Futurs Grenoblois 2017 - 1er numéro

Page 1


Premier numéro, coup d’essai, de ce qui sera peut-être un des incontournables de la métropole grenobloise. Ce magasine est une aventure, menée par l’équipe d’Xpression, association de journalisme et de littérature. Nous avons plongé nos regards pluriels dans la boule de cristal qu’est l’écosystème d’innovation de Grenoble, et nous en avons extrait quelques beaux exemples pour inspirer chacun des lecteurs. Nous espérons donc que ce numéro vous plaira, surtout, nous avons besoin de vous, de vos retours, nous voulons participer avec vous à cette effervescence, à ce bouillonnement qui anime le chaudron d’où émergeront des futurs magiques. Charles Bazin, Président d’Xpression

RÉDACTRICE EN CHEF

MAQUETTISTE EN CHEF

Maela Vincent

Emeline Mauchaussé

REPORTERS

MAQUETTISTES

Anne-Clothilde Grivet-Sebert

Chloé Halot

Théo Laurent

Maxime Lebrun

Charlotte De Verdière

Antoine Boulet

Clara Laugner


4-5

24 - 26

Grenoble, Silicon Valley à la française

Les normes environnementales, un danger pour l’innovation ?

6

27 - 29

Une petite histoire de l’innovation

Progrès, santé, éthique

7

30 - 32

Le Festival de l’entrepreneuriat

L’exosquelette au service de l’homme

8 - 13

34 - 35

IncubaGem, une opportunité à saisir

Le cinéma à l’ère 2.0

14

36 - 37

99% d’échecs

Architectes du futur

15

38 - 39

Créer ou innover

Le festival de géopolitique

16 - 17

40-42

Mantras en inventions

Mandrin Business Model

18 - 20

44 - 47

Manager avec les philosophes

Sport: toujours plus vite !

21 - 23

48 - 51

Interview de Loïck Roche

Glisser sur la nouveauté


DOSSIER grenoble, silicon valley à la française ? Par Maxime Lebrun

2

ème telle est la position de notre chère agglomération grenobloise dans le classement des villes les plus innovantes d’Europe selon la Convention de l’innovation organisée les 10 et 11 Mars 2014. Selon Forbes la même année, Grenoble est également considérée comme la 5ème ville la plus innovante du monde. Nous nous trouvons donc dans un lieu riche en innovation mais que se cache-t-il derrière un tel succès ? Être une référence sur le plan de l’innovation aujourd’hui n’est pas chose aisée. Et si Grenoble parvient à l’être, c’est premièrement grâce à une histoire récente qui va pleinement dans ce sens. La principale source de cette réussite actuelle se trouve dans les années 1950. A cette date, on retrouve ce qu’on appelle a posteriori la rencontre des 3 Louis d’or : Merlin (co-fondateur de Merlin-gerin futur

4

Schneider Electrics), Néel (enseignant chercheur pionnier de la physique grenobloise ce qui lui valut le prix Nobel de physique en 1970) et Weil (physicien spécialisé dans les basses températures). Ces trois génies ont contribué au rapprochement de l’industrie, de la recherche et de la formation. Ils sont alors, avec plus de 50 ans d’avance sur leur temps, en train de créer une sorte de pôle de compétitivité au sein de la capitale des Alpes. Ajoutons à cela l’exemple de Jean Kuntzmann. Ce mathématicien de formation est à l’origine du développement de l’enseignement et de la recherche en mathématiques appliquées et en informatique à Grenoble. Il a notamment fondé l’ENSIMAG et l’IMAG sur le campus de SaintMartin-d’Hères où il mit en place le premier ordinateur digital en 1951. Et l’on obtient alors des bases très solides pour faire de Grenoble la future Silicon Valley à la française.


DOSSIER Mais pour arriver à un tel résultat, il fut et reste nécessaire d’entretenir et de solidifier ces fondations pour parvenir à un écosystème favorable à la recherche et à l’innovation. Or dans ce registre Grenoble apparait comme un véritable exemple. En effet, chaque institut d’enseignement grenoblois a cette particularité d’être tourné vers l’innovation en tout genre. MINATEC, campus d’innovation en micro et nanotechnologies, est un campus unique en Europe avec 3000 chercheurs, 1200 étudiants et 600 industriels, comme Schneider Electrics par exemple, qui travaillent ensemble pour créer une synergie propice à l’innovation. Grenoble Ecole de Management est également de la partie. En effet, elle se distingue des autres écoles de commerce françaises via l’importance donnée à l’innovation dans son programme. Que ce soit dans les manières d’enseigner : gamification des cours, classes inversées… ou par les nombreuses études et recherches qui y sont effectuées par les 8 équipes destinées à cette tâche dans des domaines tels que le comportement du consommateur ou le management des nouvelles technologies entre autres. Sans oublier les différentes écoles d’ingénieurs présentes dans la région (INP, Polytech). Nous sommes ainsi face à un environnement où se côtoient des professeurs-chercheurs compétents et des étudiants aux dents longues : le cocktail parfait de la réussite. Et justement les résultats sont là pour nous le prouver puisque l’Isère, en grande partie portée par Grenoble, demeure aujourd’hui le 1er département français en nombre de brevets déposés par habitant. Et ceci se ressent au quotidien dans l’agglomération iséroise. Outre le développement massif des transports en commun et des voitures électriques en autopartage, Grenoble représente également une des villes françaises les plus accessibles pour les personnes à mobilité réduite avec des transports adaptés, des logements spécialisés... Ceci témoigne de la connexion qui existe entre la recherche, l’innovation et le quotidien des habitants grenoblois.

De plus, les progrès semblent bien loin d’être sur le déclin. En atteste le développement constant du Campus GIANT (Grenoble Innovation for Advanced New Technologies) dans le quartier de la Presqu’ile où les principaux acteurs de la région s’associent pour être les développeurs des prochaines ruptures technologiques. Les différents collaborateurs sont prestigieux : CNRS, GEM, INP, Schneider Electrics, STMicroelectronics… et ont pour objectif commun de répondre aux grands enjeux sociétaux dans le domaine des technologies de l’information et de la communication, de l’énergie et de la santé. Les perspectives d’avenir y sont prometteuses, puisqu’à terme ce sont 10 000 emplois qui devraient être créés par ce campus qui pèse déjà pour plus de 4,1 millions d’euros dans la balance commerciale de la ville grâce à ses quelques 500 brevets déposés à l’année. Ainsi, l’avenir innovant de l’agglomération grenobloise s’annonce radieux et devrait en faire la véritable capitale de l’innovation dans l’hexagone sur le modèle de la Silicon Valley.

Quelques chiffres... 2e ville la plus innovante d’Europe 3000 chercheurs rien que sur le campus Minatech 1er département français en nombre de brevets déposés par habitants 10 000 emplois créés par GIANT

5


DOSSIER une petite histoire de l'innovation Par Maela Vincent Le monde entier la recherche sans fin, comme si notre vie en dépendait, mais l’innovation n’a pas toujours eu le même succès !

A

ujourd’hui, l’innovation est élevée au rang de Saint Graal. C’est simple, elle est associée à toutes les entreprises ayant le plus de succès. Des noms comme celui d’Apple, qui domine le marché du smartphone en proposant régulièrement des produits toujours plus « intelligents », nous viennent immédiatement en tête. Tout est mis en œuvre pour l’atteindre : des technopôles fleurissent partout (on en dénombre plus de 30 en France), alors que des business angels financent les projets les plus innovants et les plus rentables. Car c’est bien cette équation qui domine dans les esprits : innovation=revenu élevé. Elle est devenue si prégnante, si réelle, que nous peinons à imaginer qu’elle ait pu être contestée.

Grâce à l’économiste Joseph Schumpeter, dont les thèses se concentrent presque exclusivement sur ce sujet, cette image s’est ensuite embellie pour devenir le mythe que nous en avons aujourd’hui. Il soutient ainsi que l’innovation est vitale non seulement à une économie, mais également à une société. En effet, celui qui innove saura s’adapter au monde qui évolue autour de lui. Pour l’entreprise, cela permet également de dominer et de pouvoir influencer les règles du jeu. Plus elle innove, plus elle dispose d’une longueur d’avance sur ses concurrents. Ces derniers peuvent difficilement offrir des produits aussi développés. Cependant, les innovations remplacent parfois des technologies plus Pourtant, dans les années 1830, anciennes. Il s’agit du phénoc’est bien elle qui est visée par mène de destruction créatrice, la révolte des Canuts à Lyon. dont ont été victimes les canuts Joseph Schumpeter Suite à l’introduction de nouvelles dans les années 1830. Dans machines, ces ouvriers protestèrent contre cellescette situation, des industries entières disparaissent, ci, accusées de leur « voler leur travail », allant jusqu’à de même que les emplois qui y sont liés, pour faire briser ces machines. Dans cet exemple, ce sont les place à de nouvelles technologies, qui elles-mêmes ouvriers qui se retrouvent victimes de l’innovation. vont créer de nouveaux emplois. Le développement Leur savoir est en quelque sorte devenu obsolète avec des DVD illustre parfaitement cette transition. Les DVD l’arrivée des machines. ont peu à peu remplacé les VHS, qui sont aujourd’hui inutilisées, créant de nouveaux emplois et de nouveaux besoins : de nouveaux lecteurs ont été nécessaires, la retranscription des films sur DVD également…

6


DOSSIER le festival de l'entrepreneuriat Par Maela Vincent Le 30 mars 2017 sonne le lancement de la sixième édition du festival de l’entrepreneuriat, organisée par l’association Gem Entreprendre.

D

evenu un rituel, le festival de l’entrepreneuriat prend place chaque année depuis 6 ans à Grenoble Ecole de Management et vise à promouvoir l’entrepreneuriat, non seulement auprès des étudiants, mais également auprès d’un public non initié et sensibilisé aux thématiques qui y sont liées. Ainsi, durant toute la journée, pas moins de sept ateliers et tables rondes se succèdent pour aborder différents aspects de l’entrepreneuriat, tels que l’entrepreneuriat au féminin, l’attrait de l’Asie pour les start-ups ou encore les relations entre startups et grandes entreprises. En parallèle, un atelier de codage pour entrepreneurs est organisé, avant que ne débute le concours de pitchs. Ce dernier voit s’affronter plusieurs entrepreneurs, qui auront au préalable préparé leur présentation avec l’aide de développeurs. Une occasion pour eux de recevoir une aide financière leur permettant de développer plus aisément leur projet.

L’enjeu de cet événement festif n’en est pas pour autant sans importance. Il s’agit certes de promouvoir l’entrepreneuriat, mais surtout de rétablir la vérité sur de nombreux a priori concernant l’entrepreneuriat. « Pour créer son entreprise, il faut d’abord avoir une idée », « pour entreprendre, mieux vaut avoir une certaine expérience et ne pas le faire juste après l’école » … Telles sont les appréhensions auxquelles répondent durant toute la durée de l’événement les étudiants de l’association Gem Entreprendre, à l’origine de cet événement. Cette association, constituée d’étudiants en master spécialisé Entrepreneuriat à Grenoble Ecole de Management a également pour objectif de promouvoir ce master, classé parmi les meilleurs dans sa catégorie. C’est en échangeant avec ces étudiants, qui ne manquent pas d’exemples de success stories, que l’on se rend compte qu’entreprendre demande certes beaucoup de détermination et de travail, mais que ce travail n’est jamais inutile !

7


DOSSIER incubagem, une opportunité à saisir Par Théo Laurent et Anne Clotilde Grivet-Sebert

Q

uelle école de commerce n’a pas son incubateur aujourd’hui ? L’association d’un institut soutenant les entrepreneurs et des écoles de commerce semble être une évidence. Avec les déclarations de Loïck Roche, directeur de Grenoble École de Management (GEM), sur les engagements sociétaux de l’établissement, difficile de concevoir une ESC comme une usine à technocrates. GEM a été créée en 1984 pour être au service des entreprises et poursuit depuis cette date de nombreuses ambitions qui peuvent paraître extérieures au « monde de l’entreprise », qui n’est autre qu’une part de notre monde à tous, si on y réfléchit bien. Alors se doter d’un incubateur, encourager des entrepreneurs et des étudiants inspirés à se lancer dans la création d’entreprises voire la concrétisation d’idées bienfaisantes, ça peut sembler être le minimum que puisse faire un école de commerce ! Pourtant IncubaGEM, l’incubateur de GEM n’existe que depuis 2011 : il a succédé au Hall de l’entrepreneuriat, fondé en 1996. En 6 ans, il a déjà incubé plus de 200 start-ups, créant plus de 300 emplois ces dernières années.

« En 6 ans, il a déjà incubé plus de 200 start-ups » IncubaGEM, comment ça marche ? Toi lecteur qui es peut être intéressé par cette mystérieuse boîte noire qu’est l’incubateur, tu te demandes comment ça fonctionne ? A qui est-il destiné ? Alors ne perds pas le fil de ta lecture !

