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Special guest
Ron Arad
ÎLES & art contemporain / ISLANDS & contemporary art
New York Islands, US Lofoten Islands, NO Venise / Venice, it interviews Ron Gilad Adrien Gardère Azzedine Alaïa x Galliera Jean-Charles de Castelbajac Christian Salez x Bulo François-Joseph Graf
Radical design NOUVEAUX / NEW TALENTS & CONCEPTS Czech Design / The Carrot Concept – El Salvador / La Matière des Nuages – MUBE , São Paulo / Rendez-vous de la Matière / L’Intelligence de la Main / Lille Design for Change Art & Architecture Atomium Brussels Maisons Le Corbusier INSIDE ART & DESIGN Galeries / Galleries Ammann, Lacoste
ISSN 2031 8316 / X P47002 France : 7.90 € BE / ES / GR / IT / NL / Port Cont : 8.80 € AU / DE : 9.50 € LUX : 8.80 € GB : £ 7.50 Suisse : CHF 12
www.tlmagazine.com
Automne / Autumn 2013 Octobre / October 2013
M 05934 - 19 - F: 7,90 E - RD
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portfolio mode / fashion & LIFESTYLE Dangerous Minds – Anvers / Antwerp
TLmag 19
S o mmaire / Con te n ts
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Sommaire
/ Contents
— 14
EDITORIAL
Appetizers — 19 — 22
AGENDA SPECIAL GUESTS
Ron Arad Déconstruit / reconstruit / Deconstructed / reconstructed
Gabrielle Ammann Gallery Art + Design with a signature — 34 Ron Gilad L’art du messager / The art of being a messager — 38 José Lévy Designteller — 42 Jacques Lacoste L’âme du connaisseur / Heart of a connoisseur — 46 Azzedine Alaïa x Palais Galliera La mode comme une sculpture / Fashion sculpture — 50 Jean-Charles de Castelbajac Artiste protéiforme / Protean artist — 30
— 54
Parsons School Paris The New School fait sa rentrée / is back
SPOTTED Une sélection de TLmag / A selection by TLmag — 56 Miroirs / Mirrors Nature réinventée / Nature Reinvented
Stories — 63
BRAND stories
— 67
Fondation Bettencourt L’Intelligence de la Main / Intelligence of the Hand
Bulo Une icône belge fête ses 50 ans / A Belgian icon turns 50
Excellence & Creation — 71
— 76
BRAND New design
Czech Design Expérimentations poétiques / Poetic experiments Rotor : Behind the green door La Triennale d’architecture d’Oslo / Oslo Triennal of
Architecture — 80
Rendez-vous de la Matière Une entrée en matière / Into the world of materials
— 84
BRAND New design
— 88
El Salvador x Bernhardt Design The Carrot Concept MuBE, São Paulo La Matière des Nuages / A Matéria das Nuvens
Living with design — 93
museum space collection
— 98
Adrien Gardère Mémoires d’Adrien / Adrien’s memoirs
Atomium Culturel et contemporain / Cultural and contemporary
private collection — 102 François-Joseph Graf
Entre l’épure et le baroque / Baroque refinement
— 106
PIASA Rive Gauche Vente design scandinave / Scandinavian design auction
— 108
Chez soi avec Le Corbusier / At home with Le Corbusier
Iconic houses
Mix-Match — 116
mode / lifestyle
— 127
in Antwerp
Dangerous Minds Entre palmiers et cactus à Anvers / Among palms and cacti
L’archive originelle / The original archive Kling Klang RAL Pink, Swimming Pools, Faa Morgana, Islands Awards — 132 Lille Design for Change Pour une vie meilleure / For a better life — 135
LuxInside Cristalleries de Saint-Louis
Real Life CITIES — 137 The New New York Portfolio — 143 Islands of New York Manhattan et beaucoup d’autres îles à découvrir / and many other islands to discover CITIES — 148 Passeggiata veneziana Weekend arty / tasty / Arty tasting Weekend — 154 Turkish Airlines, Turning 80 / Turkish Airlines, 80 ans d’envol travels — 156 La Norvège, îles Lofoten / Norway, Lofoten islands
TL # 19
Edito rial
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Radical Design Culture & signatures
Photo : © Gueorgui Pinkhassov
TLmag 19
Par / by Lise Coirier
A captivating form, a creative process that pushes the limits of the possible, a vision of the future that goes beyond normality and propels us into a future that joins the two extremes of culture and signature works. The cult of radical design is at the heart of our focus today. The most radical designers are back on the scene now, searching for more authenticity. Designers like Ron Arad who honoured us by accepting our invitation to be our guest in this issue but also Azzedine Alaïa whose talent for haute couture shines throughout the Galliera Hotel, since it has reopened its doors. Ron Gilad turns the concept of “design icon” on its head. Nobody is a prophet! Gabrielle Ammann encapsulates this sentiment in her interview, positioning herself as a gallerist cum scout in the new contemporary design landscape. The signature has become inextricably linked to lasting quality, just as it serves as a reference for the provenance of old paintings. Distinguishing itself from other interior design magazines, TLmag affirms its identity as a quarterly design magazine that examines strong creative brands and personalities. We look back in time with Iconic Houses and Le Corbusier Foundation. From the “archipelago” of New York to the Lofoten islands via Venice, our inspired eyes soak up the hidden secrets of the cities, and the beauty and mystery of the islands. TLmag shares new inspirational horizons with you. In this issue we take a flying visit to El Salvador, to São Paulo, the New New York, Oslo, Prague, the Atomium in Brussels and Antwerp. “Dangerous minds”? Yes, but enlightened.
We are proud to have had among our Shipowners Gianni Agnelli, Owner of a 1983 M/Y CRN “F100”.
Yes, we are talking about style. CRN has always produced custom megayachts which fully reflect the Owners’ character. The exclusivity of design, “Made in Italy” craftsmanship and technical expertise enable us every day to produce vessels that are as unique and distinctive in style as the Owners who inspire them.
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Consultez notre blog et notre site web / Take a look at our website and blog: www.tlmagazine.com http://blog.tlmagazine.com N’hésitez pas à nous faire part de vos suggestions et de vos liens vidéos / Feel free to send us any suggestions or video links: mag@tlmagazine.com
Photo by Bob Krieger
Une forme captivante, un processus de création qui repousse les limites du possible, une vision du futur qui dépasse la normalité et nous plonge dans un devenir qui rejoint les deux extrêmes de la culture et de la signature. Le culte du design radical est bien au cœur de nos questionnements actuels. En partant en quête de plus d’authenticité, voilà que les designers les plus radicaux reviennent sur le devant de la scène. Je pense ici à Ron Arad qui nous fait l’honneur d’accepter d’être notre invité sur cette édition de TLmag mais aussi à Azzedine Alaïa dont le talent haute couture fait briller l’hôtel Galliera depuis sa réouverture. Dans son parcours tout aussi riche, Ron Gilad renverse les icônes du design. Nul n’est prophète ! Gabrielle Ammann l’exprime bien dans son interview : la galerie sert d’éclaireur sur ce nouveau territoire de la collection de design contemporain. La signature est devenue plus que jamais un critère au même titre qu’elle sert de référence dans l’attribution d’un tableau ancien. TLmag affirme ici son identité de trimestriel de design qui scrute les personnalités et marques fortes dans le monde de la création. Les coups de rétroviseurs s’imposent avec la complicité d’Iconic Houses et de la Fondation Le Corbusier. Depuis l’« archipel » de New York aux Lofoten en passant par Venise, le regard s’inspire des secrets cachés des villes, de la beauté et du mystère des îles. Ce sont ces nouveaux horizons que TLmag partagent avec vous au gré de son inspiration, faisant aussi escale à El Salvador, à São Paulo, dans le New New York, à Oslo, à Prague, à l’Atomium à Bruxelles et à Anvers. « Dangerous minds », oui mais éclairées.
