14e année - n° 375 www.ledireetlecrire.com
24 novembre 2021
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Le dire et l’écrire
Des livres
La BD et le roman graphique se portent bien A preuve le nombre, la qualité et la diversité des sujets traités des parutions du 9è art. A preuve aussi la tenue d’innombrables festivals de la BD dans toute la France. En moins bonne fortune sont les artistes-auteurs qui, malgré les préconisations du rapport RACINE de 2019, se sentent toujours les oubliés de leur ministère de tutelle resté sourd à leurs revendications et leurs situations restées majoritairement précaires. L’agenda des festivals BD
entre novembre 2021 et avril 2022 (ICI) Le rapport RACINE (ICI)
Histoiredessinée des juifs d’Algérie Benjamin Stora & Nicolas Le Scanff Alors qu’il numérise des photos de famille, David retrouve le portrait, peint en 1878, d’une « jeune femme indigène » d’Algérie. En découvrant qu’il représente sa lointaine aïeule, l’adolescent, descendant de juifs des Aurès, entreprend une quête de ses origines, qui se transforme bientôt en véritable enquête historique dans un passé riche, complexe et douloureux. À mesure que les fils des mémoires et de l’histoire se tissent, une fresque civilisationnelle deux fois millénaire apparaît, dont la source remonte à l’exil antique de juifs d’Israël/Palestine et à la conversion de Berbères au judaïsme, suivis de l’arrivée des Séfarades à la fin du XVe siècle. Après la longue domination arabe puis ottomane, la conquête de l’Algérie par la France en 1830 transforme profondément la destinée des « israélites indigènes » : l’attribution de la citoyenneté française par le décret Crémieux en 1870 ne marque pas seulement leur émancipation ; elle crée également une déchirure par rapport à leurs traditions religieuses et culturelles, mais aussi vis-à-vis des Berbères et Arabes musulmans avec lesquels ils avaient partagé des siècles durant une existence commune. L’assimilation paradoxale des juifs d’Algérie à une identité « pied-noire » après leur exode et leur « rapatriement » en 1962 a enfoui cette mémoire collective. C’est à remédier à sa perte que s’emploie magistralement cet ouvrage, en restituant une histoire largement méconnue.
Où est Anne Frank ! Ari Folman & Lena Guberman
Pierre Ahnne Des écrivains répondent à la question « aimezvous parler de vos livres ? »
"C’est seulement maintenant et ici que je comprends vraiment pourquoi tu m’avais inventée. " Kitty, l’amie imaginaire d’Anne Frank. Après Le Journal d’Anne Frank, adapté en roman graphique avec David Polonsky en 2017, Ari Folman poursuit son travail de mémoire avec une visite poétique et familiale à Anne Frank, qui résonne fortement avec l’actualité. Ari Folman et la dessinatrice Lena Guberman nous entraînent plus de soixante-dix ans après la publication du Journal d’Anne Frank, à Amsterdam, pour faire revivre Kitty, son amie imaginaire.
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Le dire et l’écrire
Des livres
Madame Hayat Ahmet Altan
… L’analyse tout en finesse du sentiment amoureux trouve en ce livre de singuliers échos. Le personnage de Madame Hayat, solaire, et celui de Fazil, plus littéraire, plus engagé, convoquent les subtiles métaphores d’une aspiration à la liberté absolue dans un pays qui se referme autour d’eux sans jamais les atteindre. Pour celui qui se souvient que ce livre a été écrit en prison, l’émotion est profonde.
Les Prix littéraires automne 2021
Journal - Années d’exil 1949-1967 Sandor Marai Inédit en France, le Journal du grand écrivain hongrois Sándor Márai éclaire l’homme et l’œuvre d’une lumière nouvelle. Romancier, chroniqueur, Sándor Márai fut également le témoin et l’acteur d’une époque dont il a consigné les événements dès 1943 dans un Journal qui l’a accompagné jusqu’à la fin de ses jours, devenant un de ses chefs-d’œuvre. Ce premier volume couvre la période historique la plus riche – la guerre, l’arrivée des Soviétiques, le départ en exil – et dévoile des passages plus personnels de l’œuvre où se déploient la causticité et la clairvoyance de l’homme de lettres. Sous la direction de la traductrice Catherine Fay, avec la collaboration d’András Kányádi, maître de conférences à l’INALCO, cette édition du Journal apparaît comme la pièce maîtresse de l’œuvre de Márai : au fil de pages superbes, où le moindre détail prend une ampleur romanesque, on assiste à la pensée en mouvement d’un homme conscient que sa seule façon d’être au monde est l’écriture.