8

Un Incubateur comme celui de GEM repose sur un principe: ensemble on fait mieux que tout seul. Concrètement cela signifie que même si les jeunes pousses sont souvent fondées par une, deux ou trois personnes, l’accompagnement dont ils bénéficient dans l’incubateur est essentiel. Même si les entrepreneurs ne le mentionnent que très rarement dans la presse, l’incubateur apporte un soutien matériel (locaux, boîte au lettre, bureaux, etc...) mais aussi un accompagnement personnalisé. De fait, à IncubaGEM des experts dans de multiples domaines (comptabilité, droit, propriété intellectuelle, marketing, financement...) sont disponibles pour assister les entrepreneurs qui n’auront jamais le temps d’être experts en tout ! Leur aide est donc précieuse pour anticiper les risques, la législation, les tendances de consommation ou la maîtrise des technologies. En bref subvenir aux besoins de la jeune pousse. Enfin, le simple fait d’être dans un environnement où l’on crée des entreprises et où l’on peut confronter nos idées pour les consolider est un gain qu’on ne peut négliger ! D’ailleurs l’application « IncubaGEM » sur smartphone permet de découvrir et soutenir des projets incubés.


DOSSIER Une start-up incubée : l’exemple de Homunity Créée en 2014 par Quentin Romet et Arnaud de Vergie, Homunity est une plateforme de crowdfunding immobilier. Le concept? Des promoteurs immobiliers proposent à des particuliers de financer leurs programmes. En ligne, le particulier suit les avancées de la construction du projet. Homunity permet de se constituer

un patrimoine immobilier. Un ou deux ans plus tard, si le chantier n’a pas rencontré de problèmes et que le budget a été respecté, le particulier est remboursé et touche ses intérêts. Est-ce un succès ? Oui puisque Homunity a été élue startup GEM de l’année 2016 !

Une grande diversité de start-ups incubées à GEM parmi lesquelles :

9


DOSSIER En quelques chiffres, IncubaGEM, c’est :

54

start-ups incubées actuellement

8

21

dans les murs

nouveaux projets

46

125

hors murs

134

personnes au total

10

start-ups incubées depuis 2011

40%

taux de création


DOSSIER Les étudiants du master spécialisé en entrepreneuriat contribuent directement à la gestion d’IncubaGEM. Interrogeons les étudiants du master spécialisé Entrepreneurs. Interview avec Anthony Levavasseur, Lauriane Pannier, Wacil Ben Messaoud et Ibrahima Diack. Comment et pourquoi l’incubateur de GEM a-t-il été créé ? Qu’est-ce qui a changé par rapport au Hall de l’entrepreneuriat ?

expérimentées dans un domaine précis. Par ailleurs, Incubagem dispose de locaux mis à disposition gratuitement pour les entrepreneurs incubés.

L’incubateur de GEM a été créé en 2011 car il représente l’une des trois valeurs prônées par notre directeur Monsieur Jean François Fiorina. L’entrepreneuriat à GEM fait partie des valeurs importantes qui participent à la renommée de l’école, en plus de l’innovation et de la géopolitique. Aujourd’hui l’accompagnement est assuré par une équipe énergique qui permet de faire de l’incubateur une place rêvée pour entreprendre.

Quel est le rôle du Master spécialisé en entrepreneuriat et de ses étudiants dans l’incubateur ?

Quelle relation IncubaGEM entretient avec l’école en terme de financement et d’organisation ? Grenoble Ecole de Management investit chaque année près de 130 000€ au sein d’Incubagem. L’école soutient cette structure qui lui permet d’accroître sa notoriété entrepreneuriale sur le territoire national. Ainsi, avec le soutien de Grenoble Ecole de Management, Incubagem propose des « rendez-vous experts » aux incubés qui s’organisent sous forme d’entretiens d’une heure ou d’une heure et demie. Ces séances permettent aux incubés d’être accompagnés par des personnes

Nous sommes quatre étudiants du Master Spécialisé Entrepreneurs (MSE) à gérer l’Incubateur tout au long de l’année scolaire. Nous sommes en charge du recrutement des incubés (études des dossiers de candidature, gestion des entretiens au vu de l’acceptation ou du refus du candidat). Nous sommes accompagnés de deux encadrants du MSE : Jean-Claude Lemoine, ancien banquier aujourd’hui directeur de l’institut de l’entrepreneuriat et Martine Martinez, coordinatrice de projet au sein de l’institut de l’entrepreneuriat. Par ailleurs, comme je l’ai évoqué, certains de nos entrepreneurs travaillent au sein de nos locaux. Nous sommes en charge de l’animation de l’incubateur où nous proposons des déjeuners mensuels. Ces évènements font l’objet d’un thème défini que nous abordons avec un expert de l’école. Par exemple, lors de notre dernier évènement, animé par M.Lemoine nous avons abordé la question suivante : «Comment convaicre son banquier?»

11


DOSSIER Pourquoi des étudiants se lancent-ils dans l’entrepreneuriat ? Aujourd’hui, il existe un véritable engouement des étudiants pour l’entrepreneuriat. Nous pensons que notre génération voit le travail non pas comme une activité mécanique régit par des règles lourdes, mais comme une aventure personnelle où nous sommes garant d’une certaine liberté. Attention, nous ne disons pas que les étudiants souhaitant devenir entrepreneur le font pour être libres : entre les banques, les clients, les fournisseurs, les employés… il est difficile de se sentir libre en subissant tant de pression. Toutefois, l’entrepreneur peut exprimer une vision qui lui est propre sur un secteur d’activité qui le passionne. Ainsi, nous pensons que les étudiants rêvent d’un métier aux couleurs multiples qu’ils trouvent dans l’entrepreneuriat.

« Les étudiants peuvent soumettre un projet de création d’entreprise à IncubaGEM dès la première année. » A quoi est dû la réputation de IncubaGEM ? (deuxième dans le palmarès de l’Express en 2012) Le palmarès de l’Express a classé les incubateurs selon le nombre d’entreprises créées à la sortie de l’incubateur. Or, l’entrepreneuriat à GEM est très valorisé. Ainsi, les étudiants peuvent soumettre un projet de création d’entreprise à IncubaGEM dès la première année. Certains effectuent leurs stages et leur année de césure au sein de leur projet. En dernière année, ils peuvent rejoindre le Mastère Spécialisé Entrepreneur de GEM qui est toujours dans le top 3 des Master Entrepreneuriat en France ! Enfin, le couloir associatif est très développé à GEM : les étudiants peuvent ainsi intégrer des associations entrepreneuriales telles que GEMEntreprendre ou Impact pour l’entrepreneuriat social.

12

IncubaGEM n’a que 6 années d’existence mais cet incubateur a déjà connu une forte croissance, et ce n’est que le début ! Comment IncubaGEM sélectionne-t-il les entrepreneurs ? Quel est l’intérêt de cette sélection ? L’incubateur accueille-t-il des entrepreneurs extérieurs à GEM ? Qui sont-ils ? Nous organisons deux sessions de recrutement chaque année : une en octobre et une en avril. Pour pouvoir postuler, au moins un membre de l’équipe doit être étudiant ou diplômé de GEM. Nous avons donc plusieurs types de profils : de l’étudiant à GEM au diplômé des premières promos de GEM qui souhaite créer une entreprise pour sa deuxième partie de carrière. Le recrutement s’effectue en deux étapes : • Tout d’abord, le candidat doit nous envoyer un dossier de candidature (pour la prochaine campagne, la deadline est le 30 avril 2017). L’objectif est de comprendre le projet de création d’entreprise et son état d’avancement. Avant toute chose, nous évaluons la réflexion du porteur autour de son projet ainsi que son aspect innovant. Une première sélection est ainsi effectuée. • Si le projet a été sélectionné, le candidat est convié à un entretien avec toute l’équipe d’IncubaGEM. Lors de cet entretien, nous utilisons pour cela une grille d’évaluation : idée, potentiel de développement, faisabilité, prise en compte du marché et des concurrents, pertinence du modèle économique, estimations financières… mais nous évaluons avant tout l’équipe, leur capacité à mettre en œuvre le projet et leurs besoins d’intégrer Incubagem. Ainsi, tous les six mois, une nouvelle vague d’incubés arrive en même temps! Nous organisons une soirée de lancement de la nouvelle promotion. Cela permet de créer des liens entre anciens et nouveaux incubés.


DOSSIER A quels réseaux donne accès l’incubateur ? L’incubateur donne accès à un réseau d’experts dans différents domaines, qui couvrent l’ensemble des besoins des entrepreneurs. En effet, cela va de l’expert financier et comptable, de la personne experte en droit des sociétés, à des experts en lean start up ou des experts en industrialisation de produits, etc. L’éventail des experts est donc assez large pour permettre aux incubés de profiter au maximum de leur aide pour des sujets larges ou spécifiques. Comment les experts interviennent-t-ils dans le développement des start-up ? Les start up et projets incubés peuvent choisir un mentor qui va les suivre pendant leur incubation. Ensuite, ils ont aussi à leur portée plus d’une trentaine d’experts tous reconnus dans leur domaine. Lorsqu’une start up a besoin d’aide, elle utilise un « chèque expert » d’une heure ou d’une heure et demi et choisit l’expert dont elle a besoin en fonction de ses compétences.

Quelles sont les difficultés récurrentes que rencontrent les entrepreneurs ? Le nerf de la guerre est le financement car des idées les entrepreneurs n’en manquent jamais ! La création d’un business plan est souvent plus aisée que la levée de fonds qui est un véritable parcours du combattant qui requiert abnégation et persévérance. L’incubateur a-t-il aujourd’hui des projets particuliers ? Actuellement nous travaillons activement pour le festival de l’entrepreneuriat qui aura lieu le 30 mars à Grenoble Ecole de Management. Une association de notre master, GEM ENTREPRENDRE est en charge de cet événement et nous les accompagnons dans la promotion d’INCUBAGEM. Le 30 mars vous allez pouvoir assister à des conférences d’entrepreneurs reconnus, participer au village du festival où seront mis en avant des start-up aux concepts innovants et échanger avec des passionnés de l’entrepreneuriat. On vous attend donc nombreux.

Cher lecteur, tu souhaites vivre l’aventure entrepreneuriale ? Alors n’hésite plus, contacte l’incubateur par mail, incubagem@grenoble-em.com ou sur Facebook !

13


DOSSIER 99% d'échecs Par Chloé Halot Comme le disait James Joyce, « Les erreurs sont nos portails vers la découverte ».

E

n effet, beaucoup des grandes innovations de l’histoire sont issues d’échecs. Par exemple, la pénicilline, les pacemakers ou les plastiques comme le polyéthylène et ses isomères sont des résultats d’erreurs. En revanche, d’autres innovations ont été des échecs comme la nouvelle recette de Coca-Cola en 1985. Comme le dit le fondeur de Honda, « le succès est fait de 99% d’échecs ». Pour cela, il faut comprendre que l’innovation est comme la science, la médecine… : il y a des possibilités de faux

négatifs ou de faux positifs. Par exemple, un faux négatif est lorsque le docteur pense que son patient est sain alors qu’il est en réalité fatalement malade et qu’un traitement est nécessaire. Dans ce cas il est préférable d’effectuer un traitement. Un exemple de faux positif serait un juge qui condamne une personne à la peine capitale. Dans ce cas-là, il est préférable d’éviter de prendre action tout de suite. Pour mieux comprendre, voilà une matrice explicative :

Les innovations ratées (fausses positives) poussent à un risque qui n’est pas nécessaire, elles sont souvent pénalisées bien plus que les opportunités ratées (fausses négatives). Les exemples d’échecs en innovation sont nombreux et communs. On peut parler des personnes qui ont voulu changer la recette de Coca-Cola, de celles qui ont poussé toutes les personnes sous IOS (le système d’exploitation Apple) à utiliser Apple Maps, toutes ces personnes à l’origine des innovations ont été renvoyées après leur erreur. Au lieu de voir ces innovations ratées (fausses positives) comme des échecs, il faut pousser les compagnies à les voir comme des indicateurs de la présence de l’innovation dans la culture d’entreprise. En effet, beaucoup d’entreprises sont devenues des machines à tuer les idées où seuls les projets les plus sûrs voient le jour.

Pour pousser à l’acceptation des erreurs et les rendre profitables, il ne faut jamais arrêter de faire des expériences et comprendre pourquoi certains projets échouent et apprendre de ces erreurs. Il est aussi important d’accepter de faire certains choix à haut risque qui peuvent plus tard se montrer fructueux. De plus, il a été remarqué que les entreprises qui diversifient les canaux de feedback ont plus de données et d’avis sur lesquels baser leurs décisions. Pour terminer, les organisations ne pourront jamais suivre la vitesse des changements du marché si elles refusent de prendre des décisions à haut risque et laissent une place très restreinte aux échecs. Les entreprises doivent avoir une culture poussant à saisir des opportunités même si elles ne sont pas toujours fructueuses. C’est seulement en suivant ces directions que les entreprises pourront réunir toutes les conditions rendant possibles des innovations à succès.

