5 minute read

DÉSINFORMATION : AGIR FACE AUX SIGNAUX D’ALERTE

La presse professionnelle qui répond au code de déontologie du journalisme est désormais régulièrement débordée par les lanceurs de fake news et la fabrique de la désinformation. Pour les défenseurs des principes liés à la liberté d'expression démocratique, il est temps de réagir. Regards croisés avec Julien Pain, journaliste à France Info, présentateur de l’émission “Vrai ou Fake”, et Gilles Leluc, professeur de français en collège et ancien journaliste de presse écrite. Extraits d’entretien.

Entretien.

Julien, quels liens y a-t-il selon vous entre les enjeux démocratiques et la désinformation ?

JP. Pour qu’il y ait démocratie, il faut une information libre, indépendante et fiable ; ça a un rôle très important. On voit actuellement qu’ une partie de l'information échappe complètement aux médias traditionnels, ce qui est une bonne chose mais pose problème puisque cette information se diffuse notamment sur les réseaux sociaux et avec elle beaucoup de fausses informations circulent aussi. Ça affaiblit le socle de la démocratie puisque les gens se retrouvent à réfléchir et à prendre des décisions sur la base d'informations faussées. Je pense que c'est un vrai problème démocratique.

d'œuvres littéraires qui montrent combien la démocratie est un véritable enjeu. Il y avait aussi la question du comportement des élèves en classe, de l'expression orale et du respect de l'autre. Il s’agit non seulement d’enseigner ce qu’est la démocratie, mais de faire vivre la démocratie en classe. Se pose aussi la question de l'identité ; les élèves construisent leur identité à l'école et il faut leur faire comprendre que cela passe par le respect de l'autre, qui lui aussi se construit. En fait, on se co-construit ensemble à l'école, donc ce n'est pas une opposition, ni un rapport de force, mais quelque chose qu'on fait ensemble.

Gilles, vous qui avez changé de contexte professionnel, comment perceviez-vous la démocratie comme journaliste puis maintenant comme enseignant ?

GL. Quand j'étais journaliste, la question de la démocratie faisait sens parce qu’être journaliste, c'est d'abord véhiculer des idées, participer au débat public et faire aussi participer les autres à ce débat. Quand je suis devenu enseignant, j'étais avec un public d'élèves et il fallait que je leur fasse découvrir la démocratie autrement ; d'abord par des œuvres littéraires, puisque je suis devenu enseignant de lettres, et il y a beaucoup

Julien, vous allez régulièrement faire des interventions dans les écoles. Qu'est-ce que vous renvoient les élèves et les enseignants de leur sensibilité à cette question de la désinformation ?

JP. J'ai commencé à faire des interventions en classe à titre personnel, et ensuite dans le cadre des programmes de France Télévisions pour l'éducation aux médias. C'est quelque chose que j'ai toujours aimé faire. Je suis fils de profs, ce qui est assez commun d'un point de vue sociologique. Il y a de vrais liens entre les profs et les journalistes depuis très longtemps et j’ai toujours voulu travailler avec des profs parce qu’ils peuvent avoir un impact sur les jeunes, qui risquent d’être perméables à toutes ces fausses informations. C'est un travail qui doit se faire avec d'autres composantes de la société, la société civile. L’enjeu démocratique est global. On ne peut pas se contenter d’une réponse qui soit uniquement celle des journalistes.

Dans les collèges et lycées, ça se passe toujours très bien quand l'équipe pédagogique est motivée, qu’elle saisit les enjeux de monter des projets autour de la désinformation, des fake news et de la peur qu’elle génère. Je regrette que cette question soit seulement prise en charge par des profs d'histoire géo ou de français. Il faudrait que les professeurs de sciences s'en saisissent aussi car il y a beaucoup de désinformation dans les informations scientifiques. Trop peu de professeurs de physique, de biologie, ceux aussi qui travaillent sur le numérique, l'informatique en seconde, voire même les mathématiques s’intéressent à cette question.

Gilles, concrètement, qu’est-ce-que l’École peut mieux faire face à ces questions ?

GL. En fait, il faut mettre les élèves en situation. Ce n'est pas évident parce que le format scolaire est contraint avec un emploi du temps très serré. Quand je suis arrivé en collège, on m'a dit : “Monsieur, c'est formidable, vous avez été journaliste” et on m'a poussé dans un projet de film de type « spot télé » sur le harcèlement scolaire, puisque j'avais aussi une expertise dans l’audiovisuel. Ça a été d’une complexité énorme pour mettre en œuvre ce travail avec des élèves très indisciplinés de REP+. J'ai bien transpiré mais ça a été une très belle expérience pour les élèves de confrontation à la réalité, tant technique qu’humaine. L'École doit être un espace de mise en pratique, c'est indispensable aujourd'hui.

