Racisme Systémique, Discriminations Intersectionelles et Iniquitiés dans le Système de Santé en Fran

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SEPTEMBRE 2021 | JOURNAL

THE RACE ACROSS THE POND INITIATIVE Women of Color in the Healthcare System Series RACISME SYSTÉMIQUE, DISCRIMINATIONS INTERSECTIONELLES ET INIQUITÉS DANS LE SYSTÈME DE SANTÉ EN FRANCE @wcapsnet

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Women of Color Advancing Peace, Security & Conflict Transformation


WOMEN OF COLOR ADVANCING PEACE AND SECURITY, AND CONFLICT TRANSFORMATION THE RACE ACROSS THE POND INITIATIVE Women of Color in the Healthcare System Series

En collaboration avec WCAPS France

Racisme Systémique, Discriminations Intersectionnelles Et Iniquités Dans Le Système De Santé En France Septembre 2021


Women of Color in Peace, Security and Conflict Transformation The Race Across the Pond Initiative: Women of Color in the Healthcare System Series

TABLE DES MATIÈRES Edito ....................................................................................................................................... 3 À Propos L’Initiative Race Across the Pond …...................................................................................... 5 La Serie Women of Color in the Healthcare System ............................................................ 5 Le chapitre WCAPS France .................................................................................................. 5 Les Auteures ......................................................................................................................... 6 Les Éditrices et la Traductrice .............................................................................................. 7 RACISME SYSTÉMIQUE, DISCRIMINATIONS INTERSECTIONNELLES ET INIQUITÉS DANS LE SYSTEME DE SANTE EN FRANCE ............................................ 8 Avant-Propos ........................................................................................................................ 8 PARTIE I - Iniquités en santé pour les groupes racisés et minorisés: accès aux soins de santé ..................................................................................................... 9 1. Cadre légal .........................................................................................................................9 2. Discriminations des groupes racisés et minorisés : Inégalités systémiques, structurelles et institutionnelles ......................................................................................... 10 a) Déserts médicaux ................................................................................................ 10 b) Le poids des démarches et des statuts ............................................................. 12 c) Discriminations ethno-raciales: les croyances des praticiens .......................... 13 d) Exemples de cas concrets .................................................................................. 14 PARTIE II - Principe de qualité des soins .......................................................................... 16 1. Recherche biomédicale, essais cliniques et manque d’inclusivité .............................. 16 2. Exacerbation des iniquités dans le contexte de la pandémie à la Covid-19 ................ 19 3. L’inadéquation de certaines thérapeutiques et technologies: L’exemple de l’oxymètre ........................................................................................................................ 21 4. Racisme, discriminations et stéréotypes dans les pratiques médicales et la prise en charge des patients: le syndrome méditerranéen ...................................... 22 PART III - Approche anti-raciste et intersectionelle: recommendations pour une meilleure équité et inclusion dans le système de santé français ................................... 25 Glossaire .............................................................................................................................. 27 Bibliographie ........................................................................................................................ 29

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EDITO Chers collègues, Je suis ravie de vous présenter le premier document de recommandations stratégiques de l’Initiative Race Across the Pond Initiative (Initiative RAP) de WCAPS intitulé “Racisme Systémique et Discriminations Intersectionnelles dans le Système de Santé en France”. Ce document ouvre la série de documents de recommandations stratégiques de l’Initiative RAP, intitulée “Racisme institutionnel et Discriminations dans les Systèmes de Santé à travers le Monde”, qui seront publiés au cours des prochains mois. Cette série de papiers explore les impacts du racisme et les discriminations sur la santé, la sécurité et la qualité de vie des communautés racisées à travers le monde, en particulier celles des femmes et des filles, et ce qui peut et doit être fait pour assurer plus d'égalité, d'équité et de justice pour toutes et tous. Le racisme, les discriminations et les préjugés se manifestent dans toutes les sphères de notre société. Profondément ancrés dans notre histoire, nos structures, nos systèmes de pensée et nos interactions sociales, il faut du courage, du temps, de l’investissement sur le long terme pour déconstruire et désapprendre les pratiques et mécanismes comportementaux toxiques assimilés tout au long de notre vie, souvent depuis la petite enfance. Parce que le racisme n'est pas naturel, et parce que la race est une construction sociale, entreprendre cette déconstruction est une priorité absolue. Il en va de notre responsabilité individuelle et collective. Le racisme n'est pas une opinion. Le racisme est un crime. Notre société civile, notre gouvernement et nos institutions ont la responsabilité de tout mettre en œuvre pour y remédier. Je le répète. Le racisme n'est pas une opinion. C’est un crime! Pour les personnes racisées, c'est pourtant une réalité qui imprègne tous les aspects de leur vie et menace directement leur propre existence et leur sécurité au quotidien. Les femmes et les filles racisées sont particulièrement à risque. Elle portent le double fardeau de la discrimination en raison de leur sexe/genre, et de leur race; et additionne potentiellement plusieurs autres facteurs de discrimination, tels que leur situation socio-économique, leur religion, leur âge, leur orientation sexuelle, leur handicap et/ou d'autres facteurs. Pourtant, lorsqu'on parle d'inégalités des sexes/genres en France (et dans de nombreux autres pays), nous manquons souvent de prendre en considération l’intersectionnalité des discriminations auxquelles sont confrontées les femmes racisées. En refusant de reconnaître la complexité et les effets des discriminations intersectionnelles auxquelles elles sont confrontées en France, nous contribuons à maintenir et à favoriser leur invisibilisation et les discriminations à leur encontre.

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Si nous voulons vraiment l'égalité – et je sais que notre société française y est attachée - nous devons garantir l'équité. Si nous souhaitons l’équité, nous devons parler de justice. Et si nous parlons de justice, alors nous devons regarder notre société avec honnêteté et reconnaître que le racisme et les discriminations imprègnent toutes les sphères de notre société. Y compris notre système de santé. Ce n'est pas un signe de faiblesse que de le reconnaître; c'est un signe de force et de courage exemplaire. La santé publique est un bien commun. La France possède l'un des systèmes de protection et de santé les plus renommés au monde. Mais il reste, pourtant, encore énormément à faire pour garantir plus d’équité et de diversité dans notre système. Nous espérons que ce document fournira des pistes de réflexion et des éléments d'action concrets pour nos législateurs, nos dirigeants politiques et nos institutions, afin de concevoir des politiques publiques de santé plus équitables et activement antiracistes et inclusives. Je tiens à remercier chaleureusement les formidables auteures et chercheures de la Série Women of Color in the Healthcare System Series, Sherihane Bensemane et Yasmine El Addouli, pour leur temps, leur investissement, leur rigueur scientifique et leur enthousiasme sans faille dans l'élaboration de ce document. Ce fut un plaisir d’échanger, de réfléchir et d’écrire ce papier avec vous. Le secteur de la santé a beaucoup de chance de compter sur des femmes aussi brillantes que vous ! Je remercie également sincèrement les équipes de l’Initiative RAP pour leur soutien continu et leur contribution, et en particulier Laëtitia K.M. Diatezua, Rita Stephan et Mélina Villeneuve pour avoir siéger dans le comité d’édition et avoir aidé à finaliser ce document, Sonia Osmani qui a dirigé le travail de traduction du français vers l’anglais et Kynnedi Henry qui a finalisé la mise en forme. Enfin, je tiens à remercier la Sous-Secrétaire d'État Bonnie Jenkins pour avoir créé cette plateforme visionnaire qu’est WCAPS et m'avoir permis de créer et de développer ce projet unique, l'Initiative Race Across the Pond. Merci de votre confiance et de votre amitié. Nous vous souhaitons une excellente lecture pour ce premier document du genre par l’Initiative RAP et espérons que vous apprécierez les suivants. Saara Bouhouche Fondatrice et Présidente de l’Initiative Race Across the Pond Directrice WCAPS France

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LES AUTEURES SHERIHANE BENSEMMANE (Auteure principale) Sherihane Bensemmane est chercheuse/experte française pour l'Initiative RAP. Elle détient des masters en neurosciences, en santé publique et en sciences politiques. Elle travaille actuellement comme chercheuse à l'Institut belge de la Santé. Auparavant, elle a été Conseillère Scientifique pour la Société Européenne de Médecine de Soins Intensifs et Collaboratrice pour l'Observatoire Social Européen. Elle a aussi participé à des enquêtes de terrain, dont une étude en Bolivie portant sur l'accès aux services de soins de santé dans le contexte de l'infection au virus du papillome humain (VPH). Sherihane est également membre active de plusieurs associations dans le domaine des droits des femmes, de la santé sexuelle et de la santé des migrants.

