La veille technologique du véhicule industriel
Édité par 2025

En partenariat avec la Fédération Française de Carrosserie
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Nous vous proposons la seconde édition de notre veille. Les technologies et les équipements évoluent rapidement, la filière du véhicule industriel est en perpétuel changement. Ce n’est pas sans conséquence sur la conception des utilitaires et des poids lourds. Leur architecture se redessine au fur et à mesure de l’arrivée des nouvelles énergies et des modifications de leurs équipements tels que les batteries. Au fil des pages de cette veille 2025, les acteurs de la filière auront l’opportunité de se placer à la pointe de ces transformations tout en favorisant un transport encore plus performant et respectueux de l’environnement.
Les plans d’électrification massive voulus par l’Union européenne et la France semblent souffrir d’un certain retard. Le temps passant, on voit poindre un engouement en faveur de l’hydrogène. Quels sont les rapports de force qui se dessinent à court ou moyen terme ?
Nous évoquions dans l’édition précédente de la Veille VI l’hypothèse d’un développement multi-énergies plus ouvert que les seules options défendues par l’Union européenne ou la France (à savoir l’électrique à batteries et la pile à combustible) Les données publiées fin octobre 2024 par l’ACEA pour les énergies des véhicules industriels semblent confirmer cet état de fait, avec toutefois une différence très marquée entre le transport de marchandises, toujours très attaché aux moteurs à combustion interne, et le transport de voyageurs, où l’électrification des autobus urbains est une vraie réalité de marché
Selon l’ACEA les véhicules industriels ont eu recours, à concurrence de 93,53 %, au moteur diesel Euro VI Notez que cela ne signifie pas qu’ils fonctionnent au gazole, nous y reviendrons ultérieurement Plus inquiétant pour les législateurs et les constructeurs ayant investi dans les véhicules électriques à batteries, les immatriculations ont décliné de 6,6% (9 mois 2024 comparés à la même période 2023). Cela désole les constructeurs qui ont engagé des sommes colossales pour ces véhicules à batteries Faute de clients en face, ils pourraient ne pas échapper aux amendes en cas de non atteinte de l’objectif de -15 % d’émissions de CO2 fixé pour les camions mis à la route en 2025.
La France, sur la même période, voyait les camions à batteries représenter 0,9 % du marché, selon le CCFA. Au
niveau européen, l’ACEA note de grandes disparités par pays, l’Allemagne et le Danemark tirant la demande, tandis qu’en France ou aux Pays-Bas les immatriculations de ces modèles à accumulateurs chutent sensiblement Cela pose, une fois de plus, la question des incitations Un point rappelé avec insistance par la CSIAM à différentes reprises L’Allemagne ne reconduisant pas son programme d’aides à l’achat de camions électriques, il reste à voir la situation en France à l’issue du dernier appel à projets qui vient de se clôturer le 7 octobre 2024. Côté véhicules électriques, aucune rupture technologique n’est attendue à court terme, comme anticipé dans l’édition 2024 de la Veille VI. On note toutefois une surenchère de kWh embarqués sur les camions, en particulier pour les missions régionales ou grand routier, le seuil de 600 kWh devenant un standard pour ces modèles (Mercedes-Benz eActros 600, Volvo FH Aero Electric 600).
L’électrique ou l’évolution accélérée de la technique
Le CEA-Liten, très impliqué dans la recherche fondamentale autour du stockage de l’énergie par batteries, confirme ses travaux autour de la technologie tout solide Les priorités de ces programmes visent la stabilité thermique et électrochimique, ainsi que l’accroissement de la densité énergétique Mais cette évolution implique
une rupture technologique au niveau de la fabrication des électrodes, devant se passer des solvants et intégrant des électrolytes dites hybrides et solides, associées à des électrodes négatives de plus grande capacité à base de lithium métal (pour améliorer les performances) Le CEA-Liten réalise, en plus de ses travaux de recherches, des prototypes fonctionnels en petites et moyennes séries. Parmi les travaux figure également le développement d’encres et électrodes (avec ou sans solvants, par voie sèche recourant à l’extrusion ou au laminage) Les derniers développements en phase d’industrialisation de batteries lithium-ion par la firme Wattalps, dédiée aux applications industrielles sévères, approchent les densités volumiques de 300 Wh/l (toujours à partir de cellules en provenance d’Asie)
Une évolution de plus en plus nette chez les constructeurs est le passage à 800 V, ce qui a pour effet de réduire les besoins en cuivre pour les câbles et les machines tournantes L’explication est simple : lorsque la tension est élevée, l’intensité du courant transporté diminue, ce qui diminue aussi l’effet Joule. Le bénéfice est double sur un véhicule routier, puisqu’il se traduit en coût et en masse. Ultime atout du 800 V : il permet d’absorber plus aisément les charges rapides, décisives pour un usage intensif L’équipementier BorgWarner a fait ce choix, et c’est également celui retenu en Europe par Mercedes-Benz Trucks pour l’eActros 600, ou aux USA par Tesla pour son Tesla Semi Du côté des équipementiers, cela représente aussi un avantage en réduisant les pertes électriques, ce qui ne peut qu’améliorer le rendement énergétique global du système (le chauffage Webasto HVH 120 est compatible 800 V). L’IFP-Energies Nouvelles travaille quant à lui sur des améliorations de la gestion de l’énergie à bord, en visant un accroissement
industriel Le 800 V permet d’absorber plus aisément les charges rapides, décisives pour un usage intensif.
de l’efficacité (qui peut se traduire en autonomie pour une même quantité de kWh à bord) de l’ordre de 10 à 15 % sans toucher à l’électrochimie des accumulateurs
Cela pose une question de fond pour les gestionnaires de flottes et les chefs d’entreprise, celle de l’obsolescence accélérée des parcs en raison de ces changements rapides dans les performances et les architectures des véhicules Quid des valeurs de reprise – ou résiduelle –(la fameuse VR) des véhicules électriques ?
L’électrique à batteries impose un nouveau modèle financier
Cette question des valeurs résiduelles (ou VR) est une autre épine dans le pied des entreprises de transport Nombre de communiqués de presse des constructeurs font état de mises à la route de véhicules maxicodes avec contrats de location Mais qu’en est-il dans ce cas de la valeur patrimoniale de l’entreprise ? Et cela ne fait que lisser dans le temps le montant de l’investissement (2,5 à 3 fois celui d’un camion diesel, rappelons-le) malgré des loyers également sensiblement majorés Clairement, la communication des constructeurs associe les véhicules électriques à leurs sociétés captives de financement (comme Daimler Truck Financial Services ou CharterWay, très impliquées également au côté du réseau Daimler Truck France pour la commercialisation des Fuso eCanter et Mercedes-Benz eActros) Volvo Trucks France a conçu, à la demande de l’un de ses clients, une offre singulière dissociant les batteries du véhicule.
Ce type de montage avait été proposé par Renault Automobiles lors du lancement des Kangoo ZE et autres Fluence ZE fin 2011. La clientèle des particuliers a été réfractaire à ce système, préférant avoir la pleine propriété de l’intégralité du véhicule Mais à l’inverse, cette solution se révèle très pertinente pour un véhicule industriel
Comment ça marche ? « Comment trouver une solution de financement compatible avec la gestion du bilan financier ? » , pose en préambule Fabien Walch, vice-président Business Transformation Volvo Trucks France « Même si une batterie est fondamentale pour le fonctionnement du camion, elle n’est pas nécessairement liée à celui-ci. Comme un composant, elle est interchangeable. Cela devient une pièce comme une autre, un consommable indépendant de la vie du châssis » , poursuit-il
Le contrat « battery-as-a-service » permet d’éviter les immobilisations et risques liés à l’acquisition du pack de batteries.
Le vecteur juridique et financier prend la forme d’un contrat de service, comme Volvo Trucks en propose pour tous ses véhicules Il s’agit du contrat « battery-as-a-service », ou paiement à l’usage des kWh Le client transporteur signe trois contrats : le contrat de la location du camion, un contrat de maintenance Volvo Gold et le contrat d’usage pour la batterie Grâce à ce démembrement (qui rappelle ce qui se fait en droit foncier), le pack de batteries devient une charge mensuelle prenant en compte l’utilisation d’énergie, en kWh consommés à bord (à distinguer de la consommation électrique prélevée sur le réseau qui comprend de fait les pertes aux chargeurs)
La télématique embarquée Volvo Connect permet de mesurer la consommation Autre atout expliqué par Fabien Walch : « c’est différent de l’amortissement. Pour nos clients, c’est plus naturel de discuter un surcoût énergie plutôt qu’un surcoût d’investissement. Comme ce n’est pas un actif, ce n’est pas un amortissement » Pour le transporteur,
cela peut être inscrit sur le plan comptable comme une charge variable Cela permet d’éviter les immobilisations et risques liés à l’acquisition du pack de batteries Étrennée en août 2024, cette innovation a nécessité près de 3 ans de travail.
L’électricité : solution universelle ?
Si l’on est bien zéro émission sur les critères européens du réservoir à la roue (seuls pris en compte pour la réglementation Vecto s’appliquant aux constructeurs), le bilan du véhicule électrique en émissions CO2 dépend grandement de l’électricité utilisée Selon Richard Lecoupeau du cabinet 2C Consulting, le bilan carbone d’un camion électrique sur sa durée de vie serait de -89 % en France (pays vertueux dans son mix de production électrique), mais il se dégrade suivant les pays Cette réduction passe à -18 % en Allemagne, pour devenir carrément contre-productif en Pologne avec + 48 % d’émissions CO2 (du fait de la part du charbon dans la production électrique sur place)
Cette analyse corrobore celle du cabinet Carbone 4 datée d’octobre 2020. Le bilan du puits à la roue, comparé au moteur diesel alimenté au gazole, n’est pas toujours égal. Dans un document confidentiel daté de l’été 2024, un important constructeur d’autobus européen évalue l’impact de la production de ses autobus diesel à 50 tCO2eq. Le même autobus, standard 12 m électrique avec 485 kWh de batteries, accroît cette dette carbone de 72 % pour représenter à la production 86 tCO2eq. Il faut donc un usage intensif du véhicule, avec une électricité très décarbonée, pour parvenir à un bilan du puits à la roue positif Et cela sans tenir compte du remplacement des batteries en cours d’exploitation, un critère sur lequel insiste la Centrale d’achat des transports publics (CATP) dans son bilan comparé des énergies Quant à la substitution de notre consommation de gazole, Richard Lecoupeau estime que les 350 TWh de fuel et gazole consommés annuellement représentent l’équivalent de 145 TWh d’électricité (qu’il faudrait produire si l’on faisait une substitution totale) Rappelons, pour situer les
échelles, que selon RTE, la production 2023 d’électricité en France (toutes énergies et tous producteurs) a été de 493,6 TWh, et de seulement 445,8 TWh en 2022.
Le développement des réseaux de recharge
Autre sujet épineux, au moins vu de la part des constructeurs (ACEA et CSIAM) : les réseaux de recharge publics Aujourd’hui, les entreprises qui investissent dans les camions électriques se reposent sur des infrastructures en propre, ou éventuellement mutualisées à une échelle locale Cela explique que les applications de véhicules électriques en ensembles routiers concernent à ce jour des approvisionnements industriels planifiables et réguliers, que ce soit en Allemagne (Spedition Elflein, Contargo, le
La Veille 2024 avait dressé le tableau de l’offre sur le marché. Avec l’Iveco S-eWay en configurations tracteur et porteur, et Ford Trucks avec le porteur F-Line électrique arrivant sur le marché en 2025, l’ensemble des constructeurs européens (incluant l’américanoturc Ford Trucks) dispose d’une offre électrique, le duo Renault Trucks-Volvo Trucks se distinguant par une gamme complète. Ils ont investi des milliards d’euros pour le développement et l’homologation de ces camions à batteries, mais ne voient pas le retour sur investissement en raison d’un marché que l’on peut qualifier d’atone. Dans un manifeste publié le 11 mars 2024, l’ACEA rappelle que « sans un contexte de simplification et facilitation, les transporteurs n’investiront pas dans de tels véhicules » L’association professionnelle rappelle que la visibilité et la stabilité des dispositifs d’aides sont fondamentales pour la prise de décision des opérateurs. « Obtenir le zéro émission des véhicules sur les routes européennes exige
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compte propre du groupe Daimler) ou en France (sociétés de transports Dupessey, Chazot, Megevand Frères, Transports Raud, etc.). Le défi est le maillage territorial qui, seul, garantira une exploitation en itinérance
TotaEnergies et Vianeo (société conjointe APRR et Engie) annoncent un plan d’électrification de leurs réseaux, les premières ouvertures étant attendues pour 2025. Milence, qui associe les constructeurs européens de véhicules industriels (hors Iveco), a ouvert une station publique près de l’autoroute A13 et devrait en ouvrir 3 autres d’ici à la fin de l’année 2024 ou début 2025.