CRN S.p.A. • Ancona - phone +39 071 5011111 www.crn-yacht.com
S p e c ia l G u e sts / R on A rad
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Photos : Ron Arad
Ron Arad
Appetizers
Déconstruit / deconstructed reconstruit / reconstructed
2.
Interview par / by Jean-Philippe Peynot
1 — Ron Arad devant un dessin où l’on peut croire deviner de mystérieux rubans de Möbius. / Ron Arad in front of an etching that appears to depict several mysterious Mobius strips. « Last Train », 2013 2 — L’étonnante machine inventée par Ron Arad pour graver le verre / The amazing machine invented by Ron Arad for etching glass. Last Train, 2013
Depuis plus de trente ans, Ron Arad produit des objets singuliers qui définissent une pratique à mi-chemin entre architecture, sculpture et design. Si, dans ces domaines de la création, la question fut longtemps de savoir si la forme devait, ou non, suivre la fonction, avec Ron Arad, c’est le plus souvent l’objet, détourné de sa fonction et transformé, qui est devenu le point de départ de ses créations. Une attitude originale qui suscite toujours de nombreuses questions.
tlmag : Dans le cadre de la 55e édition de la Biennale de Venise, et à l’initiative du diamantaire Steinmetz, l’exposition « Last Train » (Dernier train) met en scène des vitres sur lesquelles vous, et des artistes répondant à votre invitation, dont Javier Mariscal et David Shrigley, avez gravé des messages à l’aide d’un diamant monté sur une bague. En utilisant une tablette numérique, l’information est transmise à une machine qui, à la manière d’une imprimante, fait se déplacer une réplique de votre main portant la bague qui grave la vitre. Pourquoi une installation si complexe ? Ron Arad : De la manière dont vous le décrivez, cela semble compliqué, mais c’est très simple. La technologie que nous utilisons pour faire cette interview [Skype] est bien plus complexe. Le résultat final n’est pas imprimé par le Wi-Fi ou l’application informatique. En fin de compte, par son mouvement, c’est le poing avec sa bague qui raye le verre, tandis que vous voyez le dessin apparaître de l’autre côté de la page. Dès que je l’ai mis au point, j’ai pensé à
inviter quelques amis et collègues pour participer. Ce qui était bien, c’est que chacun a eu une approche différente. Certains ont fait de nombreux essais avant d’être prêts. D’autres sont venus avec une idée qu’ils ont réalisée très rapidement. Et tout le monde y a pris du plaisir. tlmag : Il y a un contraste très fort entre le diamant, qui une fois taillé devient le symbole du luxe et de la beauté, et la vitre rayée, qui rappelle les transports en commun, et le quotidien le plus trivial. Était-ce un point de départ ? Et pourquoi ne pas avoir exposé des diamants ? R. A. : Il y a aussi un contraste entre la marque d’un crayon et une page blanche. C’est ce qui rend le dessin vivant : le contraste entre ce qui marque et ce qui est marqué. Je ne suis pas très impressionné par la valeur des diamants, mais ce qui me fascine dans ce matériau, c’est la manière dont il se forme, son histoire et aussi sa dureté. En rayant un diamant avec du verre, il n’est pas rayé, le verre l’est. Il y a
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premier était que mon équipe et moi-même prenions du plaisir à faire cette exposition, et le second, de faire quelque chose qui plaise aux visiteurs. Et j’ai atteint ces deux objectifs. Oui, cette exposition a lieu dans un musée que nous avons dessiné, et cela nous a permis d’être beaucoup plus tranquilles, de montrer nos muscles tout en sachant que le musée est toujours le gagnant.
3. 3 — « In Reverse », vue de l’exposition, avec au premier plan : Roddy Giacosa (2013), sculpture nécessitant à la fois l’artisan et l’ordinateur, et faisant face au moule de la Fiat 500, datant de 1956, ready-made pris dans le jeu des représentations / exhibition view. In the foreground: Roddy Giacosa (2013), a sculpture that necessitated the implication of a computer and artisan, facing a ready-made mould of a 1956 Fiat 500, caught up in a game of representations.
aussi quelque chose lié à la qualité d’une ligne obtenue en rayant le verre. Lorsque l’on m’a demandé de faire un projet avec des diamants, je ne me voyais pas faire des boucles d’oreilles. Cela dit, j’ai fait une bague [rires]. tlmag : Il y a quelque chose d’un peu dadaïste dans cette machine, et le « détournement » du diamant peut rappeler Duchamp, ses machines et bien sûr son célèbre Grand Verre. Avez-vous Duchamp à l’esprit quand vous avez conçu ce projet ? R. A. : Je pense souvent à Duchamp, et Le Grand Verre est là, que tu l’aimes ou pas, mais pour ce projet, j’ai immédiatement pensé à la reine Élisabeth Ire qui avait l’habitude de graver sur des bouteilles, avant de penser à Duchamp. J’ai aussi pensé au poète Robert Burns, qui grava certains de ses poèmes sur des vitres, et aux graffitis en général. Si vous prenez le métro à Londres, il y a tant de rayures sur les vitres, tant de messages d’amour et de haine que vous ne pouvez plus voir au travers de la fenêtre. Je n’ai fait que mettre en lumière quelque chose qui existe déjà.
tlmag : Vous avez actuellement une autre exposition intitulée « In Reverse » (À l’envers) au Design Museum de Holon, musée dont vous êtes l’architecte. Quel est le but de cette exposition ? Est-ce une façon de réunir l’architecture, l’art et le design dans un seul projet : le vôtre ? R. A. : Non, il y a deux objectifs. Le
tlmag : Comme à Venise, la technologie est présente et l’on passe de l’objet à sa représentation par des techniques d’impression très sophistiquées, permettant de mettre en valeur le processus d’écrasement.
4.
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tlmag : Franz West, Bertand Lavier, Tobias Rehberger… De nombreux artistes continuent de s’interroger sur le statut des objets en suivant l’exemple de Duchamp. C’est une dimension qui semble présente dans votre travail,
mais pensez-vous que les autres designers aient compris Duchamp ? Le questionnement sur le statut de l’objet ne serait-il pas aujourd’hui la principale différence entre artistes et designers ? R. A. : Chacun est fait de ses propres références. L’endroit où il a grandi, l’époque, son environnement… Quand j’ai grandi, en tant qu’artiste, Duchamp était indiscutablement un héros, mais récemment, j’ai découvert que je suis davantage attiré par Man Ray. Peutêtre qu’il mériterait d’être davantage mis en avant. On parle beaucoup des liens entre le design et l’art. Pour moi, c’est une perte de temps. Je n’ai pas d’intérêt à transgresser des frontières. Vous n’avez pas besoin de passeport pour aller d’une discipline à une autre. Je me suis retrouvé dans le design par accident. Ma première pièce, la Rover chair, était un ready-made, un objet trouvé que je connectais davantage à Duchamp qu’à Jean Prouvé. Pourtant, cette chaise ressemble beaucoup à une pièce de Prouvé, et d’une certaine manière, j’ai été poussé dans le design.
