N°316 fr

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La Naqshbandiyya : un grand ordre soufi de Boukhara à Istanbul CULTURE13

Quand Staline déportait les Tatars

INTERNATIONAL10

MONDIAL 2022 AU QATAR :

Une «erreur» pour le président de la FIFA SPORT15

23 - 29 MAI 2014 N° 316 Prix : 2,5 €

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ÉLECTIONS EUROPÉENNES 2014

À QUOI SERVENT LES ÉLECTIONS EUROPÉENNES ?

LES ÉLECTIONS EUROPÉENNES vont constituer un nouveau test pour l’ensemble des partis de droite comme de gauche. Zaman France décortique les enjeux de ce scrutin avec le professeur Beligh Nabli. Un entretien avec le candidat écologiste Zafer Girisit offrira également un autre regard sur l’engagement politique. La France sera dimanche le seul grand pays des Vingt -Huit, avec le Royaume-Uni, à envoyer à Strasbourg un fort contingent de députés élus sur un programme de destruction de la construction européenne, signe d’un vieux malaise national sur l’Europe. Le Front national est donné par tous les instituts de sondage premier parti de France dans ce scrutin européen ou, plus rarement, deuxième, derrière l’UMP, reléguant le Parti

socialiste au pouvoir à une peu glorieuse troisième place. Les propositions de Marine Le Pen sur l’Union européenne sont pourtant loin de recueillir une large adhésion. Dans le dernier sondage Eurobaromètre, les Français sont à 59% pour l’euro, contre 50% en moyenne dans la zone. Et pour 60% d’entre eux, la France serait moins bien lotie si elle quittait l’UE, contre 30% qui pensent le contraire, alors que la moyenne européenne est de 58%. -ELECTIONS EUROPEENNES 04-05

ZAFER GIRISIT

BELIGH NABLI

Le défi intellectuel du monde arabe FARIDA BELKACEM PARIS Ce week-end à Tunis se tenait le séminaire «Les intellectuels et les transformations historiques dans le monde arabe», organisé par la fondation du prince marocain Moulay Hicham, Khadija Mohsen Finan (Université de Paris I) et Mohammed Kerrou (Université de Tunis El Manar). La question de l’intellectuel et de son rôle dans un monde arabe en plein bouleversement a été débattue par de nombreux chercheurs et personnalités. -INTERNATIONAL 11-12

SOCIETE 03

Retour sur les causes de la tragédie de Soma Plus d’une semaine après la catastrophe minière de Soma qui a fait 301 victimes en Turquie, le temps des interrogations succède à l’émotion. Quels sont les responsables de ce drame ? S’agit-il d’un accident naturel ou d’une négligence professionnelle ? L’Etat a-t-il veillé à la sécurisation des mines turques ? Dans une édition spéciale, Zaman France apporte des éléments de réponse à ces questions. TURQUIE 06-07-08-09

LE GOUVERNEMENT ET LA GESTION DE LA CATASTROPHE -MÜMTAZER TÜRKÖNE, OPINION 14

LA FRACTURE ENTRE LE POUVOIR ET SON «PEUPLE» -EMRE DEMIR, EDITO 02

Zaman Okur Hattý: 01 42 00 19 36

Ramadan 2014 : du 28 juin au 27 juillet, l’Aïd al-Fitr le 28 juillet

INTERNATIONAL 10

La tragédie des musulmans de Bangui SOCIETE 03

Quand les Guignols se moquent de Soma


02 FRANCE L’UMP plongée dans un nouveau scandale de corruption 23 - 29 MAI 2014 ZAMAN FRANCE

EDITO EMRE DEMIR

Soma : la fracture entre le pouvoir et son «peuple» La catastrophe qui a fait 301 morts a ravivé les tensions sociales en Turquie. Certes, la tragédie de Soma a dévoilé les profondes lacunes en matière de sécurité pour la protection des travailleurs turcs. Avec le troisième taux le plus élevé au monde, la Turquie est dans le haut du classement en ce qui concerne le nombre de morts dûs à des accidents du travail. Ce triste record est la face cachée de la forte croissante économique de la décennie. Deux facteurs expliquent Soma : d’abord, sur un plan juridique, la société qui exploite la mine et a, apparemment, négligé toutes les mesures de sécurité pour maximiser les profits. Le patron et les gestionnaires de l’entreprise doivent payer les plus lourdes peines possibles pour ce crime. Ensuite, sur le plan politique, le gouvernement est responsable. Le Conseil d’Inspection de l’Etat (DDK), la plus haute autorité de contrôle de la République turque directement liée à la présidence de la République, avait produit un rapport critique en 2011 sur la situation des mines en Turquie. Il y a un mois, l’Assemblée nationale avait refusé de former une commission pour faire un état des lieux sur la sécurité des mines en Turquie. Les trois partis d’opposition, le CHP (gauche kémaliste), le MHP (droite nationaliste) ainsi que le BDP (parti pro-kurde) avaient, chacun de leur côté, introduit des propositions qui ont été toutes refusées par l’AKP, le parti majoritaire. En juillet dernier, le ministre de l’Énergie, Taner Yildiz, félicitait Soma Holding pour «la priorité donnée à la sécurité des travailleurs». C’est la raison pour laquelle le sentiment d’impunité du parti au pouvoir a provoqué une grande colère populaire, ce qui n’avait jamais été relevé contre Erdogan. Il a été hué, sa voiture a été attaquée. Le parti au pouvoir avait réussi à contourner les manifestations de Gezi et l’affaire de corruption grâce à une double stratégie : un discours de victimisation et une diabolisation systématique de ses opposants. On voit déjà la même stratégie se dessiner pour contrer les réactions après la tragédie de Soma. Mais cette fois-ci, les ennemis ne sont ni des classes urbaines qui demandent plus de liberté, ni un mouvement socio-religieux transnational qualifié d’ «allié des forces étrangères». Les habitants de Soma représentent bel et bien la base électorale de l’AKP. La machine de propagande du parti d’Erdogan, mobilisée de toutes ses forces pour relativiser les conséquences politiques de la tragédie, semble cette fois-ci épuisée. Si le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan a perdu son sang-froid, c’est parce que cette tragédie a mis en lumière pour la premiere fois le fossé entre le dirigeant turc et son «peuple». e.demir@zamanfrance.fr

Le groupe UMP du Sénat a démenti mardi tout détournement de fonds publics après la publication d’un article affirmant qu’une information judiciaire avait été ouverte sur de possibles versements au profit de sénateurs du parti d’opposition.

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Une nouvelle affaire empoisonne la droite française. Des soupçons de corruption planent sur la direction de l’UMP visant la société Bygmalion, dirigée par des proches du président de l’UMP, le groupe du parti au Sénat fait l’objet selon Le Parisien d’une enquête pour détournement de fonds publics. «Face au silence assourdissant des dirigeants de notre parti, il est un moment où les Français, les militants et élus UMP de base disent stop», écrit le député UMP Lionel Tardy dans une lettre ouverte à Jean-François Copé publiée mardi sur le site de France info. «En vous exprimant depuis le siège de l’UMP, vous avez tenté d’amalgamer une affaire personnelle (affaire Bygmalion), avec les affaires de l’UMP, ce qui a été tout a fait dommageable pour l’image de notre parti», ajoute-t-il. Lionel Tardy s’était déjà livré à une violente charge contre le dirigeant du parti après les nouvelles révélations de la presse sur la société Bygmalion. Dans l’affaire du Sénat, le groupe UMP affirme que les versements effectués au profit d’une association, l’Union républicaine du Sénat (URS), «s’inscrivent dans le cadre de la libre administration des groupes politiques.» «Ils correspondent à la

Jean-François Copé, François Fillon et Jean-Pierre Raffarin, les leaders actuels de l’UMP.

mise à disposition de moyens à ces sensibilités afin qu’elles puissent dans le respect de leur objet social respectif exercer leurs actions politique et législative en complément de l’action menée par le groupe UMP lui-même», écrit-il dans un communiqué.

UN PRÉJUDICE ÉVENTUEL DE 400 000 EUROS Selon Le Parisien paru mardi, le parquet de Paris a ouvert une information judiciaire pour «détournements de fonds publics», «abus de confiance» et «blanchiment». Sollicité, le parquet n’a pas confirmé cette information dans l’immédiat. Selon le quotidien, la brigade

de répression de la délinquance astucieuse (BRDA) a été saisie de l’affaire à la suite d’un signalement, en 2012, de la cellule de lutte antiblanchiment Tracfin. Selon les premiers éléments de l’enquête, l’URS aurait perçu des fonds de la part du groupe UMP du Sénat, versés par la questure de la haute assemblée, avant de les rétrocéder à ses membres. Le préjudice pourrait s’élever à quelque 400 000 euros. Le président du Sénat, le socialiste JeanPierre Bel, souligne dans un communiqué qu’ «en aucun cas ces faits, s’ils étaient avérés, ne mettent en cause le Sénat dans sa gestion budgétaire». PHOTO DE LA SEMAINE

La Turquie pleure ses morts. Sur les 787 mineurs qui étaient dans la mine de Soma au moment de la catastrophe, 301 ont péri.

...ET UNE MAUVAISE

UNE BONNE...

Cinq membres de Médecins sans frontière (MSF) qui avaient été enlevés par des hommes armés en Syrie en janvier ont été libérés - trois début avril et les deux derniers mercredi, a annoncé jeudi l’ONG. Les cinq coopérants humanitaires avaient été enlevés dans le nord de la Syrie, où ils travaillaient dans un hôpital de MSF, précise l’organisation. «Trois

d’entre eux ont été relâchés le 4 avril. Les deux autres sont libres depuis le 14 mai et sont actuellement en route pour retrouver leurs familles et leurs proches», dit le communiqué. MSF ajoute ne vouloir donner aucune précision sur leur identité ou les conditions de leur détention et de leur libération, «par respect pour (leur) vie privée».

Une Soudanaise condamnée à mort pour conversion au christianisme Une Soudanaise de 27 ans a été condamnée à mort par un tribunal de Khartoum pour s’être convertie au christianisme, indiquent des sources judiciaires. Mariam Yahya Ibrahim a été condamnée pour avoir refusé d’abandonner la religion chrétienne afin d’embrasser à nouveau l’islam. Elle était également accusée d’adul-

tère pour avoir épousé un chrétien. La peine capitale a été prononcée par le juge Abbas al Khalifa lorsque la jeune femme a affirmé qu’elle était chrétienne en réponse à une question sur son retour à l’islam. Une cinquantaine de personnes ont manifesté devant le tribunal pour réclamer la liberté religieuse.

NOUVELLE

En Syrie, 5 membres de MSF ont été libérés


03 SOCIETE

23 - 29 MAI 2014 ZAMAN FRANCE

Les Guignols qui se moquent de Soma, l’humour de trop ! Le malheur des uns fait apparemment l’humour des autres... Les Guignols de l’Info se sont permis des traits d’humour quelque peu douteux à propos de l’accident qui a coûté la vie de plus de 301 personnes. La marionnette du chanteur à succès Stromae improvise une chanson sur la catastrophe minière.

