REPÈRES VÉHICULES ÉLECTRIQUES 2024

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LE VÉHICULE INDUSTRIEL ÉLECTRIQUE

PRÉFACE

L’électrique à portée de main

Les ventes de véhicules utilitaires et de poids lourds électriques commencent à décoller, notamment parce que la commercialisation des véhicules électriques de plus de 16 tonnes en est encore à ses débuts. Néanmoins, le camion électrique est désormais une réalité. Dans cette édition 2024, nous vous proposons de fournir des repères technologiques, pratiques et financiers sur les véhicules industriels électriques. Quel camion acheter pour rendre votre flotte plus écologique ? Quelle puissance et quelle autonomie choisir ?

Ce numéro s’intéresse non seulement aux véhicules mais aussi à l’infrastructure, c’est-à-dire les stations de recharge. Contrairement aux camions diesel traditionnels, les poids lourds électriques nécessitent des bornes de recharge mobiles ou en stations publiques. Cela représente un investissement humain et financier, car l’installation d’une station de recharge en entreprise est réglementée. On est loin de la simplicité du ravitaillement en stationservice comme pour le diesel. Nous vous laissons découvrir ce premier numéro de Repères consacré aux véhicules industriels électriques préparé par la rédaction de TRM24.

SOMMAIRE

Une révolution poussée par la réglementation 6

Interview de Frédéric Strady, directeur général de Qinomic 21

Interview de Pascal Crestin, chef de produit électrique chez Scania France 12 À chaque utilisation sa batterie 22

Interview de Vincent Passot, manager systèmes de recharge chez Scania France 13

À quelles conditions peut-on migrer vers l’électrique ? 14

Interview d’Arnaud Bilek, fondateur et directeur général d’Enerjump

Les offres électriques des constructeurs 30

Directeur de publication : Hervé Rébillon – rebillon@trm24.fr

Rédacteurs : Hervé Rébillon • Jean-Philippe Pastre – pastre@trm24.fr

Publicité : La Station Productions

Conception et maquette : Luna Aguilar • Photos : tous droits réservés

LUne révolution poussée par la réglementation

Le véhicule électrique est issu avant tout d’une volonté politique, tant au niveau européen qu’à l’échelon national. Cela se traduit par un corpus réglementaire très contraignant, ayant de réels impacts sur les constructeurs et les exploitants.

’ Union européenne a mis en place un cadre réglementaire pour atteindre l’objectif spécifique de réduction des émissions de gaz à effet de serre qu’elle s’est fixé aux échéances de 2030 et 2050. Ces politiques sont issues de la ratification du protocole de Kyoto (COP 3), puis de la COP 21. Elles sont réactualisées et résumées sous la forme d’une communication de la Commission européenne en date du 11 décembre 2019 auprès du Parlement et du Conseil : Pacte vert pour l’Europe. Un document réactualisé le 14 juillet 2021 sous l’appellation « Fit for 55 ».

Les règles européennes

La liste des mesures réglementaires contraignantes est conséquente et engage les États membres, les constructeurs et les utilisateurs. Elles sont, pour partie, prises à la suite de l’accord de Paris sur le climat conclu sous l’égide de l’ONU, publié le 29 janvier 2016 à la suite de la COP 21. Les textes référencés ci-dessous impactent, directement ou indirectement, le transport routier :

– La directive (UE) 2018/2001 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 relative à la promotion et à l’utilisation de l’énergie produite par des sources renouvelables, définissant les biocarburants et carburants non fossiles. Elle est appelée directive RED (Renewable Energy Directive) et fait l’objet d’une révision (RED III).

– Le règlement (UE) 2018/842 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2018 relatif aux réductions annuelles contraignantes des émissions de gaz à effet de serre par les États membres de 2021 à 2030, contribuant à l’action pour le climat afin de

respecter les engagements pris dans le cadre de l’accord de Paris et modifiant le règlement (UE) n° 525/2013 (JO L 156 du 19.6.2018, p. 26). Ces objectifs de réduction d’émissions de gaz à effet de serre se sont également traduits par la création des fameux quotas carbone. En 2027, entrera en application un deuxième système communautaire d’échange de quotas d’émissions (SEQE 2*). À cette date, le transport routier entrera dans les secteurs où s’appliqueront les quotas. Leur prix, mis aux enchères dans le cadre du SEQE 2, sera plafonné à 45 €/t CO2. Cela représenterait théoriquement 12 €/hl de gazole. Une pénalisation de ce dernier qui a pour objectif de rendre l’électromobilité plus compétitive en coût d’usage.

– La directive (EU) 2016/2284 du Parlement européen et du Conseil du 14 décembre 2016 concernant la réduction des émissions nationales de certains polluants atmosphériques, modifiant la directive 2003/35/CE et abrogeant la directive 2001/81/CE (JO L 344 du 17.12.2016, p. 1).

La France tentée par la surtransposition

La loi de transition énergétique pour la croissance verte (LTECV) n° 2015-992 du 17 août 2015** impacte les exploitants via le décret d’application n° 201723 du 11 janvier 2017, via l’article 48 de la LTECV créant les zones à circulation restreinte (devenues

* SEQE 2 ou ETS 2 pour Eropean Trading Scheme n° 2.

** Tous les extraits législatifs et réglementaires français proviennent du site legifrance.gouv.fr à partir des références des textes.

Source : site internet du ministère de l’Écologie, 2021.

zones à faibles émissions, ZFE, dans la loi d’orientation des mobilités du 24 décembre 2019). L’immense avantage des véhicules électriques (à batteries, avec ou sans pile à combustible associée) est qu’ils sont les seuls à bénéficier d’une circulation libre en toutes circonstances dans ces périmètres.

Un aléa juridique existe si, par décision préfectorale, un plan de protection de l’atmosphère est rendu obligatoire suite à des dépassements réguliers des seuils de pollution sur le territoire. En outre, la loi d’orientation des mobilités impose l’étude d’une ZFE-m pour les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) de plus de 100 000 habitants.

La loi d’orientation des mobilités du 24 décembre 2019, dans son article 85, a étendu l’obligation de définir les plans climat-air-énergie aux métropoles, aux établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre (EPCI) de plus de 100 000 habitants et aux EPCI dont le territoire est concerné (y compris partiellement) par un plan de protection de l’atmosphère.

Ces plans visent à restreindre les circulations routières par la mise en place des zones à faibles émissions*. Ces ZFE sont à mettre en place au plus tard le 1er janvier 2023 pour toutes les communes et EPCI sur le territoire desquels les transports terrestres sont à l’origine de dépassement des niveaux de pollution atmosphérique.

La loi climat et résilience a été votée par le Parlement le 20 juillet 2021 et publiée au Journal officiel le 24 août 2021. Elle a étendu le champ des restrictions.

Un autre levier est la programmation de la stratégie nationale bas carbone (SNBC). Il s’agirait dans ce texte (en cours de révision) de fixer un objectif de 50 % de poids lourds électriques sur le marché en 2030 (soit un objectif plus ambitieux encore que celui de l’Union européenne qui vise une réduction des émissions de CO2

* Les zones à faibles émissions (ZFE-m) remplacent les zones à circulation restreinte (ZCR) créées par la loi de transition énergétique pour la croissance verte de 2015.

Les vignettes Crit’Air.

des véhicules neufs de -45 % à la même échéance). Cela représenterait 25 000 camions électriques neufs mis à la route cette année-là et un parc circulant de véhicules lourds à batteries de 60 000 à 80 000 unités. Sachant qu’il reste moins de 6 ans pour atteindre ce chiffre, au vu des immatriculations de 2023, on peut légitimement douter du réalisme de cet objectif.

Les lois de finances, au service de l’électrification

L’Ademe centralise les dispositifs liés à la transition énergétique en France. Les directions régionales de l’Ademe recensent également tous les dispositifs eu-

ropéens et régionaux d’aides et de financements selon le principe du guichet unique. Un premier appel à projets a été réalisé en 2023 et a permis de financer 100 projets d’acquisitions. Il est reconduit pour 2024 avec une annonce initiale de 130 M€. Mais les restrictions et coupes budgétaires survenues en avril 2024 pourraient considérablement remettre en cause ce montant, à l’image de ce qui s’est produit en début d’année 2024 en Allemagne.

Ces dispositifs ont, jusqu’à présent, favorisé les achats des principales collectivités territoriales, rompues aux montages de dossiers de subventions, ce qui explique que les premières vagues de véhicules aient été des autobus et des bennes à ordures ménagères. Pour les

Menace potentielle sur le remisage des véhicules à batteries

Les aspects de règlements de sécurité autour de l’électricité sont importants. C’est l’arrêté du 3 août 2018, relatif aux prescriptions générales applicables aux ateliers de charge contenant au moins 10 véhicules de transport en commun de catégorie M2 ou M3 fonctionnant grâce à l’énergie électrique, qui détermine les conditions dans lesquelles ils doivent être remisés. Il implique de lourdes conséquences quant à l’aménagement des aires de parcage et de remisage, puisqu’à partir de ce seuil, le site appartient aux installations classées ICPE sous la rubrique n° 2925.