tlmag : Six Fiat 500 aplaties, et accrochées sur un mur, sont le point fort de l’exposition. On ne peut voir une voiture écrasée et exposée sans penser à des artistes comme John Chamberlain ou César, et pourtant, ici, le travail semble d’emblée très différent. Les voitures n’ont pas une allure sculpturale, elles semblent redevenues des dessins. Comme si vous vouliez en faire des signes. Doit-on y voir un travail d’expérimentation ? Une recherche sémantique ? R. A. : Oui, l’objectif est différent. Avec « In reverse », nous avons pris des objets en trois dimensions, fonctionnels, et nous les avons changés en objets en deux dimensions, non fonctionnels. Certaines personnes pensent à Walt Disney, car ils voient les voitures comme si elles s’étaient écrasées contre le mur. Les six voitures comprimées sont exactement les mêmes, mais elles ont grandi dans des endroits différents. Bien qu’elles aient eu une fin semblable, chacune a un caractère différent, et elle nous transmet quelque chose de spécifique. L’exposition a aussi pour but de montrer le déplacement, depuis le travail manuel, des objets physiques vers les objets numériques. Nous avons fait un film, entièrement généré par ordinateur pour en dévoiler le processus. L’on peut voir une voiture en train d’être écrasée puis elle grandit, avant d’être de nouveau écrasée et placée au mur. Et au centre de l’exposition, il y a une pièce, Roddy Giacosa, qui fait le lien entre les deux, parce qu’elle nécessite à la fois l’artisan et l’ordinateur.
5. 4 — Ron Arad, Pressed Flower Series, 2013 5 — Ron Arad, Let’s Drop It, Ok?, 2013
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Vous semblez détruire pour reconstruire, dessiner puis fabriquer, dans des allers-retours entre l’objet et sa représentation. Est-ce là votre méthode de travail ? Le secret de vos créations ? R. A. : Oui, c’est ce que je fais. J’ai l’habitude de dessiner des choses qui n’existent pas, et par conséquent la représentation vient avant l’objet. Donc, d’une certaine façon, l’objet, au final, est la représentation de ma représentation. Ici, il y a quelque chose d’autre : ça ressemble à la représentation d’une voiture, mais c’est la voiture. La voiture qui se représente elle-même… Peut-être que je devrais donner un petit coup de téléphone à Lacan. tlmag : Pour appeler Lacan, Skype serait beaucoup mieux que le téléphone ! Vous avez eu de nombreuses expositions personnelles, au MoMA de New York, au Centre Pompidou à Paris et un peu partout dans le monde. Vous leur apportez toujours un soin très particulier en vous impliquant jusque dans les moindres détails de la scénographie. Quelle importance ont ces expositions dans votre travail ? R. A. : C’est très important. La dernière exposition nous a occupés pendant neuf mois. C’était le grand événement, plus important que toutes les autres choses sur lesquels nous travaillions. Ce ne fut pas précisément un moment ennuyeux. Le but, pour cette exposition, comme pour les autres, c’est de créer du plaisir.
« j e n ’a i pa s d e r e s p e ct p o u r l e s c onv e n t i ons et oui, il y a des s i m i l a r i t é s e n t r e m on m a n q u e d e r e s p e ct p o u r l e s c onv e n t i ons e t l e p u n k . »
tlmag : Dans toute la diversité de votre travail, il y a une forme qui semble revenir plus souvent que les autres : celle du ruban, voire du ruban de Möbius. Elle est présente dans de très nombreuses pièces (D sofa, 1994 ; Evergreen, 2003 ; Oh Void, 2006), et même dans l’architecture du musée où a lieu cette rétrospective de votre travail. Pourquoi cette forme vous inspire-t-elle tant ? R. A. : Vous pouvez composer avec des points ou des lignes, je travaille avec les deux. La ligne est peut-être naturelle parce que mon meilleur outil est le crayon. Chaque fois que je commence un dessin, il y a des rubans qui apparaissent, mais je n’ai pas de contrat avec les rubans. C’est comme la question « quelle est votre couleur préférée ? » Je n’ai pas de couleur préférée. Toutes les couleurs, formes, lignes sont bonnes. Habituellement, on m’interroge sur l’usage des courbes, mais vous êtes le premier à me parler de rubans. Les rubans de Möbius sont fantastiques. Savez-vous ce qui se passe si vous en coupez un par le milieu ? Vous n’en obtenez pas deux, mais un seul, plus grand. Je n’ai jamais fait de véritable ruban de Möbius dans mon travail, mais je pourrais essayer.
TLmag: “Last Train”, the exhibition currently showing at the 55th edition of the Venice Biennale, at the initiative of Steinmetz Diamonds, features glass panes, onto which you and invited artists, including Javier Mariscal and David Shrigley, scratched messages with a diamond mounted ring. The artists worked on a small digital screen [tablet], and the information was relayed to a machine that, in the manner of a printer, moved a replica of your hand bearing the ring that engraves the glass. Why such a complex system? Ron Arad: The way you describe it seems complex, but it’s really very simple. The technology that enables us to see each other now [Skype], is more complicated. The end result is not printed by the Wi-Fi system or by the computer application. At the end of the day, its the movement of the hand and the ring that scratches the glass, while you see the drawing appear on the other side of the page. When I got everything working smoothly it was time to invite some of my friends and colleagues to partake in the experience. And the nice thing is that everybody took a different approach to it. Some came and practiced for a long time before they were ready. Others came with an idea that they had quickly come up with. And everyone enjoyed it. TLmag: There is a very strong contrast between the diamond, which once cut becomes the symbol of luxury and beauty, and the scratched glass, which is reminiscent of public transport, and
6 — « In Reverse », vue de l’exposition, avec le célèbre fauteuil Rover et la lampe Aerial, tous deux conçus en 1981 / exhibition view, with the famous Rover chair and Aerial lamp, both designed in 1981.
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the most trivial moments in everyday life. Was this contrast the starting point of this project? And why didn’t you exhibit the diamonds? R.A: There is also a contrast between the mark of a pencil and a white page. That’s what makes the drawing come alive: the contrast between the mark and what is being marked. I am not so excited about the value of diamonds. But there is something fascinating about the material itself, how it was formed, its history and also its strength. If you attempt to scratch a diamond with glass it’s impossible, but you will see a scratch on the glass. There is also something about the quality of a scratched line on glass. When I was asked to work on a project with diamonds I didn’t see myself doing earrings. But I designed the ring [laughs].
For over thirty years, Ron Arad has been producing unique objects that define a practise that falls somewhere between architecture, sculpture and design. If, in these creative fields, the longstanding question about whether form should follow function is still rife, the starting point for Ron Arad’s creations is often an object that has been taken out of its functional context and transformed. An original approach that still raises debate.
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tlmag : Dans votre « indiscipline », qui vous permet de toucher au design, aussi bien qu’à l’art et à l’architecture, sans en respecter les règles, et dans votre pratique, que l’on pourrait rapprocher du déconstructivisme, théorisé par Derrida et mis en pratique par des architectes comme Bernard Tschumi, il y a une spécificité qui échappe à toutes ces catégories, et le mot qui me vient à l’esprit pour la définir est : « punk ». Pourrait-on se risquer à vous qualifier de « designer punk », ou plus exactement « postpunk » ? R. A. : J’ai failli le faire, il y a de nombreuses années, quand je travaillais avec des morceaux de béton cassés, mais je pense que ce serait une fausse prétention parce que je suis
« très gâté », y compris culturellement. Mais, en effet je n’ai pas de respect pour les conventions et oui, il y a des similarités entre mon manque de respect pour les conventions et le punk. Quelqu’un pourrait te dire que c’est parce que je ne suis pas très bon avec ce qui est conventionnel. Je ne suis pas un très bon joueur sur une table de ping-pong normale, mais je suis très bon sur ma propre table. Alors, il y a peut-être une leçon à en tirer qui serait la vôtre !
