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Francis Akindès

Francis Akindès

TRANSITION POLITIQUE AU TCHAD En route vers le Dialogue national inclusif

Le processus de refondation du Tchad enclenché dès le 21 avril par le Conseil militairedetransition (CMT), au lendemain de la disparition brutale du Maréchal du Tchad IdrissDeby Itno,neconnaît depuis aucun répit. Après avoir d’abordassurélacontinuité de l’État, puis lancé les bases d’un dialogue national et inclusif àtravers l’ensemble du territoire, le nouveau Chef de l’État multiplie les actes de réconciliation, aussi bien vers l’intérieur que l’extérieur,aunom de l’unité du Tchad, préalable obligé àune transition réussie.

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Mahamat IdrissDebyItno,présidentdelarépubliqueTchadienneetleprésident français Emmanuel MacronàParisle12novembre 2021.

Que de chemin parcouru par le Tchad en un peu plus de six mois !Depuis le décès, aussitragiquequ’inattendu, survenu le 20 avril, du Maréchal du Tchad Idriss

Deby Itno,président de la république tout juste réélu, le pays ainauguréune période

de transition inédite.Tout en veillant àgarantir la stabilité et la sécurité du territoirealors menacé sur ses frontières, le Conseilmilitaire de

transition (CMT), mis en place dès le 20 avril et présidé par le Général Mahamat Idriss

Deby Itno, apromulgué une charte de transition dans laquelle sont associées toutes les forces vives de la Nation –politiques, sociales, religieuses –, avec l’objectif de consolider l’État et ses acquis, tout enrenforçant ses institutions.

Dialogue national et réconciliation

Très vite, un gouvernement de transition et d’union aété misenplace, placésouslaresponsabilité d’Albert PahimiPadaké. Sa feuille de route vise àassurer la continuitédel’État,à préserver la paix et la stabilité, àpoursuivrele développement du payspendant unepériode de transitionqui s’achèvera par l’organisation d’élections générales. Sonaction estcomplétée depuisle5octobre par celle du Conseil nationaldelatransition (CNT), parlementintérimaire nommésur décretpar le président du CMT, Mahamat IdrissDebyItno qui,entant que chef de l’État, promeutégalement depuis sa prise de fonction,les impératifs de dialogue national et de réconciliation entretous les Tchadiens et les Tchadiennes.

La compositionduCNT illustre cette volonté d’ouverture, puisque ses 97 membresreprésententladiversité de la société tchadienne. Un tiers est constitué d’anciens députés de l’assembléesortante, les autres viennent des différents courantspolitiques et «politico-militaires », desmouvements syndicaux ou religieux, de la société civile. Un ministèrede

la Réconciliation nationale et du dialogue amêmevulejour, confiéà AcheikhIbn

Oumar.Ilcoiffe le Comité d’organisation du dialoguenationalinclusif (CODNI), en charge du processus et représentatif lui-aussi de toutes lescomposantes politiques et sociales du Tchad.Chargé d’indiquer le cap àtenir,il aenvoyé de nombreusesmissionsà l’intérieur et àl’extérieur du payspour initierdes pré-dialogues avec la population,ainsi que des consultationsavec les mouvementspolitico-militaires.

280MILLIONS D’EUROS LA SOMME NÉCESSAIRE POUR FINANCER LA TRANSITION. L’UE CONTRIBUE ÀHAUTEUR DE 100 MILLIONS D’EUROS, SOUS FORME D’APPUI BUDGÉTAIRE OU D’ASSISTANCE TECHNIQUE.

Les13et14novembre2021 àParis, lors du CODNI (comité d’Organisation du DialogueNationalInclusif),consultations des forces vivesdela diasporatchadienneenEurope.