YASMINE EL ADDOULI (Auteure principale) Yasmine El Addouli est une chercheuse/experte française pour l’Initiative RAP. Infirmière diplômée de l’Etat Français et a exercé dans différents établissements de santé et services hospitaliers. Elle est diplômée d’un Master en santé publique avec spécialisation en santé mondiale de l’Ecole de Santé Publique de l’Université de Montréal (ESPUM), au Canada. Pendant ses études, Yasmine a travaillé en tant que Chercheure-Visiteur pour Women’s Health in Women’s Hands et Conseillère Communautaire pour le Community Based Research Center, au Canada. En plus de son rôle au sein de l’Initiative RAP, elle est également membre de WCAPS France. Yasmine est dévouée à l’inclusion de perspectives française et internationale dans les discussions relatives au racisme et aux discrimination dans la santé.

SAARA BOUHOUCHE (Rédactrice en Chef, Auteure) Saara Bouhouche est la fondatrice et présidente de l’Initiative RAP et la directrice de WCAPS France. Saara est experte humanitaire, paix et sécurité, engagée dans la lutte contre le racisme et pour l'égalité des genres. Elle est également conseillère stratégique pour WFWF. Avec plus de 18 ans d'expérience, son expertise s'étend sur différents domaines, dont la lutte pour la justice sociale et les droits humains, la coopération internationale, les migrations, la paix, la sécurité et la transformation des conflits. Elle a dirigé de nombreuses opérations humanitaires d'urgence en contextes de conflits. Auparavant, elle a fondé OUAT? Productions, une association française visant à promouvoir le dialogue interculturel à travers les arts, à lutter contre l'exclusion et l'extrême pauvreté, et à soutenir la cohésion sociale et l'inclusion en France. Saara a vécu et travaillé en Europe, au Moyen-Orient, en Afrique, en Asie, en Amérique du Nord et dans les Caraïbes.

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LA TRADUCTRICE (FR-ANG) SONIA OSMANI est traductrice et possède a une Licence en Langues Étrangères Appliquées en Anglais et Espagnol et un Master en Management du Tourisme. Passionnée de voyages, elle acquiert de l'expérience professionnelle aux Etats-Unis, au Mexique et au Canada. Sonia possède une solide expérience dans l’industrie du tourisme et conduit des travaux de traduction depuis ses premières années d’université. Elle travaille actuellement sur des projets professionnels combinant tourisme et traduction de langues étrangères. Sonia est membre de l’équipe de l’Initiative RAP.

LES ÉDITRICES LAETITIA K.M. DIATEZUA est consultante en Santé Mondiale, spécialisée dans la surveillance des maladies infectieuses et la préparation aux épidémies. Elle a contribué à plus d'une douzaine de programmes de sécurité sanitaire mondiale, de RAM et de VIH/SIDA en Afrique et au Moyen-Orient, ainsi qu’à l'organisation de plus de 30 ateliers STEM pour 300 filles en Amérique latine, en Afrique Sub-Saharienne et en Europe Centrale. Depuis le début de la pandémie, elle a produit plusieurs publications et podcasts sur le COVID-19. Laëtitia est alumna du Next Gen. Global Health Security Network 2020-2021, Experte Sécurité Sanitaire de Women in Global Health Operation 50/50 et alumna du Global Health Corps. Laëtitia est membre de la Série RAP WoC in the Healthcare System.

RITA STEPHAN est chercheuse au Centre Moïse A. Khayrallah à l'Université d'État de Caroline du Nord. Elle est la coordinatrice régionale des minorités religieuses et ethniques au Moyen-Orient à l'USAID. Auparavant, elle a été la directrice de l'Initiative de Partenariat du Moyen-Orient et la directrice de l'Analyse des Données au Département d'État des États-Unis. Elle a également occupé le rôle de Statisticienne d'Enquête au Bureau de Recensement Américain. Elle est Docteur en Sociologie spécialisée en études de genre. Elle a publié plusieurs livres et articles relatifs aux Arabes américains et à l'activisme des femmes Arabes. Rita est membre de l’équipe de l’Initiative RAP.

MÉLINA MALAÏKA VILLENEUVE Mélina Villeneuve est la co-fondatrice et directrice de recherche de l’organisation “Demilitarise Education (dED_UCATION)”, une ONG basée à Manchester, au Royaume Uni, dont l’objectif est de documenter pour mieux dénoncer les liens contraire à l’éthique qui existent entre les universités anglaises et l’industrie de l’armement. dED_UCATION plaide pour que la recherche universitaire cible de façon prioritaire des thèmes liés au développement durable et à la paix, plutôt que de contribuer à davantage d’instabilité internationale en soutenant la recherche liée à l’industrie de l’armement. En plus de son rôle chez dED_UCATION, Mélina est scénariste, podcasteuse, et organisatrice communautaire. Elle est aussi membre fondatrice de la branche britannique de WCAPS (WCAPS-UK), dont elle préside le groupe chargé de la communication et des réseaux sociaux. Mélina est membre du Comité d'Édition de l’Initiative RAP.

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A PROPOS L’INITIATIVE RACE ACROSS THE POND L'Initiative Race Across the Pond (RAP Initiative) est un projet international de WCAPS, qui explore, sous un angle intersectionnel (genre, orientation sexuelle, religion, âge handicap...), les façons dont la construction raciale et le racisme impactent la vie et la sécurité humaine des communautés racisées et minorisées dans le monde, en particulier les femmes et les filles, et menacent la paix et la sécurité internationale. L’Initiative RAP souhaite placer la question du racisme au centre des débats et des discussions sur la paix et la sécurité à l’échelle nationale et internationale. Nous faisons entendre la voix des femmes racisées et minorisées qui mènent le combat pour la justice dans leur pays et au-delà, nous réfléchissons aux moyens de déconstruire les mentalités toxiques à travers les cultures, et nous facilitons la circulation des expériences, des savoirs et des stratégies de lutte contre le racisme, les discriminations intersectionnelles, et le suprémacisme. L'Initiative RAP fournit un espace protégé de réflexion, de dialogue et d'action qui vise à favoriser la cohésion sociale, la paix durable et la sécurité pour toutes et tous, en mobilisant les ressources existantes et en favorisant les synergies avec les actions et les acteurs locaux, nationaux et internationaux.

“Women of Color in the Healthcare System Series” L'Initiative RAP est structurée principalement autour de Séries (projets thématiques). La Série ‘Women of Color in the Healthcare System’ explore la façon dont les comportements et les systèmes individuels et collectifs perpétuent les discriminations raciales et impactent la santé des communautés racisées et minorisées, en particulier les femmes et les filles, aux niveaux national, régional et international. La série se veut un lieu de production et d'échange de savoirs et offre un espace de réflexion sur les stratégies et les solutions disponibles pour lutter contre les inégalités et les iniquités en santé dans le monde.

