Cheval du maroc n4

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w w w. c h e v a l d u m a ro c . c om

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OCTOBRE nOvEmBRE 2016

M A R R A K E C H - C A S A B L A N C A - R A BAT - AG A D I R - TA N G E R - F È S - E S S AO U I R A - PA R I S - LYO N


EL JADIDA (Salon du Cheval).La Tbourida, art séculaire qui fait la fierté du peuple marocain, occupe plus que jamais une place centrale lors du 9e Salon du Cheval d’El Jadida.



PHOTO ERIC knOLL


sports équestres : jo de rio

MARcel ROZIeR:

«je ne seRAI pAs Aux jO de TOkyO Avec kebIR... » A 80 ANS, MARCEL ROZIER NOUS A CONFIÉ, EN EXCLUSIVITÉ, SON DÉSIR DE PRENDRE UNE SEMI-RETRAITE INTERNATIONALE. IL A ÉGALEMENT PARTAGÉ SES SOUVENIRS DES JO DE RIO ENTRE LA DÉCEPTION AVEC KEBIR OUADDAR ET LE SACRE DE SON FILS PHILIPPE, QUI POURRAIT PRENDRE SA SUCCESSION AUPRÈS DE LA STAR MAROCAINE DANS L’OPTIQUE DES JO DE TOKYO.

RECUEILLIS PAR JÉRÔME LAMY

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RIO.- marcel Rozier n’est pas déçu par la performance de kebir Ouaddar, aux JO. «Il ne faut pas remettre en cause les qualités du cavalier et du cheval. Il faut mesurer le chemin parcouru sur l’ensemble de sa carrière. kebir a eu un comportement magnifique. Surtout, il a appris que les JO demandent plus de concentration que n’importe quelle épreuve. Avec mon expérience, je lui ai répété à maintes reprises de s’enfermer dans sa bulle car chaque détail compte.»

e sport, et les Jeux Olympiques plus encore, sont un formidable accélérateur d’émotions, de passions et de désillusions, un enivrant mélange de dramaturgie, d’euphorie et de folie. Marcel Rozier, jeune homme de 80 ans, bon pied, bon œil, médaille d'argent par équipes aux JO de Mexico (1968) et champion olympique par équipes aux JO de Montréal (1976), a roulé sa bosse. L’entraîneur de Kebir Ouaddar a le cuir aussi tanné que les vieux crocodiles. Il nous confiait d’ailleurs, cet été, avant de s’envoler pour Rio que l’équitation et les Jeux Olympiques lui avaient permis de dîner avec cinq Présidents français: Charles de Gaulle, Georges Pompidou, Valéry Giscard D’Estaing, François Mitterrand et Jacques Chirac. «Et il convient d’ajouter à cette liste des grands hommes Sa majesté le Roi Mohammed VI que je ne remercierai jamais assez de la confiance qu’il m’a accordée» dit celui qui est sans doute le meilleur entraîneur d’équitation de tous les temps.

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sports équestres : jo de rio Marcel Rozier ne pouvait imaginer que l’olympiade de Rio allait l’envelopper dans un tourbillon d’émotions à nulles autres pareilles et le transporter vers un bonheur inégalé. Entre la médaille d’or de son fils aîné Philippe avec l’équipe de France, quarante ans après la sienne, et la première participation à la messe olympique de Kebir Ouaddar, qu’il considère comme son quatrième fils, Marcel a sans doute tiré sa révérence au monde olympique de la manière la plus incroyable qui soit. Et le Maroc a assurément pris rendez-vous avec les anneaux olympiques puisque Philippe Rozier n’est autre que l’entraîneur de l’équipe du Maroc de sauts d’obstacles...

Cheval du Maroc.- Quel bilan dressez-vous de la participation de Kebir Ouaddar aux JO? Marcel Rozier.- Il faut situer la performance de Kebir dans la perspective de l’ensemble de sa carrière. Déjà, après la Coupe du Monde, les Jeux Équestres Mondiaux, c’est assez exceptionnel qu’il ait réussi à se qualifier pour les Jeux Olympiques. En ce sens, Kebir est un phénomène rare. Sur l’épreuve elle-même, on peut nourrir quelques regrets. Lors du premier parcours, Kebir est dans le vrai. Quickly, notre cheval unique, est au meilleur de sa forme. Et la faute, sur la rivière, n’est pas trop grave. Le lendemain, j’étais assez confiant. Je pensais qu’on se qualifierait. Mais on est passés à la trappe... Comment expliquez-vous cet accident de par-

«Quickly n’est pas éternel. cours? Après une nouvelle faute au passage de la rivière, Dieu seul sait s’il tiendra le dernier double, qui était précédé d’un grand encore une olympiade. mur de 1m65, nous a été fatal. Néanmoins, avec Si on le prépare comme un plus de concentration, nous aurions pu pasun athlète de haut niveau, ser cette dernière combinaison. Le cheval a fait cinq foulées trop longues pour accéder au douça peut le faire. Mais, ble. C’est pourquoi, il s’est enroulé autour des il ne faut pas tout miser barres. Dans un coin de ma tête, je me dirai tousur lui. Si je repère jours qu’on pouvait sauver cette situation. un cheval exceptionnel pour Kebir Ouaddar et pour l’avenir de l’équitation au Maroc, je le proposerai à Sa Majesté.» RIO.- «Avec Badr Fakir, que je remercie pour sa gentillesse et son professionnalisme, nous avons essayé de mettre kebir dans les meilleures conditions de concentration» dit marcel Rozier, fier du comportement de Ouaddar notamment lors de la cérémonie d’ouverture.

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Peut-on parler de déception? Non, je ne suis pas déçu et il ne faut pas l’être. Il faut mesurer le chemin parcouru sans remettre en cause les qualités du cavalier et du cheval. Kebir a eu un comportement magnifique. Surtout, il a beaucoup appris. Il a appris que les JO demandent plus de concentration que n’importe quelle épreuve. Avec mon expérience, je lui ai répété à maintes reprises de s’enfermer dans sa bulle car chaque détail compte. En quelques secondes, on peut jouer toute une carrière. C’est impossible d’expliquer ce qu’on ressent à ce moment-là. Rien, ni personne, ne doit venir troubler l’athlète. Il ne faut pas laisser venir les gens. Quelques mots mal pesés ou mal choisis peuvent plomber toute une préparation. Un athlète de haut niveau a souvent besoin de réconfort. Il faut savoir le lui donner. Il ne faut jamais dramatiser. Plus qu’un entraîneur, j’ai été un psy. En tout cas, avec Badr Fakir, que je remercie pour son professionnalisme et sa gentillesse, nous avons essayé de mettre Kebir dans les meilleures conditions de concentration. Kebir a-t-il bien digéré son élimination? Kebir est un gagneur. Les deux premiers jours après son élimination, il était prostré de douleur. Il s’en voulait de ne pas être allé au bout de son rêve et de celui du peuple marocain. Pour être un grand champion, il faut savoir perdre. Kebir a su perdre dignement en se projetant sur la prochaine échéance olympique, à Tokyo. Lorsqu’on quitte les JO, on a une seule envie: y retourner. C’est ça être un athlète de haut niveau. Kebir fait partie de ce club fermé.


sports équestres : jo de rio

RIO.- «Le cheval et le cavalier étaient en forme optimale sur le plan physique. On avait le couple parfait pour réaliser l’exploit» confie marcel Rozier.

Lors des deux épreuves à Rio, Quickly a fait une faute sur la rivière... Est-ce un hasard? Non, il n’y a jamais de hasard. Quickly n’est pas à l’aise sur le franchissement des rivières sur le sable alors que les rivières sur herbe ne lui posent aucun problème ainsi qu’il l’a prouvé dernièrement à La Baule ou à Chantilly. Il regarde trop le sol. J’ai essayé de le corriger mais j’ai toujours eu peur de lui faire mal. Il faut savoir respecter les chevaux. Certains commentateurs ont trouvé Quickly très nerveux... Au contraire, il était plus calme que d’habitude. Cela prouve que Kebir a gagné en expérience. Quickly a beaucoup moins fait le show et l’imbécile. Il y a une nette amélioration . Il y a deux ans, Quickly avait beaucoup de difficultés à aborder les deux premiers obstacles. Là, on peut le solliciter d’entrée pour un vertical d’1m60 sans aucun souci. En tout cas, le cheval et le cavalier étaient en forme optimale. On avait le couple parfait pour réaliser l’exploit. Kebir était porte-drapeau de la délégation marocaine lors de la cérémonie d’ouverture. Ce moment si fort émotionnellement a-t-il pu le troubler? Au contraire, cela a favorisé sa concentration et à sa faculté à prendre la mesure de l’épreuve. Il en avait envie. Il était très décontracté. Il avait le sourire. C’est un grand moment dan la carrière d’un sportif et dans la vie d’un homme. C’était un grand honneur pour lui dont il se souviendra toujours. C’est surtout la solitude de l’athlète engagé seul pour son pays qui a été dommageable. Il faut aussi savoir que jamais un cavalier, sans équipe, n’a été champion olympique. Seul, c’est très compliqué. A plusieurs, il y a une émulation qui permet de renverser les montagnes. Ce n’est pas mon fils Philippe et l’équipe de France qui diront le contraire. Ni le Britannique Nick Skelton sacré en individuel après deux fautes la première journée...

