TRANSFUGE N° 79

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Juin-Juillet 2014 / N° 79 / 6,90 €

Choisissez le camp de la culture

LITTéRATURE

Michael Chabon :

par Nicole Caligaris, frédéric ciriez, Michael Collins, patrick deville, Dominique Fernandez, Patrick Grainville, Yannick Haenel, Jacques Henric, lola lafon, Alban Lefranc, simon liberati, alain mabanckou, laurent mauvignier, Robert McLiam Wilson, Catherine Millet, Rick Moody

« J’aime le Kung-fu et les comics »

Milan Kundera :

pourquoi son dernier livre déçoit

Pindare,

poète officiel et malgré tout génial

CINéMA

clint eastwood :

Interview exclusive sur le tournage de Jersey Boys

Emmanuelle Devos :

« Je jouais mieux avant » Interview fleuve avec le très stendhalien

Mathieu Amalric

M 09254 - 79 - F: 6,90 E - RD

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L’Amérique rêve son paradis polynésien

En 2014, le monde accoste quai Branly Les expositions

Et aussi

INDIENS DES PLAINES (jusqu’au 20/07/14) TATOUEURS, TATOUÉS (jusqu’au 18/10/15) TIKI POP L’Amérique rêve son paradis polynésien

Arts vivants • Cycles de cinéma • Conférences • Manifestations scientifiques • Université populaire du quai Branly…

(24/06/14 - 28/09/14)

PROPAGANDA Les femmes dans la révolution, Vietnam 1954 - 1980 (24/06/14 - 28/09/14) LES MAYAS Un temps sans fin (07/10/14 - 08/02/15) L’ÉCLAT DES OMBRES L’Art en noir et blanc des îles Salomon

(18/11/14 - 01/02/15)

www.quaibranly.fr

Tri-city queen Rita Mathies at Tiki Gardens © Photograph by Karl E. Holland, courtesy of the State Archives of Florida, Florida Memory.


en plein chaos

Eastwood au travail

par Vincent Jaury

est un numéro tout à fait exceptionnel que ce Transfuge juin-juillet. Exceptionnel car Clint Eastwood, habituellement avare en interviews, nous en a accordé une, exclusive, sur le tournage de son prochain film, Jersey Boys. Notre correspondant à Los Angeles, Jean-Paul Chaillet, a passé une journée, une des dernières, à voir et comprendre comment Eastwood, surnommé le Boss par son équipe, organise ses tournages. Concrètement. C’est le dix-huitième tournage du réalisateur auquel notre correspondant assiste. Une confiance s’est installée entre eux. Eastwood, qui n’aime pas les vagues ni le bruit (malgré une certaine surdité), sait que Chaillet se tiendra bien. Tout le monde doit bien se tenir devant le Boss de quatrevingt-quatre ans, sinon vous quittez le plateau. Sur-le-champ. Chaillet me racontait qu’il était sur le tournage de Mystic River (une de ses plus belles œuvres) et que Sean Penn, caractériel bien connu et diva, faisait beaucoup, beaucoup de caprices au commencement du film. Le Boss vint le voir et lui dit de se calmer illico. Qu’il était remplaçable et qu’il trouverait facilement quelqu’un d’autre pour le rôle. Penn ne moufta plus du tournage. Eastwood, dans l’entretien, apparaît nostalgique (« Nous vivons une époque merdique »), mais il faut dire que ce magnifique raconteur d’histoires, à la façon classique, sait rendre les époques antérieures (rappelez-vous le diptyque Mémoires de nos pères et Lettres d’Iwo Jima sur la guerre dans le Pacifique entre Américains et Japonais, avec cette lumière du chef op Tom Stern). C’est l’essentiel. Et il y a fort à parier que le film Jersey Boys rendra les années cinquante et la vie de ce célèbre groupe de pop, les Four Seasons, avec brio. Je vous souhaite à toutes et à tous un bel été, de lectures et de visionnages, loin du cauchemar frontiste de ces derniers jours. ÉDITORIAL / Page 3


sommaire P. 22

N°79 / juin-juillet 2014 Le grand entretien

Michael Chabon

Pour attaquer p.3

3/ éditorial – 6/ j’ai pris un verre avec… – 8/ le nez dans le texte – 10/ l’œil du monocle 12/ le journal de… – 14/ la mémoire retrouvée – 16/ sortir du xxe siècle 18/  une case en plus – 20/ club Transfuge