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TLmag: There is something a little Dada-esque about this machine. The way the diamond is “reinterpreted”, diverted from its main function, which calls to mind Duchamp, his machinery and of course his famous Grand Verre. Did you have Duchamp in mind when you conceived this project? R.A: I often think of Duchamp and the Large Glass is there, whether you like it or not, but for this project I immediately thought about Queen Elizabeth I before thinking of Duchamp. I also thought about Robert Burns, who scratched some of his poems on glass, and lots of people associated with graffiti. If you take the tube in London, there are so many messages of love and hate scratched on the glass that you can’t see through the window. All I did is shed a little light on something that exists.
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TLmag: Franz West, Bertrand Lavier, Tobias Rehberger... many artists continue to question the status of objects following in the footsteps of Duchamp. This is a dimension that seems to be present in your work, but do you think other designers understood Duchamp? Isn’t this questioning of the status of the object the main difference between artists and designers nowadays? R.A: Everyone is the sum of their own references. The place they grew up, the era, the environment… When I grew up as an artist Duchamp was undoubtably a hero, but I recently discovered that I am more interested in Man Ray. Maybe he deserves more limelight. People talk a lot about the cross-over between design and art, and that’s a waste of time for me. I am not interested in breaking down barriers. You don’t need a passport to go from one discipline
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to another. I found myself in the design world by accident. My first piece [the Rover chair] was ready-made, “a found object” that I connected more to Duchamp than to Prouvé. Yet this chair is very much in the style of Prouvé, and to a certain extent, I was pushed into design. TLmag: You currently have another exhibition entitled “In Reverse” at the Holon Design Museum. You were the architect that designed this museum. What is the purpose of the exhibition? Is it a way to unite architecture, art and design in a single project: your own? R.A: No, there were two objectives: the first was to ensure that myself and my team enjoyed creating the exhibition. The second was to create something that visitors would enjoy. And both these objectives were met. Yes it happenend in a museum that we designed, and that allowed us to relax, to flex our muscles, because otherwise, we know that the museum is always the winner.
TLmag: As in Venice, the technology is there and we go from the object to its representation, using sophisticated printing techniques to enhance the crushing process. You seem to destroy to rebuild, draw then produce, going back and forth from the object to its representation. Is this your way of working? The secret of your creations? R.A: Yes, that’s what I do. I’m used to drawing things that don’t exist, and as a consequence representation comes before the object. So in a way, the object finally becomes the representation of my representation. But here there is something else: it looks like the representation of the car, but it is the car. The car representing itself… Maybe I should call Lacan.
“And at t h e c e n t e r o f t h e e x h i b i t i on , t h e r e is a piece which is a sy m b i os i s b e t w e e n t h e t wo : R o d dy G i ac o s a , t h at n e c e ss i tat e d t h e i m p l i cat i on o f a c o m p u t e r a nd t h e a r t i sa n .”
TLmag: If you contact Lacan, Skype would be a better option than the phone! You have had many solo exhibitions all over the world, including MoMA New York and the Pompidou Centre in Paris. You always get very involved, down to the smallest details of the scenography. How important are these shows to your work? R.A: It’s very important. The last show kept us busy for nine months. It was the big event, more important than all the other stuff that we do. There wasn’t a dull moment. The aim for this show, as always, is to create delight. TLmag: In your “indiscipline”, which allows you to play with design as well as art and architecture without respecting the rules, and in your application that one might deem
similar to “deconstruction”, a theory developed by Derrida and practised by architects like Bernard Tschumi, there is a specificity that is beyond all these categories, and the word that comes to my mind is “punk”. Could we take the liberty of qualifying you as a “punk designer”, or more precisely “postpunk designer?” R.A: I was tempted many years ago, when I worked with pieces of broken concrete, but I think it would be a false pretence because I am “very spoiled”, also culturally. But you’re right, I have no respect for conventions and yes, there are similarities between my lack of respect for conventions and punk ideology. One could argue that it is because I am not very good with conventional things. I am probably not a good player on a normal ping-pong table, but I am very good on my own table. So maybe there is a lesson there. Interpret what you will. TLmag: In the diversity of your work, there is a form that seems to come around more often than others: the strip, or rather the Mobius strip. It is present in numerous pieces (D sofa, 1994; Evergreen, 2003; Oh Void, 2006), and even in the architecture of the museum which held this retrospective of your work. Why does this form inspire you so much? R.A: You can work with dots or lines, and I work with both of them. Line is maybe more natural because my best tool is a pencil. Every time I start drawing, strips appear, but I don’t have a contract with strips. It’s like the question “what is your favourite colour?” I don’t have a favorite colour. All colours, lines and shapes are valid. Usually people talk about curves, but you’re the first one to ask about strips. The Mobius strips are fantastic. Do you know what happens if you cut one in half? There aren’t two pieces, you’re left with one even bigger strip. I have never really incorporated a Mobius strip in my work, but I could try it. Jusqu’au / until 19 octobre / october 2013, « In Reverse », Design Museum Holon, en Israël / Holon Design Museum, Israel. Jusqu’au / until 24 novembre / november 2013, « Last Train », 55e Biennale de Venise, Palazzo Cavalli-Franchetti, Venise / 55th Venice Biennale, Palazzo Cavalli-Franchetti, Venice. TL # 19
TLmag: Six Fiat 500s, each flattened and hung on a wall, are the highlight of the exhibition. It’s difficult to look at a crushed and exposed car without thinking of artists like John Chamberlain or César, but here the work seems immediately very different. The cars are not sculptural in appearance, they’re almost like drawings. It’s as if you wanted to turn them into signs. Should we see it as an experimental work? Semantic research? R.A: Yes, the objective is different. With “In reverse”, we took functional, three-dimensional objects, and then transformed them into non-functional, two-dimensional objects. It reminds some people of Disney because when they look at the cars they appear to be squashed flat against the wall. The six crushed cars are exactly the same, but they come from different places. Even if they shared the same fate, each one has a very different character and evokes something completely different. Also the show is about the shift away from manual labour, from physical to digital objects. We made a computer generated film about it. It shows a car being crushed, and then it comes to life, and is crushed again. And at the center of the exhibition, there is a piece which is a symbiosis between the
two: Roddy Giacosa, that necessitated the implication of a computer and the artisan.