Lire aussi : « Journal – les années hongroises 1943-1948 »
Ne t’arrête pas de courir Mathieu Palain L’énigme d’un homme, champion le jour, voyou la nuit. Un face-àface exceptionnel entre l’auteur et son sujet. De chaque côté du parloir de la prison, deux hommes se font face pendant deux ans, tous les mercredis. L’un, Mathieu Palain, est devenu journaliste et écrivain, alors qu’il rêvait d’une carrière de footballeur. L’autre, Toumany Coulibaly, cinquième d’une famille malienne de dix-huit enfants, est à la fois un athlète hors norme et un cambrioleur en série. Quelques heures après avoir décroché un titre de champion de France du 400 mètres, il a passé une cagoule pour s’attaquer à une boutique de téléphonie. Au fil des mois, les deux jeunes trentenaires deviennent amis. Ils ont grandi dans la même banlieue sud de Paris. Ils auraient pu devenir camarades de classe ou complices de jeux. Mathieu tente d’éclaircir « l’énigme Coulibaly », sa double vie et son talent fracassé, en rencontrant des proches. Il rêve qu’il s’en sorte, qu’au bout de sa course, il se retrouve un destin… Tout sonne vrai, juste et authentique dans ce livre. Mathieu Palain a posé ses tripes sur la table pour nous raconter ce face-à -face bouleversant. Quand la vraie vie devient de la grande littérature.
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Le dire et l’écrire
Des livres
Grand-Mère Eléonore Douspis
Archives des enfants perdus Valeria Luiselli
De mémoire d’homme Une vie, deux combats
C’est l’histoire d’une famille. Un père, une mère, deux enfants nés d’unions précédentes. Le père et la mère sont écrivains. Ils se sont rencontrés lors d’un projet où ils enregistraient les sons de New York, de toutes les langues parlées dans cette ville. C’est l’histoire d’un voyage : la famille prend la route, direction le sud des États-Unis. Le père entreprend un travail sur les Apaches et veut se rendre sur place. La mère, elle, veut voir de ses yeux la réalité de ce qu’on appelle à tort la « crise migratoire » touchant les enfants sud-américains. À l’intérieur de la voiture, le bruit du monde leur parvient via la radio. Dans le coffre, des cartons, des livres. C’est l’histoire d’un pays, d’un continent. De ces « enfants perdus » voyageant sur les toits des trains, des numéros de téléphone brodés sur leurs vêtements. Des paysages traversés et des territoires marqués par la chronologie, les guerres, les conquêtes. C’est l’histoire, enfin, d’une tentative : comment garder la trace des fantômes qui ont traversé le monde ? ...
Ce texte advient après trente ans d'hésitation. Face à de nombreuses autobiographies d'anciens maquisards de la guerre d'indépendance algérienne, l'auteur eut du mal à relater son itinéraire parmi le foisonnement des récits épiques sur le thème de l'héroïsme et de la bravoure. Pendant longtemps, certaines blessures collatérales constituaient un tabou qui n'était ni audible ni lisible dans le discours édifiant. Depuis le « hirak », les langues se sont déliées grâce, notamment, à la jeune génération. Aujourd'hui, les jeunes s'interrogent sur le sens de ce combat, à l'aune de la grande prédation des aînés à laquelle ils ont dû faire face et font face encore, en empruntant la voie d'un autre combat, celui de la désaliénation idéologique et de la restauration de la citoyenneté.
Nadir Marouf
[Préface de Karima Lazali, psychologue clinicienne et psychanalyste, auteure du livre "Le trauma colonial - Une enquête sur les effets psychiques et politiques contemporains de l'oppression coloniale en Algérie"]
À partir de 3 ans Des petits-enfants partent à la recherche des souvenirs de leur grand-mère, dont la mémoire s’évapore et se disperse en fragments comme des centaines de cubes colorés… Parfois, un souvenir ressurgit : il faut alors savoir l’attraper au vol et le conserver bien à l’abri. Un livre qui traite avec beaucoup de douceur de la question de la perte de mémoire.
Présentation de Christine Tharel L'album commence par une double page assez énigmatique. Deux enfants et leurs parents manipulent des cubes sur lesquels sont imprimés des images et objets du quotidien : une maison, des animaux ou des plantes, un bidon, une voiture. Sur la double page suivante, les enfants apportent ces cubes à leur grand-mère et l'interrogent. Puis on comprend qu'il s'agit des souvenirs qui se sont envolés, dispersés et que la mémoire de vieille dame est en miettes, parcellaire, comme cette maison en ruine. Mais au milieu de ce paysage morcelé, des mots affleurent qui font naître de délicates images. Alors la grand-mère raconte aux petits un souvenir de sa vie d'avant, puis une anecdote surgit. Les souvenirs sont fugaces et volatiles mais ils ont été transmis. On comprend que les enfants, eux, ne les oublieront pas et c'est ce qui importe. On retrouve dans cet album le graphisme délicat et précis d'Eléonore Douspis, les tonalités pastels, une mise en page très créative, le goût pour le pop-up qui de livre en livre font sa pâte et imposent un style bien à elle. Un album fort et émouvant qui aborde de manière sensible et juste, poétique et douce la question de la perte de la mémoire et du vieillissement.
