Connexion Français 6 - Syllabus - Extrait

Page 1

CONNEXION FRANÇAIS 6 – SYLLABUS

6

ISBN 978-90-306-xxxx-x xx

vanin.be

SYLLABUS

6



Séquence x

L’art contemporain… Ouf ! —

R EU VE

Relater sa rencontre avec une œuvre d’art contemporain après s’être informé(e)

« Dans notre monde de certitudes, seul l’art contemporain permet de douter. Ouf ! » (Jean-Michel Ribes)

Pendant des siècles, il y a eu un accord très partagé sur la notion d’art. Aujourd’hui, au contraire, les amateurs ou les simples citoyens sont très souvent ébranlés par les œuvres qui leur sont proposées. La réaction la plus commune consiste alors à les disqualifier non tant parce qu’elles ne leur plaisent pas, mais parce qu’ils estiment que « ce n’est pas de l’art ». Alors, art ou pas art ? Compétence à développer

Production attendue

Relater une rencontre avec une œuvre culturelle Œuvre culturelle : œuvre d’art contemporain

Récit d’expérience d’une rencontre avec une œuvre culturelle. Écrit ou oral

Transférer

Ressources

Dans un ou plusieurs contextes • Manifester sa compréhension d’une œuvre • Manifester son appréciation d’une œuvre • Analyser la spécificité de la situation de communication de la production visée • Planifier la relation d’expérience à l’aide d’un écrit intermédiaire • Évaluer, améliorer la qualité de la relation d’expérience • Mener une recherche documentaire et sélectionner des informations en vue du projet

En autonomie, dans une situation de communication précise : relater, en vue de la partager avec autrui, une rencontre avec une œuvre d’art

• Effet(s) produit(s) par la rencontre – Connaissance des gouts personnels en matière culturelle – Réponses au questionnement sur ce qu’on ressent, observe, interprète – Caractéristiques de l’œuvre culturelle et de la démarche de l’artiste • Structure argumentative* • Paramètres de la situation de communication

EP

Appliquer

UAA 6 (UAA 1) Ressources communes Focus sur les arts : l’art contemporain • Pietro Manzoni • Michel Onfray • Louise Bourgeois

Connaitre Expliciter les facteurs d’agrément ou de désagrément de la rencontre avec une œuvre culturelle 5


Dans cette séquence, tu pourrais avoir besoin des fiches outils suivantes :

 Apprécier une production culturelle,  Modaliser, p. 88

p. 73

Activité liminaire  —

Les questions suivantes t’invitent à réfléchir à la notion d’art. Réponds-y en te sentant libre d’exprimer tes représentations.

R EU VE

1. Cite trois critères qui te semblent essentiels pour pouvoir qualifier une production d’œuvre d’art. 2. Y a-t-il pour toi un lien entre art et émotion ?

3. Une œuvre d’art doit-elle être absolument belle ? 4. À quoi sert l’art, selon toi ?

5. Est-il indispensable à la vie ?

6. Qu’attends-tu de ta rencontre avec une œuvre d’art ?

Réflexions personnelles sur l’art

EP

6

Séquence X


Activité 1

Rencontrer une œuvre d’art contemporain —

R EU VE

En 1961, Piero Manzoni (1933-1963), plasticien italien, réalise une œuvre intitulée Mierda d’Artista, composée de nonante boites de conserve hermétiquement fermées et qui contiennent ses excréments. Il avait initialement fixé le prix de ces boites de 30 grammes d’excréments à celui de 30 grammes d’or. En 2015, une boite a été adjugée pour 202 980 € lors d’une vente aux enchères, soit 140 fois le prix de 30 grammes d’or. Observe cette œuvre, reproduite ci-dessous.

Document 1 —

Manzoni, P. (1961). Merde d’Artiste. Boite de conserve et matière fécale humaine. 6 × 4,8 × 6 cm. Milan : Museo del Novecento.

1. Réfléchis aux questions suivantes.

a) Quel(s) sentiment(s) cette œuvre provoque-t-elle chez toi ?

b) Quelles questions soulève-t-elle chez toi ? c) Comment la comprends-tu ? d) La juges-tu originale ?

e) Selon toi, est-ce de l’art ?

EP

2. Sur la base de ta réflexion, rédige un texte (environ 100 mots) qui relate ta première rencontre avec cette œuvre. Conserve-le, tu y reviendras plus tard.

Première rencontre avec Mierda d’Artista

Séquence X

7


Activité 2

Décoder une œuvre d’art —

Photo : Fronteiras do Pensamento, Wikimedia commons

Crayon en main, lis le texte du philosophe français Michel Onfray. Centre ton attention sur la démarche qu’il recommande d’adopter face à une œuvre d’art. Réponds ensuite aux questions qui suivent.

Document 2 —

1

5

10

15

R EU VE

Faut-il toujours un décodeur pour comprendre une œuvre d’art ?

Oui, tout le temps. C’est une erreur d’imaginer possible l’abord d’une œuvre d’art, quelle qu’elle soit, les mains dans les poches, en toute innocence, naïvement. On ne comprend pas un Chinois qui nous adresse la parole si on ne maîtrise pas sa langue ou si on n’en possède pas quelques rudiments. Or l’art procède à la manière d’un langage avec sa grammaire, sa syntaxe, ses conventions, ses styles, ses classiques. Quiconque ignore la langue dans laquelle est écrite une œuvre d’art s’interdit pour toujours d’en comprendre la signification, donc la portée. En conséquence, tout jugement esthétique devient impossible, impensable, si l’on ignore les conditions d’existence et d’émergence d’une œuvre d’art.

35

40

45

50

EP

Lascaux, première chaîne cryptée

20

25

30

8

De la même manière que les langues parlées, le langage artistique change en fonction des époques et des lieux : il existe des langues mortes (le grec ancien, le latin), des langues pratiquées par une poignée de personnes (le kirghiz), des langues actives, mais en décadence (le français), des langues dominantes (l’anglais version américaine). En matière d’art aussi, les œuvres sont issues de civilisations disparues (Sumer, Assur, Babylone, l’Égypte des pharaons, les Étrusques, les Incas, etc.), de petites civilisations (les Scythes), de civilisations naguère puissantes, mais aujourd’hui déclinantes (l’Europe), de civilisations

Séquence X

55

60

65

dominantes (le mode de vie américain). Ce qui suppose, quand on appréhende une œuvre d’art, qu’on sache d’abord la resituer dans son contexte géographique et historique. Et répondre à la double question : où et quand ? Il faut connaître les conditions de production d’une œuvre et pouvoir résoudre le problème de sa raison d’être : qui passe commande ? qui paie ? qui travaille pour qui ? des prêtres, des commerçants, des bourgeois, des riches propriétaires, des collectionneurs, des directeurs de musée, des galeristes, des collectivités publiques ? Et cette œuvre : pour quoi faire ? quoi dire ? qu’est-ce qui motive un artiste pour créer ici (les grottes de Lascaux, le désert égyptien), là (une église italienne, une ville flamande), ou ailleurs (une mégapole occidentale, Vienne ou New York, Paris ou Berlin) ? pourquoi utilise-t-il un matériau ou un support plutôt qu’un autre (le marbre, l’or, la pierre, le bleu outremer, le bronze, le papier photo, le support du film, le livre, la toile de lin, le son, la terre) ? Ainsi répond-on aux questions fondamentales : d’où vient cette œuvre ? où va-t-elle ? qui entend-elle toucher ? On doit ensuite se demander : par qui ? afin de parvenir à resituer l’œuvre dans le contexte biographique de son auteur. Dans les périodes où les artistes ne signaient pas leur production (cette façon de procéder est récente, du moins en Europe où elle date de cinq siècles


75

80

85

90

95

100

EP

105

à peu près), on gagne à se renseigner sur les écoles, les ateliers, les groupes d’architectes, de peintres, de décorateurs, de maçons actifs sur le marché. On creuse ensuite la question de l’individu à l’origine de la production esthétique. Où naît-il, dans quelle ambiance ? quand et comment découvre-t-il son art, avec quels maîtres, dans quelles circonstances ? qu’en est-il de sa famille, de son milieu, de ses études, de sa formation ? quand dépasse-t-il ses initiateurs ? Tout le savoir disponible sur la vie de l’artiste permet, un jour ou l’autre, de comprendre la nature et les mystères de l’œuvre devant laquelle on se trouve. Car l’œuvre d’art est cryptée, toujours. Plus ou moins nettement, plus ou moins clairement, mais toujours. On risque de rester longtemps devant les fresques des grottes de Lascaux sans les comprendre, parce qu’on a perdu le décodeur. On ne sait rien du contexte : qui peignait ? que signifient ces troupeaux de petits chevaux ? ce bison qui encorne un homme à tête d’oiseau ? à qui ou à quoi destinaiton ces peintures : à de jeunes individus initiés dans des cérémonies chamaniques ? Pourquoi utilisait-on l’ocre rouge ici, en poussière pulvérisée, soufflée, projetée, le bâton de charbon noir là, le pinceau de poils d’animaux ailleurs ? comment expliquer que des dessins en recouvrent d’autres sous les doigts d’autres peintres à plusieurs siècles de distance ? est-ce que les hommes à qui l’on doit ces décorations étaient considérés comme des artisans, des artistes, des prêtres ? Comme on ne parvient pas à résoudre la plupart de ces questions, les spectateurs ou les critiques se contentent souvent de projeter leurs obsessions sur les œuvres examinées. Ne voyant pas ce que les artistes veulent signifier, les commentateurs leur prêtent des intentions qu’ils n’avaient pas. L’histoire des interprétations de Lascaux laisse indemne le sens même de l’œuvre, vraisemblablement destiné à rester ignoré puisque ses conditions de production demeureront inconnues et qu’on ne disposera jamais d’une grille de lecture digne de ce nom. La méconnaissance du contexte d’une œuvre contraint à

110

115

120

125

130

135

l’ignorance même de son sens. Plus on sait sur ses alentours, mieux on comprend son cœur ; moins on en sait, plus on se condamne à rester à la périphérie. Connaître l’époque, l’identité de l’auteur, ses intentions transforme le regardeur en artiste à sa manière. Car il n’y a pas de compréhension d’une œuvre si l’intelligence du regardeur fait défaut. La culture est donc essentielle, quel que soit l’objet concerné et considéré. En proposant un travail, l’artiste effectue la moitié du chemin. L’autre échoit à l’amateur qui se propose d’apprécier l’œuvre. L’époque et le tempérament du créateur se concentrent dans l’objet d’art (qui peut être aussi bien un bâtiment, une pyramide par exemple ou un édifice signé Jean Nouvel, qu’une peinture de Picasso, une symphonie de Mozart, un livre de Victor Hugo, un poème de Rimbaud, une photographie de Cartier-Bresson, etc.). L’objet, quant à lui, ne prend son sens qu’avec la culture, le tempérament et le caractère du personnage appréciant le travail. D’où la nécessité d’un amateur artiste.

