TRANSFUGE N°114

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Décembre 2017 / N° 114 / 6,90 €

All, Bel , Esp, Ita, Lux, Port Cont , DOM, Rou : 8,90 e - Mar : 84 DM - Can : 13,60 $CAD

TRANSFUGE

T \ #114 \ 12- 2017

Choisissez le camp de la culture

PETER HANDKE : « JE SUIS UN TYPE NAÏF »

M 09254 - 114 - F: 6,90 E - RD

3’:HIKTMF=YU[^U^:?a@l@b@e@k"; DUSTIN HOFFMAN : « J’aimais chasser les filles » 00-CVT_P001.indd 1

CINÉMA : Raymond Depardon, Pedro Pinho, J.C Lynch

SCÈNE : Wajdi Mouawad, Macha Makeïeff, Patrick Pineau 16/11/2017 17:48


POTEMKINE FILMS PRÉSENTE

QUI A DIT QUE LA VIE DE FAMILLE ÉTAIT UN CONTE DE FÉES ?

un film de JAN P. MATUSZY

Scannez pour découvrir

ANDRZEJ SEWERYN

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DAWID OGRODNIK

SKI

ALEKSANDRA KONIECZNA

ANDRZEJ CHYRA

la bande-annonce

AU CINÉMA LE 17 JANVIER 15/11/2017 19:18


Jeunes écrivains, fuyez le spectacle

A

par

Vincent Jaury

cette rentrée littéraire, deux jeunes écrivains, Francois-Henri Désérable et Clément Benech sont invités à l’émission Quotidien, animé par Barthès Yann, à ne pas confondre avec Barthes Roland. Le premier a écrit un livre autour du très populaire Romain Gary, Un certain M.Piekelny, l’autre s’est fait connaître pour être le roi de la vanne sur Twitter. Les deux écrivains, moins de 30 ans, sont présentés comme la nouvelle garde française, à ne pas confondre avec l’avant-garde française, morte aux alentours de 1975 selon d’éminents spécialistes. Les deux écrivains se renvoient la balle, se renvoient la vanne, le show est bien rodé. Et, cerise sur le gâteau, ils sont beaux, parfait pour la télé. Ils ont deux minutes pour vendre leur soupe, ils le savent, deux mots magiques doivent suffire pour que ça marche : Désérable ce sera « Gary », Benech ce sera « virtuel ». Posons la question frontalement : Ont-ils écrit leur livre dans l’espoir d’être facilement invités à la télé ? Et in fine, optimiser les ventes de leurs livres, ou dit comme Bourdieu, gagner en terme de pouvoir financier ? Encore plus frontalement : ont-ils écrit leur livre pour faire du fric ? Je vous laisse deviner. C’est à cette analyse que s’attelle Vincent Kaufmann, spécialiste de Debord, dans son livre rigoureux et intuitif, Dernières nouvelles du spectacle, ce que les médias font à la littérature, (Seuil). Sans idées déclinistes, il décrit ce que sont devenus les auteurs à l’ère de la médiasphère. Une description qui part de la mort de l’auteur conceptualisée par Barthes et Foucault, à sa résurrection à partir d’Apostrophes (1975), quasiment concomitante à la naissance de l’autofiction (1977). C’est ce que Désérable et mille autres ont bien compris, dans le spectaculaire intégré, selon l’expression de Debord où « Tout serait désormais soumis et conforme aux exigences du capitalisme » : il est plus aisé de vendre du biographique ou de l’autobiographique, que des techniques narratives ! Sollers ouvrit la voix avec Femmes (1983) puis Duras avec L’Amant (1984). Le champ littéraire, pour Kaufmann, a perdu son autonomie, à l’exception de quelques résistances. A partir des années 80, qui correspondent, comme l’a perçu dans La Décennie François Cusset, au triomphe du libéralisme, le capital symbolique (reconnaissance par ses pairs) s’est vu réduire à presque néant, à l’avantage du capital financier. Se souvient-on de ce temps où des écrivains méprisaient le succès ? Ce temps où des écrivains

