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JACK HOGAN VETTRIANO

Peut-être même une demande d’aide pour s’émanciper de l’autre Vettriano, celui qui peint de l’érotisme bon marché pour faire monter la pâte, dans un dédoublement artistique digne de Jung. Bref, les œuvres de Vettriano sont un plaisir pour les yeux et doivent être regardées en éteignant le cerveau pour éviter trop de reflets. Sinon on finirait par regretter l’artiste vettriano qu’il aurait pu être et qui ne l’a été que rarement, trop occupé à combler par le vide les manques dont il a souffert enfant. Né à Saint Andrews et élevé à Methil - une ville industrielle écossaise du Fife - dans une famille liée aux mines de charbon, Hogan a commencé à travailler tôt, dès l’âge de dix ans, pour contribuer aux finances familiales et à 16 ans, il a quitté l’école pour travailler comme un apprenti technicien minier. Il a commencé son activité de peintre en autodidacte après avoir reçu un ensemble de pinceaux et d’aquarelles en cadeau pour son vingt et unième anniversaire. Ses premières œuvres, signées de son nom de naissance, sont généralement des reproductions d’impressionnistes qu’il n’a pu exposer dans un milieu artistique professionnel que près de quinze ans plus tard : sa première exposition était, en effet, de 1988 à la Royal Scottish Academy au cours de laquelle, le premier jour de l’exposition, ses deux tableaux présentés ont été vendus ; cela a garanti à l’artiste l’invitation à de nombreuses expositions dans d’autres galeries d’art. La fin du mariage et le transfert ultérieur ont coïncidé avec le succès artistique La fin du mariage et le transfert ultérieur à Édimbourg ont coïncidé avec le succès artistique; là, Hogan a pris Vettriano comme nom de scène, le prenant du nom de famille de sa mère, fille d’un émigré de Belmonte Castello, à Ciociaria, qui a quitté l’Italie pour travailler en Écosse comme mineur. En novembre 1999, le travail de Vettriano a été exposé pour la première fois à New York, exposé à la Foire internationale des arts du XXe siècle. Une série de ses œuvres s’est vendue pour un total de plus d’un million de livres en août 2007. L’œuvre la plus chère était Bluebird à Bonneville, achetée 468 000 £ lors d’une vente aux enchères Sotheby’s organisée en Écosse à l’hôtel Gleneagles. Vettriano maintient des ateliers d’art en Ecosse, à Londres et à Nice. Il a été représenté par la Portland Gallery jusqu’en 2007, ses peintures étant achetées par Jack Nicholson, Sir Alex Ferguson, Sir Tim Rice et Robbie Coltrane et d’autres personnalités notables. Cinq tomes sur sa vie et son œuvre ont été publiés à ce jour, le dernier en 2008 sous le titre Studio Life. wikipedia.org

par Marc Lambron de l’Académie française

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u fond, il s’agit de mémoire.

Par cristallisations, éclats, énigmes, effets d’absence.

Des objets, dont l’agencement témoigne d’une intention, sont proposés au présent : on peut les voir, les décrypter, les toucher même.

Face à eux, nous sommes vivants.

Eux sont pris dans la contingence de leur aléatoire pérennité, rescapés du grenier, de la solderie, du bric-à-brac – alluvions du passé soudain dignifiés par un regard.

Ils avaient un usage, une destination.

Le temps les a transformés en reliques ; en questions. Voyez « Memory Box ».

Des appareils photographiques des années 19301945 sont rassemblés comme sur une planche anatomique. Objectifs, boîtiers chromés, molette qui n’actionnera plus aucun rouleau.

Autrefois, un doigt a pressé le déclencheur, les sels d’argent de la pellicule ont capté une moire de lumière.

Des corps impressionnaient une surface.

Au développement, des visages familiers se fixaient sur le papier.

Personne ne saurait dire où sont passés ces clichés.

Mais le destin des vestiges est de survivre aux hommes : images disparues, focale intacte.

Etait-ce à Paris, à Berlin, à Rimini ?

Quelles luminances, quels secrets, quelles amours ?

On ne le saura jamais.

