13è année - n° 327
5 novembre 2020
www.ledireetlecrire.com
Retour à la case confinement
Fermer les librairies, c'est nous « priver du meilleur bataillon pour affronter l'obscurantisme », François Busnel « ... Pour plein de raisons, qui sont toutes liées les unes aux autres, c'est à dire au combat que tout le monde essaye de mener contre l'ignorance, contre l'obscurantisme, contre le fanatisme. Les librairies, c'est le seul endroit peut-être où vous pouvez faire disparaître, avec les bibliothèques, toute théorie du complot. Parce que vous avez des livres qui racontent des histoires, qui expliquent que les choses ne sont pas noir ou blanc, et que contre un livre unique, quel qu'il soit, il y a les livres. C'est aussi l'endroit où vous pouvez vous armer avec des armes efficaces contre le réel ...
« Les librairies m’apparaissent comme
aussi essentielles que la bureautique, le matériel informatique... » Alexandre Lacroix
Une chose m’étonne avec la fermeture des librairies : leur classement en « commerces non essentiels » signifie que la lecture reste perçue comme une simple activité de loisir. En somme, rien n’a évolué depuis le XVIIIe siècle, depuis la vogue des romans sentimentaux anglais, depuis le préjugé qui voulait que lire soit un passe-temps pour les jeunes filles de bonne famille …
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Le dire et l’écrire
François Busnel (suite)
C'est l'endroit où vous pouvez trouver de l'espoir, trouver de la consolation. Trouver également ce qui vous dérange, ce qui vous inquiète, ce qui vous fait progresser, ce qui vous fait penser par vous-même. Les librairies ont besoin d'être ouvertes et ce n'est pas simplement l'amoureux des librairies qui vous le dit, pas simplement pour préserver un commerce, mais parce qu'il y a des millions de personnes dans ce pays, et on l'a vu juste après le premier confinement, qui ont envie de lire, qui ont besoin de lire. Fermer les librairies, c'est condamner tout un pan de l'économie culturelle, sans doute à vaciller, pour certains à disparaître. C'est malheureusement se condamner dans quelques semaines, dans quelques mois ou dans quelques années, à voir des villes sans librairie, à trouver des zones blanches en France. Et vous faites un cadeau énorme à une entreprise qui commence par Ama et finit par Zon, dont on connait les pratiques fiscales... » [extrait Franceinfo du 30/10/2020]
Dans le cadre d’un confinement dit partiel ou allégé, comment justifier la fermeture des 3 300 librairies ? Les librairies (54% d’entre elles font moins de 100 m²) seraient-elles plus dangereuses à fréquenter que les presque 50 000 établissements de la grande distribution ? Les librairies seraient-elles des foyers de contamination plus risqués que les 61 510 établissements scolaires (publics et privés) qui accueillent chaque jour plus de 12 millions d’élèves et plus d’1 million d’enseignants et administratifs ?
Alexandre Lacroix (suite)
Or, pour beaucoup de gens dont je fais partie, la lecture est d’abord et surtout un travail. Je pense aux professeurs, chercheurs, journalistes, écrivains, mais aussi bien sûr aux étudiants du supérieur, doctorants, étudiants de classes prépa, lycéens. Sans même parler des libraires, évidemment ! Dans ma propre pratique quotidienne, la lecture reste le vecteur central de l’acquisition et de la transmission de connaissances – je n’en connais pas de meilleur et le Web ne remplace pas tout. J’ai besoin de livres pour préparer mes cours, mes articles, mes propres livres. Je lis en moyenne trois à cinq livres par semaine, et seule une petite proportion de ces lectures correspond à la catégorie du loisir. En fait, les librairies m’apparaissent comme aussi essentielles que la bureautique, le matériel informatique – ou, dans un autre ordre d’idées, qu’un Gedimat pour un artisan. Sans doute sommes-nous un peu piégés ici par la notion même de « culture », notion fourre-tout, qui semble signifier « loisirs intelligents réservés à l’élite ». Mais l'acquisition de livres, pour moi, pour beaucoup d’autres, n’a pas grand-chose à voir avec la culture entendue en ce sens, c’est plutôt quelque chose comme l'accès à la matière première, à une fourniture indispensable, sans laquelle on stagne et on est voué à se répéter, à s’assécher, à mal travailler. Est-ce vraiment un cas si rare ? Sommes-nous si peu nombreux à vivre les choses ainsi et à connaître ce besoin ? [Ecrivain, directeur de la rédaction de Philosophie Magazine]
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Le dire et l’écrire
Se passer d’ AMAZON
La carte des librairies qui pratiquent le « cliquer & collecter » Mise à jour le 3 novembre 2020
Une première liste de groupements de librairies indépendantes pratiquant la vente en ligne
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Le dire et l’écrire
Des livres
Cas d’école
Nouvelles
Histoires d’enseignants ordinaires
Edgar Hilsenrath
