Le Dire Et L Ecrire 300

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13è année - n° 300

25 avril 2020

www.ledireetlecrire.com Le temps du confinement, la périodicité de la LETTRE est modifiée. Sa parution est fonction de l’actualité.

COVID-19

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Des formations à distance des propositions d’Aleph-Écriture Depuis le 3 avril, nos ateliers à distance sont passés en vitesse de croisière (presque !). Derrière les écrans, le désir d'écrire, la compétence, la convivialité et la bienveillance sont là, ouvrant une brèche. Tout ce qui se passe en ce moment est nouveau. Cela nous a donné envie d'expérimenter plus avant, de diversifier les contenus, les dispositifs, les durées pour mieux s'ajuster au temps, aux besoins. Résultat ? Notre chapitre nouveautés. Vous écrivez déjà ? Pas encore ? Dans L'écriture buissonnière, un animateur vous embarque pour une découverte de l'écriture à sa guise. Vous avez envie de découvrir l'écriture sous une autre face ? Sortir du silo, faire ensemble ? Deux stages pour nourrir ce sujet très contemporain : Écrire à plusieurs voix et Écrire à plusieurs mains. Le collectif d'écriture : un générateur d'énergie, un multiplicateur d'imaginaire, qui arrive à point nommé. La poésie est une île ? Non, un archipel ! Trois animatrices vous servent de guide pour arpenter des Poésies du quotidien. Quant aux offres déjà inscrites au programme, elles démarrent sur notre plateforme Teams. Vous savez tout. Alors, au programme, on pousse la porte, on explore... et on écrit ? Le programme


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COVID-19

A partir du 11 mai, nos librairies devraient ouvrir leurs portes. Mais comment ?

« Comme l’alerte le SNL [Syndicat de la Librairie française], il faut éviter un mur d’endettement à la sortie de la crise, empêcher que la reprise soit le moment où on s’écroule sous les frais. C’est là qu’il faudra pouvoir aider massivement, à la réouverture des librairies - les plus fragiles étant celles dites de « niveau 2 », de cœur de ville moyenne, créées depuis moins de 5 ans et n’ayant pas fini de rembourser les dettes de création ou de reprise. Ce sauvetage est capital pour la diversité éditoriale. »

Un entretien avec le président du CNL dans Marianne

Précisons d’abord que les librairies auraient, d’après le président du Syndicat de la Librairie Française, et malgré les aides gouvernementales, perdu plus de 10 millions d’euros de chiffre d’affaires. Rappelons que les 12 000 salariés des librairies sont au chômage partiel et qu’en un mois, les ventes de livres (y compris par internet) ont chuté de 66% par rapport à l’année 2019. Certes certaines librairies ont essayé de limiter les dégâts en vendant en ligne, puis en livrant à domicile ou en organisant la livraison en boutique. Mais ce n’est qu’une goutte d’eau. Lors de la réouverture, conformément aux « gestes barrière », les clients ne devraient pas y être trop nombreux, y flâner, y discuter avec le(s) vendeur(s) ou les autres clients pour échanger quelques conseils ou informations. Un achat en silence et à l’isolement, et peut-être … masqué. Il y a quasiment là une contradiction avec la fonction réelle d’une librairie, lieu d’achat certes, mais aussi de convivialité ! Mais réouvrir devient crucial pour les librairies et toute la chaîne du livre. Des discussions entre les différents secteurs existent déjà pour trouver un nouveau fonctionnement: pour les éditeurs, limiter le nombre de nouveaux livres de la rentrée littéraire ; pour les libraires, ne pas retourner en masse les invendus dès la réouverture des librairies. Dans tous les cas les pertes en CA des librairies et des éditeurs devraient être de l’ordre de 25 à 30% en 2020 par rapport à 2019. Les lecteurs sont aussi un élément de la reprise. Allons-nous nous précipiter chez notre libraire ? Ou au contraire faute de temps, mais aussi par peur de la contamination, allons-nous continuer à les ignorer ?