R EU VE

70

140

145

On ne naît pas amateur, on le devient

150

155

160

165

Comment devient-on cet amateur artiste ? En se donnant les moyens d’acquérir le décodeur. C’est-à-dire ? En construisant son jugement. La construction d’un jugement suppose du temps, de l’investissement et de la patience. Qui pourrait affirmer bien pratiquer une langue étrangère en lui consacrant un temps et un investissement ridicules ? Qui peut croire maîtriser un instrument de musique sans avoir sacrifié des heures et des heures de pratique afin de parcourir la distance qui sépare le balbutiement de la maîtrise ? Il en va de même avec la fabrication d’un goût. Peu importe l’objet de ce goût (un vin, une cuisine, une peinture, un morceau de musique, une architecture, un livre de philosophie, un poème), on ne parvient à l’apprécier qu’en ayant accepté d’apprendre à juger. Pour ce faire, il faut éduquer les sens et solliciter le corps. La perception d’une

Séquence X

9


175

180

185

190

œuvre d’art s’effectue exclusivement par les sensations : on voit, on entend, on goûte, on sent, etc. Acceptez, au début de votre initiation, d’être perdu, de ne pas tout comprendre, de mélanger, de vous tromper, d’être dans l’approximation, de ne pas obtenir tout de suite d’excellents résultats. On ne converse pas dans de hautes sphères intellectuelles avec un interlocuteur après seulement quelques semaines d’investissement dans sa langue. De même en ce qui concerne le monde de l’art. Du temps, de la patience et de l’humilité, puis du courage, de la ténacité et de la détermination. Les résultats s’obtiennent au bout d’un tunnel plus ou moins long suivant votre investissement et vos capacités. La construction du jugement suppose également de l’ordre, de la méthode, voire un maître. L’École devrait jouer ce rôle, ce qu’elle ne fait pas ; la famille aussi, mais toutes ne le peuvent pas. Aussi la tâche vous incombe-t-elle, à vous, personnellement. Fréquentez les musées, les salles de

195

200

205

concert, regardez les bâtiments publics et privés, dans la rue, avec un autre œil, allez dans des expositions, arrêtez-vous dans des galeries, écoutez des radios spécialisées dans les musiques auxquelles vous voudriez vous initier, ne buvez et ne mangez, dans la mesure du possible, que vins et plats de qualité, en exerçant à chaque fois votre goût, vos impressions, en comparant vos avis, en les décrivant, en les racontant à vos amis, vos copains et copines, voire en les écrivant, pour vous : tout ceci contribue à la formation de votre sensibilité, de votre sensualité, puis de votre intelligence, enfin de votre jugement. Puis, un jour qui ne prévient pas, son exercice se produira facilement, simplement – vous découvrirez alors un plaisir ignoré par la plupart, en tout cas par ceux qui se contentent, devant une œuvre d’art, de reproduire les lieux communs de leur époque, de leurs fréquentations ou de leur milieu.

R EU VE

170

210

215

Onfray, M. (2001). Antimanuel de philosophie. Rosny : Bréal. (pp. 62-66).

1. Selon Onfray, pour appréhender une œuvre d’art, il faut un décodeur. Qu’entend-il par là ? 2. Quelle est la démarche à adopter pour approcher une œuvre d’art ? En d’autres termes, quelles sont les questions à se poser ?

3. Prouve que, selon Onfray, l’amateur devient lui-même artiste. Surligne ce passage dans le texte et reformule oralement le propos de l’auteur.

EP

Du regardeur à l’amateur artiste

10

Séquence X


Activité 3

Démêler le lien entre art et beauté —

1. S’informer sur le lien entre l’art et le beau 1. Prends connaissance de la capsule vidéo « Une œuvre d’art doit-elle être belle ? » Tu auras à répondre aux questions suivantes.

R EU VE

a) Quel problème se pose quand on veut juger de la beauté d’une œuvre ?

e-Document 1 Une œuvre d’art doit-elle être belle ?

EP

b) Qu’est-ce qui a révolutionné la pratique artistique ?

Séquence X

11


c) Quelles étaient les attentes esthétiques avant cela ?

R EU VE

d) Qu’est-ce qui est mis en avant après cette révolution ?

e) Quelle question finale pose cette vidéo ? Comment la comprends-tu ?

2. Voici un autre extrait de l’Antimanuel de philosophie d’Onfray.

a) Lis-le en surlignant, dans chaque paragraphe, les fragments qui permettent de définir les caractéristiques de l’art contemporain. b) Cette lecture te sera indispensable pour réaliser la tâche finale de cette séquence.

Document 4 —

« À quel moment une pissotière peut-elle devenir une œuvre d’art ? » La Beauté noyée par la chasse d’eau

Quel est le sens de la révolution opérée par la pissotière ? Duchamp met à mort la Beauté, comme d’autres ont mis à mort l’idée de Dieu (par exemple la Révolution française dans l’histoire ou Nietzsche en philosophie). Après cet artiste, on n’aborde plus l’art en ayant en tête l’idée de la Beauté, mais celle du Sens, de la signification. Une œuvre d’art n’a plus à être belle, on lui demande de faire sens. Pendant des siècles, on créait non pas pour représenter une belle chose, mais pour réussir la belle représentation d’une chose : pas un coucher de soleil, des fruits dans un compotier, un paysage de mer, un corps de femme, mais un beau traitement de tous ces objets possibles. Duchamp

EP

1

5

10

15

12

Séquence X

20

25

30

35

tord le cou à la Beauté et invente un art radicalement cérébral, conceptuel et intellectuel. […] Duchamp réalise une autre mise à mort : celle des supports. Avant lui, l’artiste travaille des matériaux nobles – l’or, l’argent, le marbre, le bronze, la pierre, la toile lin, le mur d’une église, etc. Après lui, tous les supports deviennent possibles. Et l’on voit, dans l’histoire de l’art du XXe siècle, surgir des matériaux pas nobles du tout, voire ignobles au sens étymologique : ainsi des excréments (Manzoni), du corps (les artistes du Body Art français ou de l’Actionnisme viennois), du son (Cage, La Monte Young), de la poussière (Duchamp), de la graisse, du feutre réalisé en poils de lapin (Beuys), de la lumière (Viola, Turrell), du plastique,


45

50

55

60

90

95

100

D’où le rôle essentiel confié au spectateur – vous. Et une confiance importante, un optimisme radical de la part du créateur. En effet, l’hypothèse moderniste pose que les gens sans informations qui commencent par refuser l’art contemporain et le trouver sans valeur ne vont pas en rester là et se décideront à une initiation à même de leur révéler les intentions de l’artiste et le codage de l’œuvre. L’art contemporain, plus qu’un autre, exige une participation active du regardeur. Car on peut se contenter, dans l’art classique, de s’extasier sur l’habileté technique de l’artisan qui peint son sujet avec ressemblance et fidélité, on peut s’ébahir de l’illusion plus ou moins grande produite par une peinture qui donne l’impression d’être vraie ou d’une sculpture à laquelle il semble ne manquer que la parole. Mais, depuis l’urinoir, la Beauté est morte, le Sens l’a remplacée. À vous de quérir, chercher et trouver les significations de chaque œuvre, car toutes fonctionnent à la manière d’un puzzle ou d’un rébus.

R EU VE

40

du temps, de la télévision (Nam Jun Paik), du concept (On Kawara) et du langage (Kosuth), des ordures (Arman), des affiches lacérées (Heins), etc. D’où une autre révolution intégrale, celle des objets possibles et des combinaisons pensables. Cette révolution est tellement radicale qu’elle a toujours ses opposants – vous peut-être ; la plupart du temps, ceux qui ne possèdent pas le décodeur de ce changement d’époque ou qui le refusent – comme on refuserait l’électricité pour lui préférer la lampe à pétrole ou l’avion pour mieux aimer la diligence. […] On aime ou on n’aime pas Duchamp, certes, mais on ne peut refuser d’admettre ce qui fait l’histoire du XXe siècle : l’art d’aujourd’hui ne peut pas être semblable à celui d’hier ou d’avant-hier. À l’évidence, il faut faire avec. Quel sens y aurait-il pour vous à vivre au quotidien habillé avec les vêtements portés au temps de la Révolution française ? Libre à vous de ne pas aimer l’art contemporain. Du moins, avant de juger et condamner, comprenezle, essayez de décoder le message crypté par l’artiste – et seulement après, jetez-le à la poubelle si vous le voulez encore…

105

110

Onfray, M. (2001). Antimanuel de philosophie. Rosny : Bréal. (pp. 79-83).

Transformer le regardeur en artiste

65

EP

70

Duchamp donne les pleins pouvoirs à l’artiste, décideur de ce qui est de l’art et de ce qui ne l’est pas. Mais il donne aussi du pouvoir à d’autres acteurs qui font également l’art : les galeristes qui acceptent d’exposer telle ou telle œuvre, les journalistes et critiques qui écrivent des articles pour rendre compte d’une exposition, les écrivains qui rédigent la préface des catalogues et soutiennent tel ou tel artiste, les directeurs de musée qui installent dans leurs salles des objets qui accèdent ainsi au rang d’objets d’art. Mais vous aussi, les regardeurs, vous faites partie des médiateurs sans lesquels l’art est impossible. Duchamp pensait que le regardeur fait le tableau. Une vérité qui vaut pour toutes les œuvres et toutes les époques : celui qui s’arrête et médite devant l’œuvre (classique ou contemporaine) la fabrique autant que son concepteur.

75

80

85

Musée d’Art Contemporain de Serralves. Portugal

Séquence X

13


Activité 4

Appréhender l’œuvre de Piero Manzoni à la lumière d’Onfray —

Un élève a cherché des documents à propos de Piero Manzoni. Voici le résultat de sa recherche. Prends-en connaissance.

e-Document 2 L’art de transformer la merde en or e-Document 3 Piero Manzoni (Wikipédia) e-Document 4 L’excrément se vend à prix d’or

R EU VE

1. Reprends les questions que tu as formulées dans l’espace notes de l’activité 2 (pages XXX) et réponds-y pour l’œuvre de Manzoni.

2. Onfray plaide pour une participation active du regardeur, qui doit chercher et s’initier.

a) Selon lui, cette recherche de sens mène-t-elle nécessairement à apprécier l’œuvre ?

EP

b) Justifie en soulignant la réponse dans le texte.

3. Dans l’activité 1, tu as livré ta première impression sur l’œuvre de Manzoni. Relis-la. a) Désormais, vois-tu cette œuvre autrement ? b) Rédige dans l’espace note ci-dessous un paragraphe qui rend compte de ton impression après t’être informé(e) sur l’œuvre.

4. Partage tes réflexions avec la classe.

Manzoni à la lumière d’Onfray

14

Séquence X


R EU VE

Activité 5

Observer un exemple de performance attendue —

EP

Photo : Richard Cavalleri / Shutterstock.com

Un regardeur a été mis en contact avec une œuvre de la plasticienne française Louise Bourgeois (1911-2010). Cette œuvre est intitulée Maman. Le regardeur a relaté sa rencontre dans le texte ci-dessous. Prends connaissance de l’œuvre et du texte.

1

5

Oh, cette araignée !!! Une « œuvre ? » de Louise Bourgeois. D’emblée, je sens monter la chair de poule et j’ai envie de dire « Quelle horreur ! » Sa taille me rend cette bestiole encore plus répugnante. Je l’écraserais sous mon talon si elle n’était pas aussi immense. Et en même temps, au dégout se mêle en moi une certaine fascination : ses pattes fines m’évoquent

Bourgeois, L. (1988). Maman. Fonte. 1023,6 × 891,5 cm. Ottawa : The National Gallery.

le déplacement gracieux des danseuses classiques sur les pointes. S’avance-t-elle menaçante ou bienveillante ? Et puis, ce titre, Maman… là encore, mère castratrice ou protectrice ? Quel rapport entre une 15 araignée et une mère ? Et mère de qui d’abord ? De Louise Bourgeois ? Je suis perplexe, je ne puis dire si cette sculpture m’attire ou me révulse… C’est perturbant 10

Séquence X

15


25

30

35

40

45

Mes recherches sur Louise Bourgeois (1911-2010) m’ont appris qu’elle était une artiste majeure du XXe siècle : née dans une famille de restaurateurs de tapisseries anciennes, elle est initiée très tôt à cet art. Plus tard, elle fréquente l’École du Louvre, côtoie de nombreux artistes très célèbres comme Fernand Léger, Joan Miro, Marcel Duchamp, Le Corbusier, les surréalistes. Elle a été honorée de prix prestigieux pour l’ensemble de son œuvre et j’ai même lu qu’elle a influencé toute une génération d’artistes. La source d’inspiration de Louise Bourgeois, c’est sa vie, ses émotions, ses traumatismes. Son art, c’est sa thérapie, dit-elle : « L’art est une garantie de santé mentale. » Elle se débarrasse de ses traumatismes du passé en les recréant physiquement dans ses œuvres. Dès lors, celles-ci sont essentiellement symboliques. Louise Bourgeois a 21 ans quand sa mère meurt. C’est un traumatisme pour elle qui est très proche de sa mère et elle tente de se suicider. Sa sculpture Maman, araignée en bronze de 10 mètres de haut, elle l’a créée en 1999 et en a fait de multiples exemplaires qui sont exposés partout dans le monde. Elle avait alors 88 ans et elle explique : « L’araignée est une ode à ma mère. Elle était ma meilleure amie. Comme une araignée, ma mère était une tisserande. […] Comme les araignées, ma mère était très intelligente. Les araignées sont des présences amicales qui dévorent les moustiques. Nous savons que les moustiques propagent les maladies et sont donc indésirables. Par conséquent, les araignées sont bénéfiques et protectrices, comme ma mère. » Les spécialistes de son œuvre en relèvent néanmoins l’ambigüité : lorsqu’il pénètre sous les pattes de l’araignée et

EP

50

de ne pas pouvoir dire si l’on aime ou si l’on déteste. Une chose est sure, je ne comprends ni le sens de l’œuvre ni la raison de l’exposer en plein centre-ville…

55

60

65

16

qu’il regarde son ventre renfermant des œufs, le regardeur, selon sa sensibilité, peut aussi avoir l’impression de se trouver dans une cage, à la merci d’une créature 70 menaçante, prête à emprisonner ses victimes dans sa toile.