Il émane de ces boîtiers la double certitude d’une existence – des êtres sont passés – et d’une disparition – ils se sont perdus dans les labyrinthes du temps.

Quand le photographe était connu, il s’appelait Robert Capa, Gerda Taro ou Gisèle Freund.

Il y a eu des fonds, des collections, des albums. Ici, aucun musée ne viendra recueillir les clichés de ces anonymes oubliés.

On songe soudain à ceci : la démocratisation de la photographie fut contemporaine des disparitions de masse. Au stock d’images intimes, constitué comme un herbier de soi-même, allait répondre la destruction industrielle des corps. L’ère de la technique autorisait la constitution d’une trace mimétique, d’une archive narcissique, en même temps qu’elle organisait l’anéantissement par millions d’individus qui s’étaient prêtés au snapshot. Des portes se sont verrouillées sur des enfers sans images. Ceux qui avaient été vus devenaient invisibles.

Géraldine Cario travaille au point où l’on va quérir des beautés disparues du côté de l’Hadès ou de l’Achéron. C’est une artiste orphique. Elle convoque l’engloutissement et l’exhumation, la damnation et la grâce. Parfois, elle fixe un boîtier Agfa dans une matière stratifiée, comme cervicale : il y a eu de la pensée pour habiller de souvenirs ces mécanismes veufs. On regarde ses œuvres autant qu’elles nous regardent. Avec la pupille, le diaphragme, l’iris, le verre, nature et culture conspirent selon les lois de l’optique à une histoire de l’œil.

Ainsi de la série « Angle mort», avec ses kits de lunettes privées de visages. Ces prothèses translucides, ces loupes de poche ont pourtant servi, autrefois ou naguère, à déchiffrer des carac- tères, à parcourir les pages odorantes de volumes reliés.

Une paire de lunettes est un adjuvant de la civilisation : plus l’on vieillit, plus l’on est tributaire de ces secourables bésicles sans lesquels, à la lettre, on perdrait le sens.

Mais des femmes et des hommes se sont vus dépouiller de ces truchements pour entrer nus dans les dédales de la mort ; ils ne verraient plus ce monde où l’on empilait en sinistres stocks les vestiges de la vie.

Traces de regards absents, montures de verres entassées au-delà de tout salut – espérant sans espoir la future tendresse d’une mémoire.

Car ces œuvres sont des actes de restitution, des stèles de douleur conformées par l’absence et la gratitude.

Ainsi de « Gustie à Berlin ».

Titre énigmatique ? Peut-être, mais aussi recréation littérale, immaculée, d’un fragment de barbarie faisant irruption dans une intimité disparue.

Lors de la Nuit de cristal, la grand-tante de Géraldine Cario put quitter à temps son appartement berlinois. Mais les nervis hitlériens en dévastèrent les pièces, brisant la vaisselle qui avait été dissimulée dans les faux plafonds.

Le plancher était jonché de tessons.

Le récit de Gustie la survivante s’est cristallisé en morceaux de vaisselle fracturée, en une empreinte d’éphémère qui fait écho chez l’artiste à un sentiment précoce de la fugacité des choses.

Lors d’un déménagement, alors qu’elle avait dix ans, Géraldine Cario recueillit ainsi un éclat de bois doré détaché d’un grand miroir et le plaça précieusement dans une boîte tapissée de velours bleu nuit.

Elle le fit avec le sentiment aigu que la vie est une incessante séparation, en sympathie de réminiscence avec ce que la jeune fille devinait de l’histoire dont elle procède, et qu’il lui incombe de transmettre.

Pas d’angélisme, parce qu’il y a eu un avant.

Ce que le hasard a autorisé, et ce qu’il a banni.

Cet avant a la forme d’un univers englouti. Pour autant que les mots puissent approcher la vie que les objets estompent ou déclarent, on y trouverait des aïeux hongrois ou polonais, une Mitteleuropa perdue, des frontières passées à la hâte, des enfants cachés, une bibliothèque talmudique préser- vée, des trains partant vers ces confins où, comme l’écrivait Aragon, « notre siècle saigne ».

