Le Dire Et L Ecrire - 233

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Année 11 - n° 233

13 décembre 2018

www.ledireetlecrire.com

Deux écrivains prennent la parole Edouard Louis « Chaque personne qui insultait un gilet jaune insultait mon père » Dans « les Inrockuptibles » du 4 décembre 2018

Annie Ernaux « Il n’y a pas de nouveau monde, ça n’existe pas » Dans « Libération » du 9 décembre 2018

Michèle Cléach à propos de « Qui a tué mon père » d’Edouard Louis


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Les « Bouillons » d’Angers

En préparation

Colloque International à Montréal 20 - 22 mai 2020 à l’UQAM

 Le 17 janvier 2019

L’agenda Tous les événements

Carte blanche

Erri De Luca Le 16/12/2018 à Paris

Les histoires de vie dans la modernité tardive : au carrefour de la recherche, de la formation et de l'intervention Un groupe de praticien.ne.s québécois.e.s des histoires de vie / récits de vie (HV/RV), des chercheur.e.s, des formateur.trice.s et des intervenant.e.s, souhaite organiser un colloque international sur ces pratiques au printemps 2020, avec la collaboration de partenaires d’Europe et d’Amérique. Premiers documents


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Les livres

Beautiful America Des photos en noir et blanc de Jerry Berndt dans un beau livre (textes en anglais) Jerry Berndt a documenté l’Amérique de 1968 à 1980. Personnellement engagé dans les manifestations anti guerre du Vietnam, son travail alterne le photojournalisme documentaire et la street photography qui montre le visage d’une Amérique sociale en évolution.

Les revues

Le diariste est dans l’escalier De Jean Desmier

Jean Desmier est un peintre-dessinant. Comme un peintre, il travaille l’espace, la lumière, la matière, la composition. Les noirs, les blancs, le papier sont ses matériaux. Il ne représente pas, il extrait et le dessin se fait corps. La bataille qui se livre donne naissance à une œuvre singulière, ‘inclassable’ : c’est ainsi qu’était qualifié son travail dès ses premières expositions. Ne pas faire le dessin, le laisser advenir… Se retirer pour approcher un peu plus le cœur de cette question : celle de la nécessité du langage qui maintient le lien à soi et au monde.…

Parfum d’Irak BD de Feurat Alani. Illustrations de Léonard Cohen

Roman graphique d'un genre singulier, Parfum d'Irak est constitué des 1000 tweets que Feurat Alani a postés sur Twitter durant l'été 2016, poussé par la nécessité de raconter "son Irak". L’auteur nous livre ses souvenirs avec émotion, depuis son premier séjour en Irak à l'âge de 9 ans jusqu'à sa décision de devenir journaliste pour couvrir la guerre sur place. Ce témoignage puissant et unique, illustré par les magnifiques dessins de Léonard Cohen, offre un autre regard sur un pays trop souvent résumé par les images qu’en renvoient les médias.... Notes

Les 100 livres de l'année / Une longue interview de Philippe Lançon, auteur du livre "Le lambeau" / Un article sur "Le livre numérisue Une révolution tranquille"

⧫de L’Orient Littéraire ⧫sur le site A voir A lire


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Les livres

Notes de lecture Là où les chiens aboient par la queue d’Estelle-Sarah Bulle Une note de Pierre Ahnne

Là où les chiens aboient par la queue d’Estelle-Sarah Bulle

Dans la famille Ezechiel, c’est Antoine qui mène le jeu. Avec son « nom de savane », choisi pour embrouiller les mauvais esprits, ses croyances baroques et son sens de l’indépendance, elle est la plus indomptable de la fratrie. Ni Lucinde ni Petit-Frère ne sont jamais parvenus à lui tenir tête. Mais sa mémoire est comme une mine d’or. En jaillissent mille souvenirspépites que la nièce, une jeune femme née en banlieue parisienne et tiraillée par son identité métisse, recueille avidement. Au fil des conversations, Antoine fait revivre pour elle l’histoire familiale qui épouse celle de la Guadeloupe depuis la fin des années 40 : l’enfance au fin fond de la campagne, les splendeurs et les taudis de Pointe-à-Pitre, le commerce en mer des Caraïbes, l’inéluctable exil vers la métropole…

Là où les chiens aboient par la queue, c’est-à-dire où ? Eh bien… la seule expression française qui me vienne comme équivalent de cette formule traduite du créole, évoquant le fondement des hommes plutôt que celui des canidés, est trop grossière pour les pages de ce blog. Dans le roman d’Estelle-Sarah Bulle, il s’agit d’un bourg guadeloupéen au nom autrement enchanteur : Morne-Galant. Mais « Morne-Galant », dit un des personnages, « n’est nulle part, autant dire une matrice dont je me suis sortie comme le veau s’extirpe de sa mère : pattes en avant ».

qui nous mènera à Pointe-àPitre, puis à Paris, ce déplacement dans l’espace accompagnant un cheminement à travers l’histoire de la Guadeloupe contemporaine, des années 1950 à nos jours. Ça débute à l’époque où « le commerce des containers gav[e] les habitants d’une identité nouvelle », et où « le roi béton commenc[e] à s’installer », tandis que reculent les cultures et les modes de vie traditionnels…. [La note de Pierre Ahnne]

« Nom de brousse » Voilà le point de départ d’un récit

Des livres à offrir pour Noël : les recommandations de Michèle Cléach (propositions sur la site « L’Inventoire »)


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Articles Le site « autobiosphere » publie des interventions le la matinée organisée autour du « Journal de Joanne & Simone de Beauvoir » (Séminaire « Autobiographie et Correspondances » du 24 novembre 2018) Le journal de Blossom, intervention de Claudine Krishnan (membre de l’APA) D’abord un mot d’explication : on a annoncé une matinée sur le journal de Joanne, pseudonyme qu’a choisi Blossom à la suite du pseudonyme Joan que lui attribue Simone de Beauvoir dans La Force des choses. Or Blossom a décidé récemment d’abandonner ce pseudonyme et préfère que désormais soient utilisés ses véritables prénoms et noms : Blossom Margaret (second prénom) Douthat (le nom de son père) Segaloff (le nom de son mari). Pour celles et ceux qui n’ont pas lu le dernier numéro de La Faute à Rousseau ni la présentation du journal qui précède les échos de lecture disponibles sur le site de l’APA (Association pour l’autobiographie et le Patrimoine Autobiographique) ou dans le Gardemémoire, rappelons brièvement comment ce journal est arrivé à l’APA. Il y a trois ans, Sylvie Le Bon de Beauvoir a contacté Philippe Lejeune pour faire don à l’APA d’un volumineux journal personnel qui se trouvait dans les archives de Simone de Beauvoir ; elle l’avait conservé et lu, en avait perçu tout l’intérêt, et nous la remercions d’avoir pensé à l’APA pour l’y déposer. Le groupe de lecture APA de Paris a décidé de lire ce journal (18 volumes, 20 classeurs, environ 8000 pages) et huit longues lettres qui se trouvaient dans l’un des classeurs, lettres … La suite

Un « amour-idolâtrie » Lettres de Joanne à Simone de Beauvoir, intervention de Marine Rouch (doctorante) C’est en tant que correspondante de Simone de Beauvoir que je souhaite aborder Blossom. D’abord il faut noter que Blossom est bien loin d’avoir été la seule à écrire à Simone de Beauvoir… Le fonds des lettres reçues de lecteurs, conservé à la BnF depuis 1995, contient environ 20 000 lettres, écrites par des hommes et des femmes, surtout par des femmes, qui ont lu et aimé l’œuvre de Beauvoir depuis années les 1940 jusqu’à sa mort en 1986. Simone de Beauvoir répondait à son public, et des correspondances suivies se mettaient en place, parfois ponctuées de rencontres. Blossom fait partie de celles qui ont eu la chance d’entretenir une riche et longue correspondance avec Simone de Beauvoir, et de la rencontrer lors de son séjour de plusieurs mois en France en 1958. Blossom a une aisance d’écriture exceptionnelle. Chaque jour, et même chaque nuit, elle écrit son journal. Mais elle écrit aussi des lettres à ses amis, à sa mère et puis à partir de 1958, à Simone de Beauvoir. Ces écrits permettent une traversée du siècle : en effet, Blossom est un témoin privilégié du rayonnement des intellectuel.les d’après-guerre puisqu’elle sera une disciple existentialiste fidèle, témoin aussi de la guerre froide et de la menace d’une guerre … La suite

L’intervention de Philippe Lejeune a déjà été mentionnée dans la Lettre n° 232


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Entretiens Avec Alain Cavalier http://journals.openedition.org/entrelacs/2891) Dans ses Six Portraits XL qui sortent en salles à l’automne, Alain Cavalier renoue avec le geste documentaire. Comme dans les portraits de femmes réalisés pour la télévision en 1987 et 1991, il retrouve ici son appétit à filmer le travail (la nouvelle série compte un boulanger, un cordonnier, un acteur et un journaliste). Mais le dispositif est tout autre. Alors que les courts opus de la série précédente étaient tournés en une seule journée, cette fois les films font aussi état du travail du temps. C'est en revisitant ce qu'il aime appeler ses « tendres stocks1 », soit les milliers d'heures de son journal filmé, que le filmeur a ressuscité ces portraits au long cours, dont certains se dessinent, touche après touche, sur des dizaines d'années. Par sa fidélité aux personnes qu'il filme, Alain Cavalier est passé maître dans l'art de saisir l'émotion de l'instant mais aussi celle du temps qui passe. Au fil des années, son journal dépasse alors le projet autobiographique dans son aspect intime pour décrire aussi et surtout les autres, amis de toujours ou rencontres passagères. Le film qui marquait les premiers pas d’Alain Cavalier dans l’écriture autobiographique ne s’appelait-il pas La Rencontre ? Visites et rencontres rythment la vie et donc le journal du filmeur, l’activité de portraitiste devenant un geste régulier, familier qui dessine un autre territoire de l’intime : la fraternité ... [L’intégralité sur le site d’Entrelacs]

Le filmeur Alain Cavalier dresse le portrait intime d’hommes et de femmes dans la force de leur quotidien (en salle à partir du 17 octobre 2018). Portrait n°1 : Jacquotte va chaque été dans la maison de ses parents, morts depuis longtemps. Depuis leur décès, la décoration n'a pas été changée. Un jour, il faudra se résoudre cette maison où elle a tous ses souvenirs. Portrait n°2 : Daniel a plein de tocs : il lave ses mains plusieurs fois pour qu'elles soient bien propres et ne part pas de son appartement avant d'avoir vérifier à de nombreuse reprises si les portes et les robinets étaient fermés. Celui qui fut cinéaste ne veut pas parler de son passé... Portrait n°3 : Guillaume : Quatre heures du matin, Guillaume arrive le premier au travail avant son équipe. À la fin de la journée, il aura vendu tous ses gâteaux et tout son pain, tellement c’est bon. Le soir, avec sa femme Jasmine, ils rêvent d’acheter une boulangerie pâtisserie plus vaste et mieux placée. Portrait n°4 : Philippe va interviewer à la suite une actrice, un Académicien, un boxeur, un comédien. Le marathon va être costaud donc il prend des cachets pour se calmer. Portrait n°5 : sur les planches d’un petit théâtre de Beauvais, Bernard, comédien, joue pour la première fois une pièce écrite par lui et dont il est le seul acteur. Il émeut les spectateurs mais il ne peut imaginer encore vers quoi le mènera cette représentation... Portrait n°6 : Léon : Ce matin, Léon le cordonnier affiche une pancarte dans sa boutique qu’il tient depuis 46 ans : FERMETURE DÈFINITIVE DANS DEUX MOIS. Panique des habitants du quartier qui adorent cet Arménien au cœur superbe, au visage étonnant. Est-il possible de prolonger encore sa présence ?


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Entretiens « Écrire, c’est faire la guerre au monde. » Nicolas Mathieu interviewé par Georgia Makhlouf, pour la revue littéraire « L’Orient littéraire » - n° 150 de décembre 2018

Né en 1978 près d’Epinal, dans un quartier pavillonnaire et populaire, d’un père électro-mécanicien et d’une mère comptable, Mathieu ancre ses romans dans cet est désindustrialisé où les hauts-fourneaux se sont éteints, où la gangrène du chômage menace et où l’avenir ne ressemble à rien, à rien de radieux en tout cas. On y survit de petits boulots et d’aides sociales, l’alcool y fait parfois des ravages, mais il y a quand même, ici comme partout ailleurs, l’envie d’aimer, l’énergie de désirer et la rage de vivre mieux. Surtout quand on est adolescent et qu’on commence sa vie dans un monde qui finit. Roman réaliste écrit d’une plume à la fois précise et ample, Leurs enfants après eux raconte quatre étés dans la vie de ses héros, quatre tranches de vie situées entre 1992 et 1998. Il fait donc aussi le portrait de ces années 90, bornées par la chute du mur de Berlin et celle des tours de Manhattan, années charnière entre un monde qui s’achève et un autre qui peine encore à se dessiner. Entretien avec un écrivain heureux mais qui n’a pas encore tout à fait pris la mesure de ce qui lui arrive, ni de tout ce qui va changer pour lui avec ce prix Goncourt. Le titre semble ancrer l’ouvrage dans une thématique de la transmission, puis on lit l’exergue et on comprend que ce n’est pas de cela qu’il s’agit, que ce serait même l’inverse, qu’il s’agit d’arracher à l’oubli ceux dont on n’a plus de souvenir. Quand on se lance dans l’écriture, on se donne un cap et des modèles. Pour moi, ça a été Louons maintenant les grands hommes de James Agee, un livre d’anthropologie qui prend pour objet les métayers pauvres dans le sud des États-Unis au mo-