75

Mes recherches m’éclairent. Avant, j’ignorais tout de Louise Bourgeois. Constater sa célébrité et la reconnaissance dont elle bénéficie depuis si longtemps par des spécialistes en art me font prendre conscience que je ne peux juger son œuvre à l’emporte-pièce. Cela m’invite à essayer de mieux la comprendre. J’ai été vraiment étonné d’apprendre qu’elle avait 88 ans quand elle a créé Maman. Être encore aussi créative à cet âge, c’est assez génial ! Ce qui me touche aussi, et me fait voir cette araignée d’un tout autre œil, c’est qu’elle soit un hommage à sa mère. Maintenant que je connais le métier de celle-ci, je comprends bien mieux le rapprochement entre la mère et l’araignée. Du coup, les grandes pattes ne me semblent plus si repoussantes, car je les imagine tissant finement une toile délicate. Figure ambivalente, Maman me laisse de la liberté et ça me plait : je peux décider d’y voir une figure protectrice ou étouffante, ou même un peu des deux, comme une mère peut l’être. Ça me parle, car je pense que les relations mèrefille ne sont effectivement jamais simples. Il me semble que je comprends mieux le message de l’artiste, même si je ne sais pas bien pourquoi cette araignée doit être si imposante.

R EU VE

20

Séquence X

80

85

90

95

100

Finalement, cette sculpture me plait beaucoup. Elle me touche parce qu’elle 105 aborde une question universelle et me fait réfléchir à ma propre histoire. Cette araignée, qui me faisait peur, m’inspire désormais de la tendresse. (719 mots)


1. Le texte fait état de trois temps. Quels sont-ils ?

2. L’auteur de ce texte a veillé à le modaliser.

a) Est-ce judicieux ? Pourquoi ?

R EU VE

b) Surligne quelques exemples de modalisation dans le texte. c) Une partie du texte est moins modalisée que les autres. – Laquelle ?

– Pourquoi ?

EP

3. La deuxième partie du texte est constituée d’une sélection d’informations sur l’artiste. Justifie cette sélection afin de prouver qu’elle est au service de la compréhension de l’œuvre.

4. Le texte se termine sur une appréciation positive. Doit-il obligatoirement se terminer ainsi? Explique.

Séquence X

17


Tâche finale Consulte la liste des œuvres ci-dessous. Choisis-en une et relate ta rencontre avec elle selon les modalités que ton (ta) professeur(e) fixera. Christo et Jeanne-Claude. (1980-1983). Les îles entourées. Iles de la baie de Biscayne à Miami. Pavlesnki, P. (2012). Suture. Dubuffet, J. (1966). Autoportrait VI M267. Soulages, P. (2014). Peinture. Twombly, C. (1959). Poème à la mer. Rothko, M. (1964). Untitled (Black, Red over Black, on Red). Banksy. Girl With Balloon. Warhol, A. Autoportrait ou Campbell’s soup cans. Basquiat, J.-M. (1981). Ironie d’un policier noir (Irony of a Negro Policeman). Richter, G. (2007). 4900 Colors. Gerscht, O. (2007). Blow Up 05. Quinn, M. (2006). Selfie. Kawara, O. (1966). From 123 chambres st. to 405 E 13th st. Hains, R. (1963). Affiches lacérées sur tôles. Paik, N. J. (1989). Robespierre. Hartung, H. (1971). T1971-R30. Ben, (1958-1973). Le Magasin de Ben. Evaristti, M. (2000). Helena y el Pescador. Delvoye, W. (2000). Cloaca.

EP

R EU VE

WeiWei, A. (2011). Forever bicycles. Schnabel, J. (1981). Act of faith. Smithson, R. (1970). Spiral Jetty (Jetée en spirale). Kapoor, A. (1985). Mother as Mountain Kosuth, J. (1965). One end three chairs (Une et trois chaises) Arman. (1961). Chopin’s Waterloo. Koons, J. (1988). Michael Jackson et Bubbels. Murakami, T. (2002). Flower Ball. Flavin, D. (1971). Sans titre (À Donna 5a) Laib, W. (2007). Sans temps, sans lieu, sans corps. Soto, J. S. (1988). Pénétrable de Lyon. Torres, F. G. (1991). Sans titre (Portrait de Ross à L.A.). Calle, S. (1994-2000). Gotham Handbook Raynaud, J.-P. (1993). Destruction de sa maison. Mueck, R. (2006). Une fille. Boltanski, C. (1984). Théâtre d’ombres. Kusama, Y. (2006). Dots Obsession (L’obsession des pois). Hirst, D. (1991). The Physical Impossibility of death in the mind of someone living. Catelan, M. (2007). Kaputt. Hirst, D. (2007). For the love of God (Pour l’amour de Dieu).

18

Séquence X


Séquence 3

Le grondement d’une foudre — Dire un plaidoyer ou un réquisitoire à propos d’un personnage de fiction

R EU VE

« La vraie et grande éloquence est celle dans laquelle, même aux moments calmes, on sent le grondement d’une foudre. » (Choses vues (1887-1900) de Victor Hugo)

Être capable de s’exprimer de manière convaincante constitue un atout essentiel. Voici d’ailleurs plus de deux-mille ans que les principes de la rhétorique ont été énoncés dans la Grèce, puis dans la Rome antiques. Même si aujourd’hui, il ne faut pas (plus) nécessairement monter à la tribune pour haranguer les foules, l’éloquence n’en reste pas moins une arme puissante pour parvenir à ses fins. Et la bonne nouvelle que nous apportent les spécialistes, c’est que même les plus timides et les moins aguerris peuvent progresser rapidement ! En effet, l’éloquence est davantage un art qu’un don, un art qui comporte ses techniques et ses codes… Production attendue

Compétence à développer

• Analyser la spécificité de la situation de communication • Écouter et évaluer une prestation orale argumentée individuelle ou en discussion • Recherche de l’information en vue d’argumenter • Planifier une prestation orale argumentée individuelle à l’aide d’un écrit intermédiaire • Élaborer un aide-mémoire • Évaluer et améliorer une prestation orale argumentée individuelle

Défense orale d’une position personnelle (plaidoyer ou réquisitoire) à la suite d’une discussion

Défendre oralement une position personnelle

EP

Appliquer

Ressources communes

Transférer Défendre oralement une position personnelle à la suite d’une discussion

UAA 4

• Focus sur les processus et les stratégies de réception • Focus sur les opérations de prise de parole • Normes de l’oral • Focus sur la langue • Focus sur la littérature et les arts (Camus)

Ressources • Paramètres de la situation de communication • Pour rechercher l’information – Modalités de lecture – Procédure de sélection – Progression et hiérarchisation de l’information • Pour planifier une prestation orale argumentée à l’aide d’un écrit intermédiaire – Caractéristiques du genre à produire – Structure argumentative – Procédés pour développer l’argumentation (illustration, comparaison, relation de cause à conséquence…) • Pour exprimer oralement un avis argumenté : caractéristiques du genre à produire, énonciation, signes d’ouverture et de clôture, procédés pour assurer la cohésion textuelle, vocabulaire inhérent à la thématique, moyens linguistiques pour exprimer l’opinion et les relations logiques

21


Dans cette séquence, tu pourrais avoir besoin des fiches outils suivantes :

 Caractériser un personnage, p. xxx  Convaincre, p. XXX  Expliciter une procédure, p. XXX  Prendre la parole en public, p. XXX  Situation de communication, , p. XXX

Activité 1

Découvrir Albert Camus —

1. Note au brouillon tout ce que tu apprends sur cet écrivain.

xx

R EU VE

Regarde l’introduction du documentaire Les vies d’Albert Camus consacré à cet auteur.

2. Note également les questions que tu te poses.

3. Lis les documents 1, 2 et 3 pour expliciter les informations annoncées dans l’introduction du documentaire.

e-Document 1

Extrait du documentaire Les vies d’Albert Camus

4. Complète l’espace notes « Albert Camus » (p. xx).

Document 1 —

1

EP

5

Né le 17 novembre 1913, Camus a 10 poste de radio, peu de visiteurs à la maison moins d’un an quand il perd son père mort et aucune idée des « mondes de la vie » à la guerre. Il grandit dans un appartement plus vastes où vivaient les autres. Il réussit sordide d’Alger avec son frère, sa mère à s’évader, à entrer dans un lycée d’Alger, affligée, sourde et illettrée et sa grandpuis à mener une carrière de journaliste et mère, à la fois illettrée et violente. […] 15 d’écrivain, mais son enfance le marqua. Camus grandit dans un monde de silence et d’absences. Sa famille n’avait ni électricité, Bakewell, S. (2018). Au café existentialiste. La liberté, l’être &le cocktail à l’abricot. Paris : Albin Michel. ni eau courante, ni journaux, ni livres, ni

Document 2 —

Des débuts difficiles

1

5

22

Tous deux sauront déceler un potentiel émergeant et lui permettront d’avoir […] On peut noter l’intervention accès à l’éducation. Le jeune garçon se découvre deux de quelques personnes qui auront une 10 passions en même temps : le football et la grande influence sur le futur de l’enfant. philosophie. Pour le sport, tout s’arrêtera Plus particulièrement, son oncle, francprématurément du fait d’une tuberculose maçon de tendance anarchiste, cultivé, qui l’éloigne des stades et le rapproche aimant la littérature, et son instituteur.