Cette mémoire est singulière. Et elle est universelle, liés que nous sommes au destin de ce qui meurt, c’est-à-dire à la condition commune du vivant. Vous croyez entrer dans une exposition ; en réalité, il vous est proposé de parcourir les annales d’une solitude peuplée que chaque génération, dans la considération des autres, façonne et habite selon son drame et son espoir. Il nous est donné de vivre. L’art est là pour faire entrevoir que le ciel sera toujours plus grand que nous.

Marc Lambron de l’Académie française

Faire des étincelles

par Yannick Haenel

Il y a des têtes hérissées de clous, des boussoles, des cibles, des clefs, des fragments de cartes géographiques.

Il y a des miroirs en puzzle, des caissons lumineux où, depuis l’abîme noir et blanc du temps, de beaux visages graves et des mains solitaires reprennent vie.

Il y a une armoire à pharma- cie remplie de bougeoirs à prière, où un mètre de tailleur serpente comme un anneau de Saturne qui traverserait l’histoire du deuil.

Est-il possible de sauver le temps ?

De prendre soin de très anciennes brisures ?

De raccorder des mondes ?

Géraldine Cario assemble les traces d’une désorientation qu’elle conjure et traite avec la ténacité fragile d’une sorcière vouée à la douceur.

Il ne s’agit pas d’organiser un sauvetage d’objets — aucun sentimentalisme dans son art —, mais de fonder un lieu pour que le temps revienne.

Ce lieu peut être un mur, un boîtier de radiographie, un caisson d’horloge. Géraldine Cario y procède à des rapprochements qui sont des gestes spirituels.

C’est la chose la plus simple du monde, la plus subtile, la plus effrayante : une invocation. « Les mots, écrit Kafka, sont dans la main des esprits.»

Lorsque Géraldine Cario entoure de points lumineux les silhouettes des petites photographies anonymes qui parsèment son oeuvre, lorsque à la manière des statuettes

Minkissi du Congo elle enfonce des clous, des vis et des plumes dans une tête sculptée, c’est pour insérer, comme une lame de rasoir, un mot entre le monde des morts et celui des vivants.

Ce mot ne sépare pas : au contraire, s’il glisse au travers des univers disjoints, c’est afin de suspendre la destruction. Il est possible, avec les bons gestes, avec le mot juste, de modifier ce que produit la négation : de « réparer », comme dit Géraldine Cario (et dans ce terme, j’entends la puissance invisible du tikkoun olam— la réparation du monde — qui, dans la mystique juive, accomplit la prophétie messianique).

Réparer consiste à extraire les étincelles de lumière qui sont prisonnières de la matière : sur ses murs, en rapprochant de petits morceaux du temps, loin du monumental qui écrase, et en se détournant avec élégance des rapports de force, Géraldine Cario compose un arbre séphirotique — elle agence la possibilité d’un salut.

Une œuvre qui ne poserait pas la question de ce qui sauve n’existerait pas.

Les assemblages de Géraldine Cario arrachent les humains à la fosse. De minutieux éclats naissent à partir d’un boîtier, d’un accrochage rituel, d’un tableau de fils. Le monde ne cesse de sombrer, il nous dévisage à travers sa chute ; mais les yeux qui s’ouvrent avec intégrité sur ce qui manque allument un trésor.

Il m’est arrivé, dans l’atelier de Géraldine Cario qui ressemble à un antre lumineux, de lui demander comment elle nomme ce qu’elle façonne : est-ce que ce sont des objets ?

« Des textes », m’a-t-elle répondu.

Voilà, des mots s’adressent à l’effacement.

D’ailleurs la voyelle -e, que Georges Perec fait disparaître comme l’irrévocable part manquante de l’être depuis l’extermination des Juifs d’Europe, se retrouve ici piquée sur une boule noire qui vous apparaît comme la matérialisation même de la béance, du vide et de ce qui fait défaut : la forme retournée du manque, c’est la boule.

Toute cette œuvre, adressée à l’absence comme une muraille d’ex-voto, se destine à rallumer la mèche d’un sacré qui tremble et chuchote, comme une petite lumière qui troue des silhouettes du passé et les ramène à la vie.