MAHMUT SARP, FOUAD BAHRI PARIS Les Guignols ne font pas toujours rire tout le monde. A la suite de la catastrophe minière de Soma qui a fait plus de 300 morts, les marionnettistes de l’humour ont consacré deux sketchs à ce drame. Le 14 mai, la marionnette de PPDA ouvre le journal en annonçant cette tragédie, mais lance aussitôt «Mais qu’est-ce que je raconte, on s’en fout des mineurs turcs, on est à Cannes, c’est la fête!». Il se met alors à danser avec une dame sur la musique «Happy» de Pharell Williams. Humour noir, qui ne passe pas très bien et qui a attiré de nombreuses critiques sur les réseaux sociaux. Dans la suite du journal, le présentateur an-

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nonce la montée des marches au Festival de Cannes et on voit le réalisateur turc Nuri Bilge Ceylan monter les marches avec le visage noir, référence évidente – et de mauvais goût – à la couleur du charbon.... La marionnette de PPDA lance alors «Apparemment, l’explosion de la mine en Turquie a fait beaucoup de dégâts». Deux jours plus tard, récidive avec cette fois avec la marionnette du chanteur à succès Stromae qui improvise une chanson rythmée et applaudie par le public sur la catastrophe minière.

COLÈRE SUR LA WEBOSPHÈRE Pour l’instant, aucune réaction des autorités turques n’a été signalée, mais

la presse turque à l’image de l’agence de presse Cihan s’est déjà emparée du sujet. Contacté par notre rédaction, Canal Plus n’a pas souhaité commenter la polémique. Pourtant, les deux sketchs des Guignols de l’info sur Canal Plus ont provoqué une vague de réactions indignées sur la webosphère. Sur Twitter notamment mais aussi Facebook, les internautes ont depuis exprimé leur colère et leur incompréhension à propos de cette forme d’humour noir habituelle chez les Guignols, mais qui est mal passée cette fois-ci. Un hashtag #ExcuseDeCanalPlusPourSoma a été crée à cette occasion. Le comble est que la fiction est souvent

rattrapée par la réalité. Ainsi, l’ancien journaliste Patrick Poivre-d’Arvor, dont la marionnette PPDA est l’emblème des marionnettistes de Canal, a contacté Zaman France, pour signifier qu’il n’était en rien responsable de ce sketch. Dans un message que nous rendons public, Patrick Poivre-d’Arvor précise «qu’il ne faut pas confondre ma personne avec mon personnage des Guignols». Celui qui fut le présentateur phare de TF1 a tenu également à exprimer sa tristesse «à cause de la tragédie de Soma». «J’en suis aussi profondément attristé», a-t-il déclaré. Une pétition lancée sur avaaz. org a déjà récolté près de 12 000 signatures.

Ramadan 2014 : du 28 juin au 27 juillet, l’Aïd al-Fitr le 28 juillet HANAN BEN RHOUMA PARIS Quand commencera le mois du Ramadan 1435/2014 ? Cette question agite déjà bien des esprits. L’Union des organisations islamiques de France (UOIF) a réaffirmé ces dernières semaines son choix de faire confiance aux données astronomiques pour déterminer le premier et le dernier jour du mois du jeûne, évoquant le caractère fiable et sûr d’une méthode qui ne dénature pas la finalité des textes religieux. La règle : le mois lunaire débute quand la conjonction a eu lieu (nouvelle lune) et lorsque la visibilité est possible dans n’importe quel point de la Terre. Cette position de principe adoptée l’an dernier répond, selon la fédération, à un besoin pour les musulmans d’organiser plus convenablement leur vie cultuelle. Le Comité de coordination des musulmans turcs de France (CCMTF), membre du CFCM, va également suivre le même avis.

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DES DATES FIXÉES EN AVANCE AVEC L’ASTRONOMIE A partir des critères posés en 2013 par le CFCM sur la détermination des mois lunaires, le Ramadan débutera samedi 28 juin pour prendre fin dimanche 27 juillet inclus, nous déclare l’astrophysicien Smaïl Mostefaoui, qui travaille au Muséum national d’Histoire naturelle. Il devrait donc compter cette année 30 jours. L’Aïd al-Fitr, qui correspond au premier jour du Chawwal, est ainsi fixé au 28 juillet. Plusieurs avis existent quand à la façon de déterminer le début et la fin du mois du Ramadan, parmi lesquels l’observa-

tion de la Lune à l’œil nu. Sans balayer cet avis, l’UOIF défend le sien auprès des musulmans de France, estimant qu’il est le plus à même d’unifier la communauté d’ici et d’ailleurs. A son initiative, une cinquantaine de responsables de mosquées et d’associations musulmanes se sont retrouvées, samedi 17 mai en région parisienne, afin d’expliquer leur point de vue et espérer éviter une nouvelle fitna d’ampleur née d’incompréhensions.

LA «NUIT DU DOUTE», UNE TRADITION ENCORE BIEN ANCRÉE La Grande Mosquée de Paris (GMP) dont le recteur Dalil Boubakeur est aussi le président du CFCM, a pris une tout autre décision. Elle a assuré, dans un communiqué paru fin avril, qu’elle se pliera à la traditionnelle « Nuit du doute », revenant ainsi définitivement sur sa décision prise en 2013 d’adopter la méthode astronomique. Son revirement de dernière minute quant au commencement du jeûne avait déboussolé de nombreux musulmans. La «Nuit du doute», non fixée encore mais à l’issue de laquelle est déterminé le premier jour du Ramadan est maintenue par la GMP «conformément aux enseignements prophétiques relatifs à la détermination du début du mois de Ramadan et soucieuse de l’unité de la communauté musulmane de France et d’une complémentarité entre les données astronomiques et les références traditionnelles prophétiques recommandant la vision». La GMP s’assure aussi de garder la main sur une tradition dont

Un iftar en Turquie.

elle avait jusque là le monopole. Les troubles survenus lors du précédent mois de jeûne, appuyés par les réseaux sociaux, ont fait émerger des initiatives particulières ces dernières semaines en vue du Ramadan à venir. Notons l’existence d’un Observatoire lunaire des musulmans de France (OLMF), qui s’est donné pour ambition de fixer les dates de chaque mois lunaire après observation du premier croissant de lune à l’œil nu, «le moyen privilégié» qui s’ajoute aux jumelles et

au télescope au besoin, fait-on savoir. Le mouvement, constitué d’une équipe d’astronomes amateurs, effectue à ce jour sa mission sur cinq sites d’observation en France (Paris, Bayonne, La Rochelle, Toulon et Clermont-Ferrand), «définis en prenant en compte des critères géographiques ainsi que météorologiques». L’annonce de la date du Ramadan est un enjeu auquel des musulmans sont nombreux à vouloir concourir. En partenariat avec Saphirnews.com


04 ELECTIONS EUROPEENNES

23 - 29 MAI 2014 ZAMAN FRANCE

«Les Français ont l’impression que leur vote ne pèsera pas sur l’avenir de l’Europe» A l’occasion des élections européennes qui se tiendront le dimanche 25 mai, Zaman France a interrogé Beligh Nabli, spécialiste du droit européen, sur les enjeux de ce scrutin, sa répercussion concrète dans la vie des Français et les scénarios en cas d’abstention majeure. FOUAD BAHRI PARIS Pourquoi les citoyens français doiventils voter aux européennes ? Que peut changer ce scrutin à leur quotidien ? Depuis l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne, en 2009, le Parlement européen a un nouveau statut renforcé dans le système institutionnel de l’UE. Le Parlement européen est devenu le co-législateur général de l’UE. Il y a un adage qui dit que 80 % de nos lois sont issues de l’UE. Il faut donc savoir que les directives de l’UE sont co-adoptées par le Parlement. Voter aux élections européennes, c’est voter pour ceux qui vont adopter ces directives, qui elles-mêmes s’imposeront au droit français et à ses lois.

Les élections européennes déterminent la ligne politique du Parlement dont les directives s’appliquent sur l’ensemble des territoires des Etats membres de l’UE.

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mentation de la TVA : c’est une décision consensuelle très difficile à obtenir. Les Français ne voient jamais la directive, ils voient la loi, car la directive ne s’applique jamais directement, elle doit être transposée dans le droit français par une loi, une ordonnance ou un décret.

Mais la complexité des souverainetés se chevauchant l’une l’autre entre l’UE et la France, ne brouille-t-elle pas la lisibilité de ces élections européennes ? Plus largement, comment a évolué la relation entre droit français et européen ? S’il y a une contradiction entre la loi Dans quelle mesure l’application d’une direceuropéenne et le droit français, c’est tive transposée en droit français pourraitla loi européenne qui devra s’appli- elle soulever des résistances en France ? quer. En France, la reconnaissance Vous avez des directives symbolide cette supériorité juridique n’a été quement fortes qui ont soulevé de que très progressive. La primauté vifs débats. La directive de règlemendu droit européen dans les rapports tation de la chasse qui restreignait la entre les directives de l’UE et la ju- durée des périodes, à l’époque du gouvernement Jospin. Il y risprudence du droit a aussi la directive sur les français n’est pas, OGM, où le gouvernement par contre, générale français essaie de s’oppoet absolue. Il y a des limites posées. L’incapacité juridique est levée si une directive «Nous avons été condamnés par la Cour de européenne contre- justice européenne à propos du non-respect vient à un principe de l’identité juridique et des périodes de chasse, ou des quotas de pêche» constitutionnelle de la France. Il s’agit de tous les prin- ser à une application extensive qui cipes consacrés par le droit fran- impactera notre consommation et çais mais pas par le droit européen. où le futur Parlement européen aura Nous avons un exemple clair avec le peut-être son mot à dire pour modiprincipe de laïcité qui a une valeur fier la législation européenne en la constitutionnelle en France mais matière. Nous avons été plusieurs n’est pas consacré par la Charte des fois condamnés financièrement par droits fondamentaux. Si une direc- la Cour de justice de l’union eurotive européenne contrevenait au péenne à propos du non respect des principe de laïcité, le Conseil consti- périodes de chasse, ou des directives tutionnel pourrait censurer cette de quotas des filets de pêche. directive. Redoutez-vous une forte abstention, et à qui Le Parlement européen peut-il statuer sur peut-elle profiter ? le niveau de fiscalité des Français et leur Les Français ont l’impression que régime de protection sociale ? leur vote ne pèsera pas sur l’avenir Vous prenez deux cas sensibles où des décisions européennes, de la précisément on ne peut pas dire que même manière qu’ils ont ce sentile Parlement européen soit com- ment lorsqu’ils votent sur le plan pétent. L’UE n’est pas compétente national. C’est un sentiment d’impour modifier la législation natio- puissance politique face à la globanale en matière de fiscalité et de lisation économique et financière prestation sociale. Même en cas de qui nourrit cette abstention autour compétence résiduelle, pour créer de la conviction que le politique un impôt européen, il faudrait une n’arrive plus à changer le réel, d’où décision à l’unanimité au Conseil une interrogation sur le sens de leur de l’Union. Même chose pour l’aug- engagement.

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Une majorité d’extrême-droite au Parlement européen risque pourtant de peser sur la direction de la politique des 27 ? Bien sûr que oui, mais pas seulement l’extrême-droite. Vous avez des groupes souverainistes qui ne sont pas d’extrême-droite, des souverainiste à l’extrême-gauche, et globalement des anti-libéraux. Un Parlement de cette nature aurait les moyens de détricoter les directives européennes. Je pense notamment à la perspective du traité transatlantique négocié entre l’UE et les Etats-Unis. Ce traité pourrait ne pas passer en cas de majorité conservatrice de droite ou de gauche, au Parlement. Le Front de gauche, notamment, a consacré toute sa campagne à la lutte contre ce traité. Il y a donc de vrais enjeux dans cette campagne.

Beligh Nabli est professeur de droit constitutionnel, droit européen et droit international à la Faculté de droit de l’Université de Paris-Est Créteil (UPEC), à Sciences Po Paris et à IRIS Sup’.


05

23 - 29 MAI 2014 ZAMAN FRANCE

Dans le Rhône, Zafer Girisit veut faire la différence

Sensible aux problèmes environnementaux, Zafer Girisit portera les couleurs d’Europe Ecologie - Les Verts dans la circonscription du Sud-Est lors des élections européennes qui auront lieu le dimanche 25 mai en France. Avant d’arriver en France à l’âge de 13 ans, il a passé son enfance au sein d'une famille politisée du Sud-Est de la Turquie, à Adiyaman. C’est avec le soutien de son épouse et de ses proches que le candidat mène de plein front sa 4e campagne politique.

TEXTE ET PHOTOS : FATIH TURSUN Comment s’est faite votre entrée en politique ? Je suis novice en politique. Pendant mes années universitaires, de 2000 à 2005, j’étais président d’une association d’étudiants franco-turcs à Lyon. Depuis 2002, je suis sympathisant Europe Ecologie-Les Verts, c’était les Verts à l’époque. De 2005 à 2009 c’était le lancement dans la vie active, trouver un emploi, un logement, me marier, ça prend du temps. C’est surtout grâce à mon épouse… sans son appui, mon entrée en politique n’aurait pas été possible. J’ai décidé d’être actif en 2009, d’abord sur le groupe local de Saint-Priest, où je suis né, où j’ai grandi et où j’habite toujours. Qui mieux que nous, les jeunes qui avons grandi dans cette ville, peut apporter les améliorations nécessaires aux habitants. En 2011, je me suis présenté aux élections cantonales. C’était une première pour moi. Là, j’ai fait un très bon score, environ 12 %. On était derrière l’UMP, le PS et le FN au premier tour. Au deuxième tour, on a fait blocus au FN. Ensuite, je me suis porté candidat aux législatives sur la 14e circonscription du Rhône. Et puis il y a eu les municipales cette année. Et là les élections européennes. Je pense que dans la région lyonnaise c’est la première fois qu’un Français d’origine turque se présentait aux élections européennes sous l’étiquette d’un parti politique.

Zafer Girisit défendra ce week-end les couleurs d’EELV aux élections européennes.

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Vous conciliez vie privée et politique ... C’est grâce à ma femme... C’est elle qui s’occupe la plupart de temps de notre fille. Elle reste seul quand je fais campagne. C’est difficile pour de jeunes mariés. Une femme préfèrerait que son mari se consacre au bonheur de sa famille plutôt que de s’intéresser aux problèmes des autres. Sans une femme solide pour l’appuyer, un homme politique ne peut pas réussir. Parce qu’une femme, c’est elle qui coache l’homme, pendant ses moments de solitude, sur ce qu’il va faire, sur ce qu’il doit améliorer. C’est pareil dans le cas opposé. Si c’est la femme qui fait de la politique, son homme doit être aussi porteur. Dans un couple où une personne fait de la politique, le compagnon doit être prêt à l’appuyer. François Hollande galère parce qu’il n’a pas de femme derrière lui. S’il avait été marié, ça aurait été différent. Carla Bruni a beaucoup boosté Sarkozy. Ca joue beaucoup. Le rôle d’une femme, c’est important derrière la réussite d’un homme politique. Quand le soir, tu rentres à la maison, et qu’on te tire la tête, qu’on te dit que c’est pas toi qui va changer le monde, ça peut vite démotiver. .. Vous venez d’une famille politisée en Turquie… A Adiyaman (en Turquie) mon grand-père était un fervent militant de Halk Partisi, le parti d’Atatürk. C’était l’ancien CHP. Dans la

A Saint-Priest, le candidat Zafer Girisit est bien entouré. Sur la photo de droite, son père et sa fille.

famille, on a beaucoup d’élus locaux à droite comme à gauche. Avant d’arriver en France à 13 ans, j’ai toujours été dans un milieu politisé. Ca aide beaucoup, dans la formation politique, dans la prise de décision. Mon goût de la politique vient de là, effectivement. Presque tous les soirs, il y avait un débat autour d’un sujet d’actualité. Quand vous êtes imprégnés de ces débats sans fin, tout jeune, vous voulez retrouver cette ambiance-là. Après ce n’est pas pareil la politique turque et la politique française. La politique turque est plus dynamique, plus virale, que la politique française. En France, il faut être plus stratège, plus «sournois». Mes parents ont joué un grand rôle pour moi. Dans la vie, ce sont les grandes difficultés qui font que tu forges ton identité ou bien c’est le milieu de tes parents qui va t’éduquer. C’est les deux extrêmes qui permettent de se former. Moi, j’étais encadré, voire recadré par les parents. Pourquoi vous portez-vous candidat aux élections européennes ? Les élections européennes sont très importantes. Je me suis rendu compte que le plus gros du travail se fait au parlement européen et pas à l’assemblée nationale. Il y a beaucoup de choses qui sont gérées à Bruxelles et qui sont ensuite appliquées au niveau national. C’est le cas des directives européennes. Elles sont votées à Bruxelles et passent très rapidement à l’Assemblée nationale. Je ne comprends pas

pourquoi on donne peu d’importance à ces élections en France. L’abstention est forte. Et pourtant l’Europe c’est l’avenir… En France, les élections européennes, sont devenues une sorte de Pôle Emploi pour les politiques français où l’on recycle les gens qui traînent «des casseroles» pour les mettre en tête de liste aux européennes. Prenez Harlem Désir, Rachida Dati ou Jean Luc Mélenchon. Ce sont tout d’abord des gens qui font de l’absentéisme au parlement européen. Ils ne votent pratiquement aucune loi alors qu’ils sont en tête de liste. Comment expliquez-vous le passage à droite de plusieurs villes, comme Saint-Priest, lors des élections municipales ? Saint-Priest était un fief du parti socialiste depuis 30 ans. Le passage à droite est dû, à mon avis, à l’effet Hollande. Beaucoup de personnes ont voté aux présidentielles pour Hollande pour sanctionner Sarkozy, notamment contre ses manières « bling-bling » avec la mise en avant de sa vie privée…. Ils ont voté contre Sarkozy et pas pour Hollande. Et ça, Hollande le sait. Mais il a fait les Unes avec sa vie privée, alors qu’il disait : moi président jamais je ne ferai l’actualité là-dessus. Il a dénoncé la corruption, mais certains de ses proches ont été impliqués dans des affaires. Comment voyez-vous l’intérêt des Franco-turcs pour la politique ? Il y a un réel désintérêt pour la politique française. C’est visible chez les jeunes et les vieux.

BIOGRAPHIE 1980 : naissance dans le Sud-Est de la Turquie, à Adiyaman 2005 : diplômé de l’Ecole supérieure de commerce et de développement à Lyon 2011 : candidat aux cantonales 2012 : candidat aux législatives dans la 14e circonscription du Rhône 2014 : candidat aux municipales à Saint-Priest 2014 : candidat aux élections européennes Les jeunes ne s’intéressent à la politique ni en Turquie ni en France. Avoir le dernier iPhone ou la dernière voiture pour impressionner les copains, c’est ça qui les intéresse. Ca se répercute au niveau du taux de participation des jeunes. Et ceux qui participent votent plus pour l’extrême-droite. Les pères, eux, ne s’intéressent qu’à la politique turque. D’ailleurs le soir quand ils rentrent du boulot, ce sont les informations turques qu’ils regardent à la télévision.


06 TURQUIE

23 - 29 MAI 2014 ZAMAN FRANCE

Soma : 25 personnes interpellées Les efforts de sauvetage dans la ville minière de Soma se sont achevés ce dimanche 18 mai. Alors que les autorités turques sont en train d’enquêter sur la catastrophe qui a coûté la vie à 301 mineurs, 25 personnes, dont des responsables de l’entreprise propriétaire de la mine de Soma, ont été arrêtées.

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Parmi les personnes qui ont fait l’objet d’arrestations dans le cadre de l’enquête sur la catastrophe de Soma, se trouvent notamment Ramazan Dogru, directeur général de la mine dont est propriétaire Soma Holding, et Can Gürkan, administrateur et fils du propriétaire de la compagnie, qui ont été placés en détention provisoire. Le directeur adjoint des services de comptabilité, Ali Ulu, ainsi que les ingénieurs Ertan Ersoy, Selçuk Demirci, Erdem Canbaz, Harun Günes, Hilmi Kazik, Yalçin Erdogan, Saltuk Alpdemirci, Ergin Yilmaz et les techniciens Mehmet Avci, Halil Dalkiran, Mehmet Ali Gündüz, Mustafa Isik, Necati Demirci et Halil Yavuz font aussi partie des personnes interpellées, d’après une déclaration d’Özgür Özel, député CHP de la province de Manisa. Plusieurs cadres de la compagnie minière ont été inculpés d’homicides multiples.

Un rapport préliminaire établi par un expert suggère que la présence de charbon brûlant a provoqué l’effondrement du plafond de la mine.

DU CHARBON BRÛLANT AURAIT CAUSÉ L’EFFONDREMENT DU PLAFOND Le gouvernement et la société propriétaire de la mine ont rappelé que la mine avait été régulièrement inspectée et qu’il n’y avait eu aucune négligence. Face à la colère de l’opinion publique, le gouvernement a promis d’enquêter sur l’accident et a dit que les responsables seraient poursuivis. Le journal Milliyet a indiqué samedi qu’un rapport préliminaire établi par un expert de la sécurité dans les mines qui est allé inspecter la mine de Soma, suggérait que la présence de charbon brûlant avait provoqué l’effondrement du plafond de la mine. D’après le rapport, les poutres de soutien du tunnel étaient en bois et non en métal et la mine n’avait pas assez de capteurs de monoxyde de carbone. Les représentants de la société avaient soutenu que les conditions de sécurité étaient bonnes et qu’il y avait 50 capteurs de gaz dans la mine.

Fermeture de deux entrées de la mine -

Deux entrées sur quatre de la mine de Soma viennent d’être fermées. Des ouvriers, préparant le terrain à une inspection de la mine, ont construit des murs, bloquant ainsi deux entrées.

