MEMOIRE HMONP 2021 - YILDIRIM UGUR

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ECOLE NATIONALE SUPERIEURE D’ARCHITECTURE DE STRASBOURG HABILITATION A LA MAITRISE D’OUEVRE EN SON NOM PROPRE ANNEE : 2020-2021

La translatio studiorum dans la pratique architecturale Un cabinet d’architecture comme une école de pensée

Architecte Diplômé d’Etat : Ugur YILDIRIM Directeur d’études : Jérôme VILLEMARD Structure de mise en situation professionnelle : BGL Architecture Architecte référent structure : Jean-Marie LEFEVRE


L’Ecoles d’Athènes- Raphäel – 1509-1510

« Rien n'est transmissible que la pensée. Au cours des ans, l'homme acquiert petit à petit par ses luttes, son travail, ses efforts sur lui-même, un certain capital, conquête individuelle et personnelle. Mais toute la recherche passionnée de l'individu, tout ce capital, celte expérience durement payés disparaîtront. Loi de la vie: la mort. La nature clôt toute activité par la mort. Seule la pensée, fruit du travail est transmissible. Les jours s'écoulent, au courant des jours, au cours de la vie ... » -Le Corbusier, Mise au point, Éditions Forces Vives, Paris, 1966

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SOMMAIRE - AVANT-PROPOS Pourquoi choisir de faire l’HMONP p.3 Le contexte professionnel p.4-5 - INTRODUCTION p.6 - I. ENSEIGNEMENT Transmission de la théorie dans les écoles d’architecture à l ‘étudiant architecte 1.- Acquisition d’une Culture architecturale p.7-8 2.- Enseignement du Projet architectural p.9-10 3.- Mise en situation professionnelle à travers les stages en agences p.11 - II. INITIATION Transmission du savoir de l’agence à l’architecte 1.- Entrée en cabinet d’architecture : organisation d’une agence p.12 2.- Rédaction des pièces écrites – rôle croissant de l’économie de la construction p.13 3.- Ecriture d’un cabinet d’architecture : question de la spécialisation p.14-15 4.- Le chantier - transmission des entreprises à l’architecte p.16-17-18 - III. APPLICATION de l’architecte au praticien 1.- Approche critique de l’expérience p.19-20 2.- Mise en place des outils pour l’exercice p.21-23-23 3.- Vers une pratique p.24-25 - CONCLUSION p.26 - APRES PROPOS – p.27 - BIBLIOGRAPHIE –

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AVANT-PROPOS Pourquoi choisir de faire l’HMONP Les cours d’architecture reçus pendant les années d’études à l’École Nationale Supérieure d’Architecture de Strasbourg mettent l’accent sur le projet, plus spécifiquement sur la conception d’un projet architectural, et fournit aux étudiants un savoir théorique. Nous appliquons et interrogeons ce savoir à travers nos parcours ainsi que durant nos expériences professionnelles. HMONP se révèle comme une évidence pour acquérir l’apprentissage nécessaire afin d’être reconnu comme Architecte. Elle permet d’arriver sur le marché du travail avec les connaissances requises pour débuter une carrière d’architecte et de comprendre les fonctionnements liés à son exercice. Cette formation est une opportunité enrichissante qui mêle cours professionnalisant et activité concrète en agence. Elle nous permet de poser un bilan sur notre capacité d’adaptation et notre conviction à nous projeter dans le futur en tant que praticien conscient de nos responsabilités juridiques, administratives, éthiques mais également relationnelles. Elle nous permet un savoir concret, solide et un outil de travail acquis durant les cours en permettent d’intégrer des mécanismes de réflexion mis en place au sein de l’agence. Plus largement encore, elle constitue un esprit critique au niveau de la profession. Une conscience professionnelle se forme et permet de mieux appréhender le nouvel environnement dans lequel on évolue. Ainsi, c’est le moment où l’on réalise que l’agence d’architecture, au-delà du lieu de création, se doit d’être une entreprise pérenne capable de répondre de manière satisfaisante à la commande et d’entretenir un bon relationnel avec les maîtres d’ouvrage, les entreprises et les autres intervenants du projet afin de rester viable. L’obtention du titre d’architecte HMONP est une étape essentielle dans le cursus de formation et est une mention obligatoire pour l’acte de construire. La formation tend à nous rendre légitime sur la pratique de la profession et modifie notre statut au sein de l’agence L’HMONP représente également une étape structurante et une opportunité insoupçonnée dans les échanges qu’elle fait naître au sein de l’agence, notamment lorsque la réflexion menée dans le mémoire professionnel est indissociable de la structure d’accueil. C’est un temps d’approfondissement, d’enrichissement et de structuration d’un projet professionnel cohérent. Diplômé de l’ENSAS en 2019, je me suis fait une idée de ce qu’était le travail en agence d'architecture. Le souhait de présenter mon habilitation à la maîtrise d’œuvre en «mon» nom propre s’inscrit dans la continuité de mes réflexions sur les enjeux de la profession et de ma volonté de m’associer plus tard au sein de l’agence BGL Architecture.

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En tant qu’architecte diplômé d’Etat, je serai amené à me former et à apprendre tout au long de ma carrière. Néanmoins, pouvoir appréhender dès le début de mon exercice le contexte professionnel dans lequel j’évolue à travers le prisme d’une déontologie et d’une éthique professionnelle me permet d’envisager plus sereinement mon avenir. Le contexte professionnel C’est dans l’agence BGL Architecture que je fais ma mise en situation professionnelle. Agence dans laquelle j’ai réalisé mon stage de Master. Cette structure me paraissait être un excellent choix pour comprendre les rouages d’une agence en cohérence avec les objectifs de la HMONP. J’étais certain que Jean-Marie Lefèvre (gérant de BGL Architecture) avait beaucoup de savoir à me ‘transmettre’. Cette expérience n’est pas différente de l'enseignement philosophique que peut recevoir un disciple de son maître. La profession d’architecte demande d’acquérir un savoir considérable en vue de sa pratique. Elle illustre l’ingéniosité de l’humanité et son sens de l’harmonie ; reflet profond des motivations complexes des individus et des sociétés. La formation HMONP est l’occasion de questionner la profession. C’est une quête à recherche d'un sens à donner à la discipline ; une quête à la recherche de la compréhension de la discipline. BGL Architecture est une agence créée en 1999 par trois associés, puis repris par un de ces associés, Jean-Marie Lefèvre, en 2011. Elle est actuellement composée de 9 personnes ; 1 Architecte ENSAIS, 1 Architecte DPLG, 2 Architectes D.E., 1 Economiste-métreur, 2 Dessinateursprojeteurs et de 2 Assistantes. Les domaines d’intervention de l’agence sont, comme suit : • Equipements publics • Industrie & bureaux • Enseignement • Domaine médico-social • Agro-alimentaire • Logements-Hôtels-Maison individuelles 50% PUBLIC - 50% PRIVE Il y a un organigramme classique et hiérarchisé, ainsi les rapports entre les collègues sont formels. Les dessinateurs-projeteurs, très expérimentés, sont à l’origine des premiers dessins de plans suite à un travail de relevé minutieux. Ils mettent en place un support de travail précis. L’exactitude des plans d’origine est très importante au sein de l’agence puisque c’est l’outil de réflexion architecturale et de métré. Les plans une fois dessinés, avec le respect des calques et des épaisseurs de tirets imposées par la charte graphique de l’agence font l’objet de mise en page pour une impression à l’échelle 50ème ou 100ème . Le gérant élabore l’esquisse sur la base de l’étude de faisabilité et met place un ensemble fonctionnel. Les intentions volumétriques ainsi que les plans sont esquissés à la main, à cette étape sans rentrer dans les détails des façades. Les projeteurs mettent ces plans au propres sur les logiciels et l’envoi au maître d’ouvrage pour validation. Page | 4


Au fur et à mesure des modifications de plans selon les demandes de la maitrise d’ouvrage en échange constant avec le gérant, le projet évolue. Après cette étape, le dossier est remis à un architecte salarié qui fait l’avant projet définitif, même s’il est évident que les associés ont plus d’expériences, ils sont là pour aiguiller les architectes plus débutants dans toutes les phases d’une mission. Ces modèles d’équipes, à savoir architectes, économiste, dessinateurs, amènent souvent à une mixité générationnelle appréciée dans l’élaboration du projet architectural. Cela apporte également une polyvalence des compétences individuelles qui, une fois mises au service du projet architectural, permettent de créer une équipe pluridisciplinaire. On peut observer une capitalisation du savoir au sein de l’équipe de projet, savoir qui sera ensuite mutualisé afin de pouvoir servir à l’ensemble de l’agence. La philosophie de l’agence est d’avoir un chargé de projet référent sur chaque affaire en cours. C’est lui qui sera la mémoire du projet, puisqu’il suivra le projet de la phase conception à la phase chantier.. C’est pourquoi, comme bien souvent le maître d’œuvre est le seul intervenant qui ne varie pas au cours du processus de réalisation du projet, l’idéologie de l’agence est de conserver un unique référent qui sera capable de se souvenir de toutes les évolutions du projet. J’ai commencé mes premiers projets par l’aménagement d’un cabinet médical pour mise aux normes PMR et sécurité incendie. J’ai suivi ce projet de la phase esquisse (ESQ) à la phase réception des ouvrages (AOR). Pendant la période de formation, j’ai suivi 10 projets significatifs (cf. book). Parfois j’étais tenu à exécuter les demandes du gérant, et parfois j’étais complètement libre de dessiner entièrement le projet. L’une des expériences les plus marquantes a été le concours d’architecture pour la création de nouveaux locaux de l’EHPAD et de l’ITEP à Sarreguemines. Pour quelqu’un qui n’a jamais fait de concours, cette expérience a été très enrichissante pour moi. C’est à ce moment précis que j’ai été persuadé que cette agence répondait à mes critères. En effet, une jeune architecte et moi avons été totalement libres pour dessiner le projet. Que demander de plus quand on est jeune architecte ? Bien évidemment, tout le long du travail de concours nous avions sollicité le gérant pour les aspects critiques et pour avoir ses recommandations. La découverte des pages et pages de programme, son étude et son analyse, ainsi que la réponse architecturale ont été épanouissantes. L'objectif de ce mémoire est de proposer une analyse de la transmission du savoir dans la pratique architecturale. Comme chaque agence d’architecture a sa propre méthode de formation d’un architecte, alors elle est semblable à une école de pensée. Mon observation de BGL Architecture et la manière dont Jean-Marie Lefèvre exerce la profession me fait ressentir que la méthode d’apprentissage, plus précisément sa méthode de tranmission est semblable à une école de pensée. Intéressons-nous de près en quoi consiste la transmission du savoir dans la pratique et comment une agence d’architecture peut initier un jeune architecte à sa philosophie.