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La minute poétique Des poèmes de Catherine Malard

Peut-être Vrai Vous allez sortir Peut-être Pas sûr Sans doute Souhaité Peut-être Verrez bien Ça dépend Retour à la normale C’est viral Ce n’est plus normal Retour de manivelle Peut-être Que désirez-vous Même chose que vous Aller au théâtre Guichets fermés Un resto Trop enfourné Retourner à l’école Temps fractionné Faut partager Alors un ciné Ecran gelé J’aimerais tant Oui j’hésite

25/04/2020

To go to England May be may be To see Big Ben really E in Italia Pericoloso sporgersi Forse forse Bella ciao bella ciao Y en España A tomar una copa Quizás quizás quizás Und in Deutschland Sie sind schon raus Toujours en avance Ça c’est rosse Comme en Sud-Corée Suis écœurée Vous avez quel âge Je ne sais plus Une âme d’enfant Mais c’est charmant Ça dépend Vous sortirez Peut-être Savez je me tâte J’ai le droit Si vous le dîtes

Pas vous Je n’sais pas Puisque j’vous le dis La loi l’interdit Dansez devant moi A distance please Tournez-moi le dos Oh que ça me grise Je vous en prie C’est ainsi la saine chorégraphie Un peu plus d’un mètre Je vous prie Mais je n’ai pas appris Fort dommage Vous avez de beaux yeux Première fois qu’on m’le dit Ça c’est le masque Vous l’croyez Enfin faut voir Surtout n’approchez pas Enfin ça dépend Vous n’sortez qu’aujourd’hui On est le 12 mai Oui hier c’était d’la folie Et la nuit guère permis

Enfin peut-être Vous semblez vous languir Oui peut-être Vous allez rire C’est un nouveau virus Je remets au lendemain C’est le nouvel us Qu’en pensez-vous Je m’en lave les mains Depuis le temps Que j’ vous attends J’en suis tout chagrin Et où iront les jours A ce curieux train Là où vous les mènerez Enfin ça dépend C’est quoi c’train Un train de mesures Destination aléatoire Enfin peut-être Quelle histoire..

La version imprimable


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Faire face pendant le confinement Une sélection de textes parus dans le 1er mois de confinement

« Donne du courage Edgar Morin : « À ceux qui rêvent autour de toi et n’ac« Cette crise nous d’une chambre à cepte jamais ce qui eux, de quatre murs, pousse à nous interroLettre de Annie Ernaux, te révulse... » d’une porte qu’on ger sur notre mode de le 30 mars sur France Wajdi Mouawad (le 12 vie, sur nos vrais bepuisse fermer… » Inter « Monsieur le Président »,

avril 2020)

Leïla Slimani, le 8 avril 2020 sur France Inter

soins masqués dans les aliénations du quotidien » (« Tract » n° 54 –21 avril 2020)

« Et ta moue et ton « Effets secondaires » sourire et ta raiGrand Corps Malade, le deur m’accueille10 avril 2020 ront. Dis-moi oui », Christiane Taubira, le 6 avril sur France Inter

« Se souvenir des confins », Gwennaëlle Aubry « Tracts » 15/04/20

Trois sources de textes gratuits « TRACTS » « LE CHEMIN » « Lettres d’intérieur »


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Faire face pendant le confinement Un livre numérique publié au profit de la Fondation des hôpitaux

Un recueil inédit de 64 textes au profit de l’hôpital 64 auteurs ont eu carte blanche pour imaginer, et proposer, pendant cette période de confinement, des textes inédits inspirés par l’évasion, la liberté et l’espoir. Intitulé Des mots par la fenêtre, ce recueil numérique est mis en vente au prix de 4,99€. L’intégralité des recettes sera reversée à la Fondation Hôpitaux de Paris – Hôpitaux de France. Plus d'informations et acheter


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Des artistes des « Premières nations » du Canada chantent en langue innue contre le Covid-19

Un groupe d’artistes des Premières Nations offre à son tour une prestation unique sur les réseaux sociaux. En quelques jours seulement, une douzaine d’entre eux ont attiré des milliers de personnes sur YouTube en reprenant l’œuvre d’un pionnier de la musique moderne innue. Composée il y a une quarantaine d’années par Philippe Mckenzie, le premier artiste à avoir enregistré un disque en langue innue au début des années 80, « Ekuan pua ». Philippe Mckenzie a écrit cette chanson pour rappeler la sédentarisation forcée de son peuple sur une période de plus de 100 ans. Elle relate l'histoire d’un chasseur qui, toute sa vie, s’est déplacé pour pouvoir chasser et ainsi nourrir sa famille. Mais un jour, il se fait prendre ses terres et ne peut plus s’y déplacer comme il le souhaite. « Ekuan pua » est souvent interprétée lors des makusham, qui désignent à la fois les danses traditionnelles et les rassemblements innus. [lors de cet enregistrement, chaque artiste reste confiné chez lui]

