à l’AFD

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Utopie renversante Vivre (et marcher

) sur l’eau, une utopie ?

Pas le moins du monde. Une table ronde s’est tenue à l’ONU (Organisation des Nations Unies) en 2020 pour enclencher le projet. Architectes, économistes, développeurs et industriels du bâtiment avancent à grands pas sur ces villes flottantes dont le prototype, baptisé Oceanix City est en préparation. L’idée n’est donc ni un fantasme, ni un futur village réservé à des pêcheurs. Il s’agit de villes, descendantes des antiques cités lacustres, organisées en plateformes reliées entre elles où quelques 10000 personnes pourraient vivre sur 75 hectares. Un concentré d’innovations autour de la réversibilité, des mobilités douces, des matériaux durables, des pratiques collaboratives…Toutes nos utopies (en tout cas, celles du moment) réunies en un lieu. Cette démarche est impressionnante tant elle assume, complètement, sans limite, un futur désirable. Elle montre qu’innover commence par un petit d’air d’utopie trop heureuse pour être vraie. C’est à cette condition qu’une marque, une entreprise, une organisation s’octroient une part de futur. Comme dans toute innovation de ce type, l’utopie sert la réalité. En l’occurrence l’arrivée de près de 3 milliards d’urbains supplémentaires à l’horizon 2049. A cette date, plus des deux tiers de la population mondiale vivront dans les villes. Ces villes seraient notamment une réponse aux réfugiés climatiques. Des entreprises françaises comme Bouygues Construction font partie des industriels qui s’y préparent sérieusement. J’aime croire, a contrario des adeptes de Black Mirror, à ces utopies heureuses qui génèrent les innovations les plus renversantes. La planète connaît aujourd’hui une triple crise socioéconomique, politique et écologique. Dans le même temps, jamais la science et les techniques n’ont progressé plus rapidement. Nanotechnologies, biotechnologies, technologies de l’information et sciences cognitives vont accoucher d’innovations qui vont bouleverser la face du monde. Mais dans quel sens ?

(1) Steven Johnson : https://youtu.be/DE349IQiDf4

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Impossible de le savoir. Alors, soyons idéalistes, imaginons, (marques, scientifiques, citoyens, architectes…) des fictions utopiques qui déclenchent des innovations bouleversantes. Jules Verne n’a-t-il pas inventé les sous-marins électriques avec un siècle d’avance dans « Vingt mille lieux sous les mers », et Star Trek n’a-t-il pas inspiré la création du premier téléphone portable ? A notre échelle chez .becoming, c’est ce que nous aimons faire : imaginer et concevoir, pour nos clients et leurs marques des innovations qui améliorent la vie des gens. Nous avons fait de l’innovation une « verticale » métier à part entière qui infuse l’entreprise et ses métiers et accompagne des clients externes dans leurs démarches. Nous déployons une approche holistique : compréhension (études + planning stratégique) - transformation (marketing de l’innovation, consulting) - expérimentation (tech - POC). Nous travaillons en système ouvert pour constituer les équipes les plus affutées possible. Par excellence, toute problématique est nouvelle et mérite un pas de côté avec des intervenants différents. Lorsque le fondateur d’Intel, Andrew Grove, légende de la tech américaine, a cédé son poste de Président, il a laissé à ses héritiers, entre autres, son fameux traité de stratégie intitulé “seuls les paranoïaques survivent”. Son idée force était que l’obsession d’un manager devrait toujours être de repérer le moment où son business va vivre un tournant qui peut radicalement rebattre les cartes qu’il a en main. Force est de constater que les tournants dans nos business sont en cours et vont s’accélérer dans les 5 ans à venir. L’innovation est tout à la fois un métier et un mindset qu’il faut cultiver en permanence pour anticiper et repérer ces moments de rupture. Mais c’est aussi une chance. En effet, dans ces temps de peur de l’avenir, où l’horizon paraît flouté, où le futur pessimiste est monnaie courante, faisons le pari d’un autre imaginaire pour construire collectivement le futur que nous désirons. En innovant.

Cécile Badouard Chief Innovation Officer .becoming

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Thématique 02

COMMENT INNOVER dans de bonnes conditions ? Les besoins et les tendances de marché changent. Lorsqu’une organisation n’est pas prête à prendre des virages ou à être agile pour y répondre, son avenir est compromis. Des barrières tant internes (disponibilités salariales, budgets insuffisants…) qu’externes (environnementales, politiques, économiques…) peuvent s’ériger face aux projets innovants. Des choix doivent s’opérer afin de prioriser ce qui doit l’être, en cohérence avec la stratégie globale de l’entreprise.

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De la veille à l’action : Provoquer des opportunités fructueuses

Saisir les opportunités qui se présentent Vous avez une idée de projet ? Une opportunité se présente ? Saisissez-la ! Suivre les transformations sociétales et s’adapter à un contexte de crise, c’est s’ouvrir à de nouvelles opportunités. Ouvrir son champ d’action au sens large du terme en fait partie :

On était très centrés autour de l’intrapreneuriat, l’accompagnement était réalisé en physique à Paris ou en région parisienne. Désormais il y a moins de barrières géographiques et finalement, la distance a du bon : nous avons mis davantage de projets en région et touchons plus de géographies.

Thomas Cazor, Consultant Senior - Innovation et Intrapreneuriat chez Deloitte

Les projets pilotes, expérimentaux sont de vrais opportunités. Les startups ont la chance d’être agiles et peuvent répondre aux besoins de grands groupes même s’ils ne correspondent pas à leur proposition de valeur initiale.

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Decathlon avait un besoin très spécifique que nous ne fournissions pas. Nous avons été force de proposition et avons conclu un accord. Cette collaboration spontanée, c’était finalement comme s’ils avaient financé le développement de notre nouvelle fonctionnalité !

Valentin Bouteiller, CEO et co-founder de ZEI

Enfin, certains projets sont qualifiés de “frontière” selon Kamal Dadi, Senior Innovation Officer à l’AFD. Ce sont des cas d’innovations systémiques qui ne souffrent d’aucune ambiguïté et qu’il est impératif de mettre en place pour ne pas passer à côté d’une belle opportunité. La question reste de savoir quel type de pratique mettre en place pour atteindre les objectifs.

Échanger avec l’écosystème pour multiplier les points de vues et générer de la créativité

Être au contact d’autres disciplines permet de diversifier les points de vues, d’avoir une perception différente de la problématique.

Ce qu’on fait avec l’établissement, on le fait avec les environnements extérieurs c’est-à-dire qu’on le fait avec d’autres grandes écoles, d’autres labos, avec des industriels donc on est toujours dans l’interaction.

Pascal Alberti, Directeur de l’innovation et du développement territorial, Université technologique de Compiègne

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Des événements et/ou plateformes permettant la rencontre entre grands comptes et startups sont essentiels pour identifier et qualifier des solutions. Il est possible d’organiser des speedmeetings et des sessions de pitch comme le fait Thalès.

Il faut communiquer sur le fait d’être ouvert à l’échange avec l’écosystème. Attention toutefois à bien communiquer sur ses besoins pour éviter un matraquage commercial.

Jean-Philippe Jahier, ancien directeur innovation et déploiement des nouvelles technologies chez Thalès

Échanger avec des directions de l’innovation dans d’autres secteurs Se concentrer sur son secteur est une chose mais il peut-être intéressant de se pencher sur les problématiques d’autres directions de l’innovation dans d’autres secteurs et donc d’avoir des retours d’expérience, des bonnes pratiques potentiellement applicables. Nous avons tissé des liens avec d’autres directions innovation et pu organiser des points réguliers avec eux tous les 2 ou 3 mois. Cela nous a permis d’avoir des retours d’expériences très précieux.

Cyrille Magnetto Product Strategist & Innovation Manager chez AXA

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Avoir une vision centrée sur le client avec l’analyse du NPS L’objectif est de basculer d’une analyse fondée sur le chiffre d’affaires ou tout autre indicateur à une analyse fondée sur le NPS (Net Promoter Score). Ce basculement permet de se concentrer sur la valeur ajoutée apportée au client. L’amélioration du NPS est notre seul KPI alors qu’avant c’était plutôt par sujet. La question était de savoir si nous devions mesurer l’usage ou le chiffre d’affaires. La réponse : les NPS sont inscrits dans le variable des membres du COMEX, c’est dire comme c’est structurant.

Cyrille Magnetto, Product strategist & innovation manager chez AXA

Calquer le sourcing et la veille sur les besoins des métiers et les tendances émergentes La veille et le sourcing doivent être des processus continus. Ils doivent concerner tous les métiers pour faire émerger des besoins et pousser à une amélioration durable, soutenue. Nous avons une matrice complétée par les métiers qui permet d’agréger les besoins clairement identifiés et de sourcer en fonction de ceux qui s’avèrent prioritaire. Laurent Herbillon, Directeur Open Innovation, BNP Paribas

Pour certains à l’inverse, s’éloigner d’une innovation essentiellement focalisée sur les métiers et de nouveaux produits offre la liberté de penser et d’agir sans impacter le métier et les équipes au quotidien. Un changement de paradigme et de contexte peut nécessiter une adaptation des clés d’analyses et un audit de tous les projets financés.

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Culture de l’innovation : comment la promouvoir?

Diffuser une culture propice à l’innovation en entreprise

Denis Cristol, Directeur Innovation à l’APM, souligne l’importance de tirer profit d’une culture de lean management pour favoriser l’innovation interne par la prise d’initiative individuelle. Le management horizontal permet aussi à chacun d’être responsabilisé et de s’impliquer dans les projets en interne, qu’ils soient individuels ou collectifs. Cependant, les besoins changent rapidement, les métiers doivent s’adapter. Il est crucial d’être en accord avec ses valeurs affirme Kamal Dadi de l’AFD.

Innover est possible grâce à une culture d’entreprise favorable. Pour la développer, il faut partager de la documentation, faire des trainings, former les équipes. La cellule innovation est davantage présente pour amorcer et accompagner les projets en leur apportant la méthodologie nécessaire.

Christophe Ho-Van, ancien directeur innovation produits chez Amadeus

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Guillaume Cabrere, directeur Open Innovation chez Société Générale, deuxième banque en France en nombre de partenariats avec des Fintech derrière BNP Paribas, qui souhaite se positionner comme la fintech powerhouse en France, met l’accent sur l’importance des outils collaboratifs dans la mise en place de partenariats. On utilise un référentiel commun, un outil partagé entre tous nos correspondants innovation : plus de 5000 sociétés qui sont toutes des partenaires potentiels en puissance. Cela nous aide à réfléchir à des partenariats commerciaux qui auraient du sens, ou à des possibilités d’investissement

Créer une pensée commune et miser sur l’intelligence collective Insuffler un sentiment de cohésion, instaurer une pensée commune permet aussi de neutraliser les potentielles retenues individuelles et barrières à l’innovation. Selon Marie Christine Eudes du groupe APICIL, tous les collaborateurs, quel que soit leur niveau, peuvent prendre part aux projets novateurs. Ils peuvent partager et échanger. Cela génère cet effet collectif si important au processus innovant. Pour y parvenir, Denis Cristol, Directeur Innovation et pédagogie à l’Association pour le progrès du management (APM) témoigne du bien fondé du codesign de projet. La méthode scandinave de participatory design est celle utilisée en interne. L’élément crucial reste finalement de réussir à construire une confiance pérenne entre collaborateurs.