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Appetizers
S p otte d
Studio Besau Marguerre, Iridescent Copper, polished copper mirror and wall shelf, 2013, price €2.500 - €3.000 www.besau-marguerre.de www.stilwerk-designgallery.de
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S p otte d
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Thomas Eurlings, Fading mirror, 2012, price €169 www.thomaseurlings.nl © Rene Mesman
Losgogo, Poligono, 6 mirrors, 2012, price €58 www.losgogo.com Mathias Kiss, Miroir Froissé, mirror, 2013 www.attilalou.com www.armelsoyer.com
© Silke Zander
© Emmanuel Bossuet
Miroirs
/ Mirrors
Jean-Francois d’Or, Elizabeth Mirror, Silvered mirror glass and natural oak wooden base for Reflect+, 2012 www.reflectplus.com
Francois Clerc, Milord, freestanding stainless steel mirror, Made in Design edition, 2012, €215 www.clercdesign.com www.madeindesign.com
© P. Verplancke
© Sophie Guilloteau
Takeshi Miyawaka, Invisible/visible furniture, 2013 www.salon94.com Morie Nishimura, A Quiet Celebration, hinged brass mirror, 2012, price €1.240 www.nichegallery.jp
David Derksen & Lex Pott, Transcience, silver mirror, 2011, price €1.795 www.davidderksen.nl
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Mischer & Traxler, Layered me Mirror, table mirror, 2012, price €900 www.mischertraxler.com
Hunting & Narud, Copper Mirror series, Series of freestanding mirrors made from copper, mild steel and stone, 2013 www.libbysellers.com © Gallery Libby Sellers
Daniel Rybakken, Right Angle mirror, laminated sheets of mirrorpolished stainless steel, edition for Galerie Kreo, 2012 www.galeriekreo.fr
Appetizers
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Linde Hermans, Tilting, Stackable porcelain tableware for Studio Pieter Stockmans, 2013, price €28-68 www.lindehermans.be © Kristof Vrancken
David Taylor, Crowd, series of candlesticks, 2013, price €390 www.superdave.se
Hilla Shamia, Woodcasting series, whole tree trunk benches and seats cast in aliminium, 2012 www.hillashamia.com
Marjan van Aubel, Well proven Chair, foaming wood chair, 2012, price €1.750 www.marjanvanaubel.com
Nature réinventée / Nature Reinvented Sam Baxter, Protea Seed Blanket, 2012 www.sambaxter.com
HYES studio, necklace, pyrite and brass, 2013, price €110 www.hyes-studio.com Jasmin Santanen and Carlos Cabeza, The Labyrinth Collection, Long mousseline dress, 2013, price €960 www.jasminsantanen.com
Alexandra Agudelo, Guaca, handcrafted metal/silver objects, 2012/2013 www.cristinagrajalesinc.com © Juan Manuel Aguayo byn
Berndnaut Smilde, Nimbus series, cloud installation, 2012 www.ronchinigallery.com
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Nacho Carbonell, Time is a Treasure, hard stone clocks, 2012, price €42.000 www.nachocarbonell.com
Design Nucleo, Wood Fossil, epoxy resin and wooden furniture collection, exclusive for Ammann Gallery, 2013 www.ammann-gallery.com
Quyin Deng, Graft, series of disposable tableware, bioplastic, 2013 www.ecal.ch © ECAL
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David Irwin, Juniper M Lamp, wireless task lamp, 2013, price €167 www.juniper-design.com Ladies and Gentlemen Studio, Aura Single Ring Chime, brass tube with metal rings and ceramic chimes, 2013, €125 www.ladiesandgentlemenstudio.com
Las coleccionistas, Sierra, limited edition collection of silk scarves, 2012, price €37,39 www.lascoleccionistas.com
Nomadisme
Studio Besau Marguerre, Greenhouse To Go, conceptual plant carrier, 2012, price on demand www.besau-marguerre.de © Adrien Petrucci
/ Nomadism Katharina Eisenkoeck, Nomadic Light, portable light, 2012, price on demand www.katharinaeisenkoeck.com © Katharina Eisenkoeck
Aissa Logerot, Artisanat Du Sud, metal table series with woven palm leaf top, 2012, price on demand www.aissalogerot.com © Amandine Chhor
Alexander Lervik, Lucy Table, folding table, 2013, price on demand www.lervik.se
Meg Callahan, Dye Quilts, patchwork and hand dyed quilt, 2012, price €2.060 www.megcallahan.com TL # 19
© M.Callahan Studio
Jody Kocken, Urban Picknick, knapsack with stackable tableware, 2013, price on demand www.jodykocken.com
Meike Harde, Zieharsofika, furniture series with foam mat cushioning, 2012, price €585-€645 www.meikeharde.com
Mix-Match
Entre palmier et cactus à Anvers / Among palms and cacti in An twerp
DANGEROUS MINDS Concept & photographies par / photographs by KlingKlangStudio, Brussels Remerciements / thanks to SN3 Boutique, Louis Boutique, Gustave Brasserie, De Pottekijker & Soyouthinkyoucanshop.com
Contraste entre deux univers : un monde vide, un ailleurs mystérieux et solitaire qui contraste avec l’intensité parfois agressive d’une présence. Anvers ou « Hantwerpen » (hand=main, werpen=jeter) devenu Antwerpen, ville de grand commerce depuis le xve siècle, a été au cœur des échanges de l’Inde à l’Amérique, à l'intersection des colonies du Brésil, de l'Afrique et des Indes. Chez Gustave, une brasserie mythique près de la gare, séquence de lame sous la gorge avec James Goldstein, propriétaire de la fameuse villa triangulaire (arch. John Lautner) à Los Angeles. Entre palmier et cactus, escale au jardin botanique dans son décor désuet – il a plus de deux siècles – pour une prise de vue inspirée des tableaux de David Hockney. Passage éclair à l’église baroque de Saint-Charles Borromée, bijou du début du xviie siècle datant de l’époque de Rubens qui y a peint près de 40 toiles malheureusement détruites dans un incendie. Savoir-faire légendaire pour cette ville, le diamant y représente l’ultime objet du désir. Rendez-vous dans le quartier des diamantaires au 11e étage, en présence d’un diamant d’une valeur de plus d’1 million de dollars. Discrétion et brillance, à la pointe de la mode et de la création, Anvers est dangereusement attirante. L.C.
Contrast between two worlds: an empty world, a distant mysterious solitary world, which contrasts with the occasional aggressive intensity of a presence. Antwerpen (Antwerp), from the Dutch hand werpen – akin to Old English hand and wearpan (=to throw), an important city of trade since the 15th century, once at the centre of exchanges between India and America, at the intersection between the colonies of Brazil, Africa and India. At Gustave Brasserie, a legendary location near the train station, we freeze on a still of a razor against a throat featuring James Goldstein, the owner of the famous triangular villa (arch. John Lautner) in Los Angeles. Among palms and cacti, the photoshoot is inspired by David Hockney’s paintings in this neglected heavenly view of the setting within the 200 year-old botanical garden. A quick visit to the baroque church of Saint-Charles Borromée, a gem from the early 17th century, at the time Rubens painted forty pictures, that unfortunately were destroyed in a fire. This city is known for its savoir faire and diamonds that represent the ultimate object of desire. Rendez-vous in the diamond district on the 11th floor of a building with a diamond valued at $1 million. Discretion and sheer brilliance, at the vanguard of fashion and design, Antwerp is dangerously attractive. L.C.
Knit Sweater Gucci Top Azzedine Ala誰a Hat Saint Laurent Clutch Alexandre Vauthier Boots Saint Laurent
Sweater Lanvin Legging Balenciaga Boots Saint Laurent
Blouse Gucci Pencil Skirt Lanvin Ankle Boots Saint Laurent
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Sweater Lanvin Hat Saint Laurent
Sweater Stella McCartney Skirt Azzedine Ala誰a Clutch Saint Laurent Boots Saint Laurent
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Real life
Real Life
C itie s / N ew York
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© Francis Dzikowski/ Esto
The New New York Reportage de / Report by Marie Le Fort
1. 1 — 6BCA Tent, design : François Chambard, R’Pure Gallery, exposition / exhibition « Off the Grid »
New York a toujours été la ville des extrêmes. Ville des crises et des chocs, elle est aussi la ville de tous les élans créatifs et innovants : résolument tournée vers l’avenir, elle ne cesse de se réinventer pour surprendre, se dépasser, s’élever davantage encore... Petite visite guidée de ces énergies, lieux et initiatives qui façonnent le New York d’aujourd’hui.
New York has always been a city of extremes. A city of crises and traumas is also that of all hopes and dreams. Resolutely turned towards the future, it continues to reinvent itself to surprise us, pushing the boundaries... A short guide to the people, places and initiatives that are shaping New York today.
« New York est un événement mondial… New York, forte, fière d’elle-même, en prosperity ou en “dépression” est comme une main ouverte au-dessus de nos têtes. New York a un style, a du style… » “New York is a world event… New York, strong, proud of itself, in ‘prosperity’ or in ‘depression’ is like an open hand above our heads. New York has a style, is stylish...” Le Corbusier, 1938.