WCAPS FRANCE WCAPS France a pour mission de faire progresser le leadership et le développement professionnel des femmes racisées et minorisées dans les secteurs de la paix et de la sécurité en France et en Europe continentale, de favoriser un réseau professionnel actif et inclusif, et de promouvoir des politiques de lutte contre le racisme, de diversité et d'inclusion dans les affaires nationales et étrangères. WCAPS France incarne la devise française “Liberté, Egalité et Fraternité” et offre, ainsi, un espace de confiance et de soutien pour nos membres qui encourage les échanges d'idées et qui promeut la diversité des voix des femmes racisées et minorisées et de leurs alliées dans les secteurs de la paix et la sécurité, en France et au-delà. WCAPS France vise à lutter contre les mentalités toxiques fondées sur les inégalités de genre, le racisme, et les discriminations et à renforcer le dialogue pacifique, la sécurité inclusive et la cohésion sociale. 7


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RACISME SYSTÉMIQUE, DISCRIMINATIONS INTERSECTIONNELLES ET INIQUITÉS DANS LE SYSTEME DE SANTE EN FRANCE Avant-propos En France, les iniquités qui touchent les groupes racisés et minorisés constituent un sujet difficile à aborder et plus encore à investiguer. La Constitution Française dispose, en effet, que l’État « assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion ». Malgré l’interdiction en 1978 de la collecte de données relatives à “l’origine ethnique ou à la race”, réitérée par le Conseil constitutionnel en 2007, des dérogations autorisant les statistiques ethniques, sous certaines conditions, sont cependant possibles, notamment à des fins de statistiques ou de recherches scientifiques1. Ces données ont ainsi permis la mise en place de certaines études sur les discriminations subies par les groupes minorisés et racisés en France. Celles-ci restent cependant très limitées et trop peu nombreuses au regard de l’étendue du champ de recherche sur le racisme et les iniquités dans le secteur de la santé. Ce manque d’investigation est d’autant plus alarmant si l’on considère que les personnes racisées et minorisées représentent près de 20% de la population nationale. Ce document se concentre sur les discriminations raciales, sociales, économiques et culturelles subies en matière d’accès et de qualité des soins de santé pour les personnes racisées et minorisées en France, entraînant une réponse inadaptée à leurs besoins de santé et une dégradation de leur état de santé général et de leur qualité de vie. La première partie de ce document étudie la problématique d’accès aux soins de santé, tandis que la deuxième partie s’intéresse à la problématique de qualité des soins de santé.

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La collecte de données relative au nom, à l’origine géographique, la nationalité avant l’obtention de la nationalité française ou le ressenti d’appartenance est possible en suivant les recommandations de la CNIL.

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PARTIE I - INIQUITÉS EN SANTÉ POUR LES GROUPES RACISÉS ET MINORISÉS: ACCÈS AUX SOINS DE SANTÉ Auteures: Sherihane Bensemmane*, Saara Bouhouche

1. CADRE LÉGAL La France dispose d’un ensemble de dispositifs et de lois destinés à assurer la protection des droits des patients, et leur accès aux soins de santé et aux services de prévention sans distinction, ni discrimination. Le système français est basé sur une approche collective de cotisations et de redistribution de ressources permettant l'existence d’un système de protection sociale commun pour l’ensemble des personnes en situation régulière et résidant en France (de nationalité française ou non). L’assurance maladie donne droit à une prise en charge des soins de santé et de traitement. Pour les personnes dont les ressources et revenus sont considérés comme trop faibles, une aide intitulée Complémentaire Santé Solidaire (CSS) peut être attribuée sur demande, afin de réduire leurs dépenses directes liées aux soins de santé. Plus récemment, depuis 2016, tous les résidents ou travailleurs en situation régulière peuvent bénéficier de la Protection Universelle de Maladie (PUMa). Les personnes migrantes en situation irrégulière,2 communément appelées personnes « sans-papiers » ont, quant à elles, le droit d’accéder (sous certaines conditions) aux services de santé élémentaires grâce à l'Aide Médicale d'État (AME) et/ou d’utiliser les services d’urgence et de soins de santé de base auprès des Permanences d'Accès aux Soins de Santé (PASS) au sein d’hôpitaux. Pourtant, l’enquête « Premiers Pas » indique que, dans les faits, la plupart des personnes migrantes ne reçoivent pas cette aide. Enfin, les personnes demandant la protection internationale, dites « demandeurs d’asile », sont dirigées vers les Permanences d’Accès aux Soins de Santé (PASS) en attendant l’examen de leur dossier. Les réfugiés, quant à eux, peuvent bénéficier de la PUMa. Cependant, les moyens limités des institutions mis à dispositions des usagers (ressources humaines, temps disponible), le manque d’interprètes, le manque de ressources financières dédiées et l’accès limité aux soins dû au statut légal des

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Note: L’un des biais et préjugés que peuvent subir les personnes françaises issues de groupes racisés consiste à être assimilés consciemment ou inconsciemment aux populations migrantes, pourtant leur statut légal ne permet aucune assimilation.

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bénéficiaires et potentiels bénéficiaires représentent des freins à l’accès aux soins de santé. Recommandations: ● Simplifier les démarches administratives et procédures d’obtention d’une couverture de soins de santé. ● Augmenter les investissements et les financements des institutions sanitaires et sociales ● Créer des indicateurs permettant une surveillance des inégalités d’accès et discriminations. ● Renforcer les ressources humaines, financières, matérielles des institutions (interprètes, guides administratifs, formations, …)

2. DISCRIMINATIONS DES GROUPES RACISÉS ET MINORISÉS : INÉGALITÉS SYSTÉMIQUES, STRUCTURELLES ET INSTITUTIONNELLES L’accès et la qualité des soins de santé en France sont généralement réputés de bonne qualité. Pour autant, l’accès aux soins de santé n’est pas équitable et les inégalités en santé représentent une véritable urgence sociétale. Il subsiste, en effet, d’importantes inégalités et discriminations dans l’accès aux soins et la prise en charge des besoins des patients. Ces phénomènes s’observent, d’une part, dans les zones rurales et les zones urbaines en périphéries des grandes villes qui touchent de façon disproportionnée les personnes racisées et minorisées, immigrées3 ou non. D’autre part, au niveau des fournisseurs de soins de santé (personnel et institutions), les attitudes discriminatoires de professionnels de la santé créent d’importantes barrières d’accès aux soins de santé pour les groupes racisés et minorisés, en particulier pour les personnes d’ascendance sub-saharienne, nord-africaine et asiatique. a. Déserts médicaux Malgré la notoriété de la France pour son système de santé de qualité, l’accès aux soins de santé n’est pas équitable, notamment car les médecins sont concentrés dans les moyennes et grandes villes. On appelle désert médical un territoire où l’accès aux soins de santé est difficile, souvent correspondant à des zones rurales ou des banlieues excentrées. Cette définition englobe les problématiques liées à l’éloignement des Definition of INSEE “[…] An individual continues to belong to the immigrant population even if he becomes French by acquisition. https://www.insee.fr/fr/metadonnees/definition/c1328 3