Retrouver Retrouver

Lire l’intégralité de l’entretien sur le blog “Questions d’Éduc” : https://questionsdeduc. wordpress.com

Des élèves de 4e confrontés à la réalité de l’information, ici lors d’un tournage de spot télé.

Saurait-il y avoir de réel processus démocratique à l’école sans la présence active des parents d’élèves ?

Grégoire Ensel, président du conseil d’administration de la FCPE, première fédération de représentant·es de parents d’élèves de l’enseignement public, répond à nos questions.

De manière générale, les parents d’élèves revendiquent une meilleure intégration de leur représentant·es dans les instances de gouvernance des écoles et des EPLE.

Quel est votre point de vue ?

Grégoire Ensel : La FCPE demande simplement la mise en œuvre des textes existants dans le code de l’éducation. Comme par exemple les horaires des instances. Les conseils d’école ont des horaires accessibles. En revanche, les conseils d’administrations (CA) et surtout les conseils de classe sont trop souvent organisés à des horaires qui ne permettent pas aux parents d’y participer. Il faut généraliser la mise en place d’une organisation concertée, comme c’est le cas dans certains établissements où les dates sont données à l’avance.

Le règlement intérieur doit aussi vraiment être discuté avec les parents ; il faut prévoir un temps de co-construction qui leur est accessible afin qu’ils exercent correctement leur mandat. Il s’agit d’un véritable mandat de bénévole de la République. Enfin le CA et le conseil d’école doivent être des espaces de débats démocratiques. Ça coûte du temps mais la démocratie scolaire est une question de temps.

Que proposeriez-vous pour faire vivre la démocratie participative à l'école ?

G.E. : Il est important de rappeler que l’élection des représentant·es de parents d’élèves, est le seul scrutin qui se déroule tous les ans dans notre pays. Nous revendiquons la mise en place d’une campagne de communication nationale qui valorise le rôle des représentants de parents. Dans les écoles, il est nécessaire de construire autre chose que les kermesses. Dès la maternelle, il faut avoir des temps d’échanges et des sujets sur lesquels on peut travailler la relation parent/professeur. Dans les EPLE, les parents doivent avoir une place au sein des comités d’éducation à la santé, citoyenneté et environnement (CESCE) qui méritent d’être, eux aussi, un véritable espace de co-construction et de « faire ensemble »

Vous êtes également engagés sur l’égalité d’accès au numérique scolaire. Quelles sont plus précisément vos attentes sur ce sujet ?

G.E. : Nous revendiquons une régulation de l’usage du numérique. Il nous semble essentiel de promouvoir le droit à la déconnexion des parents et des professionnels. Mais parce que le déploiement des ENT et de l’utilisation des logiciels de vie scolaire type Pronote est répandu, cela implique aussi que des outils, comme un compte d’accès à Pronote, soient accessibles aux parents.

Autres Ressources

Des Podcasts

Coéducation et concertation :

° 3 épisodes de l’émission « les chemins de la philosophie » de France Culture :

- Démocratie et libéralisme : je t’aime moi non plus

- Le conservatisme : une critique de la démocratie https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/ serie-democratie

- Que demande la gauche ?

° Démocratie en question(s), deux saisons d’émissions de RTBF la Première https://podcasts.apple.com/us/podcast/démocratie-en-question-s/id1409553727

° Comment concilier démocratie et urgence climatique ?

Un épisode du podcast du journal Le Monde « Chaleur humaine » https://www.lemonde.fr/podcasts/article/2023/03/28/ comment-concilier-democratie-et-urgenceclimatique_6167247_5463015.html https://www.reseau-canope.fr/outils-egalite-fillesgarcons/coeducation-et-concertation.html

Des Vid Os

Pour les enfants :

C’est quoi la démocratie ? (1 jour / 1 question) https://www.youtube.com/ watch?v=fw8lA9Z1Yow https://www.youtube.com/ watch?v=pDEyJJ_lSGU

Un cours de géopolitique en classe de première : la démocratie, les démocraties, quelles caractéristiques aujourd’hui ?

Une émission de Public Sénat : la démocratie européenne face aux crises https://www.youtube.com/ watch?v=hxSLqcZ9-x0

This article is from: