2 minute read
Le dessous des cartes
Joël Té-Léssia Assoko
Rédacteur en chef adjoint à JeuneAfrique Doux commerce
Advertisement
Curieuxrégime de sanctions que celui imposé au Mali par l’Uemoaetla Cedeao.Ilréussitl’exploit d’être àlafoisbrutetlâche, excessif et inoffensif.Dur avec lesfaibles et doux àl’égarddes nantis... Comme l’indiquait JA àlami-mai, après avoir interrogé plusieurs banquiers, «malgréles sanctions, lesbanquesmaliennesrésistent bienpourlemoment ». Et pour cause. Lesmultiplesexemptions au régime de sanctions –biens alimentaires,énergétiques, pharmaceutiques–autorisent (« officieusement », selon un financier) la BCEAOà laissersepoursuivre lestransferts et lespaiements liésàces denrées. Il revient donc au régulateur de fairele tri et de s’assurer que cestransactions concernent bien lesaliments et les hydrocarbures,deuxdes secteurs lesplusgangrenéspar lescircuits parallèlesetles inefficiences organisationnellesde toutela sous-région. Aussi, lessecteursles moins modernes de l’économie sont de fait favorisés au détriment de l’industrie et desservices.
Le gelofficieldes comptesde l’État au guichet unique de la BCEAOn’a pas empêché la junte d’ouvrir descomptes auprès des banquescommerciales– qui opèrent ainsi en pleineviolation de l’esprit et du textedes sanctions –, comme l’aexpliqué dans nos colonnes, le Malien Mossadeck Bally. «Les entreprises du secteur formel ne paient plus leursimpôts en ligne,mais par deschèques qui sont encaissés sur cescomptes », aindiquélepatron du groupe hôtelier Azalaï.Autrementdit,une procédureinformatisée et permettant la traçabilitédes échanges a étéremplacée parunsystème inefficaceetencourageant la corruption. Encoreune fois, lesacteurs économiquesles plus entreprenants, ceux dont lespartenaires internationaux obéissent aux
règlesdeconformitéetaurégime de sanctions, sont pénalisés au profit desmagouilleurs, de l’informel. Lesautorités régionalesfeignent, pour leur part, d’ignorer un arrêt de la Cour de justice de la Cedeao ordonnant la suspension dessanctions, sapant par là même la légalité de toutel’architecturejuridique régionale.Il ne fait aucundoute quel’économie malienne souffre déjà grandementdurégime de sanctions, malgréles faiblesses et les failles identifiées.Pour un pays où «letaux d’extrême pauvretéen 2019 s’élevait à42,3 %»,selonla Banque mondiale, touteminute de progrèséconomique perdue est une tragédie.
Asphyxie ou désescalade
Sortir de cetteimpasse n’estpas aisé. Il estpossible d’étendrele régime de sanctions àl’énergie et aux alimentsetd’obtenir dela BCEAOune suspensioncomplète de toutetransaction avec les banquesprésentes au Mali. Des sanctionspeuvent aussiêtre adoptées contre lesholdings des établissementsétrangersqui continuent de refinancer leurs filialesàBamako.Tout cela est réalisable si l’idéeest vraiment d’asphyxier le pays, d’envoyerau diable dix années d’expansion de la finance ouest-africaine,tout en détruisant, pour une générationau moins, l’importante et belle idée de coopérationéconomique.
L’autreoption pour lesinstitutions régionalesseraitladésescalade, fairelapartdupolitique et de l’économie, de la guerreetdu commerce.Celapourrait passer parlemaintien du geldes avoirs de l’État àlaBCEAO en échange d’une suppression de l’embargo commercial et financier.Une telle décision pourraitêtreperçue comme un recul, exposant aux quolibetsles chefs de la Cedeao. Peut-être. Mais si le ridicule tuait, lesresponsablesde cetteinstitution n’auraient pas installé son siège àAbuja,créaturebâtarde des années 1980,ville«nouvelle », ocre et bouffonne,sans passé ni culture nipersonnalité.
Concluons:entre deux bombardements, la Russie continue d’indemniser l’Ukraine pour faire transiter songaz vers l’Europe. Si lesSlavespeuvent faire la part deschoses,pourquoi pas l’Afrique de l’Ouest?