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centres de soins, le manque de médecins et autres professionnels de la santé (infirmier.e.s, kinésithérapeutes, laboratoires d’analyses...), ainsi qu’à l'inadéquation de l’offre de service de soins de santé au regard des besoins spécifiques de la population et la réalité socio-économique et démographique locale. Or, une forte concentration de personnes racisées et minorisées, sinon la majorité, vivent dans ces déserts médicaux, en France métropolitaine et dans les territoires d’Outre Mer (Département de Seine Saint Denis, Guyane, Martinique, Guadeloupe, Mayotte...). Cette distribution géographique en France Métropolitaine est notamment liée à l’histoire coloniale et d’anciennes politiques d’intégration, de politiques publiques d’immigration et de ghettoïsation qui a créé de l’éloignement des centres urbains et des services publiques pour une importante partie de cette population; éloignement qui a également entraîné une exclusion socio-économique et favorisé des conditions de vie plus précaires. Afin de diminuer les déséquilibres entre les régions, le numerus clausus d’entrée à la faculté de médecine a augmenté, le gouvernement propose même de le supprimer. Malheureusement, ces efforts ne seront pas visibles avant plusieurs années. De plus, l’augmentation du numerus clausus ne garantit pas une distribution des médecins plus équitable sur le territoire, ni l’envie des jeunes médecins de s’installer dans ces régions. Par ailleurs, la capacité de prise en charge de certains patients peut également être limitée par la langue. Or, le manque d’interprètes entrave l’accès aux soins de santé d’une partie des usagers dont la langue française n’est pas la langue maternelle et qui tend à créer à la fois de la frustration et à produire des biais cognitifs négatifs et inciter certains médecins à éviter ou à quitter ces zones géographiques n’ayant pas la capacité ni les outils pour interagir avec une partie de leur public. La télémédecine, prestation de services de santé par le biais des Technologies de l'Information et de la Communication, est considérée comme l’une des stratégies pouvant aider à l’amélioration de l’accès aux soins de santé pour les populations se trouvant dans ces zones de déserts médicaux. Cependant de nombreuses barrières peuvent subsister. En effet, toute personne n’a pas accès à un ordinateur ou smartphone assez puissant pour permettre une téléconsultation, la connexion internet doit être optimale et la littératie numérique4 des usagers n’est pas assurée. Enfin, l’utilisation de la télémédecine comporte des limites et ne peut pas remplacer un examen physique.

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Capacité à utiliser les outils informatiques avec aisance sans l’aide d’un tiers

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La Seine-Saint-Denis, un désert médical: La Covid19 a mis en évidence l’existence de discriminations envers les groupes minorisés et racisés participant aux inégalités sociales de santé. Ces différences sont dues à des situations socio-professionnelles précaires, et à l’accès réduit aux services de soins de santé . De plus, la campagne de vaccination lèse les personnes ayant un faible niveau de littératie numérique, et/ou de français, ou étant trop éloignées des fournisseurs de soins de santé. Ce phénomène se reflète dans la situation du département de la Seine-Saint-Denis qui représente parfaitement la situation d’un désert médical, et pour lequel une surmortalité a été détectée.

b. Le poids des démarches et des statuts Au-delà du respect des limites de la loi, et du manque d’accessibilité, le personnel administratif peut se sentir investi d’une mission de renforcement des mesures mises en place, en bloquant ou en complexifiant les procédures existantes limitant ou retardant l'accès aux différents droits sociaux. Par ailleurs, l’obtention de la Complémentaire Santé Solidaire (CSS) ne garantit pas une facilitation de l’accès aux soins, ni un accès égalitaire et équitable. Lorsqu’un patient mentionne la prise en charge par la CSS, les médecins ont connaissance de la situation précaire de leur patientèle et, bien que la pratique soit illégale, refusent parfois de les prendre en charge, sous couvert de pression administrative de la part des caisses d’assurance maladie (en faisant appel à la justification du parcours de soins), du délai de remboursement, ou de la lourdeur du processus administratif. Être porteur de l'Aide Médicale d'État représente une source de potentielles discriminations (directes et indirectes) auxquelles sont régulièrement confrontées les personnes racisées ou minorisées sur-représentées dans les populations précaires. Des discriminations religieuses et/ou raciales directes sont également reportées par les patients, certains médecins ne s'encombrent pas de justification laborieuse et administrative pour justifier leur refus de prise en charge médicale. Recommandations: ● Adapter la distribution des professionnels et centres de la santé en fonction des besoins en prenant en compte les particularités territoriales. ● Renforcer les structures préexistantes dans lesdits déserts médicaux en termes de ressource humaine, financière et matérielle.

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● Mettre en place un système d’interprétation linguistique disponible systématiquement lors de consultations médicales à la demande de la patientèle ou du professionnel de la santé. c. Discriminations ethno-raciales: les croyances des praticiens Les préjugés peuvent s’observer à d’autres niveaux, parfois les patients bénéficiant d’une complémentaire santé solidaire sont refusés en consultation ou considérés non-prioritaires car perçus comme “assistés” ou “profiteurs” par les professionnels de la santé. D’autres fois, l’importance de leur symptôme ou le délai de leur prise en charge peuvent être influencés par les stéréotypes et caractériques pré-assignés aux patients (capacité d’observance thérapeutique, de compréhension des traitements, de la gravité de leurs symptômes ou de leur capacité à prendre soins d’eux mêmes...) et attribués en fonction de leur origines ethniques pré-supposées et/ou de leur hexis corporelles (manière de se mouvoir/porter) associé à à certains milieux socio-économiques. Selon la “Deuxième enquête de l'Union européenne sur les minorites et la discrimination”, la majorité des personnes racisées ou minorisées rapportent avoir été discriminées par le personnel de santé, en particulier les populations Roms. Parmi les discriminations mentionnées le plus fréquemment par les répondants dans le cadre de l’utilisation des services de santé (59%) figurent les discriminations liées à leur couleur de peau ou à leur apparence physique (en particulier les personnes d’origine Sub-Saharienne et Nord Africaine), la religion (en particulier, les femmes musulmanes voilées), le nom de famille (à consonance arabe, asiatique, sub-saharienne) ou encore l’accent. Les discriminations à l’accès aux soins de santé que subissent les communautés minorisées ou racisées sont multifactorielles et imputables aux comportements envers leurs ascendances ethniques réelle ou supposée, à un héritage historique de politiques publiques d’immigration et de ghettoïsation, aux préjugés et à une vision culturaliste des besoins médicaux. En outre, les problèmes de santé des groupes minorisés ou racisés sont souvent interprétés comme dus à des spécificités culturelles et inhérents à la nature des patients, cela empêche l’accès aux services appropriés et conduit une mauvaise orientation médicale des patients Les inégalités qui en découlent sont renforcées par la non prise en considération des déterminants sociaux de la santé (ressources financières, logement, situation géographique, éducation, consommation alimentaire) lors de l’anamnèse initiale. Les préjugés et les discriminations influencent la prise en charge médicale, le rapport au patient, l’interprétation des symptômes et

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l’accès aux soins de santé. Cela se répercute sur la santé des personnes et constitue une grave entrave aux droits du patient. d. Exemples de cas concrets Saturnisme: Le lieu de vie peut avoir un impact sur la santé d’une personne, le saturnisme, intoxication aiguë ou chronique par le plomb a mis en avant des inégalités sociales. Il a été d’abord considéré comme une spécificité culturelle n’affectant que les populations racisées et minorisées, d’Afrique sub-saharienne particulièrement, le logement et la situation géographique n’avaient pas été pris en compte et a conduit à l’interprétation d’un problème de santé lié à une intoxication par le prisme culturelle. Diabète: En voulant traiter le diabète de personnes immigrées, on incombe souvent la situation au mode de vie (mauvaise alimentation, manque d’activité physique), au culturel sans prendre en compte dans l’anamnèse la barrière financière et la situation socioéconomique du patient. Le changement d’alimentation n’est pas toujours possible si la personne n’a pas les ressources financières pour le faire, ne peut pas augmenter son activité physique si elle accumule des emplois ou que les structures sportives ne sont pas accessibles (prix, distance). Patients positifs au VIH en Guyane: En Guyane, il a été rapporté que certains professionnels de la santé ne prenaient pas le temps d’expliquer à des personnes vivant avec le VIH ce que l’infection était, et parfois ne prescrivent pas les traitements appropriés en supposant que les patients n’auraient pas une bonne observance ni une compréhension suffisante à cause de leur « appartenance ethno-raciale ». Santé maternelle: Les femmes perçues comme « africaines » (immigrées, femmes d’ascendance africaine et/ou femmes à peau noire) sont orientées plus souvent que les femmes blanches et autres groupes de femmes vers un protocole de césarienne. En cause, des stéréotypes racisants sur la taille de leurs bassins, qui seraient plus petits à cause de facteurs supposément ethniques ou génétiques. Or, si la plupart des études gynéco-obstétriques sur le sujet relèvent une taille de bassin qui peut effectivement être plus petite que la normale pour les femmes immigrées en France nées et/ou grandies en Afrique Subsaharienne, cela n’est pas le cas des autres femmes catégorisées « africaines » nées en France. En effet, la taille du bassin peut être influencée par différents facteurs physiologiques, environnementaux et/ou médicaux comme la puberté, la dénutrition, les maternités précoces, et la poliomyélite. Les amalgames racisants contribuent à une prise en charge inadaptée aux besoins de santé maternelle