Séquence Y


20

25

30

35

mène inexorablement à la mort, cette fin totalement absurde, hasardeuse et qui ôte 60 son sens à la vie. Chacun peut effectivement Engagé dans son temps ressentir cette sensation, pour peu qu’il prenne le temps de prendre en compte la Ce qui frappe dans la vie de l’écrivain dimension réelle de sa vie. […] Ne pas se philosophe, c’est que, né en 1913, il a vécu poser de question, c’est vivre aveugle, en une époque historiquement très agitée, 65 paix avec le monde et ses aspects quotidiens il n’a jamais hésité à prendre parti, quitte et familiers, mais « commencer à penser, à changer d’avis s’il avait l’impression c’est commencer à être miné. » […] de s’être fourvoyé. Pendant la seconde Camus est profondément convaincu guerre mondiale, il prend parti pour la que si l’homme n’a pas d’autre avenir que sa résistance et par la suite, il prendra position 70 propre fin, il n’en est pas moins responsable publiquement sur la guerre d’Algérie1. […] de ses actes et de leurs conséquences, et que de ce fait, son comportement doit Défendre l’homme avant tout rester approprié, et raisonnable. Ses coups de colère ne sont ni de droite, Quand la révolte s’impose ni de gauche, il s’agit de défendre l’homme partout où il est attaqué et quelles que L’homme absurde n’a ainsi pas d’autre soient les forces en présence. […] Cette 75 choix que de défier sa condition, ainsi que ce profonde conviction en une nécessaire monde qu’il ne peut expliquer par sa simple liberté est inscrite dans Les Justes : « La intelligence. Il est pleinement conscient liberté est un bagne aussi longtemps qu’un que la lutte est vaine, car l’étape ultime seul homme est asservi sur la terre. » […] reste la mort, mais il ne se résigne pas pour Enfin, Camus est resté dans les esprits 80 autant, et dispose ainsi de la possibilité de parce qu’il était profondément vivant, transformer sa vie et de se dépasser. C’est atypique dans un milieu d’intellectuels ainsi qu’il ne renie pas sa liberté. Elle est une formant une élite. Il s’intéresse aux arts, au conséquence de la prise de conscience de sport, aime les femmes et les belles choses l’absurdité, et de sa propre lucidité. […] et croque la vie à pleines dents, “la vraie générosité envers l’avenir consiste à tout 1957, l’année du Nobel donner au présent”, dit-il, évoquant les luttes à mener, mais aussi la vie dont il faut 85 Cette année-là, Camus reçoit le prix savoir profiter. Nobel de littérature, et l’on peut dire que cela ne réjouit pas l’élite parisienne. L’absurdité de la condition humaine Une telle reconnaissance donne alors lieu à l’éclosion de nombreuses critiques, les « L’absurde, c’est la raison lucide 90 uns lui reprochant cette prise de position, qui constate ses limites », « la notion notamment par rapport à la guerre essentielle », « la première vérité ». Camus est d’Algérie, sujet hautement passionné certainement l’un des auteurs qui a le plus et délicat. […] C’est à l’occasion de la écrit sur l’absurdité de la condition humaine, remise de ce prix qu’il fait son discours 95 rendant hommage aux personnes qui ont en quelques années seulement. […] « Tout le malheur des hommes vient de su lui ouvrir de nouveaux horizons alors l’espérance » assure Camus, une espérance qu’il n’était qu’un enfant, mais aussi qu’ils ancrée dans la jeunesse et qui vient éclater condamnent avec force les attentats qui contre le mur de la conscience du temps frappent les civils, un principe qui résonne qui passe inexorablement. Un temps où, 100 encore dans l’actualité de notre XXIe siècle. jour après jour, les humains recommencent E. P. (2020). Albert Camus. Philosopher l’absurde. les mêmes tâches sans toujours se poser Question de Philo. 19. (pp. 42-47). la question du pourquoi. Un temps qui

EP

40

des livres. Mais sa passion pour le football restera intacte.

R EU VE

15

45

50

55

1 L’Algérie était considérée comme une province française à la suite de la colonisation (1830-1962). À partir de 1954, les Algériens, soutenus par le FLN (le Front de Libération Nationale), réclament leur indépendance et mènent une guerre contre l’occupation française. L’Indépendance est proclamée en 1962 : les colons, appelés Pieds Noirs, ainsi que les Harkis (les Algériens qui ont soutenu les Français) rentrent en France.

Séquence Y

23


Document 3 —

5

10

15

Dans Ni victimes ni bourreaux, Camus philosophes et les commis de l’État ont le devoir de ne pas produire d’excuses écrivit qu’il ne serait « plus jamais de ceux, quels qu’ils soient, qui s’accommodent qui les justifient. Sa position suscita la controverse. En 1957, dans un débat du meurtre ». Quel que soit le bénéfice, il se refusait à approuver la violence, 20 organisé à l’occasion de la réception du surtout venant de l’État. […] Il campa prix Nobel, on lui demanda d’expliquer pourquoi il ne soutenait pas les rebelles. sur ses positions en novembre 1954, quand commencèrent les combats Camus répondit : « En ce moment on pour l’indépendance de l’Algérie. Les lance des bombes dans les tramways rebelles posaient des bombes et tuaient 25 d’Alger. Ma mère peut se trouver dans un des innocents, tandis que les autorités de ces tramways. Si c’est cela, la justice, je françaises recouraient à la torture et aux préfère ma mère. » exécutions. Pour Camus, tout cela était Bakewell, S. (2018). Au café existentialiste. La liberté, injustifiable. Il y aura toujours des gens l’être & le cocktail à l’abricot. Paris : Albin Michel. pour commettre des violences mais les

R EU VE

1

Albert Camus

Repères chronologiques

Appartenance sociale Valeurs

EP

Conception de la vie humaine

5. Cite deux aspects qui t’ont marqué(e) dans la présentation de l’auteur. 6. Ce que tu as appris de cet auteur te fait-il te sentir plutôt proche ou éloigné(e) de lui ? Explique brièvement. 7. Partagez vos réponses et discutez de cette personnalité avec la classe. 8. Albert Camus semble-t-il faire l’unanimité au sein de votre classe ? Pourquoi ?

24

Séquence Y


Activité 2

Lire Les Justes d’Albert Camus —

1. Prendre connaissance du cadre spatiotemporel Albert Camus, en préface à la pièce Les Justes, écrit ceci :

R EU VE

« En février 1905, à Moscou, un groupe de terroristes appartenant au parti socialiste révolutionnaire organisait un attentat à la bombe contre le grand-duc Serge, oncle du tsar. Cet attentat et les circonstances singulières qui l’ont précédé et suivi font l’objet des Justes. Si extraordinaires que puissent paraître, en effet, certaines des situations de cette pièce, elles sont pourtant historiques. Ceci ne veut pas dire que Les Justes soit une pièce historique. Mais tous mes personnages ont réellement existé et se sont conduits comme je le dis. J’ai seulement tâché à rendre vraisemblable ce qui était déjà vrai. J’ai même gardé au héros des Justes, Kaliayev, le nom qu’il a réellement porté. » 1. Consulte l’e-Document 2 pour répondre aux questions suivantes. 2. Quel est le régime politique en Russie à l’époque où Camus situe sa pièce ?

e-Document 2

La Révolution russe de 1905

3. Peut-on qualifier ce régime de démocratique ? Cite deux preuves.

4. Comment le peuple (les ouvriers, les paysans…) réagit-il à ses conditions de vie ? 5. Quelle image peux-tu te faire du tsar ?

EP

6. Comment comprends-tu : « J’ai seulement tâché à rendre vraisemblable ce qui était déjà vrai » ?

Vladimirov, I. (1905). Dimanche sanglant. Tableau. Saint-Petersbourg : Musée russe.

Le cadre spatiotemporel des Justes Séquence Y

25


2. Faire connaissance avec les personnages des Justes

À la création des Justes au théâtre Hébertot, en décembre 1949. De gauche à droite : Jean Pommier (1), Serge Reggiani(2), Maria Casarès(3), Yves Brainville(5) et Michel Bouquet(4).

1

3

4

5

2

1. Émets des hypothèses sur le personnage que ton (ta) professeur(e) t’a attribué en répondant aux questions suivantes. a) Comment le personnage est-il habillé ?

b) Où se trouve-t-il sur la photo par rapport à ses compagnons ?

EP

c) Qualifie l’attitude dans laquelle il est figé. d) Regarde-t-il quelqu’un ? Si oui, qui ?

e) Est-il regardé par quelqu’un ? Si oui, par qui ?

f) Que révèle la position de son corps et du regard ? g) Son corps porte-t-il une ombre ou est-il dans l’ombre ou la lumière ?

2. Ci-dessous, tu trouveras les présentations des personnages des Justes. a) Retrouve le personnage de la photo dont tu avais la charge. b) Justifie ton choix oralement. c) Partagez vos réponses.

26

Séquence Y

© Studio Lipnitzki / Roger-Viollet

R EU VE

Observe attentivement la photo ci-dessous. Ce sont les acteurs de la création de la pièce en décembre 1949.


I. Ivan Kaliayev (appelé Yanek)

5

10

15

20

EP

25

Yanek Kaliayev est surnommé le poète, en raison de sa sensibilité, de sa spontanéité et IV. Boris Annenkov (appelé Boria) de son enthousiasme. […] Kaliayev a toutes les qualités d’un « bon révolutionnaire » : il Boris Annenkov est le chef du groupe. est capable de se montrer adroit, efficace 40 Il prend toutes les décisions concernant et discret. Pourtant, c’est un terroriste l’attentat. C’est notamment lui qui désigne atypique. Il aime avant tout la beauté et le les lanceurs de bombes. C’est un homme bonheur. posé, qui tempère les conflits entre Yanek et Stepan. Il apparait comme un chef modéré 45 […] Il songe parfois à la vie qu’il menait II. Dora Doulebov avant et aux sacrifices qu’il a dû faire au nom Bienaimée de Kaliayev, Dora est le seul de l’idée qu’il défend. Ce n’est donc pas un personnage féminin conséquent. Cela fait chef inflexible et imperturbable : il a ses trois ans qu’elle est dans l’Organisation. moments de doute et de fléchissement. Méticuleuse et perfectionniste, elle se charge de la fabrication des bombes. […] Dans les V. Alexis Voinov moments d’emportement et de fougue de Kaliayev, elle le ramène quelque peu à la 50 Alexis Voinov est un ancien étudiant réalité. Ainsi, elle lui rappelle que le granduniversitaire qui a été renvoyé pour avoir duc reste un homme et que commettre un tenu des propos négatifs contre le tsar. Au attentat, c’est mourir deux fois. […] L’amour début de la pièce, il est déterminé et sûr de que Dora voue à Yanek est inconditionnel. ses convictions, prêt à lancer une bombe Elle le défend avec véhémence quand il est 55 meurtrière. Après l’échec du premier attaqué par Stepan et le soutient dans ses attentat, il remet en question l’action choix et décisions. qu’il mène. Il reste fidèle à l’idée dans son essence, mais il ne se sent plus capable III. Stepan Fedorov d’assumer un combat direct. Il n’est pas prêt 60 pour la terreur. Il a peur de jeter la bombe et Stepan Fedorov est revenu au sein de en a honte. Il sera fidèle à son engagement, l’Organisation après trois années de bagne mais du côté de la propagande. Leur action et de fuite. Cette expérience l’a rendu amer. est tout aussi risquée, mais au moins, les Dès sa première rencontre avec Kaliayev, il se membres de ce service ne voient rien de ce montre méprisant envers ce révolutionnaire 65 qui se passe. […] trop fougueux et enflammé, trop « poète » Hellin, F. (2014). Les Justes. Albert Camus. Analyse de pour lui. Stepan est l’antithèse de Kaliayev : l’œuvre. Bruxelles : Éditions Lemaitre. c’est un terroriste pur et dur. Il est rigide et Fiche de lecture en ligne https ://www. obéit à la lettre aux ordres de l’Organisation. lepetitlitteraire.fr/ Il ne fait preuve d’aucune morale et n’a pas le moindre cas de conscience. […] Cependant, cette froideur et cette sévérité sont les résultats de blessures profondes. Lorsqu’il se retrouve seul avec Dora, en lui montrant

R EU VE

1

les cicatrices des tortures subies au bagne, il dévoile ses faiblesses et ses fêlures. […]

30

35

Séquence Y

27


3. Lecture tremplin : extrait de l’acte I Lis l’extrait de l’acte I des Justes (dans ton livre ou sur l’e-Document) en centrant ton attention sur les raisons du désaccord entre les personnages.

R EU VE

Situation de l’extrait L’acte I s’ouvre sur une conversation entre Annenkov, Dora et Stepan. Ce dernier revient après trois ans d’absence : arrêté, conduit au bagne où il subit de nombreuses violences, il s’évade et s’exile en Suisse. Jamais il n’a cessé de penser à ses camarades de lutte ; il leur revient pour se battre à leurs côtés. Il est déterminé à tuer le grand-duc Serge et à lancer lui-même la bombe. Voinov et Kaliayev se joignent à eux et ils préparent l’attentat.

e-Document 3 Les Justes, Acte 1

1. Quelle action les personnages ont-ils décidé de mener ?

2. Pour quelle(s) raison(s) ont-ils choisi de mener cette action ? 3. Quelle est l’opinion de chacun des personnages par rapport à cette action ?

4. Compare Stepan et Yanek (Kaliayev) en ce qui concerne leur façon de s’exprimer, leur personnalité et leurs valeurs. 5. Vers quel personnage va ta préférence ? Pour quelles raisons ? 6. Conserve ces réponses pour plus tard.

Acte 1 des Justes

EP

28

Séquence Y


4. Lecture et/ou visionnage de la pièce Lis et/ou regarde la pièce complète en étant attentif(ve) aux aspects suivants. 1. La comparaison entre Kaliayev et Stepan. 2. La (les) question(s) morale(s) que pose l’attentat. 3. Les sentiments que provoquent en toi les personnages.

e-Document 4 Les Justes

4. Propose les sujets qui, d’après toi, devraient faire l’objet d’une discussion entre élèves après le visionnage.

R EU VE

5. Discussion à propos des Justes

Par groupes, répondez aux questions ci-dessous en veillant à ce que la parole de chacun soit entendue. 1. Poursuivez la comparaison entre Kaliayev et Stepan.