souhaitaient se rendre illisibles pour en aucun cas ne être récupérés par la société bourgeoise. Le monde a changé, le monde des lettres aussi. Indéniablement. Kaufmann rappelle par ailleurs un fait intéressant : Jusqu’à Apostrophes, la télé se déplaçait chez les écrivains pour les interviewer. On allait recueillir une parole singulière, rare, littéraire, hors spectacle, non contaminé par lui. L’écrivain, en France, jouissait d’un statut à part, une sorte de sacralisation. Depuis, c’est le contraire, ils sont invités à participer à telle ou telle émission. Kaufmann en tire les conséquences : la spectacularisation de l’auteur s’accompagne d’une désacralisation, d’une banalisation. On invite un écrivain à côté d’un sportif, d’un cuisinier, d’un chanteur... Il est invité au même titre que les autres. Dans le même sens, Kaufmann observe que des écrivains sont invités, depuis quelques années, en dehors de la promotion de leurs livres. L’objet livre a même disparu du spectacle, l’écrivain ou l’écrivaine suffisent. On peut même continuer dans cette logique spectaculaire, en constatant que Yann Moix et Christine Angot, chroniqueurs au centre de l’émission On n’est pas couché, sont des écrivains intégrés à ce spectaculaire intégré, qui sont passés de l’autre côté de la barrière, du côté de la production du spectacle. Il n’y a là plus une once de résistance, mais plutôt une collaboration assumée, à la marchandisation du champ littéraire. La perte d’aura selon l’expression de Benjamin, est ici poussée à son extrême. Si les formes du spectacle ont changé avec les réseaux sociaux, on demeure dans la même économie de l’attention, une économie où l’auteur ne désire rien de plus que quelques minutes d’attention. L’autorité du public a là aussi, dans le numérique, remplacé l’autorité reconnue par les pairs. A l’ère du spectaculaire numérique, Le nombre de like a plus de valeur pour un écrivain qu’une reconnaissance de Peter Handke. Une chose est sûre à lire cet essai : si vous êtes un jeune écrivain, retirez-vous du spectacle, ne comparaissez pas devant les médias, ne vous sacrifiez pas à eux, vous y avez tout à perdre. La notoriété n’est pas gage d’autorité, au contraire. Sollers s’y est brûlé les ailes dans les années 80, et à sa suite beaucoup d’autres. Faites-vous désirer, restez discret et imposez vos propres sujets, qui ne sont surtout pas ceux des médias. Regardez Patrick Modiano, Pascal Quignard, Peter Handke... Vivez cachés, vivez écrivains. ÉDITO / Page 3

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PETER HANDKE

NEWS

3 /  Édito 6 /  On

© DR

N°114 DÉCEMBRE 2017 © LAURA STEVENS

SOMMAIRE

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DUSTIN HOFFMAN

Pa

DU CÔTÉ DE LA LITTÉRATURE

20 /  Nous

prend un verre avec Jean-Baptiste Germain

vous avons sélectionné dans les pages critiques une vingtaine de livres, des classiques et des contemporains, dont quelques-uns font événement : Peter Handke qui fait notre couverture, et aussi Claude Arnaud, Simon Liberati, Dominique Fernandez et Peter Weiss.

CHRONIQUES

59 /  Polar

8 /  Le

60 /  Remous :

retour sur le livre de Philippe Besson, Un personnage de roman

64 /  Remous :

L’Europe coloniale par Serge Gruzinski

nez dans le texte par François Bégaudeau

10 /  Croyez

ce que vous voulez

12 /  Interview

express : Piedad Bonnett

14 /  Interview

express : Miwa Nishikawa

16 /  Interview

express : Patrick Poivre d’Arvor

18 /  En

coulisse avec Paul Otchakovsky-Laurens

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© DR

© SIMON GOSSELIN

EXPOSITION 1 0 N OV. 17 26 MARS 18

TOUS DES OISEAUX

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SUR LES ÉCRANS

Page 68 68 /  Nous

vous avons sélectionné les meilleurs films du mois, avec trois événements : un entretien exclusif avec Dustin Hoffman, 12 jours et L’Usine de rien.

Page 96 96 / Scène : 106 /  Art :

114 /  En

EN VILLE Tous des oiseaux de Wajdi Mouawad à la Colline

exposition Jean Echenoz à la BPI

route ! Va devant !

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ARCHITECTURE & SCIENCES EXPLORENT LE MONDE citedelarchitecture.fr #ExpoGlobes

Cité de l’architecture & du patrimoine Palais de Chaillot – 1 place du Trocadéro Paris 16e – M° Trocadéro

Maison et observatoire d’Isaac Newton par Thomas Ennis Steele, 1825 / Graphisme : agent M

88 /  DVD

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Par F rédéric M ercier P hoto F ranck F erville

« Je préfère un cinéma maladroit » du théâtre de l’absurde, cet ancien professeur de cinéma qui ressemble comme deux gouttes d’eau à Belmondo (« oui mais jeune, j’espère » s’amuset-il), enseigna aussi le théâtre (en Bulgarie, pour suivre une femme, si j’ai bien compris). Il fut aussi assistant réalisateur sur de nombreux films, co-auteur en 2014 d’un documentaire intitulé Le cinéma français se porte bien . Il me montre des photos d’un récent séjour en Albanie où il cherche avec un appareil argentique à retrouver dans les paysages étrangers les sensations de son enfance. Pour pouvoir tourner Lac noir, en dehors des systèmes traditionnels, il a créé sa propre résidence intime, dans la région de sa jeunesse, avec ses amis. Ecrit en cours de tournage, souvent improvisé, Lac noir est le récit du chemin de croix d’un homme malade (joué par son meilleur ami,

Bruno Dauphin), sans doute ancien fasciste qui, aidé par une jeune femme pleine d’abnégation, recherche un lac de son enfance. « Le film est tourné en 4/3 et en noir et blanc pour retrouver les premières images de ma vie, découvertes sur une vieille télé noir et blanc. » Film troublant et complexe, mal aimable parfois, hanté par des questions de doute et de foi (« j’ai eu une sorte d’illumination, pareille à un coup de foudre, quand j’ai découvert L’Adoration de l’Agneau mystique de Van Eyck »), Lac noir interroge l’empathie du spectateur envers un personnage détestable au bord de la mort. Rien d’étonnant à ce qu’Alain Cavalier, artisan aujourd’hui d’un cinéma à l’os fait de bric et de broc, ait aimé ce film sans artifice. Avec Lac noir, comme Le Régicide, Jean-Baptiste fait montre d’une foi étonnante dans les forces primitives du cinéma. Il poursuit ainsi un travail entamé lorsqu’il fut co-président de l’ACID de 2014 à 2016 et qui révéla des films précaires, et de nombreux talents. « Je préfère un cinéma maladroit, avec des fragilités à un autre, complètement bétonné où je n’ai jamais l’occasion de respirer. C’est exactement comme pour la photo : en choisissant un appareil à douze poses argentiques, je m’oblige à aller à l’essentiel. Avec ce cinéma à l’économie, c’est pareil. » Il ne déteste rien tant que le ronron, le cahier des charges habituel des scénarios cousus de fil blanc. Il a ainsi passé sa vie à se renouveler, changer de métiers, inventer des concepts nouveaux comme le WIP, le premier festival de films en cours de création. Aujourd’hui, ce type aussi drôle que mélancolique, travaille sur un documentaire sur les juifs dans le monde arabe et s’est attelé à un projet de docu-fiction, très proche de Peter Watkins, pour raconter le destin de Hubert Lagardelle, figure intransigeante du socialisme, mais qui finit dans le gouvernement de Vichy. Ce soir-là, comme je n’étais pas avec une comédienne, Franck (le photographe) ne sautillait pas comme à son habitude. Mais avec Jean Baptiste, ils ont parlé photo et du pouvoir de faire revivre le passé sur pellicule. C’est dire si le vin chaud, corse j’insiste, nous a bien réussi.

© Melania Avanzato

D

ehors, les premiers frimas. On a donc choisi de boire un verre de vin chaud corse dans un bistrot corse, près de Beaubourg. Puis un deuxième. Et encore un troisième. Et qu’importe s’il n’était pas encore 17h. Il fallait bien se réchauffer, parler à bâtons rompus et aussi se remémorer. Car, pour Jean-Baptiste Germain, auteur du Régicide et surtout de Lac noir qui sort à la fin décembre, le cinéma – du moins celui qu’il pratique, a un lien fort avec l’enfance et les souvenirs. Tout son travail photographique et de réalisateur est concentré vers la recherche du passé, les réminiscences d’une enfance heureuse passée dans la Drôme, dans une maison isolée du reste du monde, où il vivait auprès de ses parents bien aimés, dont un père peintre psychédélique, lequel s’était attiré avec ses tableaux parfois très sexués, les foudres d’une partie de la population avoisinante et notamment des enseignants catholiques de Jean-Baptiste. Parti à Montpellier étudier les Arts du spectacle, ayant écrit un mémoire sur Buffet froid de Blier, ce grand gloseur du cinéma comme