«Il va falloir que j’arrête. Vous me parlez de Tokyo mais les JO sont dans 4 ans. J'ai plus de 80 ans et je ne sais même pas dans quel état de santé je serai demain. Je vais vous faire une confidence: je ne serai pas avec Kebir, AUx JO, en 2020. Ça me fait mal de dire ça. Je préfère ne pas y penser mais il faut se rendre à l’évidence et écouter mon médecin. Les voyages commencent à me fatiguer. Et il pourrait m’arriver PHOTO DR des ennuis de santé. Est-ce envisageable d’espérer qualifier une équipe MAIS Je ne laisserai jamais du Maroc dans quatre ans, pour les JO de Tokyo? tomber KEBIR.... On ne laisse Ce n’est pas une hypothèse à envisager, c’est une jamais tomber ses enfants.» obligation. C’est tellement important ! Il faut donc y penser dès aujourd’hui. La Coupe des Nations devrait passer de quatre à trois cavaliers engagés. C’est une bonne nouvelle pour le Maroc... Est-ce possible de composer une équipe... Justement, nous avons trois ou quatre cavaliers en vue pour épauler Kebir. Je ne citerai pas de noms pour ne pas faire de jaloux. Mais on les a repérés. Il faut aussi incorporer quelques jeunes espoirs afin de les familiariser aux exigences du haut niveau, en faire des hommes de cheval, courageux. En cinq ans, Kebir a été transformé. Il n’y que le travail qui paye. On n’arrivera pas à monter une équipe compétitive d’un coup de baguette magique. Reste aussi à trouver des chevaux... C’est le nerf de la guerre ! En effet, le travail ne suffira pas. Autant être clair... Si on veut fabriquer une équipe de haut niveau, il faudra investir sur des chevaux clefs en main. Comme nos cavaliers manquent d’expérience, il faudra des chevaux en or. Sans chevaux de premier plan, on ne pourra rien espérer. Il faudrait patienter encore des années. Depuis quelques années, la FRMSE est active sur le marché... Tous les ans, la Fédération Royale Marocaine achète entre huit et dix jeunes chevaux de 3 ans. C’est une vraie loterie. Peut-être y aura-t-il un phénomène dans le lot mais on ne peut être sûr de rien. En tout cas, une petite douzaine de chevaux de 7 ans sont très prometteurs. Ils doivent impérativement participer aux concours 5 étoiles avec des barres à 1m60 afin de jauger leur niveau réel. Mais ça peut être très long... Bien sûr, c’est une voie à ne pas négliger pour l’avenir à moyen terme de l’équitation du Royaume.

Nick Skelton a été sacré champion olympique, à 58 ans. Justement, c’est l’âge qu’aura Kebir Ouaddar lors des JO de Tokyo, en 2020. C’est de bon augure pour lui ou c’est inquiétant? C’est surtout jouable. Il faudra surtout ne pas lâcher et ne pas faire de bêtises. Il faudra redoubler d’efforts, être encore plus rigoureux au quotidien pour garder le tempo. Il faudra aussi savoir gérer les moments de creux. Malgré son âge, Kebir est un cavalier relativement neuf au très haut niveau puisqu’il vient seulement, par exemple, de participer à sa première olympiade. Forcément, il aura encore plus d’expérience. C’est une bonne nouvelle mais de toute façon, c’est le cheval qui fera la différence... Quickly aura, quant à lui, 16 ans à Tokyo... Quickly n’est pas éternel. Dieu seul sait s’il tiendra encore une olympiade ou pas. A cet âge, un ennui de santé est vite arrivé. Il a encore deux très belles années devant lui mais après c’est la loterie. Il faut respecter le cheval pour le faire durer et ne pas courir après la victoire de trop... Allez-vous essayer de le ménager le plus possible? Ce serait une grave erreur. L’inactivité l’ennuie au plus haut point. Après plusieurs jours de repos, vous pouvez mettre des enfants sur Quickly: il ne leur arrivera rien. S’il ne travaille pas, Quickly devient fainéant et partisan du moindre effort. Si on continue à le préparer comme un athlète de haut niveau, ça peut le faire. Mais il ne faut pas tout miser sur lui. Il convient de préparer la relève.

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sports équestres : jo de rio Vous êtes donc à la recherche d’une perle rare capable d’être le successeur de Quickly auprès de Kebir Ouadddar... Oui, voilà, mais vous savez, c’est quand on cherche qu’on ne trouve pas. Donc on ne cherche pas forcément activement mais on garde les yeux ouverts. Il faut tomber sur la perle rare, comme vous dites, et être très rapide. On n’a pas le droit de se tromper. Mais ce n’est pas une science exacte, sinon on serait champion olympique à chaque fois. On a la chance de bénéficier de la confiance de Sa Majesté le Roi Mohammed VI et du Prince Moulay Abdellah, le président de la Fédération. On doit être à la hauteur. Il paraît que vous avez repéré un crack... C’est faux. Il faut faire attention aux rumeurs et à ceux qui veulent faire monter les enchères. Si je repère un cheval qui semble être une exception pour Kebir Ouaddar et pour l’avenir de l’équitation au Maroc, je le proposerai à Sa Majesté. Mais ce sera dur de retrouver un cheval du niveau de Quickly. C’est même impossible. ll faut en être conscient. Depuis cinq ans, ce cheval a permis au drapeau marocain de flotter partout dans le monde. Il est un véritable ambassadeur du Maroc. En plus, nous ne sommes pas les seuls à chercher... En tout cas, Saphir du Talus ne succédera pas à Quickly... Saphir du Talus est un excellent numéro deux. Il a de gros moyens mais il n’aura jamais la souplesse et l’adresse de Quickly. Il est plus tardif. Il demande beaucoup de temps de préparation. Or, le temps, c’est ce qui nous manque.... Combien de temps faut-il pour préparer un nouveau couple cavalier-cheval? Il faut au minimum six mois. Et on n’est jamais sûr de rien. Certains chevaux sont incompatibles avec certains cavaliers. Tout dépend de leur caractère, de la façon de les monter. Pour Kebir et Quickly, les fiançailles avaient duré un an avant le mariage. Ils ont mis beaucoup de temps à se trouver avant de devenir un couple mythique que le grand public et le monde du sport équestre n’oublieront jamais.

«Qualifier une équipe du Maroc aux JO de Tokyo n’est pas une hypothèse à envisager, c’est une obligation. Nous avons 3 ou 4 cavaliers en vue. Je ne citerai pas de noms pour ne pas faire de jaloux. Mais, le travail ne suffira pas. Autant être clair... Si on veut fabriquer une équipe de haut niveau, il faudra investir sur des chevaux clefs en main. Sans chevaux de premier plan, on ne pourra rien espérer.»

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PHOTO ABDOu mOkhTARI


sports équestres : jo de rio «il n’y pas de mot pour décrire l’apothéose professionnelle que j’ai ressentie quand Kebir s’est élancé à Rio. Avoir amené Kebir où je l’ai amené est le sommet de ma carrière. autant que mon fils Philippe, Kebir fait partie de moi.»

RIO.- marcel Rozier a soutenu kebir Ouaddar après sa déception à Rio. «kebir est un gagneur. Après son élimination, il était prostré de douleur. Il s’en voulait de ne pas être allé au bout de son rêve et de celui du peuple marocain. Pour être un grand champion, il faut savoir perdre. kebir a su perdre dignement en se projetant sur la prochaine échéance olympique, à Tokyo. Lorsqu’on quitte les JO, on a une seule envie: y retourner. C’est ça être un athlète de haut niveau. kebir fait partie de ce club fermé.»

On parle de l’âge de Kebir Ouaddar, de celui de Quickly mais on n’aborde jamais la fin de votre carrière tant vous paraissez inépuisable, presque éternel... Pourtant, je ne le suis pas. Et il va bien falloir que je m’arrête un jour. Avec toutes ces émotions, avec cette histoire unique qui me lie à Kebir et au Maroc, j’en oublierais presque mon âge. Quand je rencontre Sa Majesté, il me demande à chaque fois mon secret pour rester aussi jeune. Je lui réponds que la passion des chevaux, de la nature sont un vaccin contre le temps.

Comment envisagez-vous la future organisation technique autour de Kebir? Déjà, je ne le laisserai jamais tomber. Je considère Kebir comme mon fils et on ne laisse jamais tomber ses enfants. Et je voue une telle reconnaissance à Sa Majesté le Roi Mohammed VI que je ferai l’impossible pour être là. Ensuite, j’imagine que je pourrais continuer à être présent le plus longtemps possible auprès de lui, au quotidien, et que Philippe, mon fils, qui s’occupe déjà de l’équipe du Maroc, pourrait prendre le relais et me succéder.