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« Je suis un âne mais qui a l'œil. Il s'agit de l'œil d'un âne qui a des capacités de sensations. Je suis un âne ayant l'instinct de la proportion. Je suis et demeure un visuel impénitent. » -Le Corbusier, Mise au point, Éditions Forces Vives, Paris, 1966

INTRODUCTION Le savoir est défini selon le Centre National de Ressources Textuelles et Lexical (CNRTL) comme « Avoir dans l’esprit, avoir la révélation de l’existence, de la réalité, de l’identité, de la vérité de

quelque chose ; avoir présent à l’esprit un ensemble de connaissances rationnelles (concepts, idées, notions, images, représentations, affects), acquises par l’étude et par la réflexion, et constituant une synthèse ordonnée sur un objet de connaissance »1 Partant du principe Confucéen «Je ne cherche pas à comprendre les réponses, je cherche à comprendre les questions », ce mémoire a fait l’objet d’interrogations sur le savoir que doit acquérir un architecte pour exercer la profession. Il y a chez BGL Architecture un besoin de transmettre son savoir afin de collaborer à long terme. C’est durant la période de mon stage de Master 1 que j’ai compris que cette agence avait beaucoup à m’apporter. L’agence m’a proposée de rejoindre l’équipe à la sortie des études. Mon choix s’est naturellement porté vers elle pour faire la formation HMONP. Je me suis fixé comme premier objectif de participer à l’ensemble des missions de base pour la maitrise d’œuvre pendant la mise en situation professionnelle. Ce mémoire tente de faire connaitre la question du temps long nécessaire dans la pratique du métier en vu de présenter l’HMONP et d’affirmer les prémices du positionnement d’un jeune architecte dans l’optique d’être un futur praticien. Cette étape passe par l’acquisition du savoir que reçoit le jeune architecte durant la mise en situation professionnelle. La transmission du savoir a été un acte fondamental dans l’histoire de l’architecture pour préserver une tradition et pour innover une société en perpétuelle métamorphose. Dans un premier temps, il conviendra de s’intéresser à l’enseignement de l’architecture dans les écoles. Pour cela, il s’agira de mettre en évidence la formation à travers la construction d’une culture architecturale, de théorie de projet et l’enseignement par la mise en situation à travers les stages. Dans un second temps, l’analyse se déclinera dans le contexte professionnel pour comprendre le fonctionnement interne d’une agence d’architecture et quelles sont les méthodes employées pour pouvoir transmettre le savoir de la structure. Enfin, l’étude s’achèvera par une mise en perspective personnelle pour une approche afin d’étudier les outils nécessaires pour devenir un praticien. Cela est possible en pérennisant mon expérience chez BGL Architecture et par le recul critique inspiré par la HMONP.

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SAVOIR : Définition de SAVOIR (cnrtl.fr)

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« Objet touchant a l’esthétique, l’architecture est sujette aux engouements comme aux détestation les plus subjectives. Certes, tout un chacun est libre d’exprimer son avis sur ce qui constitue son cadre de vie, mais on peut estimer que, là comme ailleurs, un peu de culture ne gâche pas le jugement ». Philippe Trétiack

I-

ENSEIGNEMENT - de la théorie dans les écoles d’architecture à la pratique architecturale

1.- Acquisition d’une culture architecturale Premièrement, une langue évolue au fil du temps et les mots qui la composent apparaissent, disparaissent ou changent de sens. De nouveaux termes naissent pour décrire de nouvelles réalités. Une langue, comme les mots, s’adapte aux changements de la société. Elle reste sous influence de cette réalité empirique. Le champ d’un mot peut s’élargir ou se rétrécir selon des situations. Il n’est jamais figé. Et c’est sans compter les significations particulières qu’un mot ou qu’une expression a d’une langue à une autre. Le mot ‘culture’ n’a évidemment pas échappé à cette vérité. Plus encore, il a été profondément marqué par les aléas de son histoire. Nous allons définir le mot pour saisir sa profondeur avant de développer nos propos. Son étymologie du latin cultura, culture, agriculture, dérivé du verbe colere, habiter, cultiver2

La culture est l’ensemble des connaissances, des savoir-faire, des traditions, des coutumes, propres à un groupe humain, à une civilisation. Elle se transmet socialement, de génération en génération et non par l’héritage génétique, et conditionne en grande partie les comportements individuels 3 On peut dire que sur le plan individuel, la culture est la connaissance, l’instruction, le savoir acquis d’un être humain. Sur le plan collectif, elle représente les valeurs, les références intellectuelles et artistiques communes à un groupe donné. C’est l’état de civilisation d’un groupe humain.

Par conséquent l’architecture étant indissociablement l’expression de la culture4, nous allons nous intéresser à son enseignement dans les écoles d’architecture. Tout d’abord, l’aventure architecturale commence par la construction d’une culture. L’enseignement varié des écoles d’architecture amène à s’interroger de manière permanente ; il ne résulte pas une vérité fondamentale. Les cours suivi tout au long du cursus apportent une approche critique et non des réponses exhaustives sur la façon de faire de l’architecture. L’école permet de constituer un bagage culturel, lequel impacte et influence l’étudiant au point de créer des obsessions personnelles. Les études d’architecture est une recherche permanente de soi, de son égo, de son identité, de son caractère. On crée un musée imaginaire dans lequel nos esprits déambulent. Je peux dire que j’ai trouvé mon Moi à travers les théories de Rem Koolhas mais cela n’est pas le sujet de ce mémoire. 2

CULTURE : Etymologie de CULTURE (cnrtl.fr)

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Dictionnaire de l’Académie française, 9e édition.

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. Loi n° 77-2 du 3 Janvier 1977 sur l'architecture, Journal officiel du 4 janvier 1977 (Version consolidée au 11 juillet 2016)

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Ensuite, les années de licence se composent de thèmes variés, comme suit ; Théorie et pratique de l’architecture, Technique de la construction, Dessin, Cours artistiques, Histoires, Villes/Territoires, Sociologie, Infographie, etc… Ces cours permettent, à mon sens, de provoquer une sensibilité aux étudiants et d’acquérir un esprit curieux. La curiosité nourrit l’envie de découvrir et permet d’accéder à une culture pour les plus investis. Nombreuses questions se posent durant cette période d’apprentissage et elle donne un aperçu sur l’orientation pour le Master selon les facultés intellectuelles, les affinités mais aussi selon les faiblesses. Appréciant la philosophie, je trouvais que la méthodologie de celle-ci à savoir se questionner toujours devait s’appliquer au champ architectural. Elle permet de comprendre les raisons d’une pratique singulière. Antoine Albalat disait On ne pense bien qu’avec les mots, et Condillac l’Art de bien penser se réduit à l’art de bien parler 5. Je pense que pour transmettre un savoir le rapport à la linguistique est nécessaire, parce-que la parole est le rapport sensuel avec l’idée dont elle est la condition. Les paroles ne sont pas là pour dire ce que l’on pense mais pour faire créer la pensée elle-même, la parole est création de la pensée. Elle devient claire quand elle trouve les mots, tant qu’elle n’a pas trouvé les mots elle n’est qu’une intuition aléatoire. La plupart des philosophes, psychologues et linguistes, au début du XXe siècle, partagent cette idée: le langage étant le propre de l’homme, c’est lui qui donne accès à la pensée. Sans langage, il n’y aurait pas de pensée construite: nous vivrions dans un monde chaotique et brouillé fait d’impressions, de sensations, d’images fugitives. Une des conséquences majeures est que le langage n’est pas le seul «propre de l’homme» 6; il n’est qu’un dérivé de la capacité à produire des représentations mentales, précisément des images mentales organisées en catégories. En licences construire écologique, nous avons fait un Master Classe de printemps sur la Résilience Environnementale des Territoires avec les étudiants master de l’ENSA Versailles à Paris. Nous avons constitué des équipes pluridisciplinaires dans l’objectif de concevoir des projets éco-responsable. Cette expérience était marquante puisqu’à ce moment là je ne faisais pas d’étude d’architecture. Et j’ai pu observer le point de vue des étudiants architecte, parfois complètement ignorant sur la question, voir même irresponsable dans la démarche du projet alors que l’objet même du Master Classe était de proposer une approche sensible en faveur des questions énergétiques. Il s'agit à terme d’offrir un cadre d’excellence tout en accélérant l'innovation et le transfert de technologies ou de connaissances en favorisant la mise en synergie des mondes de l'enseignement, de la recherche et de l'entreprise dans l'Euro-Région du Rhin Supérieur. En favorisant les coopérations systémiques, il s’agit d’explorer le concept de résilience s’appuyant sur les théories développées par Rob HOPKINS. En écologie, il s’agit de fait référence à la capacité d’un écosystème à s’adapter à des évènements (chocs) extérieurs et des changements imposés.

