Tlmag21 book sp bd pour issuu (1)

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www.tlmagazine.com

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New Nordic Luxuries N O U V E AUX LUX ES N OR D I QUES /  NE W NOR DI C LUXU R I ES

ISSN 2031 8316 / X P47002 France : 7.90 € BE / LUX / ES / GR / IT / NL / Port Cont : 8.80 € AU / DE : 9.50 € GB : £ 7.50 Suisse : CHF 12

Printemps-été / Spring-Summer 2014 Juin / June 2014

M 05934 - 21 - F: 7,90 E - RD

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Stockholm Single Place / Ett Hem, Grand Hotel, Svenskt Tenn, Skultuna… Nordic vintage design / Nordic Haute cuisine

S P EC I A L G U ESTS Marcel Wanders GamFratesi Renato Preti, Discipline Pierre Yovanovitch

STO R I ES Les perles de Chanel / Chanel Fine jewellery S.I.H.H. / Baselworld Eau de Cologne Robbe & Berking Porshinger – Lasvit

H I G HLI G HTS Design polonais / Polish Design Zofia & Oskar Hansen MAK Vienna 150 ans / years Svendborg Architects

T R AV E LS Design Basel - Design at Large Guggenheim Bilbao - Ernesto Neto Berlin City Report - DMY


GamFratesi Palazzo Litta, Milan

Par / By Daniel Golling

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The crowds that mingled through the magnificent baroque rooms of the Palazzo Litta for the opening of the Urban Stories exhibition, during this year’s Design Week in Milan, were probably as equally impressed by the architecture and grandeur of the building as the exhibition within, that had been staged by Danish-Italian design studio GamFratesi. They were no doubt completely unaware that, with the odds stacked against them, Stine Gam and Enrico Fratesi had managed to erect the elaborate setting of their contribution to the collective show in just one week, carefully welding steel frames to hang Cheshire lamps and their intriguing Balance mobiles without actually interfering with the walls and ceiling of this listed palazzo. When walking through an exhibition you are supposed to marvel at the result of the endeavours of the people behind it, so why would the visitor suspect the blood, sweat and tears that were shed behind the scenes to make it happen?

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À l’occasion de l’inauguration de l’exposition Urban Stories, qui s’est tenue à Milan dans le cadre de la Design Week 2014, la foule de curieux qui a inondé les magnifiques pièces baroques du Palazzo Litta a probablement été aussi impressionnée par la somptueuse architecture du bâtiment que par l’exposition elle-même, conçue par le studio de design italodanois GamFratesi. Les visiteurs étaient manifestement loin de s’imaginer que Stine Gam et Enrico Fratesi étaient parvenus à apporter leur contribution à cette œuvre collective en une semaine seulement et contre toute attente, en soudant des plaques de métal pour y suspendre des lampes Cheshire et les étonnants mobiles Balance, sans pour autant toucher aux murs ni aux plafonds de ce monument historique. Si un visiteur qui déambule dans une exposition est censé s’émerveiller devant les œuvres qu’il a sous les yeux, pourquoi irait-il en effet imaginer les efforts acharnés qui leur ont permis de voir le jour ?

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Appetizers

S p e ci al G u e s ts / GamFrate si

Le desig n e nvers et c ontre to u t

Il est intéressant de préciser, dans ce cas précis, le contexte dans lequel GamFratesi a participé à l’exposition Urban Stories. De l’amiante a été détectée dans l’entrée de l’ancienne boulangerie militaire où l’exposition devait initialement se tenir, dans le centre de Milan, il a donc fallu relocaliser ce projet au plus vite. Une semaine avant l’inauguration, il a ainsi été décidé de déplacer les installations. Il n’a pas été difficile de trouver des techniciens capables de confectionner et de souder le cadre d’acier sur lequel ont été disposés les mobiles et les lampes, ce qui en dit long sur la place de l’artisanat et du design dans cette région de l’Italie, mais aussi et avant tout sur GamFratesi. Après avoir suivi ce duo depuis ses débuts prometteurs en 2007, dans la section Greenhouse réservée aux jeunes talents du Salon du meuble de Stockholm, où GamFratesi a fait un retour triomphal cette année en tant qu’invité d’honneur après avoir publié sa monographie intitulée This Is GamFratesi, il y a une chose dont je suis sûr : le mot « raccourci » ne fait pas partie de son vocabulaire. C réer e n métissa n t les traditi o n s culturelles

Pour respecter le délai qui s’est imposé à eux début avril, Stine Gam et Enrico Fratesi n’auraient eu aucun mal à imaginer des concepts d’exposition plus faciles à mettre en œuvre. C’est de leur expérience en architecture que leur viennent leur intérêt pour l’aménagement d’espaces et d’expositions, et leur talent dans ce domaine. Tous deux ont en effet commencé par étudier cette discipline ; c’est d’ailleurs à cette époque qu’ils se sont connus, dans la ville italienne de Ferrare.

1 — L’harmonie était parfaite entre GamFratesi et le Palazzo Litta dans le cadre de l’exposition Urban Stories qui eut lieu durant la semaine du design à Milan / GamFratesi and Palazzo Litta were a perfect match at the Urban Stories exhibition during this year’s Milan Design Week 2 — Basés à Copenhague, Stine Game et Enrico Fratesi font la synthèse entre le design italien et scandinave / Copenhagenbased Stine Game and Erico Fratesi innovate Scandinavian and Italian design 3 — Dans l’esprit de Calder, les mobiles sont une métaphore de la quête d’équilibre au quotidien / Calderesque mobiles emulate the struggle for balance in everyday life 4 — Les chaises Beetle produites pour la marque danoise Gubi / Beetle chairs produced by Danish brand Gubi

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Designing around adv ersit y In this instance, however, it is important to mention the story behind GamFratesi’s contribution to Urban Stories. Originally, the exhibition was supposed to be held at a former bakery for the military, in the centre of Milan, but when they discovered asbestos in the entrance, new plans had to be quickly drawn up. The decision to move was taken a week before the opening. The ability to find craftsmen able to build and weld the steel framework that was needed to carry all the Balances and Cheshires that were suspended over the floors of the Palazzo Litta says something about design and craft culture in this part of Italy – but more importantly it says something about GamFratesi. One thing I do know about this duo – after following their career from their stunning debut at the Greenhouse section for emerging talent at the Stockholm Furniture Fair, in 2007, to their triumphant return to the Stockholm fairgrounds as this year’s guests of honour, and after writing the monograph This Is GamFratesi – is that they are not in the habit of taking short cuts. E x perimenting w ith cross - cultural traditions One could easily imagine a dozen or so exhibition concepts that would have been much easier to build within the limited timeframe that Stine Gam and Enrico Fratesi found themselves faced with at the beginning of April. Their interest in, and skill for creating spaces and exhibitions, emanates from their architectural background. They initially studied to become architects, but along the way, the couple – that met while studying in Ferrara – chose to focus their creativity on design instead, and they adopted the traditional Dan-