Parmi les prescriptions, il faut une distance minimale de 15 mètres entre l’aire de charge et les limites du terrain. Elle est de 14 m pour une installation de ravitaillement d’hydrogène, de 10 m pour les autres carburants. L’aire de charge doit être à 10 m d’un local chaufferie ou du local abritant les pompes et systèmes automatiques d’extinction d’incendie.

L’espace de quarantaine des véhicules électriques accidentés doit être séparé par une cloison pare-feu répondant à la norme EI30 ou REI30 (s’il s’agit d’un mur porteur). Chaque véhicule électrique accidenté (même en choc carrosserie si les dommages ont pu toucher les circuits haute tension à câblage orange), ou suspect d’une anomalie électrique, devra impérativement faire l’objet de cette quarantaine jusqu’à un délai de 48 heures au-delà duquel le véhicule devra être retiré du site. Cet espace de remisage doit être séparé de l’aire de charge par une paroi de 4,5 m de haut minimum répondant à la norme incendie EI60. Une protection (toit, auvent) doit permettre d’éviter l’introduction d’eau dans les batteries endommagées. Cet espace doit être clairement identifié.

L’accès au site doit pouvoir se faire par deux entrées différentes, à tout moment accessibles pour les services d’incendie et de secours. L’installation de charge doit, selon l’article 2.3.1 de l’arrêté, être à la fois équipée :

- d’une protection électrique au niveau de chacune des aires de charge permettant de couper la charge électrique ;

- d’une protection électrique de second niveau permettant de couper un groupe de points de charge.

Ces protections sont déclenchées manuellement à partir de dispositifs de type « arrêt d’urgence » disposés au droit de l’atelier de charge et facilement accessibles.

Un essai de leur bon fonctionnement est réalisé au moins une fois par an. Les résultats de ces tests sont conservés et tenus à la disposition de l’inspection des installations classées (Dreal). L’installation comporte également un système au sol ou à bord de véhicules qui permet d’empêcher la charge dès que le système de pilotage et de surveillance de la batterie détecte une anomalie telle qu’une surtension ou un échauffement. La démonstration de ce point peut s’appuyer sur l’homologation des véhicules.

L’article 2.3.2 précise les exigences pour le poste de surveillance. L’installation comporte un poste de surveillance situé à proximité du point d’accès des secours. […] Le poste de surveillance est équipé pour recevoir le déclenchement des protections de second niveau visées à l’article 2.3.1, et de l’installation de détection et/ou d’extinction automatique d’incendie. Il dispose de :

- un dispositif de coupure générale de type « arrêt d’urgence » de l’ensemble des alimentations électriques de l’installation ;

- un moyen permettant d’alerter les services d’incendie et de secours.

L’arrêté dispose également que la recharge des véhicules se fait sous surveillance « directe d’une personne nommément désignée par l’exploitant et ayant une connaissance de la conduite et des dangers de l’installation ». En clair : tant qu’un véhicule électrique est en charge, il faut une personne sur le site. Suivent des prescriptions quant aux dispositifs minimaux d’appareils incendie (avec des « débits minimum de 60 m3/h sous une pression minimum de 1 bar durant 2 heures »), de collecte et de rétention des eaux usées, d’alarme et de désenfumage (si locaux couverts ou fermés). Il faut juste espérer que ce corpus réglementaire reste circonscrit aux seuls véhicules de transport de voyageurs, sans quoi les investissements fonciers autour de l’électromobilité pourraient flamber.

10

% à 15 %

du prix d’achat d’un véhicule GNV, hydrogène ou électrique : c’est l’économie d’impôt potentielle étalée sur 5 ans.

La question de la mesure de la décarbonation

Dans le règlement de 2019, confirmé et sévérisé en janvier 2024 par le Parlement européen et le Conseil, le seul critère retenu pour la décarbonation est celui des émissions du réservoir à la roue. Les véhicules considérés comme basses ou zéro émission sont donc de fait les véhicules dotés de batteries de traction, ou les véhicules à moteur à combustion interne émettant jusqu’à 1 gramme de CO2/kWh/km. La base de référence est l’année 2019 et le calcul se fait à partir de l’outil de simulation européen Vecto. Le premier objectif est fixé en 2025 avec une réduction de -15 %. Le second rendez-vous est en 2030, avec un très ambitieux -45 %. En 2040, l’objectif fixé est une réduction de -90 %. En 2035, les véhicules jusqu’à présent exemptés des mesures Vecto (bennes à ordures ménagères, véhicules dédiés au secteur du bâtiment et des travaux publics) vont entrer dans la base de calcul. Cette même année, la trajectoire fixe une réduction de -75 %. Si ces objectifs s’imposent aux constructeurs (assujettis à une amende pour tout dépassement des valeurs à chaque point d’étape), ils auront forcément des conséquences pour les utilisateurs finaux : placement « forcé » de véhicules électriques par les commerciaux des constructeurs, indisponibilité de certaines motorisations ou configurations de carrosserie, etc.

camions, les enveloppes attribuées voient leur répartition fluctuer étrangement d’un dossier à un autre.

Pour un même nombre de véhicules, de même type et nature, les fonds accordés peuvent osciller de 30 000 € à 60 000 €. Un chiffre à mettre en parallèle avec le prix catalogue des camions à batteries (entre 2,5 et 3 fois le prix d’un équivalent à moteur diesel Euro VI à moteur diesel). On bute ici sur le pouvoir discrétionnaire de l’Ademe, dont les critères apparaissent opaques. En outre, ces dossiers Ademe sont extrêmement lourds à constituer au niveau administratif et favorisent les grands groupes ayant les moyens humains et financiers de passer par des cabinets spécialisés dans le montage de ces dossiers.

Pour les véhicules GNV, hydrogène et électriques, il existe un dispositif fiscal de suramortissement couvrant la valeur des véhicules lourds à concurrence de 160 % (véhicules de plus de 3,5 t jusqu’à 16 t de PTAC) ou 140 % (plus de 16 t de PTAC). Il est ouvert aux entreprises soumises à l’impôt sur les sociétés. Ce dispositif est maintenu jusqu’au 31 décembre 2024, il est annoncé comme préservé pour encore plusieurs années (sans qu’aucun terme n’ait été communiqué).

Cela apporte potentiellement une économie d’impôt de 10 % à 15 % du prix d’achat étalée sur 5 ans. Son principal inconvénient, outre cette dépendance aux programmes des lois de finances, est qu’il faut pour les entreprises faire d’imposants bénéfices pour que cette incitation soit attractive. La Chambre syndicale des importateurs de cycles et motocycles (CSIAM) plaide pour un principe de bonus automatique lié à l’acquisition d’un véhicule. Demande restée sans effet à ce jour. Une hypothèse régulièrement évoquée envisage le subventionnement des véhicules électriques par les « obligés » via les certificats d’économies d’énergie (ou C2E) du programme SEQE. L’étude d’une fiche standard pour ces C2E aurait été commencée au sein de la DGITM. Selon certains observateurs, cela pourrait contribuer à des montants de 2 % à 4 % de la valeur d’achat d’un véhicule industriel électrique. Les échanges de quotas d’émission, en fonction de la valeur attribuée à la tonne de CO2 évitée pourraient contribuer de façon bien plus large, sur la durée de détention du véhicule, à ce financement.

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Pouvons-nous dire aujourd’hui qu’il existe bel et bien un marché du véhicule industriel électrique en France avec des offres complètes ? Que propose Scania ?

Pascal Crestin : Le marché des véhicules industriels électriques de 16 tonnes et plus reste encore faible en France puisqu’il se situe en dessous de 1,5 %. Scania propose une offre dédiée essentiellement aux applications urbaine et régionale. À ce jour, nous sommes capables de fournir des porteurs 19 tonnes et 26 tonnes ainsi que des tracteurs. La version 32 tonnes arrivera courant 2025. Très rapidement, Scania va dupliquer son système modulaire bien connu sur les véhicules thermiques à l’électrique, ce qui nous permettra de proposer des véhicules électriques parfaitement adaptés aux usages de nos clients : choix des cabines, des empattements, des puissances moteur, etc.

Si nous devons expliquer le camion électrique à un transporteur, qu’est-ce qui différencie un véhicule électrique et un véhicule diesel ?

P. C. : La première différence pour un transporteur est le prix. Le coût d’investissement n’est pas le même : il est plus important pour un véhicule électrique que pour un véhicule thermique. Vient ensuite l’autonomie, puisqu’aujourd’hui, avec les capacités de batteries existantes, le niveau d’autonomie est plus faible que celui d’un camion diesel. Par ailleurs, l’infrastructure de recharge sur le réseau routier s’étoffe mais reste encore largement à développer. Ce n’est pas une contrainte pour le segment urbain, car les

Pascal Crestin

Chef de produit électrique chez Scania France

transporteurs mettent en place des recharges au dépôt ou éventuellement, à destination, chez les chargeurs. Un des changements notables réside également dans le fait que les véhicules électriques sont dédiés à des missions bien spécifiques. Nous n’observons pas la même polyvalence qu’avec le moteur thermique. Quand Scania a lancé son premier véhicule électrique en 2021, la capacité maximale des batteries était de 300 kWh. Aujourd’hui elle a plus que doublé, avec une capacité de 624 kWh. Ce qui différencie aussi un diesel d’un électrique, c’est son utilisation et les contraintes d’exploitation au quotidien. Le transporteur doit prendre en compte dès le départ le type d’équipement de recharge compatible avec son activité, ce qui n’existe évidemment pas pour le diesel. Ce point crucial est abordé dès la vente d’un véhicule électrique au client, et Scania

en assure l’accompagnement. Il s’agit ensuite de concevoir le camion adapté à son activité. Des logiciels nous permettent de faire des études assez précises pour déterminer le type de chargeur, et surtout la puissance qui sera nécessaire. Il faut prendre en compte le temps d’arrêt du véhicule pour le rechargement. Si la recharge est effectuée de nuit, donc sur un temps plus long, la puissance du chargeur sera plus faible. L’autre paramètre essentiel est de savoir si le transporteur a la puissance électrique requise. Par contre, et c’est là le point fondamental, les véhicules électriques proposent actuellement l’empreinte carbone la plus faible et sont ce qui se fait de mieux quant à la limitation des polluants locaux (particules, oxydes d’azote, etc.) qui sont contraints dans les ZFE-m.