BD de Remedium À travers 14 histoiresportraits de ces institutrices et instituteurs, Remedium, dessinateur et luimême enseignant, nous fait prendre conscience de la crise de la profession et réalise un précieux travail de mémoire pour que ces morts n'aient pas été vaines. Ainsi, il relate la descente aux enfers de Christine Renon, directrice d'une école maternelle à Pantin, qui s'est suicidée le 21 septembre 2019, combattive, impliquée et passionnée mais épuisée et découragée par un système déshumanisant. Ou encore l'histoire de Jean Willot, professeur à Eaubonne qui s'est suicidé après qu'une famille de son établissement a déposé plainte contre lui pour « violences aggravées ». Le quinquagénaire avait de son côté expliqué avoir seulement puni verbalement l'élève qui traînait sur les marches d'un escalier. Remedium, de son vrai nom, Christophe Tardieux, est professeur des écoles dans la ville de Tremblay-en-France en Seine-SaintDenis et dessinateur. Il est déjà l'auteur de plusieurs bandes dessinées : Les Contes noirs du chien de la casse, L'enfant qui ne voulait pas apprendre à lire, Adama, l'étrange absence d'un copain de classe, Titi Gnangnan, Obsidion, chronique d'un embrasement volontaire.
Ce recueil de nouvelles réunit des textes écrits par Edgar Hilsenrath sur une trentaine d’années. C’est un ensemble insolite, qui va de la farce au récit tragique, du témoignage au conte, en passant par le manifeste politique et la critique littéraire. Entre réminiscences et imaginaire, Edgar Hilsenrath raconte la Bucovine de son enfance, évoque l’écriture et la publication de ses trois romans les plus connus, invente une correspondance délirante entre un général et le coiffeur juif Itzig Finkelstein (alias le meurtrier de masse Max Schulz) – personnage principal de Le Nazi et le Barbier –, livre un éloge d’un de ses deux modèles – Erich Maria Remarque –, dénonce le néonazisme et fait une déclaration d’amour à la langue allemande. On retrouve dans ces nouvelles d'Edgar Hilsenrath sa verve, son humour et son cynisme caractéristiques, mais on y découvre aussi un auteur plus sérieux, parfois amer, toujours engagé. Absurdes, drôles, acerbes, nostalgiques, souvent satiriques, les textes de ce recueil sont touchants de sincérité. « Où ai-je ma place ? Au fond, nulle part. Mon pays est dans ma tête. Tant qu’elle reste claire, tout va bien. » (Edgar Hilsenrath)
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Le dire et l’écrire
Des entretiens, des articles
Mémoires d’Algérie
Après 8 ans de guerre et 58 ans après les Accords d'Evian, l'Algérie a un passé colonial "qui passe mal", mal connu, mal assumé, mal enseigné, instrumentalisé par les uns et les autres des deux côtés de la Méditerranée. Pour contribuer à l’éclairage et à la compréhension de cette période, nous avons créé une page « Mémoires d’Algérie » comportant aujourd’hui près de 80 ouvrages : des romans, des témoignages de Français, surtout de soldats du contingents, ou d'Algériens du FLN, mais aussi de Harkis, des enfants et petits-enfants des uns et des autres. Nous publions ci-dessous un entretien avec l’auteure et une note de lecture sur son livre « Papa qu’as-tu fait en Algérie ? »
Mémoires et expériences de la guerre d'Algérie Enquête sur un silence familial Un entretien de Raphaêlle Branche, auteure du livre « Papa qu’as-tu fait en Algérie ? » publié le 2/11/2020 sur le site NONFICTION.fr. « La guerre d'Algérie a provoqué de multiples expériences de guerre et une diversité des mémoires. Raphaëlle Branche revient sur ce rapport à la guerre dans le cadre familial. Dans son livre l’auteure présente les principaux enjeux mémoriels de la guerre d’Algérie mais aussi la façon dont s’est construite l’histoire des deux côtés de la Méditerranée. Avec trois travaux majeurs, l’historienne a couvert trois pans essentiels à la compréhension du conflit : l’usage de la torture par l’armée française pour réprimer le nationalisme algérien, puis elle a analysé de façon complète l’embuscade de Palestro en 1956 en replaçant l’événement dans un contexte plus large. Aujourd’hui, elle aborde l’expérience de
guerre, son récit et son silence dans le cadre familial. L’histoire et les mémoires de la guerre d’Algérie sont étudiées dans le cadre du thème 3 de Terminale « Histoire et mémoires des conflits ». Il s’agit d’aborder la façon dont se construit l’histoire et les relations qu’une société entretient à son passé…. » Lire l'intégralité de l’entretien
Algérie : en finir avec l’oubli Dans « Papa, qu’as-tu fait en Algérie ? », l’historienne Raphaëlle Branche enquête sur un silence familial. Elle fait renaître la possibilité d’une transmission en transformant les enfants en enquêteurs et propose, plus largement, une histoire des familles françaises depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale. … Lire l’intégralité de l’article d’En Attendant Nadeau
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Le dire et l’écrire
Des entretiens, des articles
Lettre aux professeurs d’histoire-géographie.