ment de la grande dépression. C’est à la fois un ouvrage superbement documenté et un poème épique, qui raconte des vies minuscules. Les quatre lignes tirées du « Siracide » (un des livres de l’Ancien Testament) que je cite en exergue et qui font écho à la démarche de Agee, ont été ma boussole. L’idée de fatalité qu’elles contiennent, mais aussi de destin social et d’éternel recommencement, m’a beaucoup accompagné. J’ai voulu moi aussi fixer ces vies qu’on dit petites au regard de l’histoire, en tentant de leur donner une dimension quasi mythique. Ce sont à la fois des vies de rien et des « statues » qu’on regarde en levant la tête… L’intégralité de l’interview

La fiche du livre

Nicolas Mathieu, l’heureux lauréat du Goncourt 2018 pour son second roman « Leurs enfants après eux », n’est pas tout à fait un inconnu puisque son précédent ouvrage, un polar intitulé « Aux animaux la guerre » avait déjà été très remarqué et adapté pour la télévision par Alain Tasma.


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Des blogs Des sites

Nous reproduisons parfois partiellement ou en totalité des articles parus initialement sur d’autres sites ou blogs. Nous avons initié leur présentation, à partir du numéro 231 de notre « newsletter ».

Le blog de Pierre Ahnne

Présentation extraite du blog : Pierre Ahnne est né à Strasbourg. Il a enseigné dans l’est de la France et au Lycée français de Moscou. Depuis 1984 il vit à Paris et travaille dans un lycée de la proche banlieue. Il a d’abord été tenté par le théâtre (Bouvard et Pécuchet, d’après Flaubert, en collaboration avec Marion Hérold, monté en 1991, Conte du fond des forêts, mis en espace par Philippe Honoré en 1995). Puis il a publié plusieurs romans : Comment briser le cœur de sa mère (Fayard, 1997), Je suis un méchant homme (Stock, 1999), Libérez-moi du paradis (Le Serpent à plumes, 2002), Couple avec pistolet dans un paysage d’hiver (Denoël, 2005), Dernier Amour avant liquidation (Denoël, 2009), J'ai des blancs (Les Impressions nouvelles, 2015). Ces livres mettent en scène des

personnages auxquels leur engluement dans l’imaginaire rend la vie compliquée. Ils retravaillent parfois aussi les souvenirs de l’enfance et de l’adolescence. De courts récits dans le même ton sont aussi parus dans des revues (Passage d’encres, Bottom, Saisons d’Alsace…). L’un d’eux, Mon père et son singe, constitue le texte d’un livre objet réalisé par le plasticien Marc Vernier (Les Livres Objets du Farfadet, 2002). Ce blog a été créé en 2011. Il s'appelait alors La petite revue littéraire d'Ahnne et Pétel et était rédigé en commun par Pierre Ahnne et Gilles Pétel. Ce dernier s'étant retiré au bout d'un an, l'autre a continué seul ce qui était devenu Le blog littéraire de Pierre Ahnne. L'adresse restait la même et les textes de Gilles Pétel demeuraient en ligne. Overblog, qui l'hébergeait, ayant mis au point une nouvelle "version" qui ne semblait pas devoir lui convenir, Ahnne a transféré son blog à l'adresse actuelle, et lui a donné le nom qu'il porte à présent. On y retrouve tous ses textes du Blog littéraire de Pierre Ahnne. Dans les plus anciens, la présence d'un nous est quelquefois la trace des origines qui viennent d'être expliquées. On y trouvera aussi tous les nouveaux articles écrits et mis en ligne depuis la migration.

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