La maintenance est-elle également différente ?

P. C. : Aujourd’hui, les coûts de maintenance sont légèrement inférieurs au diesel tout en étant proches. La plupart des clients ont à l’esprit la référence à la voiture électrique. Actuellement, l’entretien d’une voiture électrique est réduit. Ce n’est pas tout à fait le cas pour le poids lourd électrique. Certes, il n’y a pas de moteur thermique, mais l’entretien demeure. Tout comme le moteur que l’on doit vidanger tous les ans, un compresseur et la boîte de vitesses nécessitent un entretien régulier. Les équipements périphériques au véhicule, dont certains peuvent être complexes, ont également besoin d’être révisés et entretenus.

Propos recueillis par Hervé Rébillon

i NTERV i EW

Que propose Scania en termes de recharge pour les véhicules industriels électriques ?

Vincent Passot : Scania propose une offre complète de transport, c’est-à-dire le véhicule et la solution de recharge puisqu’ils représentent un tout. Il est important de penser à la recharge dès le début du projet d’électrification. En effet, les délais de production et de mise en service peuvent être assez longs. En fonction des besoins, nous pouvons analyser la flotte complète d’un client et travailler avec lui sur sa transition par étapes, par exemple quels véhicules électrifier dans un premier temps. Suite à cette étude, nous lui proposons des véhicules et une stratégie de recharge qui seront partie intégrante de sa solution de transport.

Quelles sont les étapes suivantes ?

V. P. : Le client a besoin d’être accompagné. Notre solution globale est tout d’abord basée sur une analyse opérationnelle, c’est-àdire sur la compréhension de ses flux logistiques et des contraintes organisationnelles. Nous effectuons ensuite une analyse énergétique qui va déterminer les besoins en énergie. Dès lors, nous pourrons définir le matériel adéquat pour la recharge. L’étape suivante consiste à sélectionner le bon outil de management de la charge. Pour ce faire, nous avons recours à un logiciel, le CMS (Charging Management System), qui permet de piloter la solution de recharge dans sa globalité. Viendront ensuite les phases d’installation et de mise en service. Il ne faudra bien en-

Vincent Passot

Manager systèmes de recharge chez Scania France

tendu pas négliger tous les services à mettre en place pour assurer la disponibilité du système de charge (entretien, assistance 24 h/24, réparation, etc.).

Comme pour les cuves pour gasoil, vous proposez des stations de recharge au sein des entreprises de transport ?

V. P. : On définit plusieurs zones de recharge, à commencer par la plus courante, la recharge aux dépôts. Elle sera privilégiée, puisque c’est grâce à elle qu’il est possible d’obtenir un coût d’électricité négociable par chacun. La recharge aux dépôts pourra ne pas être suffisante dans certains cas et devra être complétée en itinérance dans les stations publiques. Pour aider ses clients dans leur transition vers l’e-mobilité, Scania vient de créer la société Erinion, spécialisée dans les solutions de recharge privées et semi-publiques.

De plus, le groupe Scania s’est associé à d’autres constructeurs de camions dans la création de Milence, une entité ayant pour objectif la mise en place de 1 700 stations de recharge en Europe à l’horizon 2027.

Les postes de recharge évoluent-ils au fil du temps, comme les énergies ?

V. P. : Il existe une large gamme de bornes de recharge. La solution la plus simple est la borne mobile qui ne nécessite qu’une prise tétrapolaire 400 VAC. Elle est parfaite pour commencer son chemin vers l’e-mobilité. Dans le cas d’une station « all in one » (tout compris), les deux connecteurs de recharge sont directement installés sur l’armoire de puissance du système. Enfin, la solution avec armoire de puissance et satellites permet la modularité du système : la possibilité par exemple de recharger rapidement à haute puissance sur un nombre limité de véhicules, ou de recharger de nuit sur la totalité des satellites en répartissant la puissance de toute l’armoire (puissance qui peut augmenter en fonction du matériel).

De plus, lors d’une installation, il est important d’anticiper les besoins futurs, et notamment de prévoir les réserves nécessaires aux évolutions de la solution lors des travaux d’infrastructure. Dans ce registre, nous collaborons au nouveau standard MCS (Mega Charging System), qui équipera bientôt nos véhicules et permettra de satisfaire les futurs besoins de recharge de grande puissance en temps réduit.

Propos recueillis par Hervé Rébillon

À quelles conditions peut-on migrer vers l’électrique ?

Contrairement à ce que l’on pourrait croire de prime abord, ce n’est pas la phase de diagnostic qui constitue le premier échelon de la démarche. Christophe Tharrault, dirigeant de la société Consultruck, nous surprend en avançant que « l’une des phases les plus importantes, parfois oubliée, est de se rappeler que cette démarche est un projet d’entreprise, et non un projet de décideur ».

Ce n’est pas faute de se l’entendre dire : entre discours officiels, lobbying d’ONG environnementales et promotion intensive de la part des services de communication des constructeurs : l’avenir sera électrique ! Mais comme le rappelle l’expérience de groupes pionniers comme Deret ou Asko, un apprentissage est nécessaire pour ne pas perdre le fil.

Arnaud Villeger, directeur de l’OVI (Observatoire du véhicule industriel), l’avait également esquissé lors de la conférence de presse de l’institution en janvier 2024 : « L’achat des véhicules évolue. On assiste au passage d’une décision opérationnelle à une décision stratégique »

Stratégie, le mot est lâché. Christophe Tharrault se fait plus précis sur la méthode : « changer d’énergie implique d’embarquer toute son équipe, sinon, tout le monde va trouver de bonnes raisons et excuses pour ne pas le faire. À commencer par les exploitants et la direction financière ». Donc, première étape : impliquer tous les services de l’entreprise pour les phases suivantes vers la transition énergétique (quelle qu’elle soit) ! Le dirigeant de Consultruck résume la situation : « il faut faire des collaborateurs des alliés ». Clément Molizon, délégué général de l’Avere-France, Association nationale pour le développement de la mobilité électrique, évoque également cet aspect stratégique : « il faut inscrire le passage à l’électrique dans la durée, le temps long ».

Le diagnostic : un moment décisif

Bien sûr, l’étape du diagnostic demeure fondamentale. « Il faut aussi se rappeler que cette démarche est en lien avec la RSE », explique Christophe Tharrault. La tentation est grande, dans cette perspective de politique RSE, de commencer par les tracteurs routiers puisque ce sont les usages les plus intensifs, et donc ceux qui représentent le plus gro gains d’émissions en CO2. Les chiffres des simulations peuvent faire miroiter des effets mirifiques, grâce au mode de calcul européen qui ne prend en compte que les mesures CO2 du réservoir à la roue, mais il faut garder la tête froide. Clément Chandon, responsable des propulsions alternatives chez Iveco France, relève les gains potentiels, et indirectement les pièges, d’une telle approche : « Les tracteurs routiers sont la bête de somme du transport routier. Or, ce sont eux qui effectuent les missions les plus difficiles »

Clément Molizon prône ici la simplicité : « Il faut identifier les véhicules que l’on peut électrifier le plus facilement ». Clément Chandon note quant à lui des différences sensibles en fonction des itinéraires et des véhicules : « le coût total de possession en électrique est radicalement différent entre un long routier et un véhicule urbain. Dans le second cas, il peut déjà être jugé comme équivalent avec celui d’un véhicule diesel ». Sur les coûts d’exploitation, il prévient : l’équivalence ne se fera pas par l’abaissement des coûts

c’est la plage dans laquelle une batterie lithium-ion NMC est à son optimum de performances

La phase de test est-elle indispensable ?

Dans une démarche prudente, on pourrait se dire que la phase de test est indispensable. Clément Molizon, délégué général de l’Avere-France, est plus nuancé : « Le test est important pour les grandes flottes, et plus facile pour elles que pour une TPE. C’est une étape importante mais pas obligatoire » L’expérience du groupe de distribution alimentaire Asko, qui a débuté prudemment par deux véhicules avant de développer son parc de camions électriques en 5 ans sur plusieurs de ses sites en Norvège, tend toutefois à inciter à la prudence car les obstacles peuvent survenir là où on ne les attend pas. Ainsi, d’un site à un autre, le binôme chargeur-véhicule ne fonctionnait pas de la même façon. Des problèmes d’harmoniques électriques, parfois générés par les différents convertisseurs de courant embarqués (celui du camion et celui du groupe froid) sont apparus, pouvant remettre en cause la recharge (avec les conséquences opérationnelles que l’on peut aisément imaginer le lendemain matin).