Vous aurez 84 ans à Tokyo. Vous abordez votre dernière ligne droite avec Kebir et vous préparez votre jubilé commun au Japon... Vous me parlez de Tokyo mais les JO de Tokyo sont dans quatre ans. Je ne sais même pas dans quel état de santé je serai demain. Je ne sais même pas où je serai après demain. Allez, comme vous êtes sympathique et professionnel, je vais vous faire une confidence: je ne serai pas avec Kebir, à Tokyo, en 2020. Ça me fait mal de dire ça. Je préfère ne pas y penser mais il faut se rendre à l’évidence. Pour l’instant, je suis en bonne santé. Je suis même toujours le premier, chaque matin, à 6h30, aux écuries. Je suis toujours à l’heure. C’est la vie. C’est comme ça. Mais pour voyager loin, il faut ménager sa monture ! C’est une expression d’actualité pour moi.

Concilier l’entraînement et la compétition, n’estce pas trop compliqué pour Philippe, votre fils? Non, au contraire ! Et c’est une chance pour le Maroc. C’est important de posséder un entraîneur qui participe aux épreuves car il parle la même langue que ses cavaliers. Il force le respect, est capable de monter sur le cheval d’un de ses cavaliers pour montrer l’exemple. Et pour sa carrière, ça ne pose aucun problème. Il a trente ans de métier, il a fait trois olympiades, et il possède des gens compétents pour monter ses chevaux quand il est au Maroc.

Si vous nous dites que vous nous annoncez votre retraite, on ne vous croira pas... Vous auriez raison. Il va pourtant falloir que je commence à lever le pied. Je vais devoir me surveiller, faire attention et écouter mon médecin. La répétition des voyages commence à me fatiguer. Et il pourrait m’arriver des soucis. Je ne pourrais donc pas accompagner Kebir à 100%.

Nous imaginons avec quelle intensité vous avez dû vivre le titre olympique historique de votre fils Philippe, 40 ans après votre sacre... C’est fort et incroyable. Il n’y a pas de mot dans le coeur d’un père pour décrire la force de cette émotion-là et de cet amour là, cette forme de succession. Et il n’y pas de mot non plus pour décrire l’apothéose professionnelle que j’ai ressentie quand Kebir s’est élancé à Rio. Avoir amené Kebir où je l’ai amené est le plus grand moment de ma carrière de cavalier et d’entraîneur. Et au fond, autant que Philippe, Kebir fait partie de moi. u

Nelson Pessoa: « Kebir sera au sommet à Tokyo ! » PAR HERVÉ MEILLON, À BRUXELLES

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elson Pessoa n’a pas fait le déplacement dans son pays, au Brésil, pour suivre les JO. Courroucé par la non-sélection de son fils Rodrigo, l’entraîneur légendaire a suivi devant sa télé l’évolution de Kebir Ouaddar, qui, très jeune, avait passé

plusieurs jours dans l’Oise, auprès de lui, pour peaufiner son apprentissage des rudiments du cheval sur recommandation de la Princesse Lalla Fatima Zahra et du Prince Moulay Ali. «Quickly n’était pas très bien, pas en grande forme» dit le sorcier brésilien. «J’ai l’impression qu’il a souffert de la chaleur et qu’il n’était pas très heureux. Ce n’était pas une bonne semaine pour lui. Kébir a toujours du

mal avec les rivières et ce n’est pas la première fois que cette épreuve ne lui réussit pas. Le saut de la rivière n’était pourtant pas compliqué à Rio, comme d’ailleurs tout le parcours, et c’est pour ça qu’il y a eu beaucoup de sans-faute. Le parcours n’était pas trop digne d’une compétition olympique. Moi, j’ai un principe, c’est toujours la faute du cavalier. Le cheval est toujours sous les ordres du cava-

lier. Le cheval n’est pas une machine, il est assujetti aussi aux émotions. Ce n’est jamais le cheval qui commande.» Et Nelson Pessoa de se projeter avec beaucoup d’espoir sur les JO de Tokyo, en 2020: «Quickly ne sera pas trop vieux et pourra tout donner pour sa dernière compétition avec Kebir, qui sera, à 58 ans, au sommet de son art. Car il reste un très grand cavalier.» u

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sports équestres : morocco royal tour

GuéRy: «kebIR OuAddAR nOus fAIT AIMeR le MAROc»

«kebir Ouaddar aime les êtres humains, c’est le signe des grands champions et c’est un exemple pour moi" dit Jérôme Guéry, vedette du mRT.

PHOTO DR

JÉRÔME GUÉRY, INTIME DE KEBIR OUADDAR, SERA UNE DES ATTRACTIONS DU MOROCCO ROYAL TOUR, DONT LE DÉNOUEMENT AURA LIEU DU 13 AU 16 OCTOBRE, À EL JADIDA.

PAR HERVÉ MEILLON, À VILLERS-LA-VILLE (BELGIQUE)

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érôme Guery, 28e mondial, a foulé la piste du MRT pour la première fois ! Finaliste (18e) des JO à Rio, récent vainqueur du concours mythique du Grand Prix de La Baule avec son alezan aux yeux vairons, Grand Cru de Rozenberg, qu'on a pu admirer au Brésil, le pilier de l'équipe belge nous présentera, à El Jadida (13 au 16 octobre), trois de ses complices dont son épouse Patricia et 8 chevaux de sa propre écurie pour sa première au Maroc. Cheval du Maroc.- Pouvez-vous nous expliquer les raisons de votre première participation au MRT ? Jérôme Guéry.- Cela faisait des années que j’en entendais parler, chacun me vantant la beauté de cette épreuve. Mais, c’est surtout Kebir Ouaddar qui, cet été aux JO, m’a convaincu. Kebir est un formidable porte-drapeau marocain pour l’équitation dans le monde et il nous fait aimer son pays pour lequel il a une véritable reconnaissance et affection. C’est un cavalier avec qui je m’entends excessivement bien, je connais ses valeurs et surtout sa grande honnêteté de cœur. C’est un homme qui a de la mémoire, il sait qui il est, d’où il vient et à qui il le doit. Ce sont des valeurs que nous partageons et surtout nous avons la même philosophie par rapport aux chevaux.

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Quelle est cette philosophie ? Certains cavaliers considèrent leur monture comme une voiture. Nous, nous sommes en osmose avec nos chevaux. Nous les respectons au plus haut point. Jamais, nous ne leur faisons porter nos échecs. Nous savons nous remettre en question. Kebir est un passionné. Il porte un amour sans bornes aux chevaux. Kebir a en plus cette qualité merveilleuse d’aimer avec profondeur les êtres humains et il n’y a pas de miracles, c’est le signe des grands champions. Il est souvent un exemple pour moi. C’est un battant, il veut gagner, c’est un des plus rapides. Il prend des risques. Il est très heureux face à la réussite mais il est surtout très heureux de la réussite des autres. C’est une philosophie qui me ressemble et nous ne pouvions que nous entendre. Par contre, Kebir ne fait pas de l’élevage ce qui n’est pas votre cas... On a des chemins de vie qui sont différents. C’est vrai que j’ai mon propre élevage. Notre sport est assez onéreux et il faut bien s’organiser. Avez-vous noué des contacts commerciaux au Maroc? J’ouvre le relationnel commercial. Le Maroc est de plus en plus présent dans le sport équestre. Je n’ai jamais fait de commerce avec le royaume. Le pays s’investit de plus en plus et il faut reconnaitre que présenter mes chevaux et notre travail ici est certainement une bonne chose pour notre écurie.

Vous semblez séduit par le MRT... Au Maroc, nous avons huit chevaux avec dans l’esprit l’idée de les former. Le concours est formidable car il s’étend sur trois semaines et pour la formation des chevaux c’est idéal. Venir au Maroc est un choix que nous ne regrettons pas. L’organisation est parfaite. Les endroits sont magnifiques. Les organisateurs m’ont expliqué qu’à la première édition, il y avait dix cavaliers et que cette année ils ont dû en refuser. Preuve que le concours est sérieux et prend une place très importante dans le monde hippique. Les conditions de travail sont excellentes, les gens nous accueillent merveilleusement bien. Quel regard portez-vous sur Quickly, le cheval de Kebir Ouaddar… C’est un cheval que l’on rencontre une fois dans sa vie. C’est un cheval hors du commun avec une très grande personnalité. Une énergie unique. Kebir a eu la chance d’avoir Quickly jeune et de le former, mais ce cheval avait déjà un énorme potentiel. Le cheval est souvent le miroir de ce que l’on est. C’est un être vivant qui nous donne des leçons de vie. Kebir et Quickly forment un couple fantastique, ils se sont trouvés et c’est une véritable osmose. Ils sont redoutables et sont des concurrents terribles. Kebir est très reconnaissant et très admiratif de son Roi qui lui a permis de monter Quickly. Il sait ce qu’il doit à Sa Majesté et lorsqu’il m’en parle, il est ému aux larmes. Il admire l’humanité de Sa Majesté. u


9e salon du cheval d’el jadida

CASABLAnCA (Four Season).- Aziz Akhannouch a salué «la place économique du Salon, la belle fidélité du public et la confiance des professionnels» lors de sa présentation à la presse du 9e Salon du Cheval d’El Jadida.