Les énergéticiens et réseaux de distribution ont souhaité, lors des Rencontres de la Filière 2024, une implication et une coordination plus forte des États membres, afin de traduire sur le terrain les objectifs du règlement
bien plus que des objectifs contraignants (avec pénalités à la clé) appliqués aux constructeurs ». Façon de renvoyer la balle dans le camp de la Commission et des États membres.
Dans l’immédiat, ce choix politique du tout électrique favorise l’arrivée de nouveaux entrants, la plupart chinois. Si tous ne sont pas encore implantés en France, la liste des marques actives commercialement en Europe devrait préoccuper en haut lieu : citons ainsi JAC, Maxus et Dongfeng pour les utilitaires.
L’offensive est bien plus manifeste dans le secteur des autocars et autobus avec Alfa Bus, King Long, Yutong et Higer, Xiamen King Long ou Zhongtong Bus distribués via des marques ombrelles en Europe (comme Ebusco, Quantron ou Scania). Pour les camions lourds, on note la présence de FAW, Foton et Sany, en attendant de voir très bientôt Sinotruck ou Windrose. Précisons que toutes ces marques chinoises sont actives dans le domaine des camions électriques à batteries.
2024/1679 (plus connu sous le sigle du programme TEN-T ou RTE-T en français)
Le problème pour le client est la prolifération d’opérateurs, chacun ayant sa carte, ce qui complique la gestion pour les entreprises et les conducteurs Les spécialistes des cartes accréditives (comme DKV Mobility) l’ont bien compris et travaillent pour simplifier la vie des transporteurs. Autre sujet qui fâche : le prix de la recharge publique Si Milence annonce un tarif unique à 0,39 €/kWh/HT, cela est hors frais de transaction La politique tarifaire (et la transparence des prix) est un potentiel point sensible : les opérateurs de recharge pour le secteur automobile se sont fait épingler par les associations de consommateurs pour des frais cachés qui faisaient exploser les factures Par ailleurs, selon la dernière enquête de l’Avere-France de juillet 2024, 40 % des clients ont du mal à estimer le prix de la recharge en amont et 65 % seulement des utilisateurs ont trouvé satisfaisante la transparence tarifaire des bornes publiques Il s’agit de clients particuliers, mais cette question demeure également pertinente pour les professionnels en itinérance sur des réseaux pour lesquels ils n’ont pas de contrats négociés
Parmi les nouveautés de l’année, il y a la reconnaissance, par arrêté ministériel daté du 26 juin 2024, de la distribution en stations publiques du HVO* sous l’appellation XTL. Jusqu’à présent, la France limitait ce carburant au stockage en cuves privatives Est-ce pour autant que les pompes XTL vont se multiplier ? Rien n’est moins sûr car cela dépend des politiques des grands réseaux pétroliers, l’UFIP Énergies et Mobilités, association patronale qui représente raffineurs et distributeurs, n’ayant pas pris position officiellement sur ce sujet. Une option possible est le remplacement des gazoles « additivés »
* HVO : Hydrotreated Vegetable Oil, huile végétale hydrotraitée. Procédé permettant de fabriquer un gazole de synthèse à partir de matières grasses animales, végétales ou minérales produites à dessein ou issues de recyclage d’huiles usagées
Les opérateurs de recharge pour le secteur automobile se sont fait épingler par les associations de consommateurs pour des frais cachés qui faisaient exploser les factures.
par les pompes dédiées aux XTL Est-ce que cette autorisation de commercialisation publique ouvre la voie au XTL/HVO exclusif, à l’image de ce qui a été accordé au B100 exclusif bénéficiant de la vignette Crit’Air 1 ? Rien n’est moins certain, tant ce sujet semble susciter des querelles de clocher au plus haut niveau de la direction générale de l’énergie et du climat (DGEC)
Alors que le XTL-HVO100 est homologué dans de nombreux pays européens depuis plusieurs années, la sous-direction de l’efficacité énergétique et de la qualité de l’air (SD5) de la DGEC refuse en l’état actuel que la vignette Crit’Air 1 soit accordée aux véhicules utilisant du XTL-HVO100. Elle a demandé à l’IFP-Energies Nouvelles une énième nouvelle étude sur le sujet (que le ministère n’a pas rendu publique) Le paradoxe est que la sous-direction de la sécurité et des émissions des véhicules (SD6) avait quant à elle validé la conformité des véhicules utilisant du XTL-HVO100 en bénéfices sur le bilan environnemental Cela a suscité des interrogations jusqu’à l’Assemblée nationale, où le député Mohamed Laqhila s’était alarmé de cette situation dès février 2023. La réponse du ministère, le 16 mai 2023, permet de mesurer la prise de risque des industriels souhaitant promouvoir le HVO exclusif. En substance, les constructeurs pouvaient, à leur frais, financer des campagnes de mesure d’émissions en HVO exclusif, sans que les éventuels résultats positifs n’engagent l’administration Une façon bien bureaucratique de botter en touche. Hélas, le dossier pourrait être définitivement jeté aux oubliettes, puisque Caroline Mahé-Deckers, à l’époque chef de la SD5, a été nommée depuis novembre 2024 au poste de sous-directrice de la sécurité et des émissions des véhicules à la SD6 de la DGEC
Le HVO/XTL exclusif : équipementiers et constructeurs parés
Parmi les constructeurs, l’intérêt pour le HVO est plus marqué que pour le B100 jugé trop franco-français (il faut procéder à une homologation par type pour un véhicule B100 exclusif, doté du code B1 à la rubrique énergie). Si seuls MAN, Renault Trucks, Scania, Volvo Trucks, et très prochainement Daf Trucks, peuvent livrer des camions aux moteurs compatibles avec le B100 (sur une partie de leurs gammes de moteurs toutefois), toutes les marques, sans exception, admettent le HVO (norme EN 15940) comme carburant sur leurs véhicules industriels répondant aux émissions antipollution Euro VI-e. Dans les faits, le HVO est totalement miscible ou substituable au gazole norme EN 590. Mercedes-Benz Trucks France a validé toute la partie technique pour homologuer des camions HVO exclusif, mais l’obstacle semble être au sein de la DGEC, avec des divergences de vues entre les bureaux de cette administration Le procédé retenu par Daimler Trucks France repose sur une reconnaissance de la signature chimique par spectrographie infrarouge (ou proche infrarouge) embarquée, selon le procédé développé par la firme aixoise SP3H. La même société fournit déjà MAN et l’atelier CAPS de Scania France pour la détection du B100 exclusif. Il s’agit de la miniaturisation de systèmes utilisés dans l’industrie pétrochimique pour le contrôle en flux continu des unités de raffinage. L’équipement, dont la dernière version s’appelle Fluidbox Micro V.2, compatible avec le règlement GSR II entré en application à l’été 2024, est miniaturisé et durci pour fonctionner avec la précision requise dans l’environnement difficile (températures, vibrations, perturbations électromagnétiques) des véhicules industriels SP3H s’appuie sur une centaine de brevets et convertit un signal analogique (le fluide) en digital (le signal). Cette mesure en temps réel est bien connue de l’industrie pétrochimique Concrètement, l’analyse correspond à un scan en continu de plus de 300 fréquences correspondant à la structure moléculaire des composés des carburants, permettant ensuite de définir le type et la quan-
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tité de biocarburants quels qu’ils soient Par les traces chimiques, SP3H revendique être en mesure d’identifier l’origine des produits et le procédé de fabrication Un argument choc face aux interdictions relatives à l’usage d’huile de palme pour la production de HVO (interdiction posée initialement par la France, puis transposée dans la directive RED II amendée). SP3H met en avant la robustesse et la fiabilité de son appareil en regard des capteurs de mesure physiques qui analysent un seul paramètre comme la teneur en oxygène
Fluidbox Micro V.2 de SP3H mesure en temps réel plus de 300 fréquences correspondant à la structure moléculaire des composés des carburants, permettant ensuite de définir le type et la quantité de biocarburants quels qu’ils soient.
Ces dernières méthodes ne reposent qu’indirectement sur le carburant : par exemple, par la mesure d’un courant, d’un angle de réfraction, ou de la déviation d’une onde acoustique comme c’est le cas pour l’équipement livré par Continental à Renault Trucks et Volvo Trucks La production, entièrement issue de composants sourcés en France et qui est aujourd’hui de 1 000 unités par an, pourrait atteindre d’ici fin 2025 les 4 000 boîtiers annuels si la situation administrative se débloquait pour le HVO exclusif. Une autre solution, plus simple, pourrait être l’incorporation d’un additif coloré dans les cuves de HVO (comme pour le GNR), mais cela pourrait ne pas convaincre la DGEC qui souhaite, parmi ses critères techniques, s’assurer l’irréversibilité du mode exclusif lorsque le véhicule est immatriculé sous ce régime
HVO vs B100, la bataille du carburant plus propre que propre
Une des difficultés qui va se poser est la disponibilité de la ressource organique (biomasse) qui pourra être mo -
bilisée entre les biocarburants (bioGNV, B100 et HVO). Mais pour la distribution, les candidats se bousculent : si Oleo100 mise exclusivement sur le B100, TotalEnergies communique sur son HVO 100, tandis qu’Altens, Bolloré Energy ou Romano Energy se veulent agnostiques et proposent plusieurs carburants décarbonés (B100 et XTL) Richard Lecoupeau, dans son intervention lors des Rencontres de la Filière 2024, a mentionné les différences de rendement à la production entre les divers produits Et le bioGNV part avec un avantage considérable : selon cet ingénieur, en analyse de cycle de vie entre la matière première et le produit noble (biométhane), le rendement est ici de 80 %. Il y a la consommation des compresseurs dans le cas du bioGNV, ce qui fait que l’énergie livrée correspond à 93 % de celle admise en amont. Hélas, pour le B100, les procédés de traitement restituent seulement 38 % de la quantité potentielle de joules présents dans la biomasse initiale Bilan encore plus décevant pour les HVO où le rendement énergétique par rapport à la quantité brute de la biomasse est de seulement 33 % Il s’agit très probablement de rendement sur le produit non transformé (quantité potentielle) Ce point, très polémique, doit faire l’objet d’une étude dédiée à ce sujet par l’Ademe en 2025. Cela a toutefois le mérite de prouver que le gazole n’est pas un produit si facile à substituer « Ce qu’il faudrait plutôt regarder, c’est le coût énergétique pour fabriquer 1 litre de B100 ou HVO, car il est impossible de comparer l’énergie en joules/MJ ou kWh contenue dans la masse brute initiale si elle ne peut pas être brûlée dans un moteur à combustion interne » , précise Alain Lunati, docteur en génie chimique Une analyse partagée par différents ingénieurs de l’IFP Énergies Nouvelles. Cela pose à nouveau la question des méthodes et des périmètres d’analyse En l’espèce, il serait certainement plus pertinent d’analyser en mode du puits à la roue (en amont), et quantifier combien d’énergie est nécessaire pour fabriquer 1 litre de HVO à partir de l’huile ou de la matière grasse de récupération (ou 1 litre de B100 à partir de colza)
En analyse de cycle de vie entre la matière première et le produit noble (biométhane), le rendement avec le bioGNV est de 80 %.