Toujours p lus haut, p lus vert
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Concrete Stereo, 1983 Image : Ron Arad
Quand on marche à New York, on regarde irrémédiablement vers le haut : ville de tous les possibles, New York semble pointer du doigt vers le sommet des gratte-ciel et leurs flèches pour dire « Sky is the Limit ». Dernier « espace » à conquérir, les ‘rooftops’ et autres toits terrasses composent cette fameuse « cinquième façade » que tous cherchent à redéfinir. Certes, le succès incontestable de la High Line, promenade plantée aménagée par les paysagistes
Ev en h igh er and greener You can’t help but look up when walking around New York. A city where anything is possible, New York seems to point a finger at the top of the skyscrapers as if to say “The Sky is the Limit”. Everyone wants to redefine the ‘rooftops’ and sky-high terraces that define this “fifth facade” – the last spaces left to conquer. Of course the undeniable success of the High Line is still fresh in peoples minds. One of the world’s largest urban parks built on an historic freight rail line
Real Life
2 — Terrace Room, hôtel / hotel The Roger New York 3 — Ambiance velours rouge profond de l’intérieur du restaurant francojaponais du chef Morimoto / Deep red velvet interior of chef Morimoto’s latest Franco-Japanese Cherry restaurant, Meatpacking 4 — Le bar raffiné du restaurant Adler / Restaurant Alder’s refined bar 5 — Bar d’été Hampton à Gilligan, un restaurant pop-up accueilli par The Soho Grand / Hampton's summer bar at Gilligan's, a pop-up restaurant at The Soho Grand 6 — Intérieur élégant de l’entrepreneur culinaire Fernandez à la nouvelle adresse de son restaurant Omar’s / Stylish interior of entrepreneur Fernandez'
© JaegerSloan
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new-yorkais James Corner Field Operations en collaboration avec l’agence d’architecture Diller Scofidio + Renfro, en lieu et place de l’ancienne voie ferrée aérienne, est dans tous les esprits. Courant de Gansevoort Street à la 30e rue (soit 16 blocs), elle a changé la dynamique du front ouest de Manhattan. Dans le même esprit, la Brooklyn Grange Farm construite à Long Island en 2010 est non seulement l’une des plus grosses fermes urbaines... mais elle s’est logée sur le toit d’un immeuble ; là-haut, un ingénieux système de protection en bambou protège les cultures contre le vent. Idéalement situé en plein Midtown, l’hôtel The Roger New York, récemment rénové avec la complicité de la décoratrice d’intérieur Anna Busta, se déploie lui aussi les hauteurs : les suites au dernier étage se doublent de terrasses avec une élégance et une attitude européennes. Il fut un temps où New York, avec son climat extrême, multipliait les tours de verre et duplex qui « protègent et laissent voir ». Apprivoiser l’extérieur, troquer l’air climatisé pour des sensations atmosphériques est en passe de modifier la géographie des lieux branchés. D’ailleurs les nouveaux hôtels l’ont compris : de l’Americano à Chelsea au Wythe à Williamsburg, être en contact avec le ciel est plus que jamais d’actualité. Laboratoire e xpérimenta l à cie l ouvert
Sebastian Lucrecio
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Manhattan est à elle seule, depuis longtemps, un laboratoire créatif à ciel ouvert : mais ce qui surprend, c’est l’incroyable patchwork d’influences et de styles qui sous-tend la toile Foodie. Du food truck au restaurant étoilé, de la cuisine éthiopienne aux dernières saveurs nordiques, l’infini liberté d’expression – dans le fond comme dans la forme – est sans équivoque. Il suffit pour cela de s’attarder sur quelques-unes des toutes dernières ouvertures. Restaurant racé aux allures de club privé ouvert début mai, Omar’s se découvre avec le chic d’une résidence privée : œuvres d’art aux murs côté salons privés et long bar intemporel piqué d’un large bouquet de fleurs à l’entrée, l’ancien chef de Blue Hill et Per Se, Kenny Cuomo, en cuisine et une fresque hyperréaliste dessinée à main levée par l’artiste Ian Sklarsky suivant la méthode du « Blind Contour » (ou contour aveugle) qui croque à même le mur des portraits et scènes de rue typiques de Manhattan. Tout y est, pour faire de ce lieu un nouveau classique élitiste. Également en sous-sol avec des allures de boudoir sophistiqué signé Studio Gaia, Cherry est le dernier restaurant superlatif japonais du star-chef Morimoto. Dans cet univers feutré, saturé de rouge théâtre, officient non seulement des maîtres du sushi au talent incontestable mais aussi un sommelier expert en saké qui fait tout naturellement venir à lui le meilleur du Japon. En parlant d’expertise, celle du chef Michael White le précède généralement où qu’il se rende : arpentant les étages du steakhouse de luxe Costata, le dernier né de son empire sur Spring Street, il réunit non seulement les meilleurs producteurs de viande des États-Unis, mais il le fait dans un intérieur où les toiles du Britannique d’origine pakistanaise Nasser Azam élève ntl’esprit. Ainsi redéfini, le steakhouse
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elevated above the streets, it was designed by New York landscape architects James Corner Field Operations in collaboration with the architecture design studio Diller Scofidio + Renfro. Running from Gansevoort Street to West 30th Street (over 16 blocks), it has changed the dynamics of the western front of Manhattan. In the same spirit, the Brooklyn Grange Farm, built on Long Island in 2010, is not only one of the largest urban farms... it is mounted on the roof of a building, where an ingenious system, created with bamboo, protects the crops against the wind. Ideally located in Midtown Manhattan, The Roger, a boutique hotel recently renovated with the help of interior designer Anna Busta, also has its share of skyline views: the suites on the top floor feature elegant, European-style landscaped terraces. There was a time when duplex glass towers that “protect and offer views” were sprouting up all over New York. Getting accustomed to the outdoors in a city known for its extreme climate and trading air conditioning for natural outdoor sensations, is set to change the geography of fashionable places in the future. What’s more, the new hotels have caught on to this trend: from the Americano in Chelsea to the Wythe in Williamsburg, places to relax outdoors are hot news and increasingly solicited. E x peri m ental open -air laboratory Manhattan alone has long been an open-air creative laboratory: but what is surprising is the incredible eclectic mix of influences and styles behind the Foodie phenomenon. From food trucks to Michelin-starred restaurants, from Ethiopian cuisine to the latest Nordic dishes, the infinite freedom of expression – in substance and in form – is unequivocal. For proof, look no further than some of the latest ventures to open. Omar’s is an elegant restaurant that has been open since May that falls somewhere between a chic private residence and a private club: works of art hang on the walls in the private lounge and a large bouquet of flowers at the entrance draws attention to the long, timeless bar in the dining area. The former chef at Blue Hill and Per Se, Kenny Cuomo, mans the kitchen and a lifelike hand-drawn mural by Ian Sklarsky, created using the “Blind Contour” method, depicts portraits and urban scenes that are typical of Manhattan. Everything you could wish for to create a new upmarket but classic address. Also, Cherry, a subterranean restaurant with the air of a sophisticated boudoir, designed by Studio Gaia, is the latest superlative Japanese restaurant from star chef Morimoto. In this cozy, predominantly red theatrical atmosphere, the undeniable talents of the master sushi chefs are on display, but also those of a master sake sommelier who has the best sake that Japan has to offer. Talking of expertise, the reputation of chef Michael White precedes him wherever he goes: Keeping a close eye on his luxury steakhouse Costata, the latest addition to his empire on Spring Street, not only does he work with the best meat producers in the United States, but he does so in an interior surrounded by paintings by British-born contemporary artist Nasser Azam that uplift the spirits. Redefined, the contemporary steakhouse has a bright future ahead
Ci ti e s / Ne w York
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contemporain a de beaux jours devant lui. À l’opposé de cette attitude bourgeoise, la cantine estivale du Soho Grand, à deux pas, est, elle, tout droit importée de Montauk : surfant sur une idée originale de Nick Hatsatouris et Lincoln Pilcher, deux foodistas à l’origine du sensationnel restaurant pop-up Moby Dick, ils déclinent ici l’esprit des Hamptons en plein Manhattan. On y commande un poisson grillé en plein air comme si la plage était à deux pas. Et voilà Gilligan’s qui invente le concept de Beach Party urbaine.