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des femmes dites “africaines” ou d'origine africaine pour lesquelles le recours à la césarienne n’est pas justifié. Recommandations: ● Mettre en place des sessions d’encadrement favorisant la lutte contre les préjugés et les biais inconscients, tant au niveau institutionnel qu’individuel. ● Mettre en place des méthodes standardisées de triage des patients dans les hôpitaux. ● Faciliter l’accès aux soins de santé en réduisant les démarches administratives. ● Former le personnel aux déterminants sociaux de la santé. ● Améliorer les compétences interculturelles et sensibiliser à la diversité les professionnels de la santé et leurs personnels administratifs.

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PARTIE II - PRINCIPE DE QUALITÉ DES SOINS Auteures: Yasmine El Addouli*, Saara Bouhouche « Les discriminations auxquelles sont exposées les personnes perçues comme d’origine extra-européenne, au travers de ses saisines, sont confortées par les données officielles et la recherche : les différences de traitement fondées sur l’origine sont un phénomène de grande ampleur. Se déployant dans l’intégralité des sphères de la vie sociale, ces pratiques, parfois ouvertement discriminatoires, constituent pour les personnes immigrées, descendantes d’immigrés ou simplement perçues comme telles, une pression quotidienne aux effets durables et délétères sur les parcours de vie et les rapports sociaux d’une part importante de la population résidant en France. » (Le Défenseur des Droits, 2020) 1. RECHERCHE BIOMÉDICALE, ESSAIS CLINIQUES ET MANQUE D’INCLUSIVITÉ De façon générale, les personnes racisées et minorisées, dont les femmes sont sous-représentées dans la recherche biomédicale. Une grande majorité des échantillons (ensemble de participants à une étude clinique) ne sont toujours pas représentatifs de l’ensemble de la société. Cette situation entraîne des conséquences directes et indirectes sur la santé de la population puisque, jusqu’à aujourd’hui, un certain nombre de thérapeutiques et de dispositifs médicaux utilisés de façon standardisée ne sont pas adaptés à ces populations et impactent leurs prise en charge thérapeutique. Bien que la France soit très largement concernée par les discriminations intersectionnelles et les iniquités structurelles dans le domaine de la santé, notamment par le manque de représentativité des groupes racisés et minorisés dans la recherche biomédicale. La question des effets discriminatoires de la racialisation reste un sujet très peu abordé et documenté dans l’hexagone. Contrairement à d’autres pays comme les États-Unis ou la Grande Bretagne, le sujet est considéré comme tabou. C’est pourquoi, en plus des ressources, de documentations et de recherches françaises existantes, ce document est également illustré à l’aide de la littérature et de la recherche scientifique et empiriques étrangères. Cet exercice ouvre des pistes supplémentaires de réflexion et de compréhension des mécanismes de production d'iniquité en santé publique.

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Afin de remédier au manque de représentation de groupes racisés et minorisés dans la recherche biomédicale, de nombreux chercheurs, comme Steven Epstein, plaident en faveur d’un sur-échantillonnage des groupes racisés et des femmes. Les luttes et les mouvements sociaux pour la décolonisation, les droits civiques, la justice sociale et la lutte contre les discriminations ont poussé la recherche biomédicale à s’intéresser, à la fin des années 80 en Amérique du Nord et au début des années 90 en France, au manque de représentativité des femmes et des groupes racisés dans les essais cliniques. Pourtant, force est de constater que les besoins de transformations structurelles sont encore très importants. Aux États-Unis par exemple, The National Institutes of Health (NIH) a publié en 1993 un plaidoyer – The Revitalization Act - en faveur de l’inclusion des femmes et des minorités ethniques dans les essais cliniques. Il en fait même un critère de financement d’étude.5 Malgré cela, Risch., et al. démontrent dix ans plus tard, en 2002, que toute étude réalisée aux États-Unis par échantillon aléatoire obtient en moyenne une population d’étude encore à 75% caucasienne (comprendre ici blancs non-hispanique). De nombreuses autres recherches effectueront le même constat, ce qui conduira à la révision du NIH Revitalization Act en 2009 afin d’exiger que tous les essais cliniques rendent compte de l'appartenance ethnique des participants. Malgré cette décision, aujourd’hui encore, la littérature continue d’alerter sur le fait que la recherche médicale éprouve toujours des difficultés majeures à poursuivre les objectifs du NIH. Par ailleurs, une revue de littérature (Burchard et al., 2015) réalisée avec des articles de recherche en lien avec les maladies pulmonaires rédigée sur la période de 1993 à 2013, montre que la proportion de participants issue de “groupes ethniques”, dans les études non financées par le NIH, a augmenté de seulement 1,9% sur la période 20 ans. CAUSES ET CONSÉQUENCES Il est important de souligner que les groupes racisés et/ou minorisés, tels que les femmes, et à plus forte raison les femmes non-blanches, ont été écartés de la recherche biomédicale. Dans le cas précis des femmes, différents prétextes et stéréotypes ont été utilisés pour justifier l’exclusion de la population féminine des échantillons et des recherches. L’un des prétextes majeures à été (et continue encore d’être) l’argument biologique (fluctuation hormonale, ménopause, possibilité de grossesse lors de l’étude...) et les stéréotypes s’y afférant, puisque souvent considérées par les chercheurs comme des sujets moins “stables” que les hommes. 5

NIH Revitalization Act .Subtitle B:§131-133; 1993.