Philippe Mckenzie chante « Ekuan pua »


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Des livres

Recension de VéroniqueLeroux-Hugon

Je transporte des explosifs On les appelle des mots JanClausen & collectif De nombreuses poétesses figurent parmi les plus influentes activistes, théoriciennes et porte-paroles des mouvements féministes aux États-Unis depuis les années 1970 et 1980. Quel est le lien entre leur création poétique et leur activité militante ? Quelle est la place de l’écriture poétique dans leur œuvre théorique ? Dans un essai rédigé « dans le feu de l’action » en 1982, la poétesse féministe Jan Clausen raconte l’histoire des premières années du « mouvement de la poésie féministe », ses actrices, ses lieux, ses moyens de diffusion, ses questionnements, son évolution. Dans la seconde partie de ce recueil, une anthologie bilingue de poèmes écrits entre 1969 et aujourd’hui montre la pérennité de ce lien entre poésie et féminismes aux États-Unis.

Dénouer les noeuds sociopsychiques Vincent de Gaulejac Les hommes croient avoir une histoire. Ils disent communément : « C’est mon histoire », comme s’ils en étaient les propriétaires. Ils pensent ainsi protéger ce qu’ils ont de plus précieux, leur identité, leur être profond et singulier. Or il serait plus juste de dire que l’homme est histoire. Ce n’est pas le sujet qui raconte son histoire, c’est l’histoire qui le raconte. Ce livre explore les potentialités du récit de vie pour permettre au sujet de se réapproprier une histoire dont il se sent parfois plus la victime que l’acteur. Entre fiction et réalité, entre roman familial et histoire sociale, entre illusion biographique et enquête sur le passé, le récit de vie est un moyen de retravailler son existence. Il offre au sujet la possibilité de dénouer des nœuds sociopsychiques inconscients entre l’histoire personnelle, l’histoire familiale et l’histoire sociale. Ce faisant, le récit de vie lui permet de dépasser des traumatismes restés jusque-là impensés pour s’inventer une vie ouverte sur l’avenir.

Saisons en friche Sonia Ristic … Sonia Ristić a puisé dans ses souvenirs la trame de ce roman sur un collectif d’artistes tiraillé entre les mille contradictions qui ont jalonné le quotidien de la plupart des squats. Si on y croise aussi les questionnements qui nervurent aujourd’hui la société française dans son ensemble, sans naïveté ni résignation, c’est peut-être tout simplement parce que la vie y est vécue plus intensément qu’ailleurs. C’est cette énergie militante, joyeuse et d’une vigueur inouïe qui émane de ce roman tumultueux et plein de tendresse.