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Favoriser la communication et l’esprit critique Il faut que la communication fasse partie intégrante des processus, de la méthodologie et que celle-ci soit intégrée dans la culture d’entreprise. Pour Rodolphe Deborre, Directeur innovation chez Rabot Dutilleul, l’innovation est l’affaire de tous, même s’il y a des manquements organisationnels, la dynamique entrepreneuriale est présente, il s’agit de la mettre à profit judicieusement.

Il faut libérer le savoir : être dans l’humilité, accepter les échecs, multiplier les recherches… On est tous ensemble face au test de la réalité.

Kamal Dadi, Directeur de l’innovation à l’AFD

Pour ce faire, BNP Paribas a créé une “practice transverse et internationale” où les collaborateurs échangent chaque mois sur les réussites mais aussi les échecs passés. L’intelligence collective est ainsi mobilisée. Mettre en place une démarche d’open innovation c’est adopter une posture humble. C’est ne rien imposer, être dans l’écoute et la co-construction avec les collaborateurs et les métiers. Il faut pouvoir avancer au rythme de chaque équipe tout en imprimant une dynamique collective. Laurent Herbillon, Directeur Open Innovation, BNP Paribas

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Questionner et impliquer les collaborateurs Afin d’engager une démarche collaborative en interne, Alain Canals fait part d’une initiative au sein de Faiveley Plast. Un questionnaire était soumis à l’ensemble des salariés. Les questions administrées portaient sur la vision, l’intérêt que les collaborateurs voyaient en l’innovation mais également de potentiels axes d’améliorations qu’ils jugeaient intéressants à explorer. Nous abordions les idées un peu trop farfelues sous le ton de l’humour pour justement créer une dynamique mais nous prenions tout de même l’idée en compte car les gens avaient fait l’effort de participer. Alain Canals, ancien directeur innovation et développement chez Faiveley Plast

Pour aller plus loin dans cette démarche, des réunions semestrielles avec l’ensemble des collaborateurs ainsi que des “world café” ont été mis en place. Erwann Bertheleme, Directeur innovation chez Aéma Groupe donne son tiercé des bonnes pratiques pour impliquer les collaborateurs dans l’innovation : 1) Délimiter les thématiques à aborder 2) Intégrer les collaborateurs dans des sprints d’exploration 3) Veiller à ce que les collaborateurs soient disponibles et que les projets d’innovations ne rentrent pas en conflit avec les projets spécifiques à leur business unit.

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Les hackatons sont également cités comme une source importante d’idées et un incontournable. Ils permettent au groupe de stimuler l’innovation interne et de développer leurs capacités à proposer des idées, de travailler en collaboration et de sortir des projets incrémentaux d’innovation. Des outils comme Klaxoon permettent aussi de faire de l’idéation.

Utiliser des outils collaboratifs De nombreux logiciels pour favoriser le travail en collaboration ont fait leurs preuves comme le design sprint, le design thinking ou la création de business model canva et évitent les pertes de rythme (Miro, tableaux blancs virtuels…). De nouvelles solutions collaboratives, ouvertes vers l’extérieur, permettent de se connecter à d’autres acteurs (startups, entreprises…) et de dépasser les frontières de l’entreprise. Cela permet d’apporter de nouveaux points de vue, de nouvelles idées et d’accélérer la dynamique d’innovation en simplifiant les démarches de collaboration avec l’écosystème.

Préférer un rythme d’apprentissage et d’acculturation continu Pour convaincre les collaborateurs d’entrer dans une logique d’innovation, le groupe APICIL aura lui misé sur des webinars pédagogiques, informatifs, réguliers et courts, 30 minutes tout au plus. Il peut être intéressant d’enregistrer ces échanges afin que tous les collaborateurs puissent y avoir accès lorsqu’ils le souhaitent, ajoute Marie Christine Eudes, Directrice de l’innovation et des services chez APICIL. Ces sessions ont pour ambition de remplacer petit à petit les longues réunions.

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Donner une envergure opérationnelle à la cellule innovation Donner une envergure opérationnelle à la cellule innovation, c’est aider les métiers en étant davantage sur le terrain et co-construire avec eux les projets selon Audrey Pujalte de la Société Générale. Arnaud Mopin, Directeur de l’Innovation du groupe TF1 partage également cet avis et l’applique à ses partenariats : 1 - Assigner un référent en interne : Pour co-construire le partenariat avec les startup d’une saison, la sélection se fait en étroite collaboration avec les métiers du groupe. Cette démarche conduit à identifier en interne un référent métier qui va accompagner la start-up et qui a un intérêt fort à faire aboutir la collaboration.

2 - Miser sur la puissance du feedback : Le nombre de salariés qui nous font des retours est considérable, cela nous permet d’avancer encore plus rapidement sur la roadmap produit.

Arnaud Mopin, directeur de l’innovation du groupe TF1

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Insuffler plus de créativité au sein des équipes et du Comex

Pour le groupe Bouygues, les programmes d’intrapreneuriat comme récemment “Les Entrepreneur(e)s” permettent de faire émerger l’innovation interne et la créativité des collaborateurs en accompagnant leur volonté d’entreprendre. Pour d’autres groupes il s’agirait davantage d’insuffler l’innovation au sein même des comités exécutifs. Une intégration qui permet de fournir un cadre précis et stratégique aux initiatives développées en interne. Ainsi l’intrapreneuriat est directement rattaché au membres du COMEX du groupe Deloitte. Dans un état d’esprit similaire, Marianne Vergnes, Responsable du Marché des entreprises de croissance Banque Populaire du groupe BPCE nous propose d’aligner la vision de la chaîne décisionnelle avec celle des experts de la filière NextInnov sur le terrain afin de réduire les temps de traitement des dossiers et faciliter la communication, la compréhension des projets pour les deux parties. L’exemple du ELAB Bouygues : Le ELAB réalise des missions de conduite du changement auprès de dirigeants opérationnels pour les aider à transformer leurs organisations et leur business (plans de transformations; co-construction de nouvelles offres…). Vincent Maret, Corporate of Open Innovation, BOUYGUES SA

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Changer de nom de marque pour mieux refléter les ambitions innovantes du groupe En 2017 Tesla renonce à son « Motors » pour le remplacer par « Tesla Inc ». Cette initiative traduit une stratégie de communication qui permet de repositionner son secteur d’innovation. Tesla ne se concentre plus uniquement sur l’innovation automobile mais bien sur une stratégie de long terme qui vise à révolutionner le secteur de l’énergie. Une seule particule change et tout est remanié. Un coup de maître pour changer la perception de l’innovation chez Tesla qui semble dès lors ne plus avoir de limites sectorielles. Lu dans Business Insider, le 01/02/2017. source : https://www.businessinsider.fr/tesla-motors-changeofficiellement-de-nom-18018

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Répartir les moyens entre différents projets et adapter sa stratégie

Équilibrer ses budgets et définir une répartition entre l’innovation produit et la transformation interne Dans le cadre d’une réduction budgétaire, sur le papier, l’équation est simple : être frugal tout en sélectionnant les projets qui permettront de générer des revenus (et donc de compenser les pertes), et ce, de façon empirique. Reste à charge de prioriser entre les besoins métiers, le besoin de transformation et l’innovation produit selon les opportunités naissantes sur le marché.

Nous sommes plutôt sur du 60/40, 60% pour l’innovation et la transformation, et 40 % voire 30 % dédiés à la création de nouvelles offres.

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On a une double stratégie, comment rationaliser pour dépenser moins et quelles actions mettre en œuvre pour amener ou capter des flux supplémentaires. Ces raisonnements se font avec des indicateurs, on connaît le coût d’un ingénieur, on sait comment réduire le coût de la formation en ne réduisant pas la qualité de cette dernière, donc on fait des hypothèses et on essaie d’avancer.

Pascal Alberti, Directeur de l’innovation et du développement territorial, Université technologique de Compiègne

Actualiser régulièrement ses procédés et stratégies afin de limiter les effets d’obsolescence Le défaut des grandes organisations est souvent de sacraliser l’héritage. L’obsolescence tant interne qu’externe est un risque pour une entreprise. Il faut toujours être pertinent dans son environnement. Kamal Dadi, Directeur de l’innovation à l’AFD

La manière de le faire est pour Agathe CHOCAT, Open Innovation Manager chez Edenred de Challenger le statu quo pour soit améliorer le process ou pour créer un nouvel usage ou nouveau produit en fonction de pain points. Un objectif : Créer de la valeur. Agathe CHOCAT, Open Innovation Manager chez Edenred

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Selon Maxime Girardeau, Vice président chez Contentsquare, il faut : Avoir un pied dans le présent et un pied dans le futur en terme d’innovation.

Maxime Girardeau, Vice Président chez ContentSquare

Ils sont aujourd’hui numéro un dans l’expérience analytique mais se tourneront, probablement dans le futur, vers d’autres marchés afin de rester à la pointe de l’innovation. Leur incubateur Atomic Labs leur permet également d’étendre leur domaine d’expertise.

Sanctuariser l’innovation pour ne pas rester en état stationnaire Si certains préfèrent, ou n’ont d’autres choix que de minimiser les investissements dans des projets innovants, d’autres la sanctuarisent afin de ne pas sacrifier l’innovation. Cette épineuse question soulève des débats comme nous le révèle Jean-Philippe Jahier : Quand la finance est enrhumée, l’innovation tousse…. Mais j’ai vu des gens se lever face à la hiérarchie pour sanctuariser l’innovation et pour qu’elle ne soit pas mise de côté, et c’était le cas chez Thalès.

Jean-Philippe Jahier, ancien Directeur Innovation et Déploiement des nouvelles Technologies chez Thalès

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En temps de crise, certaines entreprises innovent quand d’autres pensent avant tout à leur survie. C’est ce dont témoignent Alain Canals chez FaiveleyPlast et Nicolas Vidal chez Allianz du moins. D’autres comme le groupe APICIL selon Marie-Christine Eudes auront décidé de réduire de manière équitable l’ensemble de leurs dépenses, qu’elles soient liées à l’innovation ou non. C’est un avis partagé par Jean CharlesGuillet de chez Total qui a fait un effort de rationalisation pour maintenir l’efficacité opérationnelle tout en conservant ses démarches d’open innovation. Rester en adéquation avec le tournant bas carbone que représentait 2020 était en effet une priorité pour le groupe.

Sanctuariser l’innovation en temps de crise implique une certaine adaptation des processus. La question est de savoir comment adapter les outils aux nouveaux besoins actuels et futurs ? De la nécessité d’une transformation peut en résulter une réussite comme nous le montre l’exemple de Vincent Maret chez Bouygues SA :

Lors du premier confinement en mars 2020, l’équipe innovation de Bouygues s’est vu confier l’accompagnement d’un plan de transformation par une entité opérationnelle. Malgré tous les bouleversements auxquels ils faisaient face, la réaction du dirigeant de cette entité a été très claire : «Hors de question d’arrêter. Il est encore plus utile et urgent de se transformer maintenant et d’associer l’ensemble de nos collaborateurs». Résultat : Hier (21 janvier 2021) : Le ELAB a co-animé avec le patron de cette entité un forum virtuel regroupant 700 collaborateurs et présentant les premiers résultats de leur plan de transformation qui s’est enrichi pendant le confinement. Preuve que la crise n’a pas empêché d’innover !