Et si vous vous approchez, si vous tournez réellement votre esprit vers ces actes de papier, vers ces conjurations silencieuses, quelque chose advient qui relève de cette mémoire en avant que Aby Warburg avait appelé Mnémosyne.

Le temps ne cesse de faire retour afin d’établir un rapport entre le passé et l’avenir, entre le ciel et la terre, entre ce qui meurt et ce qui renaît.

Les hasards nécessaires

’Institut français de Tel Aviv accueille à partir du jeudi 8 juin

2023 l’exposition

«Les hasards nécessaires » de l’artiste française Géraldine Cario : quatre de ses œuvres, extraites d’un ensemble plus large, qu’elle présente comme une méditation sur la vie, une invitation pour le regardeur à un questionnement sur ce qui tient du hasard ou du libre-arbitre.

Encres suspendues dans les airs, envol de pinces chirurgicales ou assemblage hasardeux de mikados multicolores, Géraldine Cario présente dans ses installations la fragilité de nos vies et l’incertitude qui la traverse.

Chaque événement vécu prend sa part dans notre construction intime, et nos vies s’élaborent ainsi, à notre insu parfois, comme une mosaïque à la fois diverse et cohérente, fruit du hasard ou de choix raisonnés.

Elles se forgent d’ombre et de lumière, au travers des épreuves, des connaissances acquises, des expériences vécues, de tout ce qui a effet sur nous.

Ce morcellement présent dans les œuvres de Géraldine Cario parle également de ce qu’est un individu dans le collectif, semblable aux autres et pourtant singulier, pièce de puzzle infime et indispensable à l’ensemble.

Le travail de Géraldine Cario porte sur la mémoire, les traces et ce qui nous impressionne au sens strict du terme.

L’artiste exprime ici cette intrication du hasard et de la volonté.

Elle pointe les synchronicités, ces événements qui nous impactent, sans que nous en prenions toujours la mesure, et tout ce qui cristallise en nous lumière et obscurité.

Les hasards nécessaires sont une invitation au questionnement et à la rêverie ; ce qui compose pas à pas notre identité propre et nous incite à poursuivre notre route à chacun singulière.

Géraldine Cario est née par hasard à Paris entre 1897 et 1977. Sa vie est transversale, spécialiste de rien et intéressée par tout, elle est diplômée d’une grande école, a étudié le droit et la psychologie avant d’exposer son travail artistique où la mémoire et la vie tiennent une place centrale. Issue d’une famille juive sioniste venant des quatre coins de l’Europe, c’est la première fois que Géraldine Cario expose en Israël. « C’était logique et ça manquait », nous confie Géraldine Cario, « J’ai un lien très fort avec Israël, exposer ici, en Israël et à l’Institut français, est une immense joie. Je suis 100% française. 100% juive. 100% sioniste ».

Les hasards nécessaires

Une exposition de Géraldine Cario

A partir du jeudi 8 juin 2023

Espace d’accueil de l’Institut français de Tel Aviv | 7 bd. Rothschild

Vernissage le jeudi 8 juin à 19h30 (entrée libre)

Heures d’ouverture de la galerie : Du dimanche au jeudi : 9h00-18h00

Vendredi : 9h00-13h00 éraldine Cario n’est jamais aussi à l’aise qu’entourée de ses oubliés.

Ils sont nombreux, silhouettes sépia de photographies anonymes, souvenir d’objets trouvés, relique reconstituée, vestige d’une époque ou d’une autre.

Ils vivent à nouveau, ils parlent même, avec une douce mélancolie, à travers une ombre ou un trait de lumière, un mécanisme redécouvert, une accumulation de semblables. Saurez-vous les entendre ? Il faut pénétrer dans le labyrinthe du temps construit par l’artiste. C’est là que vous la trouverez, au milieu de ses propres souvenirs et gardienne de tous ces autres, ceux qui n’ont plus de nom.