Le grand entretien p.22 22/ introduction 24/ entretien : Michael Chabon

Littérature p.28

P. 28

Littérature

John Vaillant

28/ ouverture : L’Arbre d’or, Vie et mort d’un géant canadien, John Vaillant 32/ critique : La Maison dans l’arbre, Mitsuyo Kakuta 33/ critique : La Sage-femme, Katja Kettu 34/ critique : Affaires et damnation, Claire Kilroy 35/ critique : Radio Éthiopie, Steve Erickson 36/ critique : Les Âmes égarées, Joseph O’Connor 37/ critique : Meursault, contre-enquête, Kamel Daoud 38/ lire dans le noir : Après la guerre, Hervé Le Corre 39/ poche : L’Iliade ou le poème de la force, Simone Weil 40/ déshabillage : Marcela Iacub 42/ relecture d’un classique : Olympiques, Pindare 46/ remous : Du chaos syrien 48/ remous : Kundera, l’absurde à visage humain

Dossier bibliothèque idéale p.52

P. 52 Bibliothèque idéale Dossier

54/ 2666, Roberto Bolaño - par Yannick Haenel 56/ Catch 22, Joseph Heller - par Robert McLiam Wilson 57/ La Caisse, Aris Alexandrou - par Nicole Caligaris 58/ Don Quichotte, Cervantes - par Rick Moody 59/ Au-dessous du volcan, Malcolm Lowry - par Simon Liberati 60/ La Femme et le Pantin, Pierre Louÿs - par Frédéric Ciriez 61/ All That Is, James Salter - par Michael Collins 62/ Madame Bovary, Gustave Flaubert - par Patrick Grainville 64/ La Faim, Knut Hamsun - par Alban Lefranc 65/ Fourbis, Michel Leiris - par Jacques Henric 66/ Le Siècle des Lumières, Alejo Carpentier - par Dominique Fernandez 68/ Catherine Millet, Patrick Deville, Laurent Mauvignier 69/ Lola Lafon, Alain Mabanckou

Cinéma p.70 Cinéma

P. 78 Clint Eastwood

70/ ouverture : Under the Skin, Jonathan Glazer 72/ critique : Maidan, Sergei Loznitsa 74/ critique : Black Coal, Yi’nan Diao 75/ critique : Bird People, Pascale Ferran 76/ critique : Mouton, Marianne Pistonne et Gilles Deroo 77/ critique : Maps to the Stars, David Cronenberg 78/ en tournage : Clint Eastwood 83/ la bonne séquence : La Chambre bleue 84/ déshabillage : Mathieu Amalric 89/ fabrique d’un acteur : Jesse Eisenberg 90/ classique : La Mort aux trousses, Alfred Hitchcock 94/ DVD : Le Divorce de Lady X, Tim Whelan 95/ DVD : El Estudiante : récit d’une jeunesse révoltée, Santiago Mitre 96/ déshabillage : Emmanuelle Devos 102/ en partenariat avec le festival Étonnants Voyageurs entretien : Michel Le Bris 104/ en partenariat avec Arte : Foucault contre lui-même entretien : François Caillat 106/ états des lieux : L’autre nom du chagrin

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« La passion pour la vie,  malgré le chaos du monde. » © Daniel Mordzinski

Les Echos

Traduit de l’espagnol (Chili) par Bertille Hausberg 16 m, 144 p., ISBN 978-2-86424-950-4

www.editions-metailie.com


j’ai pris un verre avec

Yonnick Flot

par Frédéric Mercier photo Thomas Pirel

La vie tumultueuse des producteurs éditions Séguier 456 p., 21 e

C’

est au Pachyderme, près de la place de la République, que Yonnick Flot discute avec moi de son livre La Vie tumultueuse des producteurs. Un nom de café qui va plutôt bien à ceux à propos desquels Flot me dit d’emblée, en s’installant, qu’ils avaient tous « un ego surdimensionné ». Il est vrai que de narcisse, d’orgueil ou de vanité, il est largement question dans ce gros livre bouillonnant d’anecdotes, de citations et de remarques amusées ou ironiques écrit par l’un de ceux qui, dans les années soixante-dix, quatre-vingt, quatre-vingt-dix, les a côtoyés au plus près. Flot était alors chef du service culturel de l’AFP, rédacteur au Film français, délégué général d’Unifrance, chargé de promouvoir le cinéma français à l’international. À propos d’ego pachydermique, Flot parle volontiers de Toscan du Plantier, dit « le flamboyant ambassadeur ». « S’il était né à la Renaissance, il aurait été condottiere, mécène pour Laurent le Magnifique. Il était plein de panache, de bagout, mais il pouvait aussi vite vous saouler. Quel