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La sous-représentation des personnes racisées et minorisées dans la recherche biomédicale relève d’un processus multi-causal qui doit être étudié de manière intersectionnelle et exhaustive, sous peine de passer à côté des facteurs fondamentaux et combinatoires de discriminations, d’inégalités et d'iniquité. Le racisme et les discours et discriminants sont prégnants dans la société française et se retrouvent dans toutes les sphères, à l’échelle structurelle, institutionnelle, collective et individuelle, de façon consciente et affirmée (politiques discriminatoires, discours et actes racistes et suprémacistes, sexistes, islamophobes, homophobes…) ou, plus couramment - et insidieusement, de façon inconsciente aux travers des comportements collectifs, pratiques individuelles et croyances populaires. Ces pratiques se nourrissent tout en reproduisant des schémas biaisés, stéréotypés et discriminants. Le système de santé dans sa globalité n’y échappe pas. Pourtant, l'existence de discriminations raciales et d'iniquité dans le secteur sanitaire est encore au stade réputationnel en France, quand le racisme systémique est passé au statut de cause avérée et cible d’actions aux Etats Unis ou en Grande Bretagne. En cause l’absence de compréhension du rôle des déterminants sociaux, des disparités socio-économiques, et du rôle de l’héritage colonial dans la société française et dans les pays d’origine d’une grande partie des groupes racisés, des mécanismes de production, de diffusion et d’établissement de normes sociales basées sur des systèmes de racialisation et de la racisation en France, et du rôle et de l’impact de la culture de la Blanchité sur la santé des groupes racisés et minorisés. Également, l’une des causes pouvant expliquer la sous-représentation de ces populations, relève de l’absence d’unanimité concernant l’utilisation de données ethno-raciales dans les essais cliniques biomédicaux au sein de la communauté scientifique. Une part seulement des chercheurs estiment que l’inclusion de données ethno-raciales contribuerait à réduire les iniquités en santé. D’autres estiment qu’il est plus important de mettre l’accent sur une prise en charge individualisée. Pourtant, les deux approches semblent essentielles pour une meilleure prise en charge, plus juste et plus adaptée aux besoins des groupes et individus. Selon les chercheurs partisans, l’inclusion de données ethno-raciales permettrait d’étudier, notamment, la vulnérabilité à certaines maladies d’individus partageant des caractéristiques ethniques ou géographiques communes en comparaison avec d’autres. En d’autres termes, l’utilisation de telles données pourrait faciliter l’identification de groupes plus vulnérables face à un risque de santé particulier et ainsi établir des mesures de protection adaptées.

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Par exemple, l’utilisation des données ethno-raciales en Amérique du Nord a permis de mieux appréhender les disparités qui existent dans les traitements proposés aux femmes ayant des fibromes utérins. Un article américain datant de 2010 (Jacoby et al.,) et un article canadien plus récent (Murji et al.,), démontre que les femmes noires et celles provenant d’Asie de l’Est seraient plus exposées au développement de fibromes utérins sévères et à des âges plus jeunes que la population féminine générale, en particulier les femmes blanches. L’ampleur et le risque de la maladie chez ces femmes nécessite une surveillance accrue comparativement aux autres groupes de femmes. En France, pourtant, contrairement aux États-Unis ou à la Grande-Bretagne la collecte de données ethno-raciales n’est pas d’usage, car elle contrevient à l'article 1er de la constitution qui stipule « l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion.» En conséquence, il existe une forte limitation juridique à l’utilisation de statistiques ethno-raciales. Comme mentionné dans la première partie de ce document, bien que certaines dérogations à des fins statistiques et de recherches soient possibles sous certaines conditions bien délimitées, ce contexte légal décourage fortement l'inclusion de ce type de données dans le domaine de la recherche médicale française.

2. EXACERBATION DES INIQUITÉS DANS LE CONTEXTE DE LA PANDÉMIE À LA COVID-19 Depuis le début de la pandémie, de nombreux pays utilisant des données ethno-raciales dans le cadre scientifique, ont permis de documenter les iniquités relatives à la Covid-19, qui a touché plus sévèrement les populations racisées, minorisées et les personnes migrantes, en particulier les femmes. La littérature scientifique disponible montre également que le fardeau de la maladie de la COVID-19 chez les travailleurs issus de ces groupes est bien plus important que celui des travailleurs blancs. Le rapport de recherche américain publié par le Urban Institute (2020) ainsi que l’article scientifique britannique du SN Comprehensive Clinical Medicine (2020) indiquent que ce phénomène s'explique notamment par la surreprésentation de travailleurs racisés et minorisés dans les métiers difficiles qui ont représenté les postes de première ligne, c’est à dire considérés comme essentiels pour le fonctionnement de la société, en dépit des mesures sanitaires restrictives (confinement total ou partiel). Or nombre de ces métiers de première cordée - aux contrats souvent précaires et exigeants (aides-soignant.e.s, infirmier.e.s, hôte.sse.s de caisse, personnel d’entretien et de ménage…), considérés comme étant les plus à risques d’exposition au virus, sont 19


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majoritairement occupé par des femmes. Cette surreprésentation des femmes et hommes non blancs sur ces postes semble avoir joué un rôle prépondérant sur l’ampleur des contaminations et à contribué à la sur-morbidité et sur-mortalité à la COVID-19 au sein des ces groupes de populations. En France, la crise sanitaire du COVID-19 a contribué à rouvrir le débat sur la nécessité d’inclusion de données ethno-raciales dans les recherches et d’une meilleure parité femmes/hommes dans les échantillons cliniques. Ceci permettrait de documenter l’influence de la COVID-19 sur la santé des populations dans leur diversité et de réduire les iniquités structurelles et comportementales dans les soins thérapeutiques proposés. En 2021, une tribune en faveur de l’utilisation de données ethniques dans l’hexagone a été publiée dans la Revue d’épidémiologie et de santé publique. Cet écrit appuie ses recommandations sur les disparités révélées par la pandémie. Malgré le peu de données disponibles en France, la documentation existante constate que la mortalité (toutes causes confondues) des personnes nées en France a augmenté de 22% entre Mars et Avril 2020 6 Sur cette même période, la mortalité chez les personnes nées à l’étranger a été largement plus importante. Elle a augmenté de 54% pour les individus nés en Afrique du Nord, de 91% pour ceux nés en Asie, et de 114% pour les personnes nées en Afrique sub-saharienne, soit cinq fois plus que la population générale.6 Plus d’un an après le début de la crise sanitaire, il est temps de dresser le bilan quant à la gestion de la pandémie faites par les autorités concernées. Le fardeau subi par les communautés racisées et minorisées, particulièrement les femmes non-blanches, est indéniablement questionnable et reprochable. Si les iniquités de santé avaient été, avant même la pandémie, mieux appréhendées et que les groupes vulnérables avaient été correctement identifiés, étudiés et protégés, il est fort probable que les risques de surexposition à la COVID-19 auxquels ils ont été exposés auraient pu être limités. Recommendations: La crise sanitaire étant toujours d’actualité, il est essentiel de documenter son influence sur les populations les plus vulnérables, notamment les populations racisées et minorisées, particulièrement les femmes, les personnes en situation de grande précarité, et les personnes migrantes. Cette documentation permettrait non seulement d’identifier l’ensemble des groupes vulnérables encore mal appréhendés, mais aussi d’interpeller les instances décisionnelles françaises avec des données scientifiques et 6

Rey G. (2021). Éditorial [Éditorial]. Revue d'épidémiologie et de santé publique, 69(2), 63–64. https://doi.org/10.1016/j.respe.2021.02.001

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empiriques fiables. Ces données sont essentielles pour informer les politiques publiques sanitaires et réduire les risques accrus de morbidité et de mortalité encourus par ces communautés. Sans compréhension des spécificités et des facteurs historiques, sociaux, économiques, géographiques, politiques, ethniques et culturels, et malgré les campagnes de vaccination en cours et les politiques sanitaires actuelles, ces groupes et sous-groupes vulnérables risquent de continuer d’être surexposés à la maladie du Covid-19 et d’être très sévèrement affectés à court, moyen et long terme. Ces populations, déjà beaucoup plus affectées que la moyenne nationale, risquent de souffrir des impacts de la pandémie sur plusieurs années, jusqu’à, au moins, la maîtrise totale de la crise sanitaire et socio-économique.