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PLACÉE SOUS LE SIGNE DES ARTS ÉQUESTRES TRADITIONNELS, LA NEUVIÈME ÉDITION DU SALON DU CHEVAL D’EL JADIDA NE MANQUERA PAS DE CONFIRMER LA NOUVELLE AURA INTERNATIONALE DE CET ÉVÉNEMENT.

Le chiffre

2

Le Salon du Cheval d’El Jadida se tiendra pour la seconde année au nouveau Parc des Expositions Mohammed VI. La phrase

«La Tbourida, c’est notre grain de beauté à nous, les Marocains» Par El Habib Marzak, commissaire du Salon du Cheval

un sAlOn quI RIMe Avec TRAdITIOn

A

u tour des arts équestres traditionnels ! Après le tourisme équestre, les arts et métiers, le nouveau thème du Salon du Cheval d’El Jadida (11 au 16 octobre) ne laissera personne indifférent tant la Tbourida est un art séculaire qui fait la fierté du Royaume. C’est dans le cadre moderne et luxueux du Four Season de Casablanca, où le ban et l’arrière ban de la presse marocaine s’étaient pressés, qu’Aziz Akhannouch, Ministre de l'Agriculture et de la Pêche Maritime, a présenté l’événement qui se tiendra pour la seconde année au nouveau Parc des Expositions Mohammed VI. Placé sous le Haut Patronage de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, le Salon du Cheval est devenu un événement majeur de la rentrée, sur la scène nationale et internationale. Non seulement la présence régulière de sa majesté le Roi Mohammed VI, de SAR le Prince Héritier Moulay El Hassan et de SAR le Prince Moulay Rachid offre une vraie résonance au Salon du Cheval, mais la qualité des championnats et concours a, aussi, permis à cet événement de devenir un rendez-vous sportif incontournable des compétiteurs de très haut niveau. Avec talent et passion, Aziz Akhannouch a salué «la place économique du Salon, la belle fidélité du public et la forte confiance des professionnels.»

PAR JÉRÔME LAMY, À CASABLANCA)

Il a aussi précisé que l’aura de cet événement était proportionnelle au dynamisme actuel de la filière équine. «Depuis 5 ans, la stratégie de notre filière équine est payante» a-t-il confié. «Les indicateurs sont au vert à l’image de la multiplication des naissances du cheval barbe à qui nous redonnons ses lettres de noblesse, la création d’une école des arts équestres à Marrakech, la rénovation des haras nationaux, la création d’une centre d’entraînement pour chevaux de courses à Bouznika ou la rénovation de l’hippodrome de Marrakech.» La Tbourida sera plus que jamais un des centres d’intérêts du Salon. «La Tbourida, c’est notre grain de beauté à nous, les Marocains» a joliment dit le Docteur El Habib Marzak, commissaire du Salon. «C’est l’histoire d’amour de tout le peuple marocain. C’est notre art équestre national, par excellence. Seize régions marocaines participeront aux formidables démonstrations de Tbourida dont le point d’orgue sera la création du nouveau Trophée Mohammed VI de Tbourida.» Le Salon du Cheval honore, à chacune de ses éditions, un pays de grandes traditions équestres. Les Émirats Arabes Unis seront, cette année, l’invité d’honneur d’un Salon qui n’en finit pas de résonner aux quatre coins du monde. u

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sous le sabot

Bouchra Marmoul décoré par sa Majesté A

l’occasion de la fête de la jeunesse, célébrée à Tanger, Sa Majesté le roi Mohammed VI, accompagné du prince héritier Moulay El Hassan, et du prince Moulay Rachid, a décoré Bouchra Marmoul (photo) du Ouissam Al Moukafâa Al Wataniya de troisième classe (Officier).

Cette distinction royale, est non seulement un honneur infini pour la première femme jockey du Maroc mais aussi une grande marque de reconnaissance pour l’immense travail réalisé par la SOREC et toute la filière équine au Maroc qui se battent pour valoriser de nouveaux métiers du cheval. u

Sedrati et Karimine dans la lumière LES ÉCURIES D’AZZEDINE SEDRATI ET M’HAMED KARIMINE ONT ÉTÉ LES GRANDS VAINQUEURS DU PRESTIGIEUX GRAND PRIX HASSAN II

CASABLAnCA (hippodrome).Les écuries Sedrati (ci-dessus) et karimine (ci-contre) peuvent avoir le sourire....

n n’arrête plus M’Hamed Karimine! Son cheval Faywarda (5 ans), monté par Zouhair Madihi, a remporté le prestigieux Grand Prix Hassan II à l’hippodrome de Casablanca-Anfa. L’ambitieux Christophe Lhermitte, le coach de l’écurie Karil’écurie a rem- med Karimine: le duel avec mine, a souffert puisque les commisdoublé combien reconnu et respecté, ue urs en nifiq rvate mag un obse les sant ra réali tiend En Moulay El Abdel- Sedrati saires ont eu besoin d’une photo n. ières places pour porté le Grand Prix saiso la prem de fin deux la les u’à jusq avec ne halei et ) arda finish pour départager Fayw (pur-sang arabes 4 ans et plus lah et ihi) Mad vicue hair nifiq (Zou t mag la r Riola Risk de l’incontour- Il convient de note le valeureux Badan (4 ans), monté Faddoul), avec Amenvol, monté par ria em Zaka (Kac rie olyte l'écu de Hipp n, olo Aego Diab de ane, mais il s’est toire par Abdellah El Harate et apparteFaddoul. a moins tremblé nable ami Zerg m mine Kace Kari par té rie mon l’écu am, Hak A ons. sang nant au Haras Royal Les Sabl aussi adjugé le Critérium purlors du Prix Mansour Dhabi réser vé Au bonheur de l’entraîneur Erick Sotnoter la maîtrise remarquable du arabes de 2 ans, nés et élevés au ans. 3 de es arab sang puraux , heureux de s’imposer face à avec Didawa, monté par Ra- teau c, jockey prometteur Zouhair Madihi Maro d gran le i auss est ati Azeddine Sedr l’élite des "importés", et de sa propriéqui a s’était fait oublier avant de coifchid Amenai devant Raisman of Grine Hashée Trop ique myth ce de Bengeloun. u me hom appartenant à... M’Ha- taire Mouna fer d’une tête Badan, à l'extérieur, au seulement, l’éleveur, ô (Z. Madihi), Non II. san passage du poteau.

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Ou ad dar sou tie nt la Mo ro cco Cu p By SO REC L

a Morocco Cup By SOREC s’est déroulée en 3 étapes. La première, organisée à Dub lin, en Irlande, à l’hippodrome de Leopardstown , a été remportée par le cheval irlandais Wind sor Beach. La seconde, à Deauville, a vu la poul iche Le Hand de l’écurie française des frères Wert heimer, s’imposer. Enfin, la troisième a rencontr é un vif succès, à l’hippodrome de Veliefendi à Istanbul.

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A noter que Kebir Ouaddar a honoré de sa présence la manche française de Deauville en remettant le Prix Psyché au vainqueu r Maxime Guyon en compagnie de Hind Benchekr oun, directrice des événementiels de la SOREC (photo). La Morocco Cup By SOREC s’inscrit dans une stratégie de promotions des courses hippiques marocaines à l’international. u


PAR JÉRÔME LAMY, À MOHAMMEDIA

IsMAïl nAssIf

le sAGe CASABLAnCA (hippodrome casablanca-Anfa).La parole d’Ismaïl nassif, ici à côté du DG de la SOREC, Omar Skalli, possède une parole qui compte dans la filière équine. «Ismaïl nassif a l’oreille d’Omar Skalli» dit m’hamed karimine. «Et c’est d’ailleurs un des talents d’Omar Skalli d’avoir su s’appuyer sur Ismaïl qui est dépositaire de l’histoire des courses au maroc.»

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courses hippiques PRÉSIDENT DE LA SOCIÉTÉ DES COURSES DE CASABLANCA ET PROPRIÉTAIRE D’UNE ÉCURIE, ISMAÏL NASSIF VÉHICULE UNE IMAGE NOBLE ET ÉLÉGANTE DES HIPPODROMES. DÉPOSITAIRE DE L’HISTOIRE SÉCULAIRE DES COURSES MAROCAINES, IL A AUSSI UNE VISION D’AVENIR QUI PÈSE DANS LA FILIÈRE ÉQUINE.