Elsa Cau

A notre arrivée, un bruit de roulement. Le son est profond, plein et lourd sur le béton. Géraldine Cario est en pleine expérience. Elle fait rouler les boules de billard au sol, les écoute, s’arrête, recommence, lève le nez. “J’y travaille, je réfléchis à comment les faire bouger. J’adore le bruit qu’elle font.” Bienvenue dans l’univers protéiforme de l’artiste : ici, tout s’observe et trouble, théâtre d’histoires mélancoliques, témoins du temps qui passe. Surtout, tout est histoire de mémoire.

“Chaque deuil rappelle tous les autres. Quand ai-je pensé cela pour la première fois…”

Tout a commencé avec un appareil photo. Non, il faut remonter plus loin, tout a commencé avec un miroir. A son premier déménagement, Géraldine Cario est enfant.

“J’étais toute petite. Ca n’était pourtant pas grand chose !

Nous changions d’appartement mais restons dans le XVIe arrondissement.

Les hauteurs du plafond n’étaient pas les mêmes.

Chez nous, il y avait un grand miroir. Je savais qu’il ne pouvait pas venir avec nous.”

La petite fille récupère un morceau de bois doré du cadre, le pose sur un ruban bleu, l’enferme dans une boîte qu’elle conserve.

Déjà, le rituel, la conscience aigüe “de départ et de fin, du caractère irrémédiable des choses, du temps.”

La vie passe.

Les études, le droit, la psycho, l’Essec.

Le travail, au pluriel : en mairie, à l’UNESCO, en finance.

“Tout ça, c’était de l’acrobatie.”

L’acrobate, ça lui va bien, toujours tendue entre deux fils, plusieurs situations, équilibriste du temps.

Des amis, le mariage, les enfants.

Pendant tout ce temps, elle écrit, elle installe “chez nous, j’envahissais.

Les murs, le sol, je mettais des objets en rapport, j’accumulais.” Inlassable chineuse d’objets rouillés, troués, cassés, elle leur donne une seconde vie, les élève au rang de reliques dans une installation majestueuse, les intègre à ses cabinets de curiosités, les dignifiant à la manière des studiolo de la Renaissance.

LA MÉMOIRE COMME PANSEMENT : MEMORY BOX ET GUSTIE À BERLIN

Un, deux, dix, vingt appareils photos, tous anciens. “Je me suis aperçue que la majeure partie d’entre eux avait été fabriquée entre les années 1920 et l’immédiat après-guerre. Donc, c’était vraiment la photographie d’une époque. De l’avant et du juste après. Je ne savais pas à qui ils avaient ap- partenu, ce qu’ils avaient vu.

J’en ai trouvé en Allemagne, en France, dans toute l’Europe. J’ai tout d’abord pensé que c’était moi qui leur demandais des comptes, en les plaçant face-à-face. Mais finalement, n’était-ce pas eux ?”

Comme la cartographie muette d’une époque, ses nondits, ses oublis, l’aura contenue d’un objet qui a tout vu, des amours, des souffrances et des pertes, des vies entières.

“Et puis, l’objet survit à la mort, à tout. Sa portée est infinie.” Memory Box naît d’un entrelacs de questionnements personnels et universels. De la petite histoire mêlée à la grande.

En filigrane, la conscience d’un peuple.

Si elle n’avait pas été rappelée à l’ordre par les concours des grandes écoles, Géraldine Cario n’aurait peut-être pas mis en sourdine ses rêves artistiques pendant quelques années.

Peut-être n’aurait-elle, d’ailleurs, pas vécu la même vie : “j’adorais la vie à Jérusalem. J’étais tombée amoureuse de la bibliothèque de l’université, que je voulais intégrer, avec sa vue invraisemblable sur les montagnes de Judée…

J’ai toujours été très sensible aux espaces. Jérusalem, dès l’adolescence, m’a happée.

J’ai pensé ‘c’est là’.”

« Gustie à Berlin »

Le rapport à la religion est ainsi présent : instinctif, sensible.

C’est donc de là, que provient cette sensation paradoxale, à la fois grave, mélancolique mais dans laquelle la vie et son élan furieux priment.

“C’est très fort d’aller vers la vie.

Les Juifs se sont tus après la Shoah, parce qu’il fallait vivre!

Pour le présent et pour le futur.

