Février 2018 / N° 116 / 6,90 €
All, Bel, Esp, Ita, Lux, Port Cont, DOM, Rou : 8,90 e - Mar : 84 DM - Can : 13,60 $CAD
Transfuge
T \ #116 \ 02- 2018
Choisissez le camp de la culture
Rencontre avec le master
Paul Thomas Anderson
Pour Phantom Thread
M 09254 - 116 - F: 6,90 E - RD
3’:HIKTMF=YU[^U^:?a@b@b@q@k"; Cinéma Xavier Legrand ou le renouveau du cinéma français 00-CVT_P001.indd 1
Littérature Louise Erdrich, rencontre avec une grande de la littérature américaine
Scène Phia Ménard, Caroline Guiela Nguyen, Leyla-Claire Rabih 22/01/2018 14:56
JOUR2FÊTE PRÉSENTE
« Charlotte Rampling livre une performance remarquable et d’une intensité rare » TRANSFUGE
C H A R LO T T E
R A M P L I N G
HANNAH UN FILM DE ANDREA PALL AORO
“HANNAH” UN FILM DE ANDREA PALLAORO AVEC CHARLOTTE RAMPLING, ANDRÉ WILMS UNE COPRODUCTION ITALIE - BELGIQUE - FRANCE PARTNER MEDIA INVESTMENT LEFT FIELD VENTURES GOOD FORTUNE FILMS AVEC LE SOUTIEN DE EURIMAGES - COUNCIL OF EUROPE, MIBACT DIREZIONE GENERALE PER IL CINEMA, REGIONE LAZIO (POR FESR LAZIO 2014-2020), CREATIVE EUROPE MEDIA DEVELOPMENT, FONDO REGIONALE PER IL CINEMA E L’AUDIOVISIVO, LE CENTRE DU CINÉMA ET DE L’AUDIOVISUEL FÉDÉRATION WALLONIE-BRUXELLES, LE TAX SHELTER DU GOUVERNEMENT FÉDÉRAL BELGE, CASA KAFKA PICTURES EMPOWERED BY BELFIUS, AVEC LA PARTICIPATION DU CENTRE NATIONAL DU CINÉMA ET DE L’IMAGE ANIMÉE EN COPRODUCTION AVEC RAI CINEMA, TO BE CONTINUED EN ASSOCIATION AVEC SOLO FIVE PRODUCTIONS, LORAND ENTERTAINMENT, TAKE FIVE, TF1 STUDIO, JOUR2FÊTE VENTES INTERNATIONALES TF1 STUDIO MAQUILLAGE & COIFFURE VÉRONIQUE DUBRAY COSTUME JACKYE FAUCONNIER DÉCORATION MARIANNA SCIVERES SON GUILHÈM DONZEL MONTAGE PAOLA FREDDI DIRECTEUR DE LA PHOTOGRAPHIE CHAYSE IRVIN MUSIQUE DE MICHELINO BISCEGLIA COPRODUCTEURS DOMINIQUE MARZOTTO CHRISTINA DOW PRODUIT PAR ANDREA STUCOVITZ JOHN ENGEL CLÉMENT DUBOIN ÉCRIT PAR ANDREA PALLAORO ORLANDO TIRADO RÉALISÉ PAR ANDREA PALLAORO
AU CINEMA LE 24 JANVIER HANNAH_TRANSFUGE_210X285.indd 2 00_PUB_116_.indd 2
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L’air mordant, l’air des hauteurs
V
par
Vincent Jaury
oilà Nietzsche qui pointe son nez. Alerte, il observe ce qui se passe sur les réseaux sociaux. On parle beaucoup de morts, beaucoup de décès. Pas étonné, le goût du morbide des hommes, il sait, il a écrit dessus, rien de neuf sous le soleil noir de la mélancolie. Là où il est très fier, c’est qu’il avait eu l’intuition que les hommes geignaient en permanence, jérémiades à tous les étages, plainte, plainte, plainte. Les animaux, les femmes, les politiciens, les stars... La liste est infinie, et change selon le sens du vent. Diable, grâce à ses réseaux sociaux, il avait la preuve par un million de sa géniale intuition. Il est cependant un peu étonné que les Français soient devenus si lourds, lui qui vantait auprès des Allemands, décidément trop wagnériens à son goût, la légèreté française, son esprit, sa sensibilité, son humour. Voltaire, un de ses grands maîtres : enterré. Lui qui pensait avoir fait école, prétentieux qu’il était, ne voit trace de nietzschéens, à quelques réserves près. Il repense à une de ses phrases qui le mettait de si bonne humeur : « nous autres, oiseaux nés libres ! Où que nous allions, tout devient libre et ensoleillé autour de nous. » Où sont passés ces oiseaux libres ? Si vous en croisez un, ne le quittez plus, c’est une espèce en voie de disparition. Mais il se rassure, se dit qu’il n’est pas le seul des grands penseurs à être en échec : Montaigne, son grand ami avec qu’il partageait cette joie sceptique, n’avait-il