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Concevoir l’innovation en termes de flux sur une temporalité plus longue Raisonner en stock c’est vouloir intégrer une innovation comme on intègre un produit c’est-à -dire avec une temporalité immédiate, de très court-terme. Or l’innovation n’est pas une question de technologie, c’est une question de rapports humains. Il faut la raisonner en flux donc, avec à l’inverse une temporalité plus longue : Raisonner en flux, c’est quoi ? C’est observer l’innovation et les start-ups qui les développent dans le temps, afin de permettre à l’entreprise et ses collaborateurs de la découvrir, d’imaginer les possibilités qu’elles offrent, de s’approprier petit à petit les nouveaux usages à travers des maquettes, des démonstrateurs et des tests, afin de faciliter l’adoption sans rejet. Hervé Dechene, co-fondateur et directeur de la stratégie de SprintProject

S’ouvrir à un écosystème qui favorise la co-conception et l’open innovation Dans le monde économique contemporain, un grand groupe ne peut plus agir seul, quelles que soient sa taille et ses compétences. Un vrai travail d’équipe et une ouverture avec l’extérieur est requise. C’est une conviction que l’on retrouve, heureusement, chez une grande majorité de grands groupes.

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On ne pourra jamais tout faire tout seul, on travaille avec des moyens limités, il faut donc chercher à collaborer, co-développer.

Jean-Philippe Jahier, ancien directeur innovation et déploiement des nouvelles technologies chez Thalès

Innover pour innover : une stratégie à éviter Il n’y a rien de pire que la tech pour la tech. L’innovation doit intervenir en réponse à des problèmes externes ou internes. L’innovation est partout dans l’organisation, c’est un état d’esprit.

Agathe Chocat d’EDENRED

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Mesurer pour mieux régner, des bonnes pratiques qui ont de la valeur !

Se doter d’outils de mesure d’impact et récolter des retours pour adapter sa stratégie Questionner l’interne revient à questionner les différents services sur leur perception des améliorations générées par la cellule innovation, sur les idées qui ont pu émerger de leur côté. Cela peut passer par la mise en place d’un baromètre collaborateurs, comme le pratique la Société Générale par exemple, ou par des enquêtes de satisfaction. Pour la partie qualitative, on mesure par exemple le bien-être de nos étudiants, on ne peut pas se contenter de dire : “on forme des ingénieurs” mais les laisser dans des situations de stress et d’angoisse.

Pascal Alberti, Directeur de l’innovation et du développement territorial, Université technologique de Compiègne

Développer des indicateurs adaptables sur la durée et aux contraintes environnementales Prendre en considération les problématiques environnementales est nécessaire pour le développement à long terme d’une entreprise, cela peut passer par la mise en place d’indicateurs spécifiques, de la mise en place d’ODD…

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Une des grandes tendances actuelles est de dire : attention, la planète est en difficulté, les ressources se raréfient. Il faut qu’on sache concevoir différemment et de manière moins impactante sur la planète. Nous mettons en place des méthodes, des recherches et des formations dans ce domaine là.

Pascal Alberti, Directeur de l’innovation et du développement territorial, Université technologique de Compiègne

Avoir une vision centrée sur les utilisateurs : Les observer et les questionner

Identifier le besoin, c’est savoir quelle direction prendre et in fine, le résultat que l’on souhaite atteindre. L’identification du besoin peut par exemple passer par la compréhension des usages des parties prenantes (collaborateurs, partenaires, utilisateurs…) ou l’écoute des demandes des clients. Il faut toujours avoir un temps d’avance ! Rester attentif aux signaux faibles, surveiller les opportunités ou menaces qui méritent une attention particulière est crucial. Il est également nécessaire de permettre aux collaborateurs d’être en contact avec l’écosystème innovant pour faire émerger de nouvelles idées. Notre technologie répond toujours à des usages. Nous venons du papier. Nous sommes passés à la carte et maintenant nous nous digitalisons avec des applications mobiles. À présent les produits peuvent être totalement « plasticless » Agathe Chocat, Open Innovation Manager, EDENRED

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Dans un objectif d’amélioration de son expérience client, le groupe Saint-Gobain lance son projet « Homly You » en 2016. Celui-ci permet à la société de mieux cerner la demande de ses clients et leur taux de satisfaction puisqu’il crée une plateforme de mise en relation clients/ artisans. Résultat un NPS de 80 en 2018 et un prix UX Culture Client lors de la cinquième édition des trophées du CAC40. En somme l’objectif d’augmentation de leur NPS est plus qu’atteint grâce à une utilisation du numérique judicieuse.

Lu dans Les Echos exécutives, le 12 octobre 2018. source : https://business.lesechos.fr/directions-marketing/marketing/ experience-client/0302387499255-ecac40-l-experience-client-relais-decroissance-de-saint-gobain-324141.php

Penser en termes de plus-value pour les clients plutôt qu’en termes de chiffre d’affaires

Il est nécessaire selon Antoine Fuyet CEO & fondateur de CHAMPERCHÉ pour toute startup de bien garder en tête l’objectif commercial premier d’une collaboration. Ce qui intéresse les grands groupes chez une startup n’est finalement pas sa rentabilité mais sa capacité à s’adresser et à attirer de nouveaux consommateurs.

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Ponctuer la feuille de route de petits succès afin de montrer la valeur ajoutée des projets innovants

Il est aussi important d’avoir des quick wins que de participer à la transformation profonde de la stratégie de l’entreprise et de créer de nouveaux business models. Cela permet de montrer rapidement et concrètement que l’on avance !

La cellule innovation doit avoir une vue globale de l’innovation et traiter aussi bien de sujets déployables rapidement que de sujets de long terme. Ces “quick wins” sont importants pour prouver que c’est un centre de création de valeur. Aurore Sitbon, IT Innovation Project Manager et Romain Champetier, Chef de produit senior, AXA Next

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Oser se lancer, pour le meilleur et pour le pire

Ne pas avoir peur des échecs, ce sont des opportunités d’apprentissage Il est parfois bon de donner une chance à un projet qui présente un fort potentiel. L’ébauche ou une première version d’une innovation qui ne donne pas de résultats dans un premier temps n’est pas synonyme d’échec. Ce n’est pas parce que l’innovation n’était pas pleinement aboutie ou que le résultat n’est pas à la hauteur qu’il faut tout arrêter tout de suite.

Le premier défi en interne, c’est de faire comprendre que l’innovation peut comporter des risques mais que ces risques doivent être transformés en opportunités et il faut arrêter d’avoir peur de l’échec.

Marie Christine Eudes, Directrice de l’innovation et des services chez APICIL

Paul Foucault, Open Innovation Manager chez 50 partners partage une solution : créer un framework interne de récompense des collaborateurs. L’essentiel est de favoriser une culture du “test and learn”. Agathe Chocat d’EDENRED recommande quant à elle une forte communication autour des précédents échecs dans la collaboration. Il s’agit de partager avec les collaborateurs mais aussi les startups ce qui n’a précédemment pas fonctionné pour minimiser les échecs et leurs retombées.

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Etre à l’écoute de la peur du changement et la contrer en formant les collaborateurs Nier la peur du changement s’avère être contre-productif, il est préférable d’avoir une démarche d’open innovation en accompagnant, en acculturant les collaborateurs sur la maîtrise de nouveaux outils, process, méthodologie etc. Dans la structure du Booster, nous avons plusieurs outils : un catalogue de services, un kit d’open innovation, des vidéos de formation. Nous organisons régulièrement des webinaires avec les correspondants innovation pour qu’ils soient formés et qu’à leur tour ils accompagnent les collaborateurs.

Jean Charles Guillet, Head of Open Innovation chez TOTAL

Détourner sa stratégie business vers une stratégie de talent Le Design Lab d’EDF Pulse Explorer, développé au sein du groupe EDF, permet de transmettre aux chefs de projets une méthodologie précise et propre au groupe selon Christine Derouet et Aurélie Renard (creative problem solving, méthode CPS, design thinking, BMC etc). Il permet de conserver une identité interne forte tout en favorisant l’indépendance des collaborateurs. Enclencher la transition de la cellule innovation d’une vision tournée 100% business vers une vision davantage tournée talent est une stratégie également mise en place chez Deloitte selon Thomas Cazor. Ainsi que le projet soit un succès ou un échec, le collaborateur développe dans tous les cas de nouvelles compétences et l’entreprise n’en est que gagnante.

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Offrir la possibilité aux collaborateurs de s’investir pleinement dans leur projet Chez Michelin, des salariés ont été détachés de leur travail afin de les laisser développer leurs initiatives. Le conseil de Vincent Ricordeau, co-fondateur et président de KissKissBankBank sur sa collaboration avec La Banque Postale est de : Penser que les uns les autres vont organiser leur temps et créer des synergies, c’est une connerie. En fait personne n’a le temps, et si tu ne t’y consacres pas full time, ça n’avance pas. Entendu au micro de Deal Stories, le podcast du Hub BPI France, le 20 mai 2019. source : https://lehub.bpifrance.fr/kisskissbankbank-labanquepostaleinsider-deal-podcast/

Coordonner les innovations isolées pour gagner en efficacité Pour y remédier, le groupe Allianz lance régulièrement des appels à contribution afin de faire communiquer les collaborateurs autour d’un même projet. Cela permet de contrôler la démarche d’initiatives internes. Nicolas Vidal, Strategy & Innovation Manager chez Allianz témoigne des pertes d’efficacité générées par le manque de communication intersectorielle qui conduit au développement d’une même innovation à plusieurs endroits de l’entreprise au même moment, sans concertation.

On a un rôle de milieu de terrain. Il ne s’agit pas de contrôler mais de coordonner ce qui se passe, de faciliter les choses. Il faut que les gens se parlent.

Nicolas Vidal, Strategy & Innovation manager chez Allianz

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Chez BnpParibas, chacun alimente une plateforme avec tous les contacts établis avec les startups et tous les POC réalisés. Du côté de Total, l’intrapreneuriat vient des business unit avec des collaborateurs sélectionnés pour leurs projets et dont ils s’y consacrent à plein temps.

Nous faisons de l’intrapreneuriat pour aller plus vite, améliorer la qualité, améliorer les prix, l’impact sur le territoire, la vie des gens qui sont dans les logements...

Rodolphe Deborre, Directeur innovation chez Rabot Dutilleul

Former à la création de site internet : une bonne pratique pour contextualiser une idée innovante La formation à la création de sites internet revêt une double intérêt. L’idée est de remettre au centre des préoccupations les expériences map et l’expérience client plus généralement. Elle permet ainsi aux collaborateurs de se faire une idée précise de l’expérience utilisateur et de soulever toutes les problématiques sous-jacentes.

On a fait quelques séances de formation avec mon équipe sur les développements no code. Maintenant, dès que l’on a une nouvelle idée, je leur demande de faire un site internet. C’est le meilleur moyen de travailler sur la formalisation, la bonne proposition de valeur. Erwann Bertheleme, Directeur innovation chez Aéma Groupe

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Donner de l’autonomie et encourager la prise d’initiative

Le groupe Thalès permet à ses Business Units d’organiser ses démarches d’open innovation et également d’évoluer différemment en fonction de leurs besoins. Un budget dédié est alors alloué à la réalisation de ces collaborations. Cet avis est également partagé par Kamal Dadi, Directeur de l’innovation à l’AFD :

Il faut laisser les gens essayer ce qu’ils veulent essayer, proposer ce qu’ils veulent proposer. Cela suppose le droit à l’initiative, le droit à l’expérimentation, le droit à la critique, le droit à l’échec, et ça de manière assumée.