Mes grand-parents n’ont jamais parlé de leurs frères et soeurs, de leurs oncles et tantes.

Et la seule anecdote familiale que je connaisse célèbre cet élan.

J’en ai tiré une oeuvre : Gustie à Berlin.”

Allemagne, 1938. Pendant la Nuit de Cristal, la grand-tante de Géraldine Cario quitte, juste à temps, son appartement berlinois.

Les Nazis se contenteront de le mettre à sac.

Détail barbare, la destruction minutieuse de la vaisselle cachée dans les faux plafonds. A son retour, elle trouve le sol jonché des morceaux de porcelaine brisés.

L’anecdote de Gustie prend forme dans l’oeuvre de sa petite-nièce, inégaux tessons blancs enfermés dans une vitrine.

De la fugacité des choses.

DOUX MÉCANISMES DE RÉPARATION

“Réparer, voilà ce que je fais. Pas pour moi, mais pour le monde.

Le constat de la catastrophe ne m’intéresse pas, je l’ai intégré depuis longtemps. Ce qui me fascine serait plutôt cette pulsion de vie. Vivre avec l’irréparable. Espérer.

” La petite fille qui devinait tout, même sans mots, de l’histoire qui la précède, se serait-elle transformée en guérisseuse de souvenirs ?

« Angles morts » Cathartique est le terme. Dans Angles Morts, elle stoppe nette la chute de ces lunettes anonymes, tordues, privées d’yeux et de propriétaires.

Qu’ont-elles vu, qu’ont-elles lu, vécu ?

Le temps l’a englouti. Fixées dans la résine, rendues sujet central d’un morceau de mémoire, Géraldine Cario leur offre un regard.

Dans ses Emballements, elle réunit ses objets orphelins. Les momifie à l’aide d’une chemise, celle qu’elle avait porté à l’enterrement de son père.

“Je leur ai fait peau neuve, pour leur donner une seconde vie.

Et puis, cette réflexion me trottait dans la tête : dans la première partie de sa vie on s’emballe, dans tous les sens du terme, c’est-à-dire qu’on s’enthousiasme et qu’on accumule un certain nombre de couches protectrices; dans la seconde partie de sa vie, on déballe.

Soit on se débarrasse des couches superflues, soit… La question reste ouverte. Souvent, ce n’est d’ailleurs pas la réponse qui nous manque mais la véritable question.”

L’atelier de l’artiste contient ces mille détails réappropriés, véritable refuge de l’oubli. Ce squelette, là-bas ?

D’anciennes pipes-cibles de tir des fêtes foraines, orphelines du temps : désormais les enfants tirent les ballons. Disposées comme une ossature archéologique.

Ou un parcours de vie, avec ses accidents et ses trébuchements ?

Et cette toile d’araignée par ici ?

“Je l’ai nommée Cartographie du Je.

Nous déplaçons des curseurs sur nos idées antinomiques. Liberté/responsabilité, actions/inhibitions…

Le cerveau crée-t-il la toile, ou s’articule-t-elle de façon à piéger le cerveau ?

” Laisser les oeuvres “ouvertes”.

Les questions en suspens. Plus loin, des cartons de trésors perdus, des expériences de lumières et de coton, d’aiguilles et de bric-à-brac rendus poétiques, de petites boules de cheveux, les siens et ceux des enfants, comme autant de témoignages de tendresse, à la manière des bijoux de cheveux du XVIIIe siècle, des agrandissements de photographies anciennes et anonymes, généalogie réinventée. Un regard, une main, sur lesquels un oeil, le sien, s’est enfin attardé de nouveau, en reine du royaume de la mémoire.

Elsa Cau

rigitte Méniger est une artiste parisienne, tout feu tout flammes, volubile et instinctive.

Trois ans déjà qu’elle a orienté son travail de sculptrice vers des formes géométriques, simples comme des briques en terre cuite émaillée, devenues peu à peu prétexte à des propos graphiques, formes de base dont elle s’empare comme un peintre s’empare de sa toile.

Ces briques - ainsi sontelles désormais désignéess’étirent.

Dans leur format hypertrophié, elles sont désormais présentées sur de hauts socles et leurs propos flottent au-dessus du sol.