pas conseillé aux hommes de converser sans passion, en ayant toujours conscience que son propre point de vue est friable ? Sur les réseaux sociaux, personne ou presque n’a lu Montaigne, c’est évident. Et son autre ami Epicure, installé confortablement dans son Jardin, à disserter sur le monde, loin des affaires de la cité, loin des pensées collectives, qui l’écoute aujourd’hui, alors que les hommes semblent répandre leur vie privée sans aucun scrupule et s’engager sur tel ou tel sujet comme on va pisser un coup ? On imagine alors Nietzsche aller au kiosque à journaux acheter son Transfuge, dont il a entendu parler en bien. On lui a dit qu’il pourrait retrouver l’air qu’il affectionne, l’air mordant, l’air des hauteurs. Il est heureux de découvrir que l’art, la beauté continuent à intéresser les hommes. Cette Américaine Louise Erdrich n’a l’air pas mal du tout. En tout cas Transfuge la considère comme une des très grands écrivains contemporains. Titre du roman : LaRose. Cette écrivain d'origine allemande, et amérindienne, intéressant. Et cette histoire de tragédie qui n’en est pas une, et qui finit en une histoire d’arrangement. Là où les hommes ne voient qu’idéaux, Erdrich ne semble voir que de l’humain, du trop humain. L’art du roman. Et ce Paul Thomas Anderson qui revient avec Phantom Thread, sur un homme prêt à tout sacrifier pour son art, comment puis-je ne pas y être sensible ? Dévoré par son art, jusqu’à en devenir fou. Ah et ce Rameau mis en scène par une punk, à l’OpéraComique : Et in Arcadia ego. La belle humeur du XVIIIe mêlée à cet art brut, ça promet ! L’art dionysiaque par excellence. L’art contre les passions tristes et lourdes des réseaux sociaux. ÉDITO / Page 3
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Louise Erdrich
news
3 / Edito 6 / On
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Paul Thomas Anderson
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DU CÔTé DE LA LITTéRATURE
20 / Nous
prend un verre avec Caroline Guiela Nguyen
chroniques 8 / Le
N°116 février 2018 © Jean-Luc Bertini
sommaire
vous avons sélectionné dans les pages critiques les meilleurs romans de cette rentrée d’hiver, dont trois qui font événement : LaRose de Louise Erdrich, Eli, Eli de Wojciech Tochman et Falaise des fous de Patrick Grainville.
46 / Déshabillage
nez dans le texte par François Bégaudeau
10 / Croyez
ce que vous voulez
12 / Interview
express : Hlynur Palmason
14 / Interview
express : Raja Amari
16 / Interview
express : Ligne de risque
18 / En
coulisse : Irina Brook
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© S. Brion pour l’Opéra Comique
© dr
Georges-Henri
PINGUSSON Une voix singulière du mouvement moderne
exposition
16 février 2 juillet 2018
Et in arcadia ego
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Sur les écrans
Page 48 48 / Nous
vous avons sélectionné les meilleurs films du mois, dont trois événements : Phantom Thread de Paul Thomas Anderson, Une saison en France de Mahamat-Saleh Haroun et Jusqu’à la garde de Xavier Legrand
73 / Cycle,
livre, DVD
78 / Remous :
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les mommys dans le cinéma
en ville
84 / Scène : On vous a sélectionné le meilleur de la scène ce mois-ci, avec trois événements incontournables : Et in Arcadia ego de Phia Ménard, Saigon de Caroline Guiela Nguyen, Chroniques d’une révolution orpheline de Leyla-Claire Rabih. 104 / Art 112 / Festival
114 / En
Cité de l’architecture & du patrimoine Palais de Chaillot Mo Trocadéro
citedelarchitecture.fr ExpoPingusson
route ! Va devant !
Projet de Sanatorium à Aincourt (Val-d’Oise) / 1930 / vue d’une perspective du bâtiment principal, cliché Chevojon.
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j’ai pris un verre avec… Caroline Guiela Nguyen
C
Par A lice A rchimbaud P hoto F ranck Ferville
e sera plus un café-croissant-clope qu’un verre, puisqu’on se retrouve avec Caroline Guiela Nguyen un matin au bar des Ateliers Berthier, au lendemain de la première de son spectacle, acclamé, Saigon. Franck-lephotographe se donne corps et âme à son sujet, balade Caroline Guiela Nguyen d’un bout à l’autre du hall, la coince devant les toilettes, crie de joie dès que la pose est bonne. Pas trop effarouchée par l’animal, la grande brune sera plus pointilleuse pour choisir la photo. Pas étonnant pour celle qui, après des études de socio et une formation au TNS, a choisi la mise en scène parce que c’est « l’exercice du regard » qui lui plaît : « je n’ai jamais été comédienne, je n’aime pas être dedans, mon seul espace d’expression, c’est d’être à l’extérieur du cadre ».
« Elle a un goût pour le fluo »
Saigon
texte et mise en scène Caroline Guiela Nguyen (Les Hommes Approximatifs), jusqu’au 10 février à l’Odéon-Théâtre de l’Europe (Ateliers Berthier), du 15 au 18 mai au Théâtre national de Bretagne…
Hors cadre, elle l’est un peu par ses origines familiales : née dans le Var, d’un père pied-noir et d’une mère vietnamienne, exilée en 1956 : « le paysage que ma mère a eu dans les yeux, je ne l’imaginais même pas ». Elle l’a rêvé peut-être, et découvert, adulte, en arrivant au Vietnam, une source possible de son goût pour les lumières fluos, les tapisseries à fleurs et « les musiques très mélancoliques ». Mais ce métissage ne se résume pas en une identité, un exotisme. Ce qui l’intéresse, c’est la complexité des greffes, cette double étrangeté que produit l’exil. Car sa mère est surtout Viet kiêu, « vietnamienne étrangère », apatride partout, comme l’éprouveront les personnages de Saigon. Mais remontons un peu en arrière. En 2009, c’est la création de sa compagnie, Les Hommes Approximatifs, au nom inspiré de Tristan Tzara, dont elle avoue ne pas être une connaisseuse
pointue. Un franc-parler révélateur de sa façon de dire, sans jamais ergoter, verbe efficace et phrase claire, refusant d’esthétiser le propos. Depuis ses premières créations, le parcours s’est affirmé comme un trajet du texte vers le monde, partant de grands totems dramatiques comme Andromaque et Macbeth, puis de textes romanesques adaptés, comme Se souvenir de Violetta de Dumas, Elle brûle, adaptation libre de Madame Bovary de Flaubert. Des points de départ pour « se frotter à un réel très fort », avant de construire ses propres histoires : Le Chagrin, Mon grand amour. Avec toujours ce souci de trouver de « nouveaux récits » et de « chercher les corps qui vont (les) raconter ». Un travail qui passe par l’« immersion », qui a guidé l’écriture de Saigon, toute la fine équipe des Hommes Approximatifs – C. Calvi, A. Duchange, J. Kramer, B. Moreau, J. Papin et A. Richard – embarquée à Hô-Chi-Minh-Ville pour y glaner mots, images, histoires. De cette enquête sortira un livre, rempli de « débuts de fiction » destinées à nourrir l’écriture au plateau. Car c’est la fiction qu’elle aime par-dessus tout. En y faisant entrer tous nos contemporains, ces corps et ces histoires « manquants ». Son projet est politique : confier l’imaginaire à ceux qui sont encore réduits au réel. « C’est comme si certains n’avaient pas le droit à la fiction. Si demain j’allais tourner en banlieue, j’ai l’impression qu’il faudrait être caméra à l’épaule, comme si on n’avait pas le droit d’imaginer des choses, de réinfiltrer ces lieux d’imaginaire ». La fiction, chez elle, se tire vers l’infini chagrin : un choix revendiqué par celle qui parle de ce « trajet des larmes » sur le visage des taxis vietnamiens, quand une chanson d’amour passe à la radio. Elle dit avoir tremblé avant la première d’Avignon, cet été, prémisse du succès parisien de Saigon. Elle en conclut : « Peut-être qu’ils en avaient besoin, de ces larmes ».
