ST Microelectronics

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Préface

C

eux qui sont à l’origine de cet ouvrage sont des hommes et des femmes libres, riches. Pendant un an et demi de lutte, Guillaume Prié et Thomas Brégardis les ont suivis. Personnellement touchés par cette délocalisation, les deux photographes ont décidé de passer à l’acte et de s’immerger dans le conflit. Contre l’éloignement, la proximité totale des images. Captées au gré des moments forts, elles ont servi de socle à quinze anciens salariés de ST, déterminés à expulser sur elles des écrits, des ressentis. Ce faisant, ils ont gardé la main sur une liberté plus forte que tout : celle de l’acte créatif. Résultat: ce livre d’images, sublimées de paroles fortes, qui se révèle comme un flagrant délit indélébile. Nauséeuses, colériques, joyeuses ou portées par une tristesse à mourir, les phrases jetées pêle-mêle en face des photographies observées après coup accrochent définitivement sur la figure de l’entreprise mastodonte une ride de honte. ST a craché les présents auteurs comme d’insipides poussières, a soufflé sur ses salariés comme on souffle sur un nuage minuscule pour le pousser au loin, mais ST n’aura pas prise sur la liberté d’expression contenue dans ce recueil, délocalisable à souhait et réalisé sans perte ni profit. Beau pied de nez aux puissants qui ont joué avec la vie de six cents familles. Des centaines de personnes mises à nues, éjectées de cet univers confiné où l’ennemi public numéro un est la poussière ; chassées comme des microbes

de ces salles où se fabriquent les semi-conducteurs, plus blanches et plus stériles que les blocs opératoires ; virées de ce monde régi par l’infernal souci de pureté environnementale - électronique oblige - ; crachées de cet espace où le rapport physique à l’objet que l’on construit a disparu, où l’homme et tout ce qui le constitue est très proprement englouti. Personnalité, regard, allures, mimiques… disparu tout ce supplément d’âme ! Absorbé l’humain sous les combinaisons de travail immaculées, avalé pour cause de propreté ! Mais les éjectés de ST ont lâché leur masque, leurs surbottes, leurs gants, leurs tenues intégrales antipoussières. Ils dévoilent dans ce livre l’anxiété de leurs visages hier cachés, leur fatigue, leur colère, leur énergie. Les gueux du Boulevard de la Lutte donnent en pâture aux seigneurs toute leur richesse de pauvres : l’amitié, le sel des larmes, l’extrême douceur de la poussières des rues, la chaleur des braseros, les odeurs de clopes et de café sous la tente, la solidarité. Le plus riche n’est pas celui qu’on croit. Il suffit d’ouvrir ces pages pour faire revivre à chaque fois un chapitre que l’on croyait fermé. On a détruit leur vie, ils ont construit une mémoire. Ils se montrent en livrant ici à ceux qui les ont congédiés toute leur humanité. Celle qui vaut de l’or. Sylvie Séguier



Un drap peau… Quelques mots - dits…

Une foule

réunie sur l’autel du sacrifice

3 Le 3 Septembre 2003, Montrouge (Paris), première manifestation au siége social de ST France.



On fait cercle autour de ses rondeurs et

on n’a pas fini de faire la ronde. Il nous en aura dit des choses à travers cette extension de lui-même. Trimbalé, cabossé, étiqueté CFDT puis CGT.

5 Le 3 Septembre 2003, Montrouge, Jean-Marie MICHEL prend la parole.



Un moment de calme, un soupir suivi d’un sourire.

Faire le mort pour donner une chance Ă la vie.

7 Le 3 Septembre 2003, Montrouge.



9 Le 3 Septembre 2003, Montrouge.



En haut, une poignée de personnes que nous n’avons jamais vues discutent de la meilleure manière de nous virer. En bas, nous, on est là. On se relaie pour faire vibrer le bâtiment. On veut qu’ils sachent.

Ça doit être une grosse boîte, ST, non ?

11 Le 3 Septembre 2003, Montrouge.



« Qu’est-ce qu’il a à parler comme ça ce monsieur là? Il est passé à la télé. - Ah oui, c’est Jean-Marie ! Mais qu’est-ce qui dit ? - Il dit que mon usine va fermer. Oui mais tu vois, on n’est pas d’accord ! - Bon, on s’en va ? - Deux secondes, deux secondes ! - Et tu vas revenir quand, ce soir ? »

Là, il y a mon gamin. C’est son anniversaire.

13 Le 6 Septembre 2003, Site de Rennes, entrée Sud, manifestation regroupant les salariés et leur famille.



15 Le 6 Septembre 2003, Site de Rennes, entrĂŠe Sud.



Joyeux désordre social. Il fait beau, on a de la joie à manifester. On prend la rue, on lui donne des couleurs, on prend la gare et on interpelle en riant fort.

17 Le 18 Septembre 2003, Gare de Rennes, manifestation lors du passage du “Train pour l’emploi”.



19 Le 27 Septembre 2003, Rennes, place du Parlement de Bretagne.



Haine, doutes, dĂŠception, fatigue. Ces sentiments nous accompagnent tout au long du conflit.

21 Le 27 Septembre 2003, Rennes, place du Parlement de Bretagne



Etablir un plan de bataille. Notre entreprise, dorĂŠnavant notre ennemi, ne nous ĂŠpargnera pas.

Fin 2003, Site de Rennes, salle syndicale.



Vacarme dans le vide social. Les murs se souviendront.

25 Le 27 Octobre 2003, Rennes, PrĂŠfecture Martenot.



La grande réunion c’est pour bientôt. Avant, ce sont les contacts subtils.

Des idées encore libres. Vite lancer ses piques, interpeller.

27 Le 27 Octobre 2003, Rennes, anti-chambre à la préfecture Martenot.


« Je ne la sélectionne pas cette photo. Je me souviens juste que la discussion était


très hard. Ça commençait à parler suicide. On était secoué par cette discussion. »

29 Le 28 Octobre 2003, Rennes, Salle de réunion, Cercle Paul BERT.



31 Le 14 Novembre 2003, Rennes, Préfecture Martenot, lors de la venue de Francis MER (Ministre de l’économie et des finances).


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