Georges de Beauregard, Anatole Dauman ou Humbert Balsan. « Eux, c’étaient des princes ! » numéro ! » Flot imite alors d’un geste de la main le prince qui fait des manières et se pâme devant sa cour. Jean-Pierre Rassam quant à lui, producteur entre autres de Pialat, Eustache, Bresson, s’amusait de leur mégalomanie, rétorquant à ceux qui lui demandaient s’il croyait en Dieu : « C’est plutôt Dieu qui croit en moi ! » Tout dans ce livre est plus grand que nature : les montagnes de grisbi que brassent certains comme le mystérieux Gérard Lebovici, patron d’Artmedia, Page 6 / TRANSFUGE

dit « le parrain du cinéma français », ou encore Raoul Lévy, dit « le magnifique », mais aussi « le bluffeur », capable d’emprunter pour deux heures un Miró et un Picasso à une galerie d’art, histoire d’épater/ appâter au déjeuner son banquier et le convaincre de lui accorder un crédit extravagant. Lequel Lévy se voulait, semble penser Flot, « plus grand que la France elle-même », se rêvant en nabab à l’américaine, barreaux de chaise, gros cylindres et jolies filles à Saint-Trop’, et surtout capable de mettre sur pied des superproductions internationales, avec des milliers de figurants, mais réalisées par... Denys de la Patellière ! À propos de ce « magnifique », Flot me confie qu’en écrivant le livre, il a appris que la concession de « l’homme qui créa Bardot » au cimetière de Saint-Tropez n’avait pas été renouvelée. Comme quoi, il n’y aurait aujourd’hui plus assez de place pour pareil ego (et culot). Les morts, les destins de ces « aventuriers » (Flot insiste sur ce mot : « Il y a toujours une prise de risques dans ce métier ») sont souvent à la hauteur de leur vie. Suicides, accidents louches, meurtres irrésolus, overdoses. Rassam, encore lui, disait que sa « force », c’était « d’avoir été star dans le malheur » ! Il succombera à ses innombrables excès. Les aventuriers de Flot ont pour la plupart mené leur barque (pardon, leur yacht) à toute berzingue, se refusant aux freinages, concessions, compromis, aux demi-mesures, jamais aussi brillants que dans les écarts les plus acrobatiques. Ainsi Flot a eu beau travailler aux côtés de Lebovici, ça le sidère encore et l’émeut toujours que cet homme, « le plus puissant du cinéma français, le patron et cofondateur d’Artmedia, ait pu passer son temps à publier des auteurs révolutionnaires radicaux, dont son grand ami Guy Debord pour qui il avait acheté un cinéma qui ne projetait que ses films situationnistes ». Rassam aimait aussi ce type d’écart entre matérialisme et refus des convenances (la définition philosophique du cynisme, tiens tiens !), affirmant que s’il avait choisi de réussir dans le cinéma, c’était parce qu’il s’agissait du milieu dans lequel « on trouve les gens les plus cons ». Dans ce livre, moins catalogue des tycoons français (il y a quelques exceptions étrangères) que regard empathique sur des aventuriers du siècle, Flot ne néglige pas non plus les aventuriers de l’art pour l’art, parfois plus discrets, mais qui osèrent le tout pour le tout, comme Georges de Beauregard, Anatole Dauman ou Humbert Balsan. « Eux, c’étaient des princes ! » Se niche dans cette liste un inconnu plus immense que tout, plus extraordinaire que la vie, plus grand que la vérité. Voire que ses collègues nababs : un certain Émile Couzinet. « Lui, c’est grandiose. Il avait monté un système de studio et de production dans le Bordelais qu’on avait même surnommé Hollywood-sur-Gironde », exulte Flot en tapant des poings sur la table. C’est là qu’il produisit Quand te tues-tu ?, Le Congrès des belles-mères et Mon curé champion du régiment. Hilare, Flot me demande : « Savez-vous comment on surnommait cet hurluberlu ? “Le Napoléon du navet” ! » Grandiose, oui !


Bravo à Maylis de Kerangal !

lauréate du Prix Orange du Livre 2014 pour son roman “Réparer les vivants”, éditions Verticales

la lecture change avec Orange Chaque année, le Prix Orange du Livre récompense une œuvre littéraire française. Présidé par Erik Orsenna, le jury est composé d’écrivains, de libraires et de lecteurs. continuez à partager vos lectures sur www.lecteurs.com