14


DOSSIER créer ou innover Par Chloé Halot Les mots innovation et créativité sont souvent utilisés ensemble, on les entend dans toutes les séances de brainstorming. Ces mots sont utilisés dans tous les CV et lettres de motivations. Ils sont utilisés ensemble voir comme synonymes. Mais veulent-ils vraiment dire la même chose ?

S

hawn Hunter définit la créativité comme la capacité de concevoir quelque chose d’original et inhabituel. En revanche il définit l’innovation comme la création de quelque chose qui a de la valeur pour les autres. Depuis ces définitions, on peut comprendre que ce sont deux choses bien différentes, en effet la créativité n’est pas l’innovation, la créativité est un acte abstrait de l’esprit alors que l’innovation est plus risquée et coûteuse car elle est matérielle. L’innovation ne doit pas être vue comme un grand mystère, parfois il s’agit de changer quelques petites choses pour avoir une grande innovation. Par exemple, un des premiers Starbucks en Californie voulait inventer une nouvelle recette et quand ils l’ont présentée au siège, le siège a dit non. Quelques années plus tard dans le même Starbucks, un des employés découvrit comment faire un « frappuchinno » et quand il montra sa création à son manager, celui-ci lui dit de continuer à vendre cette boisson même si le siège ne le vou-

lait pas. Le succès qui suivit cette innovation fut immédiat, il s’agit maintenant d’une des boissons qui rapporte le plus de revenus à cette entreprise. La créativité c’est se poser des questions, explorer, imaginer. Utiliser ses processus cognitifs et son imagination. Alors que l’innovation c’est non seulement créer quelque chose de nouveau, de plus ou moins différent, mais en plus de créer quelque chose qui a de la valeur pour les autres. Investir du temps et de l’argent dans quelque chose qui pourrait ne pas marcher, prendre des risques. Ce qui montre qu’une innovation ne doit pas forcément être radicalement différente, ça peut être des petits changements qui nous apportent une innovation. Ainsi, sans créativité il n’y a pas d’innovation, la créativité est tout le processus mental derrière une innovation, mais la créativité reste à l’état de pensée, l’innovation apparaît dès que l’on commence à faire des expériences, à prendre des risques et dépenser temps et argent dans la réalisation de quelque chose.

17 15


DOSSIER mantras et inventions Par Chloé Halot Quand on tape le mot innovation sur Google, on trouve plus de 437 000 000 résultats en 0.42 secondes, « innovation » est devenu le mot de la décennie, il est présent partout, dans les livres, au sein des entreprises et même dans les écoles.

L

’innovation est maintenant recherchée dans tous les domaines, c’est le « hype » de la nouvelle génération. Les entreprises misent tout sur ce mot, qui est devenu un mantra à respecter pour ces dernières. De nos jours les milléniaux se qualifient comme innovants, mais est-elle vraiment la qualité requise, est-elle vraiment recherchée pour les bonnes raisons ?

De nos jours les entreprises innovent souvent pour le titre prestigieux « d’entreprise innovante ». En revanche, elles ne le font pas pour le progrès même de leur produit, certaines innovations sont superflues ou ne répondent pas à la demande du client. Par exemple dans le monde de la télévision, où le but est d’afficher une image sur un écran, personne ne démontrera un grand intérêt pour une image d’encore meilleure qualité si l’œil humain ne voie pas la différence ou si le DVD utilisé n’est pas encodé avec une telle qualité. Ces

16

innovations dans ce domaine ne sont pas du progrès car elles sont superflues. Les clients ne veulent pas une meilleure image ou de la 3D au bout des doigts, ils veulent une télévision plus personnalisable et intuitive. En effet innover juste pour innover n’apporte pas de valeur à l’entreprise ou son produit car les consommateurs ne sont pas intéressés par l’évolution d’un objet s’il ne répond pas à leurs besoins. Bien sûr, un smartphone qui résiste a l’eau même avec la pression des abysses à -5000m est une innovation, mais personne n’en aurait l’utilité donc il serait inutile. L’innovation pour un titre ou un nom n’apporte pas de profit à l’entreprise. Montagu et Sedgwick ont écrit un livre traitant de cette question. Le livre « Lost Causes of Motoring », écrit en 1960 montre que les entreprises se focalisant trop sur l’innovation et non sur l’utilité de leur produit, se retrouvent face à l’échec et risquent une perte de profit.


DOSSIER De plus, dans les entreprises ceux qui comprennent vraiment ce que veulent les consommateurs sont les vendeurs et ceux qui sont en contact direct avec eux. Mais dans la plupart des entreprises, ce sont les managers haut placés qui prennent les décisions d’innovation, pas ceux qui savent vraiment ce que la personne lambda utiliserait. Par exemple, un des employés de Kodak découvrit un papier silicone qui passait de blanc à noir au contact de la lumière, mais son chef lui dit d’oublier ça, ils s’occupaient de film photo et non de papier. En effet la véritable innovation, c’est faire face à des problèmes, être assez courageux pour contourner ces dits problèmes. L’innovation a comme but le progrès et non la renommée, il faut donc pour être vraiment innovant, avoir une culture de progrès continuel, ce

qui amène des problèmes continuels. Des études remettent en question les mantras visant à maximiser le nombre d’innovations. Pousser l’innovation peut ralentir voire arrêter le progrès si l’on n’arrive pas à entendre ce que recherchent vraiment les consommateurs, ce qui leur serai utile. Il y a un point où toute innovation autour d’un objet devient superflue et inutile aux yeux de l’utilisateur, c’est ce que l’on appelle le telos. Tout objet arrivant au telos, arrive à un point où le design fondamental n’évolue plus. Comme le dit Steve Jobs, « l’innovation c’est dire non à 1000 choses », c’est pour cela que pour tirer profit d’une innovation il faut prendre de la distance vis-à-vis des croyances qui poussent tout le temps à innover et se concentrer sur ce que veulent les consommateurs, ce qui leur serai vraiment utile.

17


PHILOSOPHIE Manager avec les philosophes Interview de Flora Bernard, auteur de Manager avec les philosophes, 6 pratiques pour mieux être et agir au travail, paru aux Editions Dunod en mai 2016

Par Anne-Clotilde Grivet Sébert

V

ous avez créé votre agence de philosophie Thaé en 2012 avec votre associée Marion Genaivre. Cette agence a pour but d’aider des organisations à redonner du sens à ce qu’elles font, que ce soit au niveau des individus comme au niveau des équipes. Votre approche originale est de vous appuyer sur la philosophie pratique pour faire dialoguer des groupes de personnes sur des enjeux qui les concernent : la confiance, la coopération, l’innovation… Lors de vos ateliers, la pensée personnelle de chacun vous importe énormément. Il faut commencer par se changer soi-même pour ensuite pouvoir changer le monde extérieur. Qu’est-ce qui vous a donné envie de créer l’agence de philosophie Thaé ? J’ai une formation de sociologue, j’ai travaillé quinze ans en entreprise. Au cours de ces années-là j’ai pris conscience que c’était souvent le sens qui guidait les décisions des dirigeants - avant même l’intérêt d’un business modèle. J’ai pris conscience aussi que ce sens manquait souvent, tant au niveau des organisations que du travail de chacun. En 2012, j’ai eu l’opportunité de faire partie du jury du Master en philosophie appliquée à La Sorbonne (ETHIRES), et j’y ai rencontré Marion, une philosophe qui venait de finir son Master. Et si nous faisions se

18

rencontrer le monde de la philosophie et du management ? Et si la philosophie pouvait aider les managers à redonner du sens à ce qu’ils faisaient ? Thaé a pris forme au cours de nombreuses discussions et nous avons alors créé l’entreprise. La philosophie, je la considère de la même manière que Socrate : une pratique pour aider à mieux vivre. Et dans le monde du travail, elle peut vraiment aider à mieux vivre son travail. Selon vous, en quoi peut-on lier innovation et philosophie pratique ? Thaé est innovante car d’une part, elle lie deux domaines considérés de prime abord comme opposés, à savoir la philosophie et le management. D’autre part, Thaé propose une vision de la philosophie comme ressource pour éclairer des situations de manière nouvelle. En effet, philosopher, c’est questionner nos préjugés, nos manières habituelles de voir le monde (ce qui est le propre de l’innovation, non ?), ce qui demande du courage. En réponse à la question « Pourquoi faites-vous les choses ainsi ? », quand j’entends des arguments comme « Parce qu’on a toujours fait comme ça. » ou « Parce que le chef l’a dit. », cela ne suffit pas, car ce sont là des arguments d’autorité contre lesquels lutte la philosophie. La philosophie nous aide à fonder notre pensée sur des arguments plus solides.


PHILOSOPHIE « Et si la philosophie pouvait aider les managers à redonner du sens à ce qu’ils faisaient ? » En quoi consiste votre agence précisément ? Nous intervenons dans les entreprises principalement sous la forme d’ateliers philosophiques, qui peuvent durer entre 2h et 3h. Ces ateliers sont soit ouverts à tous les collaborateurs pour leur donner l’occasion de penser ensemble un sujet d’entreprise (par exemple le changement, la réussite, la performance...), soit ils réunissent une même équipe qui cherche à améliorer son fonctionnement. Nous travaillerons alors là plus sur des sujets comme la coopération, l’engagement ou la confiance. Ces ateliers font vivre à chacun une expérience pratique de la philosophie. Un atelier philosophique débute par un éclairage philosophique, d’une dizaine de minutes, sur la notion en question pour nourrir la réflexion qui se décline ensuite en trois moments : un exercice de questionnement autour du sujet, un dialogue argumenté et un exercice de définition du concept en jeu - on se rend souvent compte que nous avons tous nos propres définitions des mots mais que pour bien travailler ensemble, il importe de s’entendre sur le sens des mots. Des exemples de thèmes abordés : le courage, la confiance, comment fédérer autour des valeurs de l’entreprise ?...

Que répondez-vous à des gens ne croyant pas au pouvoir de la philosophie, pensant que la philosophie appartient au domaine de l’abstrait tandis que le management appartient au domaine du concret et du pratique ? Je leur demande d’abord de se questionner sur ce qu’ont donné les actions sans pensée dans l’Histoire ! Plus sérieusement, je partage avec eux ma conviction que si l’on sait pourquoi on fait quelque chose, on le fait mieux. En philosophant, on ne perd pas de temps mais on en gagne, la philosophie est efficace, parce qu’elle permet de bien poser les problèmes avant d’aller vers les solutions. De plus, la manière dont on conçoit les choses influe sur leur réalisation.

Flora Bernard

D’où vient le nom Thaé ? Cela provient de kenjis japonais qui signifient penser par soi-même et dialoguer.

19


PHILOSOPHIE Votre quête : « Penser en femme d’action, agir en philosophe ! ». Pouvez-vous nous en dire plus ? Je tiens cette phrase de Bergson. Cette phrase me motive car j’aime beaucoup réaliser des choses, et je pense que l’on est en grande partie ce que l’on fait. Mais alors que je pouvais dans le passé avoir tendance à agir pour agir, aujourd’hui cette phrase m’inspire car toute action doit avoir un sens et c’est en tous cas comme cela que je conçois les miennes.

Un ouvrage de philosophie à conseiller à nos lecteurs ? Suite à vos interventions, que pensent les personnes avec lesquelles vous travaillez ?

Je vous invite à lire le Manuel d’Epictète, il s’agit de philosophie pratique, il est court, facile à lire et profond.

Les participants s’accordent sur le fait qu’ils vivent dans les ateliers philosophiques une expérience unique, où ils peuvent prendre le temps de penser, de s’écouter, de cheminer ensemble. C’est précieux, en particulier dans un monde où tout va vite et où l’on prend de moins en moins le temps de penser ce que l’on fait. Les managers me disent qu’ils n’entendent plus les questions qu’on leur pose de la même manière après avoir participé à plusieurs ateliers philosophiques ; et eux-mêmes ont envie de questionner la manière dont sont faites les choses dans leurs organisations et pourquoi elles sont faites ainsi.

Dans quels autres domaines pensez-vous que la philosophie pourrait s’appliquer ? Dans tous les domaines ! Puisque la philosophie aide à vivre, c’est du matin au soir qu’elle peut nous aider : à l’école, dans nos relations personnelles, dans la manière dont nous faisons nos choix, dont nous réagissons aux situations....

20

___________ Chers lecteurs, j’espère vous avoir donné envie de lire de la philosophie et vous avoir motré, grâce à Flora Bernard, que la philosophie n’appartient pas seulement au domaine théorique mais qu’elle est également efficace dans le domaine pratique. Alors, n’ayez pas peur de philosopher !


PHILOSOPHIE Innovation : quelle place pour l'enseignement supérieur en France ? Interview de Loïck Roche, directeur de Grenoble Ecole de Management

Par Maela Vincent Alors que l’enseignement supérieur français subit plusieurs critiques, revenons sur la place que doit jouer ce dernier en matière d’innovation. Vous êtes directeur de Grenoble Ecole de Management (GEM). Quel regard sur l’enseignement supérieur en France?