© DR

J’AI PRIS UN VERRE AVEC… JEAN-BAPTISTE GERMAIN

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ÉRIC VUILLARD

L'ORDRE DU JOUR

“Chef-d’œuvre !” Grégoire Leménager, L’Obs © Melania Avanzato

“L’écrivain est percutant, l’historien implacable. On lit rarement de telles pages.” Bernard Pivot, Le Journal du dimanche

“La démonstration d’Éric Vuillard est limpide, cinglante, implacable.” Nathalie Crom, Télérama

PRIX GONCOURT 2017

*Également disponible en livre numérique

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La mémoire n’a pas d’histoire A propos de L’Art de perdre, Alice Zeniter, Flammarion

P

our raconter soixante-dix ans d’une famille harki, Alice Zeniter s’est documentée. Se documentant, elle a fini par en savoir beaucoup plus que ses personnages sur le régime colonial, les « événements », l’arrivée des « supplétifs » en France. La voilà gorgée d’informations qu’elle a envie de livrer à son lecteur, mais qu’elle ne peut livrer sans sortir du point de vue des personnages (grand-père puis fils puis petite-fille) auquel elle tient à s’astreindre. Contradiction interne. Problème. Il y a des solutions. Il y a des ruses. Par exemple la prétérition. Ne pouvant s’appuyer sur le savoir du personnage, on s’appuie sur son ignorance. Lorsqu’un chef nationaliste descend des collines pour rallier le village où Ali est comme le patriarche, on écrit : « Ali ne sait pas que les militaires et la police française l’appellent entre eux « le loup du Tablat ». Ou, une fois la famille réfugiée en France et sans nouvelles du pays : « La radio ne leur apprend pas tout ce qui se joue en Algérie au moment du coup d’Etat. Elle ne leur dit pas, par exemple, que la France profite de ce nouveau changement pour conclure avec le nouveau gouvernement un accord…». Autre ruse : si les événements ne viennent pas aux personnages, envoyer les personnages aux événements, au mépris de la vraisemblance. Désireuse d’évoquer l’attentat du Milk Bar, qui lance la Bataille d’Alger, la romancière trouve un prétexte pour qu’Ali, qui n’y a jamais foutu les pieds sauf en 62, s’y rende le jour fatidique. Ce qui autorise à raconter cet épisode. A vrai dire, L’Art de perdre est plus léger lorsque l’auteure assume la bipolarité de sa narration ; quand elle affiche l’écart de science et de culture entre elle et ses créatures : « Camus trouverait qu’il ressemble un pâtre de la Grèce Antique mais Hamid pense simplement qu’il doit avoir froid ». Quand elle ouvre sans scrupule une parenthèse explicative : « (C’est une des punitions que le FLN a choisi pour les traîtres : déminer à mains nues les frontières que les Français avaient criblées de pièges) ». Ou, plus transparent encore, quand elle révèle sa source - archive des massacres de Sétif dans un film de Barbet Schroeder, mot du général Duval au gouvernement après lesdits massacres (« je vous ai donné dix ans de paix »), notes de généraux, note de Pompidou sur la régulation des camps de harkis, numéros du Travailleur catalan, lettre de préfet des Bouches-du-Rhône, documentaire sur la bataille de Monte Cassino. A quoi il faut ajouter des références si intempestives