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AAAAA FILM DE CULTE Meilleur acteur Meilleur film européen (Europa Cinemas Label)
un film de
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Hlynur PAlmAson www.arizonafilms.net Arizona Distribution 06-07_JaiPrisUnVerre_P006.indd 7
le 21 février 22/01/2018 10:30
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Un salaud, un vrai
A propos de Trois jours chez ma tante, Yves Ravey, Minuit Par F rançois Bégaudeau
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ais alors reste-t-il des enclaves de fiction sur le territoire littéraire français ? Entre récits de famille, livres documentaires, exhumation d’archives nazies, autopsie de faits divers sidérants, se trouve-t-il quelques membres d’une peuplade arriérée pour créer des histoires ? Pour concevoir des créatures de papier sans rapport direct avec des personnes dites réelles. Pour dessiner ce qu’on appelle des personnages. Quelle usine à livres s’obstine dans cet artisanat ? On cherche, on fouraille, on feuillette en rayon, on a une moue dubitative lorsque le libraire consulté parle de Vernon Subutex - le libraire parle souvent de Vernon Subutex, on imagine qu’il s’identifie au héros disquaire et déchu. Et c’est à Minuit qu’une piste s’éclaire. Où fait-on de la fiction ? Chez Minuit. Pour ne parler que des auteurs les plus en vue de la maison, Echenoz, Viel, Chevillard, Mauvignier donnent, à des degrés divers et plus ou moins constamment, dans le récit fictionnel. Est-ce surprenant ? Y a-t-il un paradoxe à ce que les héritiers de « l’ère du soupçon » s’accointent notablement avec le faux ? Evidemment pas. Ce que mettaient en crise les Sarraute et consorts, c’était l’illusion réaliste, que casse précisément une fiction assumée. Ravey assume la fiction. Assume ses excès et ses passages en force - plus c’est gros plus ça passe. Assume l’enveloppe kraft à dissimuler car elle contient des documents compromettants ; assume l’associé parti avec sa femme, la vieille tante riche à soudoyer, le chèque à lui faire signer, mais le stylo ne marche plus, tiens en voilà un autre, mais la mourante veut un stylo à plume et de l’encre violette, partons en quête de cette encre, et fissa car l’heure du vol pour l’Afrique approche. Celui à qui il arrive tout ça, Marcello Martini, est assurément un personnage. Un personnage d’escroc, et tout le prix, réglé par chèque, de Trois jours de ma tante, est qu’il est aussi son narrateur. Dans le tout-venant de la production livresque celui qui narre est toujours plus ou moins sympathique. Et s’il ne l’est pas de prime abord, son statut installe de page en page une connivence avec le lecteur. Avec Marcello c’est le contraire : plus on avance, moins on l’aime. Ultime dérogation au dogme de l’empathie qui nous étouffe : cet escroc sans foi n’essaie à aucun moment de se justifier, de s’attirer la compréhension, ne fût-ce qu’en avouant ses fautes. Marcello ne dit mot des saloperies qu’il a
le nez dans le texte
commises. Qu’on découvre peu à peu, et comme incidemment : d’abord la tante abusée, puis la délation d’un associé, puis l’exploitation lucrative d’enfants africains. Et l’organisation discrète de ce crescendo est l’autre prix du roman. L’étendue de l’abjection se mesure par le biais de la parole des autres. C’est la vielle tante riche, aujourd’hui alitée, qui de Marcello a coutume de dire : « j’admire l’excellente mémoire de mon neveu, il se souvient de tout, c’est pourquoi je lui communique oralement l’intégralité de mes codes, dont celui de mon coffre-fort ». C’est son ex-femme, Lydia, rappelant qu’il n’a jamais répondu aux lettres qu’elle adressait « à monsieur le conseiller militaire du conseiller Charles Taylor affaires internes, Monrovia ». Une information livrée par détour a toujours plus de force, surtout quand elle est de cet ordre, surtout quand elle établit que le type qui nous raconte placidement ses