Chez Asko, on le reconnaît humblement : « commencez par apprendre ! ». Et cela, à chaque déploiement sur site. Après, cette phase de test peut aussi servir à d’autres fonctions comme la communication, et nombre de transporteurs ne s’en privent pas !

des véhicules électriques mais par le renchérissement de ceux des véhicules diesel par l’effet de la fiscalité. Une analyse partagée en transport de voyageurs par le groupement Agir Transport qui fédère opérateurs indépendants et autorités organisatrices. Lors de sa conférence de presse annuelle tenue fin mars 2024, Iveco France a mentionné s’attendre à une hausse de 45 % des coûts d’utilisation des véhicules grands routiers diesel d’ici à 2031.

Les étapes du diagnostic

Chez Scania on le reconnaît, la phase de diagnostic constitue la première et plus vitale étape : « Elle doit vous donner une vision complète de l’exploitation et permettre d’identifier les besoins ». Il faut regarder son parc et les données d’exploitation (itinéraires, kilométrage, charge utile). La consommation de gazole préexistante est également un indicateur très utile, qui donne aussi des informations sur la topographie ou le climat. L’exploitation des données de télématique embarquée ou d’exploitation est précieuse. Cela peut prendre du temps et mobiliser les équipes d’exploitation.

La température extérieure a une incidence importante sur les performances des véhicules électriques, comme le rappelle Xavier Rioult, référent technique e-truck MAN Trucks France. Pour mémoire, une batterie lithium-ion NMC est à son optimum de performances entre +15 °C et +25 °C. La saison hivernale, et la baisse d’efficience associée, doit être prise en considération. Le diagnostic électrique doit, toujours selon Scania, prendre en compte les besoins énergétiques de l’infrastructure, du véhicule et de l’équipement de recharge (incluant les pertes au réseau ou au chargeur).

Cela rend incontournable la consultation des constructeurs, qui disposent des données sur leurs véhicules.

Vient ensuite l’analyse des besoins d’infrastructure d’avitaillement et de recharge. Les entreprises peuvent consulter les différents fournisseurs d’installation de recharge, des installateurs électriciens. Pour gagner du temps, ou faciliter cette étape, on peut s’adresser à des spécialistes d’infrastructures poids lourds comme Autorecharge, plutôt que de devoir attendre auprès d’Enedis. Cependant, selon certains observateurs, la situation auprès du distributeur d’énergie se serait toutefois améliorée depuis la création d’une équipe mobilité lourde venant, depuis Paris, en support des équipes en province. Nicolas Chauveau, responsable commercial et grands comptes chez ABB E-mobility, le confirme, tout en apportant un conseil méthodologique : « Idéalement, il faut établir un rétroplanning un

an avant, à défaut quelques mois minimum précédant la commande des véhicules. Pour les chargeurs, il faut compter 12 à 20 semaines à partir du choix technique et de la décision d’achat. C’est un délai raisonnable compte tenu des autres acteurs comme Enedis »

L’enjeu de la recharge

En fonction de ce bilan de l’exploitation, il sera possible de savoir si le passage à l’électrique est envisageable, et à quelles conditions. « Il faut se poser la question de l’usage. Cette phase doit impérativement être validée. On peut se dire je veux y aller, mais si ce n’est pas possible, il faut envisager un autre choix que l’électrique pour décarboner », résume Christophe Tharrault qui conclut : « la pertinence technique doit être là (…), un point fondamental lors de cette étape d’évaluation concerne la recharge. Il faut être sûr des lieux où le faire, que ce soit en dépôt ou en espace public. Où va-t-on trouver les points de recharge sur le parcours ? » Facteur de rigidité évoqué par Xavier Rioult : « le choix défini dans l’étape de diagnostic avant-vente est ensuite définitif sur le véhicule ». Comme pour un porteur à carrosser, toute erreur à cette étape

Le diagnostic électrique doit prendre en compte les besoins énergétiques de l’infrastructure, du véhicule et de l’équipement de recharge.

de la définition est irrémédiable. Kilian Leroy, responsable performance véhicules chez MAN Trucks France, ajoute à propos de l’autonomie qu’il ne faut pas partir d’entrée de jeu sur la définition maximale de stockage d’énergie. Avis confirmé par Nicolas Chauveau : « Il ne faut pas surdimensionner l’infrastructure, cela n’a pas de sens ! L’usage est déterminant pour bien dimensionner son équipement. Cela dépend de la taille de la batterie en kWh, de l’exploitation et du temps de recharge disponible. Ainsi, recharger 600 kWh n’exige pas du tout la même infrastructure si l’on a 10 heures ou 1 h 30 pour le faire. Dans le premier cas, cela ne mobilisera que 60 kW, dans le second c’est 450 kW ! » Mais l’étude des conditions de recharge induit d’autres questions : Clément Molizon rappelle que la question du foncier, de sa propriété, est également importante dès lors que l’on doit investir dans la recharge en dépôt. Nicolas Chauveau indique les questions que le chef de projet doit ici se poser : « Sur le génie électrique, il faut aussi étudier le site dans son ensemble : est-ce que le bâtiment a de la réserve d’énergie ou pas ? S’agit-il de locaux frigorifiques ? Sont-ils pleinement exploités ? La station de recharge sera-t-elle séparée du bâtiment ? Y aura-t-il des

pointes de fréquentation aux quais ? ». La conception des sites détermine aussi le choix des chargeurs et de leur localisation. « Il faut bien protéger les bornes des accrochages lors des manœuvres », explique Nicolas Chauveau. Pour cette raison, il existe une grande diversité d’installations de recharge : coffrets déportés à simple ou double connecteur, coffrets de contrôle pouvant être associés à des rétracteurs de câbles placés en hauteur, chargeurs monoblocs, etc. Une visite dans des dépôts d’autobus peut se révéler fort instructive et donner bien des idées. Sur ce sujet, on ne peut que déplorer le fait que les constructeurs de camions ne suivent pas l’exemple de leurs filiales dédiées aux autocars et autobus, puisque jusqu’à présent, la majorité d’entre eux ne prévoient qu’une seule prise, située là où se trouvait initialement le réservoir à gazole. Cela peut générer de réelles contraintes lors des recharges en dépôt en fonction de la configuration des bornes. Il faut donc, soit antici-

per ce problème lors de la conception des installations de recharge, soit spécifier sur les options du véhicule une deuxième prise CCS Combo 2 ou une localisation adaptée à votre dépôt.

Bien réviser ses contrats, tous ses contrats !

La question du foncier est également importante dès lors que l’on doit investir dans la recharge en dépôt, et la conception des sites détermine le choix des chargeurs et de leur localisation.

Christophe Tharrault alerte : « J’insiste là-dessus : l’électrique n’a de pertinence économique que par rapport au prix du gasoil. Il faut a minima un coût d’énergie électrique un tiers plus bas que le coût gazole pour être à iso TCO (dans les conditions actuelles du marché), ce qui est globalement le cas ». Bien étudier ses contrats sur les tarifications à long terme (3 à 5 ans) est une précaution indispensable. L’expérience douloureuse de 2022 sur les prix spot des énergies (en particulier le gaz naturel mais aussi l’électricité) doit appeler à la prudence. Cette négociation sur la four-

niture d’énergie est encore plus importante dans le cas de l’itinérance. Aujourd’hui, certains opérateurs de points de charge (CPO) facturent jusqu’à 0,40 €/ kW délivré en borne publique. Il faut également bien faire attention aux frais annexes pour lesquels les CPO peuvent faire preuve d’une imagination… sans bornes.

Christophe Tharrault pointe aussi d’autres postes de coûts : « Discuter préalablement avec son pneumaticien peut avoir un intérêt pour anticiper les coûts induits par l’électrification qui va avoir un impact sur la durée de vie des pneus ». Sans oublier, bien sûr, le poste assurances. Avec des véhicules qui valent entre 2 et 3 fois plus cher qu’un diesel équivalent, et avec des garanties liées à la valeur du véhicule, il est évident que cela a un impact sur les primes. Toujours à propos du passage à l’électrique, Christophe Tharrault évoque le cas de transporteurs incités à s’y mettre par leurs banquiers. Certains établissements financiers, comme La Banque postale ou le Crédit Agricole, ont annoncé leur intention d’ici à 2030 de réduire, voire de supprimer, les prêts en faveur de l’acquisition de véhicules diesel. « Pour cette raison, il faut bien penser à inclure votre banque dès le départ de la démarche. En effet, ils ont des obligations d’investissements dans la décarbonation. Ils ont une grille d’évaluation rapportant l’euro investi à la tonne de CO2 évitée. » Moralité ? « Il faut absolument impliquer le banquier dans le projet », conclut-il.

À qui faire appel ?

La décarbonation du transport peut passer par diverses options, et tant l’Ademe que l’IFP Énergies nouvelles publient régulièrement des analyses sur ce sujet*. Par ailleurs, il existe une multiplicité de cabinets de conseil (ils pullulent sur des réseaux sociaux comme LinkedIn) traitant de la transition énergétique. Avant de s’engager avec de telles structures, et de n’en regarder que les coûts de prestations, il est sage de se renseigner sur le profil des consultants et leur parcours professionnel. Il peut être judicieux de choisir des personnes ayant un vécu dans le monde du transport, et qui en connaissent les arcanes et contraintes. L’indépendance de ces cabinets de conseil est un second point de vigilance. Les constructeurs, dans la perspective de l’électrification, se sont tous dotés de structures pour aider au diagnostic des flottes. Cela passe soit par des équipes dans les sièges français des entreprises, soit par les distributeurs via des vendeurs experts sur ces thématiques. Nicolas Chauveau, responsable commercial et grands comptes ABB E-mobility, reconnaît volontiers que les présentations faites par les constructeurs, « MAN par exemple, mais ce ne sont pas les seuls, sont vraiment bien faites » Un point de vue partagé par Clément Molizon, délégué général de l’Avere-France : « Il y a un vrai intérêt à aller voir les constructeurs à cette étape ». Pour les ressources documentaires et les retours d’expérience, les entreprises peuvent aussi solliciter les syndicats professionnels comme la FNTR ou l’OTRE qui disposent en interne d’équipes bien informées sur ces sujets. La partie documentaire ne sera pas forcément la plus difficile, sachant qu’une fois votre choix fait, chaque filière a son bureau de représentation : pour l’électromobilité, c’est l’Avere-France** qui regroupe tous les acteurs, qu’il s’agisse des équipementiers (batteries de traction, équipements de recharge), des constructeurs, des énergéticiens ou d’autres prestataires (sociétés de financement ou de conseil).

Pour les aides à l’investissement, il y a l’Ademe et le portail internet dédié aux financements de points de recharge géré par l’Avere-France (http://www.advenir.mobi).

* https://librairie.ademe.fr/mobilite-et-transport/5949-etudeenergetique-economique-et-environnementale-du-transportroutier-a-horizon-2040-e4t-2040.html

** Avere-France : 5 rue du Helder 75009 Paris. Téléphone : 01 53 25 00 60. http://www.avere-france.org

Renault Trucks, le partenaire expert de votre décarbonation

En tant que professionnel du transport, vous avez besoin d’un soutien concret dans le passage à la technologie électrique ? Renault Trucks est à vos côtés dans votre projet de décarbonation, avec un accompagnement qui s’appuie sur notre expérience. Bien sûr, cette expérience remonte à près de 15 ans avec la commercialisation de nos premiers véhicules électriques. Elle repose également sur les 20 millions de kilomètres parcourus en Europe par notre gamme intermédiaire Renault Trucks E-Tech 100 % électrique, produite en série depuis 2020 dans notre usine normande. Notre accompagnement va bien au-delà du simple véhicule, qu’il soit utilitaire ou industriel. Zoom sur les quatre étapes d’une transition énergétique sereine réussie avec Renault Trucks.

Nous comprenons vos besoins

Tout part de la compréhension de vos besoins et vos contraintes. Quelles sont celles liées à votre écosystème ? Quels sont vos objectifs de réduction de CO2 ? Nous vous apportons notre connaissance des solutions disponibles sur le marché pour décarboner votre activité de transport.

Nous analysons votre flotte et vos itinéraires pour évaluer votre autonomie

Notre simulateur d’autonomie est un outil précieux pour comprendre le fonctionnement de votre véhicule au quotidien et nous assurer que l’ensemble de vos besoins soient couverts en cas de passage à l’électrique. Nos experts évaluent la consommation de votre véhicule en tenant compte de son utilisation réelle, de l’itinéraire GPS et de tous les facteurs susceptibles d’influencer sa consommation (conditions météorologiques, topographie, vitesse). Fort de ces éléments, nous pointons la nécessité ou non d’éventuelles recharges intermédiaires. Par ailleurs, nos experts évaluent votre consommation d’énergie sur site pour l’adapter à l’électrification de votre flotte. Grâce à un partenariat avec Enedis, le gestionnaire public du réseau d’électricité, nous obtenons une réponse en moins de 15 jours, notamment, sur la puissance de raccordement dont vous disposez. Nous déterminons également la puissance de l’infrastructure de recharge afin de maximiser vos tournées.

Nous concevons votre solution

Nous jouons le rôle d’architecte de votre projet de décarbonation et construisons avec vous votre nouvel écosystème de mobilité électrique. Cette solution peut comprendre le financement, la prise en compte des subventions locales ou gouvernementales, la définition et la configuration du camion complet avec ses équipements et sa carrosserie, l’infrastructure de charge des sites, les contrats de service, etc. Nous vous proposons, par exemple, des contrats « tout en un » qui regroupent : le financement, l’assurance, l’entretien, la maintenance et une garantie de performance des batteries.

Nous vous accompagnons dans la mise en œuvre et l’exploitation

Nous nous chargeons de tout, et ce avec toutes les parties prenantes y compris les partenaires externes comme les fournisseurs d’infrastructures de recharge, les opérateurs de réseaux électriques, etc. Nous nous assurons de faire converger l’ensemble des acteurs de ce projet aux intervenants multiples et nous veillons à la bonne exécution du projet en termes de planning et de respect des normes de qualité. En outre, notre réseau vous accompagne dans le suivi opérationnel de vos flottes, grâce à la connectivité des véhicules. Enfin, nous assurons la formation de vos conducteurs d’une part, et de vos gestionnaires de parc, d’autre part.

i NTERV i EW

Quid du rétrofit ?

Comment définiriez-vous

Qinomic ?

Frédéric Strady : Qinomic est une jeune entreprise spécialisée dans la mobilité durable et innovante. Durable, car nous travaillons uniquement sur des verticales zéro émission. En effet, les solutions techniques pour produire du zéro émission sont de travailler sur des chaînes de tractions électriques, pile à combustible hydrogène, combustion hydrogène ou eFuel. Et dans la mesure où nous ne sommes pas chimistes et que nous n’avions pas de moyens d’essais lourds, nous avons laissé de côté cette dernière. Ensuite, Qinomic est une entreprise qui génère de l’innovation pour nourrir le concept d’upcycling, le fait d’offrir une seconde vie à l’objet mais avec une valeur d’usage supérieure à celle qu’il avait dans sa vie précédente. On associe alors très vite le rétrofit, qui permet d’accélérer la transition énergétique.

Pouvez-vous nous donner une définition du rétrofit ?

F. S. : Le rétrofit c’est le fait de changer le cœur thermique d’un véhicule, c’est-à-dire son moteur thermique en un cœur électrique ou hydrogène. Le tout dans le respect du texte du rétrofit publié en mars 2020, qui permet de faire cette opération sans l’autorisation des constructeurs mais dans un cadre strict. De plus, un véhicule rétrofité émet 56 % de moins de gaz à effet de serre qu’un véhicule électrique neuf. Enfin, le rétrofit accélère la transition énergétique,

Frédéric Strady

Directeur général de Qinomic

et tout de suite puisque notre solution de rétrofit est conçue pour décarboner un parc de véhicules thermiques existant.

Le rétrofit coûte-t-il moins cher qu’un véhicule neuf ?

F. S. : Le rétrofit est économiquement viable, puisque sur le segment des véhicules utilitaires légers, sur lequel nous sommes très impliqués, l’opération de rétrofit coûte 2 à 2,5 fois moins cher que l’achat d’un véhicule électrique neuf. De plus, les véhicules rétrofités peuvent bénéficier de primes à la conversion, ce qui les rend d’autant plus attractifs.

Les aides, dans le détail ?

F. S. : Il existe deux types d’aides possibles pour le rétrofit. Il y a la prime à la conversion, une prime

nationale qui varie selon la typologie du véhicule. Ensuite, il existe les aides régionales qui peuvent être très intéressantes pour le rétrofit en fonction des régions. Le cumul de ces aides peut atteindre 13 000 € pour un véhicule utilitaire léger rétrofité.

Après Stellantis, vous venez de passer un partenariat avec Gruau. En quoi consiste-t-il ?

F. S. : C’est un partenariat industriel. Gruau va amener son savoirfaire dans la production de véhicules utilitaires pour industrialiser la solution définie par Qinomic. Notre objectif est de mettre en place plusieurs plateformes de véhicules utilitaires et Gruau en industrialisera au moins une. Dès 2025, Gruau mettra son expertise de fabrication au service de Qinomic qui commercialisera.

Vos projets ?

F. S. : Nous sommes dans une phase de développement et nous avons des ambitions européennes. Nous nous rapprochons, on l’espère, d’une harmonisation européenne du texte sur le rétrofit, ce qui nous ouvrira des marchés. Les partenariats sont aussi importants, ils nous permettent d’augmenter notre capacité à produire, dès lors que le marché sera ouvert.

Propos recueillis par Hervé Rébillon

Pour plus d’informations : www.qinomic.com

JÀ chaque utilisation sa batterie

Chez certains équipementiers (comme Forsee Power) ou constructeurs d’autobus (comme Solaris Bus), le client a le choix de son électrochimie de batterie lithium-ion. Et même chez les constructeurs de poids lourds, des approvisionnements différenciés entre gammes font leur apparition. Voici quelques clés de compréhension.

usqu’à présent, dans l’univers du moteur diesel, on ne se posait pas trop la question de savoir ce qu’il y avait précisément dans le réservoir. Le gazole répondait à la norme EN 590 et on pouvait rouler aussi bien sur de longs parcours que faire du porte-à-porte. Avec l’électrique à batteries, le jeu se complique : les densités énergétiques et comportements électrochimiques diffèrent sensiblement d’une technologie à une autre. Vous découvrirez dans les fiches techniques des constructeurs des mentions aussi ésotériques que NMC, LFP, NCA, LTO. Cela correspond aux différentes électrochimies au niveau de l’anode et de la cathode*.