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ous n’allez pas me faire rater ma partie de golf!» Ismaïl Nassif avait été clair. On ne touche pas au sacré. Rendez-vous avait donc été pris avec le président de la société des courses hippiques de Casablanca, à son bureau du quartier des Roches Noires de la Capitale économique, celui de sa société d’importation de bois, Ismawood. Et ce n’est pas un petit 18 trous qui a eu raison de notre interview mais une grosse grippe mal soignée. Que nenni, d’un commun accord, nous décidions qu’un entretien téléphonique ferait l’affaire. A la première question sur ses premiers pas dans les courses de chevaux, notre interlocuteur prit, sinon la poudre d’escampette, tout au moins la mouche. «Vous vous rendez compte, vous me demander de passer au crible quarante ans de ma vie» lance-t-il. «Voyons nous, je vous invite à déjeuner, demain.» On ne contredit pas Ismaïl Nassif. Pas davantage qu’on ne touche au sacré. C’est donc après un de ses parcours quotidiens sur les greens du Royal Golf de Mohammedia que nous l’avons rejoint pour parler de sa vie et des courses de chevaux. Ça tombe bien, les deux sont liées chez cet homme à la sagesse infinie. La sagesse est d’ailleurs le mot qui qualifie le mieux celui qui vient de franchir la cap de huit décénies. C’est aussi le mot qui revient le plus souvent dans la bouche de ceux que nous avons interrogés à son sujet. C’est Ahmed Tariq, éleveur et propriétaire d’une écurie de courses, qui résume le mieux le sentiment général. «Ismaïl Nassif est le grand sage des courses marocaines» précise-t-il. «Il va aux courses d’une manière noble, malheureusement très rare aujourd’hui. C’est un gentleman. Il fait preuve d’élégance, de sportivité. En fait, il aborde les courses comme un plaisir, une passion, pour satisfaire son amour des chevaux et non pour rentabiliser un investissement. Et ça fait toute la différence.» Déjà, lorsqu’il pratiquait le tennis au Raçing Universitaire de Casablanca, seul le plaisir comptait. «Je n’ai jamais cherché à atteindre un classement» confirme-t-il. En abandonnant les balles de tennis pour les petites balles de golf, il changera un peu son fusil d’épaule, jeu de mots assez facile pour un homme qui voue également une passion séculaire à la chasse. Il compilera quelques tournois, le temps d’atteindre un handicap 15. Mais ça lui passera vite.

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En revanche, la passion des chevaux est venue très tôt dans sa vie. Elle n’est jamais partie. Entre les salades marocaines et la daurade au beure, il nous parlera de sa naissance dans la médina de Marrakech, Derb Habib Allah, dans le quartier Mouassine. Il nous parlera de son enfance dans les 700 hectares de la ferme familiale de Safi où il a appris à monter les chevaux à cru «en s’accrochant à la crinière» précise-t-il. De Haj Bouchaïb, ce père agriculteur, il attrape le virus de la nature surtout que le décès précoce, sur la route d’Essaouira, de ce frère aîné trop vite parti l’a rapproché de son papa et de ses activités. Et éloigné de l’école. Du coup, il ne quittera Safi qu’à 27 ans pour poser ses valises à Casablanca en 1961. Après une expérience réussie dans une société d’Etat, il se lancera avec succès sur le chemin escarpé de l’entreprenariat dans le domaine du bois. Fondateur de COMAR Bois - dont il est toujours actionnaire et qu’il dirigera jusqu’en 2002-, il connait aujourd’hui de jolis résultats à la tête de son dernier bébé Ismawood. «Et j’ai même racheté 38% d’une autre société qui cartonne aussi dans le secteur» précise Ismaïl pas peu fier de son joli coup. Entre le bois et les chevaux, il s’est toujours partagé. Et regrette que la seconde activité ait souffert de son implication dans la première. Surtout quand les mêmes employés passaient d’une structure à l’autre et pouvaient semer le désordre partout, au gré des humeurs et des conflits. Ismaïl ne compte plus les fois où il a dû rebâtir un élevage, reconstruire les écuries, repartir de zéro avec du nouveau personnel. «Ça fait partie du charme, de l’histoire d’une vie» dit celui qui est venu aux courses par hasard. Car, si ses filles Nadia et Ghizlane s’adonnaient aux sauts d’obstacles - Nadia fut même championne du Maroc cadettes - rien ne le prédestinait à fréquenter les champs de courses. C’est un ami, M. Membrives, propriétaire de quelques chevaux, qui le motive à acquérir son premier arabe-barbe, Voix lactée. Surtout, il lui présente Pierre Pélissard, propriétaire, grande figure des courses marocaines. Le courant passe si bien qu’Ismaïl achète quatre juments à Pélissard. Sans écurie, il s’associe avec le propriétaire d’une ferme à Sidi Bettach, près de Ben Slimane. Mauvaise pioche, les trois-quart des chevaux sont frappés de septicémie.

CASABLAnCA (hippodrome Casablanca-Anfa).Ismaïl nassif, qui salue avec révérence SAR le Prince héritier moulay El hassan lors de l’inauguration du Grand Prix Sa majesté le Roi mohammed vI, en 2014, voue une reconnaissance infinie à la famille royale et à Feu Sa majesté le Roi hassan II. «C’est Sa majesté qui a montré la voie pour les courses de chevaux de pur-sang au maroc» dit-il.

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courses hippiques Il finira par louer une ferme à Bouskoura et transfere la dernière jument. «Je m’en souviens comme si c’était hier» confie-t-il avec émotion. Il se rend à Ivry où il achète deux chevaux SaintEpain et Scoumoune, qui porte mal son nom, puisque l’écurie Nassif gagne ses premières courses. Et une marque de fabrique : celle du pur-sang anglais, qui fait battre le cœur d’Ismaïl Nassif. «Je sais que tout le monde n’est pas d’accord avec moi mais je n’aime pas importer» confie celui qui voue une reconnaissance infinie à Feu Sa Majesté le Roi Hassan II. «C’est Sa majesté qui a montré la voie pour les courses de chevaux de pur-sang anglais» dit-il. «Lyazidi était également très présent. Moi, modestement, j’ai essayé de suivre le mouvement.» Il fera mieux que ça. Il gagnera beaucoup de courses «mais pas de Grand Prix» précise-t-il. Il sera même élu Président de l’Association Marocaine des pur-sang anglais. Il l’est d’ailleurs toujours à la tête d’un mandat où il n’a eu de cesse de promouvoir le développement de l’élevage. «Le regretté Jean-Pierre Laforest, ancien directeur du Haras Royal m’a beaucoup aidé» glisse-t-il. Surtout, il a pris la succession de Feu Ahmed Karimine - le père de M’hamed - à la présidence de la société des courses de Casablanca. «Avec Feu Ahmed, nous avons essayé de faire bouger les choses» se souvient Ismaïl. «Nous avons notamment construit la grande tour sur l’hippodrome de Casablanca-Anfa ainsi que les installations pour les paris. Pour être sincère, je suis assez nostalgique de cette époque surtout que quand je vois, M’Hamed Karimine aux courses, j’ai l’impression de revoir son papa. C’est son portrait craché. Il est aussi droit que lui. Et surtout, il est aussi fonceur que lui... » Ismaïl Nassif a moins d’ambitions. Avec son écurie de cinquante chevaux basés à Casablanca, il vise seulement les premières places sur le podium du plaisir. «Ça m’amuse beaucoup, et c’est mon objectif» confirme-il. «Je n’en fais pas un business et d’ailleurs je n’en ai jamais fait un business. Et ce bonheur, j’ai les moyens de me le payer. Je n’ai rien à demander à personne. Pour gagner de l’argent, je vais travailler dans ma société.» Ismaïl a autre chose à présenter sur son CV qu’une compilation de victoires. «Je n’ai presque rien acheté, c’est ma fierté» avoue-t-il. «90% de mes chevaux sont nés et élevés chez moi...» Son entraîneur est aussi un produit du cru. Larbi Charkaoui était apprenti chez le mentor d’Ismaïl, Pierre Pélissard. «Larbi est bien chez moi, je ne lui mets pas beaucoup la pression» rigole Ismaïl. «C’est surtout une manière de donner un sens à l’histoire».

« le colonel Daoudi a mis les pieds et la tête dans la plat. Il a résolu les problèmes d’argent puisque nous n’étions pas payés depuis longtemps. Il a travaillé un programme annuel des courses. Il a formé des commissaires et créé des contrôles anti-dopage. Au fond, c’est un génie qui a permis au docteur Abdelhaq Tber de créer la SOREC.»

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Celle des jockeys devrait être réécrite dans les prochains mois. «Les jockeys, c’est mon gros problème» lâche Ismaïl. «A moyen terme, j’ai décidé de ne plus avoir recours à des collaborations extérieures. Je veux recruter un maximum de jeunes chez moi. Et j’ai bien l’intention de m’appuyer sur l’école de jockeys de l’Institut National du Cheval Prince Héritier Moulay El Hassan, qui fait un travail remarquable à Rabat. J’ai des apprentis, dont un jeune Ali, qui promettent beaucoup. Et c’est dans cette école que M’hamed Karimine a trouvé Zouhair Madihi. On ne peut pas dire qu’il s’en plaigne.»