Les concepts plus théoriques de l’entreprise libérée, les ouvrages de Frédéric Laloux et de Simon Sinek représentent des modèles inspirants pour Rabot Dutilleul dans la mise en place de ces initiatives internes innovantes :

Ces philosophies visent à donner davantage d’autonomie et d’indépendance aux collaborateurs ce qui facilite les prises d’initiatives. Rodolphe Deborre, Directeur innovation chez Rabot Dutilleul

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Les lieux de l’innovation : les options possibles

Utiliser les incubateurs pour se connecter à l’écosystème entrepreneurial Le groupe Thalès a créé son propre incubateur dans l’optique de rester connecté à l’écosystème entrepreneurial, optique également partagée par VINCI qui met un lieu de 5000m2 à disposition de l’interne et de l’externe. Les innovateurs de VINCI, les équipes de startups matures partenaires des opérationnels du Groupe, de jeunes startups et des investisseurs se rencontrent régulièrement dans ce lieu du 12e arrondissement de Paris. C’est un cadre dédié au travail d’innovation mais aussi un espace événementiel à l’initiative de près d’une centaine de conférences publiques chaque année. C’est pour le groupe un réel facteur de mobilisation et d’attractivité. D’autres préfèrent miser sur la proximité et la renommée de grands hubs et pôles d’innovation pour rayonner positivement sur leur propre dynamique d’innovation :

EDF dispose d’un centre de recherche propre basé à Saclay. A la recherche et développement il y a environ 1 900 collaborateurs sur des domaines et des problématiques très variés, les profils le sont tout autant. Christine Derouet et Aurélie Renard, Chargées de mission open innovation chez EDF R&D

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Le tissu entrepreneurial ne se cantonne pas aux grandes métropoles, il est partout. C’est pour cette raison que certains grands groupes dont la BPCE ont préféré mailler le territoire avec des antennes dédiées à l’innovation réparties un peu partout sur le territoire. Nous voulons être partout où l’innovation est présente, pas seulement au sein de quelques grands hubs. Il faut que les collaborateurs voient et sentent l’innovation dans leur quotidien. Les méthodes de travail et nouvelles grilles d’analyse doivent s’ancrer dans les pratiques et être visibles, proches et accessibles. Marianne Vergnes, Responsable du Marché des entreprises de croissance Banque Populaire du groupe BPCE

Déployer des espaces dans plusieurs pays Il est possible de bénéficier des avantages d’une recherche internationale pour ensuite l’appliquer à l’échelle nationale. C’est en ce sens que le groupe BNP Paribas a dédié un pôle international au développement de ses initiatives Innovation : le International Financial Services (IFS). L’international n’étant pas forcément les États-Unis ou l’Europe, des grands groupes préfèrent miser sur des puissances émergentes et innovantes à l’instar d’Edenred pour qui le Brésil et son complexe d’innovations ER Brazil est un lieu de choix pour renforcer sa dynamique. Cette sorte de “station B” est partenaire de la Fabrique et fournit un espace aux startups avec des partenaires corporate comme Ingenico et Carrefour par exemple. Diversifier géographiquement ses lieux d’innovation plutôt que de les centraliser est aussi une solution.

Nous avons des lieux dédiés à l’innovation comme le Booster à la Défense ou à Pau, ou encore en Allemagne et à Singapour qui sont de grosses filiales. Ce sont des lieux mais surtout une démarche qui favorise l’accompagnement des projets d’innovation des métiers ou des intrapreneurs. Jean Charles Guillet, de TOTAL

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Personnaliser les lieux selon les objectifs

Préférer des espaces distincts peut être aussi une solution plus qu’envisageable :

Deux espaces dédiés à l’innovation existent chez Deloitte : un espace dédié à l’intelligence collective pour faire de l’idéation, un autre dédié au prototypage pour que des équipes transverses puissent collaborer dans un même espace sur le projet (réduit l’effet de silos). Thomas Cazor, Consultant Senior - Innovation et Intrapreneuriat chez Deloitte

Les lieux d’innovation dans l’industrie ont toutefois intérêt à ne pas entraver l’activité industrielle recommande Alain Canals chez Faiveley Plast :

Dans l’industrie, il est préférable de créer un Fab Lab, un laboratoire de recherche dédié spécifiquement au développement et au test d’idée afin de ne pas monopoliser les outils de production.

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S’appuyer sur des pôles de compétitivité ou les écoles Dans un premier temps, on effectue une approche de marché avec différentes écoles. Dès lors que l’on avait un feeling avec des idées réalisables, on les sélectionnait et surtout on essayait de rester dans un cadre. Ensuite, on a sollicité des pôles de compétitivité ou des écoles pour nous aider concrètement dans le marketing et dans les études de marché. Thomas Cazor, Consultant Senior - Innovation et Intrapreneuriat chez Deloitte

Cartographier l’écosystème de partenaires potentiels Connaître l’écosystème innovant pour capitaliser sur les solutions existantes, en interne comme en externe, semble essentiel pour assurer une dynamique d’innovation et apporter une réponse rapide lorsqu’un besoin émerge. Par nature l’écosystème évolue à toute vitesse et il est donc nécessaire de rester connecté aux acteurs pour avoir une vue actualisée de ce qui se fait. Cela permet de gagner un temps vital lorsqu’on parle d’innovation. Chez FrenchIoT, cette cartographie consiste à connaître les solutions proposées par chaque entité et leur état d’avancement à chaque instant. Une telle organisation permet d’identifier la capacité de chaque startup à intervenir à un moment T sur une problématique spécifique du groupe.

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Cela revient en quelque sorte à trouver des « champions internes », soit les plus qualifiés et ouverts à l’innovation pour répondre à un besoin précis à un moment précis. Vanessa Chocteau, Directrice de l’accélérateur French IoT, Groupe La Poste

Pour parvenir à cette cartographie opérationnelle, le groupe APICIL s’est fixé l’objectif de réaliser “un certain nombre de rencontres dans l’année avec de nouvelles start-ups”. Cette logique est également valable en interne : des réunions régulières peuvent être fixées entre collaborateurs afin de favoriser l’émulsion de nouvelles idées et trouver des collaborateurs en vue de répondre à un besoin spécifique.

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Des hackers pour protéger l’innovation Une idée nous vient à l’esprit, sous forme d’indice, de sentiment d’une possibilité, une piste qui mérite d’être explorée. S’ensuivent les recherches, essais, échecs et confrontations avec des tiers. Ce modèle est appelé l’« intuition lente » par Steven Johnson(1). Qui d’autres que les équipes d’innovation utilisent ce processus ? Nos pairs? Nos clients? Il est deux populations souvent oubliées : les hackers éthiques et les criminels. Leur état d’esprit est similaire - comprendre, contourner, détourner, leurs objectifs divergent. Éthique, le hacker partagera ses découvertes de manière responsable, en laissant le temps nécessaire à la correction des failles. A contrario, le criminel tentera d’exploiter les brèches pour en tirer un profit maximum, retardant au maximum leur découverte pour en jouir le plus longtemps possible. Dans l’enquête annuelle du cabinet PwC, le risque cyber est la première préoccupation des dirigeants d’entreprise, avant même la crise sanitaire, passagère. Il est de la responsabilité de ceux qui fabriquent, créent ou innovent de prendre soin des données, qu’elles soient d’ordre technique, analytique ou personnel. Pour ces dernières, il existe des réglementations. Le Règlement Européen sur la Protection des Données (RGPD) en est une, il encadre de nombreux paramètres, de la création à la conservation des données, invitant à suivre les principes de Security by design et Privacy by design. Hors cadre réglementaire, trois impératifs doivent guider la création : disponibilité, intégrité, confidentialité. Passées sous cet angle, les innovations et leurs données gagneront en robustesse dès leur conception. D’ailleurs, dans un contexte mondialisé, il serait illusoire de ne pas considérer les risques d’espionnage industriel et l’opportunisme malveillant. L’innovation doit être protégée. Il convient d’assurer la sécurité du système d’information de l’entreprise, des échanges de données par le chiffrement, de l’accès aux données face aux tentatives d’intrusion et de piratage.

(1) Steven Johnson : https://youtu.be/DE349IQiDf4

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Mais comment aller plus loin? L’une des solutions est le recours aux hackers par des programmes de bug bounty. Cette discipline encadrée permet, contre rémunération et sous couvert de confidentialité, de mettre à l’épreuve les applications ou matériels avant et pendant leur commercialisation. Car d’autres pratiquent ce même travail, mais pour leur profit et celui de leurs associés. Cette communauté est organisée en cartel. Regroupant les compétences pour atteindre un objectif commun, les criminels abusent des failles disponibles pour subtiliser, monnayer ou rançonner les précieuses données. Les entreprises victimes le sont à plus d’un titre, impactant leur capacité de production, leur réputation et en définitive leur pérennité. La saisie des autorités compétentes peut infliger de lourdes amendes en cas de manquement aux principes évoqués précédemment, ou de négligences dans la protection des données personnelles. Les clients ou utilisateurs sont autant impactés, les données récoltées peuvent être détruites, modifiées, revendues ou exploité pour des attaques futures. Depuis plus de 30 ans nous accompagnons le progrès et la technologie sous l’angle de la cybersécurité, nous savons à quel point le processus menant à l’innovation est long et coûteux. Associer sécurité et innovation, conjointement sur le plan des processus que de sa propre protection, garantit un avantage compétitif indéniable, augmente la résilience globale de l’entreprise et de ses produits face aux (cyber)attaques et construit la confiance envers les clients comme les fournisseurs.

Benoit Grunemwald, Expert en Cybersécurité, Eset

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Thématique 03

GRANDS GROUPES / STARTUPS : les clés d’une bonne relation Startup et grands groupes formeraient deux groupes, d’un côté les idéalistes qui voudraient créer de la rupture et de l’autre les réalistes dont les processus seraient issus d’un héritage difficile à faire évoluer. L’image est encore courante mais elle est simpliste. Beaucoup de travail reste à faire de part et d’autre pour comprendre les enjeux réciproques. Mais au fond, quels qu’ils soient, tous les acteurs économiques veulent engager de nouvelles transitions. Les leçons apprises de ces collaborations entre grands groupes et startups, qu’il s’agisse d’échecs ou de succès, créent incontestablement de la valeur pour l’un comme pour l’autre. Chacun peut apprendre de l’autre et surtout de ses erreurs pour s’améliorer et surtout mieux recommencer ! Aujourd’hui la quasi-totalité des grands groupes et même des plus petites entreprises (ETI, PME), sont convaincus qu’il est devenu vital de collaborer avec des entreprises plus jeunes et dynamiques, qu’on appelle startups, pour suivre le rythme d’une évolution toujours plus rapide de la technologie comme de la demande des consommateurs.

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Vision stratégique : Partager les fondamentaux

Aller au-delà du « make or buy » en combinant innovation interne et externe Développer en interne, acheter une solution ou collaborer avec des partenaires externes pour la développer est la première question qui vient lorsqu’on est face à un besoin d’innovation. Évaluer les coûts et le temps de chaque scénario permettra alors d’apporter une réponse. De plus en plus d’entreprises ont vite compris que collaborer avec des startups ou même tout simplement utiliser leurs solutions est souvent compétitif en termes de coût et un réel gain de temps par rapport au processus long et incertain de recherche et développement interne. Un vrai changement de paradigme s’observe en termes d’externalisation des moyens de production. Pour une entreprise, s’adapter aux nouvelles manières de faire relève d’une évolution qui est très liée au passage d’une stratégie de “make or buy” à une stratégie de coopération et de savoir-faire collectif. Laurent Herbillon, Directeur Open Innovation, BNP Paribas

Tendre vers ces nouvelles normes de production de biens et de savoirs c’est maintenant selon Paul Foucault, Open Innovation Manager chez 50 partners :

Aller au maximum chercher des personnes tant en externe, qu’en interne. Une équipe mixte est d’autant plus efficace et permet un mélange de compétences.

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Cadrer et définir les enjeux et les objectifs de la collaboration Avant de débuter un partenariat, l’ensemble des parties prenantes doit s’assurer que la stratégie mise en place concourt aux mêmes objectifs et tend à résoudre un problème qui est commun.

Pour travailler ensemble je dirais qu’il faut déjà répondre à leurs besoins, c’est la base, si on ne réussit pas à identifier un besoin précis et vital, ils ne travailleront pas avec nous. Pauline Koch, CEO et fondatrice de SITOWIE

Avec certaines startups il faut vite parler de ROI et vérifier qu’elles peuvent s’engager tandis que dans d’autres cas de collaborations, il est difficile d’identifier un ROI mais on peut tester une technologie pour identifier un cas d’usage par la suite. Pierre George, Directeur de l’Innovation et des systèmes d’information du groupe Demathieu Bard

On vante régulièrement les mérites de l’organisation agile. Il est aujourd’hui acquis qu’un cahier des charges à rallonge et des projets sur deux ans n’apportent pas la satisfaction client, contrairement à l’agilité dans la gestion des priorités, des outils, des retours utilisateurs. Paul Pérétié, CEO et fondateur d’ADOK, le hub tactile

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Investir dans les startups : Des opportunités à saisir mais de façon réfléchie avec une vision long terme Faut-il investir dans les startups ? Un réflexe que beaucoup d’entreprises ont eu, appliquant une logique de croissance externe en réponse à l’apparition d’un potentiel concurrent ou d’une technologie majeure dans leur secteur. Certains, face à la vitesse de développement de la startup ou la peur de la voir rachetée par un concurrent se sont parfois précipités. Il semblerait qu’il soit nécessaire de ne pas confondre vitesse, qui elle est nécessaire avec une startup, et précipitation. Même sans parler d’acquisition, pour un partenariat ou une collaboration par exemple, une sélection des opportunités qui se présentent est nécessaire. Il convient selon Marianne Vergnes, Responsable du Marché des entreprises de croissance Banque Populaire du groupe BPCE, d’identifier les entreprises à fort potentiel de croissance, même celles de petites tailles et, surtout, de s’assurer que les visions sur le long terme des deux entités s’accordent. Offrir ensuite à ces entreprises l’accès aux expertises, aux outils et aux méthodes de grandes entreprises soutien leur croissance.

Suez a mis en place un comité d’investissement spécifique avec un processus dédié, adapté à la prise de décision rapides pour les investissements réalisés chez les startups. Cela permet de gagner en réactivité et de conclure des deals rapidement selon Jean-Luc Ventura, CEO de Suez Venture. Si ce gain de réactivité est essentiel pour collaborer au mieux avec les startups il est toutefois primordial de ne pas céder à une précipitation qui nuit à l’augmentation du taux de conversion. Il faut en général avoir avec son partenaire un horizon à 5 ans et 2 ou 3 tours pour arriver au break even.

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C’est grâce à de telles mesures et procédés que Suez sommes aujourd’hui à presque 50% d’entreprises intégrées en 10 ans (20 entreprises environ). Jean-Luc Ventura, CEO de Suez Venture

Comprendre ses fragilités et celles de son partenaire pour avancer, ensemble En France, il y a un manque de communication et de compréhension entre les “grands acteurs” et les plus petits, pourtant source d’idées et d’innovations. Les startups ont tendance à reprocher aux grandes entreprises trop de lenteur et de lourdeur dans leurs processus quand les grands comptes ont du mal à comprendre que la startup n’est pas toujours en capacité de composer avec leur existant et leurs exigences. L’écosystème des startups peine encore à gagner la confiance du marché selon Gilles Rabin, Directeur de l’Innovation, CNES. Réciproquement, les startups très agiles ont des difficultés à prendre en considération les problématiques des grands groupes (transmissions, résolution de problèmes...) et ont du mal à se remettre en question. Le constat est évident, seule une meilleure communication au quotidien et plus de transparence permettra de résoudre ces problématiques. Les grandes entreprises doivent se rendre plus accessibles et lisibles. Cela commence par la capacité du grand

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groupe à ouvrir une porte d’entrée claire et dédiée pour les startups, par exemple via des plateformes de mise en relation où la grande entreprise pourra présenter ses besoins et les contacts clés. Cela évitera la sur-sollicitation via mail et autres réseaux sociaux dont se plaignent tant les collaborateurs des grandes entreprises. D’autre part, garder un canal privilégié pour échanger directement avec les startups, via notamment une plateforme collaborative d’open innovation, est une nécessité pour mener à bien une relation qui implique de nombreux échanges et l’intervention de plusieurs parties prenantes. Une collaboration par emails interchangés ne saurait apporter satisfaction ni à la startup ni aux collaborateurs au sein de la grande entreprise qui peinent déjà à traiter l’engorgement de leur boîte de réception. Se comprendre c’est aussi et avant tout réussir à s’ouvrir à l’autre pour communiquer de manière fluide et transparente.

Exprimer clairement ses besoins auprès des startups De l’avis de Leonard, il tient de la responsabilité d’un leader comme VINCI d’éclairer le marché et d’engager les transitions. Nous facilitons l’émergence et le développement de startups susceptibles d’apporter des solutions aux besoins de nos métiers. Matthieu Lerondeau, Directeur de la communication et des communautés de Leonard

Chez Total nous avons ouvert l’année dernière un site internet d’open innovation – Open@Total. Cela permet de s’ouvrir aux startups et de répondre à des problématiques métiers. Jean-Charles Guillet, Directeur de l’Open Innovation, TOTAL

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Communiquer auprès des startups sur les besoins, les axes de sourcing et les méthodes propres au groupe est important pour faciliter les bonnes rencontres. Il faut créer du lien et communiquer sur nos besoins, nos axes de recherches pour attirer les startups mais surtout attirer les bonnes ! Aurore Sitbon, IT Innovation Project Manager et Romain Champetier, Chef de produit senior chez AXA NEXT

Lorsque les ressources locales ne suffisent pas pour diffuser les besoins et trouver les solutions, il faut engager les partenaires ayant des mandats pour communiquer à notre place, explique BNP Paribas.

Du côté des startups, savoir miser sur la différenciation dans la proposition de valeur et dans la relation

Comment se positionner en tant que startup face à des grands groupes concurrents à l’activité historique ? Pauline Koch, CEO et fondatrice de SITOWIE est d’avis qu’il faut miser sur une proposition de valeur différente mais aussi sur le capital sympathie et le dynamisme propre à une startup. Notre proposition de valeur est plus intéressante, notre politique commerciale est moins agressive. Je pense que de facto quand on parle d’innovation et quand on travaille sur l’expérimentation avec des équipes de grands groupes ils vont préférer travailler avec des équipes sympas et qui savent y aller étapes par étapes, sans vouloir tout révolutionner tout de suite Pauline Koch, Fondatrice de SITOWE

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Penser les relations sur un temps long, de la prise de contact au suivi de la collaboration Les grandes entreprises ont leur propre calendrier et priorités qui ne sont finalement que rarement alignées avec la découverte de solutions innovantes et inattendues, aussi pertinentes soient-elles. De nombreuses entreprises s’accordent pour dire que si ça ne les “intéresse pas aujourd’hui” cela ne veut pas dire que ce ne sera pas étudié plus tard. Une première réponse négative n’est donc pas toujours définitive. C’est pourquoi il est important pour les startups de rester visibles auprès des grandes entreprises, d’être en capacité de les tenir informées de leur actualités sans pour autant opérer du matraquage commercial.

De même, la grande entreprise se doit d’opérer une veille, de “garder un oeil” sur les startups et leurs évolutions. Les plateformes d’open innovation, qui connectent startups et grandes entreprises, permettent de garder le lien entre ces deux écosystèmes et d’être informés des besoins des grandes entreprises aussi bien que de l’actualité des startups. Certains incubateurs ou accélérateurs partagent également les actualités de leurs pépites auprès de leur réseau d’entreprises partenaires. Aussi, un enjeu pour la startup qui signe ses premiers contrats et de ne pas anticiper la relation sur la durée. Ravie de signer à l’instant, elles en oublient souvent que la satisfaction du client est la clé pour pérenniser un contrat.

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Pour atteindre cet objectif, Pauline Koch, CEO et fondatrice de SITOWIE propose les recommandations suivantes :

- Toujours bien vérifier la faisabilité technique de son accord avec un grand groupe - Éviter à tout prix le « Fake it until you make it » : Signer sans savoir faire en espérant que cela sera le cas dans 6 mois, c’est d’expérience le meilleur moyen d’échouer et de perdre un compte. - Avoir une posture d’humilité : Se dire qu’on ne va pas révolutionner un grand groupe en un projet pilote et rester dans une logique de partenaires.

Penser et agir comme une startup pour mieux comprendre le fonctionnement de cet écosystème

Pour ce faire, Cyrille Magnetto a implanté des techniques très inspirées du design thinking et d’autres “outils startups” : le “learn and decide”. Cette pratique aura permis, une fois adoptée par tous, de mieux comprendre l’approche de cet écosystème à part entière. C’est un mois de “learn” et 15 jours d’atelier de “decide”. On va sur le terrain, on fait des interviews, on fait du shadowing, du client mystère, de l’inspiration, du data crunch et on en tire plein d’enseignements. Cyrille Magnetto, Product Strategist & Innovation Manager chez AXA

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En complément des méthodologies de Learn and decide et de Design Sprint, ils ont créé une méthode appelée Execute qui vise à tester rapidement la faisabilité d’une idée et déterminer la méthode la plus adaptée pour atteindre les objectifs. L’idée de cette méthode est d’avoir un proof of concept rapidement pour voir quelle est la stack technique, la bonne technologie, pour voir si on peut vraiment développer quelque chose. Cyrille Magnetto, Product Strategist & Innovation Manager chez AXA

Faire preuve de souplesse en adaptant ses procédés à ceux du partenaire

Du point de vue des grands groupes, les startups et PME, expertes dans leur domaine, sont souvent source d’inspiration, elles ouvrent le champ des possibles. Cependant, mettre en place une collaboration avec ce type d’acteurs n’est pas sans difficultés comme le montre Marie Christine Eudes, Directrice de l’innovation et des services chez APICIL : Je pense que l’innovation c’est apprendre à être agile. C’est de trouver comment des grands groupes peuvent interagir avec des petites structures sans remettre en cause leur propre système de gestion donc en intégrant leur legacy.

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ContentSquare l’a d’ailleurs bien compris et considère que pour accompagner et/ou collaborer avec startup il faut être capable de prendre des risques et de se mouiller avec elle. C’est pourquoi ils essaient d’accompagner de la meilleure des manières les startups grâce à Atomic Labs, leur incubateur : Le but principal d’Atomic Labs chez ContentSquare est la concrétisation d’explorations et d’innovations. Nous accompagnons et apportons un mentoring complet aux startups qui se confrontent au terrain et nous mouillons avec elles dans les prises de risques. Le but est de créer un écosystème puissant avec un maillage solide d’entreprises qui créent de la valeur additionnelle Margaux Pignard, Startup Program Manager chez Contentsquare

S’ouvrir à d’autres cultures, entreprises et méthodes pour améliorer sa façon d’innover

L’innovation c’est toujours du viral, pour changer une organisation, il faut trouver deux ou trois virus qui vont pénétrer l’ADN de l’entreprise.