LES HYPOTHÈSES DES INSPECTEURS Des murs ont également été érigés à l’intérieur de la mine, devant les entrées de certaines galeries, permettant ainsi de contenir l’incendie qui faisait rage à l’intérieur de la mine. Une enquête technique aurait lieu actuellement à l’intérieur de la mine. Les autorités ont également indiqué que les ouvriers réparaient les parties de la mine qui risquent de s’écrouler. Le procureur général, les inspecteurs de la sécurité et des experts pourront entrer dans la mine une fois que le travail de réparation sera terminé. Pour le moment, seules des hypothèses sont avancées concernant la cause du déclenchement de l’incendie. Parmi celles-ci, l’explosion d’un transformateur, le charbon qui aurait pris feu à cause d’une surchauffe ou une explosion de gaz méthane.

ale. le tour de la presse internation La photo de Yusuf Yerkel a fait

Yerkel aurait été «attaqué» et «blessé» avant de donner son coup de pied La fameuse photo où on aperçoit le conseiller d’Erdogan, Yusuf Yerkel, donner un coup de pied au proche d’une victime de la catastrophe de Soma, tenu fermement au sol par deux membres des forces spéciales, a déjà fait le tour des réseaux sociaux en Turquie. Ce matin, dans une conférence de presse qui s’est tenue à Ankara, le porte-parole de l’AKP, Hüseyin Çelik, a expliqué que Yerkel avait été attaqué en premier. «On ne peut pas établir la vérité à partir d’une photo. Yusuf Yerkel a dit que la personne à qui il a donné

un coup de pied l’avait attaqué, blessé et qu’il a dû prendre un congé maladie pendant sept jours», a indiqué le porte-parole. «J’ai été profondément attristé par ce qui est arrivé à Soma le 14 mai. Je suis désolé de ne pas avoir su garder mon calme face aux provocations, insultes et attaques auxquelles j’ai été confronté ce jour-là», a dit Yerkel d’après l’agence de presse Anadolu. Le porte-parole de l’AKP a déclaré qu’il regrettait que Yerkel «ait perdu son sangfroid», mais que répondre à des attaques avec une violence proportionnée était «naturel».


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La convention de l’OIT n’avait pas été ratifiée La convention de l’OIT exige des employeurs qu’ils prennent toutes les mesures nécessaires pour éliminer ou du moins minimiser les risques pour les travailleurs.

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Les interrogations sur la sécurité dans les mines en Turquie continuent de hanter les esprits. On s’interroge notamment sur la non-ratification par le pays de la convention internationale sur la sécurité et la santé dans les mines de l’Organisation internationale du travail (OIT), accord pourtant majeur, entré en vigueur en 1998 chez les pays signataires.

DES NORMES QUI NE SONT PAS ENTRÉES EN VIGUEUR Le président de la Chambre de commerce d’industrie minière ainsi qu’un associé de l’Union des chambres des ingénieurs et des architectes, Ayhan Yüksel, ont déclaré à Zaman que la Turquie avait signé de nombreux accords et conventions jusqu’à présent, mais qu’il n’y avait pas eu d’entrée en vigueur de ces accords et conventions. «Ce qu’il faut souligner, ce n’est pas le fait que la Turquie ait signé des conventions mais la question de savoir si elle respecte les normes internationales. Nos nom-

breuses lois sont en phase avec les normes internationales. Mais le fait que ces normes ne soient pas entrées en vigueur continue d’être le principal problème de la Turquie», a affirmé Yüksel. Dans un communiqué publié mercredi, le directeur général de l’OIT, Guy Ryder, a attiré l’attention sur la sécurité dans les mines. Il a dit que la tragédie de Soma soulevait «l’importance primordiale de la sécurité et de la santé au travail» dans le domaine minier. «L’OIT se tient prête à soutenir la mise en place de garanties de sécurité des travailleurs en phase avec les normes internationales et la prévention d’accidents futurs», a dit Ryder.

LES RESPONSABILITÉS DES SOCIÉTÉS MINIÈRES ET DES GOUVERNEMENTS La fameuse convention que la Turquie n’a pas encore adoptée exige la prise d’importantes responsabilités de la part des sociétés minières et des gouvernements. La convention a jusqu’ici été signée par

28 pays, dont les Etats-Unis, la Russie, l’Allemagne, l’Arménie, l’Albanie, le Liban, la Zambie et le Zimbabwe. La convention exige des employeurs qu’ils prennent toutes les mesures nécessaires en vue d’éliminer ou du moins de minimiser les risques concernant la santé et la sécurité dans les mines, de prendre les mesures et précautions appropriées vis-à-vis des opérations minières à risque, de détecter et lutter contre le déclenchement et la propagation d’incendies et d’explosions, et de s’assurer qu’en cas de danger grave vis-àvis de la sécurité et de la santé des ouvriers, les opérations soient interrompues et que les mineurs soient évacués vers un endroit sûr. La convention accorde également aux mineurs le droit de notifier l’insécurité des conditions aux autorités et au personnel de la mine, d’en appeler à une inspection ou une enquête et d’accéder à toutes les informations et données concernant la santé et la sécurité dans les mines.

Une seule chambre de refuge dans la mine -

L’accident de la mine de Soma, a soulevé la question de la présence de chambres de refuge à l’intérieur des mines, utilisées en cas d’accident en attendant l’arrivée des secours. Ces chambres, selon les normes, doivent contenir des kits de premiers secours, de l’oxygène, des téléphones, de l’eau et de la nourriture. En Turquie, il n’est pas toujours acquis que le nombre ainsi que la surface des chambres soient toujours aux normes.

5 M2 POUR 6500 MINEURS A Soma, les secours ont appris après avoir découvert les corps, que 14 mineurs avaient réussi à se réfugier dans l’unique chambre disponible et avaient utilisé tour à tour des masques à oxygène avant de rendre leur dernier souffle. Ils seraient entrés dans la pièce de 5 m2 (pour un total de 6500 mineurs), après avoir réalisé qu’il leur serait impossible de sortir de la mine qui était, au mo-

ment des faits, envahie de monoxyde de carbone, gaz mortel provoqué par le déclenchement de l’incendie. Rappelons que le propriétaire de la mine de Soma, Alp Gürkan, avait indiqué dans un entretien au journal Dunya l’année dernière que sa mine possédait plusieurs chambres et qu’elles avaient une capacité d’oxygène et de nourriture pour maintenir en vie des mineurs pendant «20 jours».

UNE MINE SUR 400 POSSÈDE DES CHAMBRES AUX NORMES A noter que selon l’agence de presse Dogan, le prix d’une chambre de refuge peut varier de 80 000 dollars pour une capacité de 12 personnes à 200 000 - 250 000 dollars pour une capacité de 40 personnes. D’après la Chambre de commerce de l’industrie minière en Turquie, seules quatre mines sur quelque 400 autres possèdent des chambres de refuge, mais il s’agit de mines de métal et non pas de charbon.

Les trois faux pas d’Erdogan SAMI KILIÇ, PARIS Soma est sans conteste un drame qui n’est pas directement imputable au pouvoir politique. S’il y a négligence, elle appartient d’abord à la société privée qui exploite le charbonnage. Mais c’est le Premier ministre turc qui cristallise la fureur des gens depuis le début. Un tel accès de colère n’avait jamais été relevé à son encontre. Il a été hué, sa voiture a été attaquée. Pourquoi une telle fixation sur Tayyip Erdogan ? Trois raisons l’expliquent.

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LE DÉCRET DE 2012 ET LE MANQUE DE VIGILANCE Un décret de 2012 a soumis à l’autorisation du Premier ministre toute privatisation ou concession dans le secteur de l’énergie. En 2011, un rapport du Conseil d’Inspection de l’Etat (DDK) avait en effet attiré l’attention sur les risques élevés en matière de sécurité et de santé dans les mines. On aurait pu s’attendre à ce que l’examen des demandes soit plus scrupuleux. Or il semble que ça n’a pas été le cas puisque les accidents se sont multipliés. A tel point que les trois partis d’opposition ont demandé, il y a trois semaines, la formation d’une commission parlementaire pour en rechercher les causes et proposer des solutions. Cette demande a été perçue comme une mesure d’obstruction par l’AKP, le parti de Tayyip Erdogan, et finalement rejetée. Erdogan a déclaré avoir lu les procèsverbaux des discussions parlementaires pour affirmer que les députés de l’opposition n’avaient rien dit sur Soma. Il s’est trouvé que c’était loin d’être vrai. La presse, dont les propriétaires font souvent des affaires dans le secteur de la sidérurgie, n’a pas insisté. LES PROPOS DÉPLACÉS DU PREMIER MINISTRE Erdogan est connu pour son impulsivité et ses coups de sang. Il avait déjà rabroué un agriculteur qui lui avait reproché sa politique en disant : «nos mères pleurent !» (expression turque qui signifie «nous sommes dans un pétrin pas possible»). Et le Premier ministre de lui répondre au tac-au-tac : «prends ta mère et tire-toi !». Dernièrement, il joutait avec le bâtonnier du Conseil national des barreaux. Il lui avait lancé, «tu es grossier, tu es un menteur !». Dernier épisode en date : l’accident à Soma. Le Premier ministre est venu prendre des nouvelles mais ses propos lors de la conférence de presse ont stupéfié tout le monde. Il a déclaré que les accidents étaient «dans la nature des choses» dans ce métier et a donné des exemples. Le fait de sortir ses notes, de chausser ses lunettes et d’énumérer des catastrophes minières qui ont eu lieu à l’étranger au 19e et au 20e siècles a littéralement sidéré les proches des victimes. Il a d’ailleurs étrangement pris la défense de la société d’exploitation avant d’avoir toutes les données en mains. LES GESTES CHOQUANTS DU PREMIER MINISTRE ET DE SON ENTOURAGE Lors de sa visite à Soma, Erdogan a été fraîchement accueilli. La présence d’une foultitude de gardes du corps pour un homme politique qui se targue d’être proche du peuple a suffi à exaspérer la foule. Celleci l’a conspué, pis, sa voiture, qui a été banalisée afin d’échapper à la colère du peuple, a été secouée. Le chef du gouvernement, fidèle à lui-même, s’est emporté. Il a interpellé l’un des manifestants en lui disant, «lorsque tu conspues le Premier ministre de ce pays, tu dois t’attendre à recevoir une baffe» ! A une autre personne qui l’apostrophait, il a lancé, «viens me le dire en face!» avant de le suivre jusqu’à l’entrée d’une supérette et de le bousculer. La vidéo qui le montre en train de l’agripper par le cou a fait le tour du monde. Au même moment, on entend une voix proférer l’insulte, «semence d’Israël». L’AFP a immédiatement diffusé l’information. Le même jour, un conseiller d’Erdogan, Yusuf Yerkel était en train de flanquer des coups de pied à un proche de victime à terre. Les tentatives de justification du porte-parole de l’AKP, Hüseyin Celik, ont ajouté à l’exaspération.


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Pourquoi est-il si dangereux de travailler dans une mine en Turquie ? Contrôles irréguliers, manque de sensibilisation et d’organisation des travailleurs... autant de points qui montrent qu’exercer en tant que mineur en Turquie est dangereux. Un rapport publié en mars par l’OIT indique que 10,4 % des accidents du travail sont des accidents miniers en Turquie. Voici quelques questions-réponses pour comprendre la situation des mines en Turquie.