la vie change avec


le nez dans le texte

De la mesure

O

par François Bégaudeau

Des jours que je n’ai pas oubliés P.O.L 256 p., 14 e

n a tort de se méfier d’un livre prélevé sur le vécu. On devrait plutôt y voir un gage, non de sincérité – notion littérairement inepte –, mais d’incarnation. Au moins est-on sûr que l’auteur n’y distille pas des sensations et des idées abstraites, donc empruntées. Au moins, revenant sur sa rupture avec la mère de ses enfants – Julie Gayet –, Amigorena raconte-t-il des faits qui lui tiennent à corps. À plus forte raison si l’auteur se concentre sur les jours physiquement douloureux où il a compris que son couple était foutu. Néanmoins le risque est grand, alors, que le texte à fleur de vécu soit écrit à fleur de peau ; que la page de roman vire page de journal intime, noircie de mots à usage privé. Une des habiletés de Des jours que je n’ai pas oubliés est de foncer tout droit sur cet écueil en consacrant un bon tiers de ses pages au report de lettres écrites à l’aimée. Mais assumer une faute de goût ne la rachète pas, ni n’empêche qu’à l’oreille d’un tiers, en l’occurrence le lecteur, les mots de la passion ne sonnent comme de creuses banalités : « Sans toi je ne suis plus moi-même. Sans toi, je ne suis plus personne » ; « Je sais que tous les deux on aura besoin de beaucoup d’amour pour laisser cette terrible blessure se refermer » ; « Aime-moi. J’en ai terriblement envie. J’en ai terriblement besoin. » Monothéiste par nature, l’adresse du passionné à l’objet de sa passion m’exclut. Mon corps n’y est pas ; mon corps n’est pas engagé dans l’affaire ; mon corps n’entend que des foutaises. Raconter le plus intime de soi n’est ni bien ni mal. Seule importe la capacité du moi à s’objectiver en un soi. Amigorena se projette en « il » pour conter son errance d’une semaine. Le il n’est pas exactement le soi – et le soi, chez Dustan ou Levé ou d’autres, peut s’équiper du je –, mais « il » indique, a minima, une volonté de tenir la douleur à distance. La littérature commence avec cet écart. Une pulsion suicidaire fait littérature si elle se rétracte : « Au lieu de simplement mourir, il a écrit son désir d’être mort. » Il n’y a pas de littérature écorchée vive. Une plaie capable de s’écrire n’est plus si vive. Amigorena va plus loin, va trop loin, en affirmant que l’écriture est elle-même le remède. « L’écriture lui a sauvé la vie » ; « L’écriture est la souffrance qui lui permet de ne pas mourir de toutes les autres souffrances. » Cette pompe hisse le roman à des hauteurs, en surplomb de l’excès d’intimité, où l’écrit s’émancipe excessivement de la vie. S’extrayant de la bulle passionnelle, l’auteur débridé intègre la bulle de « l’écriture ». Livrés à

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leur seul magistère, les mots s’emportent, les mots ne se tiennent plus. Ils se tripotent sans gêne, sans plus retenir leur pente hyperbolique : « Sa vie avait été liée à l’écriture dès qu’il était né. » De même que la passion amoureuse s’autoalimente, nous voyons ici se déployer une littérature imbue de littérature. Le texte collait trop au vécu, le voilà qui en décolle, et développe le symptôme implacable d’un auteur qui s’écoute écrire : l’anaphore. Voir, dès la page 9, la mise en facteur de « il pense ». Ou, page 29, celle de « Elle lui a dit ». Ou cette litanie : « Rome qui approche, Rome que j’aime, Rome où nous avons passé Noël lorsque tu étais enceinte. » Car bien sûr, le récit chemine dans Rome et Venise plutôt qu’en banlieue de Dijon. D’emblée, ça fait littérature, comme un plan de pont de Seine éclairé fait cinéma. Le texte n’a plus qu’à consommer sans modération cette poésie prémâchée et la recracher sous forme de « il a poursuivi son éternelle errance dans Rome […], passant parmi les passants, étranger parmi les étrangers, ombre parmi les ombres ». C’est entre deux excès, au point de leur neutralisation réciproque, au point de collusion égalitaire entre le ressenti et sa stylisation, que le roman trouve ses tournures les plus justes. C’est entre je et il qu’il trouve sa bonne mesure, entre épanchement sans distance et stylisme pour épater la galerie d’art. Entre le chaud du vécu et le froid de l’analyse. Ainsi, « la nuit nous faisions l’amour partout, même dans le lit » dit sans afféteries, et avec un peu d’humour pour une fois, l’insatiabilité sexuelle des premiers temps. Écrire qu’on se tuerait pour ses enfants, c’est banal comme un cri du cœur. Écrire que lesdits enfants sont « indéniables », c’est vêtir cette expression brute d’une élégante étoffe de lucidité objective. C’est glisser un buvard entre la page et soi, comme fait l’adverbe dans « Il supplie, doucement, le soleil de se lever ». Comme fait la prétérition dans une des Lettres à Lou reportées témérairement par Amigorena : « Je n’ose plus guère vous dire que je vous aime car des choses aussi profondes obligent en quelque sorte ceux à qui on les écrit. » Je dis que je ne dis pas. Je dis sans dire. Je vous oblige sans vous obliger. Via Apollinaire murmurant son adieu à Lou dans le vacarme des obus, on se souvient soudain que la mesure classique, parfois ramassée en douze syllabes canoniques, est le creuset de la délicatesse : « Et souviens-toi parfois du temps où tu m’aimais. »


CUTTER’S WAY © 2014 Metro-Goldwyn-Mayer Studios Inc. Tous droits réservés. Distribué par Park Circus Limited.