2. Faites état des sentiments que les personnages ont éveillés en vous.

3. Ci-dessous, vous trouverez des énoncés : attribuez-les à Kaliayev ou à Stepan. JE NE SUIS PAS UN ASSASSIN.

JE NE SUIS QUE COLÈRE ET HAINE.

JE VEUX DONNER UNE CHANCE À LA VIE. JE VEUX ME VENGER.

LA FIN JUSTIFIE LES MOYENS.

LA FIN NE JUSTIFIE PAS LES MOYENS. LE MONDE EST BEAU.

EP

LE PEUPLE SOUFFRE.

L’ACTE TERRORISTE DOIT ÊTRE RÉALISÉ DANS QUELQUES CONDITIONS QUE CE SOIENT.

4. Quel est le personnage qui, d’après vous, exprime la voix (l’opinion) de Camus ? Appuyez votre réponse sur le texte et sur ce que vous connaissez de cet auteur.

Séquence Y

29


5. Albert Camus a reçu le prix Nobel de littérature « pour l’ensemble de son œuvre mettant en lumière les problèmes qui se posent de nos jours à la conscience des hommes ». Cette citation s’applique-t-elle encore aujourd’hui à la pièce Les Justes ? a) Discutez-en. b) Si vous parvenez à un accord, quel(s) est (sont) l’(les) argument(s) qui rallie(nt) les membres de votre groupe ? c) Si vous ne parvenez pas à un accord, quels sont les thèses et les arguments en présence ? 6. Si des sujets vous posent question et n’ont pas été abordés, discutez-en. 7. La question du terrorisme est encore très actuelle. Compare le terrorisme d’aujourd’hui à celui que met en scène Camus dans sa pièce. a) Cite des actes terroristes d’aujourd’hui.

R EU VE

b) Envisage les instigateurs de ces actes terroristes ainsi que leurs motivations et revendications. c) Dirais-tu que les « valeurs » qui poussent les terroristes à l’action sont les mêmes que celles des personnages de la pièce de Camus et de Camus lui-même ? Explique.

Activité 3

Analyser un exemple de plaidoyer (rhétorique) —

La rhétorique désigne l’ensemble des procédés et des techniques du discours : elle concerne l’art de bien parler. Dans l’activité qui suit, tu vas te frotter à quelques discours qui ont retenti dans notre société : ces textes vont-ils te bouleverser, t’émouvoir, te convaincre ? L’éloquence de ces grandes oratrices va-t-elle te captiver ?

1. La théorie : les grands principes de la rhétorique

EP

Ton (ta) professeur(e) va scinder la classe en groupes. Chaque groupe aura la charge d’un des grands discours proposés ci-dessous (p. xxx). Celui-ci te servira à illustrer les grands principes de la rhétorique. Deux stratégies s’offrent donc à toi : soit tu commences par prendre connaissance du texte théorique, soit tu lis d’abord le discours dont tu as la charge. 1. Illustre chacun des moyens présentés dans Les moyens de convaincre son auditoire en utilisant le discours dont tu as la charge. Ne t’occupe pas de la troisième colonne, elle ne te sera utile que plus tard.

30

Séquence Y


Le discours dont j’ai la charge Les moyens de convaincre son auditoire

mis en

œuvre

R EU VE

1) Guider l’auditeur a. Soigner l’ouverture du discours Le discours s’ouvre sur une adresse (mentionner les personnes à qui le discours est destiné, ainsi que leur statut).

Moyen

Titre :

b. Expliciter l’articulation des idées par : • des connecteurs logiques et chronologiques ; • des rappels tels que « Nous avons vu tout à l’heure que… », « Maintenant que vous connaissez… » ; • des formules de reprise (« à cet argument s’ajoute… », « autre avantage »…).

 Fiche outil,

c. Répéter/reformuler la thèse et les arguments

EP

Relations sémantiques

Séquence Y

31


d. Poser des questions oratoires

R EU VE

 Fiche outil, Convaincre, XXX

e. Écrire en pensant à l’oralisation • Expliciter ses propos au maximum et utiliser des situations concrètes. • Utiliser une progression linéaire dans laquelle le propos d’une phrase devient le thème de la phrase suivante (par ex. : « Dans ce salon, il y avait un fauteuil. Dans ce fauteuil était un homme. Cet homme, c’est l’accusé »).

EP

 Fiche outil,

Prendre la parole en public, C1

32

Séquence Y


f. Clôturer avec panache • Annoncer à ses auditeurs que le discours touche à sa fin. • Récapituler brièvement les arguments. • Éventuellement insérer une citation bien choisie qui renforce le propos. • Réexpliciter la thèse.

R EU VE

2) Utiliser différents moyens de développer ses arguments a. Choisir ses arguments en fonction des auditeurs et de la situation de communication

EP

 Fiche outil,

Convaincre, C.3 et D.1-2

Séquence Y

33


b. Illustrer avec des exemples et des anecdotes

R EU VE

c. Utiliser un argument d’autorité

EP

 Fiche outil, Convaincre, XXX

34

Séquence Y


d. Manier la réfutation (concession)

R EU VE

 Fiche outil, Convaincre, D.3 3) Assumer son propos a. Énonciation ancrée

 Fiche outil, Modaliser, XXX b. Modaliser son texte

 Fiche outil, Modaliser

EP

c. Évoquer des expériences personnelles Pour gagner la sympathie du public et créer une connivence.

Séquence Y

35


4) Inclure le(s) destinataire(s) a. Interpeler L’orateur s’adresse directement à son public. Il l’apostrophe directement.

R EU VE

b. Solliciter l’imagination de l’auditoire (créer des images) Il s’agit d’une représentation imagée / visuelle : elle peut produire un effet puissant, à condition qu’elle soit claire et parlante pour tous.

EP

c. Créer de la complicité L’orateur s’adresse à l’auditoire en cherchant à créer un lien de proximité. Il met en avant tout ce qui les relie à lui (points communs, morceau d’histoire vécue ensemble…).

D’après LEBRETON, P. (2015). Les 5 clés pour prendre la parole en public. Paris : Dunod. (pp 28-46).

36

Séquence Y


2. Repère des figures de style dans le discours dont tu as la charge. Pour étudier les figures de style couramment utilisées dans les discours, tu disposes de : – la fiche Poésie ; – la capsule vidéo sur les figures de style couramment utilisées dans les discours.

e-Document 5 Les figures de style couramment utilisées dans les discours

a) Prends des notes dans l’espace réservé à cet effet.

Le discours dont j’ai la charge

Les figures de style couramment utilisées dans

EP

Moyen mis en œuvre

R EU VE

les discours

Séquence Y

37


R EU VE

EP

 Fiche outil, Poésie

 Fiche outil, Poésie

3. Le texte dont tu avais la charge t’a-t-il bouleversé(e), ému(e) ? As-tu été convaincu(e) ?

As-tu été captivé(e) par l’éloquence de cette oratrice ?

38

Séquence Y


2. Des exemples de plaidoyers 1. Prends connaissance du discours attribué par ton (ta) professeur(e). a) Sois attentif(ve) à ce que l’auteur a mis en place pour capter et convaincre. b) Remplis le tableau de l’exercice 1 (pages XX). – Sélectionne des exemples de moyens utilisés par l’oratrice pour convaincre. – Propose des exemples de figures de style, que tu relèves dans ce discours. 2. Lors de la mise en commun des réponses, complète (grâce aux exposés de tes condisciples) toutes les cases que l’analyse de ton discours ne t’a pas permis d’illustrer.

Document 4

R EU VE

La plaidoirie de Gisèle Halimi dans le procès de Bobigny (08/11/1972)

e-Document 6

La plaidoirie de G. Halimi dans le procès de Bobigny

EP

Présentation Le procès de Bobigny se tient en octobre et novembre 1972. L’accusée est une jeune fille de 16 ans, victime d’un viol. Un soir, Marie-Claire a suivi un copain de lycée pour, pensait-elle, faire un tour en voiture et écouter de la musique. Mais le jeune homme l’amène chez lui et se jette sur elle. Elle tombe enceinte. Porter plainte n’est pas envisageable à une époque où le viol est tabou et bien peu réprimé. La jeune fille, désemparée, se confie à sa mère, qui est prête à prendre l’enfant à sa charge, malgré sa situation précaire. Marie-Claire refuse : elle veut avorter. Sa mère trouve un médecin qui accepterait de le faire clandestinement (car l’avortement est interdit par la loi). La mère, Michelle Chevalier, ne parvient pas à réunir la somme demandée. Elle trouve alors une faiseuse d’anges, c’est-à-dire une femme qui pratique des avortements clandestins, dont le prix est plus abordable. Marie-Claire subit à cinq reprises l’épreuve du spéculum et de la sonde artisanale. Elle est transportée d’urgence à l’hôpital pour hémorragie. Les médecins la soignent et ne la dénoncent pas. Celui qui la dénonce, c’est le violeur : il a voulu amadouer la police lorsqu’il s’est fait arrêter pour vol de voiture. Marie-Claire est poursuivie devant le tribunal pour enfants. Elle est relaxée, mais l’histoire ne s’arrête pas là. La mère de la jeune fille, son amie dans la confidence et la faiseuse d’anges sont renvoyées devant le tribunal de grande instance de Bobigny pour complicité d’avortement. C’est Gisèle Halimi qui défend Michelle Chevalier. Cette avocate féministe a fondé le mouvement « Choisir la cause des femmes » avec Simone de Beauvoir en 1971, un mouvement en faveur de la dépénalisation de l’avortement. Avec l’accord des inculpées, elle fera de ce procès une tribune pour plaider la cause de millions de femmes et dénoncer une loi aussi archaïque qu’injuste. D’après Aron, M. (2013). Les grandes plaidoiries du barreau. Paris : Pocket. (pp. 86-88).

Séquence Y

39


Discours

5

10

15

20

25

30

EP

35

Monsieur le président, Messieurs du tribunal, Je ressens avec une plénitude jamais connue à ce jour un parfait accord entre mon métier qui est de plaider, qui est de défendre, et ma condition de femme. Je ressens donc au premier plan, au plan physique, il faut le dire, une solidarité fondamentale avec ces quatre femmes, et avec les autres. Ce que j’essaie d’exprimer ici, c’est que je m’identifie précisément et totalement avec Mme Chevalier et avec ces trois femmes présentes à l’audience, avec ces femmes qui manifestent dans la rue, avec ces millions de femmes françaises et autres. Elles sont ma famille. Elles sont mon combat. Elles sont ma pratique quotidienne. Et si je ne parle aujourd’hui, Messieurs, que de l’avortement et de la condition faite à la femme par une loi répressive, une loi d’un autre âge, c’est moins parce que le dossier nous y contraint que parce que cette loi est la pierre de touche de l’oppression qui frappe les femmes. C’est toujours la même classe, celle des femmes pauvres, vulnérables économiquement et socialement, cette classe des sans-argent et des sans-relations qui est frappée. Voilà vingt ans que je plaide, Messieurs, et je pose chaque fois la question et j’autorise le tribunal à m’interrompre s’il peut me contredire. Je n’ai encore jamais plaidé pour la femme d’un haut commis de l’État, ou pour la femme d’un médecin célèbre, ou d’un grand avocat, ou d’un P-DG de société, ou pour la maîtresse de ces mêmes messieurs. Je pose la question. Cela s’est-il trouvé dans cette enceinte de justice ou ailleurs ? Vous condamnez toujours les mêmes, les « Mme Chevalier ». Ce que

40

45

50

55

60

R EU VE

1

nous avons fait, nous, la défense, et ce que le tribunal peut faire, ce que chaque homme conscient de la discrimination qui frappe les mêmes femmes peut faire, c’est se livrer à un sondage très simple. Prenez des jugements de condamnation pour avortement, prenez les tribunaux de France que vous voudrez, les années que vous voudrez, prenez cent femmes condamnées et faites une coupe socioéconomique : vous retrouverez toujours les mêmes résultats : – 26 femmes sont sans profession, mais de milieu modeste, des « ménagères » ; –  35 sont employées de bureau (secrétaires-dactylos) : au niveau du secrétariat de direction, déjà, on a plus d’argent, on a des relations, on a celles du patron, un téléphone… ; –  15 employées de commerce et de l’artisanat (des vendeuses, des coiffeuses…) ; – 16 de l’enseignement primaire, agents techniques, institutrices, laborantines ; – 5 ouvrières ; – 3 étudiantes. Autre exemple de cette justice de classe qui joue, sans la moindre exception concernant les femmes : le manifeste des 3431.