La consommation des compresseurs fait que l’énergie livrée correspond à 93 % de celle admise en amont.
Les différents groupes d’intérêts entre B100 et HVO se livrent à une bataille de chiffres, les uns mettant en avant le bilan CO2, les autres la baisse des émissions au pot d’échappement Selon Alain Lunati, docteur en chimie et spécialiste des procédés de raffinage, il peut y avoir une variation de 30 à 40 % des résultats en amont des systèmes de dépollution en fonction des carburants utilisés et de leurs procédés de fabrication L’ennemi absolu étant le soufre et les aromatiques polycycliques, qui sont à la fois précurseurs des suies et des particules fines et contribuent à l’engorgement ou à la perte d’efficience des systèmes de post-traitement des gaz d’échappement Lucia Giarracca-Mehl, ingénieur de recherche à l’IFP Energies Nouvelles en chimie des carburants à Rueil-Malmaison et spécialiste de la dynamique de combustion, a expliqué, lors d’une conférence organisée par le pôle de compétitivité CARA en mai 2024, que la présence d’oxygène dans les EMAG* (produit de base du B100) induit deux phénomènes pénalisants pour les utilisateurs finals : un délai de conservation du produit qui ne dépasse pas 6 mois (contre 2 ans pour du gazole, dans de bonnes conditions de stockage)
En outre, les EMAG ont quelques réactions dommageables avec des métaux tel que le cuivre ou les élastomères comme les FKM (dits fluoro-élastomères), ce qui justifie les précautions prises par les constructeurs. D’après les mesures faites dans les laboratoires de l’IFP Energies Nouvelles, les émissions d’oxydes d’azote
* EMAG : ester méthylique d’acide gras.
(NOx) fluctuent beaucoup d’un moteur à un autre lors de l’utilisation d’EMAG (ou B100). Ce produit est également plus visqueux que le gazole ou les autres substituts, ce qui est un handicap lors de la pulvérisation dans les chambres de combustion. Cela contribue à amplifier la « mouillabilité » des parois des cylindres et favorise la génération de particules Les EMAG ont également un pouvoir lubrifiant moindre que celui du gazole ou de ses substituts HVO et XTL*. À l’inverse, HVO et XTL ont un pouvoir calorifique inférieur (PCI) et un indice de cétane nettement plus élevés que les EMAG, les avantageant à la fois en rendement énergétique et en comportement à l’inflammation du mélange. Ultime argument pour le HVO, sa teneur en soufre inférieure à 1 mg/kg qui réduit la génération de particules (les catalyseurs apprécieront) À comparer aux 10 mg/kg du gazole délivré en station depuis l’application de la norme européenne Auto-Oil II en 2005. Lucia Giarracca-Mehl conclut qu’une additivation des EMAG pourrait être nécessaire pour réduire les effets de cette oxydation, un moyen de réduire également l’encrassement des injecteurs Bizarrement, les impacts sur les émissions de particules fines, mesurées à l’IFP Energies nouvelles, ne sont pas linéaires avec les EMAG (gain sur les émissions de particules supérieures à 23 nm à faible charge moteur, mais augmentation des particules fines).
XTL et HVO globalement bons en émissions
Lucia Garracca-Mehl confirme que les carburants de substitution permettent globalement une diminution des émissions de polluants atmosphériques Sur les particules fines, « à partir d’une teneur de 10 % d’alcanes oxygénés, une baisse de 10 à 20 % de la masse des particules fines est observée ». La conclusion de cette scientifique est la suivante : « la dilution des aromatiques est essentielle pour réduire la masse des particules, tandis que l’oxygène semble efficace pour réduire le nombre de particules émises de grande taille ». Le HVO présente un bilan encore meilleur dans les différentes études internationales conduites sur ce
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sujet**, avec un gain de 70 % mesuré sur les émissions de monoxyde de carbone (le mortel CO), une baisse de 20 % sur les hydrocarbures imbrûlés (HC) et d’environ 15 % sur les émissions de particules fines.
Les carburants de substitution permettent globalement une diminution des émissions de polluants atmosphériques.
Selon les résultats de l’IFP Energies Nouvelles et les données de quatre autres études internationales, les moteurs Euro VI-d à catalyse SCR sont relativement constants dans leurs émissions, ce serait moins vrai pour les moteurs Euro VI-d avec EGR + SCR Une réduction des émissions de CO2 de 4 à 8 % est observée lors du fonctionnement en HVO pur. Pour les EMAG, la chercheuse relève que les résultats d’études sur les émissions d’oxydes d’azote (les NOx, réputés irritants) sont excessivement variables : on va d’un brillant -30 % à un préoccupant + 50 %. Visiblement, tous les moteurs et systèmes d’injection ne s’accommodent pas de la même façon aux différentes qualités d’EMAG (leur ressource primaire – ou intrant – a des répercussions sur les caractéristiques de combustion) Les impacts sur les particules fines seraient répartis entre -20 % et -75 %, là encore en fonction de la typologie de moteur et d’EMAG Les émissions d’hydrocarbures imbrûlés baissent de -10 % à -40 %.
Sur le dangereux CO, Lucia Garracca-Mehl relève que les études enregistrent une élévation de leur teneur en sortie moteur, mais aucun impact après passage dans les
* XTL désigne les carburants liquides réalisés suivant le procédé FischerTropsch (biomasse –BTL– ; gaz –GTL– ; ressources électriques –PTL–)
** Parmi ces études :
Agarwal et al Potential and challenges for large-scale application of biodiesel in automotive sector, Progress in Energy and Combustion Science 61, 2017.
Burton et al. Fuel Property Effects of a Broad Range of Potential Biofuels on Mixing Control Compression Ignition Engine Performance and Emissions, SAE Technical Papers, 2021.
éléments de post-traitement des gaz d’échappement En ce qui concerne les polluants non réglementés, les aromatiques polycycliques et formaldéhydes sont systématiquement réduits lors du passage aux carburants de substitution, que ce soit sur moteur Cummins ou Scania Mais les esters d’huiles de colza (RME), avec une élévation des émissions, constituent l’exception sur ces deux chapitres Comme les performances mesurées (puissance et couple) sont inchangées, et que les substituts (HVO et XTL) sont applicables sans modifications significatives sur les moteurs, la conclusion des différentes études leur est favorable
Dans l’édition de la Veille VI 2024, nous évoquions l’existence d’alternatives au pétrole et rappelions le fait qu’un moteur thermique n’est pas forcément un moteur requérant aux énergies fossiles Cet état de fait a trouvé une consécration lors du salon IAA 2024, où tous les constructeurs européens majeurs ont exposé des motorisations fonctionnant avec des carburants dits alternatifs, le dihydrogène s’attribuant une place de choix La liste des constructeurs et motoristes est longue : Cummins, Daf/Paccar, FPT Industrial/Iveco, MAN, auxquels il faut ajouter Weichai pour la Chine
D’autres avaient exposé des modèles à pile à combustible tout en travaillant, plus ou moins discrètement, sur le moteur à combustion H2 : Daimler Truck (programme WaVe, échanges techniques avec Keyou pour la conversion dihydrogène des moteurs Daimler OM471), Ford Trucks et Volvo AB (programme MH8 pour Renault Trucks, partenariats stratégiques avec HPDI pour Volvo Trucks). Ce dernier groupe se distingue en travaillant à la fois sur la pile à combustible (via la coentreprise Cellcentric avec Daimler) et sur le moteur à combustion hydrogène
Iveco a exposé à l’IAA 2024 trois interprétations possibles d’utilisation de l’hydrogène : un S-eWay Fuel Cell à pile à combustible, un démonstrateur utilisant le nouveau moteur FPT Industrial/Iveco XCursor 13 alimenté au dihydrogène et un concept d’hybride série où le moteur
La maturité commerciale dépendra beaucoup du prix au kg et de la disponibilité d’hydrogène dit vert.
Cursor 9 alimenté au dihydrogène sert à entraîner une génératrice Si le premier doit être mis à la route début 2025, le modèle à moteur XCursor 13 devra attendre encore quelques années, tandis que le troisième n’est pour le moment qu’un outil de recherche Parmi les constructeurs déjà bien engagés sur le terrain du camion hydrogène, il y a Hyundai avec le Xcient Fuel Cell, déjà autorisé à circuler en Europe et pour lequel la marque coréenne a trouvé un distributeur en Allemagne (Paul Nutzfahrzeuge) Charles-Édouard Cambournac, président de Hyundai Hydrogen Mobility, évoque une présentation officielle de la marque à l’occasion de Solutrans 2025.
MAN Truck & Bus a surpris le monde du véhicule industriel en annonçant lors du salon la mise à la route au cours de l’année 2025 de 200 à 250 tracteurs MAN hTGX 6x2 et 6x4 dotés du fameux moteur H45 à combustion hydrogène Ce moteur de 16,8 litres est un dérivé du moteur diesel MAN D3876 converti à l’allumage commandé. Il développe 520 ch pour 2 500 Nm de couple entre 900 tr/mn et 1 300 tr/mn. Les clients tests sont localisés en Europe du Nord : Allemagne, Norvège, Islande, Pays-Bas
Une filière à conforter
Les équipementiers historiques s’emparent également du sujet : Bosch, Cummins, Dumarey, Eaton, HPDI, Mahle, OPmobility (ex-Plastic Omnium), Phinia (ex-Delphi), Voith À l’IAA 2024, ils ont tous exposé des preuves de concepts ou des composants industrialisables pour les véhicules dihydrogène à combustion interne, quand ce ne sont pas des composants pour les piles à combustible La maturité commerciale dépendra beaucoup du prix au kg et de la disponibilité d’hydrogène dit vert. Le tarif affiché à plus de 18,60 €/kg, vu sur une station Engie à Vénissieux (Rhône) à l’été 2024, remet en cause tout équilibre économique
à cette option, qu’il s’agisse de véhicules à combustion dihydrogène ou de pile à combustible
L’avenir du dihydrogène appliqué aux transports dépendra également beaucoup de l’attitude des politiques vis-à-vis de l’hydrogène gris, déjà produit par cogénération pour les sites industriels majeurs Florentin de Loppinot, P -D G de TEAL Mobility, a insisté lors des Rencontres de la Filière 2024 sur le fait que le développement des stations hydrogène puisse aller plus vite que celui des infrastructures de recharge au mégawatt (MCS) Il a rappelé que « l’on a besoin d’actionner tous les leviers, hydrogène bas carbone et renouvelable, aujourd’hui 75 % de nos approvisionnements TEAL Mobility sont déjà bas carbone. Le gros sujet c’est l’Allemagne, il y a un gros sujet de décarbonation à y faire, mais ce n’est pas le cas en France ou
Hydrogène réactif ou carburant, quelles différences ?
Un des arguments des promoteurs de la filière hydrogène est son potentiel pour être utilisé dans des moteurs à combustion interne ou pour les piles à combustible. Mais les secondes sont beaucoup plus exigeantes en termes de pureté. Pour ne pas provoquer de vieillissement des membranes, il faut impérativement une pureté dite de grade 5 (soit 99,99 de pureté, en pourcentage de volume), outre la prévention vis-à-vis de polluants chimiques pour les éléments chimiques de surface des membranes. Le moteur à combustion hydrogène n’a pas cette exigence de pureté et peut se contenter d’une teneur en hydrogène plus faible. Mais cet argument demeure limité par les contraintes posées aux compresseurs. La présence d’eau (source de condensation) en sortie d’électrolyseur peut générer des phénomènes de cavitation préjudiciables aux compresseurs.