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Appetizers

S p e ci al G u e s ts / G amFrate si

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Au fil du temps, ils ont décidé de mettre leur créativité au service du design et se sont définis professionnellement comme des møbelarkitekt (en danois, « architectes mobiliers »). S’il est vrai que cette décision est largement inspirée d’un statut traditionnel aux PaysBas, elle a aussi été prise de manière naturelle, comme l’explique Enrico Fratesi : « Nous avons tenu compte de notre manière de travailler et de notre relation aux matériaux. Il est essentiel de penser un objet par rapport à ce qui l’entoure : ne concevoir que le produit en lui-même est très limité, c’est pourquoi nous préférons envisager également son usager et son environnement. Notre travail a donc davantage à voir avec l’espace : cette méthode ne consiste pas à façonner des produits isolés, mais plutôt à établir des connexions justes, comme c’est le cas en architecture. » 5.

Un e renommée internati onale

L’an dernier, à l’occasion de la Triennale de Milan, les auteurs du décor utilisé pour une exposition très appréciée, intitulée Chromatisme danois, n’étaient autres que Stine Gam et Enrico Fratesi. Ces deux derniers se sont en effet inspirés de l’univers créatif de Josef Albers pour créer une harmonieuse toile de fond destinée à mettre un siècle de classiques du design en valeur. Dans leur ville d’origine, à Copenhague, ils ont par ailleurs orchestré la transformation d’un ancien bureau de douane en un restaurant et club de jazz ; c’est d’ailleurs là que le tabouret de bar Beetle, conçu pour Gubi, et la toute nouvelle table TS, tous deux lancés par Gubi au Palazzo Litta, ont fait leur première apparition. La vitesse à laquelle le duo GamFratesi s’est hissé au sommet de la scène internationale du design pourrait laisser croire qu’il a emprunté des chemins de traverse. Il serait toutefois plus approprié de qualifier ces deux designers de perfectionnistes, dans la mesure où leur méthode de travail est méticuleuse et chronophage : à partir d’un nombre incalculable de croquis, les produits sont ciselés dans du papier blanc et maintenus au stade de la conception avant d’être soumis au client et de passer au stade de la production. « Il est très rare que le fabriquant estime que le produit n’est pas réalisable, car il a le privilège de se retrouver devant un concept qui fonctionne », explique Enrico Fratesi. Une formule simple résume une vérité séculaire : le succès ne récompense que ceux qui sont prêts à travailler dur.

ish working title “møbelarkitekt” (furniture architect). It’s quite Danish, Enrico Fratesi says about the duo’s choice of title, but not completely illogical because “we took into consideration the way we work and the way we connect to materials. It’s very interesting to think of a product in the context of its surroundings. For us it was very limiting to think about just the product. Instead we think of the user and their environment. So our work is more about space. This method is not about modelling, it’s about honest connection. Just like in architecture.” I nternational recognition Last year, Stine Gam and Enrico Fratesi were the architects behind the much appreciated Danish Chromatism exhibition at the Triennale, where a colour scheme inspired by the creative universe of Josef Albers was used to create a harmonious setting for a display of a hundred years of Danish design classics. But in their home town of Copenhagen they also designed a restaurant and a jazz club in a former customs house, where the Beetle bar stool for Gubi and the brand new TS table – that was launched by Gubi at the Palazzo Litta – first appeared. Considering the speed with which GamFratesi has climbed to the very top of the ranks of the international design scene, it might seem as if they’ve taken a few short cuts along the way. It’s probably more accurate to label this duo as perfectionists. GamFratesi’s work method is painstakingly time consuming and involves endless sketches where products are finely chiseled from blank sheets of paper at the idea stage before finally being presented to a client, and being further developed for production. “It’s very rare if they say it can’t be done,” says Enrico Fratesi “the manufacturers have the privilege of finding something that works.” A humble way of delivering the old truth: success only comes to those who are prepared to work hard.

6. 5 — Casamania décline une palette unique de couleurs pour le plateau roulant Trolley et l’échelle Ladder qui peut aussi servir de valet /Casamania employed a unique palette for the Chariot trolley and Compass ladder vallet stand 6 — La chaise Cartoon pour Swedese est ici combinée à une installation spatiale du dossier Manga, caractéristique de leur design / The Cartoon chair for Swedese was joined by Manga, a characteristic backrest 7 — La table Ts se décline en trois différents modèles / Ts table takes on three different appearances and temperatures

www.gamfratesi.com À lire / To read: Daniel Golling & Gustaf Kjellin, This is GamFratesi, 2014

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pARIS / SeptembeR 5-9, 2014 / JANuARY 23-27, 2015 pARIS NORd vILLepINte

FALL IN LOve IN pARIS… WItH A SOup bOWL

m&O pARIS 5-9 Sept. 2014 / 23-27 JANv. 2015 * À pARIS, tOmbeZ AmOuReux... d’uNe SOupIÈRe

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Mix-Match


Mix-Match

Ne w Nordi c l u xu rie s / Sto c kholm Single Plac e

Les nouveaux luxes nordiques / The new Nordic luxuries Reportage de / Report by Lise Coirier Photographies par / photographs by Martina Björn

«  L a mais o n se n s u elle : libérer ses se n s , cha n ger sa v ie . L a mais o n est là o ù le cœur se trouve » – Il s e C rawfo rd

Voyage initiatique de TLmag à Stockholm. Hospitalité contrastée entre Ett Hem et le Grand Hotel dont le cadre très imprégné de traditions et de savoirfaire suédois nous a permis de transposer notre regard d’esthète sur une ville qui offre tant le plaisir de la contemplation que de la découverte. D’Östermalm chez Ett Hem à la promenade élégante de Strandvägen, avec le spa du Grand Hotel qui procure un menu à la carte de soins de beauté nordiques, TLmag s’est laissé vivre au gré des nouveaux luxes. Grands espaces, échappées sur des ciels en dégradé et des plans d’eau aux reflets argentés, le regard cherche l’archipel de Stockholm à l’horizon. Promenades culturelles de Skultuna à Svenskt Tenn en passant par la fastueuse salle dorée de la Stadshuset et la salle de bal du Grand Hotel… La création naît de cette culture éclectique scandinave. Ett H em , l’oasis sto ckh olm o ise

Pensée par sa propriétaire Jeanette Mix et Ilse Crawford (Studioilse) telle une ode au manifeste de Carl Larsson, Ett Hem (« La Maison »») a été bâtie en 1910 par l’architecte Fredrik Dahberg, à Sköldungagatan 2, dans le quartier paisible d’Östermalm. L’idéal de l’œuvre d’art totale est au cœur de cette belle bâtisse où Jeanette Mix et Studioilse ont sublimé l’influence des Arts & Crafts suédois (Svenskt Tenn, Skultuna, le laiton poli…) tout en mettant l’accent sur des pièces d’art et de design contemporaines pour faire ressortir au mieux une sensibilité au confort, à la qualité de l’espace, à la sensualité des matières… On se sent soudain chez soi dans un environnement aux couleurs gustaviennes, apaisantes. Ett Hem est un lieu de vie intime et de partage, à la fois familial, convivial et de caractère, où chaque détail prend de l’importance. Le style personnalisé des chambres, la table d’hôtes ouverte 24h/24, l’accueil souriant dès la porte d’entrée de la maison fait de Ett Hem une destination unique pour les voyageurs et les Stockholmois en quête de beauté et d’esthétique.

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“ T he sensual home : free your senses , change your life . H ome is w here the heart is” – I l s e C raw fo rd TLmag’s rite of passage to Stockholm. A contrast in hospitality between Ett Hem, and the Grand Hotel that is steeped in Swedish traditions and savoir-faire, enabled us to cast a critical eye over a city that is as enjoyable to contemplate, as it is to discover. We embraced the new Nordic luxuries, from Östermalm at Ett Hem to the elegant promenade of Strandvägen, and the Spa at the Grand Hotel, that offers a la carte Nordic beauty treatments. With wide-open spaces leading to contrasting skies and stretches of water with silvery reflections, the eye searches for the Stockholm archipelago on the horizon. Cultural walks from Skultuna to Svenskt Tenn lead you through the sumptuous golden room of the Stadshuset, and the ballroom at the Grand Hotel… This eclectic Scandinavian culture is fertile ground for creativity. Ett Hem , an oasis of calm in Stoc kholm Conceived by the owner Jeanette Mix and Ilse Crawford (Studioilse), possibly as an ode to Carl Larsson, “Ett Hem” (The Home), situated on Sköldungagatan 2, in the peaceful district of Östermalm, was originally built in 1910 by the architect Fredrik Dahberg. The ideal of Gesamtkunstwerk (total work of art) is a central element of this building, that has been beautifully refurbished by Jeanette Mix and Studioilse, who incorporated influences from Swedish Arts & Crafts (Svenskt Tenn, Skultuna, polished brass…), putting the emphasis on contemporary pieces of art and design to privilege a feeling of comfort, quality of space, and sensuality of materials… The soothing Gustavian colours create a homely atmosphere. Ett Hem is an intimate, friendly, family-run hotel with bags of character, a place where every detail takes on a new importance. The personalised style of the bedrooms, meals that are available 24/24, and the welcome you receive upon

2. 1 — Ett Hem, chambre / room 11 2 — Jeanette Mix, la maîtresse des lieux : « La maison est pour mes invités » / the lady of the house: “My house is for my guests”


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Ne w Nordi c l u xu ri e s / Sto c kholm Single Plac e

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3. 3 — La nouvelle collection de Skultuna / the new collection from Skultuna 4 — Viktor Blomqvist, directeur de Skultuna, attablé à la brasserie Napolyon, face au concept store de Skultuna, entouré de deux bougeoirs, dont le modèle Jubilée de style néoclassique réédité par Peder Lamm en marbre blanc de Carrare / Managing Director at Skultuna, sitting in the Napolyon bistro, opposite the Skultuna concept store, surrounded by two candleholders, among them the Jubilee model reissued in white Carrara marble in the neoclassical style, developed with Peder Lamm

Sku ltuna , quatre siècles de savoir- faire

Issu de la dynastie de Vasa, Charles IX fonda Skultuna en 1607 pour produire des objets en laiton. Aujourd’hui encore, cette tradition perdure et Skultuna reste un fournisseur de la cour de Suède, tout en cultivant un positionnement sur de nouveaux marchés dont celui du design contemporain et de la mode (boutons de manchette customisés). En faisant appel à des designers et studios suédois tels que Monica Förster, Claesson Koivisto Rune, Folkform, Olivia Herms, Objecthood, Thomas Sandell – l’architecte de leur nouveau concept store à Grev Turegatan 18 –, la relève est garantie. La nouvelle collection 2014 recueille tous les suffrages, en particulier les pots en laiton mat ou polis de Monica Förster qui détournent le classique contenant en terre cuite. Cette matière intemporelle est omniprésente à Stockholm, dans les lieux tels que la brasserie Sturehof. Sv en skt Tenn, 90 a ns de qualité suéd oise

arrival, make Ett Hem a unique destination for travellers and residents of Stockholm who appreciate beauty and aesthetics. Skultuna : four centuries of e xpertise King Charles IX, a descendant of the House of Vasa, founded Skultuna in 1607, with a view to produce brass objects. Today, this tradition continues and Skultuna remains an Official Supplier to the Court of Sweden, while diversifying into new markets — contemporary design and fashion (customised cufflinks). In commissioning work from designers and Swedish studios such as Monica Förster, Claesson Koivisto Rune, Folkform, Olivia Herms, Objecthood, Thomas Sandell – the architect responsible for their new concept store at 18, Grev Turegatan –, the succession is guaranteed. The new 2014 collection has been well received, especially the matte and polished brass pots by Monica Förster that are a twist on classical terracotta containers. This timeless material is omnipresent in Stockholm, in places like the Sturehof bistro. Sv enskt T enn : 90 years of Sw edish q uality Estrid Ericson, founder of Svenskt Tenn in 1924, was probably one of the most enlightened minds of her time. The company is best known for its pewter product range, developed by Ericson in the early stages of her career together with the artist Nils Fougstedt. Later on, in tandem with the Viennese artist Josef Frank, who became the inhouse designer in 1934, she created what were considered to be ideal interiors for the modern Swedish home. After receiving a great deal of attention at the Paris Universal Exposition of 1925, the furniture and interior designs created at Svenskt Tenn were in great demand, especially the fresh, floral prints

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Estrid Ericson, la fondatrice en 1924 de Svenskt Tenn, a sans doute été l’un des esprits les plus éclairés de son temps. La marque de fabrique dérive de l’activité des débuts d’Ericson qui faisait produire des pièces en étain par l’artiste Nils Fougstedt. Plus tard, en tandem avec le Viennois Josef Frank, qui devint le designer attitré de la maison dès 1934, elle créa l’univers idéal de la maison moderne suédoise. Remarquées déjà à l’Exposition universelle de Paris en 1925, les créations de Svenskt Tenn n’ont cessé de traverser les frontières, surtout grâce aux imprimés frais et fleuris de Josef Frank qui rappellent les vastes champs de fleurs printanières de ces maisons d’été dans le sud de la Suède. Encore aujourd’hui, il faut faire le voyage jusqu'à Strandvägen 5 à Stockholm pour faire ses achats au

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Mix-Match

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cœur de cette boutique aménagée comme une maison à vivre et où le « studiolo » de Ericson reste visible depuis le salon de thé, tel un cabinet de curiosités recueillant ses souvenirs de voyage au Japon, au Mexique... Parmi les icônes de la marque, l’on retient aussi des créations de Ingegerd Råman, Sissi Westerberg, Signe Persson-Melin, Eva Hild, Inga Sempé, Jakob Solgren et Eric Ericson. Depuis les années 1980, Svenskt Tenn fait partie de la fondation Kjell & Märta Beijer qui fait perdurer cette tradition du bon goût scandinave. Ekstedt, la c uisine sur le feu de b o u leau

L’expérience culinaire offerte par le restaurant une étoile Michelin, Ekstedt (« le chêne » en suédois), Humlegårdsgatan 17 à Stockholm, mérite le détour. Originaire de Jämtland et Skåne, au sud de la Suède, le restaurateur Niklas Ekstedt a élaboré en tandem avec son chef étoilé Gustav Otterberg un menu de six mets préparé sur le feu de bois. La dégustation suit un rituel strict depuis les plats d’entrée jusqu’au dessert. Le goût fumé est maîtrisé et se traduit délicatement dans chaque plat qui est traité dans l’esprit d’une cuisine assez rustique, proche du terroir suédois. L’ambiance du restaurant en tant que telle recoupe l’état d’esprit du lieu connecté à la matière : le cuivre, le cuir, le bouleau…

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by Josef Frank that evoked fields full of spring flowers, growing next to summer houses in the south of Sweden. Even today, people feel the need to make the journey to Strandvägen 5, in Stockholm, to shop in the heart of the store that has been furnished as a home for living, where Ericson’s “studiolo” is still visible from the coffee shop, like a curiosity cabinet, full of souvenirs that were brought back from trips to Japan, Mexico... Among the brands iconic designs are also creations by Ingegerd Råman, Sissi Westerberg, Signe Persson-Melin, Eva Hild, Inga Sempé, Jakob Solgren and Eric Ericson. Since the 80s, Svenskt Tenn has been part of the Kjell & Märta Beijer Foundation, perpetuating this tradition of Scandinavian good taste. Ekstedt, wood fired cuisine The dining experience at Ekstedt (oak in Swedish), a one Michelin star restaurant situated on Humlegårdsgatan 17 in Stockholm, is worth the detour. Hailing from Jämtland and Skåne, in the south of Sweden, restaurateur Niklas Ekstedt and Michelin chef Gustav Otterberg have developed a six course menu that is prepared over an open fire. The service follows a strict ritual from starter to dessert. The intense or subtle smoky flavours present in each dish are mastered to perfection with a rustic elegance that combines ancient and modern Swedish cuisine. The spirit of the restaurant can be found in its decorative use of materials: copper, leather, birch… http://www.etthem.se www.skultuna.com www.svenskttenn.se www.ekstedt.nu Préparez votre voyage en Suède avec VisitSweden / Organise your trip to Sweden through VisitSweden: 11 rue Payenne, F-75003 Paris www.visitsweden.com, www.facebook.com/suedetourisme Twitter: VisitswedenFR, Instagram : VisitSwedenFR

5. 5 — L’univers particulier d’Estrid Ericson, une femme élégante et classique arborant son collier de perles à trois rangs, années 1960 / The distinctive world of Estrid Ericson, a classical, elegant woman wearing her three string pearl necklace, ca. 1960 6 — Niklas Ekstedt avec son restaurant étoilé est l’un des protagonistes de la cuisine New Nordic qui revient vers des techniques de cuisson traditionnelles / is one of the protagonists of ‘New Nordic’ cuisine that favours a return to traditional cooking techniques

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1 — Ett Hem, détail du salon, table d'appoint / detail of the living room, sideboard, Studioilse 2 — Ett Hem, escalier principal / main staircase 3 — Ett Hem, chambre / room 11. Détail de la table basse et du fauteuil en laine de mouton / Detail of the low table and armchair in sheep wool 4 — Grand Hotel, chambre / room 436. Chaise et lampe néoclassiques / Neoclassical chair and lamp 5 — Ett Hem, détail / detail 6 — Ett Hem, terrasse / terrace 7 — Ett Hem, détail d'une chambre / room detail 8 — Ett Hem, couverture en peau de mouton / white sheep wool blanket 9 — Sturehof, mur en verre, vue de l'extérieur du bar / glass wall, view from outside the bar in the Sturegallerian 10 — Ett Hem, fauteuil en laine de mouton et lampe, design vintage italien / sheep wool armchair and Italian vintage design lamp 11 — Ett Hem, détail d'une fenêtre et d'un banc en bois traditionnel suédois / window detail with a traditional Swedish wood bench 12 — Hötorget metro station, lumières au néon / neon lights


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1 — Ett Hem, détail d'un fauteuil en laine de mouton, chambre 11 / detail of a sheep wool armchair, room 11 2 — Ett Hem, hall d'entrée / entrance hall Ett Hem, Dagg Glass, Carina Seth Andersson, Svenskt Tenn, 2009; Lighthouse, Bouroullec, Established & Sons & Venini, 2010 3 — Ett Hem, pot Hortus, Josef Frank, laiton / brass, 1938-, Svenskt Tenn. Estrid Ericson fit une variation de ce contenant en verre avec les verreries de Gullakruv qui fut exposée au musée Liljewachs au printemps 1939 / Estrid Ericson had the Gullakruv glassworks make a variation in glass, which was shown at the Liljewalchs museum’s spring exhibition in 1939 4 — Svenskt Tenn, détail de deux glands de chêne en fer forgé / detail of two cast iron oak tree acorns 5 — Ett Hem, Dagg Glass, Carina Seth Andersson, Svenskt Tenn, 2009 6 — Lumière de minuit à Strömkajen, au cœur de Stockholm / Moonlight at Strömkajen in the heart of Stockholm 7 — Ett Hem, sofa néoclassique pour une ambiance romantique suédoise / neoclassic sofa for a Swedish romantic mood 8 — Ett Hem, détail d'une chambre / room detail 9 — Grand Hotel, chambre / room 436. Chouette en céramique peinte à la main, coussins en pur lin et impression à la main ou broderie de soie de Klaus H. au reflet de l'univers particulier de l'illustrateur finlandais Klaus Haapaniemi, 2014 / Handpainted ceramic owl and the cushions in pure linen and handprinted patterns or silk embroideries by Klaus H., revealing the Finnish artist Klaus Haapaniemi's unique prints and patterns, 2014 10 — Ett Hem, rideau de douche en laiton / shower curtain in brass, Studioilse 11 — Ett Hem, détail du bar avec les réflexions des verres sur le laiton poli / detail of the bar with the glass reflections on the polished brass 12 — Ett Hem, chambre / room 11