65

70

75

[Trois signataires ont été entendues à la barre, parmi lesquelles Simone de Beauvoir et Françoise Sagan. Aucune des signataires 80 (des femmes célèbres, de la haute société) n’a été ni inculpée ni même interrogée. Gisèle Halimi aborde ensuite la question de l’éducation sexuelle. Marie-Claire, la prévenue, n’avait pas de connaissance 85 suffisante de son corps et de son mode de fonctionnement : elle ignorait comment ne pas tomber enceinte. La plupart des jeunes Français(e)s sont dans la même situation, car aucune éducation n’est apportée à 90 l’école et le travail du Planning familial est entravé par les pouvoirs publics.]

1 Le manifeste des 343 est une pétition parue dans le Nouvel Observateur le 5 avril 1971. Il comporte la liste des 343 Françaises qui ont eu le courage de dire qu’elles ont avorté, s’exposant au risque d’un emprisonnement (puisque l’avortement était toujours interdit). Beaucoup de personnalités en vogue à l’époque l’ont signé, parmi lesquelles Catherine Deneuve, Marguerite Duras, etc. Pour plusieurs d’entre elles, il s’agissait là d’un acte politique, une revendication de liberté, sans que l’avortement ait été une expérience personnelle.

40

Séquence Y


100

105

110

115

120

EP

125

130

135

140

145

150

155

publics et des adultes est d’empêcher les enfants de savoir qu’ils peuvent être dissociés. Deuxième responsabilité : L’accusation, je le lui demande, peut-elle établir qu’il existe en France une contraception véritable, publique, populaire et gratuite ? Je ne parle pas de la contraception gadget, de la contraception clandestine qui est la nôtre aujourd’hui. Je parle d’une véritable contraception. Je dois dire que j’ai cru comprendre que même la contraception était prise à partie dans ce débat. Je dois dire qu’il m’est arrivé de parler à plusieurs reprises de ce problème, publiquement. J’ai eu en face de moi des hommes d’Église : même eux n’avaient pas pris cette position. La contraception, à l’heure actuelle, c’est peut-être 6 % ou 8 % des femmes qui l’utilisent. Dans quelles couches de la population ? Dans les milieux populaires, 1 % ! Dans la logique de la contraception, je dis qu’est inscrit le droit à l’avortement. Supposons que nous ayons une parfaite éducation sexuelle. Supposons que cela soit enseigné dans toutes les écoles. Supposons qu’il y ait une contraception véritable, populaire, totale, gratuite. On peut rêver… Prenons une femme libre et responsable, parce que les femmes sont libres et responsables. Prenons une de ces femmes qui aura fait précisément ce que l’on reproche aux autres de ne pas faire, qui aura manifesté constamment, régulièrement, en rendant visite à son médecin, sa volonté de ne pas avoir d’enfants et qui se trouverait, malgré tout cela, enceinte. Je pose alors la question : « Que faut-il faire ? » J’ai posé la question à tous les médecins. Ils m’ont tous répondu, à l’exception d’un seul : « il faut qu’elle avorte ». Il y a donc inscrit, dans la logique de la contraception, le droit à l’avortement. Car personne ne peut soutenir, du moins je l’espère, que l’on peut donner la vie par échec. Et il n’y a pas que l’échec. Il y a l’oubli. Supposez que l’on oublie sa pilule. Oui. On oublie sa pilule. Je ne sais plus qui trouvait cela

R EU VE

95

Vous avez, Messieurs, heureusement pour vous, car je vous ai sentis accablés sous le poids de mes témoins et de leur témoignage, échappé de justesse à deux témoignages de jeunes gens de vingt ans et de dix-sept ans, mes deux fils aînés, qui voulaient venir à cette barre. Ils voulaient vous dire d’abord à quel point l’éducation sexuelle avait été inexistante pendant leurs études. L’un est dans un lycée et l’autre est étudiant. Ils voulaient faire – il faut le dire – mon procès. Mon procès, c’est-à-dire le procès de tous les parents. Car l’alibi de l’éducation sexuelle, à la maison, il nous faut le rejeter comme quelque chose de malhonnête. Je voudrais savoir combien de parents – et je parle de parents qui ont les moyens matériels et intellectuels de le faire – abordent tous les soirs autour de la soupe familiale l’éducation sexuelle de leurs enfants. Mme Chevalier, on vous l’a dit, n’avait pas de moyens matériels, et elle n’avait pas reçu elle-même d’éducation sexuelle. Je parle de moi-même et de mes rapports avec mes enfants. Moi, je n’ai pas pu le faire. Pourquoi ? Je n’en sais rien. Mais je peux peut-être essayer de l’expliquer. Peut-être parce que, entre les parents et les enfants, il y a un rapport passionnel, vivant, vivace, et c’est bon qu’il en soit ainsi ; peut-être aussi parce que, pour les enfants, il y a cette image des rapports amoureux des parents et que cela peut culpabiliser les enfants et la mère ? Toujours est-il que l’on ne peut décider que les parents auront l’entière responsabilité de l’éducation sexuelle. Il faut des éducateurs spécialisés, quitte pour les parents à apporter, en quelque sorte, une aide complémentaire. Pourquoi ne pratique-t-on pas l’éducation sexuelle dans les écoles puisqu’on ne veut pas d’avortement ? Pourquoi ne commence-t-on pas par le commencement ? Pourquoi ? Parce que nous restons fidèles à un tabou hérité de nos civilisations judéo-chrétiennes qui s’oppose à la dissociation de l’acte sexuel et de l’acte de procréation. Ils sont pourtant deux choses différentes. Ils peuvent être tous les deux actes d’amour, mais le crime des pouvoirs

160

165

170

175

180

185

190

195

Séquence Y

41


EP

R EU VE

absolument criminel. On peut oublier sa Quand la femme, avec l’ère industrielle, pilule. Supposez l’erreur. L’erreur dans devient travailleur, elle est bien sûr – nous le choix du contraceptif, dans la pose du n’oublions pas cette analyse fondamentale 245 – exploitée comme les autres travailleurs. diaphragme. 200 L’échec, l’erreur, l’oubli… Mais à l’exploitation dont souffre Voulez-vous contraindre les femmes à le travailleur, s’ajoute un coefficient de donner la vie par échec, par erreur, par surexploitation de la femme par l’homme, oubli ? Est-ce que le progrès de la science et cela dans toutes les classes. n’est pas précisément de barrer la route à 250 La femme est plus qu’exploitée. Elle est 205 l’échec, de faire échec à l’échec, de réparer surexploitée. Et l’oppression – Simone de l’oubli, de réparer l’erreur ? C’est cela, Beauvoir le disait tout à l’heure à la barre me semble-t-il, le progrès. C’est barrer la – n’est pas seulement celle de l’économie. route à la fatalité et, par conséquence, à la […] L’oppression est dans la décision 255 vieille de plusieurs siècles de soumettre la fatalité physiologique. femme à l’homme. […] 210 [Gisèle Halimi rappelle qu’elle a convoqué Pour trouver le moyen de cette à la barre une mère célibataire, dont le soumission, Messieurs, comment faire ? témoignage a ému le tribunal, espère-t-elle. Simone de Beauvoir vous l’a très bien Elle évoque le destin que la société réserve 260 expliqué. On fabrique à la femme un à ces femmes : traitées de putains, forcées destin : un destin biologique, un destin 215 d’abandonner leurs études, etc.] auquel aucune d’entre nous ne peut ou n’a le droit d’échapper. Notre destin à J’en arrive à ce qui me paraît le plus toutes, ici, c’est la maternité. Un homme important dans la condamnation de cette 265 se définit, existe, se réalise, par son travail, loi. Cette loi, Messieurs, elle ne peut par sa création, par l’insertion qu’il a dans le monde social. Une femme, elle, ne se pas survivre et, si l’on m’écoutait, elle 220 ne pourrait pas survivre une seconde de définit que par l’homme qu’elle a épousé et les enfants qu’elle a eus. plus : pourquoi ? Pour ma part, je pourrais Telle est l’idéologie de ce système que me borner à dire : parce qu’elle est 270 nous récusons. contraire, fondamentalement, à la liberté Savez-vous, Messieurs, que les de la femme, cet être depuis toujours 225 opprimé. La femme était esclave disait rédacteurs du Code civil, dans leur préambule, avaient écrit ceci et c’est tout Bebel2, avant même que l’esclavage fût né. Quand le christianisme devint une religion 275 le destin de la femme : « La femme est d’État, la femme devint le « démon », la donnée à l’homme pour qu’elle fasse des « tentatrice ». Au Moyen Âge, la femme enfants… Elle est donc sa propriété comme 230 n’est rien. La femme du serf n’est même l’arbre à fruits est celle du jardinier. » pas un être humain. C’est une bête de Certes, le Code civil a changé, et nous somme. Et malgré la Révolution où la 280 nous en réjouissons. Mais il est un point femme émerge, parle, tricote, va aux fondamental, absolument fondamental sur barricades, on ne lui reconnaît pas la qualité lequel la femme reste opprimée, et il faut, 235 d’être humain à part entière. Pas même ce soir, que vous fassiez l’effort de nous le droit de vote. Pendant la Commune, comprendre. aux canons, dans les assemblées, elle 285 Nous n’avons pas le droit de disposer fait merveille. Mais une Louise Michelle3 de nous-mêmes. S’il reste encore au monde un serf, et une Hortense David4 ne changeront 240 pas fondamentalement la condition de la c’est la femme, c’est la serve, puisqu’elle femme. comparaît devant vous, Messieurs,

2 G. Halimi fait ici référence aux propos d’Auguste Bebel, qui a dit, dans son essai La femme dans le passé, le présent et l’avenir [(1979). Genève : Slatkine Reprints.] : « La femme est le premier être humain qui ait eu à éprouver la servitude. Elle a été esclave avant même que l’esclave fût. » 3 Louise Michelle (1830-1905) est une institutrice, militante anarchiste, aux idées féministes. C’est l’une des figures majeures de la Commune de Paris. 4 Hortense David est une autre figure féminine de la Commune de Paris. 42

Séquence Y


295

300

305

310

315

320

345

350

355

et surtout, vous ne devrez pas esquiver la question qui est fondamentale. Est-ce qu’un être humain, quel que soit son sexe, a le droit de disposer de lui-même ? Nous n’avons plus le droit de l’éviter. J’en ai terminé et je prie le tribunal d’excuser la longueur de mes explications. Je vous dirai seulement encore deux mots : a-t-on encore, aujourd’hui, le droit, en France, dans un pays que l’on dit « civilisé », de condamner des femmes pour avoir disposé d’elles-mêmes ou pour avoir aidé l’une d’entre elles à disposer d’elle-même ? Ce jugement, Messieurs, vous le savez – je ne fuis pas la difficulté, et c’est pour cela que je parle de courage – ce jugement de relaxe sera irréversible, et à votre suite, le législateur s’en préoccupera. Nous vous le disons, il faut le prononcer, parce que nous, les femmes, nous, la moitié de l’humanité, nous sommes mises en marche. Je crois que nous n’accepterons plus que se perpétue cette oppression. Messieurs, il vous appartient aujourd’hui de dire que l’ère d’un monde fini commence.

360

365

Extrait de Aron, M. (2013). Les grandes plaidoiries du barreau. Paris : Pocket. (pp. 86-88).