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POURQUOI LES MINES TURQUES SONTELLES AUSSI DANGEREUSES ? Les chercheurs indiquent un certain nombre de facteurs qui expliquent le danger des mines en Turquie. Ils citent notamment le comportement adopté envers la sécurité au travail, les contrôles irréguliers des conditions de travail et des normes de sécurité. La Turquie n’a pas ratifié la Convention de l’organisation internationale du travail concernant la sécurité et la santé dans les mines. Un article publié l’année dernière par les chercheurs Yucel Demiral et Alpaslan Erturk de l’université Dokuz Eylul à Izmir disait que les inspections de santé et de sécurité dans les mines turques étaient divisées entre différentes autorités et que le manque de coordination entre elles était la cause d’un contrôle inefficace. L’article soulignait également le manque de sensibilisation et d’organisation des mineurs turcs comme facteurs contribuant à l’insécurité des conditions de travail. De plus, si la Turquie a adopté de nombreuses réglementations de santé et de sécurité conformes à l’Union européenne au vu

Même si les normes de sécurite dans les mines se sont améliorées dans de nombreux pays, le travail des mineurs reste synonyme de risques.

de son ambition d’adhérer au bloc, dans bien des cas les directives européennes n’ont pas encore été harmonisées avec les réglementations locales et ne sont donc pas entrées en vigueur.

COMMENT LA TURQUIE PEUT-ELLE AMÉLIORER LA SÉCURITÉ DANS SES MINES ? Andrew Watson, gestionnaire du service britannique de secours dans les mines, indique que le comportement adopté envers la sécurité, c’est-à-dire faire de la sécurité une priorité avant la production, et l’utilisation de moyens technologiques qui avertissent d’un danger sont indispensables à la sécurité du travail dans les mines. Par exemple dans les houillères britanniques, toutes les machines ont un système qui mesure le niveau de méthane, un gaz explosif. Lorsque le niveau atteint un certain seuil, l’alimentation des machines est automatiquement coupée. COMMENT EXPLIQUER LES DANGERS DU MÉTIER DE MINEUR ? Le métier de mineur a toujours été une profession dangereuse, bien que les

normes de santé et de sécurité se soient beaucoup améliorées dans de nombreux pays. Le travail dans les houillères peut être particulièrement risqué. Extraire le charbon de façon sûre est un véritable défi car la houille se trouve

souvent entre des couches fines de pierre qui peuvent facilement s’effondrer. De même, l’extraction de charbon peut provoquer la fuite de gaz toxiques et explosifs ainsi que de la poussière de charbon explosive.

Les accidents miniers en Turquie, un fléau récurrent -

Les pires accidents miniers du monde depuis 2005

Sur l’ensemble des pays du monde, la Turquie compte le plus grand nombre de morts dans des accidents miniers par tonne de charbon extrait, selon un rapport de 2010 publié par la Fondation turque de recherche en politiques économiques (TEPAV). En 2008, le nombre de morts par million de tonnes de charbon extrait en Turquie était de 7,22, soit cinq fois plus que la Chine et 361 fois plus que les Etats-Unis. Le rapport, intitulé «Un rapport d’évaluation sur les accidents miniers et leurs conséquences», précise que le nombre de morts le plus faible par tonne de charbon extrait a été enregistré en 2006 (256 morts). En 2013, ce nombre était de 923.

LE TAUX DE MORTALITÉ SUR LE LIEU DE TRAVAIL LE PLUS ÉLEVÉ D’EUROPE Sur les trois dernières années, la Turquie a eu le plus grand nombre d’accidents miniers mortels, devançant ainsi la Chine, selon l’Organisation internationale du travail (OIT). Sur les 31 dernières années, il y a eu 14 accidents miniers en Turquie. En 2012, l’OIT déclarait que la Turquie avait le taux de mortalité sur le lieu de travail le plus élevé d’Europe et qu’elle figurait au troisième rang mondial. Les accidents miniers sont fréquents en Turquie. Le dernier gros incident minier a eu lieu en 1992 lorsque 263 personnes ont perdu la vie après une explosion de gaz à Zonguldak dans la région de la Mer Noire. Les mines de charbon sont plus dangereuses que les lieux de travail où sont produites d’autres sources d’énergie, à cause des conditions déplorables qui se vérifient dans des pays producteurs comme la Chine, la Turquie, l’Afrique du Sud, l’Indonésie et la Colombie. LES PLUS GROS ACCIDENTS MINIERS EN TURQUIE 7 mars 1983 – Explosion de gaz dans la ville d’Eregli Armutçuk, province de Zonguldak (103 morts) 10 avril 1983 – Effondrement à la mine de Kozlu, province de Zonguldak (10 morts) 31 janvier 1987 – Effondrement à Kozlu, province de Zonguldak (8 morts) 31 janvier 1990 – Explosion de gaz dans la ville d’Amasra, province de Bartin (5 morts) 7 février 1990 – Explosion de gaz à Yeni Çeltasi, province d’Amasya (68 morts)

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3 mars 1992 – Explosion de gaz à Kozlu, province de Zonguldak (263 morts) 26 mars 1995 – Explosion de gaz à Sorgun, province de Yozgat (37 morts) 22 novembre 2003 – Explosion de gaz à Ermenek, province de Karaman (10 morts) 8 septembre 2004 – Incendie dans la mine de Küre, province de Kastamonu (19 morts) 2 juin 2006 – Explosion de gaz à Dursunbey, province de Balikesir (17 morts) 10 décembre 2009 – Explosion de gaz dans la mine de Mustafakemalpasa, province de Bursa (19 morts) 17 mai 2010 – Explosion de gaz dans la mine de Zonguldak (30 morts) 8 janvier 2013 – Explosion de gaz dans la mine de Kozlu, province de Zonguldak (8 morts) 13 mai 2014 – Explosion et incendie à Soma, province de Manisa (au moins 280 morts)

Retour sur les incidents meurtriers survenus dans la dernière décennie dans les mines à travers le monde. 2014 Une explosion et un incendie font au moins 232 morts dans une mine de charbon à l’ouest de la Turquie. 2013 83 travailleurs sont ensevelis dans une mine d’or à cause d’un glissement de terrain dans une zone montagneuse du Tibet à l’est de Lhassa, selon les médias chinois. 2012 Au moins 60 personnes périssent après un glissement de terrain dans une mine d’or d’une zone reculée au nord-est de la République démocratique du Congo. 2011 52 personnes sont mortes dans le sud-ouest du Pakistan après une explosion de gaz dans une mine de charbon à Sorange, près de Quetta. 2010 29 hommes périssent dans le pire accident minier de l’histoire de la Nouvelle-Zélande après une énorme explosion de gaz empêchant de secourir les mineurs piégés depuis cinq jours. 2010 33 mineurs sont secourus après être restés piégés pendant 69 jours au fond d’une mine d’or et de cuivre dans le désert d’Atacama au nord du Chili. 2010 29 mineurs meurent après une explosion dans la mine de charbon Upper Big Branch en Virginie occidentale (Etats-Unis). 2007 Au moins 90 personnes meurent dans le pire accident minier d’Ukraine, après une explosion au méthane dans une mine de charbon dans la ville de Donetsk à l’est du pays. 2007 6 mineurs et 3 secouristes meurent après un effondrement dans la mine de charbon Crandall Canyon dans l’Emery County en Utah (EtatsUnis). 2006 65 mineurs sont tués après une explosion de gaz à San Juan de Sabinas, dans l’Etat de Coahuila au nord du Mexique. 2006 12 personnes périssent après une explosion de méthane dans la mine de charbon de Sago, en Virginie occidentale (Etats-Unis). 2005 203 mineurs meurent et 12 autres sont portés disparus après une explosion dans le puits d’une mine de charbon dans le sud-ouest de la Chine. C’est le pire accident minier depuis le début du régime communiste en 1949.


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Soma, la main de Dieu ?

La catastrophe minière qui a fait 301 victimes à Soma a provoqué des discussions, au demeurant assez récurrentes en terre d’islam, sur le destin. Les responsables politiques n’ont pas hésité à l’invoquer. Les théologiens ont dû descendre dans l’arène pour «remettre les poins sur les i». Alors Soma, un coup du sort ? SAMI KILIÇ PARIS Après la douleur et la colère, place donc à la question de la responsabilité... divine. Ou plus exactement, à la question de la résignation. «Que voulez-vous, c’est la volonté de Dieu, c’est le destin !» a avancé le Premier ministre, Tayyip Erdogan, le lendemain du drame. Une communication politique qui a été relayée par des chroniqueurs fidèles mais qui, au bout du compte, n’a pas fait long feu. C’est que les hommes de religion se sont rapidement inscrits en faux. Dieu, Omniscient, ayant prévu de longue date cette catastrophe, l’homme n’a que passivement subi. Voilà en gros, la thèse du destin. Au-delà de savoir s’il s’agit d’un châtiment divin ou pas, qui est encore une autre interrogation, il s’agit d’affirmer en l’espèce que les victimes de la catastrophe feraient partie d’un «plan divin». Pas du tout, ont répondu en chœur les savants religieux mais le fin mot appartient souvent à la croyance populaire dans ce genre d’infortune. Il devient alors d’autant plus difficile de restaurer la vérité théologique. Une autre polémique a été vite étouffée. Yazgülü Aldogan, chroniqueuse vedette du journal Posta, a dénié aux victimes la qualité de «martyrs» (sehit). Qualification religieuse qui se fonde sur un hadith du Prophète selon lequel ceux qui meurent sous les décombres seront hissés au niveau des martyrs. Le Premier ministre en a profité pour conseiller au propriétaire de Posta, Aydin Dogan, de la... virer. «Dire qu’ils sont martyrs serait refuser de s’interroger sur les responsabilités», a-telle rétorqué, sans convaincre le commun des Turcs.