Engouementsans faille

Le CODNI aprésenté le 25 novembre, les conclusions de ces travaux. Elles confirment d’abordl’engouement sansfaille des Tchadiens, décidés comme jamaisàs’exprimer, comme leur ademandéàplusieurs occasions de le faireleprésidentduCMT :«tout le monde peut le faire, il n’ya pas de sujets tabous».À chargeensuite pour le comitétechniqueduCODNI de fairelasynthèse des idées et des propositions de chacun et de rédiger le rapportremisaux autorités fin-novembre. «Nous sommes danslebon timing », aassuré MahamatIdriss DebyItno,lorsdeson passage sur la chaîne France 24 quelquessemaines plus tôt. Le chef de l’État aégalement saisi l’occasion pour promettreànouveau des élections«libres et démocratiques»,alorsque le contextesécuritairesedétendàmesureque les menaces militaires migrent vers la Libye.

«Pourbâtir ensemble un Tchad de paix,

de stabilitéetdesécurité», comme il s’y estengagé lors de sonallocutionàlanation, à l’occasiondu61ème anniversaire de l’indépendance du pays, le président du CMT défend le principe d’une«réconciliation sincèreet intégrale »etmultiplie, commeson Premier ministre,les messages d’unité,invitant chacun àprendreses responsabilités,pour saisir l’opportunitédemaintenirleTchad sur les rails du progrès. Un appelentendu par la population, ainsi quepar de nombreux courants politiques et mouvementsdelasociétécivile, de la Convention tchadienne pourles droits humains (CTDDH)àlaConvention tchadienne pourlapaix et le développement (CTPD), qui tous ont confirmé, au fils des semaines, leur participation au processusderéconciliation, dontlepoint d’orgueseraleDialogue national inclusif,attendu pour démarrer dans lesprochaines semaines.

Table-rasedupassé

Plusieurs cadresdel’Union desforces pour la résistance (UFR) sont également rentrés au pays, pour répondreàlamaintendue par lesautoritésmilitaires de la transition.D’un certain passé, l’heure est venuedefairetablerase. Et c’est au nomdecette union sacrée que lesautorités tchadiennesont accordé l’amnistie générale àceux qui avaient choisi la voix de l’exil ou de la violence pour exprimerleur divergence politique. Deux projets de lois ont été présentéslors du Conseil extraordinaire des ministres du 29 novembre, en présence du chefdel’État. Le premier propose uneamnistie générale pour les faitsd’atteinte àl’intégrité de l’État et de délit d’opinion ;lesecondpour les faits d’acte de terrorisme, de complicité, de recrutement et d’enrôlement de mineurs dans des forcesarmées. Près de trois cents personnes autotal devraient bénéficier de ces mesures.

«NOUSSOMMES DANS LE BON TIMING », ASSURE MAHAMATIDRISS DEBYITNO. UN JUGEMENT PARTAGÉ PAR LES PARTENAIRES DU TCHAD ET PARLES TCHADIENS EUX-MÊMES.

Le président Mahamat IdrissDeby Itno aégalement profité de ce conseil pour rappeler àtous sesministres lescritèresdecompétence,d’expérience et d’équitéàrespecter au moment de constituer leurséquipes. «Chacun doit

assumer pleinementses fonctions,dans lestrict respect de ses prérogatives et de

ses attributions »,a insisté le chefdel’État. Commeill’a lui-même confirmé, le processus est dans les temps et respecteaujourd’hui encorelechronogrammedéfini àl’origine.Pour fairedelatransition tchadienne,une transition modèle.