EP

325

quand elle n’a pas obéi à votre loi, quand elle avorte. Comparaître devant vous. N’est-ce pas déjà le signe le plus certain de notre oppression ? Pardonnez-moi, Messieurs, mais j’ai décidé de tout dire ce soir. Regardez-vous et regardez-nous. Quatre femmes comparaissent devant quatre hommes… Et pour parler de quoi ? De sondes, d’utérus, de ventres, de grossesses, et d’avortements !… –  Croyez-vous que l’injustice fondamentale et intolérable n’est pas déjà là ? –  Ces quatre femmes devant ces quatre hommes ! – Ne croyez-vous pas que c’est là le signe de ce système oppressif que subit la femme ? Comment voulez-vous que ces femmes puissent avoir envie de faire passer tout ce qu’elles ressentent jusqu’à vous ? Elles ont tenté de le faire, bien sûr, mais quelle que soit votre bonne volonté pour les comprendre – et je ne la mets pas en doute – elles ne peuvent pas le faire. Elles parlent d’elles-mêmes, elles parlent de leur corps, de leur condition de femmes, et elles en parlent à quatre hommes qui vont tout à l’heure les juger. Cette revendication élémentaire, physique, première, disposer de nousmêmes, disposer de notre corps, quand nous la formulons, nous la formulons auprès de qui ? Auprès d’hommes. C’est à vous que nous nous adressons. – Nous vous disons : « Nous, les femmes, nous ne voulons plus être des serves ». Est-ce que vous accepteriez, vous, Messieurs, de comparaître devant des tribunaux de femmes parce que vous auriez disposé de votre corps ?… Cela est démentiel ! […] Ce serait accepter que nous soyons des bêtes de reproduction sans que nous ayons un mot à dire. L’acte de procréation est l’acte de liberté par excellence. La liberté entre toutes les libertés, la plus fondamentale, la plus intime de nos libertés. […] En jugeant aujourd’hui, vous allez vous déterminer à l’égard de l’avortement et à l’égard de cette loi et de cette répression,

R EU VE

290

330

335

340

Séquence Y

43


Document 5 —

Le discours de Christiane Taubira pour le mariage pour tous (29/01/2013)

e-Document 7 Le discours de Christiane Taubira pour le mariage pour tous

R EU VE

Présentation Christiane Taubira était garde des Sceaux, ministre de la Justice, sous la présidence de François Hollande. C’est donc elle qui avait la charge de transformer en acte politique la promesse de campagne de François Hollande d’ouvrir le mariage civil aux couples homosexuels. Alors que le mariage entre conjoints de même sexe est autorisé en Belgique depuis le 1er juin 2003 sans avoir provoqué aucun remous, le projet de loi a, en France, rencontré une vive opposition, prenant notamment la forme de manifestations regroupant des mouvements associatifs, politiques et religieux, au premier plan desquels le collectif « La Manif pour tous »… Le 29 janvier 2013, Christiane Taubira prononce ce discours à l’Assemblée nationale lors de la présentation du projet de loi sur le mariage homosexuel.

Discours

EP

1

comprenions mieux ce que nous sommes en train de faire. Dans une maison qui aime tant à citer le doyen Jean CARBONNIER, Monsieur le Président, Monsieur le 20 je ne vais pas déroger à la règle et rappeler Président de la Commission des lois, qu’en 1989, à l’occasion des travaux Madame la Présidente de la Commission de réflexion sur le Bicentenaire de la des Affaires sociales, Madame, Monsieur Révolution, le doyen Jean CARBONNIER le Rapporteur, Mesdames et Messieurs les définissait le mariage civil comme « la Députés. Nous avons l’honneur et le privilège, 25 gloire cachée de la République ». Il faisait évidemment allusion aux vifs Dominique BERTINOTTI, ministre débats qui ont accompagné l’instauration déléguée à la Famille, et moi-même de de ce mariage civil, sa dimension vous présenter, au nom du Gouvernement, contractuelle, sa durée, c’est-à-dire la un projet de loi traduisant l’engagement 30 possibilité du divorce, puisque, à cette du président de la République d’ouvrir époque, deux religions reconnaissent le mariage et l’adoption aux couples de le divorce, la religion protestante et la même sexe. […] religion juive. La religion catholique, qui est Je voudrais m’arrêter un instant majoritaire, déclare le mariage indissoluble. sur l’évolution du mariage, que nous

5

10

15

44

Séquence Y


40

45

50

55

60

65

EP

70

Le doyen CARBONNIER considère donc que le constituant de 1791 a bien fait une véritable révolution en instaurant le mariage civil. […] Ils vont donc inscrire dans la Constitution, dans l’article 7 du titre 2, la Constitution de septembre 1791, que le mariage n’est que contractuel et que le pouvoir législatif établira, sans distinction, pour tous les habitants, le mode par lequel les mariages, les naissances, les décès seront constatés. Seront constatés : on n’est plus dans l’autorisation, mais dans le constat, donc on est dans la liberté. Seront constatés : ils précisent que le pouvoir législatif va désigner les officiers qui seront chargés de constater et d’enregistrer ces actes. Cette constatation du mariage civil permet donc d’inclure des croyants non catholiques, mais bien entendu élargi cette fois à tous, c’est-à-dire que ce sont tous ceux qui souhaitent se marier qui peuvent disposer des mêmes droits et devoir respecter les mêmes obligations. Cette conception du mariage civil, qui porte cette empreinte de l’égalité, est en fait essentiellement une liberté. C’est essentiellement une liberté parce que dès l’instauration du mariage, le divorce sera également reconnu. Le divorce sera reconnu dans l’exposé des motifs de la loi de 1792 qui dit que le divorce résulte d’une liberté individuelle dont un engagement indissoluble serait la perte. C’est-à-dire que puisque le mariage est la liberté des parties, qu’il n’est pas la sacralisation d’une volonté divine, cette liberté de se marier ne se conçoit qu’avec la liberté de divorcer. Parce que le mariage va se détacher justement du sacrement qui l’avait précédé, le mariage pourra représenter les valeurs républicaines et intégrer progressivement les évolutions de la société. […] Le mariage donc, accompagné du divorce, reconnaît la liberté, mais aussi la liberté de ne pas se marier. C’est pour ça qu’il est possible et que la loi reconnaît les familles en dehors du mariage et que, progressivement, la loi va ajouter la reconnaissance des enfants des familles en dehors du mariage.

75

80

85

90

95

100

Parce que, en effet, ce mariage qui a réussi à se détacher du sacrement, va se détacher aussi d’un ordre social qui est fondé sur une conception patriarcale de la société. Cette conception patriarcale de la société fait du mari et du père le propriétaire, le possesseur du patrimoine, bien entendu, mais aussi de l’épouse, mais aussi des enfants. Cette évolution du mariage et du divorce qui permettra dorénavant au couple de choisir librement l’organisation de leur vie sera inscrite dans la loi. Parce que depuis deux siècles, l’institution du mariage va connaître une évolution vers l’égalité et c’est bien ce que nous sommes en train de faire aujourd’hui, parachever l’évolution vers l’égalité de cette institution qui est née avec la laïcisation de la société et du mariage. […] En vous présentant aujourd’hui ce projet de loi qui contient des dispositions ouvrant le mariage à droits constants et l’adoption à droits constants aux couples homosexuels, le gouvernement choisit de permettre aux couples de même sexe d’entrer dans cette institution et de pouvoir composer une famille comme les couples hétérosexuels, c’est-à-dire de pouvoir le faire, soit par une union de fait que l’on appelle le concubinage, soit par un contrat, le PACS, soit par le mariage. C’est bien cette institution que le gouvernement a décidé d’ouvrir aux couples de même sexe. C’est un acte d’égalité, il s’agit du mariage tel qu’il est actuellement dans notre Code civil, le mariage tel qu’il est institué actuellement dans notre Code civil. Il ne s’agit pas d’un mariage au rabais. Il ne s’agit pas d’une union civile soi-disant aménagée. Il ne s’agit pas d’une ruse. Il ne s’agit pas d’une entourloupe. Il s’agit du mariage en tant que contrat entre deux personnes, en tant qu’institution produisant des règles d’ordre public. Oui, c’est bien le mariage avec toute sa charge symbolique et dans les mêmes conditions, avec toutes ses règles d’ordre public, que le gouvernement ouvre aux couples de même sexe. Dans les mêmes conditions d’âge et de

R EU VE

35

105

110

115

120

125

130

135

Séquence Y

45


145

150

155

160

consentement de la part de chacune des parties, de chacun des conjoints, avec les mêmes interdits, les mêmes prohibitions, sur l’inceste, sur la polygamie. Avec les mêmes obligations d’assistance, de fidélité, de respect instaurées par la loi de 2006. Avec les mêmes obligations pour chaque conjoint vis-à-vis de l’autre, avec les mêmes devoirs des enfants vis-à-vis de leurs parents et des parents vis-à-vis de leurs enfants. Oui, c’est bien ce mariage que nous ouvrons aux couples de même sexe. Parce que, que l’on nous explique pourquoi deux personnes qui se sont rencontrées, qui se sont aimées, qui ont vieilli ensemble devraient consentir à la précarité par une fragilité, voire une injustice, du seul fait que la loi ne leur reconnait pas les mêmes droits qu’à un autre couple aussi stable qui a choisi de construire sa vie. Alors disons les choses, qu’est-ce que le mariage homosexuel va enlever aux couples hétérosexuels ?

190

195

200

205

210

Les députés présents dans l’hémicycle : Rien ! Rien !

165

Christiane TAUBIRA : Alors s’il n’enlève rien, nous allons oser, nous allons oser poser des mots sur des sentiments et sur des comportements. Nous allons oser parler de mensonges à l’occasion de cette campagne de panique de pseudosuppression des mots de « père » et de « mère » dans le Code civil et dans le livret de famille. Nous posons les mots et nous parlons d’hypocrisie pour ceux qui refusent de voir ces familles homoparentales et ces enfants exposés aux accidents et aux aléas de la vie. Nous allons poser les mots et nous parlons d’égoïsme pour ceux qui s’imaginent qu’une institution de la République pourrait être réservée à une catégorie de citoyens. Nous disons que, oui, le mariage ouvert aux couples de même sexe illustre bien la devise de la République, la liberté de se choisir, la liberté de décider de vivre ensemble. Nous proclamons par ce texte l’égalité, l’égalité de tous les couples, l’égalité de toutes les familles. Et nous disons aussi qu’il y a dans

EP

170

175

180

185

46

cet acte une démarche de fraternité parce qu’aucune différence ne peut servir de prétexte à des discriminations d’état. Vous protestez au nom d’un prétendu droit à l’enfant, qui n’existe pas parce que le mariage et l’adoption sont ouverts aux couples de même sexe dans exactement les mêmes conditions que pour les couples hétérosexuels. Autrement dit, ou bien vous nous affirmez que les couples hétérosexuels ont un droit à l’enfant inscrit dans le Code civil ou alors ce droit à l’enfant n’existe pas – et de fait il n’existe pas – et les couples homosexuels auront le droit d’adopter dans les mêmes conditions que les couples hétérosexuels. Et au nom d’un prétendu droit à l’enfant vous refusez des droits à des enfants que vous choisissez de ne pas voir, vous refusez des droits à des enfants que vous choisissez de ne pas voir. Le texte que nous vous présentons n’a rien de contraire à la Convention internationale des droits de l’enfant. Au contraire, il protège des enfants que vous refusez de voir ! Et les couples homosexuels pourront adopter dans les mêmes conditions que les couples hétérosexuels, c’est-à-dire avec les mêmes procédures, avec l’agrément attribué dans les mêmes conditions par les conseils généraux, avec l’adoption prononcée dans les mêmes conditions par le juge conformément à l’article 353 du Code civil qui stipule que l’adoption est prononcée s’il est conforme aux droits de l’enfant. Par conséquent, vos objections n’ont pas de fondement sauf une réelle difficulté à inclure dans vos représentations la légitimité de ces couples de même sexe. Mais vos enfants et vos petits-enfants les incluent déjà et les incluront de plus en plus. Et vous serez bien mal à l’aise lorsque par curiosité ils viendront voir les comptesrendus de nos débats. […] Alors vous pouvez continuer à refuser de voir, vous pouvez continuer à refuser de regarder autour de vous, vous pouvez continuer à refuser de tolérer la présence y compris proche de vous, y compris peut-être dans vos familles de couples homosexuels. Vous pouvez toujours conserver le regard obstinément rivé vers le passé et encore, et encore, en

R EU VE

140

Séquence Y

215

220

225

230

235


regardant bien le passé vous trouverez beau comme une rose dont la tour Eiffel des traces durables de la reconnaissance assiégée à l’aube voit enfin s’épanouir les officielle y compris par l’Église de couples 250 pétales. Il est grand comme un besoin de 240 homosexuels. Vous avez choisi de changer d’air, il est fort comme le cri aigu protester contre la reconnaissance des d’un accent dans la nuit longue. » Merci à droits de ces couples, c’est votre affaire, vous. nous, nous sommes fiers de ce que nous Christiane Taubira faisons. Et nous sommes si fiers de ce que 245 nous faisons que je voudrais le définir par les mots du poète Léon-Gontran DAMAS : « L’acte que nous allons accomplir est

R EU VE

Activité 4

Écrire un plaidoyer —

Tu vas participer, avec les autres élèves de ta classe, à la rédaction d’un discours qui pourrait être prononcé dans un concours d’éloquence. La rédaction est ici guidée, étape par étape. Le but est de parvenir à un discours commun, dans lequel se retrouveront les formules les plus percutantes et les plus efficaces trouvées par les élèves de ta classe.