STOCKHOLM A single place Par / by KlingKlangStudio, Photographies par / Photographs by Martina Björn

Detail 1, Rigoletto, Norrmalm


Detail 2, The Mirror Room, Grand Hotel, Blasie-Holmen


Sky 1, Blasie-Holmen


Water 1, Strรถmkajen


Detail 3, Stadshuset, Kungsholmen


Sky 2, Gamla stan



Detail 4, Royal, Grand Hotel, Blasie-Holmen


Water 2, Strรถmkajen


Detail 5, Stadshuset, Kungsholmen


Detail 6, Stadshuset, Kungsholmen


Sky 3, Gamla stan



The Golden Room, Stadshuset, Kungsholmen


Berlin

pour les dÊbutants / for beginners

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Real Life

Ci ty Re p or t / B e r lin

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Dans le laboratoire du futur / Into the future lab Reportage de / Report by Max Borka Images de / by Katrin Greiling

2. 1 — Installation de Sarah Kippenberger dans l’un des espaces temporaires / Installation by Sarah Kippenberger at one of the pop up spaces, Torstrasse, Mitte 2 — Studio Greiling, Chorinerstrasse, Mitte

Selon Max Borka, fondateur et directeur de Mapping the Design World , une initiative qui a pour but de supporter le design social à travers un programme de recherche et de promotion, il est difficile de penser à une nouveauté dans le champs de la durabilité, de l’économie cyclique ou autres stratégies – dont l’humanité nécessite urgemment si elle veut avoir une chance de survivre – n’ayant pas au moins en partie trouvé son origine à Berlin. Dans l’article qui suit, le théoricien belge du design explique pourquoi, à la suite de voyages qui l’ont mené d’Istanbul aux îles Lofoten, il a finalement opté pour Berlin comme nouvelle ville de résidence – une ville qui montre l’exemple au monde entier : il ne faut pas faire face à la crise mais la célébrer. Chaque métropole a son propre paysage sonore. Tandis que mes souvenirs de l’Istanbuliote sont hantés par le rire perçant de mouettes omniprésentes et le tonitruant appel à la prière relayé par les mégaphones des muezzins, le paysage sonore de Berlin sera toujours guidé par le cliquetis des valises à roulettes avec lesquelles non seulement les touristes mais aussi les habitants naviguent à travers la ville. Acoustiquement parlant, c’est ce qui lui donne son caractère unique. Pour les nouveaux venus, une des meilleurs manières de découvrir Berlin et ses 900 km2 de surface est

According to Max Borka, the founder and director of Mapping The Design World, an initiative that aims to support social design through a programme of research and promotion, it is hard to think of any novelty in the fields of sustainability, cyclic economy – or the other strategies that are urgently needed if humanity wants to stand a chance to survive – which did not have, or at least partly have, its origins in Berlin. In the following article, the Belgium-born design theorist explains why, after travels that brought him from Istanbul to the Lofoten Islands, he finally opted for Berlin as his new hometown - a city that set a worldwide example of not just coping with, but of celebrating a crisis. Every metropolis has its soundscape. While my memories of the Istanbulite are haunted by the laughing shrieks of the ubiquitous seagulls and the calls to prayer of the muaddhins, blaring through their megaphones, the Berlin soundscape will always be steered by the rattle of the suitcases on wheels, with which not just tourists but also locals navigate through the city. Acoustically speaking, this is what gives it its unique character. For newcomers, one of the best ways to discover Berlin and its 900 km2, is to store your belongings for a while, and travel lightly from one part of the city to the


Real Life

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d’entreposer leurs biens pendant quelques temps et de voyager léger d’une partie de la ville à une autre, en sous-louant une série d’appartements meublés. Tout ce dont vous avez besoin d’acheter est un contrat standard pour quelques euros chez un marchand de journaux. Signez-le sur place avec le propriétaire et l’appartement est à vous. Il y a là une confiance mutuelle si typique de Berlin. Et c’est un système fantastique parce que le seul moyen de faire connaissance avec ce qui fut autrefois la métropole la plus large et la plus vibrante d’Europe est d’être en déplacement constant. Car en dépit de la chute du mur, il y a un quart de siècle, Berlin reste une cité divisée et fragmentée, une surface gigantesque coupée en segments. Plutôt qu’avoir un centre, elle en a de multiples, repartis sur plus de vingt communes, toutes avec leurs humeurs particulières. Depuis que j’ai emménagé à Berlin il y a plus de deux ans, j’ai sous-loué cinq appartements. D’abord il y a eu le penthouse au dixième étage d’un immeuble d’appartements à Hallesches Tor, une zone abandonnée à la limite entre Kreuzberg et Mitte, deux des quartiers les plus en vue de Berlin. Elle était autrefois connue sous le nom de Judentor, car il s’agissait de la seule porte au sud de la ville par laquelle les juifs pouvaient y entrer. Ce quartier a été complètement dévasté pendant la bataille de Berlin en 1945 et ne s’en est jamais entièrement remis. J’aimais beaucoup cette impression d’être au milieu de nulle part. Et puisque Berlin est une ville qui, à cause de son abondance d’espace disponible, s’est principalement développée sur le plan horizontal, avec relativement peu de bâtiments élevés, la vue panoramique à 360 degrés que j’avais depuis le penthouse était tout simplement à couper le souffle.

next, subrenting a series of furnished apartments. All you need to do is buy a standard contract for a couple of euros in a newsagents. Sign it on the spot with the owner, and the apartment is yours. At the heart of this is a mutual confidence that is typical Berlin. And it’s a fantastic system because the only way to get to know what was once the world’s largest and most vibrant metropolis, is to constantly move around. For despite the fall of the Wall, a quarter of a century ago, Berlin remains a divided and fragmented city, a gigantic sprawl cut into segments. Rather than having one centre it has many, spread over twenty communes, each with its own mood. Since I moved to Berlin, more than two years ago, I’ve subrented five apartments. First there was a penthouse on the 10th floor of an apartment block at Hallesches Tor, a wasteland on the border between Berlin’s most fashionable districts, Kreuzberg and Mitte. It was once known as the Judentor, since it was the only gate in the south through which Jews could enter the city. The neighborhood was completely devastated during the Battle of Berlin in 1945, and never really recovered. I loved that in-the-middle-of-nowhere feeling. And since Berlin is a city that, because of its abundance of available space, mainly developed horizontally, with relatively few high-rise buildings, the 360-degree panoramic view I had from the penthouse was simply stunning. Friends wearily shook their heads when circumstances forced me to move to the north of the city, into a second floor flat contained within a period house in

3 — Librairie Do You Read Me / The Do You Read Me bookstore, Augustrasse, Mitte 4 — Le pont Oberbaum / The Oberbaum Brücke, Kreuzberg 5 — Vue sur quelques icônes berlinoises : la tour de la Télévision et les alentours de l’Alexanderplatz / View on some other Berlin icons: the Fernsehturm and the Alexanderplatz neighborhood, Mitte 6 — Un apercu des vestiges du mur de Berlin près du pont Oberbaum / A stretch of what’s left of the Berlin Wall near Oberbaum Brucke, Kreuzberg 7 — Mogg & Melzer, une épicerie située à la même adresse que le restaurant et bar Pauly, située dans l’ancienne école juive réservée aux filles / Mogg & Melzer, a deli at the same address as Pauly Saal bar & restaurant, in the former Jüdische Mädchenschule, Augustrasse, Mitte

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Mes amis secouèrent la tête avec réprobation lorsque les circonstances me forcèrent à déménager au nord de la ville, dans un appartement au second étage d’une maison d’époque sur Kolmarstrasse surplombant les citronniers et les roseraies du petit parc idyllique aux alentours du Wasserturm, le plus haut point du district de Prenzlauer Berg. En temps qu’emplacement du tout premier camp de concentration pendant la montée du National Socialisme, cet endroit a également vécu sa part d’histoire. Il porte aussi les cicatrices de deux guerres, durant l’une desquelles presque tout ce qui était érigé fut détruit, et de la guerre froide alors que le mur était construit et que la ville était divisée en deux. Plus tard, il fut également le district en Allemagne de l’Est où les Alternativen avaient plus ou moins le droit de faire ce qu’ils voulaient. Et lorsqu’avec le Wende de 1989 la république démocratique d’Allemagne et le mur partirent en fumée, le quartier se développa rapidement pour devenir le « Experimentierfeld des neuen Deutschlands », le champ d’expérimentation de la nouvelle Allemagne, le quartier le plus branché du continent, où l’easyjetset arriva en masse depuis toute l’Europe pour faire la fête au Klub der Republik ou autres boîtes. Mais même le Klub tomba aux mains de l’inévitable Gentrifizierung et du boom immobilier qui suivirent, et dut

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8 — Signalétique d’étage en lumière néon dans le nouvel hotel 25hours qui vient d’ouvrir dans l’emblématique bâtiment Bikini / Neon light floor sign at the newly opened 25hours Hotel in the iconic Bikini building, Tiergarten 9 — Le Monkey Bar sur le toit de l’hôtel 25hours, offrant des vues panoramiques sur le zoo / The Monkey bar on the top floor of the 25hours Hotel, offering panoramic views of the zoo, Tiergarten 10 — Même panorama, du côté de la Gedächniskirche / Same spot but with a different view towards Gedächniskirche


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Kolmarstrasse, overlooking the lime trees and rose gardens of the small idyllic park surrounding the Wasserturm, the highest point of the Prenzlauer Berg district. As the site of the very first concentration camp during the rise of National Socialism, the place had also witnessed its fair share of history. And it also bore the scars of two wars, one in which almost everything that stood was destroyed, and the Cold War when the Wall was built and the city was split in half. Later, it had also been the district in East Germany where Alternativen were more or less allowed to do their own thing. And when with the Wende of ’89 the German Democratic Republic and the Wall evaporated, the neighbourhood had quickly developed into the “Experimentierfeld des neuen Deutschlands”, the hippest district on the European mainland, where from all over Europe the easyjetset came to party at the Klub der Republik and other venues. But even the Klub had fallen victim to the inevitable Gentrifizierung and real estate boom that followed, and had to move elsewhere. The rough untamed forest that surrounded the Wasserturm, once an ideal scene for raving, gradually gave way to a carefully trimmed ensemble of rosebushes, joggers, trampolines, and ping-pong tables, one more Disneyland area where the faux chic ruled and for which Berliners scornfully coined the invective Shikki Mikki.

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déménager. La profonde et sauvage forêt qui environnait le Wasserturm, qui fut un temps l’endroit idéal pour les rave parties, a graduellement fait place à des ensembles de bosquets de roses taillés avec soin, coureurs, trampolines et tables de ping-pong, encore une zone Disneyland où le faux-chic règne en maître, et pour laquelle les Berlinois ont inventé le terme dédaigneux de Shikki Mikki. Quelque soit votre manière de la regarder, Berlin est une ville jeune. La croissance soudaine qui en a fait la métropole la plus large du monde, il y a un peu moins d’un siècle, est considérablement due au fait qu’elle se soit positionnée comme refuge et havre de paix pour ceux qui ailleurs étaient bannis ou persécutés pour leurs idées et parce qu’ils étaient différents. Cet esprit demeure en grande partie. Il s’agit toujours d’une ville extrêmement tolérante, et qui a peu en commun avec le reste du pays – un endroit où, comme le fameux designer autochtone Jerszy Seymour, vous pouvez naître, vivre et travailler la majeure partie de votre vie sans presque parler allemand. Comme la ville elle-même, ses habitants vivent selon les principes de clochards de luxe – « pauvre, mais sexy », comme son maire actuel Klaus Wowereit le proclama dans un slogan qui

Whichever way you look at it, Berlin is a young city. Its sudden growth into the world’s largest metropolis, little more than a century ago, had been largely down to the fact that it had positioned itself as a refuge and free haven to those that were banned and persecuted elsewhere because of their ideology and because they were different. Much of that spirit has remained. It is still an extremely tolerant city, that has little in common with the rest of the country – a place where, like its most famous resident designer Jerszy Seymour, you can even be born, and have lived and worked the largest part of your life, while hardly speaking any German. Like the city itself, its inhabitants live to the principles of a clochard de luxe – “Poor but Sexy”, as its present mayor Klaus Wowereit claimed in a slogan that was immediately turned into the city’s emblem. For contrary to expectations, industry and big money didn’t follow the creatives and politicians when they moved en masse to the newly named capital of a re-united Germany. And the state of permanent crisis which this lack of investors entailed turned Berlin into Europe’s first post-industrial metropolis, a gigantic future lab in which creatives had no other choice than to search for alternatives on every level imaginable. It generated forms of cohabitation in which making-need-into-avirtue was raised to an art form – and strategies such as recycling, repairing or bartering were embraced, together with a culture of sharing – a concept which the consumption industry that still rules elsewhere, with its seasonal fashion trends, and other categories, hardly has any grip or control over. With the financial crisis hitting hard and rapidly turning into a global problem, Berlin has become an example to the world of how to turn a handicap into an advantage.