Soutien tous azimuts de la communauté internationale

Depuisson arrivée au pouvoir,leprésident Mahamat Idriss Deby Itno et le Premier ministre de la transition, Albert PahimiPadacké, multiplient les missions auprès desdifférents partenaires internationaux pourmieux plaider la cause de la transition en cours et mobiliser les ressources financièresnécessairesà son financement. Le chefdel’État avait ouvert la voie en se rendant au Qatar le 13 juillet,pour s’entretenirentête-à-tête avec l’Émir Tamim BenHamad Al-Thani, pour donner «une nouvelle dimension àlacoopération»entre les deux pays. Il s’est ensuite renduàParis mi-novembre pour assisterauForum de la paix, ainsi qu’àlaconférenceinternationale sur la Libye. Il avait déjà raffermi les liens avec la France, en venantrendrevisite au président Emmanuel Macron début juillet.Deson côté, le chef du gouvernement afait escaleà Bruxelles les 16 et 17 novembre. Il apus’entretenir avec Janez Lenarcic, le commissaireeuropéen en charge des questions d’urgence humanitaires, ainsi qu’avec sa collègue auxpartenariatsetàla coopération économique, Jutta Urpilainen. L’occasion pour Albert Pahimi Padacké de confirmer la volonté du CMT de respecter ses engagements ainsi que les troispriorités fixées parl’UE:l’organisation du dialogueinclusif ; la rédaction de la constitution ;l’organisation du référendum constitutionnel et des élections libresettransparentesqui mettront un termeà cette période de transition.

S

Signature d’un accord sur 500 MW en Éthiopie pour Masdar ; démarrage de la construction d’une centrale de 300 MW en Afrique du Sud pour Acwa Power ; projets au Togo, au Mali, au Malawi et en Égypte pour Amea Power et Phanes. Cette revue d’activité, rien que pour 2021, illustre l’essor des acteurs énergétiques issus du Moyen-Orient – Arabie saoudite et Émirats arabes unis – sur le continent. Bien implantés au Maghreb et en Afrique du Sud, ils s’étendent désormais en Afrique de l’Est et en Afrique de l’Ouest. « Compte tenu de la jeunesse de leurs activités africaines, les performances en matière de contrats signés et livrés sont remarquables. On peut parler d’une véritable percée », commente le consultant en énergie Ahmadou Said Bâ, ingénieur formé à l’Ensea, ancien cadre des équipementiers américain Visteon et français Valeo. Pionniers de ce mouvement, les deux géants mondiaux Acwa Power – fondé en 2004 et dont l’actionnaire majoritaire est le fonds souverain saoudien (Public Investment Fund, PIF) – et Masdar – créé en 2006 par le fonds souverain d’Abou Dhabi, Mubadala Investment Company – sont devenus des acteurs incontournables sur le continent.

Àquoi pensait le colonel Assimi Goïta ce matin du 7juinlorsqu’ilatroquéson habitueltreillispourl’uniforme de commandant du Bataillon autonome des forces spéciales des centres d’aguerrissement (BAFS-CA), dans lequel il a prêté serment en tant que chef militaire devant la Cour suprême?Avait-ilalorsmesurélaportée de cette nouvelle fonction quand, main gauche sur la Constitution et main droite levée vers le ciel, il a juré « devant Dieu et le peuple malien de respecter la Constitution et la charte de la transition »?

Sept mois après la mise en place du deuxième gouvernement de transition, les engagements pris par Goïta, le16septembre2020àAccra,lorsd’un sommet extraordinaire de la Cedeao au cours duquel il a assuré que la transition ne durerait que dix-huit mois, semblent loin d’être respectés. Au début de novembre, les autorités maliennesontportéàlaconnaissance delaCedeaoleurvolontédeprolonger latransitionau-delàdu27février2022, date à laquelle devaient se tenir les électionsprésidentielleetlégislatives.

Une décision qui risque d’entraîner de lourdes sanctions contre le pays, même si, lors de la conférence des chefs d’État de la Cedeao, qui s’est tenue le 12 décembre à Abuja, aucune sanctionimmédiaten’aétéannoncée.

Bien qu’elle ait pris acte de la correspondance du président de la transition, qui a promis de porter un nouveauchronogrammeàlaconnaissance des dirigeants ouest-africains d’ici au 31 janvier 2022, la Cedeao n’a pas donné raison à Goïta, préférant réitérer sa position initiale. « Les chefsd’État,aprèsdelongséchanges, ont décidé de maintenir la date du 27 février 2022 pour l’organisation des élections au Mali. Ils ont décidé de l’entrée en vigueur de sanctions additionnelles en janvier 2022 », a fait savoir l’instance régionale.