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UNE INSTRUMENTALISATION DE L’ISLAM ? Les deux grandes chaînes d’information, CNN Türk et Habertürk, ont trouvé un filon en programmant des émissions sur le destin, la fatalité, la prédestination. Des thématiques qui font mouche en Turquie. Déjà en 1999, après le tremblement de terre qui avait fait plus de 17 000 victimes à Izmit, les hommes de religion avaient débattu de ces questions, un exercice qui n’avait choqué personne. Mais la polémique a pris une autre tournure lorsque des religieux du groupe Ismailaga (d’obédience naqshbandi) sont arrivés à Soma pour réconforter la foule. «Endoctriner» ont prétendu les mauvaises langues qui y ont décelé un soutien spirituel au gouvernement. En effet, le message délivré a consisté à conseiller aux proches des victimes, très remontés, de ne pas se rebeller contre l’autorité mais de se réfugier en Dieu et de prier. D’ailleurs, des prospectus sur la fatalité auraient été distribués dans les cimetières de Soma. Tayfun Atay, spécialiste des mouvements religieux, note que la nakshbandiyya retrouve ainsi les faveurs du gouvernement de l’AKP, qui avait pris ses distances avec cette confrérie proche de feu l’ancien Premier ministre islamiste Necmettin Erbakan. «NOTRE NÉGLIGENCE N’EST PAS NOTRE DESTIN» Les célèbres théologiens se sont eux aussi invités sur les plateaux de télévision afin de clarifier la position de l’islam. Ilhami Güler, professeur à la faculté de théologie d’Ankara, réputée pour être le berceau du renouveau théologique en Turquie, a préféré la bravade : «Dieu ne détermine pas l’âge auquel on meurt», a-t-il lâché. Une position très marginale dans le cercle religieux. «Notre négligence n’est pas notre destin» a, pour sa part, soutenu Mustafa Islâmoglu, un autre théologien d’importance. Fethullah Gülen, également une référence spirituelle, a estimé que «le drame ne pouvait pas être éludé

en évoquant le destin et le martyre». «Dès maintenant, il faut faire des analyses profondes, des évaluations complètes et évoquer les projets et les mesures de prévention», a-t-il indiqué. Déjà, la très officielle présidence des affaires religieuses (Diyanet) avait fait lire un sermon dans toutes les mosquées du pays où elle rappelait que «le destin n’enlève en rien la responsabilité de l’homme et le devoir d’être prévoyant». D’ailleurs, les entrées des mines mettent

souvent en exergue la phrase «D’abord, on prend ses précautions, ensuite, on s’en remet à Dieu». La critique la plus dure est venue de Can Dündar du quotidien de gauche kémaliste Cumhuriyet : «le destin est devenu le refuge du coupable et le soutien du pouvoir», a-t-il écrit. Or, les grands noms de la science religieuse islamique ont tous rejeté cette conception. Point de dérobade à la responsabilité, ontils tous affirmé, ici-bas ou dans l’au-delà...


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«A partir du moment où ils se reconnaissent comme un groupe terroriste, on ne pouvait pas laisser passer» Explication du capitaine Guériaud, de la gendarmerie de Franche-Comté, à la suite de l’interpellation mardi de plusieurs membres présumés d’un groupe néo-nazi baptisé «Blood and honour C18» («Sang et honneur, Combat 18»), un nombre qui se réfère à Adolf Hitler. Une quarantaine de militaires ont pris part à l’opération.

La tragédie des musulmans de Bangui Opprimés et persécutés par les milices des anti-balaka, les musulmans de la République de Centrafrique ont dû se résoudre à quitter la capitale de Bangui. Reclus à quelques kilomètres de la ville, ils tentent difficilement de survivre. FOUAD BAHRI PARIS Un véritable nettoyage ethnique. En Centrafrique, les résultats du conflit civil qui mine ce petit pays, sont déjà désastreux. La violence des attaques des milices anti-Balaka exercées contre les minorités musulmanes de Centrafrique a provoqué leur départ de la capitale. Entre 85 et 90 % d’entre eux n’y vivent plus.

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ASSIGNATION À RÉSIDENCE Retranchées dans un camp à quelques kilomètres de Bangui, les populations musulmanes estimées à 6000 âmes, y sont actuellement assignées à résidence. Le moindre mouvement à l’extérieur de la zone est synonyme de mort pour elles. Entre décembre et mars, près de 400 corps ont ainsi été recensés à la morgue de la mosquée Ali-Babalo, d’après des informations publiées par l’édition du quotidien La Croix du 19 mai. UN CONFLIT COMPLEXE A Bangui même, les maisons et la totalité des biens de ces familles sont mises en vente au vu et au su des soldats de l’armée centrafricaine, qui n’a pas été capable d’assurer leur protection. Près de Kilomètre -5, le quartier où se trouve le camp de réfu-

Plus de 85 % des musulmans de Bangui n’y vivent plus.

giés, ces populations survivent comme elles peuvent. Agriculture, commerce de fortune, prébendes offerts par des passants. La sécurité du camp est assurée par des soldats du Burundi, et par une milice d’auto-défense musulmane. Quant à la nature de ce conflit centrafricain, elle est fort complexe, réunissant des facteurs à la fois politiques, ethniques et religieux.

LE SENTIMENT ANTI-FRANÇAIS S’EST DÉVELOPPÉ EN CENTRAFRIQUE Un profond sentiment anti-français s’est développé chez les musulmans de Centrafrique qui rendent Paris doublement responsable de la détérioration de leurs conditions de vie. «L’opération Sangaris conduit à notre disparition de Bangui. Les Français nous dé-

Les Tatars, minorité turcophone musulmane de Crimée, sont majoritairement hostiles à l’annexion de la péninsule par la Russie

sarment, pourchassent nos chefs. Les anti-Balakas ont ensuite tout le loisir de nous chasser, de nous tuer et de détruire nos biens» déclare Béchir, un étudiant, dans un témoignage délivré à nos confrères de La Croix. L’absence de protection des civils par les contingents de soldats français leur est aussi reprochée.

Les Tatars de Crimée commémorent leur déportation par Staline -

Des milliers de Tatars de Crimée ont commémoré dimanche, défiant l’interdiction des autorités russes, le 70e anniversaire de la déportation en Sibérie et en Asie centrale de 200 000 des leurs par Staline. Les Tatars, minorité turcophone musulmane de Crimée, sont majoritairement hostiles à l’annexion de la péninsule par la Russie qui a suivi le référendum d’autodétermination de mars dernier. Agitant le drapeau bleu et jaune de l’Ukraine et scandant des slogans comme «Peuple, patrie, Crimée !», les manifestants se sont rassemblés devant une mosquée des faubourgs de la capitale criméenne, Simféropol, survolée par des hélicoptères militaires russes.

UN APPEL À L’UNITÉ Les dirigeants de la communauté tatare, dont le président de son assemblée (Mejlis) Refat Tchoubarov et le grand mufti de Crimée, ont lancé un appel à l’unité. «Nous n’aurions jamais pensé que nous devrions marquer cet anniversaire dans de telles circonstances», a dit Refat Tchoubarov. «Je n’ai pas la

solution à nos problèmes mais je sais que si nous voulons être respectés nous devons rester unis.» Le grand mufti Emirali Ablaiev a appelé au dialogue avec les nouveaux dirigeants criméens. «Ils nous surveillent, ils ont peur de nous», a-t-il dit en désignant les hélicoptères russes dans le ciel. Dans une résolution adoptée à l’occasion de cette manifestation, les Tatars réclament un statut d’autonomie pour la Crimée au sein de la Fédération de Russie, afin de faire respecter leurs droits. Le Mejlis avait prévu un rassemblement sur la grand-place de Simféropol mais a changé le lieu de rendez-vous au dernier moment. Dimanche aprèsmidi, la grand-place était gardée par des policiers russes et des miliciens, appuyés par des véhicules blindés de transport de troupes. Le Premier ministre de Crimée, Sergueï Aksionov, a interdit vendredi tous les grands rassemblements dans la péninsule, jusqu’au 6 juin, invoquant les troubles dans l’est de l’Ukraine. Les Tatars de Crimée représentent plus de 12 % de la population criméenne de deux millions d’habitants.


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PRINTEMPS ARABES

«Les intellectuels et les transformations historiques dans le monde arabe» Ce week-end à Tunis se tenait le séminaire «Les intellectuels et les transformations historiques dans le monde arabe», organisé par la fondation du prince marocain Moulay Hicham, Khadija Mohsen Finan (Université de Paris I) et Mohammed Kerrou (Université de Tunis El Manar).

Les printemps arabes ont soulevé de nombreux espoirs. Trois ans plus tard, la région reste instable et les déceptions se multiplient.

FARIDA BELKACEM PARIS Au cours des deux journées du séminaire organisé par la Fondation Moulay Hicham, la question de l’intellectuel et de son rôle dans un monde arabe en plein bouleversement a été débattue par de nombreux chercheurs et personnalités, parmi lesquels Hicham Djaït (président de l’académie tunisienne des sciences, des lettres et des arts), Farhad Khosrokhovar (sociologue), Olivier Roy (politologue), Leyla Dakhli (historienne), Hmida Ennaïfer (Université de la Zaytouna, Tunis) etc.

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ENTRE MÉFIANCE ET SERVITUDE ENVERS L’ETAT Le séminaire a d’abord exploré la figure de l’intellectuel arabe dans le dernier demisiècle, partagé entre les idéologies panarabiste, marxiste et islamiste. Un intellectuel souvent soit réprimé par l’Etat autoritaire soit participant du système autoritaire. Comme le rappelle Aissa Khadri, professeur à l’université Paris 8, avec humour : «L’intellectuel est comme l’éléphant, sa beauté ne se révèle que dans deux situations, dans la solitude de la steppe ou lorsqu’il est harnaché avec panache par le maharajah.»

Une Fondation dédiée aux sciences sociales au Maghreb et au Machrek

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En 2010, le Prince marocain Moulay Hicham Ben Abdallah El Alaoui, aujourd’hui professeur à Stanford, crée la Fondation Moulay Hicham. L’objectif ? Favoriser la recherche en sciences sociales au Maghreb et au Machrek, mais aussi faire avancer les processus de démocratisation et de développement de ces régions. Forte de partenariats académiques internationaux (au Collège de France, à Stanford ou encore à Yale), la Fondation organise de nombreux séminaires et soutient des travaux de recherche ou des entreprises artistiques. Pour en savoir plus sur la fondation : moulayhichamfoundation.org/fr

LA FAIBLESSE DE L’INTELLECTUEL ARABE Les différents intervenants ont ensuite souligné les faiblesses de l’intellectuel arabe encore aujourd’hui : son absence de stratégie concrète pour renverser les régimes honnis et son incapacité à s’adresser au peuple, malgré des voies d’expression de l’opinion de plus en plus diverses et déterritorialisées. Les chercheurs ont pourtant rappelé l’urgence de l’implication de l’intellectuel dans la cité, particulièrement de nos jours où l’on assiste pour Hamit Bozarslan (EHESS), à des scènes de cruauté dans la cité arabe. C’est l’exemple de la vio-

lence déployée en Égypte contre les Frères musulmans et des procès de masse aboutissant à des centaines de condamnations à mort. C’est aussi l’exemple de la Syrie et de son cortège d’images d’enfants blessés, amputés, tués.

LES «E-PENSEURS»? Une question a traversé le séminaire : les blogueurs sont-ils les nouveaux intellectuels du monde arabe ? Pour la blogueuse tunisienne Imen Amiri, on est passé d’une culture de la réflexion à une culture de l’image. Des transformations qui ne laissent

que peu de place à l’expression modérée et réfléchie, ajoute Issandr Elamrani (International Crisis Group, Le Caire). Blogs, tweets et posts se font les marques d’une actualité de plus en plus choquante, rapide, presque insaisissable. Pour le politologue Olivier Roy, nous assistons à un changement de génération qui correspond à un changement de mode de communication. Enfin, s’ils reconnaissent le rôle des incontournables réseaux sociaux, les chercheurs présents estiment que les netizens (blogueurs citoyens) semblent encore trop réticents à s’arrimer au réel du monde politique.