Elles s’aplatissent également parfois, jusqu’à devenir plaques murales.

Rectangulaires ou hexagonales, chaque face offrant toujours son support : le propos est multiple, l’histoire se racontant au recto, au verso, sur les tranches et jusque dans les attaches.

Sujets de libres expérimentations, les briques ont invité la sculptrice à glisser encore un peu plus vers la peinture, et le dessin.

Cependant que la terre sousjacente, la cuisson des émaux, le volume des supports, tout participe à l’étonnante singularité formelle de ces œuvres.

Intuitive dans ses approches, Brigitte Méniger se régale de ces rendus inclassables et se révèle excellente coloriste. Des scènes parfois brutales servies par des couleurs acides répondent à d’autres plus apaisées, ou les céladons apportent leur douceur.

Des visages nous regardent, des foules se pressent, des couples s’enlacent, des bouches s’embrassent : notre humanité y foisonne.

Brigitte Méniger conserve précieuse l’idée que seul un traitement personnel offre toute la profondeur recherchée.

C’est d’émotions qu’elle souhaite parler : celles qui la traversent, celles que son travail pourra susciter.

Et de passion aussi. A l’image de sa relation avec la terre. Pour son 3e anniversaire, la Galerie Grès a présenté l’automne dernier une sélection d’œuvres récentes de cette artiste précieuse, dont grand nombre de briques.

Aujourd’hui Brigitte Méniger, dans la continuité de ses précédentes expositions, nous surprend encore et toujours

Brigitte Meniger

Sculptures

Cèramiques du 14 juin 2023 au 13 juillet 2023

Vernissage 14 juin 2023 à partir de 18 h à 21 h

Galerie Grès

9 rue du Pont-Louis-Philippe Paris 75004

France www.galeries-gres.com

Tél.:+39 06 83 84 36 23

@galeries.gres par sa capacité à se réinventer dans une cohérence avec son expression singulière. Des formes plus libres, des présences toujours aussi fortes par la liberté du graphisme, et des couleurs sans hésitation ... Des pièces très sculpturales, jusqu’à l’abstraction complète.

Au delà, permanence de la matière très forte dans son travail.

Une très belle exposition, nous vous y attendons avec plaisir dès le 14 juin Je crois à la portée artistique de la céramique.

Projet de cœur avant tout, la Galerie Grès est conçue comme un lieu de rencontres et d’échanges, de création vivante, de passionnés d’art contemporain et de céramique, dans l’expression originale de ce médium.

A travers expositions et ateliers, la Galerie Grès offre à ses visiteurs de découvrir et partager un univers volontairement très personnel, auquel je prête toute ma présence. Au delà d’une galerie, c’est également une histoire qui s’écrit, avec des artistes d’aujourd’hui.

Albane HERRGOTT Fondatrice

Rappelons pour les distraits que la Galèrie Grès est aussi l’atelier d’une artiste céramiste particulièrement douée. Je veux parler ici de Paloma Kuns que nous avons intervoiewé plusieurs fois et qui n’arrète pas de nous surprendre avec ces multiples créations qui vont de la peinture à la musique en passant par l’ècriture de poème et la gravure. Née dans un quartier populaire de la vallée de Caracas, Paloma Kuns s’intéresse très tôt aux arts ; elle suit des cours dans un atelier dédié aux enfants au musée des beaux-arts. Son enfance est consacrée à la peinture et à l’écriture.

Adolescente, elle se découvre une véritable passion pour la musique et apprend à jouer de la mandoline et du hautbois. Sa formation universitaire et le début de sa carrière d’ingénieur chimiste l’ont éloignée d’une voie artistique.

En 2001, elle quitte son pays natal pour poursuivre ses études et sa formation en sciences et gestion en France.

En 2012 un grand changement s’opère dans sa vie, elle s’installe avec sa famille au Gabon et décide de renouer avec sa première passion : la peinture. Son travail à plein temps est consacré à des activités artistiques, autodidacte ; elle crée une école publique de peinture pour enfants défavorisés et un atelier de peintre pour faire ses premières expositions.