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Étienne Bonnot de Condillac ; La Logique ou les premiers développements de l’art de penser (1780), chapitre IV, 1780

6

Jean-François Dortier, L’Homme, cet étrange animal: Aux origines du langage, de la culture, de la pensée, 2e éd., Sciences Humaines, 2012.

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Ce long cursus a toujours nourri l’envie de me former d’avantage, d’aller à l’encontre de nouvelles découvertes, de m’informer, de rester informer sur l’actualité architecturale. La curiosité, la recherche, l’analyse, l’information et la confrontation sont les outils de la culture architecturale. Cette culture est, je pense, primordiale pour exercer une profession «d’intérêt public »5. L’architecte clarifie les problématiques liées au projet en apportant des précisons au besoin, exprimé ou non, de la Maîtrise d’Ouvrage à un programme. 2.- Enseignement du Projet architectural L’enseignement phare des écoles d’architecture est bien évidemment le projet. Ce qui anime ces cours sont sans doute l’enseignement d’un certain style architectural proposé par les professeurs. Il existe un lien étroit entre la philosophie des professeurs et les ateliers de projets. Les professeurs ‘maîtres de ces écoles’ enseignent leurs savoirs (leurs styles) aux adeptes (étudiants), ce qui nous permet de dire que ces ateliers peuvent être considérés comme une école de pensée en soi. Ceci fait ressortir la part de la subjectivité dans l’enseignement du projet. L’étudiant choisit une ‘école’ parmi d’autres ateliers proposés. Le projet d’architecture est une discipline unique dans le paysage de l’enseignement supérieur. Il convoque en un seul lieu des savoirs multiples : connaissances transmises par les pairs, histoire, données factuelles, d’où jaillit la production architecturale. C’est pour trouver réponse à mes questions que j’ai choisi des ateliers de projets qui pouvaient correspondre à mes attentes dans ma vie professionnelle. Les professeurs de projet que j’ai eu en Master, respectivement Olivier Gahinet pour l’atelier Tenir la Distance, Georges Heintz pour l’Atelier Rhénan ; densité en vis-à-vis et Dominique Coulon pour le domaine Architecture et Complexité. Ces ateliers m’ont permis de comprendre la méthode qu’utilisait chaque enseignant pour enseigner et transmettre leur savoir. Intéressons-nous de près à ces ateliers. Dans l’atelier Tenir la Distance (Master 1-Semestre 1) il s’agissait d’apprendre à faire du logement collectif et à dessiner l’espace de la ville, tout en prenant en compte la crise écologique et politique majeure qui affecte la planète. L’apprentissage de l’un des savoirs les plus fondamentaux de la discipline, concernant le logement collectif, la typologie et son articulation avec la forme de la ville permettait de créer des liens entre ces différents espaces. On devait prendre en compte l’espace urbain, le site, la structure, l’image et le statut de ce qui est dessiné. Le studio a vocation à enseigner l’architecture avec la théorie et le projet qui en résulte. Le projet était considéré comme un objet à la fois théorique et pratique, comme un objet de savoir et comme un moyen de connaissance du monde. Il s’agissait de ‘penser en projet’.Le studio a débuté par le dessin d’un logement idéal, une expression en ressortait ‘un architecte qui ne sait pas dessiner une chambre ne saura pas dessiner une ville’. Cet enseignement m’a permis de me plonger dans un savoir qui porte sur la question de la cellule, la question de l’habité, et la question de la typo-morphologie. L’atelier Rhénan, densité en vis-à-vis (Master 1-Semestre 2) : il s’agissait de l’enseignement de projet sur la frontière du Rhin. Nous nous sommes intéressés au face à face Strasbourg-Kehl, relancé par l’arrivée du tram, et territoire expérimental pour de prochaines grandes transformations urbaines à venir. Cette thématique nous a poussé aux questionnements de la verticalité et de densité pour comprendre l’histoire des tours, son intérêt. Cet atelier a permis de comprendre à travers des analyses les progrès technologiques à travers le temps, le Page | 9


rapport à la manière d’habiter, de travailler, le changement de la typologie des tours, la mixité des programmes qu’elle abrite, le rapport qu’elle entretient avec le socle et le couronnement. Ainsi découlaient des questions liées à la grande innovation et les ambitions futures comme alternatives à l’habitat connu. Le domaine Architecture et Complexité (Master 2 Semestre 1 et PFE) invitait à une approche globale du sujet pour laquelle tous les paramètres présents du site étaient pris comme des éléments susceptibles de devenir des dynamiques dans l’élaboration du projet. La réflexion se faisait à travers des maquettes d’échelles variées. La pédagogie s’inscrivait dans une approche multi scalaire du projet par l’emboîtement des échelles, ce qui induit une dynamique d’allers et retours entre le grand territoire et l’espace architectural. Cette démarche nous conduisait à explorer des scénarii porteurs de postures innovantes. Les réponses du projet pouvaient aller de propositions à caractère utopique à des postures ancrées dans le réel. Ayant trouvé une approche du projet et une méthode d’enseignement qui répondait à mes attentes, j’ai choisi cet atelier pour faire mon Projet de Fin d’Etudes. Le PFE est un événement qui ponctue un processus de réflexion en cours ; il est une étape au travers de laquelle l’étudiant se révèle et se positionne en tant que futur architecte. Le temps du PFE est forcément pour développer une réflexion personnelle, c’est le temps de laisser une place aux intuitions et aux obsessions de chacun. L’expérimentation devient ainsi la base de cette recherche à la fois patiente et dynamique. L’objet du projet est la démonstration de la problématique par l’explicitation du processus de conception. Le résultat final est tout autant compris comme un moment fort de la conception qu’une proposition aboutie et fermée. L’exploration associée au plaisir de chercher donne des réponses inattendues. L’exercice de pouvoir revendiquer une démarche, une posture, une écriture personnelle en élaborant sa propre méthode de projet a été une expérience riche et unique. Ainsi, nous pouvons dire que chaque atelier de projet, voire même chaque professeur contribue à forger une culture architecturale propre. Chacun d’eux mette en exergue des aspects de la pratique architecturale. Cette diversité de l’enseignement du projet est à l’image de la ville à laquelle elle est destinée, complexe et hétéroclite. Il reflète la société plurielle et mixte. Une même architecture ne peut exister dans deux lieux différents. C’est l’esprit du lieu, comme de décrit Christian Norberg-Schulz le Genius Loci qui est de «Protéger et conserver le genius loci signifie, en fait, concrétiser le sens, dans un contexte historique toujours nouveau.» 7. D’un côté, l’esprit fait référence à la pensée, aux humains et aux éléments immatériels. De l’autre côté, le lieu évoque un site, un monde physique matériel. Le lieu est intrinsèquement lié à la question de l’identité. C’est la relation entre les individus et l’environnement. L’esprit du lieu fait référence aux émotions qu’un site peut procurer pour l’individu en raison de son caractère et du sens qu’il acquière. Cette signification est l’identité de ce site. L’habitation n’est pas qu’un simple abri mais la phénoménologie de la vie.

7

Norberg-Schulz, 1997, Genius Loci, p.18

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« L’architecture commence lorsque vous placez deux briques soigneusement ensemble » Ludwig Mies Van der Rohe

3.- Mise en situation professionnelles à travers les stages Les stages créent un lien fort avec la vie professionnelle. J’ai effectué mon stage de Master chez BGL Architecture, c’est là que j’ai découvert l’agence. Très bien accueilli en cabinet Jean Marie Lefèvre m’a proposé de rejoindre le cabinet une fois diplômé C’est ainsi que j’ai décidé de rejoindre le cabinet et de faire ma HMO. Durant les deux mois de stage, j’ai participé à nombreux projets en phase APS/APD/PC. L’un des plus importants projets était celui de l’habillage des façades d’un magasin de ventre avec entrepôt. La M-O nous a fournit des anciens plans. J’ai traduit ce plan à l’informatique. Ce plan me servirait de base pour effectuer le relevé de l’ensemble du bâtiment afin de vérifier si le plan était exact, ou non. Après le relevé, les derniers ajustements ont été faits pour rendre le plan définitif Je pense bien l’architecture sans le chantier c’est de l’architecture sur papier. Nous avons ce rôle de suivi de chantier afin de réaliser l’ouvrage. Les missions qui s’arrêtent au stade de l’esquisse ou PC sont des missions qui réduisent l’architecte à de missions de conception. Adolf Loos «l’architecte est un maçon qui parle le latin » , Auguste Peret « la technique parlée en poète nous conduit en architecture » 8. Cette fameuse expression définit parfaitement la vision que Loos a de l’architecte : un maître bâtisseur qui a acquis une culture, notamment classique, de l’architecture. En tant que maître bâtisseur, il accorde une grande importance à la nature des matériaux et à leur façonnage et mise en œuvre qu’il contrôle dans les chantiers sur lesquels il se rend fréquemment. Un architecte qui a appris aussi la grammaire latine, à laquelle « nous devons la discipline de l’âme et la discipline de la pensée ». Un architecte dont l’éducation, comme nous le verrons, repose sur le respect de la tradition et sur la formation classique. J’ai appris à décomposer le projet en tâches, à les hiérarchiser et quelques fois à les repartir dans le temps au moment des rendus. Savoir déléguer pour un architecte est primordial. Il en revient souvent au chef d’agence d’assumer ce rôle de chef d’orchestre. En cela, il faut juger des compétences et du degré d’autonomie de chacun, et avoir une bonne communication sur les enjeux des tâches. Avoir une vision synthétique et globale mais aussi détaillée du projet est très important. Il faut également arriver à transmettre l’enthousiasme et susciter l’intérêt de l’équipe. La réussite d’un projet est liée au partage d’une vision commune et d’intérêts partagés. Chez BGL Architecture, déjà à l’époque du stage une confiance mutuelle s’était installée entre moi et le gérant. À mon sens, il est essentiel dans la pratique de faire confiance à quelqu’un.