Vous parliez de l’échec des étudiants, mais l’université a également un rôle d’innovation et de recherche…

L’enseignement supérieur en France se divise entre l’université et les Grandes Ecoles. Si on ne prend que les écoles de management, elles sont les meilleures en Europe. Parmi les 90 écoles classées par le Financial Times, 20 sont françaises. A Davos, quand on compare la compétitivité des Etats, une centaine de critères sont pris en compte. La France est classée 23ème. Là où elle est la meilleure ? Ses infrastructures en premier lieu, puis ses écoles de management. Au niveau de l’enseignement supérieur, les écoles de management en France ont plutôt un très bon niveau. Maintenant, en ce qui concerne l’enseignement supérieur en général, l’université fait des choses formidables mais elle est en grande souffrance au niveau de la licence où il y a un échec humain mais aussi un échec financier. Certains étudiants qui entrent en première année de licence ont seulement 25% de chances d’obtenir leur licence dans certaines filières. Cela est tout fait dramatique. Quand aux écoles d’ingénieur elles se débrouillent plutôt bien.

Il y a plusieurs parties prenantes impactées par la recherche. En premier lieu, les étudiants, qui a priori n’en ont que faire de la recherche. La promesse qui leur est faite, même si elle inclue de la recherche et de l’innovation, est de les préparer à trouver un emploi à la fin de leurs études, si possible dans l’entreprise de leur choix, à un poste qui leur correspond, à un salaire qui correspond à leurs attentes et dans un temps de recherche suffisamment court. Si les écoles savent faire cela, elles répondent à la demande des étudiants. Ensuite vient une demande des entreprises. C’est là que se situe l’innovation. L’entreprise a besoin de profils différents. Qui dit profils différents dit idées différentes et donc, innovation. Comment parvenir à faire émerger ses différents profils ? Par des parcours différents. Certains vont aller faire un échange à l’étranger, d’autres vont choisir des parcours spécifiques ou obtenir des double-diplômes. Chacun est unique, mais des valeurs communes doivent être partagées, comme par exemple l’ouverture aux autres, la responsabilité, le courage ou encore la bienveillance. Le monde académique est le troisième acteur de cette recherche. Il créé normalement le savoir, par les activités de recherche mais aussi par sa propagation auprès des entreprises et des étudiants, que ce soit en inculquant de nouveaux savoirs ou en appliquant de nouvelles manières d’enseigner.

21


PHILOSOPHIE Auparavant, l’enseignement consistait majoritairement à enseigner des solutions à des problèmes bien définis. L’étudiant ayant intégré ses solutions savait alors les appliquer dès que ces difficultés se manifestaient. Or, la tâche de l’enseignement supérieur a évolué. Nous devons former les étudiants, qui demain vont participer à inventer un monde dont nous ne connaissons rien. Il ne faut surtout pas apprendre à ces derniers des solutions, qui bientôt seront obsolètes. L’enjeu aujourd’hui consiste à travailler sur ce qu’on appelle communément le savoir-être. Il s’agit d’avoir des connaissances indispensables tels la capacité à travailler en groupe, un esprit critique, être créatif en étant capable de penser autrement et enfin, être capable de communiquer, tant à l’aide de nouvelles technologies qu’en utilisant des langues étrangères. L’essentiel est d’apporter quelque chose au monde commun. Comment réussir à passer d’une business school à une school for business ? Comment faire pour participer à améliorer le bien-être des hommes et des femmes ? Car si nous participons à cela, alors nous participons au progrès de la société. Il ne s’agit pas de révolutionner le monde, mais bien de « tout mettre en œuvre pour que le monde ne se défasse pas » (Albert Camus, Prix Nobel de la Paix, 1955). C’est la tâche des étudiants de nos jours. Si l’innovation doit servir à quelque chose, c’est à cela. Elle doit contribuer au progrès de la société.

En quoi Grenoble Ecole Management s’inscrit-elle dans cette volonté de progrès de la société? Nous avons plusieurs politiques qui y participent. Concernant la diversité, nous avons mis en place des partenariats avec des lycées dits « sensibles ». Les lycéens qui le souhaitent peuvent présenter un concours de niveau similaire au bac. S’ils réussissent, ils sont incubés dans nos universités partenaires et peuvent intégrer le programme Grande Ecole. Nous avons la même chose pour les sportifs de haut niveau. A terme, je souhaite avoir tout un pan

22

de l’école dédié à l’école de la deuxième chance. Autrement dit, je souhaite que pour chaque diplômé du programme Grande Ecole, Grenoble Ecole de Management ait participé à la réinsertion d’un jeune ou d’une personne qui était en très grande difficulté. Et puis, tout ce qui concerne la recherche s’inscrit dans cette idée. Lorsque nous travaillons sur les énergies propres, la ville du futur, le leadership, nous participons à cette idée de progrès. De même, lorsque nous réfléchissons sur le bien-être des salariés en entreprise et soutenons qu’elle est essentielle à une performance de long-terme, nous nous inscrivons là-aussi dans cette notion. En effet, si nous nous concentrons sur la performance immédiate, nous pouvons laisser des blessés, voir des morts. Il ne s’agit pas de faire du social à outrance mais passer par l’économique pour créer de la richesse et ensuite rediriger cette richesse. C’est la même chose pour l’écologie. Elle doit placer l’homme au centre et se concentrer sur ses besoins. En ne se concentrant que sur un aspect, on passe à côté de quelque chose. En effet, si nous nous intéressons à l’humain et à son bien-être, nous nous questionnerons de surcroit à l’environnement.

Directeur de Grenoble Ecole de Management, Loïck Roche est également reconnu pour ses réflexions concernant les pratiques managériales et le bien-être au travail. En effet, suite à l’obtention de doctorats en philosophie et en psychologie ainsi que des études à l’ESSEC, il exerce en tant que consultant en ressources humaines avant d’animer de nombreuses conférences sur ce thème. Il est également président du Chapitre des Grandes Ecoles, ainsi que membre du bureau et administrateur de la Conférence de Grandes Ecoles.


PHILOSOPHIE Quel compromis entre l’élitisme et diversité doivent faire les Grandes Ecoles ? Comment ? Je suis pour le nivellement par le haut et pas pour le nivellement par le bas. Autrement dit, celui qui arrive et qui n’a pas forcément toutes les cartes en main doit sortir encore meilleur que le meilleur que nous avons recruté. Beaucoup d’écoles disent faire de la diversité mais très peu le font. Il s’agit de passer à l’action, pas pour faire plaisir mais pour l’entreprise, car celle-ci a besoin de profils variés. Les étudiants doivent pouvoir se nourrir des expériences des autres. Cependant, une grande école doit garder une

part d’élitisme, car il y a une exigence intellectuelle. Au-delà des valeurs, pour qu’un pays soit compétitif, les cerveaux sont nécessaires. Les écoles ont eu raison de s’ouvrir, mais une grande école doit rester une grande école : elle doit faire le recrutement et ne pas devoir séduire les étudiants à tout prix. Dans le cas contraire, les étudiants risquent d’adopter un comportement de consommateurs, non seulement à l’école, mais également en entreprise !

Loïck Roche Directeur de Grenoble Ecole de Management

23


SCIENCES NORMES ENVIRONNEMEnTALES : UN DANGER POUR L'INNOVATION ? Par Maela Vincent A chaque entrée en vigueur d’une loi pour le respect de l’environnement, une nouvelle protestation prend forme.

O

n se souvient tous du mouvement des Bonnets rouges en 2013. A l’origine, l’écotaxe incitant les transporteurs routiers à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre. Depuis, d’autres mesures relatives à l’environnement ont connu le même rejet (avec certes moins de ferveur de la part de leurs opposants). Ce sont les

mêmes critiques qui sont continuellement avancées. En fixant des quotas et des taxes, l’Etat est accusé de nuire à la compétitivité des entreprises françaises, qui doivent renoncer à certains investissements afin de respecter ces lois, alors même que les entreprises de pays tiers ne subissent pas les mêmes contraintes.

Les entreprises françaises subisent-elles réellement les mêmes contraintes que les pays tiers ? Quel impact sur notre compétitivité ? Qui évoque les règles de protection de l’environnement s’appliquant aux entreprises, pense aux normes ISO 14000. Elles sont adoptées et arborées fièrement par de très nombreuses entreprises. Normes les plus populaires en la matière, ce sont également les seules à être promulguées à l’échelle mondiale. Personne donc, n’est obligé de les respecter. Pourtant, de nombreuses entreprises se laissent tenter par leurs promesses.

nication…) ? Si sur le court-terme, le pari peut paraître risqué, il en est toutefois autrement avec une vision de long-terme. Cette certification est un moyen de différenciation permettant de gagner des parts de marché, car il est gage de confiance, mais permet également de réduire le temps passé à préparer de futures inspections. Répartis sur plusieurs années, que représentent alors les coûts liés à l’obtention de cette certification ?

En effet, les lourdeurs administratives souvent décriées cachent une multitude d’aides aux entreprises volontaires. Prenons ici l’exemple de l’EMAS (Eco-Management and Audit Schemes, soit le Système de Management et d’Audit Environnemental). Ce projet propose aux entreprises un accompagnement progressif vers le management durable et responsable. Il assure un meilleur accès aux marchés publics européens, une amélioration de l’image de marque grâce à un label européen reconnu et une réduction des inspections environnementales pour les entreprises. Ces trois avantages cumulés ne contrebalancent-ils pas les frais annexes (coûts administratifs, intégration du label aux supports de commu-

Encore faut-il adopter une vision de long-terme. Et c’est sans doute là que se situe le problème. Etant donné le contexte actuel, les entreprises hésitent à investir sur des projets de long-terme. Quand l’avenir est si incertain pour de nombreuses PME, l’argent est mis de côté « au cas où ». Ces certifications séduisent d’autant moins les entreprises qu’elles ne visent qu’à améliorer la compétitivité hors-prix. Hélas, dans un monde où la compétitivité-prix est vivement recherchée, alors que tout le monde redoute les produits à bas-prix proposés par des sociétés chinoises ou indiennes, pourquoi investir dans une certification qui augmenterait encore ce fossé en matière de compétitivité ?

24


SCIENCES Comment les autorités tentent-elles de limiter ces obstacles ? Certes, ces normes peuvent constituer un obstacle à la compétitivité des entreprises, mais il serait injuste de les aborder sans souligner toutes les mesures d’accompagnement mises en place en parallèle pour limiter ces entraves. Bien qu’évidente, la première reconnaissance de cet effort réside dans l’attribution d’un label ou d’une certification. Ces derniers permettent à l’entreprise d’améliorer son image, non seulement auprès de ses clients, mais également auprès de ses partenaires et créanciers, pour qui de tels labels sont souvent gages de responsabilité et entraînent la confiance. En effet, vous feriez davantage confiance à l’entreprise respectueuse de son environnement, qu’à celle enterrant ses déchets quelque part en Afrique car cela coûte moins cher que de les recycler ! Ces labels peuvent même parfois vous permettre de mieux vivre. En effet, si on examine la situation des exploitations agricoles produisant du lait, celles le vendant sous le label AB disposent de plus grands revenus et semblent moins touchées par les difficultés que rencontrent les autres producteurs de lait. Encore faut-il investir et faire de grands efforts en amont pour pouvoir bénéficier de cet avantage me direz-vous.

C’est à ce moment que les pouvoirs publics interviennent. Ainsi, en marge de la loi sur la transition énergétique, le montant des prêts accordés par la Banque Publique d’Investissement (BPI) consacrés aux énergies renouvelables a été doublé afin d’atteindre la somme de 800 millions d’euros par an. Les organismes publics et les sociétés privées dans le cadre de partenariats Public Privé bénéficient quant à elles de prêts auprès de la Caisse des Dépôts. Cette aide au financement s’accompagne d’allègements de frais, notamment pour les PME. Une fois le projet réalisé, ce sont les prix et autres distinctions qui prennent le relais. A titre d’exemple, le Ministère de l’Ecologie aide chaque année des entreprises, qui se distinguent dans l’une des six catégories suivantes : écoproduit pour le développement durable, Innovation dans les technologies, économie circulaire, intégration du développement durable par l’entreprise, biodiversité et entreprises. A la clé, une aide non négligeable à la communication, grâce à des articles dans des magazines spécialisés par exemple.

25


SCIENCES Et s’il s’agissait d’une chance ? Malgré tout cela, investir et adapter son activité dans le but de protéger l’environnement nécessite des efforts. Mais imaginons un instant qu’au lieu de nous en plaindre, nous les voyions comme une opportunité. Débutons par quelques exemples concernant la situation actuelle. Les populations ont de plus en plus conscience des dangers du réchauffement climatique et de la pollution et d’autres modes de consommation se popularisent. Ce n’est pas un hasard si se développent des projets portés par BiocBon (alimentation biologique à un prix raisonnable), La Ruche qui dit oui (vente de la production locale) ou encore des gammes de produits

Pour satisfaire et séduire ces nouveaux modes de consommation, les entreprises devront s’adapter, auquel cas, d’autres entreprises, dans d’autres pays, prendront leur place. En effet, les échanges de marchandises et de services sont peu chers et simplifiés. Il est donc aisé de trouver ailleurs ce qu’aucune société ne produit ici. Or, la France bénéficie d’une économie déjà très développée.