LE CHEF-D’ŒUVRE D’IVAN PASSER ENFIN DE RETOUR AU CINÉMA !

JEFF JOHN

BRIDGES HEARD IVAN PASSER UNE PRODUCTION GURIAN ENTERTAINMENT "CUTTER’S WAY" AVEC JEFF BRIDGES JOHN HEARD ET LISA EICHHORN STEPHEN ELLIOTT ARTHUR ROSENBERG NINA VAN PALLANDT ANN DUSENBERRY DIRECTEUR DE LA PHOTOGRAPHIE JORDAN CRONENWETH MUSIQUE JACK NITZSCHE D’APRÈS LE ROMAN DE NEWTON THORNBURG SCÉNARIO JEFFREY ALAN FISKIN PRODUCTEUR PAUL R. GURIAN RÉALISATEUR IVAN PASSER

DARK STAR

UN FILM DE

VERSION RESTAURÉE INÉDITE

AU CINÉMA LE 25 JUIN


© DR

l’œil du monocle

Trivial Gondry

L conversation animée avec noam chomsky Michel Gondry sortie le 30 avril

e dernier film de Michel Gondry est encensé un peu partout. Normal, Gondry est une coqueluche qui peut faire à peu près tout ce qu’il veut (et qui ne s’en prive pas). Il est certain qu’il a du talent, un univers, comme on dit, fait de merveilleux et d’innocence roublarde, de bricolage et de virtuosité foutraque. Sa vision du monde est « sympa », quoique un peu naïve. Dans Conversation anmiée avec Noam Chomsky, il fait preuve d’un double culot où le public retrouve tel qu’en luimême l’ado de cinquante ans qui puise dans cette régression contrôlée son art de touche-à-tout : d’une part, affronter Noam Chomsky, le célèbre linguiste américain de quatre-vingt-six ans ; d’autre part, s’éclater dans un dédale d’animation graphique qui est l’aspect le plus réussi de l’entreprise, témoignant d’une volonté décomplexée de simplifier l’approche d’un penseur difficile : dessins réalisés in situ, incrustations de l’image vraie dans l’animation, imitation des paroles du maître par les graphes « à même la pellicule », réflexivité brouillonne du réalisateur commentant sa méthode de tournage, bande-son où l’on entend les « mmm » d’approbation de Gondry devant les mots de Chomsky, rien ne manque pour produire un docu d’animation très animé et très « contemporain ». À part ça, le film est faible. La saturation iconographique se retourne contre son sujet, laissant se déployer une virtuosité tressautante et vaine. La raison est simple : Gondry n’a rien à dire sur Chomsky, et on sort de cette heure et demie de trépidants sautillements graphiques avec l’impression de n’avoir rien appris sur celui que le réalisateur présente d’emblée comme le « plus grand philosophe actuel ». On comprend alors pourquoi Gondry a – habilement – choisi la forme du dessin animé : pour mieux masquer la superficialité complète de son propos, et non comme il l’avance de façon retorse « parce que les films sont menteurs par nature » (très platonicien, ça). En réalité, Gondry,

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par Thomas Clerc qui cultive la vraie-fausse naïveté au point de sombrer parfois dans l’ineptie (de l’astrologie féminine à la critique des joints), n’a aucun point de vue sur Chomsky, et ce n’est pas son petit moment d’autodépréciation intellectuelle qui donnera le change. Si l’on fait un film sur Chomsky (il y en a déjà eu pléthore parce que Chomsky est un incorrigible rhéteur), la moindre des choses est d’être au service de sa pensée. Mais Gondry a tellement peur du didactisme qu’il a substitué à une approche rigoureuse du philosophe, dont il est incapable, son énergie évidente mais soûlante de graphiste candide. Ce n’est pas une raison pour nous infliger des questions autobiographiques de niveau 3e, dont la teneur philosophique est de cette farine : « Qu’est-ce qui vous rend heureux ? — Les enfants, les amis. » Chomsky linguiste est trop complexe pour passer à l’écran, il fallait donc l’aborder par l’angle politique (ce qu’avait fait le passionnant documentaire de 1992 La Fabrique du consentement), puisque sa conception de l’engagement est porteuse d’une véritable subversion du contexte américain. Or Gondry n’est pas un réalisateur politique, c’est le moins qu’on puisse dire ; aussi se croit-il obligé de nous verser un couplet sur l’antisémitisme des années trente, qui ne nous apprend rien de plus que les autres topos systématiquement trivialisés au point de devenir d’une banalité totale : l’univers a été créé par le Big Bang, le langage est apparu il y a trentecinq mille ans, un arbre a une identité propre, etc. Le très bavard Chomsky n’ayant en face de lui personne (c’est le problème du film qui n’est ni « sur » ni « avec » Chomsky) à part un Narcisse du Stabilo-feutre qui se voit complaisamment gratifié d’un « Vous êtes aussi intelligent que Platon », sa parole même finit par se galvauder jusqu’au malaise : comparer le sort des Roms en France à celui des juifs sous l’Allemagne nazie est grotesque. Quand on a soutenu Faurisson au nom de la liberté d’expression, il faut choisir un sparring-partner moins surdoué mais moins trivial que Michel Gondry.