8

Adolf Loos (trad. Sabine Cornille et Philippe Ivernel), Ornement et Crime : et autres textes [« Ornament und Verbrechen »], Paris, Payot et Rivages, coll. « Rivages poche / Petite bibliothèque » (no 412), 2003

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« Bien sûr, le chemin de l’architecte est semé

d’embûches, mais il ne faut pas renoncer au goût de l’aventure. Dans notre métier, nous explorons le monde des possibles. » Piano Renzo et Cassigoli Renzo, La Désobéissance de l’architecte, Arlea, 2007

II- INITIATION – Transmission du savoir de l’agence à l’architecte 1.- Entrée en cabinet d’architecture : organisation d’une agence

La force de l’agence vient de l’esprit d’équipe : les échanges avec le gérant et les architectes enrichissent les projets. Sur chaque projet, le gérant travaille en général en binôme avec un chef de projet. Des points informels se font lorsque les questions se présentent. La méthode de travail consiste souvent à s’inspirer de ce qui a été fait précédemment sur un projet similaire. L’agence a une base de données bien fournie et plusieurs projets à son actif, ce qui facilite la réutilisation des projets à venir. Le principal outil de projet est le logiciel AutoCad moyennement adapté à un travail collaboratif. Le choix d’utilisation d’un logiciel de dessin en 2D tient en partie à une pratique que je peux nommer ‘Old School’ de l’agence. Mais l’agence est ambitieuse de passer sur des logiciels plus élaboré comme Revit. J’ai réalisé avec d’autres collègues des formations Revit pour commencer à introduire ce logiciel dans l’agence pour les réalisations à venir. Il faut souligner que le logiciel de dessin est l’outil de travail par excellence pour toute agence d’architecture. En maîtriser plusieurs est toujours bénéfique. L’équipe grandit petit à petit et la transmission de la méthodologie de façon orale n’est pas toujours évidente. La lisibilité et l’évidence des outils deviennent d’autant plus importantes. Certains outils d’organisation existent mais pourraient être perfectionnés pour répondre à deux objectifs : une meilleure organisation et une meilleure optimisation du temps. Des réunions entre les associés ont lieu de temps en temps mais il n’y a pas de points réguliers et les salariés n’assistent pas aux réunions. Il est difficile d’avoir une vision d’ensemble des projets de l’agence, même pour les associés. Le modèle de feuille d’heures a été mis en place, c’est un bon outil pour connaître le temps passé par chacun sur chaque phase de projet et pouvoir estimer, à partir d’un taux horaire connu par l’agence, la rentabilité des projets. Cependant, l’outil n’est pas utilisé par tous. Cela serait très utile pour connaître la répartition du temps de travail de chacun. BGL Architecture a mis en place un agenda lié à la messagerie e-mail. L’agenda permet une bonne lisibilité des réunions de l’agence. Pour améliorer encore son efficacité, une charte pourrait régir la manière d’écrire les rendez-vous pour permettre en un coup d’œil de savoir qui participe à quel rendez-vous. Il existe quatre messagerie e-mail ; la direction, les travaux, le bureau d’études, et le secrétariat. Cela crée une hiérarchie interne permettant de facilement gérer les mails reçus. Chez BGL il n’existe pas de planning permettant une répartition des tâches par personne. Pour les salariés cela rend plus difficile le fait de gérer son temps, d’avoir une vision à moyen terme ou encore de poser des congés. Je peux dire que la mise en place d’outil d’organisation n’a pas été une priorité dans le développement des agences. La mutualisation des projets est constructif car les associés se connaissent et s’entendent bien mais l’équipe grandissant, le manque d’outil se fait parfois ressentir en entraînant des situations d’afflux de projet et de charrette qui pourraient être minimisées.

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2.- Rédaction des pièces écrites – rôle croissant de l’économie de la construction Dans la relation entre maîtrise d’ouvrage et maîtrise d’œuvre, le respect des coûts et des délais est une priorité absolue, autant que le respect de la qualité du projet architectural. Pour travailler avec les maîtrises d’ouvrage, qui considèrent la visibilité financière des réalisations comme une question capitale, la gestion de l’aspect financier d’un projet est une compétence cruciale de l’architecte. Aussi, afin de s'assurer des meilleurs résultats en la matière, l’architecte fait appel à un spécialiste de la gestion financière : l’économiste. Chez BGL, l’architecte est formé à être aussi un économiste de la construction. Ayant été diplômé en BTS étude et économie de construction avant d’intégrer l’école d’architecture, pour moi l’adaptation a été plutôt facile. M.Lefèvre (gérant de BGL Architecture) considère que l’architecte pour maitriser son projet doit avoir la casquette d’économiste. Ainsi, de la phase estimative jusqu’à la phase de consultation des entreprises, l’architecte doit pouvoir être capable de tout faire. Ma première expérience de métré, de rédaction des pièces comme CCAP-CCTP-DPGF a été riche pour la compréhension des travaux a exécuter. Je peux dire aujourd’hui que pour un architecte la rédaction de descriptif des travaux et le métré sont incontournables : ceux-ci permettent de se projeter plus facilement. Le descriptif des travaux est pour moi la projection littérale d’un projet ; une référence absolue dans l’acte de la construction. Chez BGL, il y a deux économistes : le premier est économiste et chargé d’affaires (associé), l’autre économiste et dessinateur. L’économiste peut intervenir dès la faisabilité du projet jusqu’à la réception des travaux. En phase conception, il détermine le coût estimatif de construction à tous les stades de l’avancement du projet (Esquisse, APS, APD et PRO), et établit un devis quantitatif estimatif (DQE) nécessaire à la consultation des entreprises. La justesse de ces estimations est indispensable, car dans le marché public, le dépassement du premier seuil de tolérance oblige l’architecte à reprendre ses études sans rémunération supplémentaire. En privé, il est question de donner des prix corrects au maître d’ouvrage. Dans la phase d’exécution du projet, l’économiste contrôle les diverses situations des entreprises, analyse les devis de travaux supplémentaires pour pourvoir respecter le deuxième seuil de tolérance, et assiste l’architecte, lors de la réception du projet, pour vérifier les décomptes généraux définitifs des travaux établis par les entreprises. Avec la complexification administrative, le rôle de l’économiste ‘est élargi, notamment dans la rédaction des pièces écrites. Même si l’architecte rédige souvent la notice descriptive du projet, il lui est difficile de prendre en charge la constitution de notices administratives, comme le cahier des clauses techniques particulières (CCTP), car il faut connaître les obligations réglementaires, les normes et les documents techniques unifiés (DTU). Comme le souligne Isabelle CHESNEAU, «la rédaction d’un tel document est un travail fastidieux et chronophage que 9

ne peuvent entreprendre que les agences qui ont un service d’économie intégré» . Dans le cas des petites agences, ce travail est donc souvent externalisé, en dépit de la nécessité d’une étroite collaboration entre l’architecte et l’économiste pour une parfaite compréhension de l’esprit de la conception

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Isabelle, CHESNEAU, Profession Architecte, Paris, Eyrolles, 2018, 576 p, p.198.

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Nous pouvons remarquer que l’économiste est une grande assistance pour l’architecte dans l’orientation raisonnée du projet en fonction du budget du maître d’ouvrage, et dans la rédaction des notices particulièrement pour les démarches administratives. Il faut néanmoins que l’architecte maitrise ce domaine de l’économie pour non seulement pouvoir vérifier et discuter avec son économiste, mais aussi pour conserver sa place comme acteur principal du projet.