12 INTERNATIONAL

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PRINTEMPS ARABES

Farhad Khosrokhovar : «Le pouvoir n’est pas un cadeau empoisonné» A l’occasion du séminaire «Les intellectuels et les transformations historiques dans le monde arabe», nous sommes allés à la rencontre de Farhad Khosrokhovar, directeur de recherche à l’Ecole des hautes études en sciences sociales à Paris, spécialiste de l’islamisme radical et membre du comité scientifique de la fondation Moulay Hicham. FARIDA BELKACEM PARIS Où en est le monde arabe, plus de trois ans après le début des «printemps arabes»? La plupart de ces révolutions – précédées de peu en 2009 par le Mouvement vert en Iran – n’ont pas réussi, en Libye, en Égypte, au Yémen et évidemment en Syrie. Mais ces révolutions sont le commencement balbutiant de la démocratisation dans cette partie du monde. Le Moyen-Orient reste l’un des vestiges de ces régimes qui résistent à la démocratisation. Avec l’Asie centrale, ce sont les deux noyaux durs qui s’opposent à l’ouverture politique. Ces révolutions ont subi des échecs, il faut une nouvelle génération pour que ce mouvement puisse se réenclencher. Mais ces générations gardent en mémoire collective ce qui s’est passé en 2010, 2011, 2012. Actuellement, nous sommes dans la phase descendante ; sauf la Tunisie qui semble aller vers la démocratie. Ce sera

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Le paysage actuel du monde arabe peut être qualifié de désespérant» vraisemblablement le modèle suivi par les autres pays à l’avenir. Mais pour le moment, les régimes autoritaires se reconstituent, aidés de certains pays comme l’Arabie saoudite, mais aussi par l’Iran et la Russie pour ce qui concerne la Syrie. Le paysage actuel du monde arabe peut être qualifié de désespérant. Mais si on se projette dans l’avenir et si on le compare à d’autres épisodes historiques, il y a des échecs, mais des années après, 20 ou 30 ans, ça redémarre. C’est comme le fruit défendu. Une fois qu’on

Olivier Roy (Institut universitaire européen de Florence), Issandr Elamrani (International Crisis Group, Le Caire), Farhad Khosrokhovar, Khaled Hroub (Université de Cambridge), Larbi Chouikha (Université de La Manouba, Tunis), Imen Amiri.

y a goûté, on ne peut plus y échapper. Et surtout, les pays ne sont pas isolés. Malgré la dissemblance des systèmes politiques, ces révolutions se sont répandues comme une traînée de poudre. Ça montre qu’il y a une complicité, il suffit qu’il y ait un Etat de touché pour que les autres soient pris dans l’engrenage du changement. Ce phénomène montre l’avènement d’une société civile imaginaire panarabe, par le bas et non par le haut. Justement, dans votre ouvrage : The New Arab Revolutions that Shook the World (Les nouvelles révolutions arabes qui ont secoué le monde, ndlr), vous avancez qu’un nouveau type d’acteur a émergé dans le monde arabe. Oui, j’y introduis un nouveau type d’acteurs sociaux, très fragiles ; ils ne correspondent

plus à l’action des intellectuels traditionnels d’avant-garde, qui étaient soit marxistes soit proches de l’Etat autoritaire (si certains ont moisi en prison pour leur opposition, bon nombre d’intellectuels arabes ont été intégrés dans ces Etats autoritaires). Les nouveaux acteurs se distinguent aussi de l’intellectuel islamiste. On est dans un mouvement social qui n’est pas le modèle de nationalisme autoritaire tel qu’il existait dans une grande partie du Moyen-Orient, l’Iran inclus. Prenons le cas des femmes, par exemple, qui, dans ces révolutions, ont été des actrices sociales, des journalistes auto-proclamées (elles prenaient par exemple des photos qu’elles envoyaient aux grands médias au plus fort de la révolution tunisienne). Si vous regardez le nombre de femmes chez les intellectuels traditionnels, le nombre de femmes est dérisoire ! Mais dans ces formes nouvelles d’action – droits de l’homme, journalisme, art, affirmation de soi par d’autres types d’expression – les femmes sont bien plus nombreuses. Ces nouvelles formes d’acteurs sociaux s’affirment mais n’arrivent pas à s’institutionnaliser faute d’armature. Mais aussi du fait même de leur état d’esprit. Ce sont des acteurs que je qualifie

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«La politique est inévitable, sinon c’est la politique du pire qui revient» d’«éthiques». Ils ne veulent pas s’engager dans la politique, car la politique c’est les mains sales. Je les appelle du fait de leur fragilité «les belles âmes», expression hégelienne. Ils ne comprennent pas qu’une fois que le régime tombe, il faut s’engager dans le champ politique, on n’a pas le choix.

Que se passe-t-il quand ces nouveaux acteurs délaissent le pouvoir ? Les islamistes prennent le pouvoir... puis c’est le pouvoir autoritaire qui revient. En Egypte par exemple, les Frères musulmans n’étaient pas les acteurs de base de la révolution. Une petite partie de la jeunesse des Frères a participé, mais malgré sa hiérarchie. Mais les Frères ont pris le pouvoir car les acteurs de base de la révolution egyptienne n’ont pas eu l’esprit de s’engager dans la politique. Pour eux, cela revenait à se salir les mains. Ils sont restés dans cet état d’esprit éthique et moralisant... C’est une des fragilités majeures de ces nouveaux types d’acteurs sociaux.

Farhad Khosrokhovar.

Des acteurs qui, d’ailleurs, ne sont pas formés à la gestion du politique.... Précisément ! Il faut constituer des ensembles politiques et avoir un sens du compromis. Morsi a été élu parce que les autres étaient éclatés. Ces acteurs fragiles peuvent se transformer parfois en acteurs quasi-diaboliques, comme le mouvement Tamarrod en Egypte. Beaucoup étaient pour l’ouverture politique, mais dominés par des néonasseriens très jeunes aussi (l’âge de leur leadership tourne autour de 24-28 ans), ils deviennent pratiquement des instruments du pouvoir militaire. D’un côté donc, la belle âme, de l’autre, les mains sales. La fragilité des nouveaux acteurs est liée au manque d’expérience politique, mais aussi au fait d’avoir été immergés dans des champs d’expérience politiques pourris qui leur ont fait croire que la politique était pourrie et pouvait être évitée. Alors que la politique est inévitable, si on ne la fait pas, c’est la politique du pire qui va revenir sous une forme ou une autre. Mais cette fragilité ne doit pas occulter la nouveauté de ce type de subjectivité, qui n’arrive pas encore à s’ancrer dans le réel mais qui le fera mieux dans les années à venir. Le mouvement du 20 février, par exemple, au Maroc, a une vision différente mais n’arrive pas à s’accrocher à la société à cause de divisions internes. Ces acteurs ont du mal à décliner leur action dans le sens du politique. Pour la première fois, on assiste à l’émergence d’un acteur anti-léniniste. L’acteur léniniste veut se saisir du pouvoir à tout prix, même en étant immoral, même en éliminant l’autre. L’acteur khomeyniste est léniniste en un sens. Mais ces acteurs et actrices ne voulaient pas du pouvoir. C’est leur faiblesse. Entre vouloir le pouvoir à tout prix et refuser de participer à la construction d’un champ politique où le pouvoir puisse être distribué de façon ouverte, il y a un fossé énorme. Les nouveaux acteurs n’ont pas compris que ne pas prendre le pouvoir, c’est une manière d’abdiquer. Le pouvoir n’est pas un cadeau empoisonné.


13 CULTURE

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AGENDA CULTUREL

SEYFEDDINE BEN MANSOUR LILLE C’est un descendant direct de deux grandes figures du soufisme, Jalâl ad-Dîn Rûmî et ‘Abd al-Qâdir al-Jîlânî, qui s’est éteint en Chypre du Nord le 7 mai dernier. Nazim al-Kibrisi, grand savant turc musulman, était un cheikh influent de la tarîqa naqshbandiyya, un ordre mystique soufi qui a une longue histoire en Turquie. A cheval sur les trois aires turque, persane et indienne, la Naqshbandiyya est la confrérie soufie la plus importante, bien qu’apparue assez tard dans l’histoire de l’Islam. Les premières écoles soufies s’élaborent en effet au IXe siècle à Bassora et à Bagdad. Mais c’est à partir du XIIe siècle que se répandent des confréries (tarîqa) où les adeptes (murîdûn), à la recherche de l’«effacement en Dieu» (al-fanâ’ fî Llah), sont guidés par un shaykh ou murshid (maître, guide spirituel) dans la pratique du

CINÉMA

La Naqshbandiyya : un grand ordre soufi de Boukhara à Istanbul

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Nazim al-Kibrisi était l’une des grandes figures de la confrérie naqshbandiyya.

«Ce qui est apparent est pour le monde ici-bas, ce qui est intérieur est pour Dieu»

RÉPRIMÉS PAR L’IRAN Apparue tardivement, cette dernière confrérie n’en hérite pas moins, à travers son courant Khwâjagân, d’une tradition soufie qui remonte jusqu’au Prophète par Bâyazîd Bistâmî, Salmân al-Fârisî et Abû Bakr as-Siddîq, calife et compagnon du Prophète. Le fondateur de l’ordre, auquel d’ailleurs son nom se rattache, est Khwâja Bahâ ad-Dîn Naqshband. Il semblerait que le nom de métier «Naqshband» soit lié à l’activité de son père, qui brodait les riches manteaux du Boukhara dont il s’était fait une spécialité. Mais très vite, on

dèles, fera des Naqshbandis la cible privilégiée du pouvoir.

L’AVENIR OTTOMAN DE LA TARÎQA NAQSHBANDIYYA C’est à peu près à la même époque et pour les mêmes raisons, qu’ils s’implanteront plus à l’Ouest, chez les Turcs ottomans, très sensibles à leur appartenance marquée au sunnisme et à leur sobre respect de la loi islamique. Le premier Naqshbandi ottoman est Molla ‘Abd Allâh Ilâhî de Simav. Formé à Boukhara, la ville du Maître, il fut invité par le pouvoir sultanien à s’installer à Istanbul. C’est ainsi que la mosquée Zeyrek devint le premier lieu de dévotion naqshbandi de Turquie, et vit affluer très vite un grand nombre de dévôts, de murîdûn aspirant à l’«effacement en Dieu». Jusqu’au XXe siècle, les tekke naqshbandis feront l’objet d’une grande fréquentation, notamment de la part de l’élite ottomane. En 1925 néanmoins, la jeune République de Turquie interdira par décret l’ensemble des établissements soufis.

& à voir...

L’école, envers et contre tout Le réalisateur Pascal Plisson a voulu suivre l’extraordinaire destinée de quatre enfants aux quatre coins du globe. Quatre enfants pour qui l’accès à l’éducation est à priori impossible. Quatre enfants qui ont compris que seule l’instruction leur permettra d’améliorer leur vie. C’est pourquoi, chaque jour, à travers des paysages incroyables, ils se lancent dans un périple

à haut risque qui les conduira vers le savoir. Jackson, 11 ans, vit au Kenya et parcourt matin et soir quinze kilomètres avec sa petite sœur au milieu de la savane et des animaux sauvages… Zahira, 12 ans, habite dans les montagnes escarpées de l’Atlas marocain, et c’est une journée de marche exténuante qui l’attend pour rejoindre son internat avec ses deux amies... Samuel, 13 ans,

vit en Inde et chaque jour, ses deux jeunes frères poussent son fauteuil roulant bricolé sur 4 km jusqu’à l’école... C’est sur un cheval que Carlos, 11 ans, traverse les plaines de Patagonie sur plus de dixhuit kilomètres. Emmenant sa petite sœur avec lui, il accomplit cet exploit deux fois par jour, quel que soit le temps… Un documentaire édifiant à voir en famille.