of it. In contrast to this bourgeois attitude, the summer Soho cantina at the Grand, just around the block, is an idea imported straight from Montauk. Surfing on an original idea by two foodies, Nick Hatsatouris and Lincoln Pilcher – the names behind the sensational pop-up restaurant Moby Dick – their latest venture manages to capture the spirit of the Hamptons in central Manhattan. You can almost smell the beach as you order grilled fish in the open-air. Gilligan’s invents the concept of the urban beach party.
Le Design comme catalyseur de sty l e
Design as a catalyst for style Although, strictly speaking, New York is not a “design capital”, design remains, non the less, a catalyst for style at all levels. Gallery R’Pure, managed by Frenchborn Odile Hainaut – co-founder of Wanted Design that takes place during ICFF –, is a platform dedicated to design that showcases the creative vision of Raison Pure USA: if the family-owned company Neal Feay – a leader in creative aluminium presided over by Alex Rasmussen – collaborated in the realisation of the exhibition “Off the Grid” (a reference to the New York planning system) and notably the lattice pattern chairs and stools designed by Frederick McSwain, the Craft System Lamps by François Chambard are multiple variations of a simple shape based on the idea of an intelligent design lexicon adapted to Manhattan. Equally innovative, and lending itself to countless variations, the Sintesi system presented at ICFF, created by Caterina Tiazzoldi and her team of researchers at Columbia University, features a series of structures that can be removed and repositioned indefinitely. A beautiful way to frame a space in NYC, a place where space is often lacking. While on the subject of unique projects, also worth a mention are the highly creative initiatives by Field and their design associate Jonah Takagi, the game of dominoes made out of concrete, Bare Bones, created by The Principals for Billy Reid, the neo-modernist furniture by the talented Brazilian designer Claudia Moreira Salles exhibited at the Espasso Gallery NY, or even the beautiful, audacious lights by Lindsey Adelman, that are in a class of their own. Many different faces creating the future of design in New York.
Si New York n’est pas une « capitale design » à proprement parler, le design n’en reste pas moins un catalyseur de style à tous les niveaux. La galerie R’Pure, emmenée par la Française Odile Hainaut – cofondatrice de Wanted Design qui se tient pendant l’ICFF –, est une plate-forme consacrée au design qui fait la part belle aux ressources américaines : si l’entreprise familiale Neal Feay – experte en créations aluminium sous l’œil avisé d’Alex Rasmussen – collabora à la réalisation de l’exposition « Grid » (nommée en référence au système d’urbanisme new-yorkais) et notamment des chaises et tabourets quadrillés de Frederick McSwain, les Craft System Lamps de François Chambard déclinent, plus en amont, l’idée d’un lexique lumineux adapté à Manhattan. Tout aussi innovant, et déclinable à l’infini, le système Sintesi imaginé par Caterina Tiazzoldi et son équipe de recherche de la Columbia University était présenté pendant l’ICFF comme un ensemble de structures amovibles et repositionnables à l’infini. Une belle manière de cadrer l’espace, qui vient souvent à manquer à NYC. Dans la lignée des projets uniques, on citera bien volontiers les initiatives hautement créatives de Field et de son designer associé Jonah Takagi, le jeu de domino en béton Bare Bones créé par The Principals pour Billy Ried, le mobilier néo-moderniste de la talentueuse designer brésilienne Claudia Moreira Salles exposé à la galerie Espasso NY, ou encore les luminaires parfaitement inclassables de beauté, et d’audace, de Lindsey Adelman. Autant de visages qui emmènent le futur du design à New York. M ade in USA
Mais ce qui reste sans aucun doute le plus actuel dans le paysage créatif new-yorkais, c’est cette volonté de reconquérir le territoire américain : en d’autres mots, le Made in USA n’a jamais été aussi en vogue à NoHo, NoLiTa et Brooklyn. Preuve en est, la marque Shinola dont la boutique dessinée par David Rockwell vient d’ouvrir sur Franklin Street. Son motto : « Where American is Made ». En redonnant du travail aux ouvriers des usines délaissées de Detroit, la marque revisite son histoire pour construire non pas des voitures mais des bicyclettes, montres et étuis en cuir qui mettent au pilori l’idée même de chaîne de montage. Un retour en arrière bienvenu qui fait déjà des adeptes !
7 — François Chambard & Frederick McSwain, exposition / exhibition Off the Grid, R’Pure Gallery. 8 — Jonah Takagi & Daniel Thomas (Studio Field), vue de l’exposition / view of the exhibition Here & There, ICFF New York 9 — Caterina Tiazzoldi & Columbia University, Sintesi, a Non Linear Solution 10 — David Rockwell, intérieur de la nouvelle boutique Shinola / interior of the new Shinola boutique
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CITY REPORT Carnet d’adresses / Address Book - The High Line www.thehighline.org - Brooklyn Grange Farm, 37-18 Northern Blvd, NY 11101 www.brooklyngrangefarm.com - The Roger New York, 131 Madison Avenue www.therogernewyork.com
- Omar’s, 23 West 9th Street
Made in U SA But the newest change in the New York creative landscape is this desire to reclaim the American heritage: in other words, Made in USA has never been as popular in NoHo, NoLiTa and Brooklyn. Proof is everywhere. Shinola has just opened a boutique designed by David Rockwell on Franklin Street. Their motto: “Where American is Made”. By giving jobs to workers from abandoned factories in Detroit, the brand puts a new spin on its history, not by building cars, but bicycles, watches and leather cases that pillory the very idea of the assembly line. A welcome return that already has its adept followers!
www.omar-nyc.com
- Cherry, 355 West 16th Street http://cherrynyc.com
- Costata, 206 Spring Street http://costatanyc.com
- Gilligan’s, jusqu’à fin septembre / until end of September, 310 West Broadway www.grandlifehotels.com
- R’Pure Gallery, 3 East 19th Street www.galleryrpure.com
- Sintesi www.tiazzoldi.org - Field http://field-online.com - Bare Bones by The Principal
http://theprincipals.us/store/bare-bones www.grandlifehotels.com
- Claudia Moreira Salles TL # 19
Add colour to your world by flying with Turkish Airlines! T. +32 (0) 2 620 08 49 www.turkishairlines.com
© Francis Dzikowski/ Esto
Real Life
www.espasso.co.uk/designer/3
- Lindsey Adelman http://lindseyadelman.com - Shinola, 177 Franklin Street
www.shinola.com
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communiq ué
© Mark Cocksedge
Maison & objets Par / by Félicien Marbœuf
Bilan et tendances de cette manifestation internationale dédiée à l’ameublement qui s’est tenue du 6 au 10 septembre dernier à Villepinte.