Gilles Rabin, Directeur de l’innovation, des applications et de la science au CNES

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Sur un certain nombre de projets, on aurait tout intérêt à travailler en mode start-up, en mode agile, en petite équipe dédiée à des projets où on se reconcentre sur le besoin du client, la manière d’adresser, l’agilité d’expérience clients etc, sans se préoccuper des contraintes internes. Erwann Bertheleme, Directeur innovation chez Aéma Groupe

Innover c’est donc oser bouger les lignes, expérimenter de nouvelles choses et même prendre des risques. Les entreprises qui réussissent sont souvent celles qui n’hésitent pas à remettre en question leurs choix du passé face à la découverte de nouvelles façons de faire et solutions.

L’innovation : une véritable méthode d’apprentissage et de partage à intégrer dans la culture de l’entreprise. Henri-François Martin, ancien directeur innovation chez VEEPEE et maintenant chez Payfit, exprime l’importance du changement de l’état d’esprit dans l’entreprise. Selon lui, les principaux objectifs/challenges du directeur innovation en interne sont :

- Expliquer clairement aux collaborateurs la nécessaire évolution de leurs métiers et l’impact des nouveaux processus innovants sur leur quotidien - Former ses collaborateurs et les faire monter en compétences plutôt que de les remplacer lorsque certaines fonctions se voient “menacées” par des innovations technologiques. Cela permet d’éviter la crainte de l’innovation et d’entretenir sa marque employeur.

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L’innovation c’est essentiellement une question de culture, de process, de méthodologies. Or on est parfois vu comme des compétiteurs au sein de l’organisation par notre approche et par nos façons de faire et là, ça ne marche pas. Christophe Ho-Van, Ancien directeur innovation produits chez Amadeus

Appréhender la collaboration avec une startup comme un apprentissage partagé peut être avantageux pour certains : Il faut communiquer davantage sur l’apprentissage partagé : le fait de travailler avec les startups génère déjà un apprentissage en termes d’agilité, d’ouverture d’esprit et de nouvelles méthodes de travail. Paul Foucault, Open Innovation Manager chez 50 partners

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Acculturer en interne aux différences de fonctionnement d’une startup

Il s’agit d’avoir un niveau d’exigence différent avec les startups, d’accepter le risque dans ce type de collaboration. Enfin, informer les équipes de l’aspect multiforme que revêt souvent ce type de collaboration est un dernier point crucial.

Aujourd’hui le meilleur moyen pour réconcilier la lenteur des processus des grands groupes et la nécessaire agilité d’une petite structure serait de faire prendre conscience de la fragilité d’une startup à la personne chargée du projet en interne. Elle pourra ainsi mobiliser ses équipes en ce sens, et faire avancer les choses. C’est avant tout l’humain qui fait la différence Pauline Koch, CEO et fondatrice de SITOWIE

Appréhender les collaborations comme un partage au delà du projet en lui même La collaboration entre une startup et un grand groupe va bien au-delà du projet en lui-même, c’est est une histoire d’hommes et de femmes.

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Il ne faut pas hésiter à échanger des bonnes pratiques, à créer des moments d’échange et de rencontre pour que chacun bénéficie du savoir de l’autre et consolide la relation. Jean Charles Guillet, Head of Open Innovation,TOTAL

La confiance mutuelle est au cœur de cette relation qui se construit à travers des étapes très concrètes : le parrainage opérationnel ; un projet commun avec des objectifs fixés. Vincent Maret, Corporate of Open Innovation, BOUYGUES SA

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Question de méthode : savoir appréhender l’innovation

Définir des critères pour sélectionner ses prochains partenaires et évaluer la réussite du projet.

Pour augmenter au dessus de 50% le taux de réussite d’une collaboration entre startups et grands groupes, il faut créer les conditions favorables et établir des critères de sélection exigeants. Le premier critère sélectionné et choisi par Suez est le niveau de maturité technologique. Le TRL (Technology Readiness Level) est une échelle, un système de mesure qui s’échelonne de 1 à 9. Le niveau 1 correspond à un niveau de maturité très faible, la technologie n’en est qu’à ses balbutiements, il n’y a pas encore de prototype, il n’y a que des recherches scientifiques. Au niveau 9, la technologie a été testée et approuvée en condition réelle, il s’agit du niveau de maturité le plus élevé : Depuis 5 ans, nous avons sélectionné des startups dont la technologie était prête à être industrialisée. Soit des startups qui se situent à un niveau de TRL 7 ou qui sont sur le point de l’atteindre. Jean-Luc Ventura, CEO de Suez Ventures

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Marianne Vergnes, Responsable du Marché des entreprises de croissance Banque Populaire du groupe BPCE, s’appuie sur plusieurs leviers pour sélectionner les entreprises de la filière Next Innov.et d’obtenir un niveau qualification optimale : - Le premier levier, ce sont les équipes sur le terrain : ils connaissent très bien les entreprises innovantes et les dynamiques de marché et de secteur. Ils échangent aussi de manière approfondie avec les dirigeants et challengent leurs projets. - Le second est basé sur la donnée : il s’agit d’un outil de scoring basé sur des critères tangibles comme les levées de fonds, le fait d’être accompagné par un acteur de l’écosystème, par BPI France, le fait de déposer des brevets.... Ces critères sont pondérés et agrégés afin d’obtenir un score de potentiel de croissance des entreprises. - Le troisième levier est l’écosystème, ce sont l’ensemble des relations partenariales que nous allons pouvoir entretenir avec la concurrence, des incubateurs, des accélérateurs, des pôles de compétitivité... Cela nous permet de récolter des avis d’experts, d’échanger sur des bonnes pratiques… Pour une startup, a contrario, savoir se positionner sur l’échelle TRL permet de définir sa capacité à collaborer avec un grand groupe et sa proposition de valeur. Pour opérer leur sélection, Leonard évalue le niveau de maturité de la startup et sa capacité à déployer son offre. Leonard accompagne une dizaine de projets par an dans chacun de ses quatre programmes d’innovation et d’accélération.

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Il est nécessaire de trouver un bon équilibre entre startups matures et moins matures qui, par définition, se positionnent sur des sujets plus avant-gardistes. Il est néanmoins crucial pour l’entreprise de pouvoir évaluer ces différences de maturité pour adapter ses exigences que ce soit en terme de ROI, de temps de développement et d’implication sur le projet

Sélectionner les projets en fonction des valeurs et de la vision sur le long terme du groupe

Le processus de sélection des projets doit également être propre au groupe et en accord avec les valeurs fondamentales du groupe et sa stratégie d’innovation : Quelle est la roadmap de la startup et sa vision de long terme ? Quelle est la capacité du projet à se transformer, à aligner ses valeurs avec celles de l’entreprise ? Ces questions sont essentielles à la sélection d’une startup partenaire Paul Foucault, Open Innovation Manager chez 50 partners

La sélection des projets peut être opérée par un jury diversifié et composé de collaborateurs ayant des visions et spécialités différentes afin d’avoir une analyse croisée des projets avant leur sélection.

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Le jury est extrêmement diversifié au sein de l’AFD, on avait quelqu’un de reconnu dans les négociations Internationales, le multilatéralisme, quelqu’un pour représenter toute la recherche économique de l’AFD. On a aussi une personne qui représente la conduite du changement du groupe dans le jury... Kamal Dadi, Directeur de l’innovation à l’AFD

Mettre en place un POC pour décider ou non de s’engager dans la collaboration Le concept de POC, Proof Of Concept, est assez réputé car il a permis à de nombreuses entreprises de tester la solution lors d’une première expérimentation sur un périmètre restreint avant d’envisager un déploiement plus large. Il permet aux grandes entreprises de s’alléger de certaines démarches complexes d’une contractualisation plus long terme et de construire les fondations d’une collaboration plus long terme. Agathe Chocat d’EDENRED pense qu’il est intéressant de :

réaliser dans un premier temps un contrat POC de 6 mois par exemple pour ensuite passer sur un contrat plus large et plus engageant. La startup doit être concentrée sur la vente de sa solution. Le groupe doit dire rapidement s’il est intéressé ; et surtout s’il ne l’est pas.

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D’après de nombreuses startups, il est important de demander une rémunération lors d’un premier POC ou, à défaut, un échange de bons procédés (visibilité, communication…). Incontestablement un POC sera coûteux pour la startup (en temps ou en argent) et elle doit pouvoir s’y retrouver, surtout si le POC n’aboutit pas à un contrat long terme. Mais, comme le soulignent certains, on est sorti de cette époque où dans les états-majors, il était de bon ton d’avoir lancé ses trois POC dans l’année avec des startups pour envoyer le message à la direction générale qu’on était en train d’innover…

BPI France a développé un outil bien utile pour engager la première étape de formalisation des engagements réciproques entre l’acteur innovant et son client.

https://lehub.bpifrance.fr/wp-content/uploads/2018/03/Deal-memo-LeHub-Bpifrance.pdf

Mesurer l’impact du POC et ajuster en conséquence pour maximiser les chances de réussite du projet Les facteurs clés de succès restent les outils de mesure privilégiés pour évaluer la réussite d’une collaboration. Parmi ceux-ci, Benjamin Athuil, Co-Fondateur et Président de la startup CareGame, cite le taux de conversion d’un POC à un contrat, le nombre de ventes de POC dans une durée de temps limitée et enfin le délai de réalisation d‘un contrat. Autant de KPIs qui donnent une idée sur la capacité des startups à innover avec un grand groupe.

Les KPIs sont par nature, spécifiques à chaque use case, il est difficile de les extrapoler. On les range en général dans deux grandes catégories : la génération de nouveaux business ou la génération de biens d’efficacité opérationnelle. Guillaume Cabrere, Directeur Open Innovation chez Société Générale

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Mesurer les performances du partenariat avant, pendant et après sa mise en place

Même s’il n’y a pas systématiquement de KPIs (indicateurs clés de performance) très poussés, il est important de suivre le nombre de nouvelles startups sourcées et rencontrées, la remontée des besoins métiers, le nombre d’expérimentations, le nombre d’industrialisations finales... Des plateformes d’open innovation permettent notamment d’automatiser et de simplifier le suivi de ces indicateurs clés.

On effectue un suivi continu sur la création de la valeur apportée par la technologie implémentée pour pouvoir la piloter.

Henri-François Martin, précédemment Directeur Innovation de VEEPEE

Eléments communs aux grands groupes pour évaluer une startup : la qualité de la solution, le couple produit et marché, la taille du marché adressé, la scalability du business model, les revenus récurrents, les premières KPIs de traction, la complémentarité de l’équipe, la vision de l’équipe et sa connaissance du marché, la capacité à porter le projet loin (parcours et humilité).

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Utiliser des outils de mesures adaptés à chaque niveau d’avancement

Chaque entreprise peut définir son propre modèle pour mesurer l’efficacité de ses démarches et il existe de nombreuses méthodes reconnues.