Ou comment réfléchir en toute liberté sur la liberté d’expression. De François Héran (parue dans laviedesidees.fr le 30/10/2020)
Titulaire de la chaire « Migrations et sociétés » au Collège de France, François Héran a longuement enseigné la statistique appliquée, la démographie et la sociologie, principalement à l’ENSAE (École nationale de la statistique et de l’administration économique), à SciencesPo, à l’École des Ponts et à l’École doctorale européenne de démographie. Il dirige l’Institut convergences Migrations financé par les Investissements d’avenir et coordonné par le CNRS.
"Comment enseigner la liberté d’expression ? Par son histoire, propose François Héran, moins républicaine qu’on ne croit et plus respectueuse des croyances. Au lieu d’en faire un absolu, il est temps d’observer que ses conditions d’exercice se déploient dans un temps et un espace déterminés. Des professeurs d’histoire-géographie m’ont consulté au sujet du cours d’éducation civique et morale qu’ils devront dispenser à l’issue des vacances de la Toussaint. Comment rendre hommage à Samuel Paty, odieusement assassiné le 16 octobre par un jeune djihadiste tchétchène parce qu’il avait commenté en classe des caricatures de Mahomet ? Quel sens donner à la liberté d’expression ? Comment défendre les valeurs républicaines sans nous isoler du reste du monde ? Certes, les enseignants bénéficieront du « cadrage » préparé par l’Éducation nationale. Certes, ils pourront s’inspirer du fervent hommage rendu par le président Macron dans la cour de la Sorbonne. Et, s’ils le souhaitent, ils pourront revenir sur la lettre de Jean Jaurès aux instituteurs. Mais, si la liberté d’expression nous est chère, nous devons pouvoir lui appliquer aussi notre libre réflexion, à condition de l’appuyer sur des données avérées. C’est le sens des conseils que je me permets de donner ici. ..." Lire l'intégralité de la lettre
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Le dire et l’écrire
Des formations
COMMUNIQUE du 2/11/2020 Chers tous, Suite aux dernières annonces et afin d'assurer la continuité de vos ateliers, l'ensemble de nos activités est basculé en ligne, sur notre plateforme TEAMS. Elle vous permet d’échanger en direct en visioconférence avec votre groupe et votre intervenant et de vous retrouver autour de vos projets d’écriture. Plus que jamais, il est nécessaire de faire vivre la culture, la littérature et l'écriture. Nous vous proposons donc, en cette période particulière, des ateliers pour : • découvrir le genre de la nouvelle, • explorer de façon ludique les différents territoires de l'écriture, • vous initier à l'écriture littéraire, • échanger avec des amoureux de la langue française du monde entier, • découvrir et écrire autour de livres parus récemment. Nous lançons également un appel à écriture gratuit mensuel autour de la littérature contemporaine sur notre revue numérique l'Inventoire, avec une nouveauté : vous pourrez désormais publier votre texte et échanger avec les autres auteurs dans un espace dédié. Pour ce lancement, écrivez autour de Yoga d'Emmanuel Carrère.
Retrouvez l'ensemble de nos propositions à distance en suivant ce lien : Écrire en ligne. Pour les ateliers qui devaient démarrer en présentiel, nous les reprendons dès que cela sera possible. Vous pouvez également nous contacter via notre formulaire de contact. … Lire l'intégralité des propsitions