26

biologiques chez les marques cosmétiques. Les modes actuelles du végétarisme, du végétalisme, du sans-déchet et autres (nous ne citons ici que quelques exemples liés à l’alimentation, mais cela est également visible dans d’autres secteurs comme les transports et la mode du vélo, la cosmétique…) ne sont pas de simples tendances passagères, mais marquent un changement de vision fait pour durer. Ainsi les ventes de viande, impacté également par les différents scandales, ont chuté de 8.5% en France en 2016, alors que celles de substituts de viande ont augmenté de 11% dans le même temps.

Il n’est donc pas idiot d’imaginer que dans quelques années, des pays comme la Chine ou l’Inde connaissent elles aussi une forte demande en produits respectueux de l’environnement, domaine dans lequel la France pourrait bénéficier d’un certain avantage. En soi, les normes actuellement tant décriées pourraient servir un avantage concurrentiel futur.


SCIENCES Progrès, santé, éthique Par Anne-Clotilde Grivet Sébert L’innovation médicale permet de combler des besoins jusqu’alors insatisfaits et c’est en ce sens que l’on peut affirmer qu’elle est une source de progrès pour l’homme. Cependant, il est indéniable qu’on ne peut progresser dans la médecine si l’on ne prend pas le recul nécessaire afin de réfléchir aux questions éthiques. Les innovations médicales d’hier à aujourd’hui

L

es innovations en médecine ont existé de tout temps (l’ECG, le saturomètre…) mais aujourd’hui, elles sont le plus souvent liées aux nouvelles technologies. En effet, nous sommes entrés dans l’ère où tout est désormais informatisé, calculé par rapport à l’efficacité du geste… La chirurgie assistée par ordinateur (CAO) révolutionne les blocs opératoires. Il s’agit d’un ensemble d’outils informatiques auxquels le chirurgien fait appel en amont de l’intervention mais également pour sa réalisation. Parmi ces nombreux outils, citons-en quelques-uns : logiciels de simulation et de planification de l’intervention, systèmes pour localiser précisément la position des instruments dans le corps du malade. La CAO a pour unique objectif de réaliser un geste chirurgical plus précis et plus efficace mais le moins invasif possible.

Certains de ces robots fonctionnent en mode esclave (ou télé-opéré). Ils possèdent des bras articulés qui effectuent les gestes chirurgicaux à l’aide de pinces, ciseaux, mini-caméras, ce sont leurs bras articulés qui effectuent les gestes chirurgicaux... La présence du chirurgien reste indispensable car il pilote à distance le robot grâce à un joystick. Ces robots ont une véritable notoriété, en témoigne le très connu robot américain Da Vinci ! Concernant son coût, il est vendu autour d’un million d’euros, auxquels il faut rajouter 120 000 € par an de frais de maintenance, et 150 € de consommables par opération.

Trois étapes sont à distinguer dans ce recours à la CAO - Avant : Planifier au mieux les gestes à effectuer lors de la future opération grâce à des images 3D (scanner, IRM…) on ne peut plus détaillées. Cette première étape consiste à simuler l’intervention. - Pendant : Les informations précédemment récoltées peuvent être incrustées sur les écrans de contrôle, il s’agit de réalité augmentée. En cas d’utilisation de robots chirurgicaux, ces informations sont très utiles. - Au-delà : Se former et s’entraîner sur des patients virtuels.

27


SCIENCES Les robots utilisés en chirurgie permettent parfois des opérations à distance. Prenons l’exemple du professeur Jacques Marescaux qui, en 2001, depuis sa console à New-York, a ôté la vésicule biliaire d’une patiente hospitalisée à ... Strasbourg ! Petite anecdote concernant cette opération chirurgicale : on l’a prénommée l’opération Lindbergh, en hommage au célèbre aviateur qui réalisa la première traversée de l’Atlantique sans escale en 1927. Il existe également des robots autonomes : il suffit de les programmer et alors, ils sont capables de réaliser µl’intervention tout seuls. C’est le cas du robot de radiothérapie Cyberknife utilisé pour cibler très précisément les tumeurs avec un faisceau d’irradiation. De plus, étant doté d’un puissant logiciel de traitement d’images, il s’adapte en temps réel aux mouvements involontaires du malade. Plusieurs centaines de Cyberknife sont déjà utilisés aux États-Unis, au Japon et en Europe.

Une innovation ne présente pas que des avantages… Cependant, l’innovation médicale ne présente pas que des avantages ou du moins, il faut veiller à délimiter son domaine d’action afin qu’elle n’endommage pas la relation médecin-patient. En chirurgie par exemple, l’innovation peut générer des effets secondaires nuisibles au patient et au chirurgien car elle risque parfoi de restreindre l’aspect relationnel du geste chirurgical devenu excessivement robotisé. Ainsi, à tout progrès scientifique, ne correspond pas systématiquement un progrès pour l’Homme. La médecine est avant tout une discipline humaine, il est donc nécessaire que l’Homme soit toujours au centre des innovations et que celles-ci soient faites en vue de son bien-être.

La nécessité d’une réflexion éthique En fin de compte, si l’on reprend les termes du professeur Didier Sicard (ancien président du Comité consultatif national d’éthique de 1999 à 2008), toute innovation médicale doit aller de pair avec le développement d’une « éthique de la responsabilité » assumant « les conséquences de ce qui est fait aujourd’hui avec confiance et prudence, pour pouvoir assurer le futur toujours meilleur ».

28

La santé de la personne demeure depuis toujours la référence supérieure qui justifie, oriente et encadre l’intervention médicale. Rappelons les Principes d’éthique médicale européenne : « Dans l’exercice de sa profession, le médecin s’engage à donner la priorité aux intérêts de santé du malade. Le médecin ne peut utiliser ses connaissances professionnelles que pour améliorer ou maintenir la santé de ceux qui se confient à lui, à leur demande ; en aucun cas il ne peut agir à leur détriment. » On peut également citer un passage de la déclaration d’Helsinki : « Dans la recherche médicale sur les sujets humains, les intérêts de la science et de la société ne doivent jamais prévaloir sur le bien- être du sujet. » Il est aujourd’hui difficile de dire de quelle manière les actes chirurgicaux seront effectués dans 20 ou 50 ans tant la technologie va vite. Mais une chose est sûre : la robotisation ne cessera de croître d’année en année. On peut également prévoir une autonomie croissante des robots déjà existants. Des projets sont aussi déjà en cours pour la mise au point de robots miniaturisés plus maniables, réduisant encore un peu plus le caractère invasif de l’acte chirurgical. Certains pourraient même être programmés pour aller délivrer des médicaments exactement où on le souhaite, ou bien encore pour patrouiller dans notre organisme afin de confirmer un diagnostic. Des équipes travaillent également à la mise au point de lunettes à réalité augmentée afin de mieux assister le chirurgien au cours de l’opération. Des clones virtuels en 3D de chaque malade, sur lesquels on pourrait simuler une multitude de scénarios possibles avant de lancer l’opération, pourraient également voir le jour. Gageons que nous n’en sommes qu’au début de cette révolution dans le geste médical.


SCIENCES


SCIENCES L'exosquelette au service de l'Homme ? Par Théo Laurent Squelettes protéiques pour faire marcher les personnes handicapées ou pour développer une force sur-humaine, cela ne sera bientôt plus de la science-fiction. Quelles conséquences pour le bien-être social ?

T

rès courante dans l’armement et l’industrie, la robotique existe aussi dans les soins médicaux ou elle est particulièrement innovante. Si bien que le prix de l’INPI 2016 dans la catégorie « brevet » a été décerné à Wandercraft, une start-up française qui développe un exosquelette pour personnes paraplégiques ou souffrant de maladies neuro-musculaires. Cet appareil s’adapte au niveau des jambes et du bassin avec des attaches et permet à l’utilisateur de s’asseoir, se lever, marcher ou franchir un trottoir sans aide ou béquilles ! Se stabilisant seul, il permet à l’utilisateur de rester debout et libre de ses mains pouvant atteindre un livre en haut d’une bibliothèque par exemple.

Le secteur de la robotique en général est très innovant. Comment la robotique médicale, aujourd’hui véritable prothèse neurologique, rend-elle service aux personnes souffrant d’ handicape ? Peut-on également avoir des raison de s’inquiéter des progrès fulgurants de la robotique prothétique ? Les intentions des hommes à l’origine de ces technologies sont déterminantes. Atalante, nom de code de l’exosquelette de Wandercraft fonctionne avec un calculateur nommé Wanderbrain, exécutant un logiciel de commande. Pour avancer il faut donc se pencher légèrement en avant, exactement comme le fait inconsciemment un marcheur valide. Avec 12 moteurs commandant chacun une articulation, Wandercraft ambitionne d’imiter le mieux possible la marche humaine. Ce projet est déjà bien aboutit car des essais cliniques devaient avoir lieux fin 2016. Wandercraft est loin d’être la seule entreprise dans ce domaine de recherche. Le CEA de Grenoble développe en ce moment EMY, un exosquelette qui englobe les bras et les jambes à destination des tétraplégiques. Ce projet est très ambitieux car l’appareil serait piloté directement par le cerveau via un un implant neuronal.

30


SCIENCES

C’est sans doute l’un des projets les plus ambitieux de la robotique médicale. L’exosquelette ne devrait pas être autonome avant 2020. Des projets comme le Soft Exosuit du Wyss Institute de Harvard semblent plus proches d’un usage clinique. Le Soft Exosuit est une combinaison de sangles intelligentes qui se porte sur les jambes. Elle est destinée aux personnes souffrant de troubles physiques ou neurologiques et peut se porter sous les vêtements. Le textile qui le compose est calqué sur les muscles des jambes. Il est composé de micro-processeurs qui forment un réseau de capteurs similaire au système nerveux du corps humain. De fait il envoie les informations nécessaires à un logiciel qui le transforme en force. De plus le système d’activation est léger et portatif. Le Soft Exosuit est un exosquelette déjà bien abouti et le Wyss Institute optimise déjà son usage clinique. Les progrès de la robotique paraissent prometteurs pour beaucoup de personnes malades et handicapées. Mais il ne faut pas oublier que les exosque-

« Pour avancer il faut donc se pencher légèrement en avant, exactement comme nous le fait inconsciemment un marcheur valide. »

lettes vont aussi avoir un usage militaire. Le progrès technologique peut certes soutenir les hommes, mais il peut aussi les détruire. Ce fonctionnement a été choisi car il permet de rendre les gestes plus naturels. Cette technologie a déjà été mise au point par une équipe de Brown University et testée par Cathy Hutchinson, une femme tétraplégique qui pour la première fois depuis une dizaine d’années pouvait rapprocher un verre de son visage et boire avec une paille à l’aide d’un bras robot qu’elle contrôle directement. Cela est possible car lorsque nous nous imaginons effectuer un geste l’activité électrique du cortex moteur est la même que lorsque nous faisons ce geste. Un implant situé dans le cerveau capte les signaux qu’un modèle informatique interprète en intention de mouvement. Ce qui pour le projet du CEA est extrêmement complexe à mettre en œuvre car il faut capter les signaux des deux hémisphères du cerveau et parce que ces signaux sont très faibles.

31


SCIENCES

De fait un exosquelette nommé TALOS est aussi développé aux États-Unis pour l’armée et devrait être utilisé dès l’année prochaine. Cet appareil surnommé Iron Man Suit par ses créateurs a pour objectif de protéger le soldat qui le porte, recouvrant son corps de la tête aux pieds et lui conférant une force sur-humaine. Finalement il ressemble beaucoup aux exosquelettes à usage médicaux à la différence qu’au lieu de rendre à l’homme des capacités perdues il lui confère des capacités supplémentaires pour tuer... Quelle joie que de l’argent du contribuable américain soit investi pour cette machine quand ce sont des start-up françaises comme Wandercraft, le CEA de Grenoble qui se chargent de développer ce qui pourrait bien rendre le handicap moins contraignant. TALOS nous montre qu’à l’origine de la machine il doit avant tout y avoir des intentions pour la guider. Le véritable progrès n’est pas simplement la prouesse technologique mais plutôt l’atteinte d’objectifs en terme de bien-être social.

32


SCIENCES

33


CULTURE Le cinéma à l’ère 2.0, une réelle avancée ? Par Anne-Clotilde Grivet Sébert Lorsque l’on pense innovation au cinéma on imagine forcément effets spéciaux, images de synthèse… grâce à des producteurs cherchant constamment la nouveauté. Mais les distributeurs tentent également d’apporter du changement dans les salles de cinéma.

Q

ue l’on soit passionné ou simple amateur de cinéma, l’objectif demeure assez simple : passer un agréable moment. Et pour atteindre cet objectif, les distributeurs cherchent à offrir une expérience de plus en plus innovante à leurs clients. En effet, outre la 3D qui est dorénavant ancrée dans les mœurs des cinéphiles, c’est la qualité de l’image qui s’améliore d’année en année. Avec la iMax 3D par exemple, le visuel se rapproche de plus en plus de la réalité pour donner au spectateur l’impression de faire partie du film qu’il visionne. Le système HFR (High Frame Rate), combiné à la 4K, permet lui, de projeter 2 fois plus d’images à la seconde pour une netteté de l’image assez impressionnante. Le client ressort alors ébloui par ce qu’il vient de voir.