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devint immédiatement l’emblème de la ville. Contrairement aux attentes, l’industrie et les grosses finances n’ont pas suivi les créatifs et les politiciens lorsqu’ils ont emménagé en masse dans la nouvelle capitale de l’Allemagne réunie. Et l’état de crise permanent que représente ce manque d’investisseurs a fait de Berlin la première métropole post-industrielle, un gigantesque laboratoire pour le futur dans lequel les créatifs n’avaient pas d’autre choix que de chercher des alternatives dans tous les domaines possibles et imaginables. Cela généra des formes de cohabitation dans lesquelles transformer le besoin en vertu devint une forme d’art –, et des stratégies telles que le recyclage, la réparation ou le troc furent adoptées dans une culture du partage – un concept que l’industrie de consommation, qui domine toujours le reste, avec ses tendances saisonnières et autres catégories, peut à peine maîtriser ou contrôler. Avec la crise financière frappant fort et devenant rapidement un problème mondial, Berlin est devenu un exemple de la transformation d’un handicap en avantage.

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Paris may well be the “city of light”, yet there’s something almost unreal about how the French capital succeeded in remaining untouched by the most important events of the past century. Not so Berlin. The fact that no other city has been affected to such a degree by the century’s main ideologies, from Nazism to Communism, and their failure which left scars that can still be found around every corner – from the city planning of buildings and monuments, to something as unsightly and etheric as a street name or the street lights, that are often still yellow and not white in the east – makes Berlin a layered and emotionally charged spot, where even the slightest detail breaths tragedy and drama. But despite, or perhaps because of this omnipresence of traces that recall the nightmares of history, Berlin also remains a place where hipsters, and in their wake investors, keep on spreading to new territories, to create a Modelsiedlung or ideal district in their own manner, trying to weave a new kind of future out of the ruins of the past. If Paris was, and London is, Berlin is still becoming. Relaxation and openness are its watchwords, together with utopia and crossover.

Aujourd’hui, il est difficile de penser à une nouveauté dans le champs de la durabilité, de l’économie cyclique ou autres stratégies – dont l’humanité nécessite urgemment si elle veut avoir une chance de survivre – n’ayant pas au moins en partie trouvé son origine à Berlin. Non seulement la ville arbore-t-elle le plus grand supermarché bio d’Europe, le LPG de Prenzlauer, où vous payez vos achats sous le regard attentif d’une statue de Buddha, mais l’engouement pour la nourriture saine est si dominant que la boutique alimentaire la plus intrinsèquement allemande, la Fleischerei, devient de plus en plus rare. Et alors que la rue lambda berlinoise est exceptionnellement large et ouverte, on n’entend presque jamais parler d’embouteillages car le vélo est le moyen de transport le plus prééminent et le système de transport public incroyablement bien organisé vous projette d’un bout

Today, it is hard to think of any novelty in the fields of sustainability, social design, or the cyclic economy – that urgently needs to replace the linear one if humanity wants to stand a chance of surviving – that did not have, or at least partly have, its origins in Berlin. Not only does the city boast Europe’s largest bio supermarket, the LPG in Prenzlauer, where you pay for your goods under the attentive gaze of a Buddha statue, but the health food craze is so dominant that the most quintessential of German foodstores, the Fleischerei, is becoming more and more of a rarity. And while the average street in Berlin is exceptionally wide and open, traffic jams are almost unheard of, since the bike is the pre-eminent means of transport, and an incredibly well organised public transport system whisks you from one end of town to the other. Kids rule the pavements in Prenzlauer Berg, a place so full of prams that it has

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Paris est peut-être la « ville lumière », mais il y a quelque chose de presque irréel dans la manière dont la capitale française a réussi à rester pratiquement intacte en dépit de la plupart des événements du siècle dernier. Pas Berlin. Le fait qu’aucune autre ville n’ait été aussi touchée par les principales idéologies du siècle dernier, du nazisme au communisme, et par leurs échecs qui ont laissé des cicatrices que l’on peut encore trouver à chaque coin de rue – de la planification des bâtiments et monuments par la ville, à des choses aussi disgracieuses et éthériques que le nom d’une rue ou ses lampadaires, encore souvent jaunes à l’est où ils n’ont pas encore été remplacés par des blancs – fait de Berlin un lieu chargé de strates d’émotion, où même le plus petit détail respire la tragédie et le drame. Mais en dépit, ou peut-être à cause de l’omniprésence des traces remémorant les cauchemars de l’histoire, Berlin reste une ville complète, un endroit où les hipsters, et dans leur sillage les investisseurs, continuent à se répandre sur de nouveaux territoires afin de créer à leur manière un Modelsiedlung ou district idéal, essayant de tisser une sorte de futur avec les ruines du passé.


11 — Le designer berlinois Mark Braun dans son studio / Berlin-based designer Mark Braun in his studio 12 — Dans le studio de design de Mark Braun / At the Mark Braun design studio 13 — Vue de la galerie de design vintage Original in Berlin / View of the vintage design store Original in Berlin, Karl-Marx-Allee 83 14 — Stand typique sur le marché aux Puces dans la Strasse der 17 Juni / Typical booth at the flea market in Strasse der 17 Juni, Charlottenburg

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15 — Dans le studio de l’artiste Rebecca Raue / At the Rebecca Raue artist studio 16 — Dans le studio du designer Jerszy Seymour / At the Jerszy Seymour design studio, Wedding 17 — Vue de la galerie Contemporary Fine Arts / Gallery view Contemporary Fine Arts, Am Kupfergraben, Mitte 18 — Jerszy Seymour dans son studio / Jerszy Seymour in his studio, Wedding 19 — Studio de Jerszy Seymour / The Jerszy Seymour studio


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à l’autre de la ville. Les gamins règnent en maître des trottoirs à Prenzlauer Berg, un endroit où les poussettes sont si abondantes qu’il a été surnommé Pregnant Hill, la colline enceinte, alors que dans presque toutes les rues de la ville des zones spécifiques ont été transformées en Spielplatz, terrains de jeu où ils peuvent jouer et s’ébattre librement. Prendre un rendez-vous d’affaires à l’heure où l’on va chercher les gamins au Kindergarden est presque impensable. Cependant, le terme « rendez-vous d’affaires » peut sonner un peu formel puisqu’ici les parcs, les plages avec leurs terrains de volley, les cafés et leurs terrasses forment une toile de fond parfaite pour ces rendez-vous. Un manque général de moyens a également inspiré les Berlinois inventer le co-travail, un espace collectif où les coûts, mais aussi les équipements, les idées et par-dessus tout la cantine peuvent être partagés – l’exemple le plus fameux étant le Betahaus sur la Prinzessinenstrasse, adjacente au Prinzessinengärten, un des meilleurs exemples de cet autre phénomène berlinois qui a définitivement altéré le cours de l’architecture. Concernant l’architecture contemporaine, Berlin n’est pas une ville de grands monuments, aussi oppressants qu’inhabitables. C’est sont les plus récentes réalisations – principalement des projets de rénovation, dans lesquels le nouveau souligne et se mélange avec précaution à l’ancien – qui ont causé l’émoi, comme le Boros Sammlung dans le Bananenbunker, le Neues Museum de David Chipperfield, ou l’intérieur du 25 Hours Hotel créé par Werner Aisslinger, qui a récemment ouvert dans les murs de l’iconique bâtiment Bikini. Le terme d’intégration est au centre de la politique de Baugruppen, suivant les directives mettant l’emphase sur la réhabilitation de blocs résidentiels pour les besoins modérés de leurs futurs habitants qui s’unissent en collectifs, plutôt que de donner la permission de célébrer le génie d’un architecte. De manière similaire, les nombreux parcs, comme le Dreigleiseck, qui continuent de renforcer la position de Berlin en tant que ville la plus verte d’Europe, sont revus avec une approche minimaliste qui met en valeur le biotope existant mais également les reliques de l’histoire.

