TRANSFUGE N°118

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Avril 2018 / N° 118 / 6,90 €

ABDELLATIF KECHICHE SIGNE SON CHEF-D’ŒUVRE MEKTOUB MY LOVE

All, Bel, Esp, Ita, Lux, Port Cont, DOM, Rou : 8,90 € - Mar : 84 DM - Can : 13,60 $CAD

TRANSFUGE

T \ #118 \ 04- 2018

Choisissez le camp de la culture

M 09254 - 118 - F: 6,90 E - RD

3’:HIKTMF=YU[^U^:?a@l@l@i@a"; CINÉMA L’Héroïque Lande et Mes Provinciales, les deux grands films du mois 00-CVT118_P001.indd 1

LITTÉRATURE La poésie selon Charles Dantzig

THÉÂTRE Vassiliev réinvente Tchekhov 12/03/2018 20:45


Un film magnifique Télérama

Un éblouissement absolu Les Inrocks

Notre coup de cœur Grazia

Enthousiasmant et bouleversant

Un grand film sur la jeunesse Transfuge

© CARACTÈRES/COURAMIAUD CRÉDITS NON CONTRACTUELS

Libération

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L

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Les corps glorieux de Kechiche

Q

par

Vincent Jaury

uelle bacchanale nous offre Abdellatif Kechiche, avec son dernier film, ce Mektoub My Love (canto uno) pour notre plus grand plaisir ! Fureur, ivresse, débordement, garçons et filles s’exposent sous le soleil de Sète. S’amusent, sourient, sourient et sourient, baisent. Y a t-il un film plus heureux que celui-là ? Je ne crois pas. C’est la joie pure de corps désirants et désirés, que nous montre trois heures durant Kechiche. On en redemande, le film est trop court. Une joie sensuellement méditée. Nous suivons la trajectoire de corps, filmés de près le plus souvent, au bord de la mer. Kechiche se souvient que le cinéma n’est que cinéma. Morale, politique et psychologisme au placard. Retour aux premiers temps du cinéma. Une des filles, au bar, dit un peu ivre et en riant  : « j’apprécie toutes les bonnes choses dans la vie, l’alcool, les mecs, danser... » Ce oui absolu au monde... Plus nietzschéen que ce film, c’est impossible. Film dionysiaque qui est le retour à une sensualité libérée, préconsciente, animale. A-t-on déjà vu un tel film, où l’Eros occupe intégralement la place ? A notre époque où la mort domine tel un maître, le film s’offre à nous comme une belle échappée. Cette orgie organisée cinématographiquement va faire frémir. Voyez la propagande romantique monter au créneau. Un film sans inquiétude, sans tragique, sans même un dérapage ou un viol diront certaines féministes ? Pas d’envers de la médaille à cette révolution des sens, est-ce raisonnable ? Scandale ! Mais enfin, où est passée la guerre des sexes postWeinstein acclamée par les réseaux sociaux et les médias télévisuels ? Des garçons et des filles mêlent leurs désirs heureux, s’entendent, se comprennent, s’aiment. Simplement. Ce sera trop pour certains. Kechiche filme une cérémonie religieuse où l’on danse jusqu’à l’extase. On pense à La Danse de la vie humaine de Poussin. Une sereine splendeur illégale. Est-ce cela le paradis? ÉDITO / Page 3

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CHARLES DANTZIG

NEWS

3 /  Edito 6 /  On

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ABDELLATIF KECHICHE

Pa

DU CÔTÉ DE LA LITTÉRATURE

22 /  Nous

prend un verre avec Sophie Verbeeck et Andranic Manet

vous avons sélectionné les dix meilleurs livres du mois, dont le très beau roman de Robert Olen Butler, L’Appel du fleuve, et le magnifique recueil de poésie de Charles Dantzig, Démocratie de bord de mer.

40 /  Déshabillage

CHRONIQUES 8 /  Le

N°118 AVRIL 2018 © DR

SOMMAIRE

Dominique Noguez

nez dans le texte par François Bégaudeau

10 /  Croyez

ce que vous voulez

12 /  Interview

express : F.J. Ossang

14 /  Interview

express : Sara Baume

16 /  Interview

express : Julia Solomonoff

18 / En

coulisse : Emmanuelle Heurtebize

20 / L’homme

pressé

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© DR

© DR

LE RÉCIT D’UN HOMME INCONNU

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SUR LES ÉCRANS

Page 44 44 /  Nous

76 /  Cycle,

DVD

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EN VILLE

80 /  Scène :

on vous a sélectionné le meilleur de la scène ce mois-ci, avec trois événements : Le Récit d’un homme inconnu de Tchekhov par Anatoli Vassiliev, Le Domino noir d’Auber par Christian Hecq et Valérie Lesort et Notre innocence de Wajdi Mouawad

100 /  Art : deux

expos à ne surtout pas rater : celle de l’artiste Etel Adnan, à la Fondation Jan-Michalski, et celle à la Cité de l’architecture et du patrimoine autour d’Alvar Aalto

110 /  Festival

114 /  En

route ! Va devant !