trois jours en France est une parfaite ordure. Petite crainte, cependant, quand, entre dissimulation de preuves compromettantes et retrouvailles froides avec une fille non reconnue pour s’acheter la complicité de son ex-femme, Marcello émet le désir d’aller se recueillir sur la tombe de sa mère, morte pendant qu’il se faisait oublier en Afrique. En cet homme réside-t-il encore un point moral qui le rachète, le réintègre à la communauté des petits frères empathiques ? Soulagement quelques pages plus loin, lorsque sa tante lui pose une dernière question avant de signer le chèque salvateur : « elle m’a demandé si je m’étais rendu au cimetière, comme je l’avais promis, et si j’avais fleuri la tombe de ma mère. J’ai répondu que j’y étais allé, que j’avais apporté à ma mère un bouquet de fleurs. Et il est vrai que j’y étais allé ». A ce stade nous commençons à le connaître notre Marcello : dans « et il est vrai que j’y étais allé », il faut entendre qu’il est faux qu’il y ait déposé des fleurs. On relit alors la brève scène du cimetière, pour réaliser que toute la saloperie y était : « Je suis resté un instant sur la tombe de ma mère à l’ombre des cyprès. A la fin j’ai entendu la voix de Lydia ». Marcello ne se recueille que sous les yeux de Lydia, escomptant que celle-ci rapporte cette vertueuse manifestation d’amour filial à la tante dès lors encline à verser la somme qui lui permettra de couler des jours impénitents en Afrique. Un salaud jusqu’au bout. Ravey a eu ce courage. C’est l’urgente nécessité de la fiction : elle donne le courage de l’immoralité.
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centaur
ASAP FILMS PRÉSENTE
PAR LE RÉALISATEUR DU “FILS ADOPTIF” ET DU “VOLEUR DE LUMIÈRE”
PRIX CICAE
C E N TA U R E U N F I L M D E A K TA N A R Y M K U BAT
ASAP FILMS PRÉSENTE CENTAURE UN FILM D’AKTAN ARYM KUBAT AVEC NURALY TURSUNKOJOEV, ZAREMA ASANALIEVA, AKTAN ARYM KUBAT, TAALAIKAN ABAZOVA, ILIM KALMURATOV, BOLOT TENTIMYSHOV ET MAKSAT MAMYRKANOV SCÉNARIO AKTAN ARYM KUBAT ET ERNEST ABDYJAPAROV IMAGE HASSAN KYDYRALIEV SON GERBEN KOKMEIJER MONTAGE PETAR MARKOVIC MIXAGE MATTHIAS SCHWAB MUSIQUE ANDRE MATTHIAS DÉCORS ADIS SEITALIEV COSTUMES INARA ABDIEVA MAQUILLAGE CHOLPON SAITOVA PRODUCTION OY ART, A.S.A.P FILMS, PALLAS FILMS, VOLYA FILMS EN COPRODUCTION AVEC KYRGYZFILM ET BITTERS END AVEC LA PARTICIPATION DE ZDF/ARTE PRODUCTEURS ALTYNAI KOICHUMANOVA, CEDOMIR KOLAR, THANASSIS KARATHANOS MARC BASCHET, DENIS VASLIN COPRODUCTEURS MARTIN HAMPEL, DANIS TANOVIC, YÛJI SADAI, FLEUR KNOPPERTS GULMIRA KERIMOVA VENDEUR INTERNATIONAL THE MATCH FACTORY DISTRIBUTION EPICENTRE FILMS
JOURNAL CAHIERS DES
AU C I N É M A L E 3 1 JA N V I E R 2 0 1 8 centaure_transfuge_210x285.indd 008-Lenezdsletexte114_P008.indd 19
CAHIERS CINEMA DU
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EX BI PU D’ 29 5 NI
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L’avenir radieux du féminisme érotomane, a-t-elle élaboré une pensée féministe ? Pourtant le féminisme n’a jamais disparu. Je connais beaucoup de femmes, d’écrivains qui s’en réclament et le pensent constamment. Mais en termes de transmission aux nouvelles générations ? D’ailleurs, les femmes qui s’emparent publiquement du débat féministe aujourd’hui, Catherine Millet, Elisabeth Badinter, Laure Adler, appartiennent à une génération de femmes, comme dirait Hustvedt, «formées » pour penser les femmes. Venues d’une époque où il n’était pas question d’être une femme intellectuelle sans avoir lu Simone de Beauvoir, Hélène Cixous. Quel étrange tour de passe-passe a pu avoir lieu dans la société française de ces vingt-trente dernières années, pour nous faire croire que la transmission intellectuelle du féminisme n’aurait pas lieu ? Sans doute est-ce ce qu’on peut espérer voir émerger aujourd’hui, dans la passion, et l’échange : le renouveau d’une pensée féministe vivante qui s’exerce sur le monde contemporain. Un passage