UNE FABLE GRINÇANTE SUR

LA FOLIE MÉDIATIQUE

LES GENS QUI COMPTENT EN LIBRAIRIE LE 7 MAI 2014


le journal de

Mrs Robinson n’a pas pris une ride Jean-Paul Chaillet, qui signe une belle biographie de Somerset Maugham, nous dévoile les coulisses d’Hollywood, où il est correspondant.

© DR

Le 17 avril

Jean-Paul Chaillet

Live read au LACMA, le Los Angeles Country Museum of Arts sur Wilshire Boulevard. C’est la dernière lecture publique en direct de la saison sous la direction du metteur en scène Jason Reitman qui a seulement révélé via Twitter avoir choisi Le Lauréat. Le principe consiste à faire lire le script du film dans son intégralité à des acteurs dont le public ignore les noms jusqu’au dernier moment. Pas étonnant que les six cents fauteuils du Bing Theater soient tous occupés. Le public, excité à l’avance d’entendre en guise de teaser la musique de Simon & Garfunkel. Décidément la chanson « Mrs Robinson » n’a pas pris une ride. Dans la salle, présence discrète de Buck Henry, scénariste du film iconique réalisé par Mike Nichols en 1967. Et voilà les participants qui déboulent sur scène, sous les applaudissements. Surprise de taille, c’est Sharon Stone qui jouera Mrs Robinson, la séductrice cougar d’un Benjamin incarné par Jay Baruchel. Sexy et chic avec ses lunettes et ses cheveux relevés en chignon, la star est très convaincante. On imagine un remake avec elle. Parions qu’elle ne serait pas contre.

Le 21 avril

Somerset maugham Séguier 196 p., 19 e

COLCOA. Les six initiales de City of Lights/City of Angels. Rendez-vous annuel qui, depuis dix-huit ans, offre à un public fidèle et enthousiaste une copieuse sélection de films français récents, souvent en présence de leurs réalisateurs et de leurs stars qui ont fait le voyage à Los Angeles. Cocktail d’ouverture ce soir à la Director’s Guild sur Sunset Boulevard, suivi de la projection de We Love You, You Bastard (en VF Salaud on t’aime) de Claude Lelouch en présence du réalisateur et de Johnny Hallyday, détendus et visiblement heureux de l’accueil. Amusant de lire dans le programme les traductions inventives des titres des films présentés. Turning Tide pour En solitaire. Me, Myself and Mom pour Guillaume et les garçons à table, Quantum Love pour Une rencontre de Lisa Azuelos avec Sophie Marceau.

Le 25 avril

Dans le cadre de Paris Photo Los Angeles, expositionhommage à Dennis Hopper aux studios de la Paramount, sur Melrose Avenue. Des clichés en noir et blanc mélancolique pris dans les sixties. Je me souviens tout à coup d’avoir été le retrouver au Nouveau-Mexique où il réalisait Backtrack pendant l’été 1988. Il tournait une séquence en extérieur à quelques heures de route de Santa Fe, à côté de la log cabin qu’il avait bâtie luiPage 12 / TRANSFUGE

même avec son frère au début des années soixante-dix. C’est là, dans la majestueuse isolation de paysages spectaculaires, qu’il avait trouvé refuge pendant la période de pleine défonce, lors du montage fou de The Last Movie… Il faisait très beau. Le ciel était d’un bleu dur, très pur. On semblait si loin de tout, perché au bord de cette mesa aride dominant un canyon escarpé dont les rochers prenaient des teintes changeantes allant de l’ocre au rose selon l’orientation du soleil. Des ondes bien palpables émanaient de cette terre indienne, un peu mystérieuse. Dans le film, Jodie Foster incarnait une artiste témoin d’un meurtre et poursuivie par un mafieux joueur de saxo joué par Hopper. Ce jour-là, elle avait du mal à dissimuler son impatience avec lui. La tension palpable entre les deux empirait au fil des heures, au point qu’elle ne lui adressait plus la parole. Pour ne rien arranger, elle devait pour les besoins d’un plan attraper un agneau égaré au bord d’un précipice vertigineux. Prise après prise, l’animal lui échappait, aussi récalcitrant qu’incontrôlable… Le film était sorti deux ans plus tard, dans l’indifférence générale, signé Alan Smithee…