LE DOMINO NOIR Daniel-François Esprit Auber

Direction musicale Patrick Davin Mise en scène Valérie Lesort et Christian Hecq*

*Sociétaires de la Comédie Française

Chœur accentus Orchestre Philharmonique de Radio France

Du 26 mars au 5 avril 2018 Nouvelle production Opéra Comique Coproduction Opéra Royal de Wallonie et Opéra de Lausanne

OPERA-COMIQUE.COM I 0825 01 01 23 (0,15€/min) PLACE BOIELDIEU - 75002 PARIS

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Licence E.S. 1-1088384 ; 2-1088385 ; 3-1088386 - Création graphique : inconitO - Illustration : © Matthieu Fappani

vous avons sélectionné les meilleurs films du mois, dont trois événements : Mektoub my love d’Abdellatif Kechiche, Mes Provinciales de Jean Paul Civeyrac, L’Héroïque Lande de Nicolas Klotz et Elisabeth Perceval.

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J’AI PRIS UN VERRE AVEC… ANDRANIC MANET ET SOPHIE VERBEECK

Par JeanChristophe F errari P hoto F ranck F erville

O

n grelotte aux Buttes-Chaumont. Frissonnant dans mon pardessus, je me fais l’effet d’un malfrat au bout du rouleau, égaré sur une plage du Nord dans un polar de Simenon. Je me dirige vers le Pavillon du Lac : on est dans le quartier de Sophie. Et en plus la patronne est cinéphile ! Là, je compte bien me dégeler à la chaleur des deux comédiens. Je ne suis pas déçu : fronts dégagés et regards clairs, ils irradient aussi bien la curiosité que le désir de partager. Ce sera thé bouillant pour moi, coca et café pour eux, des excitants, promo oblige. Le film plaît beaucoup ! Même Elle a organisé un shooting pour eux ! C’est dire ! Aux côtés des acteurs du Kechiche, ils incarneront pour le magazine féminin « les nouveaux visages

« La jeunesse n’est jamais battue d’avance » Sophie Verbeeck du cinéma français ». Ils ne sont pas dupes du caractère artificiel du jeu médiatique et nous en rigolons ensemble. Au début, ils sont perplexes. Ils ne comprennent pas que la représentation incandescente de la jeunesse proposée par Mes Provinciales m’ait tant surpris. Pour eux, c’est une évidence : « La jeunesse n’est jamais battue d’avance ». Même si Andranic constate que sa génération vit sans illusions et s’investit peu dans les luttes politiques, il pense qu’on peut rendre le monde meilleur, notamment par le cinéma. Sophie est plus ardente, à l’image de son personnage dans le film. Elle est convaincue que le jeune âge reste transi « du désir que quelque chose lui arrive ». Ils donnent le sentiment d’atterrir, comme

s’ils étaient encore pénétrés de l’expérience du tournage. Et qu’ils désiraient secrètement continuer à habiter le film. D’autant qu’ils ont contribué à l’écriture des dialogues. Sophie raconte : « Je suis partie à la ZAD pour pouvoir m’emparer du texte de l’activiste. J’avais besoin d’un rapport physique avec cette parole. Quand je suis revenue, j’ai proposé des modifs au scénario. Et puis Jean Paul nous a fait entrer dans une rêverie commune qui solarise d’autres univers d’artistes pour préciser le sien. Il nous a fait entrer dans un autre temps, un temps qui brasse des mythes. Je le vois comme un musicien. Il prépare l’espace de sorte à ce qu’il puisse accueillir la musique ». Elle est enchantée du résultat proche de Grémillon et de Bartas avec qui elle a tourné. Elle aime comparer Mes Provinciales au Temps retrouvé : il s’agit dans les deux cas de peindre « des êtres morcelés qui essaient de rassembler quelque chose qui échappe ». Andranic précise qu’il est à l’aise avec les références de Civeyrac : surtout Sayat Nova. Il faut dire que son arrière-grand père était arménien et a survécu au génocide de 1915. Et que son père qui est aussi acteur (il joue son père dans le film) connaissait Paradjanov. Quand je leur demande quel rôle ils aimeraient jouer, Sophie me dit : « Une super-héros ! Il y a en marre de tous ces rôles de faire-valoir des hommes qu’on propose aux comédiennes ! » Le plus grand rêve d’Andranic, lui, serait de jouer Bardamu dans le Voyage au bout de la nuit. Sophie le charrie : elle le voit plutôt dans un film à costumes, une adaptation d’Adolphe de Benjamin Constant. Andranic raconte qu’il ne cesse de remercier le cinéaste pour le rôle d’Etienne. Et que cela irrite un peu ce dernier qui ne cesse, à son tour, de le remercier d’exister. « Merci d’exister. Il faut dire cela aux gens qu’on aime ». Dehors le parc baigne dans la lumière du soleil qui, enfin, perce les nuages.