La veille technologique du véhicule industriel
au Benelux » Il n’élude pas la question (sensible) du prix : « notre objectif, c’est d’être à moins de 2 chiffres au kg aux alentours de 2030 » Son espoir repose sur les dispositifs comme la TIRUERT, permettant potentiellement d’effacer à la pompe jusqu’à 8 € le kg. Erwin Penfornis, vice-président de la branche mondiale Énergie Air Liquide, également présent aux Rencontres de la Filière 2024, a rappelé que « si l’on veut être un peu sérieux sur le développement de l’hydrogène comme solution pour les poids lourds, il faut viser à l’horizon 2030 de l’ordre de 30 000 véhicules en circulation […], c’est 0,5 million de tonnes d’hydrogène par an. C’est à la fois peu et beaucoup, parce que cela va représenter des investissements significatifs, mais c’est aussi très peu quand on regarde justement la base installée de production d’hydrogène pour les industries » Il se fait quelque peu provocateur, critiquant l’insistance d’autres acteurs autour de la promotion exclusive de l’hydrogène vert et du tout électrique à batteries : « oui, il faut utiliser l’hydrogène qui est existant parce que les émissions d’ici 2030, elles sont absolument négligeables par rapport à l’opportunité de donner des solutions aux transporteurs et aux constructeurs pour être capables de décarboner en 2030. Commençons par l’hydrogène qui est là ». Il faut être capable de flexibiliser l’origine de l’hydrogène : « En demandant tout de suite que du vert, ça ne marche pas » Il conclut en demandant que le moteur thermique hydrogène soit accepté dans les dispositifs d’aides à l’investissement pour les transporteurs : « on voit aujourd’hui des freins en Allemagne sur certains mécanismes de soutien »
En marge du débat sur la couleur de l’hydrogène (gris, blanc, bleu, vert) comme leurs pendants à batteries, les camions hydrogène sont considérés zéro émission Comme pour les véhicules à batteries, la réglementation européenne se soucie peu de la provenance de l’énergie primaire utilisée pour alimenter le véhicule Si l’avenir est clair au niveau réglementaire au sujet de la décarbonation des véhicules tels que voulus par l’Union européenne, la question majeure autour de l’hydrogène demeure le prix : celui des véhicules, de leur coût d’exploitation, de la molécule, de sa distribution
GNV
rend pas le tablier !
Bien qu’oublié des médias de masse et volontiers stipendié par certaines ONG, le GNV demeure une réalité parmi les alternatives aux moteurs diesel alimenté au gazole D’après les données statistiques traitées par la CSIAM dans son bilan des 9 mois 2024 du marché du véhicule industriel en France, le GNV figure toujours sur le podium des énergies Les moteurs diesel (gazole, HVO et B100 flexible confondus) s’arrogent 90,3 % des immatriculations de véhicules neufs Ils sont suivis par les véhicules dits B100 exclusifs (code B1 sur le certificat d’immatriculation) qui ont représenté 5,4 % des immatriculations. Et le GNV s’offre le luxe de devancer l’électricité avec 3,3 % de part de marché des véhicules neufs (contre 0,9 % pour les véhicules à batteries).
Pour le segment des autobus, la présence du GNV est encore plus forte : sur la même période, il figure à la première place avec 43,3 % des immatriculations. L’électrification est ici bien plus avancée, puisque dans le transport de voyageurs elle prend la deuxième place avec une part des immatriculations de 40,5 %, devançant largement le moteur diesel (gazole, HVO et B100 flexible) qui régresse à 16,2 %. Pour les minicars et minibus (moins de 8 t de PTAC), la CSIAM recense 57 % de véhicules diesel, 25,8 % de minicars et minibus électriques et 17,2 % de modèles fonctionnant au GNV Dans le domaine des autocars, le GNV demeure l’alternative n° 1 (9,4 % des immatriculations, devant le B100 exclusif à 1,9 % et l’électrique à 0,9 % des immatriculations sur 9 mois 2024).
Parmi les constructeurs, seuls Iveco, Scania et Volvo Trucks continuent de miser sur cette énergie, avec des options techniques parfois originales (comme le dual fuel de Volvo associant moteur à allumage par compression et GNL) D’autres constructeurs proposent des motorisations GNV, comme Renault Trucks (en camions sur le D Wide) ou MAN (en autobus sur le Lion’s City), mais se gardent d’en faire la promotion, leurs états-majors s’étant désinvestis de cette option technique Le motoriste Cummins reste très actif sur ce marché et fournit plusieurs constructeurs d’autobus et d’autocars
Les moteurs GNV sont aptes à passer les seuils d’émissions prévus pour la future norme antipollution. Pour les plus anciens, l’ajout d’un filtre à particules pourrait être nécessaire en Euro VII, mais ce serait la seule contrainte technique.
(de Anadolu Isuzu à Solaris Bus) Il est à noter que FPT Industrial et Cummins s’apprêtent à livrer dès 2025 des moteurs GNV de nouvelle génération (le Cursor 13 d’un côté et le X15 de l’autre) Ils se singularisent par la hausse des valeurs de couple, la baisse des consommations spécifiques, mais aussi par leur compatibilité annoncée à Euro VII
Avenir serein face à l’échéance normative Euro VII
Lors d’un exposé réalisé en octobre 2024 devant un panel d’invités de France Mobilité Biogaz, les représentants d’Iveco France, de l’Ademe, du cabinet 2C Consulting et de GRDF se sont révélés confiants sur la faculté des moteurs GNV à passer les seuils d’émissions prévus pour la future norme antipollution En partant des valeurs homologuées dans les COC des moteurs Euro VI étape E, les conférenciers se déclarent confiants « pour l’homologation des moteurs GNV concernant les NOx, un travail restant nécessaire pour l’un des moteurs Iveco et un moteur Renault Trucks (baisse de 30 % à réaliser). Une amélioration des calibrations et/ou renforcement du catalyseur (charge et volume) permettra de régler le problème. Le CO ne posera pas de souci, les PM non plus grâce à la marge importante existant avec la limite » Surtout, l’avantage concurrentiel vis-à-vis des moteurs diesel devrait s’accroître, ceux-ci « ayant un gap plus important à réaliser concernant les NOx, avec pour certains un gain de près de 50 % à réaliser pour Euro VII. Les CO et PM ne poseront pas de problème » Toutefois, il convient de rappeler ici que, comme pour l’hydrogène, le surcoût des véhicules GNV tient pour
La veille technologique du véhicule industriel
l’essentiel à leurs réservoirs En fonction des cycles de mesures réglementaires, le filtre à particules pourrait ne pas être nécessaire (si l’on se base sur le WHTC). En cycle RDE Euro VII, « l’ajout d’un FAP permet de baisser de 85 % les émissions de PM aussi pour les moteurs GNV qui seraient un peu limite par rapport à la norme Euro VII, le recours au FAP résoudra de manière certaine le problème » Même bilan rassurant pour les émissions d’ammoniac : « les résultats des essais permettent d’affirmer que sur les cycles RDE […] , les émissions de NH3 ne seront pas une contrainte pour les moteurs gaz » , ainsi que pour le protoxyde d’azote (N2O). En résumé, pour les moteurs GNV les plus anciens, l’ajout d’un filtre à particules pourrait être nécessaire en Euro VII, mais ce serait la seule contrainte technique qui viendrait s’ajouter pour le respect des émissions réglementées L’avenir des moteurs thermiques en GNV semble assuré en Euro VII Reste à savoir si l’attentisme de certains ne sera pas en mesure de remettre en cause la filière. Quant aux réseaux de distribution, le GNL a les faveurs de certains pays voisins, tandis que la France, pour des raisons de prééminence du marché autobus et de capillarité du réseau de distribution par canalisations, a une préférence pour le GNC Rappelons que le Comité national routier (CNR) a établi un indice des prix du GNV, ce qui permet de clarifier les relations contractuelles entre transporteurs et chargeurs. La crise amorcée en 2021, qui a culminé en 2022 (avec 108 % de hausse par rapport à août 2019), s’est atténuée. Selon les dernières parutions du CNR, l’indice du GNV serait revenu à 155,1 (par rapport à août 2019).
Jean-Philippe Pastre
Avec l’électrification à batteries et le développement de l’hydrogène, les camions et tracteurs routiers pourraient évoluer sensiblement, rendant d’autant plus nécessaire la révision de la directive européenne sur les poids et dimensions. Le véhicule industriel est en pleine métamorphose.
Pour les constructeurs, il n’y a que peu d’alternatives : soit on gagne sur les densités énergétiques des batteries (ce qui a peu de chance d’arriver à court terme), soit on change les silhouettes en faveur d’une architecture à l’anglaise de type 6x2. L’autre option qui se présente est l’utilisation des ensembles porteurs remorquants, ce qui permet d’optimiser la charge utile mais change sensiblement l’exploitation des véhicules Une autre issue serait envisageable si l’Union européenne procédait à la révision de la directive poids et dimensions Or, les Rencontres de la Filière VI 2024, qui se sont déroulées à Lyon le 10 octobre 2024, ont ôté tout espoir de ce côté (tout au moins à court terme) : la présidence hongroise ne fait pas de cette directive une priorité, et tout dépendra de l’agenda défini par la présidence polonaise au Conseil de l’Union européenne à partir de janvier 2025.
Enjeux de la directive poids et dimensions révisée
La révision de la directive poids et dimensions est doublement stratégique La question des masses et reports de masses sur le pont moteur est sensible Les batteries posent des problèmes d’encombrement (les empattements minimums des tracteurs 4x2 sont portés entre 3 900 mm et 4 100 mm suivant les marques) mais elles
ne sont pas les seules Les futurs camions à hydrogène, qu’ils soient à pile à combustible ou à combustion, auront des contraintes d’espace considérables pour l’intégration des réservoirs à bord
Pour les tracteurs, l’accroissement des longueurs hors tout sera déterminant pour leur conversion à ce mode de stockage d’énergie L’élévation des charges aux essieux, en particulier sur le pont moteur, pourrait être un combat réglementaire international majeur entre les États membres de l’UE Si la France a adopté de longue date le 13 t à l’essieu (pour essieu isolé), ce n’est pas une règle universelle
Pour l’essieu moteur, la charge maximale admissible est de 11,5 t Sur certaines applications en ensemble tracteur plus semi-remorque (comme la température dirigée), le bonus charge utile de 2 t demeure parfois insuffisant pour compenser la surcharge pondérale liée aux accumulateurs électriques*. Subtilité dans les textes : le bonus charge utile pourrait être limité à 1 t pour les véhicules industriels à combustion hydrogène, tandis qu’elle serait de 2 t pour les engins associant batteries et pile à combustible En outre, certains constructeurs ne peuvent pas, pour des questions de charges techniques aux essieux, le
* Voir à ce sujet l’article R312-4 du Code de la route : https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000023821547/
créditer à sa valeur maximale Certains modèles ne sont pas non plus homologués comme porteurs remorquants, c’est un point à surveiller à la commande. Accroître la charge aux essieux est une option qui arrivera à des limites techniques, notamment pour les pneumatiques L’augmentation des indices de charges pour les pneumatiques est déjà une réalité Les dernières présentations chez Continental, Goodyear, Michelin et Prometeon (ex-Pirelli) confirment cette tendance à l’accroissement des indices de charge, notamment pour les essieux directionnels (passage au 8,5 t de capacité) Mais pour les 315 R 22.5, il sera difficile de gagner encore de la capacité au-delà des indices 158/159, tant pour des questions techniques de carcasses que pour la préservation des chaussées (effets de poinçonnage et d’orniérage). Pour dépasser cette valeur, il faudra adopter des 385/55 R 22.5 qui atteignent déjà les indices 160.
Les futurs camions à hydrogène, à pile à combustible ou à combustion, auront des contraintes d’espace considérables pour l’intégration des réservoirs à bord.
On observe une généralisation des essieux avant à 9 t de capacité sur le Mercedes-Benz eActros 600, ainsi que sur les gammes hautes à batteries Renault Trucks, Scania et Volvo Trucks. On parle de plus en plus de 10 t à l’avant, en particulier pour les camions devant être équipés d’une grue en dos cabine Les fabricants de pneumatiques sont également concernés par la norme Euro VII qui prévoit la mesure d’émissions de particules fines issues de l’abrasion des pneumatiques. L’ETRMA, association qui regroupe les industries du caoutchouc
en Europe, a obtenu que l’homologation du véhicule ne soit pas ad vitam aeternam liée au pneumatique monté à l’origine (comme pour l’éclairage ou les systèmes de dépollution), ce qui aurait été ingérable pour les fabricants de pneus Outre les liaisons au sol, les camions électrifiés vont changer sur bien d’autres points.