3. L’INADÉQUATION DE CERTAINES THÉRAPEUTIQUES ET TECHNOLOGIES ? L’EXEMPLE DE L’OXYMÈTRE L’oxymètre est un outil créé en 1972 pour quantifier le taux de saturation en oxygène des individus. Ce dispositif est utilisé quotidiennement dans les milieux des soins. Sa mesure correspond à une des constantes physiologiques ou “signes vitaux” surveillée en priorité et facilitant les diagnostics médicaux. Dès les années 90, des chercheurs ont commencé à démontrer que les oxymètres ne fonctionnaient pas correctement sur les personnes non-blanches. Aujourd’hui encore, la plupart de ces dispositifs n'estiment pas correctement la saturation en oxygène de cette population. Plus la peau est foncée, moins les valeurs sont fiables et ce notamment lorsque la saturation en oxygène se trouve en dessous de 80%. En effet, les oxymètres ont tendance à surévaluer les mesures chez les personnes noires et ce phénomène s'exacerbe lors d’hypoxie, ce qui peut mettre les patients en grave danger. Dans une étude américaine (Bickler et al, 2005.) concernant les biais de mesure et portant sur les effets de la pigmentation de la peau, les auteurs admettent que sur une période de 18 ans, la grande majorité des personnes sur lesquels les tests de calibrage et de tests d’exactitude d’oxymètres ont été réalisés sur des personnes blanches. Ils en déduisent également que cela à certainement été le cas pour la majorité des calibrage et tests de confirmation des oxymètres commercialisés aux États-Unis, les peaux blanches ayant été considérées comme norme par les chercheurs la couleur de la peau n’aurait généralement pas été considérée comme un facteur de biais dans la mesure. De plus, dans les trois types d'oxymètres testés dans cette étude (Nonin, Novametrix,

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Nellcor), les données confirment un biais important entre la pigmentation de la peau, avec un biais allant de 4 à 8% pour les sujets à peau foncée. La pandémie à la COVID-19, dont l’un des symptômes de gravité est l'hypoxie, a permis de concentrer l'attention sur le sujet. Sjoding et al. ont ainsi publié une étude en 2020 alertant des risque encourus par les personnes de couleur, lors de l’utilisation de ces dispositifs. Bien entendu, la surexposition des personnes racisées à la COVID-19 est multicausale. Cependant, il est urgent de nous questionner sur les biais provoqués par l’usage de dispositifs médicaux inadaptés et nous demander s’ils n’ont pas favorisé l’aggravation, potentiellement fatale, de la maladie au sein de ces groupes. Les oxymètres, qui tendent à masquer l’hypoxie chez les personnes noires, alors que cette dernière est un facteur d’aggravation de la COVID-19 en est un exemple flagrant.

4. RACISME, DISCRIMINATIONS ET STÉRÉOTYPES DANS LES PRATIQUES MÉDICALES ET LA PRISE EN CHARGE DES PATIENTS: LE SYNDROME MÉDITERRANÉEN Le syndrome méditerranéen est un ensemble de stéréotypes racistes utilisés par le personnel de santé dans le secteur médical et qui consiste à considérer que les personnes ayant des origines méditerranéennes ont tendance à exagérer leurs symptômes et leurs douleurs. Aujourd’hui, l’utilisation du syndrome méditerranéen s’est élargie pour également inclure les personnes provenant d’Afrique subsaharienne.7 Ce faux “syndrome” n’est en théorie pas officiellement enseigné (explicitement) dans les cursus médicaux et paramédicaux, mais est largement transmis sur le terrain lors des stages et des expériences professionnelles des personnels soignants. C’est en grande partie à travers la pratique dans le milieu professionnel que les travailleurs en santé assimilent ces représentations sociales et raciales/racistes. Les représentations sociales peuvent-être définies comme «une forme de connaissance, socialement élaborée et partagée, ayant une visée pratique et concourant à la construction d’une réalité commune à un ensemble social.» (Jodelet, D. 1989).30 Les professionnels de santé partagent des valeurs communes inhérentes au soin, des croyances plus ou moins fondées, ainsi que leurs propres projections mentales dans 7

Vega, A. (2012). “Soignants, soignés: Pour une approche anthropologique des soins infirmiers.” De Boeck.

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leur pratique professionnelle. La négligence de la douleur des personnes non-blanches au nom de stéréotypes culturels racistes, fait partie de la projection de ces croyances et peuvent potentiellement provoquer de graves risques de santé pour les patients concernés. La genèse du syndrome méditérranéen remonte à la médecine coloniale française et s’étend jusqu'aux migrations nord-africaine et sub-saharienne des années 1970. La médecine et la psychiatrie française n’ayant pas les compétences et les outils pour traiter des patients migrants se plaignant de maux « inconnus » les praticiens de la santé ont commencé à parler de « coulchite » (mal partout) ou de « syndrome Nord-africain.»8 Le fait de nommer négativement et de stéréotyper de façon humiliante, déshumanisante et discriminatoire des douleurs incomprises en usant abusivement d’un champs lexical médical (syndrome) a été un moyen de transférer la responsabilité de l'incapacité des soignants à soigner leur patients vers les patients eux mêmes et ainsi « contourner l’incompréhension voire le malaise des professionnels de santé. » (S, Savas. 2009.). Aujourd'hui, bien que le terme soit devenu désuet, l’usage du syndrome méditerranéen comme référence théorique et pratique - consciente et inconsciente - est encore très largement d'actualité dans les milieux professionnels du soin. Bien qu’il n’y ait pas de chiffres officiels sur le nombre de soignants familiers avec le syndrome méditerranéen, les pratiques racistes et discriminatoires liées à l’usage de cet ensemble de stéréotypes restent diffusées et ancrées dans les pratiques du secteur médical, en milieu hospitalier ou en ville. Dans le cadre d’une thèse réalisée en 2020 dans les services d’urgence de la région de l’Alsace, 69 médecins ont été questionnés sur le syndrome méditerranéen. 88,4% d’entre eux ont déclaré être familier avec ce terme et son concept et 75,4% d'entre eux ont déjà été témoins de son utilisation par un pair, pour désigner un patient. Une ONG a, par ailleurs, réalisé une étude pour mesurer l’ampleur des discriminations dans le système sanitaire : 28% des répondants ont dit avoir déjà reçu des commentaires racistes ou sexistes lors de soins médicaux. Bien que les résultats de cette étude soient à prendre avec précaution, l’échantillon n'étant pas assez représentatif de la population française dans son ensemble, elle permet tout de même d’approcher l’existence d’un ensemble de comportements, de préjugés et de stéréotypes raciaux et racistes dans le système médical, qui peuvent influer,

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F. Fanon. (2001). “Le « Syndrome Nord-Africain » “ Pour la Révolution Africaine, Écrits politiques, Paris, La Découverte.

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directement et indirectement, la prise en charge et la santé des personnes racisées et minorisées en France. Cette fausse croyance est loin d’être anodine et peut conduire à des conséquences dramatiques comme ce fut le cas en 2017. Naomi Musenga, une jeune femme Strasbourgeois noire est décédée après avoir appelé le Samu du Bas Rhin pour des douleurs abdominales aigües. Les opératrices téléphoniques du SAMU n’ont pas écouté son appel à détresse, se sont ouvertement moquées d’elles, et lui ont raccroché au nez. Quelques heures plus tard, la jeune femme est décédée par manque de prise en charge. La mort de Naomi Musenga a stupéfié la France. De nombreuses organisations, médecins et médias ont dénoncé le rôle du syndrome méditerranéen dans l’affaire de Naomi Musenga. A l’ère des réseaux sociaux, une véritable mobilisation digitale des personnes concernées s’est développée ces dernières années afin de se saisir de ces sujets, de porter la voix et les expériences individuelles et collectives des femmes et des hommes minorisés et racisés et de lutter contre les discriminations et les biais cognitifs. La littérature scientifique, quant à elle, a un retard excessif à rattraper dans ce domaine et reste encore largement sous-développée.