Pour les batteries de traction dites « lithium-ion », le déplacement du lithium constitue la principale réaction chimique lors de leurs phases de charge et de décharge. Pour les deux grandes familles de batteries lithium-ion à électrolyte liquide utilisées dans les véhicules utilitaires et industriels (les NMC et les LFP), la nature chimique du séparateur et de l’anode est identique. Ce qui les distingue essentiellement est la cathode : dans une batterie dite LFP, elle contient du fer et du phosphate. Dans une batterie dite NMC, la cathode multicouche contient du manganèse, du nickel et du cobalt. L’anode est généralement en graphite. Un vrai sujet géostratégique compte tenu du monopole quasi absolu que détient la Chine pour la production de ce graphite, qu’il soit naturel ou de synthèse. Ce pôle positif (+) de l’anode recueille les ions de lithium lorsque la batterie est chargée.

LFP ou NMC, avantages et inconvénients

La batterie LFP (que l’on peut aussi voir écrite sur les documents techniques sous sa composition LiFePO4) présente l’avantage d’une meilleure stabilité électrochimique ce qui réduit les risques d’emballements thermiques. De même, elle est moins sensible à la chaleur et aux températures élevées. Par contre, sa densité énergétique (aux environs de 170 Wh/kg) est moindre que celle des batteries NMC, et elle est nettement plus paresseuse dans les échanges ioniques à basse température. Parmi ses autres avantages, on relève : des composants moins coûteux au niveau de la cathode (fer et phosphate), un moindre coût (à kWh stockés équivalents) qu’une batterie NMC. Selon les différents fabricants de batteries LFP, essentiellement Chinois, le nombre de cycles de charge et de décharge est également annoncé comme supérieur (jusqu’à 5 000 cycles avec une capacité de 80 % du nominal initial). Leur courbe de décharge, plus plate, a constitué un argument mis en avant par Mercedes-Benz lors de la présentation du eActros 600 à batteries LFP fournies par le géant Chinois CATL. Cependant, comme les anciennes batteries nickel cadmium, elles sont plus sensibles aux phénomènes d’autodécharge. Moindre sensibilité à la chaleur et aux emballements thermiques, métaux moins coûteux, voilà des arguments qui plaisent aux constructeurs qui souhaitent limiter le surcoût du passage à l’électrique. Reste un souci : la moindre

* La cathode correspond à la borne négative de la batterie.

Les batteries NMC offrent une meilleure densité d’énergie à volume ou poids équivalent. Leur électrochimie est donc avantageuse pour créer des packs de batteries plus compacts, faciles à installer dans le châssis.

Densité énergétique et densité de puissance

La distinction entre les deux critères est parfaitement résumée par l’image de la bouteille Dame-Jeanne et de son col. On peut disposer de beaucoup d’énergie, mais avec une faible possibilité de débit instantané : c’est le cas d’une forte densité énergétique. On peut aussi avoir une forte capacité à délivrer cette énergie (ou à la recevoir), sans avoir beaucoup de capacité comme dans un petit seau. C’est la densité de puissance. D’où le choix des batteries LTO (lithium oxydes de titane ou lithium titanates) pour les véhicules sujets aux biberonnages et recharges flash par pantographe. Cette électrochimie permet un nombre de charges considérable (on annonce entre 15 000 et 20 000 cycles) et une insensibilité appréciable à l’échauffement, ce qui réduit les risques d’emballement thermiques. Ce cas de figure se trouve pour certains autobus urbains (notamment chez Solaris Bus). C’est une subtilité très importante pour les aspects d’exploitation et de recharge. Certains équipementiers comme Forsee Power proposent ainsi un vaste choix d’électrochimies en fonction des usages des véhicules.

densité énergétique qui se traduit, par exemple sur un Mercedes-Benz eActros 600, par un empattement minimum de 4 000 mm sur le tracteur 4x2.

À l’inverse, les batteries NMC à cathode contenant du nickel, du manganèse et du cobalt (et dans une certaine mesure les batteries lithium-ion NCA, nickel cobalt aluminium) offrent une meilleure densité d’énergie à volume (densité volumique) ou poids (énergie massique) équivalent. Elles revendiquent entre 220 Wh/kg et 240 Wh/kg pour les NMC et plus de 250 Wh/kg en NCA (la technologie utilisée à bord des gammes électriques de Renault Trucks et Volvo Trucks). Cette électrochimie est donc avantageuse pour créer des packs de batteries plus compacts, faciles à installer dans le châssis. Cela permet également, à kWh d’énergie équivalents, de réduire la tare. Avantage toutefois contrebalancé par les besoins d’un contrôle thermique plus strict (ce qui impose davantage d’électronique embarquée ou d’échangeurs de chaleur). Ce contrôle thermique se doit d’être encore plus fin et rigoureux dans le cas des cellules NCA, car ces cathodes se dégradent à partir d’une température plus faible que celle des cathodes NMC (mais comme elles utilisent moins de cobalt, elles sont un peu moins coûteuses). La dégradation des performances intervient plus rapidement dans le temps que dans le cas des LFP. C’est précisément pour cette raison que les équipementiers (comme Forsee Power) ou les constructeurs d’autobus urbains (comme Solaris Bus) proposent différentes électrochimies adaptées aux modes de recharge et d’exploitation. Ce choix est fondamental et repose sur une distinction simple entre densité énergétique et densité de puissance.

Mode de charge

Lors de la recharge, les électrons vont de la cathode vers l’anode. Dans cette dernière, ils vont devoir se fixer sur le graphite. En début de charge, qui se réalise à l’intensité maximale du courant, ce mouvement est rapide. Mais au fur et à mesure de la charge, les ions lithium doivent trouver « de la place libre » sur l’anode, ce qui ralentit la charge du fait de l’augmentation de la résistance interne de la cellule. Lorsque l’état de charge se situe entre 40 % et 50 % de la capacité de la batterie, le chargeur passe d’un pilotage à intensité constante vers une tension constante. La charge s’interrompt lorsque la première cellule atteint 100 % de sa capacité d’absorption. D’où le temps consacré à l’équilibrage et au lissage en fin de charge qui peut être très long, mais fondamental pour bénéficier de la pleine autonomie. C’est pourquoi, entre

autres raisons, une charge lente est recommandée. Certains constructeurs s’engagent sur les garanties contractuelles de leurs véhicules si et seulement si les alternances entre charges lentes et charges rapides sont respectées. Un point de vigilance à avoir à la lecture des garanties contractuelles ou des contrats de location longue durée. L’état de charge utilisable des batteries (SoC, State of Charge, parfois appelé SoC Window) est inférieur à leurs capacités de kWh brutes, afin d’assurer leur sécurité et leur longévité dans le temps. Cependant, l’écart est variable en fonction des différentes électrochimies des cathodes.

Les batteries LFP offrent une meilleure stabilité électrochimique, ce qui réduit les risques d’emballements thermiques, et un nombre de cycles de charge et de décharge supérieur.

Cela explique, par exemple, pourquoi il existe une différence plus marquée en kWh disponibles entre batteries LFP et NMC. Ce SoC est exprimé en pourcentage (le fameux 20/80 des communiqués des constructeurs sur les temps de recharge). Il compare la capacité restante par rapport au nominal théorique. C’est aussi pour cette raison que certains constructeurs parlent du SoC disponible, qui est une fraction du SoC nominal installé à bord. En effet, lorsque votre jauge d’énergie affiche 0, il reste encore des kWh dans le pack de batteries. Mais pour éviter de les endommager et assurer une réserve pour le convertisseur de courant 24 V de bord, aucun constructeur ne va jusqu’à l’épuisement complet du pack de traction.

Pour les batteries LFP, du fait de la moindre énergie stockée, la valeur se calcule par la durée où la tension de service a été délivrée. Les batteries LFP ont ainsi besoin d’être régulièrement chargées à 100 % pour que l’étalonnage du pilotage de la batterie (ou BMS*) se fasse correctement. Selon le constructeur d’autobus Ebusco, « si par exemple la batterie n’est pas chargée à 100 % pendant 10 jours, le SoC peut dévier de 2 % supplémentaires chaque jour, et peut donc avoir un écart de 20 % en 10 jours ». La conséquence peut être très handicapante pour l’utilisateur, puisque « cela signifie qu’une batterie peut être vide alors qu’un SoC de 20 % est indiqué ». Vous voilà prévenus !

Systèmes de recharge

Pour les systèmes de charge, il est aussi fait référence aux watts ou aux coulombs (C). On parle de kilowatt (kW) ou de charge 3C par exemple. Cela est déterminant pour l’hygiène de la batterie. Plus l’intensité lors de la recharge est élevée, plus la génération de chaleur est intense par effet joule, ce qui génère un échauffe-

* BMS : Batterie Management System.