« Il est étonnant de constater à quel point l’exploitation architecturale de quelques lignes très simples à le pouvoir de stimuler les émotions humaines. » Rem Koolhaas, citation de Thompson. The New York Délire

3.- Ecriture d’un cabinet d’architecture – question de la spécialisation L’identité architecturale joue également un rôle dans la reconnaissance. La spécialisation peut être un atout dans le développement d’une identité. En effet, elle peut naître de la continuité d’une réflexion sur un programme précis. En voulant développer, approfondir un programme, un fil conducteur, présent dans la réflexion de l’architecte et son évolution peut se matérialiser dans les projets finis. Chez BGL Architecture il y a souvent des principes constructifs, des matériaux qui reviennent souvent. Mais l’agence est loin d’être fermée aux nouveautés. L’expérience du concours en est l’exemple concret. J’étais complètement libre de dessiner un des bâtiments pour le concours en question. Les débats sont nombreux quant à la spécialisation des architectes, l’argument contraire à cette répétitivité est celui de l’approfondissement perpétuel. Travailler de manière récurrente, voir exclusive sur un programme permet de l’approfondir, de toujours le re-questionner et ainsi d’améliorer sa réponse au fil des projets. Ce perfectionnement, serait permis par le retour sur expérience. Le spécialiste, qui l’est de fait depuis déjà un certain temps, a la possibilité de voir ses projets vieillir, évoluer dans le temps, il peut même éventuellement avoir un retour des usagers. Ceci rendrait donc possible le renouvellement des réponses, leur réadaptation, en fonction de ce retour critique, mais cela ne peut se faire qu’avec un recul suffisant sur son propre travail. La spécialisation programmatique peut être le fruit de diverses situations ou raisonnements de la part d’un Architecte. Cela peut être par affinité avec un programme particulier, son échelle, son usage, son rôle dans la société. Cela peut-être par le goût de pousser une réflexion jusqu’à son maximum, d’expérimenter un programme et une manière de le travailler, de le penser, de le construire. Cela peut également être motivé par des raisons économiques. La spécialisation est un moyen comme un autre d’accéder à la commande, de se faire connaître par des Maîtrises d’ouvrages spécifiques et d’être reconnu comme étant un expert. Cette liste, non exhaustive, montre que la spécialisation a ses raisons, multiples, qu’elle peut, en toute légitimité, être la ligne directrice d’une agence, de sa politique, de sa stratégie. Le but ici n’est pas de la condamner ni ceux qui en usent pour leurs carrières et leurs structures. Au contraire, le spécialiste a toute sa liberté, mais il doit aussi avoir celle de sortir de sa spécialité s’il le souhaite. Page | 14


J’ai, jusqu’ici, insisté sur les notions de « choix » et de « volonté », car pour moi, la faculté de choisir est la source même de la liberté. Un « choix » donc, ne devrait en aucun cas, priver l’architecte de la liberté d’en faire d’autres, différents, à d’autres moments de sa carrière, de sa pratique. C’est cette liberté là que je veux aborder dans ce mémoire, ou plutôt, la difficulté qu’elle a d’exister. Au début de mon expérience chez BGL Architecture, j’ai eu des discussions sur le profil de clients de l’agence avec le gérant. Il m’a expliqué que la spécialisation dans un domaine précis en architecture est ce qu’il y a de meilleur pour pouvoir créer un réseau. Ce choix, visiblement payant puisque l’agence est reconnu pour ses projets de cliniques et de bâtiment industriel, lui a permis de se faire connaitre et ainsi d’avoir des commandes régulières. Un personnage, une patte, une spécialité, ces trois éléments passaient pour être les clefs de la réussite. J’appris plus tard, grâce au questionnement permis par la HMONP, et des conversations plus franches avec le gérant que construire cela n’était pas facile. La spécialisation n’est donc pas obligatoirement le résultat d’un véritable de choix. Elle s’impose parfois d’elle-même. En traitant ici, de l’arrivée de la spécialisation et donc du début d’activité d’un architecte, je ne parlerais pas encore d’un aspect subi ou contraint mais d’une caractéristique qui s’imposerait par la force des choses. La spécialisation est un outil pour le développement de son activité. C’est une manière de se positionner en tant qu’architecte, d’acquérir une position professionnelle pour obtenir des commandes, se faire connaître et reconnaître. Comme l’explique Véronique Biau, deux enjeux découlent de ce positionnement : « l’enjeu économique », caractérisé par l’accès à la commande et « l’enjeu symbolique » marqué par la reconnaissance.

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Sans être forcément indissociable de l’aspect stratégique et économique, la spécialisation peut également être un choix intellectuel. C’est-à-dire répondre à la volonté d’un architecte de mener une réflexion sur un programme précis afin de s’approcher au maximum d’un idéal. BGL Architecture a réalisé des ERP où les exigences en termes d’accessibilité handicapés et de sécurité sont très importants. Spécialisés dans le domaine hospitalier depuis très longtemps. L’agence a réalisé la restructuration et l’extension des cliniques Sainte Barbe et Sainte Anne à Strasbourg. Un hôpital représente forcément un établissement contraignant en matière de sécurité incendie ; l’expérience acquise de l’agence lui confère une très bonne connaissance des règles des ERP de type U en terme de ; désenfumage, détection incendie, dispositifs asservis, degré de réaction et de résistance au feu des matériaux, protection au feu. Aussi l’agence maitrise les normes d’accessibilité ERP pour PMR

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Biau Véronique, « Stratégies de positionnement et trajectoires d’architectes », Sociétés contemporaines, n°29, 1998, p.7-25

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4.- Le chantier - transmission des entreprises à l’architecte Mon expérience au chantier pour les travaux de rénovation et mise en conformité d’un cabinet médical m’amène à penser que c’est à travers le chantier que l’on apprend le mieux sur l’acte de bâtir, la théorie ne peut supplanter la pratique. Le chantier est un catalyseur où tous les intervenants se rencontrent et œuvrent pour la concrétisation d’un projet. C’est grâce à la confrontation avec la réalité que le dessin se renforce et se précise. Participer au chantier nous permet de comprendre la manière de représenter et d’assembler des éléments entre eux, l’ordre d’intervention des différents corps de métiers, donne une logique au dessin. Cependant, avec la mission de suivi de travaux réduite au suivi de ‘conformité architecturale’, il devient difficile de bénéficier d’une expérience constructive basée sur sa propre expérience, ce qui est pour moi un point très important du métier. Selon Isabelle Chesneau, l’une des raisons de maintenir le suivi de chantier intégral dans la pratique de l’architecte est qu’il « (…) représente

pour l’agence d’architecture un retour d’expérience considérable qui vient nourrir à son tour la conception. Il ne s’agit pas seulement de la connaissance des mises en œuvre, de l’expérience du détail, de l’information tirée des multiples artisans et entrepreneurs qui nous apprennent les spécificités de leurs métiers, bien que cette forme d’enrichissement professionnel soit considérable et essentielle dans la transmission des savoirs. Il s’agit principalement de la connivence que tout projet doit établir entre sa forme architecturale finie et sa mise en œuvre 11 constructive et technique, qui nécessite une expérience indispensable du chantier. » Établir une distinction entre les tâches ‘nobles’ de la conception du projet et sa réalisation, c’est se priver du bénéfice de l’expérience constructive, qui depuis toujours est au cœur même de la culture des architectes. La conception se poursuit sur le chantier. Elle n’est jamais figée. A mon sens, l’architecte est le seul professionnel formé à la conception de l’espace et il ne doit pas abandonner la maîtrise d’œuvre pour se limiter à la conception des façades. A travers mon expérience j’ai pu voir que la conception se poursuit sur le chantier, la présence de l’architecte est essentielle : « (…)

l’architecte peut jouer des rapports de force et des compétences en présence pour continuer à concevoir au moment où les ouvrages sont érigés et faire évoluer son projet. Le chantier est 12 donc bien l’un des lieux de la conception.»

Je me suis intéressé à des agences d’architecture qui assurent le suivi de chantier, en parlant avec des amis qui y travaillent où connaissent les architectes. Le retour d’expérience de chaque architecte est toujours très positif « Le chantier permet d’éclairer les parties restées sous

ombre en phase de conception. Je peux dire que le chantier est un espace de réflexion, d’inventivité et de continuité des idées. C’est un moment qui peut permettre de poursuivre la réflexion, entre conception et fabrication. Il reste le lieu de l’expérimentation, de laboratoire même; c’est un intervalle où l’architecte doit continuer à jouer un rôle actif et être une valeur 13 ajoutée au processus » BGL Architecture suit tous les projets de l’agence, M.Lefèvre me répète souvent que le chantier est« une façon de penser et de comprendre le projet à toutes ses étapes. Le chantier est un projet, et pas seulement une phase du projet » 11

Les enjeux du chantier, Profession Architecte, Isabelle Chesneau Chapitre 20

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Article Enjeux du chantier : qui maîtrise quoi ? par Christine Desmoulins, revue D’Architectures 189 - Mars 10

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Contribution n°5 : « Susciter l’envie d’investir le chantier comme paradigme d’enchantement ». B.Azimi, et F.Brugel