Ismaïl Nassif connait bien la corporation des jockeys, car Moulgil, son ancien entraîneur historique - il est resté 13 ans à ses cotés - en a formé beaucoup. «Ils ont pris de mauvaises habitudes ailleurs, et ça me déplaît» constate Imsaïl. «J’interdis de taper les chevaux pour rien. Si on a un bon cheval, on gagne. Sinon, on le laisse tranquille. Je vais finir par arrêter de donner des bâtons à des gens qui ne savent pas s’en servir.» Ismaïl Nassif ne mâche pas ses mots. Il a l’âge pour ça. Il a l’expérience. Il a connu la période où l’on donnait le programme des courses d’une semaine à l’autre. Il a surtout une vision de l’avenir. On comprend mieux pourquoi sa parole est une des paroles qui compte dans la filière équine. «Ismaïl Nassif a l’oreille du directeur général de la SOREC, Omar Skalli» dit M’Hamed Karimine. «Et c’est d’ailleurs un des talents d’Omar Skalli d’avoir su s’appuyer sur Ismaïl qui est dépositaire de l’histoire des courses au Maroc.» Il salue d’ailleurs le travail du colonel Daoudi missionné, au début des années quatrevingt par Feu sa Majesté le Roi Hassan II, pour se pencher sur le chevet des courses marocaines. «Il a mis les pieds et la tête dans la plat» dit joliment Ismaïl. «Il a résolu les problèmes d’argent puisque nous n’étions pas payés depuis longtemps. Il a travaillé sur un programme annuel des courses. Il a formé des commissaires et créé des contrôles anti-dopage. Au fond, c’est un génie qui a permis au docteur Abdelhaq Tber de créer la SOREC.» A écouter Ismaïl Nassif, Omar Skalli est le digne successeur du colonel Daoudi. «Daoudi et Skalli resteront dans l’histoire des courses marocaines au même titre que le docteur Azzedine Sedrati qui a été un grand précurseur » lance Ismaïl Nassif qui décerne les bons points au DR compte-gouttes. « Omar Skalli fait beaucoup pour le cheval au Maroc. Il pense toujours à l’intérêt général. C’est ce qui me rapproche de lui. La modernisation, c’est Skalli. La professionnalisation des retransmissions, c’est lui. La communication, c’est lui. Rendez-vous compte que des courses marocaines sont désormais retransmises sur Equidia et que des chevaux nés et élevés au Maroc courent en Europe. Qui l’eut cru?» Certainement Ismaïl Nassif ! Si vous le croisez, le vendredi sur le champ de courses de l’hippodrome de Casablanca-Anfa, sachez que ce n’est pas seulement pour voir plus près que les autres qu’il porte des jumelles à son cou, c’est aussi pour voir plus loin... u

«Les jockeys, c’est mon gros problème. A moyen terme, j’ai décidé de ne plus avoir recours à des collaborations extérieures. Je veux recruter un maximum de jeunes de l’école de jockeys de l’Institut National du Cheval. Je vais finir par arrêter de donner des bâtons à des gens qui ne savent pas s’en servir.»

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PHOTO ChRISTEL SASSO

AVANT LA SECONDE ÉDITION DES JOURNÉES INTERNATIONALES DU PUR-SANG ARABE ET ANGLAIS, LES 19 ET 20 NOVEMBRE PROCHAINS, SUR L’HIPPODROME DE CASABLANCA ANFA, JÉRÔME LENFANT, DIRECTEUR DES PROGRAMMES DE LA CHAÎNE ÉQUIDIA, QUI RETRANSMET EN DIRECT L’ÉVÉNEMENT, S’EST FÉLICITÉ DU PROFESSIONNALISME DES COURSES MAROCAINES ET DU TRAVAIL DE LA SOREC.

jéRôMe lenfAnT:

«les cOuRses MAROcAInes sOnT cRédIbles» COLOmBES (ÉquIDIA).Jérôme Lenfant, directeur des programmes d’Équidia, se réjouit de la grande qualité et fiabilité des courses marocaines. «nous avons de vraies connections avec le maroc et la SOREC qui sait entretenir une bonne proximité d’échanges. nous sommes toujours à l’écoute de nouveaux partenariats possibles.»


courses hippiques PAR HERVÉ MEILLON, À PARIS

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gé de 59 ans , Jérôme Lenfant est directeur des rédactions des chaines Envidiez depuis 11 ans. Ancien journaliste de la radio Europe 1 et de la télévision Canal +, il est arrivé un peu par le hasard de la vie professionnelle à la tête des chaines Envidiez. Auréolé par l’énorme succès d’audience des épreuves de sports équestres aux JO de Rio «Nous avons retransmis sur notre chaine life l’intégralité de toutes les épreuves équestres. Nous avons été la seule chaine au monde à le faire. Cela a été formidable» dit-il -, Jérôme Lenfant a répondu avec plaisir à nos questions. Il a montré une connaissance étonnante des courses hippiques marocaines et un profond respect pour le travail de la SOREC. Cheval du Maroc.- Pouvez-vous nous parler de votre grille de programmes ? Jérôme Lenfant.- Equidia est en direct 14 heures par jour et de minuit à 4 heures du matin, on est en rediffusion des courses de la journée. Nos présentateurs sont des visages connus du monde de la télévision en ayant bien-entendu une appétence pour le monde hippique. Comment fonctionnez-vous pour accepter la diffusion d’une course ? Avant la diffusion, les commissaires jugent de la régularité des courses, il est donc impératif d’avoir les vidéos. Tout cela pour éviter toute contestation ou abus, vérifier s’il n’y a pas eu de gêne ou que le jockey n’a pas abusé des coups de cravache dans la ligne droite. S’il n’y a pas de soucis, un réalisateur remonte les images afin de donner un spectacle sportif et ainsi proposer une belle compétition aux téléspectateurs. Lorsque la course est en direct nous recevons par satellite les images que nous diffusons ».

COLOmBES (ÉquIDIA).-Équidia a dynamisé son antenne en proposant un nouvel habillage visuel avec plus de plateaux de présentation pour les talks.

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Les courses marocaines entrent-elle dans votre ligne éditoriale? Nos chaînes sont conçues pour les amateurs de sport équestre et surtout pour les parieurs qui font vivre ce sport. Je sais que l’on est suivi au Maroc et les gens qui nous contactent par les réseaux sociaux aimeraient voir plus d’épreuves au Maroc. Il faut savoir qu’une équipe de la SOREC est venue nous voir travailler afin de trouver la meilleure façon de faire les mises en images des courses et ils ont trouvé des manières assez innovantes de filmer qui nous satisfont pleinement et qui sont d’une grande qualité et pas très onéreuses. Le développement des écuries de courses marocaines décidera de l’essor à donner aux courses marocaines sur nos antennes. Retransmettez-vous beaucoup de courses marocaines ? Nous commençons à en retransmettre pas mal. Notre public et les clients du PMU s’habituent à parier sur certaines épreuves et à se familiariser avec les lieux. En général, on retransmet trois réunions annuelles au Maroc. Cela nous est arrivé d’aller sur place pour commenter, à Casablanca, mais souvent on commente depuis Paris. Moi je préfère quand nos commentateurs sont sur place mais cela dépend des budgets. L’approche reste la même, la SOREC nous fournit en amont une couverture télévisée de qualité de l’avant course, des chevaux et des interviews. .

Quels rapports entretenez-vous avec la SOREC ? La SOREC est un maillon fort des courses et du sport équestre en général. Elles sait entretenir de bonnes relations avec la France d’une part et le monde de l’équitation, en général, d’autre part. On peut dire que la SOREC a su transformer et révolutionner les courses au Maroc. D’ailleurs, si les courses marocaines n’avaient pas été professionnelles, le PMU n’accepterait pas que l’on présente des amateurs à ses clients parieurs. C’est clair aujourd’hui que les courses marocaines sont très crédibles et fiables. Et notre public ne s’y trompe pas. Omar Skalli, qui est le directeur général de la SOREC, fait un travail remarquable. Il a foi dans la valeur du cheval. L’hippodrome de Casablanca, que je connais, est merveilleux ! Les haras de El Jadida sont superbes et il n’y a aucun doute sur la qualité des courses. Il y a de vraies connections avec le Maroc et la SOREC entretient une bonne proximité d’échanges. Nous, nous sommes toujours à l’écoute de partenariats possibles. Pouvez-vous nous citer un cheval marocain qui retient l’attention d’Equidia? Si je ne devais n’en citer qu’un seul, je porterais mon attention sur le Billabong! Il s’entraîne régulièrement en France, à Chantilly, chez Pascal Bary et il obtient de bon résultats en France. A noter qu’il y a aussi des entraineurs et des chevaux français qui courent au Maroc.

«la SOREC a su transforMer et révolutionner les courses au Maroc. D’ailleurs, si les courses marocaines n’avaient pas été professionnelles, le PMU n’accepterait pas que l’on présente des amateurs à ses clients parieurs» PHOTO ChRISTEL SASSO

Une passion, deux chaînes !

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quidia est née en 1996 comme chaîne de télévision thématique, spécialisée sur les courses hippiques en France et le monde du cheval. Elle évolue en 2011 vers deux chaînes, Equidia Live et Equidia Life. La « live», la chaîne des courses et la «life» la chaine du cheval, en général. Le groupe est indépendant des groupes traditionnels de télévision et des médias. Equida est diffusée par contre comme toute autre télé par le satellite Canal Sat et les opérateurs traditionnels. Visibles aussi dans les 12 000 points de vente en France du PMU. Elles appartiennent aux sociétés de courses et au PMU (Pari Mutuel Urbain) qui est l’opérateur des chaînes. L’actionnariat est détenu par deux partenaires principaux «France Galop» et «le Cheval français». 55 journalistes travaillent à temps plein pour les deux chaines. Elles viennent de dynamiser en septembre dernier leurs antennes en proposant un nouvel habillage visuel avec plus de plateaux de présentation pour les talks et en renforçant les multiplex. u H.M.


courses hippiques PHOTO m’hAmED kILITO

TIFLET (Écuries karimine).m’hamed karimine et Christophe Lhermitte aborderont la 2e édition des journées internationales du pur-sang arabe et anglais, les 19 et 20 novembre prochains, avec de grandes ambitions, notamment dans la catégorie 3 ans en pur-sang arabe.

