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SPOTLIGHT
LOGISTIQUE ALIMENTAIRE
Quatre tendances qui redéfinissent les chaînes du froid
La logistique alimentaire se développe plus vite que les autres disciplines logistiques. Notamment parce que la distribution et les livraisons à domicile ont connu une croissance explosive ces dernières années. Mais une réglementation plus stricte, de nouvelles technologies intelligentes et un consommateur plus exigeant jouent également un rôle dans cette évolution rapide. Dans un ‘trend report’, WDP décrit 4 tendances qui impacteront les entreprises logistiques et leurs processus.
Philippe Van Dooren
1. LA SÉCURITÉ ALIMENTAIRE AVANT
TOUT
En logistique alimentaire, la sécurité est une priorité absolue. Il est vital que la chaîne du froid ne soit jamais interrompue. Selon Wiljan Daris, Purchase and Commercial Manager de la coopérative de producteurs The Greenery, la barre est placée très haut dans le Benelux. « Les exigences sont telles que le secteur déploie des systèmes innovants de gestion de la supply chain qui mesurent et ajustent la température à chaque étape. Le contrôle ne suffit pas : il faut aussi pouvoir l’adapter à tout moment, dans l'entrepôt et dans le véhicule. » « Ces règles toujours plus strictes poussent les entreprises à développer leurs propres solutions pour s'y conformer. Avec le risque de voir un fossé se creuser entre les grandes sociétés capables d'investir dans des technologies intelligentes et les petits acteurs avec des budgets limités », déclare W. Daris. Wilco Jansen, responsable de la communication pour le grossiste Sligro, pointe un autre facteur : « Nos clients - l’horeca - veulent réduire les risques au maximum et considèrent donc de plus en plus nos entrepôts frigorifiques comme leur garde-manger. La fréquence des livraisons doit augmenter. Un défi supplémentaire pour nos planificateurs, car livrer en ville devient de plus en plus difficile. Nous devons donc, davantage que par le passé, coordonner efficacement les itinéraires de transport. »
2. LA CHAÎNE DU FROID SE COMPLEXIFIE
La qualité des aliments dépend fortement de la qualité de la chaîne du froid. Les clients devenant plus exigeants, les processus logistiques se complexifient. Les chaînes du froid se muent en réseaux de capteurs intelligents et en flux de données en temps réel. Le temps passé entre le champ et le frigo doit être le plus court possible. Plus les ‘lead times’ sont courts, meilleure sera la qualité du produit. Cela engendre d'énormes investissements technologiques, tant dans le stockage que dans le transport. « En tant que détaillant, nous recherchons toujours un taux de remplissage aussi élevé que possible », déclare Tom Malfroid de Collect&Go (Colruyt). « Pour organiser cela
« Le secteur horeca considère nos entrepôts comme son garde-manger. »
Les investissements technologiques nécessaires pour optimiser la logistique dans le secteur alimentaire ne peuvent être comparés aujourd'hui à ceux d'il y a dix ans.
plus efficacement, nous transportons sur un même trajet à trois températures différentes : réfrigérée, congelée et ambiante. » Le département R&D de Colruyt a dès lors développé de nouveaux conteneurs roulants pour produits réfrigérés et surgelés utilisant de la glace liquide : les Liquid Ice Containers. Ethelco, développeur de boîtes isothermes, croit aussi au transport combiné de produits alimentaires à différentes températures. Selon le co-fondateur Jos Mierman, des solutions à base de neige carbonique par exemple sont prometteuses. « Si nous transportons des produits réfrigérés et congelés avec des aliments à température ambiante ou même des biens non alimentaires, nous pouvons retirer des poids lourds de la route. »
3. LES LIVRAISONS À DOMICILE
EXPLOSENT
L'explosion du e-commerce a aussi son impact. Les livraisons à domicile sont en plein essor, certains consommateurs privilégiant la commodité au prix. « Mais le temps est aussi de plus en plus précieux », déclare Steven Van Belleghem, customer experience expert. Cela explique le succès des ‘livreurs flash’ comme Gorillas. Ils livrent à domicile, en vélo, une gamme (limitée) en 30 minutes, voire 10. Cependant, ils ne sont pas encore rentables. Par ailleurs, de purs supermarchés e-commerce tels que Picnic se développent depuis un certain temps. Et ils sont rentables car, e.a., ils utilisent des camionnettes électriques qui approvisionnent chaque jour des zones résidentielles à heures fixes. Selon S. Van Belleghem, les supermarchés traditionnels hésitent encore à livrer à domicile en Belgique. Ils ne veulent prendre ce train en marche que si le concept est rentable. « Ils prennent le risque d'être évincés du marché par des acteurs internationaux, comme l'ont fait Bol.com ou Coolblue dans le non-food. » Selon T. Malfroid, les livraisons à domicile sont beaucoup plus complexes que le ravitaillement des magasins. L'enjeu est d'autant plus grand que les consommateurs ont des attentes aussi fortes pour le food que pour le non-food pour lequel la logistique est moins complexe.
4. TOUT POUR L'ALGORITHME
Des données - des masses de données - sont nécessaires pour organiser au mieux la ‘supply chain’. Il faut en savoir le plus possible sur les clients. C'est encore plus vrai dans la logistique alimentaire. « Nous savons exactement quand le frigo du client est vide », explique Wilco Jansen de Sligro. Comme nous les fournissons quasi quotidiennement, nous savons ce qui entre et sort. Nous recueillons tellement de données que nous savons ce dont les clients auront besoin et quand », dit-il. Selon lui, les entreprises qui approvisionnent directement les consommateurs peuvent apprendre beaucoup du marché B2B. « La flexibilité avec laquelle nous livrons n’est pas encore de mise dans le marché B2C. Nous encourageons nos clients à commander rapidement et à attendre la livraison un peu plus longtemps. Si nécessaire, nous adaptons les prix. » Les données déterminent aussi la conception de l'entrepôt. Des chaînes d'approvisionnement optimisées entraînent des délais plus courts. Le stockage diminue et les biens entrent/sortent plus rapidement. Ceci nécessite toutefois davantage de quais de (dé) chargement. Les données requièrent aussi des logiciels plus intelligents. Les entreprises rendent leurs chaînes aussi transparentes que possible via leur ERP (Entreprise Resource Planning) : « Le potentiel d'optimisation est encore important dans le secteur alimentaire pour autant que les données sur la production soient mieux intégrées. Mais c'est difficile à cause de son imprévisibilité », explique W. Daris de The Greenery.