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Le temps du chantier est aussi le moment collectif qui engage le plus de synergies. En effet, l’œuvre bâtie résulte de l’effort d’un ensemble de personnes avec toutes les échelles de compétences réunies pour un temps donné, unique. C’est dans la force de ces rencontres, et de ces échanges que se trouvent des solutions techniques, des adaptations avec la mutualisation du savoir-faire de chacun. C’est une aventure collective partagée, où chacun a son rôle à jouer et présente des intérêts divergents, l’architecte doit être présent pour veiller à l’articulation de tous les savoirs mis en œuvre pour assurer le respect du projet initial. Je pense qu’une mission complète permet à l’architecte de maintenir la qualité architecturale du projet de la conception à la réalisation du projet. Ce dernier ne s’arrête pas à la conception, sa destination est avant tout d’être mise en oeuvre. De plus, un architecte est tenu de respecter le code des devoirs professionnels et garant de la qualité architecturale. Il ne peut pas mener à bien sa mission en laissant la main à une maîtrise d’œuvre d’exécution. Dans la pratique, ce suivi se révèle absolument nécessaire pour reprendre les études et adapter le projet à de nouvelles exigences survenant lors du chantier. Cette stratégie présente un avantage financier pour la maitrise d’ouvrage , en effet, une maîtrise d’œuvre d’exécution assurée par une entreprise spécialisée revient souvent moins chère qu’un suivi d’architecte en mission de suivi de conformité. Cependant, la maitrise d’ouvre (MOE) désignée n’est pas forcément architecte, et il peut être confronté à la perte de qualité du projet. De plus, un maître d’œuvre qui ne dispose que de la mission de conformité architecturale a, à mon avis, plus de mal à se faire entendre par les entreprises et perd en crédibilité sur le chantier. Par ailleurs, au regard de la jurisprudence, la responsabilité d’un architecte présent sur un chantier s’étend au-delà de la mission partielle. Il faut rappeler que ce dernier est tenu à une “obligation générale de conseil” qui découle de la superposition du code des devoirs 14 professionnels et de l’article 1792 (et indices suivants) du code civil, relatif aux “responsabilités des constructeurs”. Ces textes ont pour effet d’affirmer le statut de “sachant” de l’architecte et sa capacité à notifier de toute situation présentant un risque, ou présentant une non-conformité, à son maître d’ouvrage. En effet, en se rendant sur le chantier, même pour un “simple” contrôle architectural, l’architecte prend les mêmes responsabilités que s’il avait une mission complète (sa présence peut être prouvée via le compte-rendu de réunion), mais sans bénéficier de la rémunération correspondante. Aussi, l’intervention des architectes dans toutes les phases de l’acte de bâtir me semble essentielle. Je pense que la partie étude ne suffit pas à maîtriser un projet dans son intégralité, car certains sujets seront traités en grande partie en chantier. Le chantier est le corps, l’architecte est l’âme dans l’édification d’un projet. Cette formulation me parait judicieuse.

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La responsabilité professionnelle | Ordre des architectes Les architectes qui exercent la maîtrise d’œuvre sont tenus responsables des dommages qui compromettent la solidité de l’ouvrage ou qui le rendent impropre à sa destination (art. 1792 du Code civil) pendant les dix années qui suivent la réception des travaux (art. 2270).

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J’ai pu bénéficier de l’expérience et du savoir-faire des entreprises. Si contractuellement nous avons uniquement la mission de viser les plans, les échanges et le dialogue avec l’entreprise ont été primordiaux pour conserver la qualité du projet. J’ai pu réaliser que la réussite du chantier dépend beaucoup des relations humaines. « Lorsque tout repose sur l’implication des personnes,

et leurs expériences, la réussite du chantier, et donc celle du projet, devient aléatoire. » 15

Nous pouvons dire qu’il est primordial pour un architecte de suivre le chantier pour faire de l’architecture un art noble « Pour asseoir ce noyau artistique de la pratique dans les meilleurs

conditions d’aboutissement et de réalisme, la présence de l’architecte pendant le chantier est indispensable. Se retirer de cette tâche d’incarnation du projet, c’est ouvrir la voie à un abandon progressif de l’idée d’oeuvre en architecture. » 16

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Les enjeux du chantier, Profession Architecte, Isabelle Chesneau Chapitre 20

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Ibid., p. 20.

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«Je transmets l’enseignement des Anciens, sans rien créer de nouveau, car il me semble digne de foi et d’adhésion» Confucius -Entretiens, VII, 1-2

III. APPLICATION – de l’architecte au praticien 1.- Approche critique de l’expérience L’entrée dans la vie professionnelle comme architecte débutant est une source d’angoisse. A la sortie d’école nous savons faire 6% (phase ESQUISSE) des missions confiées à un architecte pour une mission de base. Cette proportion montre les lacunes à laquelle devrait faire face un architecte. Cette confrontation à la réalité peu être brutale. La transition n’est pas douce. Pour moi, l’adaptation a la vie de jeune architecte s’est très bien déroulée. Les formations complémentaires pendant les années d’étude à facilité cette intégration. La stratégie des entreprises d'architecture ne représente pas une grande place dans le dialogue quotidien entre architectes. Pendant nos années d’études, nous ne sommes pas formés à voir l’architecture comme une activité commerciale. Cette naïveté disparait à travers l’expérience propre de chacun d’entre nous. Le parcours professionnel permet de découvrir des facettes de la pratique, quelques fois absconse. La difficulté du métier d'architecte est de concilier le soin de l'intérêt général, de la qualité architecturale, de l’éthique professionnelle avec l'aspect commercial de la profession. L'entreprise d'architecture qui opère sur le marché ouvert est une entreprise comme les autres. Pour bien fonctionner et faire des bénéfices, elle doit être gérée avec une stratégie en tête et avec des compétences qui ne font pas partie du panel classique de compétences architecturales. Evidemment que tout ne peut pas être planifié. Une partie importante de notre carrière professionnelle se fait à travers nos rencontres, notre réseau, des opportunités inattendues et le fait d'être au bon endroit au bon moment. La chance fait partie intégrante des opportunités qu’on pourrait avoir. Cependant, dans une économie assez saturée et un environnement de forte concurrence, il semble nécessaire de trouver un modèle bénéfique et un modèle d'affaire qui peut sécuriser la position de l’agence sur le marché sur le moyen et long terme. Il semble que deux forces motrices déterminent le fonctionnement d’une agence d’architecture ; la gestion et l’organisation. Sans pour autant citer les facteurs humains, tel que la qualité individuelle des associés. On peut dire que le choix de la technologie utilisée et les valeurs collectives sont aussi des facteurs importants dans une agence. La valeur professionnelle est indéniable dans la bonne organisation. En effet, une dichotomie voit le jour ; soit les valeurs commerciales prévalent, soit les valeurs esthétiques. Le résumé suivant est à retenir ; la pratique centrée sur les affaires ou les affaires centrées sur la pratique ? (telle est la question) Après observation, je peux dire que chez BGL Architecture, il s’agit avant tout des affaires centrées sur la pratique, mais pour certains projets, qui représentent une toute petite part, je constate la tendance inverse. Quand la pratique est centrée sur les affaires, on peut dire que

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bien souvent la qualité est médiocre. Ce qui m’intéresse personnellement est la qualité architecturale en dépit de la quantité. Courir derrière cet idéal est un objectif de carrière. L’expérience d’un concours –création de nouveaux locaux de l’EPHAD et de l’ITEP à Sarreguemines- (concours perdu) a été extrêmement bénéfique pour moi. Une jeune architecte D.E. (diplômée en 2020 de l’ENSAS, nouvelle recrue en agence) et moi avons dessiné l’esquisse du concours ensemble. Malgré la charrette pour le rendu et malgré des jours et nuits entières à travailler sur ce concours dans l’espoir de l’emporter, avec l’ambition de gagner mon premier concours a été un échec. Je prends conscience qu’un concours est chronophage pour une agence d’architecture et peut être usant à long terme. Ce qui est paradoxal c’est que l’épreuve du concours, est une vraie source d’épanouissement (et de névrose) pour un architecte. Le concours fait naître un sentiment austère entre la douleur et le bonheur. Quel cruel dilemme ! Chaque structure a un positionnement maîtrisé ou subi ; et une manière d’être perçue par ses confrères d’une part, mais aussi par les acteurs de la construction et surtout la maîtrise d’ouvrage d’autre part. Cette image construite au fil du temps et renvoyée, notamment aux maîtrises d’ouvrage est primordiale puisqu’elle induit la crédibilité et les compétences élaborées. Certains architectes ont aujourd’hui du mal à se débarrasser de l’écriture architecturale pour laquelle les clients viennent les voir. L’image d’une agence est la première raison des commandes qui lui sont faites (par la communication diffusée par les books d’agence mais surtout le bouche à oreille et les expériences déjà réalisées avec l’architecte). Il est très important de soigner l’image véhiculée. L’image que renvoi BGL Architecture n’est pas à la hauteur de ce qu’elle fait. Nous avons commencé à parler de ce sujet, et plus précisément du site internet ainsi que les photos à publier. L’agence devrait revoir sa publicité afin de montrer la qualité de ses productions.