Pour ce qui est des outils, je recommande vivement Le Business Model Canvas qui est très efficace pour se lancer. Et à un stade plus développé je recommande les OKRs (Objective & Key Results), une méthodologie très intéressante qui permet de se fixer des objectifs à long terme. Benjamin ATHUIL Co-Fondateur et Président de CARGAME

Diversifier ses programmes d’accompagnement pour générer un écosystème foisonnant Pour obtenir une dynamique d’open innovation, il faut avoir accès à un référentiel riche et actualisé des acteurs de l’écosystème. De plus, il est nécessaire d’ouvrir sa veille d’innovation à différents secteurs. C’est pourquoi Leonard, animateur de démarches d’innovation entrepreneuriale du groupe VINCI, mise sur la diversité de ses programmes d’accompagnement.

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Nous avons développé 4 programmes d’accompagnement pour les entrepreneurs et innovateurs. La recherche constante de partenariats avec l’ensemble des acteurs de notre secteur (investisseurs, incubateurs, accélérateurs compris) permet à VINCI d’occuper une place centrale dans cet écosystème d’innovation. Matthieu Lerondeau, Directeur de la communication et des communautés de Leonard

Aujourd’hui l’innovation collaborative n’est plus marginale et nombre de startups passent par les programmes d’accélération ou cherchent à entrer directement en contact avec les collaborateurs, d’où l’intérêt que chaque métier soit bien conscient de ces enjeux.

Il ne faut pas épuiser la startup par de multiples réunions mais discipliner l’organisation en incitant les métiers à s’engager à répondre rapidement pour ne faire perdre de temps à personne

Matthieu Lerondeau, Directeur de la communication et des communautés de Leonard

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Question de communication : Fluidifier les échanges

Harmoniser la communication en interne et avec l’externe

Les équipes commerciales doivent être alignées avec les équipes techniques aussi en termes de langage, de wording.

Trouver un langage commun en interne permet aussi de faciliter les processus. Une bonne pratique partagée par Fabien Habasque, community manager chez ADOK pour répondre à cette problématique :

L’objectif est de pouvoir en interne utiliser le même champ lexical autour d’un seul produit. Ensuite seulement on peut se charger de le décliner en externe par la création de contenus, vidéo ludiques, d’articles etc.

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Voici une méthodologie pour avoir une seule manière de parler du produit au fil des différentes étapes de la communication : 1 - S’exercer à « faire du contenu avec différents prestataires, faire des interviews, créer des vidéos avec un langage spécifique » 2 - S’inspirer du Design Thinking et « identifier des personna, des cibles, les décliner et définir en type (commercial, technicien etc) » 3 - S’accorder sur un ton et des éléments de langages clairs « de façon à avoir une seule manière de phraser le produit, l’offre, la fiche technique, le cas d’usage etc » Ce langage commun doit être adopté en interne et partagé avec l’externe pour s’assurer d’une communication fluide lors de projets collaboratifs. Donner de la visibilité aux startups sur son mode de fonctionnement et ses besoins c’est s’assurer d’avoir des sollicitations qualifiées.

Briser les silos en interne comme avec l’externe afin de limiter les points de friction

Le silotage des grandes structures est source de friction dans le bon déroulement d’un projet d’open innovation. Favoriser la communication, partager l’avancée des relations et prévenir l’ensemble des parties prenantes impliquées dès le début du projet est une bonne pratique à ne pas négliger : Il faut mettre l’information à disposition, l’information doit voyager à l’intérieur des entreprises. Gaëtan Bolloré, Co-Fondateur de Startup Flow

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Il est également essentiel de penser à faire tomber les barrières avec l’externe et de donner un moyen aux collaborateurs d’identifier et de communiquer directement avec les startups pour se sentir engagés dans le projet. Des solutions collaboratives uniquement destinées aux collaborateurs en interne seraient contraires à la logique même d’open innovation.

Qui se ressemble s’assemble : jouer sur les similarités lors des négociations afin de faciliter la mise en relation

Selon Gaëtan Bolloré Co-Fondateur de Startup Flow, il est préférable de ne pas tronquer l’aspect économique, de ne pas oublier les ressemblances entre les acteurs, il faut réaffirmer ces points communs.

Il faudrait que les startups se présentent comme des entreprises, certes de petite taille, mais qui restent des entreprises avec des enjeux économiques classiques. C’est très important dans la négociation avec les achats. Le problème c’est que les startups n’y ont pas été habituées et leurs clients n’ont pas été éduquées à l’entendre.

Il est alors important de sensibiliser les entreprises à cet aspect et d’apprendre aux startups à développer ce côté ressemblance lors de potentielles collaborations entre ces deux acteurs.

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Gagner en crédibilité grâce à des “labels” afin de passer plus facilement les critères de sélections Comprendre les grands groupes, leurs attentes et leurs critères de sélection est essentiel, d’où l’importance d’obtenir des accréditations, des références qui font figures d’autorité auprès des grands groupes selon Thomas Guenoux, CEO & Co-founder de YELDA (Future 40 de Station F).

Être dans le futur 40, c’est comme un label, passer sur BFM ou être à la station F typiquement ce sont des tampons. Cela permet de recevoir des fonds de Business Angels qui ont un fort niveau d’exigence aussi. Thomas Guenoux, CEO de Yelda

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Questions d’interlocuteurs et de personnalités : qualifier les bonnes personnes

Le profil type des responsables de l’innovation Ainsi Maxence Chotard, CEO et co-founder de Eisox et Sandra Gautret, responsable marketing et communication chez Eisox se sont pliés au jeu du recruteur pour le poste de directeur innovation d’un grand groupe. Leur critères de sélection étaient les suivants : - quelqu’un au fait des dernières technologies - engagé dans la mise en place de nouveaux usages - avec une forte appétence pour les challenges. - avec des qualités humaines et relationnelles telles que l’ouverture d’esprit et le respect.

Il nous paraît vraiment important que les grands groupes mettent à la tête de leur service innovation quelqu’un de réellement sensible à l’innovation. On s’est souvent heurté à des grands groupes encore trop peu à l’aise avec la nouveauté et le digital. Maxence Chotard, CEO et co-founder de Eisox et Sandra Gautret

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Le profil type à la tête d’une startup L’équipe dirigeante de la startup est clé. Les Venture Capitalistes disent souvent qu’une mauvaise idée avec un bon entrepreneur fera moins passer notre chemin qu’un mauvais entrepreneur avec un bon projet BOUYGUES SA

Il est donc important pour la startup de savoir démontrer l’expertise et la légitimité de son équipe dirigeante sur son domaine car c’est un des premiers critères de sélection de la part des grandes entreprises qui cherchent avant tout des personnes compétentes avec qui collaborer.

S’adresser à des interlocuteurs stratégiques appropriés et privilégiés Il est donc important pour la startup de savoir démontrer l’expertise et la légitimité de son équipe dirigeante sur son domaine car c’est un des premiers critères de sélection de la part des grandes entreprises qui cherchent avant tout des personnes compétentes avec qui collaborer. On essaye en général de ne pas se concentrer uniquement sur les personnes dédiées à l’innovation au sein d’un grand groupe. Il est parfois préférable de passer soit par des opérationnels, c’est à dire les responsables du terrain avec lesquels nous souhaitons travailler et qui valident le besoin de notre solution ou directement passer par la direction, sensible aux arguments de rentabilité et de neutralité carbone.

Pauline Koch, CEO et fondatrice de SITOWIE

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Plus ils sont hauts dans la hiérarchie, plus ils sont tolérants et vont chercher des solutions avec nous.

Antoine Fuyet, CEO & fondateur de CHAMPERCHÉ

Quand on fait des réunions, il y a parfois un représentant de chaque département, c’est lourd, chacun veut tirer sur son domaine et cela peut ralentir la prise de décision, il faut que le responsable innovation ait un réel pouvoir de décision. Olivier Lechevalier, CEO & Co-founder DEFTHEDGE

Nommer des personnes référentes ayant pour rôle d’intermédiaire dans les mises en relation Si sur le modèle de l’accélérateur French IoT, La Poste joue un rôle de médiateur, d’autres mettent à disposition un coach ou un ambassadeur pour accompagner la startup. Chez Thalès, il est choisi sur la base du volontariat avec un système pour encourager cette pratique. Il accorde un jour par semaine à cet accompagnement.

Jean-Philippe Jahier, ancien directeur innovation et déploiement des nouvelles technologies chez Thalès

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S’entourer de personnes qui savent travailler avec les acteurs publics et les bailleurs

Si les grands groupes et les startups s’accordent globalement sur un même rythme, il n’en va pas de même avec les collectivités et bailleurs sociaux. Une problématique trop souvent oubliée, elle est pourtant nécessaire au bon développement d’une startup. Avec les collectivités et les bailleurs sociaux, on est réellement confrontés à des délais longs. Il faut s’armer de patience mais surtout s’entourer de personnes qui ont l’habitude de collaborer avec ce milieu et savoir en apprécier les spécificités. Antoine Fuyet, CEO & Founder de Champerché

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Questions d’interlocuteurs et de personnalités : qualifier les bonnes personnes

Prendre en considération la différence de temporalité, c’est éviter de mettre en péril une startup Cette différence de temporalité est une barrière à l’Open Innovation. Six mois pour une grande entreprise est un délai convenable pour prendre une décision concernant le lancement d’un nouveau projet. Or, une startup qui existe depuis quelques mois ou quelques années ne peut pas survivre sans rémunération pendant une telle période. Il est crucial de considérer cet écart de conception du temps lors des premiers échanges et lors des tests. Il s’agit de ne pas subir des conditions défavorables et de ne pas hésiter à négocier pour arriver à un point d’entente. Du point de vue de la startup, le point clé est de :

réussir à être son propre maitre du temps. En tant que startup il est très dangereux d’être dans l’attente des réponses d’un grand groupe. Savoir donc timer, imposer son propre tempo est crucial si l’on veut survivre au temps long des grandes entreprises. Valentin Bouteiller, CEO et co-founder de ZEI

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Lorsque nous avons un POC en cours, on essaie d’exiger une signature en 30 jours plus qu’en 90 jours, c’est comme tout il suffit de demander. Le temps long comme toute autre problématique est négociable nous témoigne Benjamin Athuil. Côté grand groupe : pour outrepasser ces problèmes, il faut se mettre en mode start-up : il faut sortir des sentiers battus de la certification. Il faut idéalement prévoir des budgets en amont afin de pouvoir avancer et également créer des pépinières dédiées dans lesquelles on peut les accueillir. Alain Canals, ancien Directeur innovation et développement chez Faiveley Plast

Multiplier les sources de financement et travailler avec des plus petits pour contourner les problèmes de temps longs Avec l’expérience j’ai appris à ne pas avoir peur du temps long. Des réunions peuvent prendre 2 mois à s’installer. On peut aussi mettre 9 mois à signer un projet, commencer par un Poc, puis encore patienter 9 mois. Pauline Koch, CEO et fondatrice de SITOWIE

Pour éviter des temps d’attentes qui peuvent signifier la mort financière de la startup, celle-ci peut se tourner vers des entreprises de taille plus intermédiaires et tenter de toquer à un maximum de porte pour s’assurer des revenus.

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Échouer rapidement pour gagner du temps Il ne faut pas se brider en ayant peur des risques, il est préférable de rater vite «Fail Fast» pour progresser rapidement affirme Gilles Rabin, Directeur de l’innovation, des applications et de la science au CNES. Le vrai grand risque c’est de ne pas tester

affirme à son tour Benjamin Athuil Co-Fondateur et Président de CareGame. Pour cela il est nécessaire d’être très agile, mais surtout d’échouer, et vite. Les startups ont le droit à l’erreur et l’avantage d’être assez jeunes et agiles pour pouvoir rebondir aussi vite qu’elles échouent et ensuite passer à autre chose.