À l’heure où nous mettons sous presse, le 27 décembre constitue une étape décisive. Conformément à la loi électorale malienne, le président Goïta a jusqu’à cette date pour signer un décret présidentiel portant convocation du collège électoral. S’il était signé, ce décret acterait la tenue du double scrutin le 27 février 2022. Passé ce délai, la prolongation de la transitionseraitentérinéeetlaCedeao pourraitalorslégitimementappliquer des sanctions supplémentaires pour « non-respect du délai réglementaire de la transition ».

AssimiGoïtapourra-t-ilsetirerd’affaire?Alorsquelesnouvellesautorités detransitionmisentsurlesoutiendes Maliens en capitalisant sur un discours très nationaliste, en interne le gouvernementdetransitionestpressé de toutes parts.

Les partis politiques, d’abord, s’agacent. « Les défis de la transition n’ont pas été relevés, juge Housseini Amion Guindo, le leader de la Convergence pour le développement duMali(Codem).Àtroismoisdudélai initialement convenu par le pouvoir de transition, les autorités ont réussi à se mettre le monde entier à dos, en commençant par la Cedeao, qui menace d’accentuer les sanctions à l’encontredenotrepays »,regrette-t-il.

« Il n’y a pas d’espérance dans le nationalisme. Le discours de Choguel Maïga vire au populisme, et c’est dangereux.»

Aveu d’échec

Pour cet ancien ministre d’Ibrahim Boubacar Keïta, les dirigeants actuels ne laissent entrevoir aucune porte de sortie. Outre le non-respect des délais de la transition, les récentes successions de grèves dans le secteur bancaire et l’augmentation du prix des produits de première nécessité crispent une partie de la population qui, en battant le pavé pour faire partir IBK, rêvait à plus de justice sociale.

Ce constat amer trouve également un écho chez d’anciens alliés du pouvoir en place. La prolongation de la transition, les nombreuses arrestations de figures politiques, l’essor d’un discours nationaliste ont poussé nombre d’entre eux à prendre leurs distances avec Koulouba. « La transition a échoué », lance, écœuré, Issa Kaou N’Djim, 4e vice-président du Conseil national de transition (CNT), qui a été démis de ses fonctions à la suite d’une sortie sur un média local danslaquelleiln’apasmâchésesmots envers Choguel Maïga.

Le changement de cap de cette ancienne figure du Mouvement du 5 juin-Rassemblement des forces patriotiques (M5-RFP), qui fut un fervent supporter de Goïta et appelait à son élection à la prochaine présidentielle,illustrelemalaisequitraversela classepolitiquemalienne.« Prolonger la transition est un aveu d’échec pour les autorités, poursuit Issa Kaou N’Djim. La charte de la transition écrite par nos soins était connue de tous. Celle-ci préconisait de trouver tous les moyens pour assurer la sécurité sur l’ensemble du territoire. Seize mois plus tard, cela n’a fait que se dégrader. »

Au sein du M5-RFP, qui a porté Choguel Kokalla Maïga à la primature et compte quelques membres dans le gouvernement, certains cadres avouent ne plus être en phase avec l’orientation politique donnée par Choguel. « Il n’y a pas d’espérance dans le nationalisme, se désole TahirouDembélé,conseillerpolitique de Modibo Sidibé. Le discours de Choguel Maïga vire au populisme, et c’est dangereux. »

Dans ce régime d’exception, qui souhaite qu’il n’y ait ni opposition ni majorité, le gouvernement peut toutefois compter sur un allié de taille : l’Union pour la République et la démocratie (URD), ancien principal parti de l’opposition sous IBK. Malgré ladisparitiondesonleader,Soumaïla Cissé, l’URD conserve une base électorale très solide et demeure très influente. Ses cadres, qui ne cessent d’affirmer leur soutien à la transition, jugent que les partis politiques qui se constituent en opposition sont des revanchards souhaitant l’échec de la transition. « Ceux qui s’opposent au

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