Le son n’est pas en reste en ce qui concerne les nouveautés puisque de nombreux cinémas proposent aujourd’hui des salles équipées de la technologie Dolby Atmos : une véritable révolution en matière de qualité sonore. Elle permet une diffusion du son à 360 degrés dans la salle avec plus de 55 hauts parleurs positionnés dans chaque recoin de la salle. On se retrouve alors immergé au sein de la séance avec des sons qui paraissent tantôt être proches de nous, tantôt très lointains comme si la scène se produisait là, juste à côté.

« Tout est fait pour que le cinéma soit à portée de doigt. »

34


CULTURE

Enfin, le confort des salles est également un élément qui peut conditionner un bon retour du client. Et là encore, les distributeurs souhaitent s’améliorer en accordant une attention toute particulière à la qualité des sièges, à leur espacement… Il est même possible aujourd’hui de réserver une mini-banquette surnommée siège duo pour une impression d’intimité renforcée. Mais l’expérience client ne se restreint pas seulement au temps passé devant la séance, elle démarre bien avant avec l’accueil dans le complexe, l’achat des tickets… Les distributeurs cherchent alors à s’adapter à une ère marquée par l’omniprésence des smartphones en promouvant notamment la réservation de ses places en ligne, sur des applications dédiées sur lesquelles on peut réserver son siège favori grâce à la numérotation en salle. Et si un problème de batterie nous en a empêché, il est toujours possible de le faire sur les bornes interactives placées à l’entrée d’une grande partie des complexes cinématographiques aujourd’hui. Pour les indécis, il est même envisageable de regarder les avis, critiques et bandes annonces grâce à des flashcodes placés sur les posters des films à l’affiche. Bref tout est fait pour que le cinéma soit à portée de doigt. Mais tout cela a un prix. Outre les majorations liées à la projection 3D, à la réservation d’un siège duo

en bonne position dans la salle… La conséquence de cette numérisation de l’offre cinématographique pourrait bien être la disparition progressive des agents de cinéma et autres projectionnistes au profit de machines automatisées. Ainsi le cinéma, considéré comme un des derniers arts populaires, pourrait peu à peu rentrer dans le rang à cause de prix en constante augmentation et devenir un service quelconque en ne laissant que peu de place au partage humain. Il est loin le temps de l’entracte au milieu du film et de l’ouvreur qui nous accompagnait jusqu’à notre siège…

Quelques chiffres... 15€ c’est le prix d’une place au Pathé Beaugrenelle à Paris, cinéma flambant neuf réalisé par le designer japonais Ora-Ito 212,71 millions : c’est le nombre d’entrées dans les salles de cinéma françaises en 2016 40 blockbusters en 2017 dont les très attendus Wonder Woman, La Planète des Singes ou encore Justice League 110 cm c’est l’espace disponible entre deux rangées de sièges dans les nouveaux cinémas contre seulement 90 auparavant

35


CULTURE Architectes du futur Par Anne-Clotilde Grivet Sébert Pendant longtemps, les maisons et bâtiments étaient toutes faites de la même façon, un cube avec des pierres et du bois. Mais ces dernières années il y a eu un essor d’innovations dans le domaine de l’architecture. On peut parler des maisons isolées à l’aide de papier, ou des bâtiments construits par Frank Gehry.

B

eaucoup de recherches ont été menées sur les différents matériaux, si ce n’est que pour l’isolation. Après avoir découvert l’amiante dangereuse, la laine de verre est devenue fréquente comme isolation. Mais saviez-vous qu’il existe d’autres matériaux bien plus isolants ? La laine de verre laissera passer la chaleur ou le froid au bout de trois à cinq heures, en revanche, la ouate de cellulose (du papier déchiqueté) a besoin de

36

douze heures pour faire passer la chaleur. Ce qui fait que la température de la maison change peu par rapport à la température extérieure. De nouveaux matériaux sont aussi beaucoup utilisés pour des raisons esthétiques, on voit beaucoup plus de verre, de béton et d’acier. Beaucoup plus de formes simples et épurées comme le montre Tadao Ando avec ses différents bâtiments, notamment le Château La Coste dans le sud de la France.


CULTURE Un nouvel œil est aussi jeté sur l’architecture, elle devient synonyme d’art. On retrouve des architectes comme Tadeo Ando, Frank Gehry qui utilisent l’architecture comme moyen d’expression. Il suffit de regarder le Guggenheim de Bilbao pour y voir un coucher de soleil reflété, ou la Fondation Louis Vuitton à Paris pour voir

un bateau sur le point de partir en mer. En plus de leur vision, ces architectes ont aussi apporté des aides aux nouveaux architectes. Frank Gerhy a lui-même créé un logiciel pour l’aider à dessiner des architectures compliquées. Son logiciel est une adaptation entre un logiciel de l’industrie aéronautique et un de l’industrie automobile.

CULTURE

Un autre milieu architectural où il y a eu beaucoup d’innovations est l’architecture de montagne. Il faut allier l’esthétique à la solidité et aussi à une bonne robustesse. Beaucoup de refuges sont très étudiés pour pouvoir résister aux conditions difficiles de la haute montagne. Il faut donc construire un bâtiment solide, discret mais aussi des matériaux qui peuvent être transportés à 300m d’altitude sans route. Par exemple, le refuge du Gouter situé à 3835 mètres d’altitude est constamment confronté à des vents forts et des températures très froides. Ce bâtiment est construit de façon à résister à des tempêtes de vent de plus de 300Km/h. Pour cela

il a fallu encrer 69 pieux à environs 12m de profondeur dans les rochers. Le tout est isolé à l’aide de fibres de bois recyclées et couvert d’inox satiné pour maximiser l’étanchéité. Ce bâtiment peut accueillir 120 personnes par nuitée. L’importance aussi dans l’architecture de haute montagne est d’intégrer le bâtiment au paysage avoisinant, surtout dans le site protégé qu’est le Mont Blanc. En prenant en considération les contraintes que sont la structure, la technique et les conditions météorologiques. D’où la forme elliptique du refuge. En effet cette forme inspirée de l’œuf donne au bâtiment plus de résistance à l’air, plus d’aérodynamisme.

37


CULTURE Le festival de géopolitique Par Maela Vincent

Chaque année au mois de mars, le festival de géopolitique prend place à Grenoble. Qu’est-ce que le festival de géopolitique?

M

is en œuvre par Grenoble Ecole de Management, ce festival propose chaque année trois jours et demi de conférences et d’ateliers autour d’un thème de géopolitique, qui varie tous les ans entre problématiques globales et régionales. Environ 10 000 visiteurs se rendent à ces événements répartis en différents lieux de Grenoble (Grenoble Ecole de Management, Sciences Po…). Si les premières éditions étaient uniquement constituées de conférences, d’autres disciplines ont ensuite été intégrées au programme. Aujourd’hui, le cinéma ou encore le jeu y ont pris place. Certaines conférences sont également « déplacées » : elles ont lieu dans une autre ville mais il est cependant possible d’interagir depuis Grenoble.

Peu après le festival, une lettre a été reçue par Jean-Marc Huissoud, directeur de ce dernier. Dans celle-ci, un grand-père vivant dans le quartier de Saint-Bruno le remercie. En effet, son petit-fils l’a incité à se rendre aux conférences. Cela lui a tellement plu qu’il s’est rendu à 20 conférences en trois jours ! Lors

de

l’édition

sur

l’Eurasie

en

2014,

les

organisateurs du festival reçoivent un appel. Le Pentagone leur demande un résumé de ce qui était dit pendant les conférences, car leur logiciel de traduction ne retranscrivait pas correctement les propos tenus. En effet, le nom de l’intervenant Jean-Loup

Samaan

Oussama Ben Laden !

38

avait

été

traduit

par

Pourquoi est-ce qu’une école de commerce organise-t-elle un festival de géopolitique ? Il y a neuf ans, le discours sur la mondialisation battait son plein. La crise n’avait pas encore eu lieu et chacun était persuadé que tout ce qui se passait à un endroit de la planète avait des répercussions partout ailleurs. Pourtant, aucune construction réelle ne définissait ce sentiment. Il restait donc dans le domaine du fantasme, pouvant être utilisé par tout un chacun pour stimuler des peurs selon le besoin. En fait, tout ce qui est inconnu, peu expliqué, peut provoquer de la peur et faire naître toutes sortes de réactions imprévisibles. Partant de ce constat, l’idée d’organiser un festival de géopolitique a peu à peu germé. Outre cette dimension citoyenne, il a également un but pédagogique et institutionnel. Il s’agit de donner des pistes de réflexion aux étudiants, mais également à un public plus large. Le fait qu’une école de commerce organise un tel événement a suscité de nombreuses réactions, soulignant pour la plupart un manque de légitimité. Pourtant, petit à petit, le festival s’est fait connaître, de plus en plus d’intervenants et de nouveaux publics s’y déplacent. Autre signe de cette réussite : de nombreux partenariats ont été conclus avec de prestigieuses institutions. Parmi elles se trouvent entre autres l’IHEDN (Institut des Hautes Etudes de Défense Nationale), l’Institut Français de Géopolitique ou encore Le Monde.


CULTURE Quelques chiffres... 10 000 visiteurs physiques 10 000 auditeurs en ligne 3,5 jours de conférences Plus de 100 intervenants Chaque visiteur participe en moyenne à 3,5 conférences

En quoi est-il différent des autres festivals de ce genre ? Le principal atout de ce festival est de créer du lien. Le fait qu’il soit organisé par un établissement d’enseignement supérieur lui confère du dynamisme et une certaine jeunesse. Au contact des étudiants, les universitaires se confrontent à un public non-initié à leur vocabulaire et à leur savoir. Ils doivent fournir un effort supplémentaire. En effet, ce public n’hésite pas à poser des questions plus impertinentes et plus élémentaires. Il est le plus concerné par l’avenir, qu’il doit construire et pose donc légitimement de nombreuses questions à ce sujet. Pour les universitaires, cela représente une occasion de partager leurs connaissances, de se préparer à des futures interventions publiques et de prendre conscience de leur appartenance à une communauté plus large que celle des géopoliticiens. Par ailleurs, des connexions se font entre les intervenants. Ils se rencontrent, échangent leurs idées pendant ces trois jours et demi, puis forment ensemble des projets, s’invitent mutuellement à d’autres événements. Outre ces connexions, les intervenants propagent également leur expérience du festival. Ils communiquent à d’autres conférenciers ce qu’ils y ont vécu, faisant d’autant plus accroître la renommée de cet événement grenoblois.

Il permet également à Grenoble Ecole de Management de s’ancrer dans son territoire. De nombreuses collaborations avec d’autres acteurs grenoblois ont été organisées et cette année, un partenariat a été fait avec la Ville de Grenoble, qui organise en parallèle du festival la Biennale de la Ville en transition.

Quels projets pour le futur ? Pour Jean-Marc Huissoud, directeur du festival, l’objectif est de poursuivre le développement du festival dans trois directions. La première consiste à accroître sa renommée à l’international. En France, elle progresse certes presque toute seule grâce au bouche-à-oreille (les intervenants des éditions précédentes en parlant à de futurs intervenants), mais elle est moins développée à l’étranger. L’objectif est d’attirer des conférenciers d’autres pays, et notamment de la Suisse, afin de pouvoir bénéficier d’autres approches et analyses. Outre cet axe, le festival cherche également à davantage intégrer la presse, qui diffuse d’ores et déjà de nombreuses annonces du festival. France Culture interroge ainsi un intervenant lors du premier jour du festival, alors que Le Monde lui consacre deux encarts éditoriaux. Par ailleurs, Jean-Marc Huissoud souhaite mettre en place la création d’un document en fin de festival. Ce dernier résumerait les conférences et tables rondes. Tous ces projets rendent compte d’une volonté continue d’évolution et de progrès, venant s’ajouter au dynamisme particulier à ce festival, qui en neuf ans, a connu un développement des plus rapides !

« Outre cette dimension citoyenne, il a également un but pédagogique et institutionnel » 39


CULTURE Mandrin : le retour des bières artisanales Par Théo Laurent

P

roduits issus de l’agriculture biologique, sans huile de palme, sans gluten, commerce équitable, label rouge ou encore appellation d’origine contrôlée. Autant de labels et indications qui montrent que le consommateur de produits alimentaires se soucie de l’origine de son produit. Dans cette société de consommation qui est la nôtre, le consommateur est de plus en plus éloigné du producteur. Or un consommateur du XXIème siècle ne peut pas accepter que des hectares de forêt amazonienne soient dévastés pour planter son soja ou que des enfants lui confectionnent ses vêtements, ou encore que sa propre santé soit affectée par la mauvaise qualité du produit ! C’est donc une consommation conditionnée par la production des marchandises qui pousse à produire autrement.

en France, contre 334 en 2010. Ces brasseries produisent des bières très variées, de l’éternelle blonde à la bière au chanvre en passant par la bière de Noël saveur pain d’épice. C’est une clientèle à la recherche de nouveautés qui est conquise par le retour de la bière artisanale, parfois brassée à la main. Parmi eux sans doute, des Beer Geeks, des fous de la bière qui privilégient les produits s’assimilant à la Craft Beer américaine. Des produits issus de petites brasseries ou bien des produits originaux telles que la Morbraz une bière à l’eau de mer ou la Aecht Schlenkerla Rauchbier à la saucisse fumée !