LE NEZ DANS LE TEXTE

qu’assurément issues du paysage culturel de l’auteure seule - l’Enéïde, un film de Desplechin, un reportage sur la compagne de Cioran, etc. De loin en loin, un « je » rappelle à qui revient la prérogative de narrer, trier, conter, ordonner, compléter, informer, fictionner - « c’est du moins ce que j’imagine ». Privilèges de celle qui s’est coltiné les recherches et maintenant l’écriture, Alice Zeniter en personne. Or une certaine Naïma, au centre du prologue et souvent mentionnée par la suite, semble avoir les mêmes attributions : « les documents lus par Hamid, en réalité, sont plus succincts ; c’est Naïma qui, grâce à ses recherches, étaiera le propos ». C’est Naïma qui a vu le Desplechin, Naïma qui « établit des accords (d’Evian) le résumé suivant, sur un document Word, à grand renforts de coupes et d’italiques ». Pourquoi Alice s’est-elle incarnée en Naïma? Pourquoi avoir voulu personnifier la recherche, scénariser la documentation, narrativiser l’investigation ? Parce que L’Art de perdre est un livre de son temps, où l’acte de se souvenir compte bien plus que le contenu du souvenir, où la mémoire subsume l’histoire. L’histoire s’attache studieusement aux faits qu’elle tâche de restituer, la mémoire s’attache surtout à son propre processus, pris comme fin en soi. La subordination de la première à la seconde est évidemment corrélée à l’idéologie psy. Il faut que l’investigation soit une introspection. Si Naïma se lance dans des recherches, c’est pour pallier le silence de ses grand-père (Ali) et père (Hamid) sur leurs années algériennes, silence dont elle s’estime atteinte par contagion, silence qui n’est surtout pas la marque d’une santé nietzschéenne, celle des seigneurs dotés d’une divine faculté d’oubli, mais d’un manque - « un trou à l’intérieur de son corps ». Les recherches et le voyage en Kabylie de Naïma sont de nature thérapeutique. Le voyage ne lui apprend rien, et à nous non plus, mais d’après les canons psys, seul compte qu’il ait lieu. La mémoire n’a pas besoin de faits, à peine besoin du réel. C’est une affaire de soi à soi. Le dernier tiers du roman, consacré au travail de mémoire de Naïma, inverse donc le dosage des deux premiers : peu de faits, beaucoup d’impressions. La densité sèche du récit dopé par la guerre et ses suites s’alanguit dans la complaisance contemplative du périple mémoriel. On peut dans la vie préférer la mémoire à l’histoire, mais ici démonstration est faite que la seconde est, en littérature, largement plus recommandable.

©2016 THE LONG EXCUSE PRODUCTION COMMITTEE

Par F rançois Bégaudeau

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The

Long Excuse UN FILM DE

©2016 THE LONG EXCUSE PRODUCTION COMMITTEE

NISHIKAWA MIWA

BANDAI VISUAL ET AOI PRO EN ASSOCIATION AVEC THE LONG EXCUSE PRODUCTION COMMITTEE PRÉSENTENT “THE LONG EXCUSE” DE NISHIKAWA MIWA AVEC MOTOKI MASAHIRO TAKEHARA PISTOL FUJITA KENSHIN SHIRATORI TAMAKI ET FUKATSU ERI D’APRÈS LE ROMAN “THE LONG EXCUSE” DE NISHIKAWA MIWA CHANSON ORIGINALE “OMBRA MAI FU” INTERPRÉTÉE PAR TESHIMA AOI PHOTOGRAPHIE YAMAZAKI YUTAKA LUMIÈRE YAMAMOTO KOUSUKE SON SHIRATORI MITSUGU DÉCORS MITSUMATSU KEIKO MONTAGE MIYAJIMA RYUJI COSTUMES KOBAYASHI MIWAKO UNE PRODUCTION THE LONG EXCUSE PRODUCTION COMMITTEE PRODUIT PAR NISHIKAWA ASAKO YOSE AKIHIKO SCÉNARIO ORIGINAL ET RÉALISATION NISHIKAWA MIWA VENTES INTERNATIONALES ELLE DRIVER DISTRIBUTION FRANCE MAG DISTRIBUTION

WWW.MAGDISTRIBUTION.FR

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Le Goncourt du presque rien et l’artiste du presque tout

L

’Ordre du jour (Actes Sud) est un livre d’une grande intelligence, parce qu’il feint de nous parler du nazisme, alors qu’il nous parle de tout autre chose. Il nous délivre son véritable sujet page 24, lorsque l’auteur nous prévient que nous assistons à « un épisode assez ordinaire de la vie des affaires, une banale levée de fonds ». Voilà les trente premières pages du bref Goncourt, une réunion de propriétaires d’entreprises qui mettent au pot, comme il y en a tous les jours, à Paris, Londres ou Washington, pour financer les campagnes de Macron, May ou Trump. Presque rien. Mais ce presque rien participe ici à ce presque tout qu’est la littérature. Eric Vuillard traverse l’histoire en glissant de moment en moment, dérivant du face à face d’Hitler et Schuschnigg, au visage du bourreau de Nuremberg, jusqu’à cette description culinaire du déjeuner de Ribbentrop chez Chamberlain le jour de l’Anschluss. En cinéaste qu’il est aussi, Vuillard avance, recule, s’arrête, resserre sur un détail, cerne « l’aspect poisseux des combinaisons et de l’imposture ». On aime le « poisseux », les pages de Vuillard traquent l’élément sale qui vient détraquer l’histoire : l’impolitesse de Ribbentrop, la paresse des patrons d’entreprises. Ce n’est pas un livre sur le nazisme, mais sur la corruption, et le temps qu’elle prend pour dominer une société, un continent. Le voisinage aussi qu’elle entretient avec la terreur. Pour nous placer face à cela, Vuillard brouille la chronologie, intervertit le temps du roman et de l’histoire. Adoptant une double posture, avec les hommes qu’il raconte et après eux, il dérive du passé simple au présent, lieu où l’auteur peut nous alpaguer : « Ils s’appellent BASF, Bayer, Agfa, Opel, IG Farben, Siemens, Allianz, Telefunken. Sous ces noms, nous les connaissons. Nous les connaissons même très bien. (…) Ils sont nos voitures, nos machines à laver, nos produits d’entretiens, nos radios-réveils… ». L’Ordre du jour demeure à l’ordre du jour. Ce n’est pas un livre sur le nazisme. C’est un livre qui prête à penser. Beau geste des Goncourt d’avoir choisi ce livre.