L’impact physique sur le véhicule
Le développement des véhicules électriques à batteries, ou de la future génération avec pile à combustible, aura des impacts considérables sur l’architecture physique des camions. L’arrivée des eAxle (ou ponts électrifiés) est un premier changement Les constructeurs, pour gagner en espace entre les longerons, cherchent à se débarrasser du traditionnel arbre de transmission Mercedes-Benz Trucks a déjà franchi le pas pour ses gammes eActros Volvo Trucks s’apprête à le faire pour son imminent Volvo FH Electric d’une autonomie annoncée de 600 km : dans ce cas, l’accroissement des capacités de stockage électrique tient précisément à l’élimination des organes traditionnels de transmission, en particulier l’arbre de transmission
Les packs de batteries pourront désormais être placés dans l’espace ainsi libéré entre les longerons, ce qui bénéficie aussi à la sécurité passive en cas de choc et au comportement dynamique du fait d’une meilleure répartition des masses. Cela a également un effet positif pour les carrossiers, qui pourront aménager plus facilement des fourgons de transport de fonds, des balayeuses, des stabilisateurs Cummins va plus loin et a révélé un train avant à roues indépendantes anticipant ce report de charge sur l’avant Le choix des roues indépendantes a un intérêt qui dépasse le comportement routier : il s’agit aussi de libérer de l’espace entre les passages de roues
pour y loger batteries ou pile à combustible Cette architecture (due à la filiale Meritor AxleTech) s’inspire de ce qui se fait dans les autobus urbains où le dégagement de couloir pour les bus à plancher plat est une réalité depuis des décennies
Équipementiers : les gagnants de l’électrification
Si les constructeurs motoristes paraissent affaiblis par cette politique d’électrification forcée (ce qui a conduit Daimler Truck à vendre au géant américain Cummins
Ce que les autobus peuvent apporter aux camions
En matière d’électrification les autobus ont une longueur d’avance pour des raisons politiques. Si les constructeurs ont commencé par mettre des tonnes de batteries à bord, ils ont présenté en 2024 différents véhicules à tare optimisée. Cela passe parfois par le recours à des matériaux composites (comme pour Ebusco ou VDL Bus & Coach) ou à une meilleure intégration des composants à bord (Solaris Bus avec l’Urbino Electric Modular Drive qui offre par rapport à la génération précédente 7 places supplémentaires, y compris dans la version à plus de 600 kWh installés).
La tendance forte est le développement de la pile à combustible, mais on note différents choix techniques : certains comme Solaris Bus ou feu Van Hool misent sur une pile de forte puissance (en l’espèce une Ballard FC Move XD de 120 kW et plus), associée à un pack batteries de petite taille (lithium-ion NMC(1) ou LTO(2)) qui assure les appels de puissance et la récupération de l’énergie cinétique lors des décélérations et freinages. Une autre option est d’utiliser une pile à combustible de petite capacité, aux alentours de 45 kW, comme prolongateur d’autonomie. C’est le choix de Mercedes-Benz sur le eCitaro Fuel Cell (avec une pile Toyota) ou du français Safra avec le HyCity (avec une pile Symbio).
Certains, comme le groupe Iveco Bus, ont choisi une voie intermédiaire avec une pile de capacité moyenne (une Hyundai TWO de 110 kW nominal, exploitée autour des 40 kW pour en optimiser le rendement énergétique) et un pack de batteries NMC unique mais de capacité
intermédiaire (un pack lithium-ion NMC de 69,2 kWh FPT Industrial à partir de cellules d’origine Microvast). Le résultat ? Un gain de charge utile correspondant à 17 passagers, ce qui signifie que le Heuliez GX337 H2 est plus léger que le modèle à 5 packs de batteries tout en procurant une autonomie supérieure à celle de l’Heuliez GX 337 Elec à 7 packs de batteries. Outre le gain en charge utile, il y a ici l’enjeu des temps de recharge, car ce modèle, déjà retenu par deux collectivités en France à l’été 2024 pour des livraisons en 2025, est clairement conçu pour les lignes à fortes amplitudes de service (de 5 heures à 22 heures) pouvant parcourir jusqu’à 340 km quotidiennement. Concentrer la recharge nocturne d’un parc d’autobus entre minuit et 4 heures du matin peut exiger un surdimensionnement des capacités électriques coûteux, ce qui peut redonner un avantage à l’option H2 (à la condition d’un prix au kg du dihydrogène compétitif, ce qui est encore loin d’être le cas pour l’hydrogène dit vert). Autre explication de l’intérêt porté par les fabricants de bus aux piles à combustible : leur chaleur résiduelle est mise à profit par les pompes à chaleur de bord pour chauffer l’habitacle. Un argument important quand on sait que le chauffage purement électrique de l’espace passagers peut représenter une majoration de 50 % de la consommation énergétique en hiver(3)
(1) NMC cathodes en nickel manganèse cobalt, anodes en graphite. (2) LTO cathodes en lithium et oxydes de titane, anodes en graphite. (3) Source Transports Publics Genevois.
son usine de Mannheim aujourd’hui dédiée aux moteurs OM934 et OM936), les grands gagnants sont évidemment les industriels de la batterie, avec en tête le trio chinois BYD, CALB et CATL (par ordre alphabétique)
Les producteurs européens comme Northvolt ou ACC renoncent à certains de leurs investissements ou traversent une période difficile, tant financièrement qu’industriellement. Hormis Blue Solutions (groupe Bolloré) qui a compris l’enjeu de sécuriser ses approvisionnements en lithium en Amérique du Sud, ces équipementiers n’ont pas la main sur les matières premières, contrairement à la Chine qui contrôle l’extraction des matières premières, leur raffinage, les produits intermédiaires et finis.
De son côté, l’américain BorgWarner a racheté le pionnier allemand des batteries lithium-ion Akasol Chine, États-Unis, on voit qui gagne dans les choix de l’Union européenne Plus grave encore : les constructeurs qui assemblent leurs batteries comme MAN, le groupe Volvo ou le basque espagnol Irizar e-mobility ont forcément recours à des cellules en provenance d’Asie : si ce n’est pas la Chine, c’est la Corée du Sud (LG Chem par exemple) ou le Japon (avec entre autres Panasonic). Même dépendance pour les microprocesseurs, cartes mères et calculateurs. L’Europe a sacrifié son industrie pour recréer une dépendance tout aussi nocive que celle aux pays pétroliers On peut toutefois déjà identifier les équipementiers historiques dont le savoir-faire reste fondamental : les spécialistes de la gestion thermique Eberspächer, Nissen, Valeo, Webasto, entre autres, voient leur cœur de métier valorisé par l’électrification, que ce soit à batteries ou par pile à combustible Les batteries et convertisseurs de courant requièrent un contrôle très strict des températures de fonctionnement pour assurer leur sécurité et leurs performances D’autres équipementiers, en provenance d’Italie (comme Cornaglia) ou de France (comme ARaymond), se positionnent également sur ce marché de la gestion thermique des packs de batteries
La veille technologique du véhicule industriel
La communication entre tracteurs et semi-remorques doit être protégée des piratages, ce qui a impliqué de nouvelles architectures électroniques et logicielles.
Le freinage voué à évoluer
Depuis juillet 2024, la norme européenne GSR II impose des architectures et des précautions particulières pour la protection des équipements sensibles face aux risques de piratage informatique ou télématique Pour les équipementiers comme Continental VDO ou Haldex fournissant les carrossiers-constructeurs, la communication entre tracteurs et semi-remorques doit être davantage protégée, ce qui a impliqué de nouvelles architectures électroniques et logicielles
Le second changement à court terme est lié à l’électrification Le freinage des ensembles routiers électriques à batteries a recours à des résistances, afin de bénéficier de la retenue offerte par les machines électriques même batteries pleines Un gaspillage d’énergie que Telma se propose de résoudre élégamment en proposant son ralentisseur frein à induction hybride, le HIB (Hybrid Induction Brake). le HIB intègre 3 fonctions : moteur, générateur et ralentisseur Il permet de freiner le véhicule grâce à sa génératrice intégrée (freinage régénératif), produisant ainsi de l’électricité qui est stockée dans la batterie secondaire Cette énergie issue du freinage ainsi stockée permet 3 fonctions :
1. Alimenter le moteur électrique du HIB pour faire du boost au démarrage, soutenir l’accélération du véhicule et ainsi baisser la consommation de 15 % du véhicule ;
2. Alimenter les fonctions secondaires du véhicule carrossé (groupe froid, compacteur, nacelles, climatisation, grues etc ) ;
3. Alimenter la fonction ralentisseur du HIB qui permet de compléter l’action de la génératrice si besoin et freiner le véhicule même lorsque la batterie est pleine
Le HIB permet également, en complément de la généra-
trice, de fonctionner classiquement en « consommant » du courant pour alimenter un aimant à courant de Foucault générant la retenue Mais il peut produire également de l’électricité comme un moteur électrique Et c’est là que le dispositif devient intéressant : il permettra de s’affranchir des résistances, et de leur système de refroidissement, pour assurer une retenue optimale du camion en descente même batteries pleines ! Comme le Telma HIB pouvant aussi agir comme un moteur électrique et un système de recharge embarqué, l’installation d’un HIB sur un véhicule thermique permet de le rendre hybridation parallèle Crit’Air 1 sur une base de modèle thermique, comme c’est sur le cas sur un Iveco Daily qui devrait passer ses homologations UTAC au premier semestre 2025.
Pour le long terme, tous les équipementiers travaillent sur les freins à pilotage et commande électrique Cela aura un impact fort pour les constructeurs, puisqu’il n’y aura plus besoin de circuits pneumatiques Si cela est une réalité pour Haldex en Chine, en Europe on bute sur l’exigence des redondances de sécurité Mais les bénéfices pour les constructeurs sont tellement évidents que cela semble inéluctable La seule question est de savoir quand
Jean-Philippe Pastre
Aujourd’hui, le transport représente une part importante de la consommation énergétique française. Outre le besoin de décarboner, il faut aussi trouver la production nécessaire non seulement du pétrole mais aussi de nombreuses autres énergies pour que les camions puissent rouler. Le risque d’une concurrence des usages est grand.
1 110 litres par seconde C’est la consommation de gazole routier en 2023 en France, soit un total de 35 milliards de litres. Avec un PCI (pouvoir calorifique inférieur) d’environ 10 kWh/l, c’est donc 350 TWh de gazole qui ont été consommés Le gazole routier se nomme B7 en raison des 7 % de biocarburants incorporés, c’est ainsi que nous avons consommé en 2023 près de 2,5 milliards de litres de biocarburants (25 TWh). Pour l’ordre de grandeur, notre consommation, tous usages confondus, est de 445 TWh d’électricité et de 380 TWh de gaz.
En complément du gazole routier, nos véhicules ont englouti 14 milliards de litres d’essence (tous types confondus), soit un volume total de carburant routier de 49 milliards de litres (hors B100, HVO, ED95) pour la mobilité routière, soit près de 470 TWh. À ces volumes s’ajoutent les consommations des autres mobilités avec le GNR (gazole non routier) pour 5 milliards de litres, et environ 8 milliards de litres de carburant pour l’aviation
Un total de 61 milliards de litres a donc été consommé en France pour ces énergies, soit près de 600 TWh. Cette consommation représente 122 MtCO2eq rien que pour le transport routier et un total de 145 MtCO2eq pour l’ensemble des transports, soit 32 % du total des émissions de CO2 nationales dont la réduction est impérative.
Le transport représente une part importante de la consommation énergétique française avec près de 470 TWh de carburants consommés en 2023.
Les ressources sont-elles assez nombreuses ?