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«La pierre n’a point d’espoir d’être autre chose que pierre. Mais de collaborer, elle s’assemble et devient temple.» Antoine de Saint Exupéry

2.- Mise en place des outils pour l’exercice Tout au long de ma pratique, et surtout lors des semaines de formation, j’ai pris conscience qu’il est important de constituer une ‘boîte à outil’. Celle-ci doit en permanence être complétée durant l’exercice de la pratique. Un jeune architecte peut démarrer avec quelques outils de base, puis les améliorer pour rendre cet outil plus performant en terme de charge de travail. Il semble évident que les outils font gagner beaucoup de temps, mais cela ne doit pas se faire en dépit de la qualité architecturale. C’est en s’appuyant sur des éléments concrets, tels que la stratégie, le carnet d’adresse, un planning qu’une agence peut atteindre des objectifs. Il ne faut pas oublier qu’une agence est une entreprise. Il est nécessaire de trouver des marchés, de bien s’entourer, faire équipe avec des personnes dont parfois la philosophie ne convient pas, et s’organiser pour continuer de se former et de privilégier l’évolution qualitative. Tout d’abord, dans l’optique d’accéder à la commande, on peut considérer qu’une agence est dans son propre monde. Une agence a une légitimité car elle apporte des réponses à des besoins exprimés ou émergeant. Comment aborder les besoins de la clientèle ? Le contexte géographique de l’agence peut influer profondément sur les types de commandes ; qu’elles soient spontanées ou par recherche. En fait, la position d’implantation de l’agence permet de cibler la clientèle. BGL Architecture est implanté à Wolfisheim, à 10km de Strasbourg. Je remarque que les concurrents directs sont également situés dans les villages à proximité de Strasbourg. La préférence du type d-e marché auquel on souhaite accéder peut aussi jouer dans le contexte géographique. Urbain ou rural, la position vise une clientèle potentielle publique ou privé. Il est sans doute évident que s’associer avec quelqu’un peut être très bénéfique en vue de la construction d’une carrière. Cette dernière possède déjà un carnet d’adresse, une légitimité et un fonctionnement chevronné. Cela permet d’acquérir de l’expérience afin d’avoir l’outil de connaissance nécessaire pour la pratique mais aussi d’être plus productif dans l’exercice. Cela permettrait également d’accumuler des références de projets et de réalisation au sein de l’agence pour pouvoir s’en servir plus tard. Après, pour qu’une agence existe il est primordial de savoir connaitre la visibilité de la structure. Quels sont les moyens mis en place pour donner une image ? On peut s’intéresser à la communication mise en place : site internet, portfolio, bouche à oreille, etc…Le plus important reste le réseau créé autour de l’agence. Il faut bien que l’agence pusse survivre, alors il est également crucial de penser à un potentiel repreneur et le mode de transmission qui en résulte. Le plus important est le réseau créé autour de l’agence. Il faut sans doute faire attention à préserver une bonne image auprès des confrères et de garder un bon relationnel avec eux. Cela permet d’échanger autour des sujets professionnels, de prendre des conseils, et même aussi s’associer. Il faut élargir le bon relationnel avec d’autres professions qui entourent la notre, Page | 21


ingénieurs et bureaux d’études, de contrôles, les entreprises. Pour ce faire, il faut par exemple participer à des salons, conférences, foires, événement en rapport avec l’architecture et la construction. Cela permet non seulement de se faire connaitre des autres mais aussi de se tenir à jour des tendances actuelles et d’y prendre part. D’une manière générale, le relationnel est primordial dans l’exercice de la profession. Enfin, un outil indispensable au bon fonctionnement d’une agence est son organisation. Cela va du mode d’exercice à sa comptabilité en passant par la constitution de son équipe. En effet, dans l’hypothèse d’avoir accès a une commande en contrat de maitrise d’œuvre il faut avoir les moyen effectif pour faire face au projet. Evidemment que le premier choix d’organisation d’une agence est son mode d’exercice. La tendance en France est l’exercice en libéral d’une seule personne. Il me parait plus judicieux d’être associé. Le contexte, les objectifs et l’entourage professionnel d’autres types de formes peuvent être avantageux, notamment la SCM ; avantage pour chaque associé de garder son indépendance professionnelle, sa clientèle propre et tous ses bénéfices et de ne partager que les moyens et non les responsabilités. Ce choix n’est jamais figé, il peut évoluer à travers le temps et l’expérience au sein de l’agence et surtout en fonction du nombre d’effectif. Le second point important de l’organisation d’une agence est ce qu’on peut appeler la «logistique». C’est tous les moyens humains et matériels de l’entreprise. Le point de départ est la masse de projets, qui donne lieu au recrutement et au fonctionnement interne de l’agence, comme suit ; espace de travail, partage d’information, l’hiérarchisation. La masse de projets s’obtient grâce au carnet d’adresse et à la stratégie mis en place pour l’accès à la commande. Dans l’hypothèse d’un recrutement nécessaire, il peut se faire de façon momentané –pour une commande urgente ou un concours- ou de manière durable pour un poste d’architecte ou un poste complémentaire ; ingénieur, économiste, dessinateurs, etc… En cas de petite structure, je pense qu’il vaut mieux être avec plusieurs architectes, cela permet une polyvalence pour traiter les projets en cas de charge de travail intense. En cas de grande structure, je pense qu’il est plus intéressant de donner de l’importance à la pluridisciplinarité en regroupant des personnes issues de différente formation. C’est ainsi que chacun sera efficace dans son domaine spécifique et il sera possible de gérer les «charrettes » lorsque le nombre d’affaires, et par conséquent l’effectif, est grand. Troisième partie de l’organisation à connaitre est la gestion financière d’une agence. Il faut sans aucun doute être conseillé par des experts en domaine, notamment l’expert comptable. Celui-ci peut également gérer les flux de gestion interne au fonctionnement du cabinet ; coût des salaires, les charges, les factures, etc… La grande partie de la gestion financière est tout de même à faire au sein de l’agence afin de veiller à l’équilibre et rectifier en cas de nécessité. Il faut pour cela mettre en place des statistiques afin de comparer ces données avec les données à venir. Comme par exemple comptabiliser le temps passé sur les affaires en cours en isolant les missions afin d’évaluer les honoraires de façon plus judicieuses pour les affaires à venir. De cette façon l’agence peut remettre en question ses méthodes de travail après chaque expérience ; quelle stratégie mettre en place, pour qui, comment ?

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En tant que jeune diplômé en architecture, je peux amener ma pierre à l’édifice. En effet, un une nouvelle recrue, peut apporter ses connaissances et son savoir faire spécifiques. La question de la temporalité est importante dans l’architecture. Les deux associés architectes chez BGL sont de la génération avant informatique, ‘Old school’ dans d’autres termes. Par exemple, le fait de maitriser un outil dont l’agence aimerait profiter mais n’a pas l’apprentissage nécessaire, peut s’avérer utile : un logiciel de dessin, un niveau linguistique, une maîtrise des calculs thermiques, etc. De plus, en tant que personne, un nouvel employé peut signifier de pouvoir élargir son réseau professionnel grâce au sien, de consolider son équipe par le nombre et/ou la qualité, de renforcer son processus de transmission en cas d’association et en vue de la passation du pouvoir. Ainsi, chaque changement, peut amener l’agence à revoir son processus de production, dans le but de l’améliorer, ainsi que sa production, c'est-à-dire son architecture.

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3.- Vers une pratique Etre praticien demande un réel dévouement dans l’exercice de l’architecture. L’organisation de la pratique en façonnant son avenir est dans un but unique : la qualité architecturale. Atteindre cet idéal passe par la mise en place de plusieurs valeurs. Il faut trouver du temps pour la conception et la recherche, trouver son propre moyen d’expression et de continuer à se former durant toute l’activité. La conception permet de réfléchir aux moyens d’exprimer une pensée. J’estime que ces notions sont indissociables pour l’exercice de la profession. Les outils d’un architecte sont nombreux, à chacun de choisir (ou de créer) son propre outil. L’essentiel de ces outils sont indéniablement le dessin, la capacité d’un architecte à penser et son habilité à les exprimer. On peut par exemple constater que lorsqu’on pratique le chantier ceci se repose sans cesse sur l’écriture ; le CCTP. Sans la pratique du chanter on ne pourra pas prendre conscience des erreurs possibles commises dans nos descriptifs. Et sans les descriptifs il est impossible à mener à bien le chantier. A tout moment nous pouvons être confronté à faire un dessin, un croquis, un détail d’un élément. L’architecte ne doit jamais perdre son rapport au crayon. Le dessin est notre arme, sans laquelle nous pouvons perdre toute crédibilité Dès lors on constate que ces trois éléments, à savoir, le chantier, le CCTP et les plans EXE sont indispensable pour mener à bien un travail d’architecte. J’ai vu à travers mon expérience de l’aménagement du cabinet médical- projet pour lequel j’ai participé l’ensemble des missions de base + EXE - que le descriptif des travaux est d’une très grande utilité. Je faisais le compte rendu de chantier en fonction de l’avancement des travaux et suivant l’ordre du descriptif des travaux. Le descriptif est sans doute aussi un moyen d’éviter tout conflit avec les entreprises sur chantier, s’il a été fait avec rigueur bien entendu.

Spécialisation/Programmes : La question de la spécialisation n’est pas à laisser de côté ou à oublier lorsqu’elle fait le choix de la diversification. Comme tout changement de politique entrepreneurial, la volonté d’exporter son savoir à d’autres programmes architecturaux est un risque et comme tout risque, il est à réfléchir, à anticiper. Pour minimiser ce dernier, l’architecte doit donc se baser sur ce qui fait de son agence une structure stable, apte à vouloir se développer différemment. Pour cela, la stabilité économique de l’agence semble inhérente au changement. La spécialisation acquise permet ce fameux équilibre, autant au niveau de la commande que des finances de l’agence et ne doit donc en aucun cas être remis en cause. La commande spécifique doit à mon sens être maintenue et la nouvelle doit être un ajout à celle-ci et non un remplacement, du moins dans un premier temps. Etant régulière, elle permet de maintenir les revenus de l’agence et ainsi de prendre des risques plus mesurés. Tout changer radicalement ou investir 100% de ses moyens économiques, humains et temporels ne me paraît pas être une politique viable. S’ouvrir à d’autres programmes n’est pas le passage d’une première carrière à une autre mais la continuité, l’évolution, d’une seule et il serait improbable, voir irréfléchi de ne pas se servir de ses acquis positifs.