Qui décide du choix des courses à retransmettre ? Ce n’est pas Equidia qui décide, nous ne sommes que la vitrine du PMU et des sociétés de courses françaises. C’est à dire que nous retransmettons les courses qui sont proposées en pari aux clients français. C’est le PMU qui fait le choix des courses et notre rôle et de retransmettre les courses. Dès lors, notre équipe travaille à tout connaître sur les chevaux, les entraineurs, les jockeys afin d’être le plus complet possible dans nos renseignements à donner à nos spectateurs et parieurs. Equidia n’intervient pas dans les choix des courses. La SOREC et le PMU discutent régulièrement bien entendu. Le Maroc est également régulièrement présent sur vos antennes à travers la star des sports équestres du Royaume, Kebir Ouaddar....? Vous avez raison et je peux même vous dire que les Français apprécient beaucoup Kébir Ouaddar. C’est un homme qui dégage beaucoup de générosité, de sincérité, de charisme et de joie de vivre. Et ça se voit lorsqu’il est à cheval. Avec Quickly et son entraîneur vedette Marcel Rozier, ils forment vraiment une sacrée équipe. Nos spectateurs adorent le voir car il fait le spectacle avec son merveilleux cheval. u

Christophe Lhermitte: « nos jockeys s’endorment sur leurs lauriers... » PAR J. LAMY

M’

hamed Karimine n’est pas prêt d’oublier le premier Meeting international des courses de pur-sang, organisé en novembre 2015. Vainqueur du Grand Prix SM Mohammed VI du pur-sang arabe avec Al Antara monté par le jockey Julien Augé et du Trophée du Grand Prix des Eleveurs grâce au pur-sang anglais I am there, monté par Jaouad Khayate, l’écurie Karimine est entrée ce jourlà dans la lumière. Elle ne l’a pas vraiment quittée depuis, enchaînant les victoires, au point de lorgner sur le Trophée de la meilleure écurie 2017. Inutile de préciser qu’elle abordera la seconde édition des journées internationales du pur sang arabe et anglais, les 19 et 20 novembre prochains, sur le bel hippodrome de Casablanca - Anfa, avec de très grandes ambitions chevillées aux sabots. Christophe Lhermitte, le volubile entraîneur de l’écurie, a ciblé les objectifs lors de cette compétition qui est déjà devenue une des plus prestigieuses à l’échelon continental. «Il sera très difficile de nous battre dans la catégorie 3 ans en pur sang-arabe» prévient Christophe. «D’ailleurs, j’ai dit à mon patron que si nous étions battus, je rentrerais en France! On aura aussi notre mot à dire chez les 2 ans en pur sang anglais car j’ai pu laisser les chevaux au repos dans l’optique de cette grande épreuve qui est une fierté des courses marocaines.»

Le jockey Zouhair Madihi, qui vient de franchir le cap des cent victoires, sera une des valeurs ajoutées de l’écurie Karimine. «Tout semble lui réussir» confirme Christophe Lhermitte. «A la bagarre, Zouhair est redoutable. Néanmoins, pour devenir un très grand jockey, il doit devenir plus tactique, plus stratégique, presque plus classique. En clair, il doit savoir attendre avant de lancer les hostilités.» Il devrait d’ailleurs y avoir des changements chez les jockeys de l’écurie Karimine. «Des changements, certes, mais surtout de belles surprises» glisse malicieusement Lhermitte, lui-même ancien jockey talentueux, aux 300 victoires. «Les garçons commencent à s’endormir sur leurs lauriers. Ils sont beaucoup moins attentifs qu’avant. Je vais mettre un peu de concurrence pour faire bouger les lignes.» Elles devraient bouger dans les années à venir. «Quand je vois ce qu’on a dans les boxes, je ne suis pas inquiet pour l’avenir» avoue Lhermitte. «Parfois, je rêve de m’endormir et de me réveiller dans deux ans. On possède des pur-sang arabes de 2 ans, nés et élevés au Maroc, qui sont exceptionnels. Ils sont même plus jolis que ceux de l’an dernier. Aujourd’hui, on élève d’aussi beaux chevaux au Maroc qu’en Europe. Il faut se rendre à l’évidence et convenir que nous ne sommes pas armés pour les GrandPrix cette année. Que nos concurrents en profitent, car ça ne durera pas...» u

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hippodrome de marrakech

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REPORTAGE PHOTOS ABDOU MOKHTARI

c’esT un AuThenTIque bIjOu ! 9

CHEVAL DU MAROC A VISITÉ LE CHANTIER DU FUTUR HIPPODROME DE MARRAKECH QUI SERA VRAIMENT UNE VITRINE DES COURSES MAROCAINES ET UNE LOCOMOTIVE POUR LA FILIÈRE ÉQUINE. LA NATURE VERDOYANTE ET LES JOCKEYS SERONT ROIS.

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mARRAkECh.- La piste du futur hippodrome de marrakech est l’objet de toutes les attentions, un sytème de récupération des eaux fluviales ayant été mis en place (photo 1,2, 7 et 3). un restaurant et une régie ultra moderne pour les juges et commissaires (photos 4 et 10) seront une valeur ajoutée du lieu, ainsi que des espaces réservés à l’administration (photo 5). La végétation occupera également une place prédominante notamment pour les accès à l’hippodrome (photos 6 et 8). C’est le Docteur mohamed Chakdi, directeur du haras national de marrakech, ici devant les boxes et l’espace spongieux de présentation des chevaux (photo 9), qui nous a guidés lors de cette visite exclusive.

ans un écrin de végétation luxuriante où la nature sera autant à la fête que les jockeys ou les propriétaires d’écurie de courses, le nouvel hippodrome de Marrakech fait son nid. Posé sur 33 hectares, en bordure de la route d’Agadir, il jouxte le haras national de Marrakech. Il sonne surtout comme une promesse pour toute la filière équine impatiente d’assister à l’inauguration imminente de sa future vitrine. Destiné à abriter l’organisation de 24 courses par année, il sera plus qu’un hippodrome. Il servira de locomotive à toute la filière équine. Ce sera un véritable carrefour du cheval où les spectacles de Tbourida pourront animer les temps morts entre les courses, où le départ de randonnées de tourisme équestre pourra avoir lieu, où un club poney devrait voir le jour. 10 Dans un deuxième temps, un hôtel et cent boxes devraient permettre aux éleveurs européens de transformer l’hippodrome en base d’entraînement très séduisante en hiver quand les frimas de l’autre côté de la Méditerranée contraignent les chevaux à rester aux écuries. Enfin, il convient de préciser que l’ensemble a été conçu dans une belle harmonie du respect du développement durable avec, par exemple, un ingénieux système de récupération des eaux fluviales. u

J.L


club cheval PAR JÉRÔME LAMY, (À MARRAKECH)

jéRôMe bédOueT, l’expeRTIse Au seRvIce du sAuT d’ObsTAcles ANCIEN CAVALIER DE L’ÉQUIPE DE FRANCE DE CONCOURS COMPLET, JÉRÔME BÉDOUET A POSÉ SES ÉCURIES, AU RANCH DE MARRAKECH. RENCONTRE AVEC UN PASSIONNÉ QUI COMPARE L’ÉQUITATION À L’ÉCOLE DE LA VIE AVEC SES RÈGLES ET SES VALEURS. ET QUI AMBITIONNE DE TRANSFORMER SON CLUB EN LIEU D’ÉCHANGES... u milieu de ses écuries, il est droit comme un «i». Il claudique, avec élégance à la manière d’un colonel qui rentre du front. Son sourire et son regard sont ceux d’un séducteur dont on imagine qu’il a dû avoir son heure de gloire. Avec ses élèves, il manie davantage la rigueur que la raideur. Et, à cheval, il est d’une souplesse absolue épousant l’animal comme le gant habille la peau. Jérôme Bédouet est surtout un rescapé. En 2000, il est à deux doigts de perdre sa jambe gauche broyée par sa jument. Le chirurgien veut abdiquer. Jérôme ne sait pas s’il en récupérera, un jour, l’usage. Il s’obstine et le convainc d’essayer des greffes. Miracle: l’os se reconstitue. «J’ai une jambe nevrectomisée, plus courte que l’autre, je n’ai pas de péroné mais je marche, je cours et surtout je monte à cheval» dit Jérôme qui était membre de l’équipe de France de concours complet, entraîné par ierry Touzaint, au moment de l’accident. Pour retrouver le moral, il perd le nord et prend la route du Sud en direction... du Maroc. En fait, il répond à l’invitation de Kebir Ouaddar qui lui propose de se reposer chez lui, à Rabat, aux cotés de sa femme Noëlle et sa fille Soukaina. Jérôme accepte. Ce sera un aller simple. Il se reconstruit à base de bonheurs simples de la vie et des éclats de rire de Kebir qu’il avait connu, en 1997, quand la star marocaine était en stage chez Philippe Rossi au Boulerie-Jump, au Mans. C’est justement dans la Sarthe, près du Mans où il est né en 1973 que Jérôme Bédouet découvre le cheval à l’âge de 14 ans. «Un club équestre venait d’ouvrir dans la commune d’Allones située à une dizaine de kilomètres de chez moi» se souvient Jérôme. «Comme je suis curieux, je suis allé visiter. Et j’ai été piqué par le virus.» Entre le papa, agent SNCF, et la maman, assistante maternelle, rien ne le prédestinait à entrer en communion avec le monde équin. «Même si mon oncle élevait des trotteurs» précise celui qui travaille dans les écuries comme palefrenier ou assure l’accueil des clients pour suivre des cours en échange de sa bonne volonté manifeste et de son envie évidente.