Aujourd’hui, le transport représente une part importante de la consommation énergétique française avec près de 470 TWh de carburants consommés en 2023, un chiffre colossal, supérieur à la consommation de gaz française (386 TWh) Fortement carbonée – gazole et essence alimentent encore 95,6 % des véhicules en circulation – la mobilité représente 32 % des émissions des gaz à effet de serre au périmètre France C’est l’un des secteurs les plus polluants et dont les prévisions voient une croissance de ses usages dans les prochaines années
Face à la réduction essentielle des émissions de CO2, il est urgent de mettre en place des actions rapides de décarbonation de ce secteur en s’appuyant sur les énergies disponibles et durables Mais les ressources actuelles sont-elles suffisantes pour y répondre ?
Du point de vue des institutions européennes, le bilan carbone des véhicules doit être regardé à l’aune des émissions au pot d’échappement (du réservoir à la roue) Une approche critiquable car à contre-courant de la réalité physique. En effet, les émissions doivent être considérées du puits à la roue par ce que l’on appelle l’ACV (analyse du cycle de vie), méthodologie utilisée mondialement et validée par le monde scientifique, prenant en compte notamment le mode de production des énergies consommées par les véhicules En clair, l’Europe regarde le problème avec un seul œil, et cela est fort pratique, car les solutions zéro CO2 se limitent aux véhicules électriques à batteries (VEB) et hydrogène (VH2).
Avec cette approche, que l’électricité soit produite à partir de charbon et l’hydrogène à partir de gaz naturel fossile (hydrogène gris) importe peu : cela ne vient pas perturber le résultat CO2 du véhicule qui reste à zéro ! Mais les faits sont têtus et la science ne se courbe pas devant la vision politique Ainsi, faire rouler un camion électrique avec de l’électricité polonaise actuelle revient à augmenter (en ACV) les émissions de CO2 de 48 % par rapport au gazole, mais vu de la fenêtre européenne, ce camion sera propre et considéré à zéro CO2. En France, le constat ne sera pas le même, le camion électrique sera bien plus performant environnementalement parlant que du gazole, mais ses émissions ne seront pas (jamais) nulles Certains diront à juste titre : « facile de critiquer les choix européens, mais si l’on veut avancer et décarboner, il faut bien faire des choix ! » Et c’est bien le fond de la question à se poser : a-t-on le luxe de faire des choix énergétiques si l’on veut réussir à décarboner, ou du moins baisser l’empreinte carbone de nos transports ? Et si pour une fois nous étions contraints par les limites terrestres ?
industriel Les émissions doivent être considérées du puits à la roue en ACV, qui prend en compte le mode de production des énergies consommées par les véhicules.
Une production limitée
Si l’on suit la recommandation européenne et que l’on passait 100 % du parc diesel en électrique et/ou hydrogène, que cela voudrait-il dire ? Premier scénario : 100 % électrique à batterie (VEB, véhicule électrique à batterie). Avec le gain de rendement offert par la chaîne de traction électrique on pourrait estimer un besoin total de 150 TWh d’électricité, soit une augmentation de 30 % de notre consommation actuelle, ce qui fondamentalement ne semblerait pas impossible, d’autant plus que notre pic historique de production nationale a été de 550 TWh en 2013. Mais plusieurs problèmes se posent.
Le premier, les VEB ne sont pas compatibles avec l’ensemble des usages actuels faute d’autonomie et de souplesse Les évolutions technologiques permettront certes d’améliorer ces performances, mais sans jamais atteindre les niveaux des moteurs thermiques Le deuxième problème porte sur la ressource minérale qui, à la manière du pétrole, n’est pas illimitée et pourrait présenter une limite physique au déploiement du tout électrique Augmenter notre production électrique actuelle (qui est d’environ 500 TWh/an, nous exportons pour environ 50 TWh), même de seulement 100 TWh, ne se fera pas en 5 ans ; une centrale nucléaire prend environ 15 ans à se construire et un réacteur ne représente que 10 TWh par an de production additionnelle. Pour finir, les pics de consommation induits par la recharge de millions de vé-
hicules pourraient dépasser les capacités de production électrique Les véhicules à batteries, malgré leurs nombreux avantages, ne pourront être la solution unique
La transition vers l’électrification n’a de sens que si l’on produit de l’électricité bas carbone, ce qui est le cas pour 92 % de la production française.
L’hydrogène est la deuxième énergie poussée (imposée ?) par l’Europe, certes avantageuse, car elle résout en partie le problème d’autonomie propre aux VEB tout en offrant tout de même le graal du zéro CO2 à l’échappement… d’après l’UE. En complément, elle offre l’avantage d’une plus faible consommation de ressources minières grâce aux capacités de batteries nécessaires 5 à 10 fois plus petites que sur un BEV. Mais en contrepartie, elle pâtit d’un rendement de la chaîne hydrogène qui est faible Le rendement de mise à disposition de 1 kWh en entrée de la chaîne de traction électrique d’un véhicule
VEB est d’environ 80% (15 % de perte dans le chargeur et la charge et environ 5 % à la décharge), pour l’hydrogène, il est au mieux de 25 % (électrolyse 61 % de rendement, compression 700 bars 86 % de rendement, PAC 48 % de rendement) La consommation d’électricité nécessaire à la substitution de 35 milliards de litres de gazole par de l’hydrogène s’élèverait ainsi à 500 TWh. Nous l’avons vu précédemment, 150 TWh pour alimenter les VEB dans un avenir proche semblent peu réalistes, alors 500 TWh, soit le doublement de nos capacités de production électrique actuelles, n’est guère plus envisageable L’industrie française consomme déjà annuellement 0,9 milliard de tonnes d’hydrogène, soit 30 TWh PCI issus à 99 % du gaz naturel (H2 gris). Si l’on doit également passer ce 0,9 milliard de tonnes d’H2 gris à H2 vert et/ou rose (mix réseau), il nous faudra donc un complément de 50 TWh d’énergie électrique pour les produire RTE, dans son scénario 2035 de référence, prévoit 65 TWh de consommation d’électricité pour produire de l’hydrogène, soit
1,28 milliard de tonnes d’hydrogène. Il y aurait donc bien une fraction prévue pour la mobilité à hauteur d’environ 15 TWh, mais pas 500 ! Comme nous venons de le voir, le scénario 100 % électrique à batterie et/ou hydrogène ne semble pas réaliste dans un laps de temps raisonnable Malheureusement, nous ne pouvons pas miser sur la fusion nucléaire à court terme. En effet, Pietro Barabaschi, directeur général du projet ITER, a lui-même dit, dans un documentaire en 2023, qu’il était préférable de ne pas miser à court terme sur la fusion nucléaire pour résoudre nos problèmes de production d’énergie Aussi, ce scénario à 2 carburants nous mène dans une impasse. La transition vers l’électrification n’a de sens que si l’on produit de l’électricité bas carbone, ce qui est le cas pour 92 % de la production française, mais de seulement 56 % pour l’Allemagne et moins de 30 % pour l’Italie. Dans ce contexte, comment décarboner le transport en utilisant de l’électricité carbonée dont il faudra augmenter significativement la production ? Au-delà des limites de production, il faut s’intéresser à l’empreinte carbone de cette production électrique Aussi va-t-il nous falloir accepter l’idée que nous serons obligés de continuer à utiliser le moteur thermique Tout l’enjeu sera dans ce cas de défossiliser ce moteur thermique tout en continuant de le dépolluer autant que possible Et pour cela, nous pourrons nous appuyer sur la norme Euro VII qui a été définitivement adoptée le 12 avril 2024 et pousse dans ce sens.
Les options énergétiques pour alimenter les moteurs thermiques sont nombreuses Il y a les biocarburants qui utilisent comme matière première de la biomasse et entrent plus ou moins en concurrence alimentaire suivant leur génération Ainsi, les biocarburants de première génération (1G) génèrent une concurrence alimentaire, là où ceux de deuxième génération (2G), produits à base de déchets organiques, permettent de ne pas créer de conflits d’usage avec la production de nourriture humaine
De l’autre côté se positionnent les électro-carburants ou e-fuel, qui n’ont besoin que de 3 ressources : électricité, eau et CO2 pour être produits. Sur le papier, les e-fuel sont intéressants car ils permettent à la fois de garder le moteur thermique tout en électrifiant la mobilité, puisque ces derniers nécessitent de l’électricité pour faire de l’hydrogène. En réagissant avec le CO2, cela permet de produire un carburant liquide pouvant se substituer à l’essence, au gazole ou au kérosène, permettant ainsi de ne pas avoir à modifier nos écosystèmes de mobilité.
En utilisant 100 % des surfaces cultivables françaises, soit 26,8 millions d’hectares pour faire du B100, nous pourrions tout juste remplacer notre consommation de gazole fossile.
Mais un problème se pose La production de e-fuel, au-delà des capacités industrielles de fabrication quasiment inexistantes à date, a un rendement particulièrement faible, de l’ordre de 25 %. Concrètement, la substitution de nos 35 milliards de litres de gazole nécessiterait la production de 1 400 TWh d’électricité, soit 3 fois notre production totale actuelle, ce qui, hormis faire pousser des centrales nucléaires, des éoliennes et des panneaux solaires partout sur le territoire, semble bien peu réaliste Le scénario le plus ambitieux de production électrique de RTE prévoit une production totale de 715 TWh en 2035 et 754 TWh en 2050. Elles sont aujourd’hui orientées principalement vers le transport aérien, en mal de solution pertinente pour décarboner ses moyen et long-courriers
Reste donc les biocarburants qui sont à ce jour au nombre de 4 en circulation pour les véhicules lourds, mais eux aussi présentent des limites de disponibilité
L’ED95 mis en avant par Scania, bien que pertinent sur l’empreinte carbone, n’a pas su trouver un marché suffisant pour se maintenir en place, et plus aucune offre de motorisation pour ce carburant n’existe désormais
La veille technologique du véhicule industriel
Peut-être que les limites de disponibilité des autres biocarburants le pousseront un jour à revenir sur le devant de la scène
Le B100, promu par le gouvernement qui lui a offert la vignette Crit’Air 1 quand le véhicule est exclusif B100, présente une solution de substitution au gazole intéressante. En effet, elle offre un gain CO2 (en ACV) d’environ 58 % d’après la base carbone Ademe, en prenant en compte la surconsommation de 8 % engendrée par rapport au gazole. Le B100 peut être produit à partir d’huile végétale usagée, de graisse animale ou d’huile végétale non usagée, c’est avec ce dernier type que le B100 utilisé en France est majoritairement (>80 %) produit, à partir de colza plus précisément C’est donc un biocarburant de première génération générant une concurrence avec l’alimentation Un hectare de colza permet de produire 1 430 l de B100, de quoi substituer 1 330 l de gazole en raison de la surconsommation engendrée. En 2023, 1,35 million d’hectares de colza étaient cultivés En utilisant 100 % de la surface de culture, et donc en abandonnant la possibilité de faire des œufs mayonnaise avec l’huile française pour faire du B100, nous aurions pu produire 1,93 milliard de litres de B100, de quoi substituer 1,78 milliard de litres de gazole fossile En utilisant 100 % des surfaces cultivables françaises, soit 26,8 millions d’hectares pour faire du B100, nous pourrions tout juste remplacer notre consommation de gazole fossile, mais nous n’aurions plus rien à manger et 100 % de notre alimentation serait de fait importée Nous quitterions la dépendance énergétique pour passer à une dépendance alimentaire En complément, nous aurions une légère augmentation des émissions de polluants locaux contrairement à ce que l’attribution du Crit’Air 1 peut laisser penser. Carbone 4 a évalué que, sur la base des ressources disponibles en 2015 (qui n’ont guère évolué depuis), nous pourrions produire environ 90 millions de litres additionnels avec nos déchets de graisses animales (françaises) et que les ressources européennes totales d’huiles usagées pourraient permettre de produire entre 1,5 et 3,2 milliards de litres de B100 additionnels.