Les batteries à électrolyte solide

Un des grands rêves de l’industrie des batteries est de passer à l’électrolyte solide. Le CEALiten en France travaille activement sur cette technique, mais Chine et États-Unis sont aussi sur les rangs. Cela présenterait plusieurs avantages, notamment en termes de santé et de sécurité. En effet, les électrolytes liquides actuels, nécessaires au transport des ions d’une électrode à une autre, contiennent des composés fluorés et des solvants très toxiques en cas d’incendie et problématiques lors du recyclage. Ces solvants permettent de dissoudre les cristaux de sel dans une solution homogène. Cette technique de la batterie tout solide existe pourtant en série depuis plusieurs années, via un procédé franco-canadien industrialisé par le groupe Bolloré et sa filiale Blue Solutions à partir de découvertes de l’université de Montréal et d’Hydro-Québec. Elle est appelée LMP : lithium métal polymère. Le support est un film polymère extrafin sur lequel est déposée la couche de solution contenant les sels de lithium. Cette solution est très avantageuse en pays chauds ou pour les usages intensifs, le film ayant besoin d’atteindre une certaine température pour être conducteur. C’est ce qui fait que ces batteries sont autoconsommatrices en cas d’inactivité, car elles doivent être tenues en température autour de +60 °C. Blue Solutions travaille sur son abaissement vers les +40 °C avant d’atteindre les +25 °C en objectif plus lointain.

Les autobus Bluebus et certains MercedesBenz eCitaro circulent avec de telles batteries. Leur seul ennemi mortel est la génération de dentrites sur le film, conduisant à terme à des courts-circuits internes. Mais elles offrent l’immense avantage de recourir essentiellement aux sels de lithium, sans avoir besoin de métaux rares ou sensibles comme le nickel, le manganèse ou le cobalt. Inconvénient : leur prix de fabrication fluctue énormément en fonction des cours du lithium. Un enfer en 2022, un bonheur depuis le début d’année 2024.

ment préjudiciable à la santé de la batterie. Échauffement potentiellement destructeur. Pour cette raison, chargeurs et véhicules sont dotés d’échangeurs de chaleur et de puissants systèmes de ventilation. La sollicitation des systèmes de refroidissement implique une perte lors de la recharge (tous les kW prélevés sur le réseau électrique et facturés ne sont pas convertis en kWh dans la batterie). C’est également ce qui explique pourquoi, contrairement à une idée répandue, il y a bien une maintenance à faire sur les véhicules électriques : leur système de refroidissement est fondamental pour la sécurité d’emploi du véhicule. Pour les systèmes à refroidissement liquide, il faut surveiller le fluide caloporteur et les pompes. Pour le refroidissement par air, ce sont les filtres qu’il faut périodiquement changer. C’est aussi pour combattre cet effet joule que les constructeurs s’orientent de plus en plus du 600 V vers le 800 V (on le voit chez Mercedes-Benz entre les eActros 400 et les eActros 600 par exemple). Cela permet de réduire l’intensité du courant et les besoins en cuivre.

Le rôle du BMS est ici fondamental, car il ne faut pas qu’il y ait de surtension au niveau de la cellule. Si la tension dépasse sa valeur nominale, le lithium se cristallise sous forme métallique et génère une couche solide autour de l’anode. Cela génère les dentrites pouvant endommager le séparateur et aller jusqu’à la mise en court-circuit entre anode et cathode, avec le risque d’incendie associé.

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Rappelez-nous le principe de Gaz’up et Watt’up, le fait d’impliquer étroitement les transporteurs, donc les premiers utilisateurs du gaz et de l’électrique ?

Arnaud Bilek : Si de nombreux opérateurs proposent aujourd’hui le développement de station pour la mobilité propre, Enerjump va plus loin avec son modèle collaboratif. Les transporteurs peuvent être clients mais aussi actionnaires du réseau. Ils sont à la fois initiateurs et bénéficiaires de cette transformation verte et agissent collectivement sur les territoires. Enerjump est le seul réseau de stations multi-énergies renouvelables piloté par un collectif de transporteurs français également actionnaires des réseaux Gaz’up et Watt’up. Aujourd’hui, une vingtaine de transporteurs possèdent 40 % du capital de l’entreprise et pèsent pour 60 % des droits de vote au conseil d’administration.

Enerjump rassemble désormais les marques Gaz’up et Watt’up. L’objectif est de proposer une offre globale gaz-électrique sur une même plateforme ?

A. B. : La fusion des marques Gaz’up et Watt’up souligne la volonté d’Enerjump de devenir un acteur clé dans le domaine des énergies renouvelables pour le transport routier de marchandises. Enerjump offre ainsi une gamme complète de solutions adaptées aux besoins spécifiques des transporteurs, des chargeurs et des territoires, en se focalisant sur les technologies alternatives au moteur diesel.

Comme pour le gaz, vous souhaitez mettre en place le premier réseau indépendant de stations publiques électriques

Arnaud Bilek

Fondateur et directeur général d’Enerjump

appartenant collectivement aux transporteurs ?

A. B. : Avec Watt’up, nous sommes effectivement le premier réseau de bornes de recharges électriques mutualisées des professionnels du transport et de la logistique : un réseau de bornes de recharge électrique par des pros pour des pros ! Comme pour Gaz’up, le projet n’est pas d’installer nos infrastructures au hasard, mais bien de travailler de concert avec les transporteurs pour mettre en œuvre des solutions clés en main.

À terme, combien de stations de recharges électriques souhaitez-vous développer ?

A. B. : Notre objectif est d’opérer quelque 3 000 sites en 2034.

Quelles offres électriques avec Watt’up proposez-vous aux transporteurs ?

A. B. : Nous proposons trois configurations selon les besoins et les contraintes du site : Start’up (totalement privé), Speed’up (station

publique) et Meet’up (station privée mutualisée entre professionnels). Chaque offre est évolutive, et un client peut bénéficier d’offre permettant de se charger sur ces différentes infrastructures de charge. Les plus d’Enerjump : une offre complète et transparente, un investissement porté par Watt’up, un prix unique sur tout le réseau, 10 ans d’expertise dans la transition énergétique du transport, un service de maintenance préventive et curative expérimenté, disponible 24h/24, 7j/7 en France.

Vous multipliez les partenariats comme récemment avec l’OTRE. Expliquez-nous l’opération de truckfunding que vous mettez en place.

A. B. : L’ADN d’Enerjump c’est le collectif pour assurer sa transition sur le long terme. Les partenariats sont donc notre ADN. Enerjump donne l’opportunité aux transporteurs, quelle que soit la taille de leur entreprise, de participer à une opération de truckfunding : une levée de fonds inédite réservée aux professionnels du TRM et du TRV, qui vise à impliquer un maximum de transporteurs au sein du groupe, à l’heure d’une nouvelle phase de développement. Les actionnaires transporteurs sont regroupés dans une holding (TRANSTED) qui détiendra une participation de l’ensemble des réseaux. L’enjeu est de concilier notre développement avec d’une part l’entrée d’investisseurs pour poursuivre cette aventure, et d’autre part avec la volonté de conserver l’ADN de Gaz’up, qui est devenu Enerjump, entreprise dans laquelle les transporteurs sont étroitement associés.

Propos recueillis par Hervé Rébillon

Autorecharge, intégrateur, facilitateur

L’univers de l’électromobilité peut sembler complexe. Recherche de conseils, devis de toutes sortes, assistances à maîtrise d’ouvrage aux marges indécentes, complexité des contrats, conflits entre prestataires, financement. S’adresser à un CPO de référence dédié à 100 % aux camions électriques peut être un choix gagnant en temps et en argent.

Autorecharge est un CPO, c’est-à-dire un Charging Point Operator. C’est à la fois un installateur et un exploitant d’équipements de recharge. L’entreprise française, créée en 2018, dispose de ses propres capacités pour l’audit, le bureau d’études, le génie électrique, l’installation et la maintenance d’équipements de recharge. C’est 10 salariés (bientôt 15) et une entreprise, certifiée C14-100 et IRVE 2023, à même de réaliser des prestations allant du diagnostic jusqu’à la mise en route et la maintenance des installations. Pionnière de l’électromobilité lourde, Autorecharge compte déjà de nombreuses références : Ambroise Bouvier (groupement Flo), Sitrans (groupement Flo), PTS Dufour (réseau Astre), Wheeltainer, groupe Bioret (réseau Tred Union), Transports Duboc ou encore le groupe Ourry. Toutes ces entreprises ont déployé leurs infrastructures grâce à ses équipes.

Autorecharge supervise le génie électrique avec son bureau d’études (qui peut aussi faire la conception de la zone IRVE). Mais elle peut aussi gérer le raccordement (incluant les négociations technico-économiques avec les gestionnaires de réseau électrique).

Autorecharge peut s’occuper de l’assistance à maîtrise d’ouvrage et de conseils sur la partie VRD (voirie et réseaux divers). Il en est de même pour l’installation des équipements électriques (point de livraison de puissance, poste de livraison, équipements de protection, power units et bornes).