de relais intellectuel entre générations. Qui s’en plaindrait ? Et il y a Sade, ligne fixe de la littérature française. Il est ce mois-ci incarné à la Colline par l’un des plus grands acteurs de théâtre de notre époque, Robert Lepage. Le Québecois quitte la mise en scène pour revêtir les habits du divin marquis dans Quills, de Doug Wright. Quills , du nom de la plume de l’écrivain, intolérable à son siècle. Quills s’annonce comme un combat serré, saisissant, entre Sade et ceux qui veulent le faire taire. Sade, le bourreau des femmes doit-il survivre ou mourir dans son asile de Charenton ? Où commence la censure, où cesse le combat idéologique ? Les nouvelles féministes devront aussi s’atteler à cette question. Oriane Jeancourt Galignani
© Roland Allard
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ébat à Lyon, dans le somptueux cadre de la Villa Gillet, mi-janvier. Plus de cinq cents personnes, beaucoup d’étudiants, sont venus écouter Paul Auster et Siri Hustvedt. On parle de littérature, et de féminisme : Hustvedt en est une figure américaine majeure, et dans son prochain livre, Les Mirages de la certitude (Actes Sud, parution en mars), elle déniche, avec érudition et clarté les mythes, notamment patriarcaux, qui traversent les sciences de l’esprit. Ainsi, de cette idée que la testostérone serait un accélérateur de la violence et du sens de la compétition masculins. Rien ne prouve, affirme-t-elle, le lien entre testostérone et compétitivité. Si ce n’est la volonté de justifier, par des arguments scientifiques, un déséquilibre social archaïque. De même cette idée absurde, qui court encore sur certains grands campus, que les femmes seraient moins aptes que les hommes à étudier la physique, ou les sciences dures. Que les femmes seraient plus « naturelles », « instinctives », « terriennes ». Une preuve biologique ? Aucune. Ces stéréotypes sont des bulles de savon soufflées par des esprits au pouvoir. Avec une rigueur toute flaubertienne, Hustvedt signe un merveilleux dictionnaire des idées reçues, des préjugés machistes de la science. A Lyon, la salle est subjuguée par la pensée nerveuse de l’écrivain, et le charme de son romancier de compagnon. A la sortie du débat, Siri Hustvedt m’interroge sur le débat français : « vous avez eu un très grand moment féministe en France, autour de Beauvoir, Geneviève Fraisse… Mais ces dernières années ? ». Je cherche quelles nouvelles figures de la pensée féministe auraient émergé en France au tournant du XXIe siècle. Despentes ? Pas sûre que l’on puisse parler d’une pensée. Iacub ? Si elle fut la première à qualifier de « porc » un célèbre Page 10 / TRANSFUGE
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EXPOSITION BIBLIOTHÈQUE PUBLIQUE D’INFORMATION 29 NOVEMBRE 2017 5 MARS 2018 NIVEAU 2
JEAN ECHENOZ JEAN ECHENOZ ROMAN, ROTOR, STATOR
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Graphisme Claire Mineur
© Roland Allard
RENCONTRES, ATELIERS, LECTURES
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Interview express
Mon film a des affinités avec ceux de Buster Keaton
Rencontre avec Hlynur Palmason, réalisateur de Winter Brothers, pas si glacé que ça (lire critique p.65) P ropos recueillis par Damien Aubel
Winter Brothers
de Hlynur Palmason, avec Elliott Crossett Love, Lars Mikkelsen, Peter Plaugborg… Arizona Distribution, sortie le 21 février
des pratiques parallèles. Mais elles se nourrissent mutuellement. Ca me permet en particulier de songer à autre chose qu’à l’histoire que je veux raconter. Car le cinéma est bien plus qu’un simple récit : image, son, expérience émotionnelle… Tout est pour moi sur le même plan. Mais l’équipe du film et moi n’avons jamais évoqué de références précises, c’est plutôt de l’ordre de l’inconscient. Même si mon film a des affinités avec ceux de Buster Keaton. C’est un nom qui est venu très tôt au cours de nos conversations avec Maria von Hausswolff, la chef op.