« Une clientèle conquise par le retour de la bière artisanale »

En effet, les consommateurs d’aujourd’hui tendent à valoriser les produits locaux, artisanaux, et si possible de qualité ! En bref, ils cherchent à déchirer le voile de l’ignorance et à connaître ce qu’ils consomment. D’où l’émergence des microbrasseries. Une microbrasserie est une brasserie produisant moins de 1000 hectolitres par an. Il s’agit aussi bien de votre voisin qui a investi dans un kit de microbrasserie pour amateurs, que d’un brasseur artisanal professionnel. On compte aujourd’hui près de 700 microbrasseries

40

Ce nouveau marché a donc ses propres particularités. Pour les illustrer, prenons l’exemple de la brasserie Mandrin à Saint Martin d’Hères. D’abord les produits sont très variés. Les bières vendues sont composées de huit bières permanentes dont deux bières de saison et de bières dites événementielles pour renouveler les produits. On est donc loin de la standardisation des grandes marques. D’autre part, le business model repose sur la proximité de l’établissement avec les clients. Beaucoup des clients de la brasserie Mandrin sont des étudiants de l’Université Grenoble Alpes située à côté. Or le but de la brasserie est justement de faire découvrir la bière artisanale à la clientèle potentielle selon Marion Aceto, responsable magasin.


CULTURE Plus précisément faire découvrir en proposant des visites de la brasserie pour les particuliers et les entreprises, ou de fournir le Bureau des étudiants de l’ENSE3 en bière et en matériel (tireuse, gaz, etc..). A défaut de publicité, les microbrasseries ont recours à un marketing concret et proactif qui correspond à la recherche de circuits courts des consommateurs. Enfin, malgré l’atomicité croissante du marché, les microbrasseries ne se font pas concurrence, parfois même elles se donnent quelques coups de main selon Marion Aceto. Cela s’explique parce que les bières sont rarement substituables d’une brasserie à une autre. Ainsi la Brasserie du Chardon ne vend que des bières issues de l’agriculture biologique et des bières IPA totalement absentes sur les présentoirs de Mandrin. Ces caractéristiques donnent un marché croissant et solide.

la brasserie du Val d’Ainan en 2006, celle du Mont Aiguille en 2009... De plus, c’est la bière artisanale qui porte la croissance de la consommation de la bière en France. Après une baisse de la consommation de 1% par an depuis 30 ans, l’année 2015 connaît une hausse de 3,1%. La diversification de l’offre en serait la cause selon une déclaration de François Loos, président de l’association des brasseurs de France. Une diversification provoquée par la prolifération des brasseries. Si bien que les microbrasseries inquiètent les grandes marques qui anticipent une sévère concurrence.

« Seulement 3% de la bière consommée en France est artisanale »

Même si seulement 3% de la bière consommée en France est artisanale, la clientèle accoutumée à ce genre de produit lui reste fidèle. Sur certains réseaux sociaux d’ailleurs, on reproche aux Beer Geeks d’être des snobs, qui ne boivent que leur propre bière en soirée ! La tendance de la Craft Beer est déjà très forte au Royaume-Uni et aux États-Unis où l’on comptait 1871 microbrasseries en 2014. Les microbrasseries apparaissent en France avec un certain décalage à partir des années 2000 : Mandrin est fondée en 2002,

Contrairement à ce que l’on pourrait penser, il n’est pas nécessaire d’habiter en Isère pour consommer de la Mandrin. Les microbrasseries fournissent bien sûr des cavistes présents dans toute la France qui cherchent des produits divers et de qualité. Mais elles fournissent aussi des grossistes qui répandent leurs produits sur le territoire. Marion Aceto nous affirme que des clients ont découvert la Mandrin à Montpellier ! La brasserie Mandrin, comme d’autres microbrasseries, fournissent également la grande distribution et font directement concurrence aux grandes marques. De fait la Dauphine de la brasserie du Val d’Ainan et la Mandrin sont disponibles dans les Casino et les Super U locaux aux côtés de Leffe et Heineken.

41


CULTURE Alors les grands groupes réagissent : SABMiller (Gambrinus, Master, Peroni...) rachetait l’année dernière la pionnière des brasseries artisanales du Royaume-Uni, la Meantime Brewing Company. Le groupe AB InBev (Leffe, Corona, Stella...) a même des pratiques plus brutales aux États-Unis en rachetant des distributeurs pour empêcher la vente des Craft Beers selon Reuters. Les grandes marques anticipent bel et bien la croissances du marché de la bière artisanale. Que tirer de la tendance des microbrasseries ? La naissance de ce nouveau marché nous rappelle que tous autant que nous sommes nous produisons de la richesse. Le salariat est un système dans lequel l’on crée de la richesse pour d’autres, l’entrepreneuriat et « l’uberisation » de l’économie nous montrent que créer de la richesse pour nous même est à notre portée. Ce qui est bien plus stimulant ! Ces façons de travailler sont sans doute des facteurs d’innovation. Lorsque le travailleur n’est plus soumis à un rapport de subordination ne devient-il pas plus créatif ? On doit même admettre qu’une fois lâché dans la nature de l’entrepreneuriat, l’individu est forcé d’être créatif

42

Quelques chiffres... Près de 700 microbrasseries en France C’est plus l’entre-aide que la concurrence qui prévaut entre microbrasseries Après un déclin de la consommation de bière pendant 30 ans en France, elle augmente de 3,1 % en 2015

ne serait-ce que pour se différencier de la concurrence. Les Bières du Temps sont produites par une autre microbrasserie qui illustre bien l’innovation provenant d’une initiative personnelle : un couple de Grenoblois change son activité professionnelle pour produire et vendre de la bière issue de l’agriculture biologique ! Comme il est possible de créer sa propre bière, rien ne nous empêche d’employer nos talents pour notre propre compte, innover et léguer quelque chose à la société entière.


CULTURE

43


sport sport : toujours pLus vite ! Par Maxime Lebrun Le premier bien culturel des français est aujourd’hui le jeu Fifa 17 produit par EA Sports qui tente année après année de se rapprocher au mieux du football réel via des technologies de plus en plus abouties. Ceci témoigne de l’essor de l’e-sport dans notre société mais surtout de l’omniprésence de la technologie et de l’innovation dans le sport aujourd’hui. Elle en est aujourd’hui un acteur à part entière.

L’innovation au service de la performance Quel est le but premier d’un sportif, qu’il soit une star de sa discipline ou un simple amateur passionné ? C’est l’amélioration de la performance. Or nous vivons aujourd’hui dans une époque où dans tous les domaines la performance est le critère d’évaluation prédominant, dès lors le sport n’échappe pas à cette règle et on peut voir de nets progrès qui ont été effectués ces dernières années. En effet, prenons l’exemple du 100m, le premier record de la discipline fut établi en 1912 par l’américain Don Lippincott avec un temps de 10 secondes et 12 centièmes. Le détenteur actuel est le jamaïcain Usain Bolt avec un temps impressionnant de 9 secondes et 58 centièmes. Ainsi en un peu plus d’un siècle, on a amélioré de plus d’une demi-seconde un record qui concerne un effort d’environ 10 secondes ce qui est assez impressionnant. Or comment expliquer cette nette amélioration ? Par des entrainements de plus en plus innovants. Cela commence par une connaissance précise de chaque centimètre de muscle, permise par les progrès en médecine afin de pouvoir travailler individuellement la croissance de chaque muscle. Ensuite, place à certaines techniques révolutionnaires. C’est le cas d’Usain Bolt qui utilise par exemple l’électro-stimulateur. Bien que soumise à la controverse, car accusée de dopage technologique, cette machine y est pour beaucoup dans les performances de la star jamaïcaine du sprint. En effet, par des décharges

44

électriques ciblées et réglées selon les besoins du sportif, la machine permet un développement important du muscle choisi afin d’améliorer sa résistance à l’effort. La technologie devient alors un outil pour l’amélioration des performances.


sport L’innovation pour améliorer la performance peut également concerner des accessoires plus simples. En effet, pour réaliser des performances qui vont faire lever les foules, les athlètes ont besoin d’une tenue adéquate. Et dans ce domaine, les différents équipementiers rivalisent d’ingéniosité pour créer des produits toujours plus orientés vers la performance. C’est le cas des fabricants de chaussures de football par exemple qui se lancent chaque année dans une compétition féroce pour créer le produit qui répond le mieux aux attentes des grands sportifs. Année après année, les matériaux utilisés deviennent de plus en plus légers, épousent la forme du pied de manière quasi-parfaite pour faciliter les exploits sur le pré.

De manière plus générale, la technologie accompagne aujourd’hui le sportif quel qu’il soit. Avant son entrainement, pendant son entrainement, après son entrainement il peut avoir recours à des applications, des statistiques pour étudier sa performance et l’améliorer. Son smartphone devient en effet un outil à la mesure de la performance puisqu’on ne compte plus les innombrables applications proposant ces fonctionnalités (Nike + run club, Runtastic…). Et l’innovation accompagne toujours plus la pratique sportive. Il est dorénavant possible de coupler l’effort à l’agréable en utilisant par exemple un casque de réalité virtuelle pendant une session de rameur comme le propose la société alsacienne Holodia. Le progrès est en marche, le sport entre pleinement dans les préoccupations des innovateurs aujourd’hui et des salons sont organisés pour promouvoir cela comme le salon Inosport organisé à Voiron en partenariat avec GEM où des professionnels se regroupent annuellement pour parler sport et innovation.

« Le sport entre pleinement dans les préoccupations des innovateurs aujourd’hui »

Innover, un moyen pour créer de la richesse Or, en dehors de la performance le sport apparait aujourd’hui comme une véritable industrie où les sommes qui y fluctuent sont colossales. Dès lors, l’innovation dans le sport peut également rimer avec un moyen de démultiplier les profits. En effet, ce n’est que récemment que le sponsoring est devenu aussi important dans le sport. Des sommes ahurissantes sont alors en jeu pour apparaître sur les encarts publicitaires d’un stade ou sur le maillot d’une équipe. C’est le cas par exemple de Nike qui a signé

un chèque de 100 millions d’euros pour apparaitre sur le maillot du Fc Barcelone comme sponsor principal. Mais cela ne s’arrête pas là puisqu’aujourd’hui les clubs ont trouvé d’autres moyens pour ramener de l’argent par des sponsors. C’est le cas du naming notamment. Le club concerné lance un appel d’offre pour apparaitre dans le nom de son stade, cette technique se développe de plus en plus en France avec le stade vélodrome de Marseille qui est devenu l’orange vélodrome ou le stade de Nice renommé l’AllianzRiviera en lien avec l’assureur renommé. Les clubs savent alors innover en matière de contrats afin d’obtenir des fonds toujours plus intéressants.

45


sport

Mais la technologie est également utilisée par les clubs ou sportifs pour arrondir leurs fins de mois. C’est le cas des réseaux sociaux notamment où de plus en plus les publications des sportifs sont sponsorisées par telle ou telle marque en échange de sommes rondelettes. La star s’engage alors à faire la promotion de la marque dans ses publications sur Twitter, Facebook ou Instagram en particulier ou encore dans les médias plus classiques comme la télévision où Nike est par exemple très présent. Ainsi, l’innovation accompagne également la progression incroyable des revenus dans le sport.

L’innovation pour améliorer l’expérience spectateur Mais innover dans le sport peut également servir à des fins plus nobles afin d’offrir de nouvelles perspectives de visionnage au spectateur. En effet, depuis longtemps les technologies servent à la diffusion du

46

sport dans le monde entier avec des caméras rendant des images de plus en plus nettes et précises. Plus récemment, c’est dans l’accessibilité à un public précis que la diffusion d’un évènement sportif s’est améliorée. Nous sommes aujourd’hui dans une société friande de chiffres en tout genre, et pour mesurer une performance l’analyse de statistiques peut être un moyen très intéressant. Les médias s’appuient alors grandement dessus et les spectateurs en raffolent. Grâce aux données GPS, aux caméras isolées, aux palettes 3D... les médias donnent des moyens de plus en plus poussés pour permettre aux spectateurs d’apprécier réellement la performance et ceci de manière quasi-instantanée. Et même dans le stade cela est possible puisque de plus en plus de stades deviennent équipés d’un réseau wi-fi performant (Parc OL par exemple), ce qui permet alors au spectateur passionné d’avoir accès à une infinité de données en temps réel.


sport Quelques chiffres... 44,7, telle est la vitesse maximale atteinte (en km/h) par Usain Bolt lors de son record du monde

Là où l’innovation devient magique, c’est lorsqu’elle peut redonner le goût du spectacle à des individus qui ne pouvaient plus profiter de leur passion à cause de problèmes de santé notamment. Le stade Pierre-Mauroy de Lille est un bel exemple de cette possibilité. En effet, il permet aujourd’hui à des personnes mal-voyantes de suivre le match au stade en audio-description en se branchant sur une certaine fréquence radio. Et les premiers retours sont très bons puisque les personnes concernées ont l’impression de voir le match à nouveau.