Le HVO (hydrotreated vegetable oil) est une alternative au gazole qui a l’avantage d’être directement compatible avec toutes les motorisations diesel, sans aucune modification ni surcoût de maintenance contrairement au B100. Il offre un léger avantage sur les émissions de polluants par rapport à l’utilisation de diesel fossile, mais sans pour autant résoudre grandement le problème Il peut être produit avec les mêmes matières premières que le B100, mais à ce jour, une majeure partie du HVO distribué sur le territoire est un biodiesel de deuxième génération produit à partir d’huile usagée, ce qui lui confère un gain d’émission de CO2 supérieur à 80 % par rapport au gazole. Cependant, utilisant les mêmes ressources que le B100, il trouve les mêmes limites de capacité de production et ne pourra donc que représenter une fraction de la solution à l’arrêt de l’utilisation du gazole En complément, le procédé de production du HVO permet de produire également du SAF (sustainable aviation fuel), et l’Europe, au travers de son initiative ReFuelEU Aviation, a défini les taux d’incorporation de carburants durables dans l’aérien à 6% en 2030 et 70 % en 2050, soit 650 millions de litres en 2030 et quasiment 8 milliards de litres en 2050. C’est ainsi plus que ce que l’on peut espérer produire en biocarburants 2G sur la base des ressources nationales.
Il y aura donc une concurrence des usages, sachant que l’aéronautique ne pourra pas facilement substituer le kérosène par de l’hydrogène ou encore du biométhane, les contraintes de masses liées au système de stockage étant trop fortes pour l’aéronautique
La solution du bioGNV, sous sa forme comprimée, le bioGNC, ou sous sa forme liquéfiée, le bioGNL, qui est à ce jour moins répandu que sa version fossile le GNL Qu’il soit sous forme liquide ou comprimée, le bioGNV est la même molécule qui peut provenir de la méthanisation de déchets agricoles ou de nos stations d’épurations C’est un biocarburant de deuxième génération en France
Autres avantages du bioGNV, ses émissions de NOx sont réduites de 70 %. Grâce au déploiement des filtres à particules, un gain de 80 % par rapport aux émissions de particules d’un véhicule diesel est réalisé De plus, les
émissions de CO2 (en ACV) sont en baisse de plus de 80 % et le bruit, facteur important pour la qualité de vie dans les villes, est également en forte baisse (mais reste loin d’égaler celui de l’électrique ou de l’hydrogène) Enfin, en poids lourds, contrairement à l’hydrogène ou encore aux BEV, le GNV est déjà massivement déployé avec près de 10 % des ventes annuelles de poids lourds.
Comme pour le B100 et le HVO, malgré tous ses avantages, le bioGNV ne pourra pas remplacer seul l’intégralité de notre consommation de gazole. Encore une fois, il y aura une concurrence d’usage.
Le bioGNV est le seul carburant alternatif proposant des véhicules au TCO identique, voire légèrement inférieur à celui des véhicules diesel équivalents Malheureusement, comme tous les autres biocarburants, il est limité dans ses ressources D’après l’Ademe, il est possible d’envisager un maximum de production en 2050 de l’ordre de 420 TWh PCI de gaz renouvelable toutes sources confondues Dans ce scénario, la part provenant de la méthanisation est évaluée à 130 TWh, c’est à ce jour la seule solution vraiment mature industriellement, et elle devrait atteindre 12 TWh produits en 2024. Ces 12 TWh permettent déjà de substituer l’équivalent de 800 millions de litres de gazole, et à terme, avec 130 TWh, c’est l’équivalent de 11 milliards de litres qui pourraient être substitués On notera que le passage au moteur gaz accroît le besoin énergétique en raison d’un rendement légèrement inférieur, ce qui entraîne une surconsommation énergétique de l’ordre de 20 % par rapport à un moteur diesel. Comme pour le B100 et le HVO, malgré tous ses avantages, le bioGNV ne pourra pas remplacer seul l’intégralité de notre consommation de gazole, d’autant plus qu’il n’est autre que du biométhane qui devra aussi couvrir la consommation de 380 TWh de gaz lié aux besoins domestiques et industriels Encore une fois, il y aura une concurrence d’usage
La veille technologique du véhicule industriel
Ce balayage des solutions de transition énergétique nous permet de converger vers le fait que l’avenir de la mobilité ne pourra pas être uniquement centré sur les BEV et les véhicules hydrogène Quelle que soit la volonté politique, nous n’aurons d’autres choix que de travailler avec l’ensemble, ou presque, des énergies alternatives dont nous disposons Nous allons passer d’un monde où l’on pompait notre énergie dans le sol à un monde où nous allons devoir cultiver, revaloriser et produire notre propre énergie en intégrant les limites de production inhérentes à notre Terre Nous avons déjà réussi à changer profondément de paradigme de société lors de la révolution néolithique, en passant de chasseurs-cueilleurs à éleveurs-cultivateurs il y a près de 10 000 ans pour changer notre mode d’alimentation. C’est désormais une révolution de l’alimentation pour nos machines que nous allons devoir opérer, il nous faudra pour cela toute l’intelligence collective que peut déployer l’humanité. Le défi est grand et complexe.
Richard Lecoupeau
2C Consulting
La pile à combustible est, au même titre que le mot batterie [électrique], un terme générique qui peut désigner plusieurs techniques de génération électrique.
Voici un petit état des lieux d’une histoire déjà ancienne.
La pile à combustible est en fait une vieille connaissance Son principe est connu depuis le XIXe siècle (selon les sources, les pionniers diffèrent). Il faudra attendre les années 1960 pour en voir les premières applications concrètes
L‘envol des années 1960
Le succès le plus éclatant fut lors des missions Gemini et Apollo, réalisées par l’agence spatiale américaine, la Nasa (National Aeronautics and Space Administration) Les sociétés américaines Union Carbide et Pratt & Witney seront impliquées et sollicitées en 1966 par General Motors En effet, l’industrie automobile s’y intéresse, davantage pour des questions d’image de marque et de prospective que pour de réelles préoccupations environnementales
À la fin de l’année 1966, GM va ainsi présenter l’Electrovan, premier démonstrateur automobile à pile à combustible ayant roulé de façon autonome sur route Détail amusant mais révélateur de l’encombrement et de la masse des premières piles à combustible, la base était un utilitaire Cela sera le cas également des premières applications expérimentales pour Daimler-Benz avec le Necar (New Electric Car), exposé en 1994 et réalisé sur la base du petit fourgon MB100 Vito. La quasi-totalité de l’espace de chargement était occupée
Cependant, les premiers travaux connus en Europe par l’industrie automobile sur la pile à combustible sont plus
Détail amusant mais révélateur de l’encombrement et de la masse des premières piles à combustible, la base était un utilitaire.
anciens. On trouve des témoignages chez Citroën à la fin des années 1960 pour des recherches en laboratoire. Ces initiatives de la SA André Citroën seront interrompues entre 1974 et 1976, lors de la reprise par Peugeot SA qui décidera de mettre fin à ce que ses gérants considéraient comme des élucubrations Ironie de l’histoire, c’est Stellantis (héritier de PSA Peugeot Citroën) qui va investir en 2023 dans Symbio, le chef de file français de la pile à combustible appliquée aux véhicules routiers Cette participation financière n’est que la suite logique d’initiatives lancées du temps de PSA Peugeot Citroën au début des années 2000. Le groupe s’associe avec le CEA (Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives) comme partenaire scientifique et technique dans un programme appelé Genepac Daimler-Benz de son côté travaille sans relâche depuis Necar 1, pour aboutir en 2020 à une coentreprise avec Volvo AB appelée Cellcentric Un changement de partenaire industriel pour Daimler qui travailla longtemps avec le spécialiste canadien Ballard sur ce sujet
On le voit, les constructeurs ont de la suite dans les idées C’est également le cas outre-Atlantique avec GM
qui travaille désormais avec Honda pour produire et commercialiser la pile à combustible Hydrotec. En Asie, Hyundai et Toyota sont déjà en phase de commercialisation de leurs piles à combustible que l’on trouve en Europe à bord des camions Hyundai Xcient Fuel Cell ou des autobus Mercedes-Benz eCitaro fuel cell et autres Caetano H2 City Gold.
Les six technologies en présence
Le principe physicochimique de l’oxydoréduction à la base des piles à combustible actuelles est connu : la formation d’eau à partir d’oxygène (prélevé dans l’air ambiant) et d’hydrogène (pur et stocké à bord) génère de l’électricité Mais, comme pour la pile de l’italien Volta, le passage à une grande échelle est un défi technique complexe Si par commodité on parle de LA pile à combustible, il faut ajouter que, dans les applications en transport routier, nous ne parlons que d’une typologie de pile à combustible hydrogène : la pile PEM à membrane échangeuse de protons Il en existe bien d’autres, les DMFC à méthanol direct (ou reformage de méthanol), les PAFC à acide phosphorique, les piles alcalines (AFC), les MCFC à carbonate fondu et celles à oxyde solide SOFC
Selon le CEA, seules les piles à combustible à membrane échangeuse de protons, à méthanol ou alcalines, peuvent être envisagées pour les applications dédiées au transport. Depuis Necar 1 ou l’Electrovan, les constructeurs ont énormément travaillé pour la miniaturisation des piles, leur allègement et l’augmentation de leur durée de vie Le but étant d’être plus compétitif que les accumulateurs électriques en termes de densité énergétique (en kWh/kg) ou volumique (en kWh/l).
Comme pour un pack de batteries, une pile comprend un ensemble de sous-systèmes nécessaires à la bonne
réalisation de la réaction électrochimique Il leur faut un réservoir pour stocker le combustible (sous 350 bars ou 700 bars, voire cryogénique, choix pour le moment isolé de Daimler Truck), un compresseur, des humidificateurs, des convertisseurs de courant Ces périphériques contribuent au coût et à l’encombrement des piles à combustible PEM qui contiennent des métaux rares comme le platine
La tolérance aux températures comprises entre + 80 °C et + 100 °C est un enjeu important pour un usage routier. Le dimensionnement des échangeurs de chaleur est déterminant à pleine charge sur les rives de la Méditerranée Les calories et les électrons de la pile à combustible ne s’évacuent pas à la même vitesse Mais cette chaleur est paradoxalement précieuse pour les autobus urbains qui peuvent l’exploiter dans les pompes à chaleur afin d’assurer le confort thermique des passagers en hiver
Selon le CEA, seules les piles à combustible à membrane échangeuse de protons, à méthanol ou alcalines, peuvent être envisagées pour les applications dédiées au transport.
Actuellement, les constructeurs envisagent les piles à combustible comme prolongateurs d’autonomie de véhicules électriques, ou comme génératrices de puissance dès lors que l’on parle de transport lourd (ferroviaire, véhicules industriels). Avec l’Heuliez GX 337 fuel cell, disponible sur le marché dès cette année et livrable en 2025, Iveco Bus démontre que la pile à combustible, en l’espèce une Hyundai HTWO, peut servir à optimiser la charge utile (gain de 1 500 kg tout compris) et l’auto-
Pour sa longévité et son rendement, il vaut mieux que la pile fonctionne en continu, à environ 50 % de sa puissance nominale installée.
nomie sur un bus électrique à batteries Un point rappelé par Laurent Rey, responsable de l’activité matériaux chez Symbio : « À autonomie égale un véhicule à pile à combustible est moins lourd qu’un modèle tout batterie » Pour un camion de 700 km d’autonomie, le gain de charge utile pourrait atteindre 3 t Le domaine de pertinence identifié par tous ces fournisseurs (Ballard, Cellcentric, General Motors, Hyundai, Symbio, Toyota) est clairement lié à un usage intensif du véhicule Cela s’explique aussi par les caractéristiques de fonctionnement de la pile elle-même : pour sa longévité et son rendement, il vaut mieux qu’elle fonctionne en continu, à environ 50 % de sa puissance nominale installée
Dans les véhicules routiers, il y aura toujours un pack de batteries à bord servant à la récupération de l’énergie cinétique ou aux appels de puissance On en vient à se demander pourquoi les lobbies des batteries en veulent autant aux piles à combustible qui, finalement, sont les alliées de l’électromobilité L’hostilité de certaines ONG, littéralement survoltées dès lors qu’il s’agit de critiquer les piles à combustible, s’explique d’autant moins que le marché mondial (hors Chine) des véhicules utilitaires et industriels ainsi équipés ne devrait représenter que 200 000 véhicules par an à l’horizon 2030, selon les représentants de Symbio !