La mine et ses bâtiments sont au centre du film. Diriez-vous que le personnage d’Emil est une excroissance du paysage ? Cet univers-là était présent dès les débuts de l’écriture. Le lieu a déterminé l’histoire. Mais le personnage d’Emil vient plutôt de ma volonté d’explorer le thème de l’absence d’amour. Le désir d’être aimé, désiré. Winter Brothers, c’est un peu cette énorme machine dans la mine, cet immense cylindre qui tourne sans cesse. Et tout se passe comme si Emil en avait été expulsé, mais que la machine continuait à tourner.
Le rôle de la vidéo, l’alliance de la froideur et de la violence : on peut parfois penser à Michael Haneke… J’étais déjà âgé quand j’ai vu ses films. Personne dans ma famille n’a vraiment de lien avec le monde de l’art. Aussi j’ai grandi avec le cinéma hollywoodien comme tout le monde. Mais je me rappelle avoir été énormément frappé la première fois que j’ai vu ses films. Pour moi, il est lié à Bresson, que j’admire extrêmement. Je n’ai jamais pensé qu’il pouvait y avoir des ressemblances entre les films de Haneke, son travail sur la vidéo, sur le format, et mon film. Mais l’inspiration peut avoir été inconsciente…
Elliott Crosser Hove joue Emil. Il semble taillé pour le rôle… J’ai écrit le rôle pour lui. C’était déjà un des principaux personnages de mon court métrage The Painter, où il incarnait un fils non désiré. Vous le laissiez improviser sur le plateau ? Il y a peu d’improvisation dans le film, il suit de près le script. Mais celui-ci s’est sans cesse transformé au cours du tournage. On parlait des scènes avant de tourner, et c’est plus à ce moment que les acteurs ont pu avoir une influence, dans la mesure où j’ai pu utiliser nos conversations pour modifier le script. Vous vous intéressez aux arts visuels en général. Dans quelle mesure irriguent-ils votre film ? Pour moi, la peinture, la photo et le cinéma sont
Votre film est à l’intersection du réalisme et d’une atmosphère de rêve, voire de cauchemar… Comment expliquez-vous cette dualité ? Je n’essaie pas d’être fidèle à des faits, à des réalités concrètes, par exemple de représenter exactement la façon dont on extrait le calcaire. J’ai fait des recherches, mais le fondement de mon travail, ce sont mes propres réactions, mes propres émotions. J’avais le sentiment que le film essayait de s’exprimer, de dire des choses qui auraient été plus difficiles à formuler dans un univers réel. Le cinéma est un mélange du passé, du présent et de l’avenir. Je veux dire qu’un film mêle nos racines, notre origine, mais aussi là où nous en sommes, nos émotions, notre tempérament et notre avenir, c’està-dire ce que nous désirons, ce que nous craignons.
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inter Brothers, ce sont les tribulations d’Emil, mineur danois, captif d’un univers de froid, de forêts et de béton. Hlynur Palmason, dont c’est le premier long, filme une mine située au milieu de nulle part comme un no man’s land impersonnel, mi-industriel, mi-naturel. Rien d’aride là-dedans, au contraire, le film jouant avec une maîtrise consommée sur les atmosphères et les lumières. Le tout assaisonné d’une inattendue pointe de burlesque. Bienvenue dans l’âge de glace, où Hlynur Palmason a bien voulu nous emmener le temps de quelques questions…
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ENGLA