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Le dire et l’écrire
Annie Ernaux : féminisme, littérature, cinéma
L’effervescence du féminisme vous réconforte-t-elle ? (Extrait de l’interview parue dans Télérama n° 3749 du 17/11/2021) « J’ai accompagné ma mère voter en 1945. Je me souviens encore de l’isoloir, que je confondais avec le confessionnal, où elle allait aussi… Le féminisme des années 1970 était divers, multiple, et ses slogans ont marqué les esprits : « Notre corps est à nous » ou « Plus inconnue que le soldat inconnu, c’est sa femme ». Ensuite, il est devenu un féminisme d’Etat. Des lois sont passées, l’avortement a été remboursé, etc. Et puis il y a eu un creux, que j’évoquais tout à l’heure. En même temps, je me souviens d’avoir acheté assez vite le livre de Judith Butler, Trouble dans le genre, quand il a été traduit en 2005. On avait l’impression que ses réflexions autour de la question du genre étaient marginales, mais elles ont ouvert de nouvelles perspectives. L’intersectionnalité - le croisement des luttes - me semble une ouverture formidable, en opposition avec l’universalisme qu’incarne Elisabeth Badinter. Qu’y a-t-il de semblable entre une femme comme elle et une femme qui va faire des ménages ? Le social, ça compte. La couleur de peau, ça compte. D’accord, nous sommes toutes des femmes, mais de conditions si différentes. Le féminisme d’aujourd’hui, c’est qu’il demande des comptes aux hommes. Il leur demande de changer. L’écrivain Laurent Mauvignier, dans une interview qu’il a donné à Télérama l’an dernier, expliquait qu’il était pour le « Il nous restait à féminisme parce que cela rendait les hommes moins cons. J’ai trouvé ça très changer les juste. Ce que ni Le deuxième Sexe (1949), de Simone de Beauvoir, ni les hommes » militantes des années 1970 n’avaient réussi à faire, les femmes et les filles de « Ses livres ont fait scandale, maintenant l’exigent. Ma petite-fille a 18 ans, nous nous sommes beaucoup vues elle a longtemps été insultée au cours des deux derniers étés, et j’ai constaté sa colère, sa détermination. Elle a ou minimisée, elle dérangeait l’âge que j’avais au moment où se déroule Mémoire de fille, mais cela n’a plus rien parce qu’elle parlait à voir. Je trouve ça très joyeux.»
L’événement Un film d'Audrey Diwan, d'après le livre d'Annie Ernaux "A l’origine du film, il y a un roman autobiographique d’Annie Ernaux. L’action se déroule à la fin des années 50, Anne, 18 ans, issue d’un milieu très modeste, prépare son entrée à l’Université. Mais elle a eu une aventure, et découvre avec effroi qu’elle est enceinte. Dans la France de l’époque, l’avortement est passible d’une peine de prison, et le sujet est complètement tabou. Angoissée mais déterminée à ne pas garder l’enfant qui ruinerait ses projets d’étude, Anne avance seule dans un milieu hostile." La bande annonce Un article du quotidien LA CROX du 28/09/2021 La fiche du livre (l'éditeur)
d’expériences féminines : les siennes, et sans détours. Aujourd’hui, Annie Ernaux est enfin reconnue pour ce qu’elle est : une figure majeure de la littérature française, nobélisable, adaptée au cinéma, lue et admirée. Rencontre avec une icône féministe. L’Événement, le film d’Audrey Diwan, a reçu le Lion d’or. Votre livre, dont il est l’adaptation, sorti en 2000, avait dérangé. Pensez-vous que ce qu’on vous reprochait, au fond, c’était tout simplement de dire cette expérience féminine de l’avortement ? … » Lire en partie ICI
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Le dire et l’écrire
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Le dire et l’écrire
Evénements (rencontres-théâtre-expositions-télévision-cinéma)
En novembre En décembre En janvier
En novembre En décembre En janvier
En novembre En décembre En janvier
En novembre
En novembre
En décembre
Appel à contributions Pour un ouvrage collectif
Autres communiqués
Correspondances d’écrivains pendant la pandémie de Covid-19 : entre l’individuel et le social, du privé au public La pandémie de Covid-19 aura inspiré des œuvres littéraires (poèmes, récits, nouvelles, romans, etc.) et artistiques (dessins, tableaux, musiques, photographies, films, etc.). Cependant, qu’en est-il des correspondances ou des relations épistolaires pendant la période de cette crise sanitaire planétaire ? Le présent projet s’intéresse alors à cet autre mode d'expression de soi, plus ou moins littéraire (pris au sens large du terme)à travers l'épistolaire chez les écrivain.e.s. La pratique épistolaire, en effet, traverse les époques sous de formes diverses. Les canaux, les modalités et les codes de la correspondance évoluent et varient selon les auteurs, la teneur, les intentions et le contexte de production/réception. À l’ère numérique actuelle et en contexte pandémique, notamment avec l’expérience du confinement, comment s’est déployée chez les écrivain.e.s la pratique épistolaire et quels ont été les enjeux d’une telle forme d’expression en période de crise ? C’est à cette principale question qu’entend répondre cet appel à contributions pour un ouvrage collectif. … Voir toutes les informations