Le 30 avril

Midi aux studios de la Warner. Projection privée pour quelques privilégiés de Jersey Boys, trente-troisième film de Clint Eastwood réalisateur. Adaptation du hit de Broadway retraçant la destinée de Frankie Valli et des trois membres fondateurs du groupe The Four Seasons. Leurs tubes « Sherry », « Big Girls Don’t Cry », « Oh, What a Night » restent emblématiques des sixties. Une success story comme les aiment les Américains… Surtout un genre de film inédit pour Eastwood. Début octobre, j’avais pu le voir à l’œuvre, dans l’antre du vaste Soundstage 34 au Warner Bros Ranch, tout près d’ici. On était au trente-cinquième jour de tournage et il n’en restait que cinq. À bientôt quatre-vingt-quatre ans, il affichait son flegme légendaire, tournait vite, sans états d’âme, dans une ambiance détendue et efficace. Nous avions déjeuné ensemble, en milieu d’aprèsmidi. Il s’était contenté d’un morceau de saumon grillé, d’une assiette de légumes verts et d’un bol de salade de fruits. Sans oublier sa ration de vitamines. Il mastiquait lentement, répondant laconiquement à mes questions. On s’étonnait qu’il n’ait pas été derrière une caméra depuis avril 2011 pour J. Edgar. A-t-il été en manque ? Sa réponse, dans un souffle voilé à peine audible, sourire en coin et regard vert-bleu ironique ? « Voyez-vous, pour moi, la mise en scène, c’est comme le golf : j’aime beaucoup y jouer, mais rien ne m’y oblige… »


L’ ÉDITION 2015

DU PRIX LITTÉRAIRE DE LA PORTE DORÉE RÉCOMPENSE GEORGIA DE JULIEN DELMAIRE, GRASSET.

Le prix littéraire de la Porte Dorée récompense un roman ou un récit sur le thème de l’exil.

MUSÉE DE L’HISTOIRE DE L’IMMIGRATION

PALAIS DE LA PORTE DORÉE - 293 avenue Daumesnil - PARIS 75012

www.histoire-immigration.fr Métro 8 - Tramway

3a

- Bus 46 - Arrêt : Porte Dorée

Avec le soutien de En partenariat avec


Pierre Herb

pierre herbart, l’orgueil du dépouillement Grasset 624 p., 29 e

« Avec mes cheveux courts et drus, mon regard sans feinte, j’avais la plus saine figure de garçon du nord qu’on puisse imaginer », écrit Pierre Herbart dans L’Âge d’or, alors qu’au lycée l’un de ses condisciples l’avait jugé morbide, pour avoir soudain rejeté ses conquêtes féminines de petit Don Juan au profit de l’amour des garçons. Il est né à Dunkerque, en 1903, mais très tôt surnommé « le Viking », il arborait les signes d’une ascendance plus nordique et moins française qu’indiqué sur sa carte d’identité. Toute sa vie, il n’a pourtant cessé de se référer à son père légal. Il a fait un déclassé volontaire de ce clochard, mort dans un fossé après avoir été déshérité par son propre père, deux fois président de la Chambre de commerce, acteur du développement portuaire de Dunkerque avant la Première Guerre. À jamais choqué par le gouffre des différences sociales, Herbart restera fidèle à l’injonction énoncée par le titre de son deuxième roman, Contre-ordre !

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© DR

Après ses années de lycée, Herbart vient vivre à Paris, assuré d’un petit emploi. Il écrit, le milieu littéraire l’attire. En 1926, il rencontre Cocteau, qu’il admire. Trois ans plus tard, celui-ci l’invite à le rejoindre dans une propriété de Coco Chanel, où il se remet d’une cure de désintoxication, futur sujet d’Opium. Le poète n’y est pas seul, mais avec celui dont il voudrait faire un nouveau Radiguet : Jean Desbordes. Dans Castor, l’une de ses « histoires confidentielles », Herbart raconte à quel « désordre atroce » (mais ayant valeur « d’ordre souverain ») Desbordes et lui se sont livrés (ou « soumis »), à Marseille une fois leur aîné reparti à Paris veiller aux épreuves des Enfants terribles. Gide passe voir Cocteau pendant son absence, et tombe sur un jeune inconnu, Herbart, seul dans la demeure. Il en fait bientôt le plus proche de ses intimes. (Cette photo d’Herbart et de Desbordes, de 1929 ou 1930, aurait été prise chez le peintre Jean Hugo.)