Provoquant et encourageant une pratique toujours plus transversale et multidisciplinaire de l’architecture et du design, le salon dédiait une nouvelle fois aux professionnels un ensemble pointu de services d’orientation et de recherches. Si on pouvait ainsi découvrir « Ze Most », un espace consacré aux matériaux innovants et « Projet », sorte de vitrine transversale de haute expertise dédiée aux solutions pour l’architecture d’intérieur, une fois encore, le Business Lounge s’est taillé la part du lion. « Créé en septembre 2010, c’est un espace de réunion envisagé sous les termes de l’échange de compétences », rappelle Clarisse Speranza, directrice marketing prescription & hôtellerie – pôle opérationnel. L’idée ? Faire s’y rencontrer d’un côté les architectes, architectes d’intérieur, designers, hôteliers, restaurateurs et de l’autre les exposants, choisis pour leurs savoir-faire, leur expertise reconnue ou leur capacité à produire sur mesure. Mais pas seulement. Organisant tout au long de l’événement un ensemble de workshops et de
© Odile Decq
Le salon s’est une nouvelle fois révélé attractif, avec ses quelque 3 300 exposants (soit près de 130 000 m2 nets de stands) visités par près de 66 000 visiteurs. Le thème de la saison ? Énergies. Philippe Brocart, directeur général de la Safi, la société organisatrice du salon, raconte : « Nous avons voulu faire bouger les choses, en offrant une meilleure lisibilité aux tendances et aux nouvelles perspectives. » Autrement dit, trois plates-formes d›inspirations (« Illuminations » d’Elizabeth Leriche, « Funtasy » de Vincent Grégoire (NellyRodi) et « Psychotropia » de François Bernard) ont bénéficié de scénographies plus abouties et le salon a joué son rôle de dénicheur de talents en mettant à l’honneur six noms émergents de la jeune création française (« Talents à la carte » qui déployait Raphael & Rejean, Grégoire Delafforest, Evor, Emmanuel Bossu, Bien des choses et Barnabé Fillion). De nouvelles orientations chargées de valoriser toujours plus l’architecture d’intérieur et l’architecture tout court. « Scènes d’intérieur » accueillait en effet une exposition consacrée à Odile Decq, architecte du Frac Bretagne qu’elle a conçu à Rennes et élue créateur de l’année pour l’événement. L’architecte devenue artiste y présentait, sur des plans inclinés au sol, ses créations de design de ces dernières années. Pour anecdote, on pouvait également la retrouver aux Puces de Saint-Ouen, où elle s’était amusée à chiner une centaine de pièces de design et d’objets divers afin de meubler un habitat flexible de 35 m2 créé pour l’occasion.
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The Islands of
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tables rondes portant sur des problématiques ambitieuses (« In-Light », une conférence « Matières et Lumière », établie en partenariat avec Innovation & Innovathèque faisant intervenir le plasticien Yann Kersalé ; « Made in... Argentina, Italia, France, le Design au xxie siècle », une table ronde organisée en partenariat avec l’Alliance française des designers et l’Association des designers industriels italiens ; ou encore l’organisation d’un carrefour de rencontres dédié aux promoteurs immobiliers et ayant pour intervenant Odile Decq et Alain Moatti), cet espace (ici labellisé ARCHI. DESIGNER) à valeur d’outil alimentait la réflexion.
New York
Ainsi, le salon Maison & Objet continue de tisser sa toile, entrelaçant dans ses filets designers, artistes, graphistes, architectes, scénographes et entreprises. Notons que la Safi a l’intention d’exporter son concept. Dès mars 2014, un Maison & Objet Asia se tiendra à Singapour et, du 12 au 15 mai 2015, une version America à Miami. Pour l’édition française, rendez-vous du 24 au 28 janvier prochain. www.maison-objet.com
1 — P. Cocksedge, Bourrasque 2 — Odile Decq, Virtuelle présence image Rome, 2013 3 — Le Lab matériO, Ze MOST 2.
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Real Life
Por tfolio / Ac c ra S h e ep I sla n d s of N ew York
N
ew York – dire son nom crée déjà une image. Des photographies noir et blanc de Weegee aux films iconiques de Scorsese, Woody Allen et Spike Lee, New York se définit à l’image d’une ville américaine. Ce cliché est pourtant incomplet. Chacun sait que Manhattan est une île, mais combien savent que New York est en fait composée de plus de quarante îles ? En 2008, j’ai démarré mon reportage sur ces îles de New York City. En faisant usage de mon appareil 4x5, je suis capable de saisir le vaste ensemble du paysage y inclus les personnes qui se trouvent en bordure de l’eau. Malgré cet appareillage, il m’a fallu trouver une astuce pour agrandir les prises de vue. J’ai donc créé de plus grands paysages en plaçant mes négatifs les uns à côté des autres. J’ai trouvé important de conserver les lignes du cadre noir de la photographie afin de montrer que les images sont des constructions qui sont en liaison avec la réalité mais clairement photographiques.
117th Street and 1st Avenue, Harlem, Manhattan
Manhattan
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et beaucoup and many d’autres îles à other islands découvrir to discover Textes et photographies par / Text and photographs by Accra Shepp
Flushing Creek, Queens
Page précédente (de haut en bas) / Previous page (from top to bottom): - 125th Street and Broadway, Harlem, Manhattan - Newtown Creek, from Queens looking to Brooklyn - 36th Avenue Bridge, Roosevelt Island Reconstruction Willis Avenue Bridge, Harlem, Manhattan
La variété de paysages que j’ai trouvée sur ces îles est impressionnante, depuis la formation de rochers sur l’île Twin jusqu’aux territoires comme Harlem avec ses rebus d’acier et de béton. Certaines zones sont difficiles à catégoriser. Sur une image de la crique de Flushing, j’ai trouvé une vue pastorale à l’état intégral avec ses hautes herbes de rivière et ses nuages réminiscents de Tiepolo. En avant-plan, on trouve un affluent qui sort de nulle part. L’on y trouve un arbre de transmission mis au rebus avec un pneu et d’autres pièces détachées de voiture. En arrière-plan, un stade de sport vient d’être démoli et un autre prend sa place. La dévastation causée par l’ouragan Sandy (octobre 2012) a fait naître momentanément la conscience des New Yorkais face à cette nature environnante. J’espère néanmoins que ces images contribueront à une plus longue conversation sur l’avenir de ces îles de New York.
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New York – just the mention of it creates an image. From the black and white photographs of Weegee to the iconic films of Scorsese, Woody Allen, and Spike Lee, it defines the idea of an American city. But the image is incomplete. Everyone knows that Manhattan is an island, but how many know that New York is made up of over forty islands? In 2008 I began my search for these islands of New York City.
Using my 4x5 camera, I am able to see the enormity of the landscape and find all the people who are on the waterfront. Even then, I needed something bigger. This led me to create a larger landscape by placing negatives next to each other. I felt it important to retain the black frame lines to show that the images are constructions, related to reality, but distinctly photographic. The variety of the landscape I am finding is astounding, from the beautiful stone formations of Twin Island to urban areas like Harlem that are tangles of steel and concrete. Some areas defy categorisation. In an image of Flushing Creek, I found a pastoral view complete with tall river grasses and clouds reminiscent of Tiepolo. In the foreground, a delicate tributary arises as if from nowhere. Within this tributary, however, lies a discarded drive shaft, along with a tyre and other auto parts. In the background one stadium is being demolished while a newer one rises to replace it. The devastation caused by Hurricane Sandy momentarily raised the awareness of New York’s island nature. However, it is my hope that these images might contribute to a longer lasting conversation. www.accrashepp.com
Eltingville, Staten Island (after Hurricane Sandy)
Tottenville Marina, Staten Island
Prince’s Bay, Staten Island
Twin Island (lesser), Pelham Bay, The Bronx
Twin Island (greater), Pelham Bay, The Bronx