Son retour à Paris en 2014 et son retour au travail en tant que chef de projet ne l’empêcheront pas de renouer avec ses passions et aspirations d’enfance comme devenir violoncelliste, un rêve enfoui depuis longtemps.

Son travail actuel en tant qu’artiste est en constante évolution; il véhicule une féminité inquiète, un rappel d’origines lointaines. Pour la contacter, veuillez envoyer votre message à paloma.kuns@gmail.com ou vous pouvez également «aimer » le site Facebook : https://www.facebook.com/ PalomaKunsArtist et vimeo.com/palomakuns

Bienvenue dans votre monde !

Vous pouvez aussi consulter nos vidéos https://vimeo.com/490264759 https://vimeo.com/667120591 https://vimeo.com/236852585 https://vimeo.com/193972430 https://vimeo.com/193972430 parce que l’on aime Paloma Kuns

Sarastro

„Die Strahlen der Sonne Vertreiben die Nacht“

Emanuel Schikaneder, la Flûte enchantée, finale II voquer les Lumières à PortRoyal peut, à première vue, sembler bien paradoxal...

Les philosophes n’aimaient pas les jansénistes, qui le leur rendaient bien !

Voltaire faisait dans une lettre à Helvétius la proposition honnête et modeste d’étrangler le dernier jésuite avec les boyaux du dernier janséniste.

Il alla même, dans ses Lettres anglaises, jusqu’à engager la polémique contre Pascal et la vision janséniste du monde.

Pourtant, Port-Royal reste traversé et porté par les fulgurances d’un Blaise Pascal, remis à l’honneur cette année 2023 à l’occasion du 400e anniversaire de sa naissance.

Génie indépendant, mettant Epictète et Montaigne sous les yeux de Louis-Isaac Le Maître de Sacy, le confesseur des Messieurs de Port-Royal et prônant le doute comme moteur de la foi religieuse ; Port-Royal, toujours porté aujourd’hui par cette haute figure de la pensée française, que le XIXe siècle peine à reconstruire comme le principal acteur des Lumières chrétiennes.

Mais, Port-Royal et les Philosophes se retrouvèrent à la fin du XVIIIe siècle sur le thème de la tolérance civile.

Et Port-Royal, berceau de la langue française, à travers l’oeuvre de Pascal et Racine incarne, aujourd’hui encore, les aspirations humanistes du classicisme français.

Dans l’oeuvre d’Anne Slacik, l’humanisme s’incarne dans les mots : dans ceux des classiques qui résonnaient déjà il y a trois cent cinquante ans dans les murs des Petites Ecoles comme Ovide ; elle suit Michel Butor interrogeant Platon; elle retrouve Charles Perrault, abandonnant un instant les sulfureuses biographies de Pascal et Arnauld pour ses fameux comtes.

Quand la poésie se fait symboliste, surréaliste, quand elle transcende les mots ; Anne Slacik suit le chemin des poètes dans l’épaisse nature, le long d’un ruisseau immobile, ouvrant un horizon de couleur plein du souvenir de Claude Monet au

Nénuphar blanc de Stéphane

Mallarmé : « Conseille, ô mon rêve, que faire ? » Quand la poésie devient abstraite ; les mots s’effacent alors, poèmes abstraits placés dans les bleus et les verts d’une eau tranquille sous ceux de Paul Valéry.

Et dans le chatoiement des couleurs, les rouges et les blancs éclatants d’une matière généreuse posée sur le vert transparent des premiers feuillages, elle peint la fraicheur d’un éternel printemps. Dans l’oeuvre d’Anne Slacik, les Lumières semblent poindre au fond d’une nuit profonde, dans la densité généreuse des pigments bleus ; comme une prophétie laïque pétrie de messianisme ; comme l’annonce par Zarastro, dans la Flûte enchantée de Mozart, autre monument de la Aufklärung, que les rayons du soleil toujours vainqueront les ténèbres. Elles brillent toujours au firmament d’un siècle nouveau qui semble oublier le prix d’un pareil héritage.

Philippe Luez Conservateur du musée national Port-Royal des Champs

Directeur du GIP Port-Royal

Dossier de Presse

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