Ce que tu dois savoir à propos des concours d’éloquence

Inter-écoles, pour la plupart, ils sont organisés par des institutions privées ou publiques. Les prises de paroles sont préparées à huis clos, les participants n’ayant pas accès à leur téléphone ni à Internet pendant le temps de rédaction. Quelques thèmes, sous la forme de citations, sont proposés. Le discours, qui doit être convaincant, s’adresse au jury (souvent des personnalités politiques ou des représentants du barreau) et doit durer entre quatre et six minutes.

EP

Explicite les contraintes que détermine la situation de communication dans laquelle ce discours sera(it) prononcé. Envisage : a) le registre de discours qui sera opportun ; b) la recevabilité des arguments avancés ; c) la tenue qui sera considérée comme adaptée (par tes auditeurs).

Contraintes de la situation de communication (discours, concours d’éloquence) Séquence Y

47


1. Prendre connaissance de l’écrit intermédiaire Voici le thème choisi pour notre discours : « La fiction est-elle essentielle à la vie ? » Il s’agira de rédiger un plaidoyer en faveur de la fiction. 1. Un élève consciencieux a déjà réalisé un schéma préparatoire au discours. Prends-en connaissance.

Pour se divertir, s’évader

Voyager depuis son canapé

Se changer les idées (oublier ses pb) Sur le passé, d’autres cultures, la vie de personnes célèbres, des sphères inconnues

R EU VE

Pour apprendre = nouvelles connaissances

La fiction est essentielle à la vie

Les autres (persg fictifs // nos proches)

Pour comprendre

Nous-mêmes

D’autres modes de vie

Pour vivre d’autres expériences de la vie et du monde

Se mettre à la place de… vivre d’autres vies par procuration

2. Cet élève a également trouvé des citations qui pourraient être utilisées pour appuyer l’un ou l’autre argument.

EP

• « Je ne veux parler que de cinéma, pourquoi parler d’autre chose ? Avec le cinéma on parle de tout, on arrive à tout. » (Jean-Luc Godard) • « Un livre est une fenêtre par laquelle on s’évade. » (Julien Green) • « La fiction peut être un moyen d’appréhender le réel, à défaut de pouvoir l’expliquer. » (Karine Tuil) • « Je préfère idéaliser le réel, sinon pourquoi aller au cinéma? » (Jacques Demy) • « Et lire, voracement, pour vivre toutes les vies que je ne vivrai pas. » (Éric-Emmanuel Schmitt) • « Qui veut se connaitre, qu’il ouvre un livre. » (Jean Paulhan) • « Seuls la lecture et le savoir donnent les belles manières de l’esprit. » (Marcel Proust) • « L’imaginaire se loge entre les livres et la lampe. Pour rêver, il ne faut pas fermer les yeux, il faut lire. » (Michel Foucault) • « Grâce à la fiction, au cinéma, au théâtre, nos propres vies s’éclairent et prennent une richesse colossale. » (André Dussollier) • « La lecture rapproche et redonne vie. Le monde qui ne lit pas est myope, le monde qui lit est loupe. » (Charles Dantzig) • « Le cinéma substitue à nos regards un monde qui s’accorde à nos désirs. » (André Bazin)

48

Séquence Y


2. Rédiger l’ouverture du discours 1. Interpelle, en ouverture, les personnes auxquelles s’adresse le discours. Nul besoin de te référer à tous les destinataires nommément : tu peux les désigner en te référant à leur statut. 2. Pose le thème en faisant référence à une situation concrète. Cette situation peut être fictive. Elle doit mettre en évidence l’utilité du discours dans la situation de communication dans laquelle tu te trouves. 3. Annonce clairement la thèse que tu vas défendre. 4. Propose ton ouverture à la classe.

R EU VE

5. Parvenez à un accord sur la meilleure ouverture pour ce discours.

3. Améliorer un paragraphe

Prends connaissance des deux arguments rédigés par un élève. Ils ne sont pas satisfaisants. Son professeur a annoté son travail. 1. Lis le premier argument et sa correction.

Tout d’abord, la fiction est essentielle pour se divertir. En effet, elle permet de s’évader en restant dans son canapé. C’est ce dont on s’est rendu compte pendant le confinement : heureusement qu’on pouvait visiter des pays étrangers alors qu’on était obligés de rester chez nous. La fiction permet aussi de se changer les idées. On oublie nos problèmes en se laissant porter par une histoire passionnante. Je ne vois aucune figure de style qui te permettrait de convaincre tes auditeurs et d’insister sur tel ou tel aspect de ton argument. + Quid de la modalisation ?

EP

a) Réécris le paragraphe en apportant les améliorations nécessaires. N’hésite pas à consulter « Les moyens de convaincre son auditoire » proposés dans le document 7 (p. XX). b) Partage ta réécriture avec la classe. c) Choisissez la formulation la plus appropriée à ce premier argument.

Séquence Y

49


2. Lis le deuxième argument et sa correction.

L’être humain lit aussi pour apprendre, pour s’instruire et acquérir de nouvelles connaissances. Regorgeant de mille richesses, la fiction permet aux lecteurs d’apprendre sur leur passé national, d’élargir leurs connaissances sur des cultures étrangères ou la vie de personnes célèbres. Que serait la lecture et la fiction si elle ne nous permettait pas de découvrir des sphères inconnues et à l’adolescent de se plonger dans le monde du travail, à l’habitant de la campagne de se frotter à la vie quotidienne dans une mégapole, à l’instituteur de découvrir la vie du patron d’entreprise ? Écris en pensant à l’oralisation de ton texte : tes propos sont trop généraux et tu n’inclus nullement les destinataires.

R EU VE

a) Réécris le paragraphe en apportant les améliorations nécessaires. N’hésite pas à consulter la fiche outil Prendre la parole en public, section C.

b) Partage ta réécriture avec la classe.

c) Choisissez la formulation la plus appropriée à ce deuxième argument.

EP

4. Rédiger un paragraphe

1. Rédige le texte qui correspond à l’un des deux autres arguments du schéma.

50

Séquence Y


2. Insère l’une des citations de la page XX pour illustrer ton argument. 3. Échange ta copie avec ton (ta) voisin(e) et améliore-la grâce à ses conseils. 4. Composez les meilleurs paragraphes grâce aux productions des élèves de la classe.

5. Clôturer avec panache 1. Clôture le discours : a) récapitule les arguments avancés (en les reformulant brièvement) ; b) utilise dans cette partie l’une ou l’autre expression qui indique explicitement à tes auditeurs que tu clôtures ton discours ;

R EU VE

c) répète et/ou reformule la thèse en interpelant de nouveau tes auditeurs.

2. Parvenez à un accord sur le meilleur moyen de clôturer le discours.

6. Évaluer les moyens mis en œuvre 1. Relis le discours produit par ta classe.

EP

a) Relèves-y les moyens mis en œuvre pour convaincre l’auditoire. b) Souligne les passages pertinents. c) Numérote-les et utilise la troisième colonne des tableaux des pages XX et XX.

Séquence Y

51


Activité 5

Oraliser un discours, faire preuve d’éloquence —

Le discours est prêt ! Encore faut-il l’oraliser de manière convaincante… Le meilleur discours peut tomber à plat si l’orateur n’y met pas assez de conviction, s’il bute sur les mots, s’il parle trop vite… en un mot, s’il n’est pas assez préparé.

1. Préparer l’oralisation du plaidoyer Avant d’oraliser le discours, il convient de réfléchir à la manière dont on va le dire.

R EU VE

1. Annote le texte : a) en indiquant les pauses à respecter (brèves ou longues) ;

b) en mettant en évidence les fragments sur lesquels il faudra insister ; c) en explicitant le ton à utiliser, voire le volume de la voix.

2. Prends connaissance des conseils de Pascal Haumont pour bien dire ton discours. Note ses conseils ci-dessous.

e-Document 8

Devenez un meilleur orateur : imitez les autres !

EP

Conseils pour bien dire son discours

52

Séquence Y


2. S’entrainer et s’enregistrer 1. Par groupes de quatre, entrainez-vous à oraliser le discours de la classe. 2. Utilisez la grille d’observation / évaluation par les pairs ci-dessous pour orienter les commentaires que vous adresserez à vos partenaires. 3. Quelques élèves vont prononcer le discours devant la classe. a) Sois un(e) auditeur(trice) attentif(ve), respectueux(se) et actif(ve). b) Utilise la grille ci-dessous pour évaluer les performances.

R EU VE

c) Prépare-toi à transmettre un avis constructif : – base-toi sur des faits (et non des impressions) : montre que tu appuies ton évaluation sur des faits observables/audibles par tous en commençant par une description précise de ce dont tu désires parler ; – propose éventuellement une piste d’amélioration. Grille d’observation / évaluation par les pairs

Niveaux de maitrise

Critères

très bien réalisé

Satisfaisant

Pas tout à

fait au point

insuffisant

1) Le discours est audible (volume, articulation, débit).

2) L’attitude est communicative (regard, respiration, ouverture du visage / posture).

3) Des pauses permettent à l’orateur de reprendre son souffle et à l’auditoire de (re)fixer son attention.

4) Le ton est adapté et convaincant. L’intonation est variée et pertinente.

EP

5) L’attention de l’auditeur est accrochée dès le début (ouverture) et relancée jusqu’à la fin.

Séquence Y

53


Tâche finale Reviens à la pièce de théâtre Les Justes. Les actes qui y sont posés par les personnages et leurs idéologies sont assez radicaux. Tu vas t’adresser à la classe comme si elle devait condamner ou innocenter un personnage… 1. Quatre possibilités s’offrent à toi : tu peux rédiger un plaidoyer (pour Yanek ou Stepan) ou un réquisitoire (contre Stepan ou contre Yanek). 2. N’oublie pas de prendre en considération la situation de communication dans laquelle tu te trouves : tu es tenu(e) de respecter les valeurs de l’école.

R EU VE

3. Échange ta copie avec un(e) autre élève de la classe et utilisez la grille ci-dessous pour évaluer la copie de votre pair. Niveaux de maitrise

Critères

réalisé

1) L’ouverture est efficace : elle suscite l’intérêt et informe sur la thèse défendue. 2) Les arguments sont en nombre suffisant et bien distincts.

3) Différents procédés sont utilisés pour développer les arguments. 4) La progression du texte est logique et aisément compréhensible (les transitions entre les arguments sont explicites).

5) L’auditoire est inclus dans le discours à plusieurs reprises par des procédés variés.

EP

6) Au moins trois figures de style sont mises en œuvre et produisent l’effet escompté.

7) La clôture du discours est soignée et est rédigée de façon à frapper les esprits (elle est convaincante). 4. Améliore ta copie en fonction des commentaires reçus. 5. Oralise ton discours devant la classe ou en t’enregistrant.

54

très bien

Séquence Y

Satisfaisant

Pas tout à

fait au point

insuffisant




Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.