Sanctuariser l’innovation en créant des temps forts annuels Etre en veille permanente est une chose, mais pour construire un écosystème d’innovation, instaurer un temps fort annuel peut être très intéressant. Le temps fort est un vrai point de repère, il permet d’anticiper les dates butoirs, la gestion et la préparation des dossiers de candidature. Ce moment nous permet en quelque sorte de sanctuariser l’innovation, la collaboration et c’est essentiel.

Vanessa Chocteau, directrice de l’accélérateur French IoT

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Questions financières : plus de transparence, plus de réalisme

Estimer régulièrement le budget nécessaire à l’achèvement des projets En fonction du nombre de projets qu’un groupe a en portefeuille au moment T, un budget nécessaire est estimé. Il est réparti entre les projets afin de s’assurer qu’ils puissent tous être accompagnés jusqu’au bout. Pascal Alberti, Directeur de l’innovation et du développement territorial à l’UTC, témoigne de l’importance de faire des revues de projet régulières, de mesurer l’existant tout en n’oubliant pas de conserver une partie du budget pour des projets imprévus.

Anticiper les cycles de vente dans le plan de trésorerie

Il s’agit surtout d’intégrer le cycle de vente des grands groupes dans son business plan, dans son financement et dans son plan de trésorerie estime Morgan Civilise CEO et fondateur de Hexagon Digital Performance. Selon Iui, faire des business plan plus «conservateurs» et anticiper des retards potentiels dans sa trésorerie est la clé. En tant que startup nous n’échappons pas au cycle de vente normal des grands comptes et à leur process achats. Sans anticipation nous pouvons vite mettre sous tension notre trésorerie.

Morgan CIVILISE, CEO et fondateur de HEXAGON DIGITAL PERFORMANCE

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Allouer des budgets spécifiques au projet innovant afin d’éviter les conflits

Il convient de dissocier le budget dédié aux projets incluant une collaboration avec des startups du budget groupe ou des budgets métiers dans l’objectif d’améliorer la flexibilité des collaborations.

Se doter d’une enveloppe de financement indépendante du budget groupe est important, cela permet de contractualiser avec les startups dès que souhaité.

Henri-François Martin, précédemment Directeur Innovation de VEEPEE

Créer un fonds Innovation dédié permet de simplifier les questions budgétaires par la suite Chez Deloitte, la structure est spécifique, il s’agit d’un partnership d’associés répartis entre cinq grands métiers qui possèdent l’entreprise. L’ensemble de ces métiers cotise au fonds innovation en fonction du chiffre d’affaires qui leur est rattaché. Ce budget est par la suite distribué en fonction des besoins.

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Intrapreneuriat : soutenir financièrement les initiatives Quand un intrapreneur souhaite développer une idée ou un projet, il semble cohérent que l’entreprise aide au financement du projet et ne pénalise pas le collaborateur ou son management. Dans certains cabinets de conseil, par exemple, un collaborateur qui travaille sur un projet interne est rémunéré comme s’il était en mission chez un client, comme nous l’explique Thomas Cazor, Consultant Senior - Innovation et Intrapreneuriat chez Deloitte

La proposition de Deloitte pour répondre à ce besoin est de rémunérer l’associé comme si son collaborateur était chez un client mais pour travailler sur son projet d’innovation. Comme ça il n’y a pas de conflit de management.

Partager le financement d’un projet entre plusieurs acteurs Pour pallier la lenteur de certains processus internes (délais de contractualisation, demandes de financement…), La Poste a opté pour le partenariat stratégique avec d’autres grands groupes acteurs du développement des startups. Cette co-participation permet de rendre les délais plus courts. Les startups arrivent de cette manière à jongler entre plusieurs acteurs, plusieurs contrats et peuvent continuer leur développement de manière sécurisée.

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On est entre autres en partenariat avec le groupe RATP et Malakoff humanis. L’année dernière, certains de nos partenaires prenaient le relais sur des expérimentations avec les startups French IoT parce que leur timing était opportun et que nous ne pouvions pas. Je pense que cette coopération rend moins vulnérable les startups dans la relation. Vanessa Chocteau, Directrice de l’accélérateur French IoT

Innover sous la contrainte et viser la frugalité pour gagner en créativité L’observation est la suivante : certains groupes disposent d’un important budget dédié à l’innovation. Si cela permet de multiplier les initiatives ou encore d’attirer de nombreux prestataires et collaborations, avoir un gros budget n’est pas systématiquement synonyme de bons résultats lorsqu’on parle d’innovation ! L’important est plutôt de sourcer des innovations et pouvoir financer des expérimentations pour en vérifier l’efficience. L’innovation frugale est très intéressante puisqu’à mon sens, moins nous disposons de budget, plus nous trouvons des idées innovantes simples et pragmatiques. Marie Christine Eudes, Directrice de l’innovation et des services chez APICIL

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Questions juridiques : plus de simplicité et de confiance

Historiser les contrats et gagner en temps de contractualisation Pour éviter les pertes de temps, certains ont créé des “contrathèques”, alimentées par les collaborateurs, partageables et accessibles depuis l’intranet ou les outils d’Open Innovation.

Se baser sur les contrats proposés par les startups

Lorsque l’enjeu financier ou opérationnel n’est pas significatif pour le donneur d’ordre, il peut être judicieux, notamment pour gagner du temps, de mener les négociations sur la base du contrat de la startup et de se contenter d’en modifier certaines dispositions pour répondre aux critères de sécurité contractuelle du donneur d’ordre et, le cas échéant, modifier ou supprimer des dispositions visant à limiter la responsabilité de la startup dans des conditions non conformes à la pratique contractuelle du marché et/ou de l’entreprise.

Le contrat simplifié pour une startup est un très bon outil. Il y a des contrats de 40 pages, d’autres de 150 pages. Une autre bonne pratique observée au sein du service achats d’Orange : la mise en place d’une facturation accélérée. Gaëtan Bolloré, Co-Fondateur de Startup Flow

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Prévenir les différends et différences

Un conseil juridique peut être envisagé, une clause de médiation peut être prévue pour sceller un cadre de confiance, de dialogue et permettre une résolution rapide et équitable d’éventuelles difficultés que rencontreraient les parties

Lu dans « De l’idée à l’industrialisation, réussissez votre preuve de concept, Guide comité richelieu », 2019. Source : https://www.comite-richelieu.org/wp-content/ uploads/2020/09/Guide_poc-bat_hd_vf.pdf

Limiter les litiges de propriété intellectuelle en rédigeant un mémorandum

Une bonne pratique pour éviter tout litige autour de l’utilisation des idées, concepts et solutions co-développés par les parties est de rédiger un mémorandum de définition des champs couverts par la propriété intellectuelle et la confidentialité.

Lu dans « De l’idée à l’industrialisation, réussissez votre preuve de concept, Guide comité richelieu », 2019. Source : https://www.comite-richelieu.org/wp-content/ uploads/2020/09/Guide_poc-bat_hd_vf.pdf

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Limiter les demandes de garanties

Une startup ne devrait pas avoir à garantir que son service sera sans interruption et sans erreurs. Les garanties demandées à la startup doivent être limitées et adaptées à la nature et au contexte du service. Elles doivent intégrer : - un maintien raisonnable du service - les pannes ou les suspensions de service, de même que les fautes des intermédiaires techniques (fournisseurs d’accès à internet, etc.) - la maintenance et le changement de version

Pas de source

Il est nécessaire pour l’entreprise de comprendre que la startup dû à ses moyens limités ne pourra pas offrir les mêmes garanties qu’une entreprise plus établies. Il y a une part de risque à assumer lorsqu’on cherche à innover.

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LEXIQUE POC : Une preuve de concept (en l’anglais proof of concept, POC) ou démonstration de faisabilité1, est une réalisation ayant pour vocation de montrer la faisabilité d’un procédé ou d’une innovation. Située très en amont dans le processus de développement d’un produit ou d’un process nouveau, la preuve de concept peut être considérée comme une étape importante sur la voie d’un véritable prototype. KPI : Un indicateur clé de performance (ICP) – KPI en anglais – est un indicateur utilisé pour l’aide à la décision dans les organisations. Les ICP sont utilisés particulièrement en gestion de la performance organisationnelle. Design thinking : Le design thinking (littéralement « penser le design »), en français démarche design1 ou conception créative2, est une méthode de gestion de l’innovation élaborée à l’université Stanford aux États-Unis dans les années 1980 par Rolf Faste. Il se veut une synthèse entre pensée analytique et pensée intuitive. Il fait partie d’une démarche globale appelée design collaboratif. Il s’appuie en grande partie sur un processus de co-créativité impliquant des retours de l’utilisateur final. Contrairement à la pensée analytique, le design thinking est un ensemble d’espaces qui s’entrecroisent plutôt qu’un processus linéaire ayant un début et une fin. Design Sprint : Le Design Sprint est une méthode d’innovation inspirée par les principes du Lean Startup et du Design Thinking. Le Design Sprint vise à accélérer la résolution de problèmes et la créativité dans l’entreprise. L’objectif est de répondre aux besoins des utilisateurs et des clients rapidement et à moindre coût. Avec le Design Sprint, en 5 jours, une petite équipe passe ainsi d’une problématique au test utilisateur d’un prototype.

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Lean startup : Le lean start up (de l’anglais lean, « maigre », « sans gras », « dégraissé ») est une approche spécifique du démarrage d’une activité économique et du lancement d’un produit. Elle repose sur le « Validated learning (en) » (vérification de la validité des concepts), l’expérimentation scientifique et le design itératif. Elle tend à réduire les cycles de commercialisation des produits, à mesurer régulièrement les progrès réalisés, et à obtenir des retours de la part des utilisateurs. Dans cette optique les entreprises, en particulier les startups, cherchent à concevoir des produits et services qui satisfont au mieux la demande de leurs consommateurs, avec un investissement initial minimal. NPS : Le Net Promoter Score (NPS) est le pourcentage de clients qui évaluent leur probabilité de recommander une entreprise, un produit ou un service à un ami ou à un collègue à 9 ou 10 («promoteurs») moins le pourcentage évaluant cette probabilité à 6 ou moins («détracteurs») sur une échelle de 0 à 10. Les répondants qui donnent une note de 7 ou 8 sont appelés «passifs» et entrent dans le calcul du pourcentage global. Experience Map : En traduction française, la « carte d’expérience » ou méthode de l’Experience Map décrit l’ensemble du parcours d’un utilisateur par rapport à un produit ou à service. Cette carte peut se représenter sous la forme d’un. Elle permet donc de donner une vue d’ensemble des expériences vécues par l’utilisateur World Café : Le « World Café » est un processus créatif qui vise à faciliter le dialogue constructif et le partage de connaissances et d’idées, en vue de créer un réseau d’échanges et d’actions. Ce processus reproduit l’ambiance d’un café dans lequel les participants débattent d’une question ou d’un sujet en petits groupes autour de tables.

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Merci à toutes celles et ceux, startups et grands groupes, qui ont répondu à nos entretiens.

Nous tenons également à remercier nos partenaires ESET & becoming qui ont rendu l’aventure possible ainsi que l’ensemble des acteurs de l’innovation qui sont passés derrière nos micros !



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