Une histoire d’encres et de dilatation
En fonction des rôles assignés à la pile, sa capacité varie sensiblement : pour un prolongateur d’autonomie sur un camion ou bus électrique, 40 kWh à 45 kW suffisent. Pour du ferroviaire, on s’achemine vers des puissances comprises entre 200 kWh et 300 kW. Symbio revendique être le seul acteur à fabriquer ses membranes et plaques (via la coentreprise Innoplate en association avec le groupe allemand Schaeffler).
Le cœur du système à membrane est l’assemblage membrane-électrode L’amélioration des performances est liée à l’accroissement des surfaces d’échange entre les éléments Comme pour une pile électrique, on a donc une anode et une cathode avec un séparateur (ou membrane). Ce dernier contient du fluor, tandis que les anodes sont recouvertes de platine Un savoir-faire particulier tient à l’élaboration et à l’application parfaite d’encres catalytiques contenant ces métaux nobles La formulation des encres qui contiennent les ingrédients de base est l’un des secrets les mieux gardés des fabricants, ce qui explique la présence chez Symbio d’ingénieurs en provenance de l’école papetière INP-Pagora de Grenoble aux côtés de leurs collègues du CEA-Liten Elles adhèrent grâce à un enduit appliqué en enduction directe (à l’épaisseur au micron) avant séchage pour éliminer les solvants Une fois séchées, ces membranes sont assemblées en salle blanche (niveau ISO 8 pour éliminer toute trace d’hydrocarbures de l’air ambiant) avec un joint d’étanchéité
Les travaux des équipementiers portent notamment sur la réduction de l’encombrement des stack-packs, afin de faciliter leur intégration dans les véhicules où l’espace peut être compté.
Un premier assemblage dit « small pack » étanche constitue un élément Comme pour les accumulateurs électriques, le coffrage doit tenir compte des effets de dilatation lors du travail électrochimique Un cycle thermomécanique sert à resserrer les éléments Chaque stack comporte ainsi des ressorts servant à plaquer les éléments internes. Un stack Symbio contient 260 cellules de base Il est ensuite conditionné dans un carter, lequel reçoit tous les périphériques (compresseurs d’air, détendeurs, durites, dessiccateurs et humidificateurs, filtres, équipements de purge et de déionisation, systèmes de contrôle-commande, électrovannes). À ce mo-
La veille technologique du véhicule industriel
ment-là seulement, on parle de stack-pack Les travaux des équipementiers portent notamment sur la réduction de l’encombrement de ces stack-packs (tant chez Symbio que chez Cellcentric), afin de faciliter leur intégration dans les véhicules où l’espace peut être compté Pour atteindre les puissances désirées, il suffit d’additionner les stack-pack
Si les accumulateurs électriques doivent reposer plusieurs heures en usine avant d’être activés (d’où d’immenses racks de stockage dans les usines de batteries), il en est presque de même pour les piles à combustible dont le test final et l’activation requièrent aujourd’hui 4 heures. Actuellement, Symbio revendique une durée de vie de ses piles en usage véhicule industriel de l’ordre de 20 000 à 30 000 heures, tandis que Ballard sur ses FCmove HD annonce plus de 20 000 heures. Comme pour les temps de préchauffage, les progrès sont ici considérables Reste, hélas, la question du coût d’utilisation (prix de la pile et de l’hydrogène)
Jean-Philippe Pastre
Le calendrier de la norme Euro VII pour les véhicules industriels est désormais connu. Voici un récapitulatif des prochaines échéances. La charge de travail chez les constructeurs et les équipementiers va être considérable au vu du temps limité qui reste à leur disposition.
Dans La veille VI 2024, nous évoquions le fait que le Conseil de l’Union européenne avait publié le 21 décembre 2023 le texte de l’accord final relatif aux nouvelles normes d’émissions antipollution devant succéder à l’Euro VI. L’année 2024 a été marquée par quelques étapes supplémentaires, mais aussi, et surtout, par le détail de l’ordre du jour qui attend les constructeurs Cette norme Euro VII, qui semblait ne pas les intéresser du fait de l’électrification voulue par cette même Union européenne, prend de la valeur à en croire les développements autour des moteurs à combustion interne annoncés comme compatibles avec Euro VII Nous avons pu accéder à un document de la Commission européenne sur le calendrier prévu pour la nouvelle norme antipollution appliquée aux véhicules industriels En voici les étapes Commençons par la publication d’Euro VII le dimanche 28 avril 2024 (règlement EU 2024/1257). Les seuils d’émissions sont désormais connus, voir tableau « Seuils d’émissions de polluants pour la norme Euro VII»
En 2025 s’ouvre une longue période (jusqu’au 28 mai 2028) donnant lieu à la préparation des actes d’exécution Une première salve de textes et de documents techniques concernant expressément les véhicules industriels doit être adoptée avant le dimanche 29 novembre 2026. Cela concerne les points suivants :
– Les nouvelles dispositions sur les émissions à l’échappement
– La durée de vie exigée pour les systèmes de filtration et de contrôle (OBD) des émissions
– Les mesures prises pour contrer les tentatives de désactivation des systèmes de dépollution ainsi que l’inventaire des précautions prises en matière de cybersécurité
Une partie purement administrative est prévue avec la liste des amendements à publier au règlement (EU) 2018/858 relatif aux règles de réception par type des véhicules S’y
ajoute une mise à jour des textes relatifs au contrôle des émissions par le véhicule (OBM), ainsi que ceux concernant le passeport environnemental du véhicule Est incluse la mise à jour de l’OBFCM Pour mémoire, depuis le 1 er janvier 2023, le On Board Fuel Consumption Monitoring (le fameux OBFCM) permet aux autorités européennes de vérifier les consommations réelles des véhicules. Ce boîtier est interrogé régulièrement lors des contrôles techniques périodiques, les données anonymisées étant ensuite transmises aux services techniques centraux des États membres (en France, c’est l’OTC, Office technique central hébergé à l’UTAC qui a cette responsabilité) Selon le document consulté, le relevé kilométrique périodique concernera également les remorques et semi-remorques C’est la traduction en actes du polémique Vecto Trailers qui a défrayé la chronique parmi les constructeurs-carrossiers à l’IAA ainsi qu’aux Rencontres de la Filière 2024.
Une deuxième série d’actes d’exécution doit à son tour être adoptée avant le 28 mai 2028, date à laquelle Euro VII s’appliquera à l’homologation des nouveaux types de véhicules industriels entrant sur le marché Cette deuxième salve de textes concerne :
– La mesure des émissions de particules de freinage (une des grandes nouveautés de la norme Euro VII qui va également concerner les véhicules électriques)
– Les mesures et critères de performance pour la durabilité des accumulateurs électriques à bord des véhicules (moteurs et remorqués)
– La mesure des émissions de particules nées de l’abrasion des pneumatiques sur les chaussées (seconde innovation majeure de l’Euro VII) Selon nos informations, l’ETRMA a obtenu que les profils des montes pneumatiques ne soient pas liés à l’homologation du véhicule, ce qui aurait considérablement
Source : livret Phinia Worldwide heavy-duty and off-road emission standards, édition 2024.
compliqué les opérations des fabricants de pneus dans le temps, car cela aurait généré une profusion de références à produire tout au long de la vie des véhicules On peut donc raisonnablement parier que les labellisations seront à terme utilisées pour s’assurer que les performances des véhicules ne s’écartent pas trop des valeurs enregistrées lors du dossier d’homologation
- Les règles relatives aux génératrices auxiliaires pour les véhicules remorqués (TBC ; Electrified Vehicle Power).
- La parution des derniers amendements et mises à jour nécessaires pour le règlement (EU) 2018/858.
Le document de la Commission précise que l’ordre du jour et les dates ne figurent qu’à titre indicatif.
On demeure toutefois surpris par la frise chronologique figurant sur le document de la Commission européenne qui détermine la limite de cette seconde salve de parutions au dimanche 28 mai 2028, soit la veille de l’entrée en vigueur d’Euro VII pour tous les nouveaux modèles devant faire l’objet d’une homologation avec réception par type (lundi 29 mai 2028).
La norme Euro VII devra s’appliquer à tous les véhicules industriels neufs, y compris les modèles précédemment homologués par type, le mardi 29 mai 2029. J.-P P.
Calendrier prévisionnel des actes d’exécution pour les véhicules lourds (HDV)
Début mardi 28/05/24
Préparation des actes d’exécution • Vendredi 31/01/2025 – Dimanche 28/05/2028
Aujourd’hui
Euro VII – Entrée en vigueur du règlement (EU) 2024/1257 mardi 28/05/2024
Adoption des premiers textes HDV dimanche 29/11/2026
Nouvelles dispositions sur les émissions de gaz d’échappement
Dispositions pérennes Antifraude/(cyber) sécurité
Dispositifs de manipulation/stratégies
Amendements au règlement (EU) 2018/858
OBM/passeport environnemental du véhicule
Émissions CO2/consommation de carburant/ efficacité de la remorque/dispositions OBFCM
Date d’application pour les nouveaux types lundi 29/05/2028
Émissions de particules des freins
Durée des batteries embarquées Usure des pneus
Puissance du véhicule électrique (TBC)
Amendements au règlement (EU)2018/858
Date d’application pour les nouveaux véhicules mardi 29/05/2029 Fin mardi 29/05/29
N.B. : sujets et indications de calendrier à des fins de discussion uniquement.
Une approche du puits à la roue permettant de calculer les émissions de gaz à effet de serre sur toute la chaîne transport est en cours de discussion à Bruxelles. La proposition CountEmissionsEU permettrait l’établissement d’un cadre commun pour la surveillance et la déclaration des émissions de gaz à effet de serre dans le transport de passagers et de marchandises dans l’Union européenne.
Dans le cadre du paquet de verdissement du fret, la commission de l’environnement, de la santé publique et de la sécurité alimentaire (ENVI) et la commission des transports et du tourisme (TRAN) du Parlement européen ont voté le 4 décembre 2024 pour des négociations en trilogue sur la proposition CountEmissionsEU L’approche méthodologique commune qui est proposée permet aux entreprises (et non aux constructeurs) de calculer leurs émissions de gaz à effet de serre (GES) sur toute la chaîne transport et logistique si elles choisissent de publier ces informations ou si elles sont invitées à les partager pour des raisons contractuelles
Quelle est la méthodologie ?
Elle est basée sur la nouvelle norme EN ISO 14083:2023 pour la quantification et la déclaration des émissions de gaz à effet de serre résultant du fonctionnement des chaînes de transport de passagers et de marchandises Cette norme établit un ensemble commun de règles et de principes de calcul des émissions pour les opérations de transport basées sur le concept du puits à la roue, incluant les émissions provenant à la fois de l’utilisation du véhicule et de la fourniture d’énergie par le véhicule. La norme EN ISO 14083:2023 peut également être utilisée pour calculer les émissions des opérations de transport internationales, y compris celles impliquant plusieurs modes de transport
La proposition CountEmissionsEU établit un cadre méthodologique mais ne réglemente pas Elle n‘est donc pas obligatoire pour les entreprises de transport Cependant, si elles décident de calculer et de divulguer des informations sur les émissions
de GES des services de transport, elles devront adhérer aux règles CountEmissionsEU Cela garantit que les données sur les émissions de gaz à effet de serre parvenant à un expéditeur, un passager ou un client de commerce électronique sont exactes et comparables pour différents services et opérations de transport
Pour maximiser la fiabilité des calculs, CountEmissionsEU privilégiera l’utilisation de données primaires, c’est-à-dire de données obtenues lors de la réalisation effective d’une opération de transport Toutefois, les données primaires sont souvent indisponibles ou trop coûteuses à générer pour certaines parties prenantes, notamment pour les PME Par conséquent, CountEmissionsEU autorise également l’utilisation de données secondaires, valeurs par défaut et données modélisées par exemple
Les votes ouvrent la voie à des négociations en trilogue entre le Parlement européen, la Commission et le Conseil avant un vote final.
Hervé Rébillon