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De l'esprit des

lettres E.M.C

Pierre Kahn, professeur émérite en sciences de l’éducation à l’Université de Caen a participé à la refonte des programmes d’Education morale et civique (EMC) de 2015 avant que ceux-ci soient révisés trois ans plus tard. Au cours d’un colloque sur ce thème (1) , il évoque ce qui a présidé à l’évolution de l’EMC dans l’histoire et l’esprit de ces programmes.

Citant Vincent Peillon (2) dans un entretien au journal Le Monde, à la définition de l’EMC, Pierre Kahn répond : « C’est comprendre ce qui est juste » . Et « ce sont des vertus et surtout des valeurs » à transmettre, car le mot « moral » n’est pas neutre. Il a été restauré à côté de celui de civique dans un esprit de morale laïque et républicaine, afin que l’EMC propose finalement un « modèle de perfection humaine » ; « l’EMC aurait pour propos de dire quelque chose sur le sens d’une vie humaine » .

Reste qu’une fois posée, la notion est complexe à être mise en œuvre dans un enseignement normatif au sein d’une société démocratique, fondée sur la pluralité des opinions et la reconnaissance d’une variabilité des valeurs selon les individus. « Ces individus doivent quand même fabriquer du commun à travers cette diversité » , relève Pierre Kahn. « Il ne faut pas abandonner cette tâche difficile qui est de se rassembler sans se ressembler. »

Quant à l’évolution du terme « morale » , celle-ci doit être désormais comprise comme délibérative. Il s’agit « d’une morale qui se constitue dans les échanges et le débat, une sorte d’éthique de la discussion et certainement pas un moralisme prêchi-prêcha » , poursuit Pierre Kahn, qui invite à une transmission par les enseignants à travers des méthodes conformes à ces finalités. C’està-dire en mettant les élèves en situation d’être civiques entre eux plus qu’en étant « instructionniste » et vertical.

Le programme de 2018 sous le ministre Blanquer est malheureusement un retour en arrière, déplore Pierre Kahn, qui y voit un retour à un idéal de la tradition scolaire et la préoccupation centrale de discipliner les élèves.

Avec la loi Ferry de 1882, l’instruction morale et civique s’installe durablement dans la tradition scolaire française de l’instruction publique. D’abord et exclusivement dans le primaire car considérée « peu utile » dans le secondaire, avec des hauts et bas en écho aux évènements de l’histoire de France.

La Libération la dépoussière après le douloureux épisode de « la faillite morale de la France » de la 2 nde guerre mondiale, puis la notion disparaît des programmes, ringardisée par mai 68. En 1984, le très républicain Jean-Pierre Chevènement (3) renoue avec l’inspiration de Jules Ferry et l’éducation civique tout court, puis civique et morale se réinvite dans les programmes scolaires.

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