Et de gestes, il est question dans un des livres sur l’art les plus passionnants de cette fin d’année : Traverser les murs, de Marina Abramovic (Fayard). La mystérieuse et mystique figure de l’art contemporain s’y livre enfin. D’Abramovic, on a connu d’abord le corps : celui qu’elle livra nue lors de performances, se laissant toucher, lacérer, peindre, « le public peut vous tuer », écrit-elle, puis qu’elle associa à son amant, Ulay dans les années 70, dans des vidéos qui montraient, par leurs courses nues, leurs cheveux nouées, le nœud de la bataille qu’était l’amour, selon eux. Dans le contexte d’un art contemporain effervescent, Joseph Beuys fut l’une de ses premières rencontres, la Serbe Abramovic surgissait, avec sa violence, son absolu. En se jetant, à corps perdu dans ses œuvres, elle interrogeait, remettait en cause, déplaçait le rôle de l’artiste. Cette autobiographie fut à sa parution un évènement aux Etats-Unis où elle est adulée, notamment depuis la dernière exposition qui lui a été consacrée en 2010 au MoMA, où elle recevait les visiteurs (jusqu’à la surprise de l’arrivée d’Ulay, après des années de séparation). On y découvre une enfance triste et riche dans l’ex-Yougoslavie, sa mère dirige l’un des plus grands musées de Belgrade. Un face à face terrible entre la petite fille et sa mère, la détresse de l’une, l’implacable exigence de l’autre pour la cultiver, la faire lire, la pousser vers l’art. Abramovic vit chez sa mère jusqu’à vingt-six ans, terrorisée, et fascinée : « j’étais sous sa coupe » écrit-elle. Elle lui obéit pourtant, suit une formation académique aux Beaux-Arts, part étudier auprès d’un peintre de paysage, revient à Belgrade, tenue par ce lien maternel. De cette éducation, d’autres auraient été écœurés, Abramovic en sort rebelle, transgressive, et maîtresse de son art. Car si cette vie s’avère riche, c’est avant tout le regard qu’Abramovic jette sur son parcours, et sur cet espace de vie et de mort qu’elle fit de son art qui nous retient à la lecture de ce livre. L’œuvre, comme lieu du presque tout. Oriane Jeancourt Galignani

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PRIX DU PUBLIC

PRIX YAD VASHEM

KATAPULT FILM presente avec le soutien de HUNGARIAN NATIONAL FILM FUND un film de FERENC TÖRÖK “LA JUSTE ROUTE” (1945) avec PÉTER RUDOLF BENCE TASNÁDI TAMÁS SZABÓ KIMMEL DÓRA SZTARENKI ÁGI SZIRTES JÓZSEF SZARVAS ESZTER NAGY-KÁLÓZY IVÁN ANGELUS ˝ MARCELL NAGY ISTVÁN ZNAMENÁK SÁNDOR TERHES maquillage ANNA TESNER costumes SOSA JURISTOVSZKY décors LÁSZLÓ RAJK directeur de production GÁBOR SZÁNTÓ son TAMÁS ZÁNYI h.a.e.s. musique TIBOR SZEMZO montage BÉLA BARSI h.s.e. directeur de la photographie ELEMÉR RAGÁLYI h.s.c. producteur délégué KATALIN HARRER d’après la nouvelle „HAZATÉRÉS” de GÁBOR T. SZÁNTÓ scénario de GÁBOR T. SZÁNTÓ FERENC TÖRÖK produit par IVÁN ANGELUSZ PÉTER REICH FERENC TÖRÖK réalisé par FERENC TÖRÖK

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