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Selon la diversification et les programmes ciblés, les rythmes peuvent être différents de ceux qui se sont imposés par les projets et la pratique spécifiques. Les effectifs et leur gestion peuvent eux aussi variés. On ne travaille pas de la même manière sur un projet de Maison Individuelle que sur un projet hospitalier. Quand un seul architecte peut faire un projet de maison ou autre, l’échelle impose une équipe pour un projet d’hôpital. Se diversifier, c’est s’adapter. L’enjeu pour l’agence d’architecture est de se réorganiser pour allier sa pratique spécialiste et ses projets nouveaux. Cela peut-être en dissociant ses moyens humains, en ayant des équipes distinctes en fonction des programmes et ainsi avoir une agence à deux vitesses, deux rythmes, deux organisations. Cela peut également se faire en recrutant. N’ayant pas l’expérience du programme, le gérant d’agence peut avoir besoin de chefs de projets ou de salariés qui, eux, en sont spécialistes. Il doit examiner toutes ses possibilités mais aussi identifier ses volontés. La taille de la structure peut, être amenée à changer, est-ce son souhait ? Dans ce cas quel est le bon moment pour recruter ? Quelles sont les autres options ? Tout ceci découle bien sûr du choix du ou des nouveaux programmes. Ces choix varient en fonction de chacun, de chaque agence et découle de différentes logiques amenées par les opportunités et les possibilités directement liées aux moyens disponibles à la diversification. Personnellement le programme de logement m’intéresse. L’agence ne fait plus de logement depuis très longtemps trouvant que ce programme pas bénéfique pour l’agence. Il semblerait en effet, en vu des honoraires de certaine agence d’architecture travaillant avec les promoteurs, que je ne vais pas goûter au plaisir de dessiner des logements aussitôt dans ma carrière.

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CONCLUSION Mon expérience chez BGL Architecture a été l’occasion de me questionner sur notre condition d’architecte, particulièrement durant ma mise en situation professionnelle grâce à la formation qui nous a été dispensée. Etant confronté chaque jour à un nouvel apprentissage sur ma profession, je trouvais intéressant de questionner la transmission du savoir dans la pratique. J’ai avant tout été marquée par la détermination dont cette agence fait preuve pour se remettre en question, pour essayer de transmettre son savoir faire et affirmer une posture dynamique et tournée vers l’avenir. C’est pour ces raisons que je veux rester au cabinet dans l’optique de et m’associer au cabinet. La spécificité qui fait du métier d’architecte un maillon primordial dans l’acte de bâtir réside dans le fait qu’il doit agir dans l’intérêt général: celui du maître d’ouvrage, des futurs usagers du projet mais aussi des citoyens. A ce titre, il est capital qu’il conserve son indépendance afin d’instaurer une relation de confiance avec son client et mener à bien son devoir de conseil. Ainsi, être architecte, c’est être capable de faire des compromis. On ne peut pas aller contre la volonté du maître d’ouvrage mais on se doit de le conseiller et de l’orienter vers une démarche qualitative au-delà de sa propre démarche quantitative. Etre architecte, c’est trouver des solutions qui vont dans le sens de la qualité architecturale, environnementale et sociale, et être force de proposition. Le Corbusier exprimait bien l’idée « L’architecte, c’est formuler les problèmes avec clarté » Au terme de ce mémoire et de la Mise en Situation Professionnelle, il me semble que l’architecte, pour exercer ce métier avec toujours autant de passion, se doit de se fixer des objectifs réfléchis et réalistes, d’organiser sa structure en fonction et de ne pas avoir peur d’aller au bout de ce qu’il souhaite comme pratique. Après avoir vu les difficultés que peut avoir l’architecte à exercer ses choix, il me parait essentiel, en tant que futur professionnel, de me donner les moyens de ne pas être confronté à ce potentiel piège, d’avoir les armes pour y répondre lorsqu’il se présentera face à moi. Avoir un maximum d’outils et une palette de compétences plus large, c’est mon objectif. C’est ce que j’essaierai de faire, que j’exerce rapidement en mon nom propre ou que je continue un temps le salariat. C’est d’ailleurs ce que je m’attache déjà à faire depuis la fin de ma Mise en Situation Professionnelle. Le but est de travailler dès maintenant sur des programmes variés mais également de m’ouvrir aux disciplines connexes, reconquérir les pièces écrites, les aspects techniques, compléter la formation en quelque sorte, pour être capable de mener un projet, en maitriser son savoir. La formation permet au jeune architecte un recul que n’avaient peut-être pas nos prédécesseurs. Comme les leurs, nos carrières seront semées d’aléas, mais les réflexions de toute une génération d’architectes sont déjà ouvertes. Nous vivons sous une nouvelle aire, celle d’Elon Musk, où la digitalisation ne fait qu’accroitre, où l’homme tend à être remplacé par la machine, où la monnaie devient virtuelle, comment l’architecture se comporterait –elle face à ce phénomène. En quoi le BIM peut être un enjeu majeur ou un danger grandissant pour l’avenir de la profession? Quid de la transmission du savoir sous BIM ? Page | 26


APRES PROPOS : L’APRES HMONP Cette année de HMONP marque une première étape dans la constitution de ma carrière. Mêlant formation théorique et immersion en agence, j’ai pu prendre conscience des responsabilités qui incombent à l’architecte-maître d’œuvre tout en me familiarisant avec les principaux outils et savoirs nécessaires pour pouvoir assumer ces engagements. Réaliser cette mise en situation professionnelle en parallèle des questions juridiques, administratives, économiques et déontologiques abordées en cours, deux ans après l’obtention de mon diplôme d’Etat en architecture et un an après ma véritable arrivée chez BGL Architecture a finalement permis de redécouvrir certains aspects de ma pratique que j’avais intégré de manière inconsciente mais dont je n’avais pas encore saisi toute la portée. De cette manière, les enjeux contemporains liés au métier d’architecte s’en trouvent mieux assimilés. L’HMONP participe clairement à la recomposition éclairée de sa propre expérience. De plus, formaliser et développer un point de vue critique sur mon vécu à l’agence ainsi qu’une vision élargie sur la profession toute entière grâce à l’écriture du mémoire a été bénéfique; j’ai pu prendre le temps de réfléchir à mon futur exercice en tant qu’architecte et définir la direction que je souhaite porter à mon projet professionnel en correspondance avec mes aspirations. Car se projeter, c’est prendre position et continuer de se construire, c’est opérer sans cesse un aller-retour entre rétrospective et prospective, en tentant d’ancrer sa démarche dans un présent en tension entre ces deux dimensions. L’importance est de trouver un fil conducteur, l’envie d’aller quelque part, et de chercher à se donner les moyens de suivre ces objectifs. S’associer à des architectes d’horizons et de compétences différents en complémentarité des miens me semble être une bonne approche pour développer un savoir-faire et une approche généraliste de l’architecture. L’échange perpétuel avec l’Autre - qu’il soit architecte ou non – demeure un élément fondamental de la construction de soi en tant qu’architecte. C’est une manière de maintenir et d’élever la profession: commencer simplement par apprendre des autres puis échanger, s’enrichir, faire évoluer sa réflexion, ses compétences et ses valeurs, et enfin se positionner dans la transmission afin que la pratique de l’architecture soit toujours défendue et perdure. J’ai pour objectif de m’associer à BGL Architecture pour créer une solide compétence dans le afin de contribuer à la croissance de l’agence. Jean-Marie Lefèvre prépare son départ à la retraite, dans environ 5 ans. L’agence fonctionne en grande majorité grâce à lui. Ainsi la question suivante voit le jour : Quid de BGL Architecture après Jean-Marie Lefèvre ? Quid de la ‘tranmission’ de l’agence en cas départ à la retraite ? Ces questions m’intéressent autant qu’elles portent mon ambition. Le temps apportera une réponse.

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BIBLIOGRAPHIE

Ouvrages : - CHESNEAU ISABELL, Profession Architecte, Eyrolles, 2018 - RICCIOTTI RUDY, L’architecture est un sport de combat, Paris, Textuel, 2013. -VERS UNE ARCHITECTURE EXTREME, Entretiens, éditions Parenthèses, 1996

-L’URBANISME, UTOPIES ET REALITES, Françoise Choay, Seuil, Paris, 1965

Webographie -Conseil National de l’Ordre des Architectes https://www.architectes.org/ -https://www marche-public.fr - https://www.maîtrisedusage.eu - Du rapport au savoir comme modalisation philosophique du savoir dans la philosophie pour enfants (openedition.org)

Conférence - REM KOOLHAAS, Manières de construire des mondes / Action, 26 Janvier 2015, France Culture

Mémoires -LA MISSION DE MAÎTRISE D’OEUVRE EST-ELLE RÉELLEMENT PARTAGÉE OU CLOISONNÉE ? MÉMOIRE HMONP, Adèle GIRET,ENSA Paris-Belleville - septembre 2018 -Regroupements entre architectes -Quelles manières de se regrouper pour répondre aux enjeux actuels de la profession ? MÉMOIRE DE H.M.O.N.P. - Chloé GOUTILLE, ENSA Paris-Belleville - septembre 2018 - MEMOIRE HMONP HABILITATION A LA MAITRISE D’ŒUVRE EN SON NOM PROPRE …TRANSITION …TRANSMISSION …TRANSCRIPTION ou comment passer de la culture architecturale à la qualité architecturale ? Cassiane Mariotti, ENSA Nancy, Mai 2013

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