© DR

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la mémoire retrouvée

Gide encourage Herbart à écrire pour le libérer de sa dépendance à l’opiu m et de l’i n f luence de C oc teau . I l lu i présente Elisabeth van Rysselberghe, la mère de sa fille Catherine. S’il joue les apparieurs, c’est un mariage d’amour qui s’ensuit, en septembre 1931. Mais tenant un engagement antérieur, Herbart s’embarque presque aussitôt après pour l’Indochine, où il rejoint la reporter Andrée Viollis. Il apprécie part iculièrement Cholon, le quartier chinois de Saigon, dont on juge de l’animation des rues à cette photo. Il se dit proche du tempérament des Chinois. Il pousse d’ailleurs jusqu’en Chine, est témoin de l’intrusion des Japonais à Shanghai, fin janvier 1932. Ses enquêtes en Indochine ravivent sa haine viscérale du colonialisme, contractée lors d’un précédent voyage en Afrique. Il adhère au parti communiste, met son art au service de la Révolution, infléchit en ce sens la rédaction de Contre-ordre. « L’amour à lui seul exige une société nouvelle. »


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Souvenirs imaginaires (vers 1925) : « Le hasard décide de nos vies. Je suis à Grasse et j’espère gagner Marseille par l’“intérieur”. J’arrive dans un village, Cabris. Je ne sais quoi m’y plaît, et même m’envoûte. Je veux y rester. » Il y reste. Y séduit quelques garçons. Il y revient, séduit en retour par l’un d’eux. En 1936, il y fait bâtir maison, avec son épouse. Gide fait de nombreux séjours aux Audides, Camus y écrit en partie L’Homme révolté. Quand Elisabeth van Rysselberghe veut divorcer, lui reprochant une liaison avec une jeune femme, Herbart n’entend pas perdre le droit d’y habiter. Il devra s’y résoudre. Le divorce a lieu en 1968. Huit ans plus tard, lorsqu’il meurt à Grasse, dans la misère, à demi paralysé, il est mis dans la fosse commune. Le jeune homme qui l’hébergeait a gardé pour lui l’argent qui lui avait été confié pour ses obsèques ! Ses tout derniers amis se sont à nouveau cotisés pour lui donner une tombe à Cabris, où il repose, comme il l’avait souhaité.

Herba r t s’est refusé à toute reconnaissance officielle de son rôle de résistant, s’excluant ainsi des sphères du pouvoir. S’offrait p ou r t a nt à lu i u ne g r a nde carrière dans le journalisme ou la politique. En 1945, il publie son troisième roman, Alcyon, aussitôt tenu pour un chef- d’œuv re. Littérairement, il a trouvé sa voie : un art simplissime de conter, camouflant une charge critique à effet retard, qui suffit à en faire un écrivain au talent des plus rares. Gide se montre indifférent. Aurait-il eu vingt ans qu’il s’en serait suicidé, confiera plus tard Herbart, regrettant de n’avoir jamais su quel sens avait eu pour Gide leur amitié d’un peu plus de vingt ans. Son petit essai, relevant de l’analyse clinique, À la recherche d’André Gide, lui a v a lu l ’acr i monie imbécile de ceux qu i se veu lent encore plus gidiens que le ma ît re. ( D eb out d e v a nt Gide, Herbart masque ici son ami Claude Mahias, qui veillera de loin sur lui, la déchéance venue. Photo de 1949.)

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Fin novembre 1935, Herba rt part en URSS, envisage de s’y installer. Il y prépare le fameux voyage de Gide, en revient aussi désillusionné que lui (En URSS 36, La Ligne de force). Ce ne sont pas les slogans patriotiques qui peuvent l’inciter à la résistance, après juin 1940, mais l’aide à apporter aux « évasions des Israélites fuyant les persécutions ». Choisi en mai 1944 par le Mouvement de libération nationale comme délég ué rég iona l pour la Bretagne, il est l’artisan de la libération de Rennes. Il signe le premier éditorial de la presse libre, dans Défense de la France, qu’il fait sortir de la clandestinité. À la Libération, Camus l’appelle à Combat. Il dirige Terre des hommes, un hebdomadaire d’informations internationales et culturelles, dont il a arraché la création au MLN. L’aventure tourne court, mal v ue par le ministère de l’Information. La France est peutêtre libérée de l’occupant, mais la presse ne l’est pas des pouvoirs politique et financier.

par Jean-Luc Moreau

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Pierre Herbart, le romancier oublié d’après-guerre, est ici ressuscité par Jean-Luc Moreau, qui signe une belle biographie de cet ami de Cocteau et Gide.

POUR ATTAQUER / Page 15


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