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PARTIE III - APPROCHE ANTI-RACISTE ET INTERSECTIONELLE: RECOMMENDATIONS POUR UNE MEILLEURE EQUITÉ ET INCLUSION DANS LE SYSTÈME DE SANTÉ FRANÇAIS Auteures: Saara Bouhouche*, Yasmine El Addouli, Sherihane Bensemmane La lutte contre le racisme et les discriminations subies par les personnes racisées et minorisées dans la santé est une lutte de très longue haleine qui nécessite un engagement fort et un investissement important de l’Etat et de toutes ses institutions. La réponse aux pratiques racistes et discriminatoires telles que le recours au syndrome méditerranéen exige des stratégies multiples et complémentaires. Nous appelons à la réalisation d’une étude à l’échelle nationale sur le racisme institutionnel et les discriminations intersectionnelles dans le système de soins de santé, afin : ● de mesurer l’ampleur du phénomène en France métropolitaine et dans les Outre-mer ● d’alerter les instances gouvernementales et l’opinion publique ● et de faciliter l’élaboration de politiques publiques adéquates fondées sur des données fiables et mesurées. Parallèlement, nous recommandons un certain nombre d’actions à mettre en place afin de réduire, voir d’éliminer, les causes et les effets du racisme et des discriminations: 1. Investir et renforcer les ressources humaines, financières, matérielles des institutions sanitaires et sociales. 2. Simplifier les démarches administratives et procédures d’obtention d’une couverture de soins de santé. 3. Mettre en place un système d’interprétation linguistique disponible systématiquement lors de consultations médicales à la demande de la patientèle et/ou du professionnel de la santé. 4. Créer et intégrer des modules d’enseignements obligatoires pour les étudiants et les professionnels de la santé sur la déconstruction de préjugés raciaux et de genre dans la prise en charge des patients, sur les compétences interculturelles, et sur les déterminants sociaux de la santé. 5. Développer et mettre en œuvre des campagnes de sensibilisation et de responsabilisation des praticiens sur les pratiques racistes et discriminatoires, notamment celles liées à l’usage du Syndrome Méditerranéen. 25


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6. Renforcer l'application de la loi sur les pratiques discriminatoires et condamner légalement les pratiques liées à l'usage du Syndrome Méditerannéen 7. Établir une structure hiérarchique de responsabilité morale et légale, au sein des structures hospitalières ou en médecine de ville, sur les questions de racisme et de discriminations. En informer et sensibiliser le public et les usagers. 8. Développer des outils et indicateurs de surveillance et d’évaluation de l’amélioration de l'accès et de la qualité de soins de santé des personnes racisées et minorisées en France. 9. Créer une plateforme indépendante de lutte contre le racisme et les pratiques discriminatoires dans le secteur sanitaire qui recense les cas de racisme et de discriminations à l'échelle nationale, traite les plaintes reçues et publie des rapports réguliers sur l'état des inégalités de santé en France. 10. Mettre en place des politiques publiques actives de diversification et d’inclusion des personnes minorisées et racisées dans les instances stratégiques et décisionnelles de l’Administration Sanitaire et Sociale 11. Mettre en place des politiques publiques active pour la facilitation d'accès et le soutien (logistique, financier, administratif...) à la poursuite de hautes études de médecine et aux formations professionnelles ET facilitation d'accès aux opportunités professionnelles pour les personnes racisées et/ou minorisées, en particulier les femmes (programmes de mentoring, formations en leadership, création de systèmes de réseautage…). 12. Améliorer et adapter la distribution des professionnels et centres de la santé dans le pays en fonction des besoins et des particularités territoriales.

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GLOSSAIRE Égalité: Principe qui prévoit que tous les humains dans une société donnée sont traités de manière égale en droit, et que les droits (civiques, de liberté d’expression, d’accès aux services et biens sociaux…) et les opportunités sont les mêmes pour tous sans distinction. Équité: L'équité est basée sur le concept de justice distributive et reconnaît que différentes personnes ou groupes nécessitent différents soutiens pour atteindre des résultats similaires aux autres personnes ou groupes. L'équité reconnaît les obstacles propres à certains individus ou groupes qu’ils soient physiques, sociaux, économiques, politiques et/ou historiques (exemples: race, genre, situation socio-économique, religion, localisation géographique, handicap, etc.) et leur fournit les ressources, les moyens et les opportunités nécessaires pour permettre à ces individus ou groupes de réussir. Équité en Santé: “Absence de différences systémiques et potentiellement remédiables, dans un ou plusieurs aspects de la santé - parmi la population - qui sont définis socialement, économiquement, démographiquement ou géographiquement.” (Organisation Mondiale de la Santé) Déterminants Sociaux de la Santé: “Circonstances dans lesquelles les individus naissent, grandissent, vivent, travaillent et vieillissent ainsi que les systèmes mis en place pour faire face à la maladie. Ces circonstances qui reflètent des choix politiques, dépendent de la répartition du pouvoir, de l’argent et des ressources à tous les niveaux, mondial, national et local.” (Organisation Mondiale de la Santé) Groupe Minorisé: Un groupe minorisé est un groupe d'individus qui, en raison de leurs caractéristiques et croyances (physiques, culturelles, politiques, religieuses...), n'ont pas le même accès au pouvoir, à la richesse, aux ressources et aux services en comparaison avec le(s) groupe(s) dominant(s). Un groupe minorisé est un groupe de personnes “distinguées des autres dans la société dans laquelle elles vivent, par un traitement différentiel et inégal, et qui par conséquent se considèrent comme objets d'une discrimination collective”9 sur la base de caractéristiques telles que la race, l'ethnicité, le sexe , le genre, la religion, ou d’autres critères. Un groupe minorisé n’est pas nécessairement défini par son nombre dans une société.

Wirth Louis (1945), “The Problem of Minority Groups”, in Linton Ralph, The Science of Man in the World Crisis, p. 347. 9

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Intersectionnalité: Concept sociologique et cadre analytique utilisé pour analyser les interdépendances entre les différentes formes d’oppression et de discriminations qu’une même personne peut subir simultanément dans une société donnée, au regard de catégorisations et d’identités sociales (‘race’, genre, statut socio-économique, handicap, religion, etc.). Le concept à été inventé en 1989 par Kimberlé W. Crenshaw, une militante américaine pour les droits civiques et juriste. Groupes Racisés: Bien que les “races humaines” comme catégorie biologique et essentialiste n’existent pas, la ‘race’ comme catégorie socialement construite est, elle, une réalité et le fruit du processus de racialisation. Les groupes racisés sont des groupes d’individus dans une société donnée qui sont affectés par le processus de racisation et subissent differentes formes d’oppression, de discrimination et de domination. Racialisation: Processus à la fois social et politique de catégorisation des individus et groupes d’individus selon des caractéristiques supposées naturelles ou inhérentes, tout en leur attribuant une position et un rôle spécifique au sein d’une société. La sociologue française, Sarah Mazouz, décrit le concept de racialisation comme la notion “utilisée par les chercheurs et chercheuses en sciences sociales pour mettre en lumière les logiques de production des hiérarchies raciales dans telle ou telle société donnée" 10 Racisation: Notion développée par la sociologue française Colette Guillaumin qui analyse le processus de domination d'un groupe par rapport à un ou plusieurs autres sur la base de caractéristiques 'raciales' leur permettant de maintenir une position dominante et des privilèges sociaux, politiques et économiques. Le concept de racisation apporte un cadre d’analyse sociologique pour comprendre comment les mécanismes sociétaux assignent certains groupes d'individus dans des positions d’infériorité sociales, économiques et politiques et produisent de la marginalisation et de l'exclusion sociale.

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Sarah Mazouz, 2020, “Race”, Edition Anamosa; p. 48

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WOMEN OF COLOR ADVANCING PEACE, SECURITY, AND CONFLICT TRANSFORMATION L'INITIATIVE RACE ACROSS THE POND

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