99 grammes, c’est le poids de la chaussure de football lancée par un grand équipementier allemand 800 bornes wi-fi HD sont présentes dans le Parc OL permettant à 25 000 spectateurs de se connecter simultanément 5 millimètres, c’est le seuil de précision de la Goal Line Technology

Un futur prometteur L’innovation fait ainsi pleinement partie du sport à tous les niveaux aujourd’hui. Et cela ne semble pas en phase de s’arrêter. En témoignent les nombreux débats autour de l’utilisation de la vidéo à propos de l’arbitrage par exemple ou de la mise en place de la Goal Line Technology au football durant le dernier championnat d’Europe des nations organisé en France l’été dernier. Le débat est intense car il

s’inscrit dans une problématique plus générale : la crainte de voir l’intelligence artificielle remplacer le jugement humain. C’est pourquoi il faut être très prudent avec l’utilisation des technologies dans le sport, elles sont bien évidemment très pratiques et ont de nombreux effets positifs elles mais doivent rester un outil, une aide pour l’homme et non pas une nécessité.

47


sport le ski d'aujourd'hui Par Chloé Halot Qu’est-ce qu’un ski ?

L

e bassin grenoblois a longtemps été l’une des principales régions productrices de skis en France. Les marques telles que Dynamic, Rossignol, 5K15 sont basées dans la métropole. Le ski a toujours été une activité très prisée (le philosophe Sartre a longtemps étudié ce sport). Le ski était au départ un moyen de déplacement et de chasse, on en trouve datant de la Préhistoire. Les skis étaient très présents dans les pays nordiques, tels que la Norvège et la Suède, où il y avait de grosses chutes de neige. Le premier à penser au ski comme un loisir est Sondre Norheim. Petit à petit introduit en France par les militaires, le ski devient populaire au début des années 1920. Un des premiers à se lancer dans la manufacture du ski est Abel Rossignol, un menuisier Voironnais. Avant d’étudier les innovations importantes dans le monde du ski, il faut connaitre la composition de base d’un ski. Les skis actuels sont composés de différentes parties ou pièces maîtresses. Tout d’abord le noyau,

48

c’est la base du ski, Il se trouve au centre du ski et doit être résistant et constitué d’une seule pièce. Les noyaux peuvent être en bois (souvent du hêtre car sa texture fibreuse est très résistante) ou en mousse de polyuréthane pour des skis plus légers. Au-dessus et en dessous du noyau il y a des matériaux de renfort (souvent de la fibre de verre tri-directionnelle). Encerclant le tout, il y a le chant, un morceau de plastique donnant la forme au ski. Pour finir, il y a une carre de chaque côté du ski et une semelle en plastique. « Les skis restent fragiles, le bois massif affiche ses faiblesses. Ce sont des skis auxquels il fallait s’habituer, ce n’était pas les skis qui s’habituaient à nous » Emille Folliguet, membre de l’équipe de France. Mais jusqu’en 1939, les modèles de skis étaient faits en bois massif, comme les skis norvégiens. Kléber Balmat expliqua qu’avec ses skis massifs « à la descente, on allait tout droit jusqu’à l’arrêt chute, le meilleur étant celui qui tenait le plus longtemps ». Emile Allais, le premier skieur sous contrat, allait choisir lui-même ses planches à la menuiserie d’Abel Rossignol. Il choisissait du bois provenant d’arbres ayant poussé lentement dans des plaines humides. Le frêne était un bois parfait car il avait des fibres serrées, ce qui permettait d ’utiliser moins de laque pour boucher les trous mais aussi car c’est un bois élastique ce qui permettait d’avoir une souplesse dans le ski. Les skis de cette époque étaient très grands, ils faisaient 2.25 m pour la descente et leur création était très minutieuse. Il fallait trouver deux planches les plus similaires possibles et les raboter à la main de la manière la plus symétrique possible. Pour les réparer, c’était simple, il suffisait de coller un autre morceau de bois. « J’aimais bien, pour la descente, des skis qui avaient de belles veines plates. Parce que ça faisait des skis plus souples et qu’il me semblait qu’ils glissaient plus », Emile Allais.


sport En 1939, Abel Rossignol créa les premiers skis contrecollés, ces skis-là étaient plus solides. Pour fabriquer des skis en contrecollé, il fallait découper une planche de ski en deux (dans le sens de l’épaisseur) puis la recoller avec un petit décalage dans les fibres de dessus et dessous. Cela donnait plus de résistance aux skis : une fibre qui se déchirait n’allait pas forcément casser le ski entier. « Entre 1940 et 1960, il s’est passé beaucoup de choses, ils ont assis les bases du ski moderne », Jérôme Noviant, actuel chef de produit ski chez Rossignol. En 1941, le premier ski dit « en sandwich » voit le jour, c’est un ski ayant une lame de métal entre les deux parties contrecollées du bois (d’où le mot « sandwich »). En 1960, Rossignol créa L’Allais 60, l’un des premiers skis en sandwich avec des carres cachées et une semelle en polyéthylène en dessous. C’était la première fois qu’on arrivait à fixer la semelle sans rivets, ce qui ajouta beaucoup à la glisse. Ce ski « préfigurait le ski d’aujourd’hui. A l’époque où il est sorti, il avait au moins deux ans d’avance sur la concurrence. » d’après Emile Allais. C’était un des premiers skis vraiment stables et adaptés aux grandes courbes. Vuarnet gagna les jeux Olympiques de Squaw Valley en 1960 et grâce à cette notoriété, L’Allais 60 devint très vite un des skis de descente favoris.

Quelques années plus tard, la marque de skis Rossignol va imaginer deux nouveaux skis dotés d’innovations techniques : le Strato en 1965 (avec la fibre de verre) et le Roc 550 en 1971. Ces innovations vont multiplier le chiffre d’affaires par 11 en 10 ans. Le Strato fut un des premiers skis fait à base de fibre de verre. La fibre de verre fit ses débuts aux Etats-Unis. A Grenoble, le premier ski composé de fibre de verre était un ski dynamque. Le Strato de Rossignol fut l’un des premiers à être commercialisé de manière massive, il est le premier ski à dépasser le million de paires vendues. En 1968, pendant les jeux olympiques de Grenoble, Rossignol était le premier producteur de skis au monde. Ce ski a été l’un des favoris des champions, Annie Famose porte ses skis aux Championnats du monde de Portillo (Chili), aux Jeux olympiques de Grenoble… « Le Strato est le premier ski qui a donné l’impression de tourner de lui-même. Il tenait cette qualité de la forme particulière de sa taille de guêpe, sortie comme par magie sous le rabot d’un des développeurs de la maison, Angrelo Nocente. », Maurice Woerhlé, ingénieur Rossignol.

« Le Strato de Rossignol est le premier ski à dépasser le million de paires vendues. »

49


sport En 1971, le Roc 550 est mis au point chez Rossignol et le ST 650, chez Salomon. Il s’agit des premiers skis sans noyau de bois, les skis sont injectés avec une mousse qui durcit en refroidissant. Cette mousse permet d’éviter les variations que subit le bois dues à l’humidité et à l’eau. Ce dernier figure sur beaucoup de podiums aux jeux d’Innsbruck en 1976. Rossignol fut une des marques les plus innovantes dans la région grenobloise. Ils sont aussi responsables des skis Equipe Suisse de Rossignol et le SM Compétition. Dans les années 70, les ingénieurs cherchent à mettre au point un ski solide, mais qui reste souple sous le patin, ce n’est qu’en 1995 que la réponse à leur question voit le jour. Le ski parabolique fait sa première apparition chez Kneissl, Elan, Head et Dynastar. Les skis paraboliques eurent un succès immédiat, ils permettaient aux skieurs moins avancés d’apprendre à faire des virages coupés et de prendre du plaisir à faire du carving sur les pistes. Ces skis en « forme de sablier » font leur apparition en 1995 et les anciennes manières de faire du ski sont alors fortement remises en question. Le début du ski parabolique marque donc le début des virages coupés, et l’ajout du super G aux disciplines alpines.

Shapers et Skieurs a aussi permis aux skieurs d’avoir des skis qui leur plaisaient et des skis plus spécialisés pour les différents domaines. Les shapers commencèrent à jouer sur la longueur, la largeur, la différence entre le patin et la spatule, même l’inclinaison de la spatule. De nos jours, existent des skis fins pour le ski de bosse, des pelles à tarte pour la poudreuse, des skis doubles spatulés pour le snowpark et des skis avec un rocker pour la neige molle. Le rocker est une innovation venue des Etats-Unis. Il s’agit d’une spatule dont le relevé est plus allongé. Grâce à un rocker, on reste plus en surface en poudreuse et on tourne plus facilement tout en gardant la cambre du ski. Maintenant, une grande variété de matériaux est utilisée dans le monde du ski. Par exemple, Daniel Bruyan utilise de la sève de bouleau : « Les skis 5K15 se différencient par une conception à la fois de haute qualité et durable dans le temps. Le secret de 5K15 se situe dans le choix de composition de ses noyaux. +35%, c’est la différence de prix qu’il faut débourser pour utiliser de la fibre de bouleau séchée naturellement pendant 3 ans. Cette fibre permet de maintenir les propriétés mécaniques du ski dans le temps, sans surpoids. » Les skis de la marque FiveKFifteen, en plus d’être de très bonne qualité, sont remarquablement moins chers que la compétition. En effet, une paire de ski est en moyenne 39% moins chère que la compétition et cette marque a un prix unique quel que soit le type de ski. Encore bien d’autres choses ont évolué dans le monde du ski, si ce n’est le placement des fixations, ou les fixations elles-mêmes, la construction et le design des skis. Il est désormais beaucoup moins coûteux de dessiner et fabriquer des skis. « A l’époque, le menuisier traçait une ébauche sur le bois et la donnait à son ouvrier. Maintenant il lui passe un fichier sur une clef USB. », Henri Deborde.

En plus de cela, avec l’évolution des caméras et le début de la filmographie de sport, notamment de ski, les skis sont devenus plus esthétiques, il y a une plus grande attention portée au top du ski. Les collaborations entre

50


sport LEXIQUE DU SKI Back Country : Littéralement skier derrière la montagne, c’est skier sur tous les terrains et hors-piste, généralement à un endroit peu connu des foules. Carres : Bandes de métal sur les côtés d’un ski lui permettant d’accrocher sur les neiges dures. Combe : Dépression creuse créée par l’érosion sur le flanc d’une montagne. DVA : Détecteur de Victimes d’Avalanche, aussi connu sous le nom ARVA indissociable de la pelle et la sonde. Fat : Terme pour désigner des skis très larges, adaptés au ski dans la poudreuse. Freeride : Ski ou snowboard en hors-piste, à la recherche d’évasion et de poudreuse. Freestyle : Discipline à part entière de ski ou de snowboard consistant à effectuer des figures de style sur des bosses ou des barres de métal appelées rails, généralement dans un snowpark.

Flip : Rotation verticale dans un saut à ski ou snowboard. On distingue les « front flips », rotations en avant, et les « back flips », rotations en arrière ou salto, saut périlleux arrière. Grab : Figure consistant à attraper avec la main un bout du ski pendant le saut, venant de l’anglais « to grab » qui signifie « attraper » en français. Jour blanc : Phénomène météorologique où le brouillard fait que l’on discerne difficilement la différence entre la neige et le ciel, ce qui rend le relief difficile à anticiper et peut même provoquer un léger mal de mer ou des pertes d’équilibre. Spot : Le spot est un endroit de la station, souvent connu uniquement par quelques locaux, C’est « leur » endroit ! Switch ou Fakie : Rider en switch ou en fakie signifie glisser « à l’envers ». En ski en tournant le dos à la pente. Tricks : Figures de feestyle

51


Futurs Grenoblois est un projet d’Xpression, association de journalisme et de littérature de Grenoble Ecole de Management. Au travers de ce premier numéro, l’équipe souhaite plonger le lecteur dans l’environnement grenoblois, unique en France lorsque l’on parle d’innovation. Quels ont été les grands acteurs de l’innovation grenobloise ? Quelles tendances se dégagent ? Quelles ambitions peut nourrir l’agglomération ? Autant de questions auxquelles nous tentons d’apporter des éléments de réponse. Au-delà de ça, il s’agit surtout de dresser un éventail des formes que peut prendre cette innovation dans des secteurs très variés, et pourquoi pas stimuler les lecteurs afin qu’ils participent à cette formidable alchimie de talents et d’idées.


Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.