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been nicknamed Pregnant Hill, whereas in almost every street all over the city specific areas have been transformed into a Spielplatz, where they can play and romp. Making a business appointment in the afternoon is almost unthinkable when the kids are collected from Kindergarten. Although the term “business” meeting might be a little formal as here, the parks, volleyball beaches, cafés and their terraces are the perfect backdrop for meetings. A general lack of means also inspired Berliners to invent co-working, a collective floor where costs, equipment, ideas and above all the cantina can be shared – the most famous example being the Betahaus in the Prinzessinenstrasse, next to the Prinzessinengärten, one of the best examples of another Berlin phenomenon, that definitively changed the course of architecture. When it comes to contemporary architecture, Berlin is not a city of huge landmarks, that are as overwhelming as they are inhabitable. It is mostly renovation projects, in which the new underscores and carefully blends with the old – that have caused a stir, such as the Boros Sammlung in the former Bananenbunker, David Chipperfield’s Neues Museum, or Werner Aisslinger’s interior of the newly opened 25 Hours Hotel in the iconic Bikini building. The word integration is also central to Baugruppen politics, that follows policies that puts the emphasis on customising residential blocks for the moderate needs of its future inhabitants that unite in collectives rather than delivering permits to celebrate the genius of an architect. Similarly, the numerous new parks that keep on strengthening Berlin’s position as Europe’s greenest city, such as the Dreigleiseck, are redesigned with a minimalistic approach, that highlight the existing biotope, but also the historic remnants. As hard as the international fashion industry might try, it just can’t tame Berlin. For instead of following the trends and rules imposed by the industry, its inhabitants dress after their personal heroes, exuberantly mixing the new with the old, and the chic with the cheap. A similar crossover mentality defines their interiors and furniture, which might go some way to explaining the huge number of Berliner vintage shops. While the prominent Berlin designer Jerszy Seymour prefers to describe himself as an artist, another pre-eminent artist in Berlin, Olafur Eliasson, recently initiated a social design project called Little Sun. Whichever category you put them in, a similar social engagement, radicality and utopian dialogue defines both the work of Seymour and Eliasson, who created his Little Sun after the Tate Modern Gallery in London had asked him to create a followup to The Weather Project (2003) an installation dominated by a giant sun which drew over 2 million visitors, making it the most popular Tate Modern exhibition ever. Against all odds, Eliasson refrained from doing anything spectacular, and came up with a tiny, cheap and anything but artistic looking solar light that was meant to respond to the needs of the many that have to live off the grid. In its unsightliness, this Little Sun perfectly fits the spirit of the city that gets a great deal of


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L’industrie de la mode internationale a beau essayer, elle ne parvient simplement pas à dompter Berlin. Car au lieu de suivre les tendances et les règles imposées par l’industrie, les habitants s’habillent en imitant leurs héros personnels, mélangeant avec exubérance le nouveau et le vieux, le chic et le cheap. Une mentalité croisée similaire définit leurs intérieurs et mobiliers, ce qui explique probablement l’énorme nombre de boutiques vintage berlinoises. Alors que le designer berlinois prééminent Jerszy Seymour préfère se décrire comme un artiste, un autre important designer de Berlin, Olafur Eliasson, a récemment initié un projet social appelé Little Sun. Qu’importe la catégorie dans laquelle vous les mettez, un engagement social similaire et un dialogue utopique et radical définissent à la fois le travail de Seymour et celui d’Eliasson, qui a créé Little Sun après que la Tate Modern à Londres lui a demandé de créer une suite à The Weather Project (2003) – une installation dominée par un soleil géant qui a attiré plus de deux millions de visiteurs, en faisant l’exposition la plus populaire de tous les temps à la Tate Modern. Contre toute attente, Eliasson s’est retenu de faire quoi que ce soit de spectaculaire et a créé une lampe à énergie solaire, petite, à faible coût et tout sauf artistique, censée répondre aux besoins de ceux qui doivent vivre en dehors du système. Dans sa laideur, ce « petit soleil » correspond parfaitement à l’esprit de la ville dont la majeure partie de l’originalité provient de détails trop banals et évanescents pour que les historiens ne se penchent dessus – l’un de ces détails étant l’habitude locale d’acheter une bouteille de bière pour moins d’un euro dans un Späti ou épicerie de nuit et de la boire dans la rue ; un sport national qui sert également une grande cause, car la consigne des bouteilles laissées dans les rues sponsorise le corps grandissant des Pfandflaschensammler ou collecteurs de bouteilles consignées, qui font la queue toute la nuit aux machines automatiques des supermarchés et font également office de trieurs de déchets. C’est ce réseau de mécanismes de ce type, par opposition aux grands noms et projets monumentaux, et la manière dont ils sont presque toujours interconnectés à un rhizome couvrant l’ensemble de la ville, largement gouverné par les habitants eux-mêmes et en retrait des autorités, qui ont fait de cette ville un exemple de survie à suivre sur le plan mondial – pas seulement en le copiant, mais en célébrant la crise en se relaxant et en savourant une bière en plein air.

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its uniqueness from details that are too banal and evanescent for historians to write about – one of them being the local habit of buying a bottle of beer for less than one euro in a Späti or night shop, and drinking it on the street – a national sport that also serves a good cause, for the deposit of the empty bottles that are left on the street sponsors the growing body of Pfandflaschensammler or Deposit Bottle Collectors, who queue up at night in front of the change machines in the supermarkets, and double up as waste sorters. It is the network of mechanisms like these – as opposed to the big names and landmark projects – and the way they almost organically interconnect into a rhizome that covers the entire city, largely steered by the inhabitants themselves, and away from authorities, that have turned this city into a worldwide example of how to survive – not just by coping with, but in celebrating a crisis by relaxing, and enjoying a beer in the open air.

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TLmag is media partner of DMY Berlin, International Design Festival : 28/5-1/6/2014 http://www.dmy-berlin.com/

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20 — Galerie CFA, arch. David Chipperfield / CFA Gallery by arch. David Chipperfield 21 — Souvenirs du passé : les constructions typiques Plattenbau de l’Allemagne de l’Est / Reminder of the past: typical East German Plattenbau, Mitte


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