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ISAAC BASHEVIS SINGER

UN INCROYABLE ROMAN INÉDIT. Vincent Jaury, Transfuge VIRTUOSE. Eglal Errera, Le Monde des Livres UN DIAMANT NOIR DANS L’ŒUVRE FOISONNANTE DU CONTEUR SINGER. Bruno Corty, Le Figaro littéraire DU PUR SINGER. Nelly Kaprièlian, Les Inrocks L’UN DES PLUS GRANDS ÉCRIVAINS DU XXE SIÈCLE. Laëtitia Favro, Le JDD

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Autre est un je

à propos de Trouville Casino, Christine Montalbetti, POL

«J

Par F rançois Bégaudeau

e vous en supplie, n’écrivez pas sur vos blogs qu’il est dommage que je digresse. Avant de sortir votre stylo rouge mental et de me corriger un peu scolairement (avouez), avec votre petit air sévère, qui me blesse (eh oui), posez-vous sincèrement la question. La digression, est-ce que ce n’est pas l’espace même de la liberté ? ». On ne peut qu’abonder dans le sens de cette adresse au lecteur de la page 179 de Trouville Casino. Oui le droit à la digression arrive tôt dans la déclaration des droits du romancier, gravée dans le marbre en 1567. Et Montalbetti aurait tort de se priver d’incruster à l’envi des descriptions dans son récit au point de renverser les proportions canoniques d’une fiction. Mis bout à bout, les moments où se raconte le véridique braquage du casino de Trouville par un « papy » de 75 ans occupent moins d’un cinquième des 250 pages. Le reste : digressions. Descriptions. Mais ces descriptions sont-elles des digressions stricto sensu ? Ce serait quoi d’ailleurs une digression stricto sensu? Sur ce point la déclaration de 1567 est muette. La digression est-ce un passage sans aucun rapport avec le coeur du récit ? Dans ce cas elle serait rare. Rarement un romancier, même jaloux de sa « liberté », s’autorise le divin caprice du rien à voir. Les descriptions de Montalbetti ont toujours quelque chose à voir. Et d’abord avec le personnage qu’elle narre en le tutoyant. Si l’on s’arrête sur tel détail, c’est que le personnage s’y arrête ou pourrait s’y arrêter : « est-ce qu’il t’est arrivé de te planter devant (cette fresque, NDLR) d’un air rêveur et de te dire qu’un voyage, oui, c’est ça qu’il te faudrait ? ». Or à vrai dire on doute un peu que papy, tout à la fièvre du jeu, ait pris le temps de détailler la fresque en question, comme l’auteure s’en donne la latitude à cette page. Et l’on doute carrément qu’il se soit accordé ce luxe le jour de son retour au casino pour le braquer : « peut-être qu’aujourd’hui encore tu prends le temps de la considérer (…) tu as le loisir, l’égal de n’importe quel quidam, de t’arrêter un peu longuement devant ce paysage du Mississipi ». Non, tout ralenti qu’il est, le papy braqueur ne peut pas décemment se permettre pareille stase contemplative dans le feu de l’action. Pas plus qu’il ne peut relever l’état des cultures alentour lors de sa cavale au volant de sa Seat : « la route fend toujours les champs, tu regardes où en sont les maïs, tu longes les bottes de foin géométriques ». Pas plus qu’à ce même moment il ne songe « au petit rythme bien calé par lequel ce soir les vaches rentreront quand il le faudra à l’étable ». Ca c’est l’auteure qui y songe. Montalbetti pointe du reste elle-même l’artificialité de certains raccords : « c’est presque surprenant, ce temps luxueux que tu as pour rêvasser ». Et parfois cette conscience mute en scrupule qui appelle une sorte de justification : « on pourrait imaginer que tu avais l’esprit ailleurs mais au contraire chaque détail autour de toi t’apparaissait avec une acuité nouvelle ». Et voici justifiée la description à venir des objets et mets du

LE NEZ DANS LE TEXTE

petit-déjeuner du vieux au matin de sa virée fatale à Trouville. C’est l’auteur qui « prend le temps ». C’est l’auteure qui sans cesse suspend l’action pour décrire. Ca marche dans ce sens : Montalbetti adore décrire, donc elle dote son personnage de sa propre attention aux objets et aux intérieurs, de sa propre « acuité ». Et l’imagine aussi rêveur qu’elle confie l’être, afin de justifier ses digressions rêveuses - y compris encore au matin du braquage : « ta rêverie trame un peu dans l’atmosphère inédite de cette matinée » La phrase auto-ironique de l’auteure à son papy est à prendre à la lettre : « je te connais comme si je t’avais fait ». Bien sûr que c’est elle qui le fait, le modèle, le façonne comme Dieu a formé Adam - à son image. L’histoire qu’elle raconte est une histoire qu’elle se raconte. Les « entrons », « remontons légèrement en arrière », « revenons à nos moutons », « revenons à la route », « zoomons », qui scellent un compagnonnage entre auteur et personnage, ne doivent pas dissimuler une hiérarchie en sa faveur. C’est elle qui dirige la marche, elle qui le précède. Ce n’est pas elle qui met ses pas dans les siens, comme elle l’affirme, mais l’inverse. Qu’on s’entende : l’authenticité du faits divers dont l’auteur fait pâture ne l’oblige en rien. Elle a toute latitude de substituer à l’être réel de papy le papy qu’elle imagine. Le problème est ailleurs. Le problème est que l’imagination qu’elle en propose est comme balisée et limitée par ses options d’écriture. Par ses options tout court. Montalbetti aime les univers vieillots, alors elle baigne son anti-héros dans un monde suranné, où la guingette, l’absence de portables ou de télé, le salon de coiffure comme épicentre de la petite ville provinciale, le balancier de la pendule, composent une humanité d’avant, une humanité façon Simenon, médiocre et défaite. Pourquoi pas, mais l’analyse psychologique de ce drôle de bonhomme, qui, sans coup férir, décide un jour de jouer au gangster, s’en trouve comme réglée d’avance. Pourquoi son coup de folie ? Parce que l’ennui. Parce que Papy voulait du « roman » dans sa vie sans histoire. Parce que la mélancolie. Parce que la pluie normande qui fait comme des barreaux de prison - Montalbetti aime décrire le climat et « les ciels », alors elle dote son héros d’une sensibilité à ces choses. En revanche puisque les données sociologiques lui importent peu, confiet-elle aussi, elle ne dit rien de l’être social du papy. Rien du métier que le retraité a exercé ; ni de l’origine de son nom à consonance latine ; ni de ses parents ; ni de son enfance. L’enquête s’en trouve, comment dire, tronquée. « Mais si un roman ce n’est pas essayer de comprendre des gestes qui ne sont pas forcément ceux que nous accomplissons, alors je ne vois pas ». Le programme est beau mais il n’est pas respecté. Papy est un Montalbetti bis. Il n’est plus l’autre mais le « semblable ». L’auteure s’est portée vers l’autre pour l’assimiler. Le peignant rêveur, mélancolique, porté à exhausser sa vie médiocre en roman, elle en a fait, au prix d’une sorte de scriptocentrisme, un écrivain.

PO AS

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NotreEn


PRIX DU MEILLEUR SCÉNARIO

SAN SEBASTIÁN FESTIVAL INTERNATIONAL 2017

CAMPO CINE EN COPRODUCTION AVEC BELLOTA FILMS BOSSA NOVA STARON FILM 27 FILMS PRODUCTION MG FILMS TELEFÉ EN ASSOCIATION AVEC FILM FACTORY ACT3 SNOWGLOBE AVEC LE SUPPORT DE INCAA IAAVIM ANCINE AIDE AUX CINÉMAS DU MONDE POLISH FILM INSTITUTE HESSEN FILM UND MEDIEN PRÉSENTENT “NOTRE ENFANT” UN FILM DE DIEGO LERMAN AVEC BÁRBARA LENNIE DANIEL ARÁOZ CLAUDIO TOLCACHIR PAULA COHEN YANINA ÁVILA CASTING MARIA LAURA BERCH COSTUMES VALENTINA BARI DIRECTRICE DE PRODUCTION INÉS VERA POST-PRODUCTION JOSEFINA CASTILLO ET ALEJO SARAVIA ASSISTANT PRODUCTEUR EXÉCUTIF GIORGINA MESIANO ASSISTANT RÉALISATEUR BRUNO ROBERTI DIRECTION ARTISTIQUE MARCOS PEDROSO MUSIQUE ORIGINALE JOSÉ VILLALOBOS SON BENJAMIN LAURENT FREDERIC DABO LEANDRO DE LOREDO MONTAGE ALEJANDRO BRODERSOHN (SAE) IMAGE WOJCIECH STARON (PSC) PRODUCTEUR EXÉCUTIF NICOLÁS AVRUJ COPRODUCTEURS DOMINIQUE BARNEAUD ADRIEN OUMHANI DENISE GOMES PAULA CONSENZA MALGORZATA STARON OLIVER DAMIAN MALTE UDSEN GASTÓN GALLO SEBASTIÁN GALLO MARCELO PARGA AXEL KUSCHEVATZKY PRODUCTEURS NICOLÁS AVRUJ / DIEGO LERMAN ÉCRIT PAR DIEGO LERMAN / MARIA MEIRA RÉALISATION DIEGO LERMAN

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Jonathan Littell, ou l’interminable nuit d’été

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CINÉMA MILITANT ET GROUPE ZANZIBAR 27 MARS – 24 MAI 2018

www.lacinemathequedetoulouse.com

n se moque souvent des touristes qui passent une semaine à la plage, et deux jours dans l’arrièrepays sauvage, ils se donnent, ricane-t-on fort de notre condescendance, la caution de l’aventure. Quelle injustice ! Pourquoi serait-ce si préjudiciable d’allier confort et aventure ? Prenez par exemple, le dernier livre de Jonathan Littell, Une vieille histoire (Gallimard). Une littérature dite expérimentale signée d’un ancien prix Goncourt, un chemin de traverse tracé par un auteur adoubé par l’institution, et offert à ma grand-mère, c’est une sacrée aubaine, la jungle à la plage, le Malibu fraise à dos de tigre, enfin, pourquoi bouderions-nous notre plaisir ? Littell y fait son Songe d’une nuit d’été. On y retrouve l’intérêt prononcé de l’auteur des Bienveillantes pour le fantasme à dominante sexuelle et sadomasochiste. Une vieille histoire se structure selon les cycles de sommeil du narrateur qui à chaque fois se réveille dans un nouveau récit, ni tout à fait le même, ni tout à fait un autre. Le livre emprunte ainsi aux rêves leur monotonie, car « la vieille histoire » du titre, est celle qui se rejoue dans la psyché de Littell inlassablement, selon trois schémas qui sont à peu près ceux-ci : 1) un homme s’éveille dans une pièce, retrouve une femme, la prend sauvagement, mange, se rendort. 2) un homme s’éveille dans une pièce, il assiste à une scène ultra-violente, l’égorgement d’un enfant par exemple, face à laquelle il reste impuissant. 3) un homme s’éveille dans une pièce, il n’est plus homme mais femme, se fait violer, ou prendre sauvagement, par un inconnu. Il jouit, mais sans l’avouer. Trois schémas qui sont eux même reliés par des motifs récurrents, poncifs de la pornographie, et de la psychanalyse : l’urine que l’on déverse sur le visage d’une femme, cette femme blonde qui aurait pu être « ma mère, ou encore aussi ma femme », des cadavres d’enfant, des sushis, la passion du narrateur pour les « derrières » qu’il désigne sans raison de ce terme ridicule, des scènes confuses de pays en guerre. Tout cela mis bout à bout sans que n’apparaisse aucune pensée d’ordre ou de désordre. Nous avons fait le tour du pays, nous sommes passés entre les grosses ficelles, et voilà que notre jungle expérimentale ressemble furieusement à un parc sans relief, le jardin du psychanalyste de Littell. Peu d’imaginaire et de littérature, nous sommes loin du Songe shakespearien, la nuit n’en finit pas de finir. O.J.G.

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Page 10 / TRANSFUGE Des idées plein les ondes! Ecoutez la radio sur 90.1 FM

La Chinoise. Mise en page : Bruno Dufour. Licences nº 1-1091243 , nº 2-1091244 et nº 3-1091245

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2. Trans


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