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Jérôme ne se contente pas d’afficher une motivation chevillée au corps. Il a un talent naissant et une précocité étonnante. A 15 ans, il achète son premier cheval. Et, un an plus tard, il honore sa première sélection en équipe de France de concours complet, à Marly-le-Roi, lors des championnats d’Europe juniors. Pas forcément adapté à la scolarité, plus manuel qu’intellectuel, le beau gosse se dirige très vite vers une formation professionnelle en architecture d’intérieur, restauration de meubles et ébénisterie. Mais c’est surtout l’école Laurent Bousquet, aux Écuries du Laurier à Teloché, toujours dans la Sarthe, qui monopolise son énergie et ses rêves. Au contact de celui qui deviendra entraîneur de l’équipe de France, il va les réaliser. «J’ai eu la chance d’intégrer les écuries de cette grande référence du sport équestre» confie Jérôme Bédouet. Il y fait sa formation, y rencontre sa femme Corine, cavalière elle aussi, avec qui il aura deux beaux enfants Nicolas et Hugo, après avoir fait l’armée au Bataillon de Joinville, à Fontainebleau, puis au Prytanée national militaire, près de chez lui, à La Flèche, où il deviendra l’instructeur équestre de ce lycée militaire. Il deviendra surtout très rapidement propriétaire d’une écurie, fidèle à la précocité qui est sa signature. Avec Corine, il crée les Écuries du Port-d’Avoise. Il réussit à marcher sur deux jambes, sans mauvais jeu de mots, avec d’un côté le développement économique du club et de l’autre l’ambition d’une carrière sportive en concours complet mais aussi en CSO notamment avec les jeunes chevaux. C’est à cette période qu’il croise, pour la première fois la route d’un certain Ouaddar, au gré des concours. C’est aussi à ce moment qu’il rencontre François Fillon, l’ancien Premier Ministre , voisin de Pont d’Avoise dans son fief électoral de Sablé. Il sympathise avec Pénélope, l’épouse galloise de ce dernier, passionnée de cheval, qu’il aide pour ses élevages.

Avant son terrible accident, Jérôme Bedouet coule des jours heureux sans répondre aux questions existentielles qu’il ne se pose pas encore. «J’étais heureux, épanoui, reconnu» confie-t’il. «Je fréquentais l’équipe de France par intermittence, et ça suffisait à mon bonheur. Dire que je suis tombé de très haut après l’accident quand les sponsors et les clients sont partis est un euphémisme. On peut parler de dégringolade.» C’est donc au Maroc qu’il se relèvera. Les Marocains n’ont pas leur pareil, avec leur chaleur humaine et leur ancestral sens de l’accueil, pour tendre la main aux gens qui souffrent dans leur chair et dans leur âme. C’est le cas de Jérôme Bédouet. Pas étonnant qu’il voue «une reconnaissance totale à ce peuple unique.» C’est d’abord le Colonel Mozat, ancien responsable des cavaliers de la garde royale, qui lui fait part de l’intérêt à son endroit de l’institution Dar Es Salam où il devient enseignant instructeur pour la Fédération Royale Marocaine de Sports Équestres, de 2006 à 2009. Le contrat à Dar Es Salam se termine en même temps que son mariage. Frappée par le mal du pays, Corine rentre en France. Jérôme affronte une nouvelle épreuve, seul, loin de ses enfants. C’est Chafiq Benkhraba, le papa de la cavalière internationale marocaine Leina, qui lui ouvre la porte de ses écuries, à Rabat, et la chaleur du domicile familial avec son épouse Mouna. «Je remercie la famille Benkhraba de m’avoir permis de rebondir» confie pudiquement Jérôme qui décide néanmoins de prendre la route de Marrakech où il pose ses valises et ses chevaux au Royal Club Équestre.

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ÉCuRIE JÉRômE BÉDOuET (marrakech).mehdi au galop sur le fameux Chouchou, adorable cheval arabe-barbe.


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PHOTOS ABDOu mOkhTARI ÉCuRIE JÉRômE BÉDOuET (marrakech).- Jérôme Bédouet, n’hésite jamais à donner de la voix (photo 2). Il est fier de ses élèves prometteurs comme medhi (photo 1). Salma (photos 3 et 4) qui apprend le saut d’obstacles pour marcher sur les traces de son modèle kebir Ouaddar et nell (photo 5), qui n’oublie jamais de laver ses chevaux, sont deux futures championnes.

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club cheval Aussi réussie soit-elle, l’expérience n’emballe pas forcément Jérôme qui décide, en 2013, de migrer à l’Ouest de la Ville Rouge, au kilomètre 14 de la route de Fès et d’installer les Écuries Jérôme Bédouet au Ranch de Marrakech. Il veut un positionnement fort sur le sport équestre et s’imagine comme une pépinière de champions en misant sur sa crédibilité, son expertise d’entraîneur et son passé de champion. «On ne fait pas de la garderie» prévient Jérôme qui donne de sa personne lors des cours qu’il ne délègue presque jamais. «Je n’ai pas envie de promener des gens autour de la carrière juste pour faire rentrer de l’argent. Ça ne m’intéresse pas. L’idée, c’est vraiment de former les gamins et les chevaux aux loisirs ou à la compétition, sachant qu’il y a des passerelles entre les deux.» Surtout, ce meurtri de la vie rêve de ses écuries comme des lieux d’échange, de vie plus des lieux dédiés à la seule équitation. «Il manque à Marrakech une structure qui permette aux parents d’attendre leurs enfants dans un cadre agréable avec des prestations basiques de petite restauration» dit celui qui peut compter sur Nicolas et Sandrine, un charmant couple suisse, parents de la petite Nell, future championne dont Jérôme s’occupe presque quotidiennement. «C’est un cadeau inespéré» glisse Jérôme. «Bien sûr, ils s’investissent pour leur fille. Mais ça rejaillit sur tout le club. Il vont se consacrer à l’accueil pour recevoir nos clients dans les meilleures conditions et offrir quelque chose de différent. En tout cas, une nouvelle fois, je vis une aventure humaine inattendue et surprenante.» Jérôme ne compte ni les heures, ni l’énergie dépensée. Il se donne corps et âme pour ce métier, pour cet animal et pour ses clients. «Si ça peut rendre les gamins heureux, ça n’a pas de prix» avoue-t-il, très sincère. «On parle beaucoup du rugby mais l’équitation est aussi une école de la vie avec ses codes, ses valeurs, notamment le respect des autres, des consignes, du cheval, des règles. C’est évidemment formateur. Quand il le faut, je n’hésite pas à être sévère. J’ai raison de le faire pour l’éducation et l’avenir de ces enfants. Un cavalier est avant tout un homme sur un cheval. C’est la vraie vie qu’on vit sur un cheval.» Sa vie, malgré les hauts et les bas qui escortent ses pas saccadés, il n’aimerait pas la changer. Il est heureux, route de Fès, au milieu d’une écurie de quarante boxes qui ont déjà séduit plus de cinquante adhérents et occupent à temps plein un autre enseignant, deux palefreniers et une secrétaire. Il rêve de retrouver la compétition à l’occasion du Morocco Royal Tour, l’année prochaine, sur son cheval Orry d’Oriol, lui aussi remis de blessure. «Je dois être le moteur et l’exemple pour tous ces jeunes qui ont décidé de se lancer dans cette merveilleuse aventure qu’est le saut d’obstacles» dit Jérôme. Il sait de quoi il parle. Les obstacles, il connait. Il les a toujours surmontés... u

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PHOTOS ABDOu mOkhTARI

ÉCuRIE JÉRômE BÉDOuET (marrakech).- Aimé par ses élèves, comme la petite khadija (ci-dessous) qui rentre aux écuries, et habité par son métier, Jérôme Bédouet étonne par sa faculté à transmettre sa passion et son expertise.

«L’équitation est l’école de la vie. Un cavalier est un homme sur un cheval. C’est la vraie vie qu’on vit sur un cheval.»


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