Entretien de l’auteure avec Georgia Makhlouf


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Note de lecture

"Dénouer les nœuds sociopsychiques", Vincent de Gaulejac

Recension de Véronique Leroux-Hugon

« Devenir historien de soi-même pour dénouer les nœuds socio psychiques de son existence, telle est l’ambition de la clinique de l’historicité. » Cette formule résume toute l’ambition de ce livre, un bilan ouvert de l’ensemble des recherches que Vincent de Gaulejac mène en équipe depuis la fin du xx e siècle, puisque Névrose de classe est paru en 1987 et a été réédité en 2016. Dans une première partie, il décrit plusieurs expériences, le vécu de la honte dans différentes circonstances professionnelles, historiques, en santé mentale. Il analyse son propre parcours de chercheur, ce qu’implique cette posture, en référence à Georges Devereux et à Jean-Paul Sartre. La seconde partie, riche en réflexions théoriques, revisitant d’autres perspectives, psychanalytiques, socioéconomiques, tend à montrer en quoi la sociologie clinique, telle qu’il la conçoit, propose une voie différente et prometteuse. On suivra la démarche de chapitres en chapitres, auxquels l’auteur attribue souvent un titre à double entrée, notamment dans la deuxième partie, intitulée : « L’histoire fait l’homme, les hommes font des histoires. » ou bien « Vivre pour se raconter, se raconter pour vivre ». C’est bien sûr des histoires de vie qu’il est question ici, dont l’auteur donne plusieurs définitions qui se recoupent, comme celle-ci : « Le récit de vie permet de saisir ces influences réciproques entre les processus de fabrication sociale des individus et les processus par lesquels l’individu cherche à advenir comme créateur de sa propre existence. Le sujet ne peut exister que dans la mesure où il est d’abord assujetti à ses conditions concrètes d’existence, à son origine sociale, à l’histoire de ses ascendants, autant de déterminations qui le constituent jusque dans les profondeurs de son inconscient. » À quoi il faut ajouter cette remarque de Philippe Lejeune, rapportée par Vincent de Gaulejac : « L’autobiographie se déploie entre deux polarités l’une qui cherche à dire le vrai, l’autre qui donne une version héroïque ». Proposant une méthode pour explorer, voire dénouer les nœuds psychiques, le livre s’ouvre sur un premier exemple du fonctionnement d’un groupe d’Implication et de recherche (GIR), dispositif lancé dans les années 80 visant à dénouer les nœuds psychiques qui nous entravent, d’exercer cette clinique de l’historicité. Quel en est le concept ? : « Le projet de la sociologie clinique s’inscrit dans une perspective dialectique qui consiste à montrer le bénéfice pour la sociologie de s’intéresser à la subjectivité et pour le clinicien de prendre en compte les conditions sociales qui favorisent ou limitent


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Note de lecture

Suite

Recension de Véronique Leroux-Hugon sa pratique. » Dans ces groupes, dont la méthodologie est détaillée en annexe, l’animateur propose de chercher comment comprendre les destinées humaines à partir du travail du sujet face à l’inconscient, aux déterminismes sociaux, aux choix et aux ruptures de son existence. L’auteur présente ces GIR comme des lieux de mémoire, pour un travail en commun où la remémoration du passé éclaire l’histoire présente de l’individu et de la société. S’appuyant sur une bibliographie très riche, il reprend les analyses d’Anne Ancelin Schützenberger (Aïe mes aïeux , 1988) sur le poids des générations et des secrets enfouis, pour montrer comment ces pesanteurs s’amalgament pour faire une histoire et comment l’individu peut reprendre cette histoire, s’en désentraver, se construire lui-même, en jouant sur tous les registres de l’existence humaine : le sujet qui parle, le sujet sociohistorique, le sujet désirant, le sujet émotionnel, le sujet acteur. Revenant sur l’historicité il remarque :« L ’individu est fabriqué par l’histoire, ce qu’il en raconte n’est pas la réalité de cette histoire, quand bien même les souvenirs contiennent des éléments de cette réalité, mais une reconstruction du temps passé en fonction des nécessités du présent. » Traçant la genèse des récits de vie dans un chapitre passionnant (chap. XI), il établit une comparaison entre la psychanalyse freudienne et la démarche sociologique de Pierre Bourdieu, en proposant d’incorporer l’apport des deux disciplines, de les dépasser donc dans cette clinique de l’historicité qu’il préconise. S’il souligne les différents processus de falsification à l’œuvre dans les récits de La version vie il note encore que le sujet a besoin de mots, de récits, de traces, de témoiimprimable gnages qui lui donnent à voir, à éprouver à mémoriser l’histoire, à lui conférer une réalité, avec cette formule : « Les hommes sont tiraillés entre le souci de voir les choses comme elles sont et le désir de réenchanter le monde en s’inventant des histoires. » Sans dissimuler, et nous le savons bien, combien la pratique du récit de soi est controversée, il remarque encore qu’elle se substitue aux grands récits, désenchantés, épopées religieuses, politiques ou scientifiques, dorénavant décalés. Une chronique est toujours réductrice et ne saurait épuiser toute la richesse de ce livre. Après en avoir multiplié à l’excès les citations, on terminera par cette jolie métaphore : « Dans le rôle de rempailleur d’histoire, le sociologue clinicien propose de revisiter « le vaste palais de la mémoire » pour comprendre les traces du passé toujours actives dans les moments présents. Il offre un cadre et « Secrets de famille, l'héritage invisible » une méthode pour comprendre comment l’histoire est agissante en Une émission de France 5, diffusée le 24/04/20, soi et, faute d’en modifier le cours, changer son rapport à un passé toujours présent. » Disponible jusqu’au 21/05/2020


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