Les deux voies possibles vers l’électromobilité

Pour les transporteurs, après les questions techniques, se posent vite les questions des investissements, non moins stratégiques. Pour l’équipement en IRVE, il y a deux modèles économiques. Le premier est celui où il désire être propriétaire de son installation de charge. Autorecharge réalise la part EPC (Engineering Procurement & Construction) et O&M (Operation & Maintenance). Dans ce cas, Autorecharge peut aussi faire l’accompagnement administratif pour les appels à projets de l’Ademe, les dossiers Advenir pilotés par l’Avere-France ou les subventions régionales. La seconde option fait d’Autorecharge un tiers investisseur. Tout l’investissement est porté par Autorecharge sur les parts capex et opex afin que le client n’ait que les charges d’exploitation à assumer, sans investissement coûteux à porter. Cette solution permet également d’envisager l’installation d’équipements de recharge à destination (chez les donneurs d’ordres, chez des industriels, etc.).

Pour la première comme pour la seconde option, Autorecharge peut assurer la partie monétisation des kWh délivrés (terminaux monétique). Pour les personnes morales ou physiques disposant de réserves foncières, Autorecharge est constamment à la recherche de surfaces foncières pour y déployer ses infrastructures en voirie exclusivement dédiées aux poids lourds électriques. Dans ce cas, Autorecharge conclut des conventions d’hébergement et rémunère les propriétaires fonciers hébergeant l’infrastructure.

Avant : de série : 8 t Option : 9 t ou 10 t

Arrière : de série : 13 t

Avant : de série : 8 t

Arrière : de série : 13 t

Daf Trucks • Offre électrique

t

électrique de porteurs routiers

électrique de tracteurs routiers

Fuso • Offre électrique

de porteurs routiers

Type de refroidissement (du moteur/ des batteries) Capacité d’énergie embarquée (en kWh bruts)

d’énergie embarquée (en kWh disponibles dans le SoC)

Électrochimie de la batterie lithium-ion Type

Iveco • Offre électrique

électrique de porteurs routiers

Type de refroidissement (du moteur/ des batteries)

liquide/ par liquide

Capacité d’énergie embarquée (en kWh bruts)

d’énergie

Type de recharge disponible

Prise monophasée ou triphasée

AC type 2 : de série 11 kW, en option 22 kW.

Option prise DC Combo 2 h 40 kW

Prise monophasée ou triphasée

AC type 2 : de série 11 kW, en option 22 kW.

Option prise DC Combo 2 : 80 kW (2 packs) et 115 kW (3 et 4 packs)

Prise monophasée ou triphasée

AC type 2 : de série 11 kW, en option 22 kW.

Option prise DC Combo 2 h 40 kW

Prise monophasée ou triphasée

AC type 2 : de série 11 kW, en option 22 kW.

Option prise DC Combo 2 : 80 kW (2 packs) et 115 kW (3 et 4 packs)

Prise monophasée ou triphasée

AC type 2 : de série 11 kW, en option 22 kW.

Option prise DC Combo 2 : 80 kW (2 packs) et 115 kW (3 et 4 packs)

Prise monophasé ou triphasé

AC type 2 : de série 11 kW, en option 22 kW.

Option prise DC Combo 2 :

(2 packs) et 115 kW (3 et 4 packs)

Prise monophasée ou triphasée

AC type 2 : de série 11 kW, en option 22 kW.

Option prise DC Combo 2 :

(2 packs) et 115 kW (3 et 4 packs)

Prise monophasée ou triphasée

AC type 2 : de série 11 kW, en option 22 kW.

Option prise DC Combo 2 :

(2 packs) et 115 kW (3 et 4 packs)

Iveco • Offre électrique

JAC • Offre électrique

Type de refroidissement (du moteur/ des batteries)

Liquide/liquide

routiers

Capacité d’énergie embarquée (en kWh bruts)

kWh (9 packs de batteries dans l’empattement)

de porteurs routiers

Type de refroidissement (du moteur/ des batteries)

Par liquide/ par air

Par liquide/ par air

Par liquide/ par air

Par liquide/ par air

Capacité d’énergie embarquée (en kWh bruts)

(divisés en 4 packs) pas de flexibilité possible

kWh (divisés en 4 packs) pas de flexibilité possible

(divisés en 4 packs) pas de flexibilité possible

(divisés en 4 packs) pas de flexibilité possible

Capacité d’énergie embarquée (en kWh disponibles dans le SoC)

kWh BOL (90 %)

Capacité d’énergie embarquée (en kWh disponibles dans le SoC)

Électrochimie de la batterie

Électrochimie de la batterie lithium-ion

Type de recharge disponible

Chargement DC

Prise CCS type 2 350 kW

MAN • Offre électrique

MAN • Offre électrique

Série :

de porteurs routiers

Type de refroidissement (du moteur/ des batteries) Capacité d’énergie embarquée (en kWh bruts)

d’énergie

Série : 2 prises CCS Combo 2 avant gauche et avant droit

Option : prise MCS avant gauche/ prise CCS arrière droit

Série : 2 prises CCS Combo 2 avant gauche et avant droit

Option : prise MCS avant gauche/ prise CCS arrière droit

Type de refroidissement (du moteur/ des batteries)

Série : 2 prises CCS Combo 2 avant gauche et avant droit

Option : prise MCS avant gauche

Mercedes • Offre électrique

électrique de porteurs routiers

Type de refroidissement (du moteur/ des batteries)

eau

Par eau/par eau

Par eau/par eau

eau

Par eau/par eau

Par eau/par eau

Par eau/par eau

Par eau/par eau

d’énergie embarquée (en kWh bruts) Capacité d’énergie embarquée (en kWh disponibles dans le SoC)

kWh en 3 packs de 112 kWh chacun

kWh en 4 packs de 112 kWh chacun

kWh en 3 packs de 112 kWh chacun

chacun

en 3 packs de 112

chacun

kWh en 3 packs de 112 kWh chacun

électrique de tracteurs routiers

Type de refroidissement (du moteur/ des batteries)

Par eau/par eau

Par eau/par eau

Capacité d’énergie embarquée (en kWh bruts)

kWh en 3 packs de 112 kWh chacun

621 kWh en 3 packs de 207 kWh chacun

chacun

chacun

en 3 packs de 97

chacun

kWh en 3 packs de 97 kWh chacun

Électrochimie de la batterie lithium-ion

Capacité d’énergie embarquée (en kWh disponibles dans le SoC) Électrochimie de la batterie lithium-ion

kWh en 3 packs de 97 kWh chacun

kWh en 3 packs de 200 kWh chacun

de recharge disponible

Renault Trucks • Offre

E-Tech C On-road et off-road

E-Tech T/C 6x2/4 tag

E-Tech T/C 4x2 de 4 100 mm à 6 700 mm

Renault Trucks • Offre

électrique de porteurs routiers

Série :

Série :

Série :

Série : 1 prise CCS

Série : 1

électrique de tracteurs routiers

rapports Type de refroidissement (du moteur/ des batteries) Capacité d’énergie embarquée (en kWh bruts) Capacité d’énergie embarquée (en kWh disponibles dans le SoC) Électrochimie de

Série :

Série : 1 prise CCS Combo 1 AC 43

Scania • Offre électrique

électrique de porteurs routiers

Type de refroidissement (du moteur/ des batteries)

Scania • Offre électrique

électrique de porteurs routiers

Type de refroidissement (du moteur/ des batteries) Capacité d’énergie

Scania • Offre électrique

électrique de porteurs routiers

Type de refroidissement (du moteur/ des batteries) Capacité d’énergie embarquée (en kWh bruts) Capacité d’énergie embarquée (en

Scania • Offre électrique

de tracteurs routiers

Type de refroidissement (du moteur/ des batteries)

Capacité d’énergie embarquée (en kWh bruts)

Capacité d’énergie embarquée (en kWh disponibles dans le SoC)

Électrochimie de la batterie lithium-ion

Scania • Offre électrique

électrique de tracteurs routiers

Type de refroidissement (du moteur/ des batteries) Capacité d’énergie embarquée (en kWh bruts) Capacité d’énergie embarquée (en kWh disponibles dans le SoC) Électrochimie de la batterie lithium-ion

Volvo Trucks • Offre électrique de

Volvo Trucks • Offre électrique

de porteurs routiers gamme medium

Type de refroidissement (du moteur/ des batteries)

de porteurs routiers gamme lourde

Type de refroidissement (du moteur/ des batteries)

Électrochimie de la batterie

Série : 1 prise CCS pour charge externe

Série :

Option :

Série :

Série :

Série :

Série : 1 prise CCS pour charge externe

Volvo Trucks • Offre électrique

de porteurs routiers gamme lourde

Type de refroidissement (du moteur/ des batteries)

Série :

Série :

Série :

Série :

Série : 1 prise CCS pour

Série : 1 prise CCS pour charge externe

Série : 1 prise CCS pour

Charge

Série :

Série : 1 prise CCS pour charge externe

Charge

Volvo Trucks • Offre électrique

de tracteurs routiers gamme lourde

Type de refroidissement (du moteur/ des batteries)

Capacité d’énergie embarquée (en kWh bruts) Capacité d’énergie embarquée (en kWh disponibles dans le SoC)

Électrochimie de la batterie lithium-ion Type de recharge disponible

Série : 1 prise CCS pour charge

Série : 1 prise CCS pour charge

Série : 1 prise CCS pour charge

Série : 1 prise CCS pour charge externe

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