Sur le chemin de l’école, réalisé par Pascal Plisson (documentaire, France, 2012, 1h15). En DVD et Blu-Ray (10 et 13 €).

Abderrahman Kazzoul et l’ensemble Takht Attourath réactualisent l’héritage de trois traditions séculaires en Islam : la musique savante, d’origine byzantine et persane, la poésie arabe et la mystique soufie. Se joindra à eux Cheikh Said Hafez, dont la très belle voix a été formée à la cantillation coranique au Caire.

Kerbala et la construction de la mémoire islamique

Par Antoine Borrut, professeur d’histoire de l’Islam médiéval à l’Université du Maryland. Le 27 mai à 14h00 IISMM 96, boulevard Raspail 75006 Paris

Le sandwich des rails : plus d’un siècle de gastronomie dans les gares et les trains.

L’histoire du sandwich de Paris à Venise, de Belgrade à Istanbul… La journaliste culinaire Evelyne Ramelet analyse l’influence de l’Orient sur l’alimentation occidentale au XXIe siècle. Le 25 mai à 16h00 Institut du monde arabe Place Mohammed V 75005 Paris

SPECTACLE MUSICAL

A lire

attribua à ce nom une valeur ésotérique, autrement plus profonde. Le nom désignerait le fait de broder, sur la tablette purifiée du cœur du fidèle, le motif sublime qu’est le nom de Dieu, et ce par le biais d’un dhikr aussi continu que silencieux. Cette pratique silencieuse du dhikr demeurera comme une des caractéristiques du rituel soufi naqshbandi. Car ainsi que le répétait le maître, Adh-dhâhir li-l-khalq w-al-bâtin li-l-Haqq, «ce qui est apparent est pour le monde ici-bas, ce qui est intérieur est pour Dieu». Historiquement, l’ordre présente ce paradoxe d’avoir eu une influence très faible dans l’aire persane où il est né. Au XIVe en effet, Boukhara et le Khorasan appartiennent encore au monde iranien, de sorte que l’essentiel des textes naqshbandis sont rédigés en persan. Dès le siècle suivant, l’arrivée au pouvoir de la dynastie chiite des Séfévides (15011736) sonnera le glas de la confrérie au nord comme à l’ouest de la Perse. Leur fidélité au sunnisme, dont ils étaient par ailleurs des mo-

Du ghazal soufi à la Nahda

Les 23 et 24 mai à 20h30 Institut du monde arabe Place Mohammed V 75005 Paris

CONFÉRENCE

dhikr, évocation du nom de Dieu qui constitue l’élément central du rituel soufi. Ainsi naissent notamment la Qâdiriyya à Bagdad au XIIe siècle autour de ‘Abd al-Qâdir al-Jîlânî, l’ordre des derviches Mawlâwî (Mevlevi) de Jalâl ad-Dîn Rûmî à Konya au XIIIe siècle, et la Naqshbandiyya en Asie centrale au XIVe siècle.

«Mitraillette» a 12 ans. Il vit à la Cité Rose, sa cité qu’il ne quitterait pour rien au monde. Son univers, c’est sa famille : Isma, son cousin de 16 ans, qui admire Narcisse, le caïd du quartier, et prend un mauvais chemin. Son autre cousin, Djibril, 22 ans, étudiant à la Sorbonne et qui rêve de devenir avocat… Une comédie dramatique de Julien Abraham (France, 2012, 1h37). Le 24 mai à 14h30 Musée Dapper 35 bis, rue Paul Valéry 75116 Paris

CONCERT

Islam des mondes

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La Cité Rose

Al Atlal / Les ruines

Sharif Andoura personnifie sur scène la légendaire Oum Kalsoum. Puisant également parmi les poèmes du Palestinien Mahmoud Darwich, il associe en outre le guitariste et compositeur Camel Zekri pour réaliser le rêve, nourri depuis des années, d’un spectacle en arabe et en français. Le 26 mai à 20h30 L’Apostrophe-Théâtre des Arts Place des Arts 95000 Cergy


OPINION14

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Erdogan et l’art de la victimisation

Le gouvernement actuel est puissant et possède une forte base sociale. Pourtant loin d’adopter une attitude ouverte et à l’écoute, le Premier ministre Erdogan et son parti, poursuivant leur stratégie de victimisation, ne montrent aucune tolérance envers les critiques de l’opposition.

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gouvernement puissant qui possède une forte base sociale.

LE GOUVERNEMENT TURC LE PLUS PUISSANT DE L’HISTOIRE RÉCENTE Le gouvernement turc actuel est le gouvernement le plus stable et le plus puissant de l’histoire récente. L’AKP a remporté trois élections consécutives dans les 12 dernières années et, avec une marge beaucoup plus large que prévue, les dernières élections locales. Il est aussi probable que le Premier ministre gagne les élections présidentielles. Personne ne doute que son parti remportera aussi les élections législatives en 2015. L’opposition turque est désorganisée et l’armée a été totalement mise sous le joug de la politique. L’hégémonie de l’AKP a également réussi à instituer un niveau sans précédent d’auto-censure au sein des médias. L’AKP ne fait donc face à aucune menace existentielle. C’est, par définition, un

DES REPROCHES INTOLÉRANTS L’AKP devrait donc pouvoir faire preuve de tolérance envers les voix dissidentes. Et pourtant l’opposé est en train de se produire. L’AKP et le Premier ministre Erdogan ne montrent quasiment aucune tolérance envers les critiques. Par exemple, quand le président de la Cour constitutionnelle et le président de l’Association du barreau ont parlé en faveur de l’Etat de droit, ils ont eu droit à des reproches intolérants de la part d’Erdogan. De même, quand la Freedom House a critiqué la Turquie, le Premier ministre a accusé l’institution de mener une campagne de dé- «Pourquoi une telle agressivité sinformation et les et une telle intolérance, alors que médias pro-gou- l’AKP et Erdogan sont aussi puissants ?» vernementaux ont évoqué sans vergogne des théories du complot rait les critiques, toute sa straantisémites. Plus récemment, tégie s’écroulerait. Dans cette après la catastrophe minière culture politique nationaliste-isde Soma, Erdogan a heurté un lamiste, les forces occidentales, manifestant alors que l’un de ses Israël et les juifs deviennent conseillers donnait un coup de ceux qu’il faut pointer du doigt. pied à un protestataire qui était Plus récemment, YouTube et déjà maîtrisé par la police. Twitter sont aussi devenus les complices de ces abominables LA STRATÉGIE DE LA VICTIMISATION forces occidentales et sionistes. Pourquoi une telle agressivité La troisième étape consiste à et une telle intolérance, alors peaufiner le discours de la victique l’AKP et Erdogan sont aussi misation contre de tels ennemis. puissants ? Pour répondre à ce Ces dynamiques peuvent nous paradoxe, il faut se focaliser sur aider à comprendre pourquoi il la stratégie gagnante d’Erdogan, est dans l’intérêt d’Erdogan de basée sur la victimisation. Bien se montrer intolérant envers les qu’il ait remporté élection après critiques. élection, Erdogan est toujours o.taspinar@todayszaman.com

Il est plus facile de faire preuve de tolérance envers les critiques et les dissidents quand on est au pouvoir. On se montrera ainsi plus tolérant en l’absence de menace existentielle. Et plus on perçoit ÖMER TAÇPINAR la menace, moins l’on devient tolérant. Cela a été le cas des Empires par le passé, qui se sont montrés très tolérants durant leurs âges d’or et qui l’ont été de moins en moins pendant leur phase de déclin. Si la tolérance envers les critiques est plus facile quand on a le pouvoir, et si cette règle s’applique aux peuples, aux sociétés et aux systèmes politiques, cela ne se vérifie pas dans le cas de la Turquie. Edité par : Source SARL 2, boulevard Saint Martin 75010 PARIS Directeur de la Publication: HUSEYIN KARAKUS Directeur Général de Zaman France et Directeur des rédactions: EMRE DEMIR Rédacteur en chef adjoint: FOUAD BAHRI Directeur Administratif: FAHRETTIN TEKIN Directeur des ressources humaines: AKIF SAMETOGLU Responsable Commercial: MEHMET SELVI Service Abonnement: CELINE GOKSU Secretaires de Rédaction: FARIDA BELKACEM SELIM BEDER Traduction: CLEMENTINE RAYNAUD Correspondant Presse Alsace: MEHMET DINC Correspondant Presse Ile de France: OSMAN USTA VEDAT BULUT FERHAN KOSEOGLU Infographie: NICOLAS VINCENEUX MUHAMMED SAHIN Redacteurs Web: AYSEGUL ZORLU SUHEDA ASIK Service informatique: HASAN OZCELIK Imprimerie : L IMPRIMERIE 79 Route De Roissy 93290 Tremblay En France Adresse : 2 Boulevard Saint-Martin 75010 PARIS Tel : 01 42 00 19 36 Faks : 01 42 00 19 58 info@zamanfrance.fr www.za­manfrance.fr - www.zamanfransa.com no CPPAP : 1117 I 90032 - ISSN 1869-5795 Tarif abonnement annuel France : 120€

le maître pour jouer la victime contre les forces extérieures. Cette stratégie populiste et opportuniste de la victimisation prend une place majeure dans sa stratégie de campagne électorale. Afin de se donner l’image d’un perdant sans défense face à de puissantes forces extérieures, Erdogan applique trois tactiques simultanément. Tout d’abord, éviter à tout prix l’auto-critique. C’est pour cela qu’il réagit avec colère à tout type de critique. Dans un deuxième temps, utiliser les théories du complot. C’est logique : si ce n’est pas de la faute d’Erdogan, cela doit certainement être celle des autres. Si Erdogan commencait à accepter les accusations et tolé-

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MÜMTAZER TÜRKÖNE

Le gouvernement et la gestion de Soma

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Six jours après l’accident de Soma, plusieurs personnes ont été interpellées. Parmi lesquelles le fils du patron de la mine et les responsables des relèves des mineurs. Ces arrestations impliquent que la responsabilité entière de la catastrophe sera attribuée à une poignée de chefs de service. Le principal délit reconnu sera d’avoir continué le travail alors que les capteurs ne fonctionnaient pas et l’affaire finira par être sera classée. Aucune enquête n’est en cours ni même ne se profile concernant les normes, l’organisation et les mécanismes d’inspection qui existent dans le domaine minier.

MINIMISER LES RÉPERCUSSIONS NÉGATIVES SUR L’AKP La catastrophe minière de Soma a été gérée par le gouvernement comme une crise politique. Il a surtout cherché à minimiser les répercussions négatives que la catastrophe aurait pu avoir sur la réputation de l’AKP. L’accident de Soma est l’occasion, pour une opposition turque discrète, de se lever. Mais elle n’a vraiment saisi cette opportunité. Mis à part les messages violents de certaines organisations marginales qui tendent à jaillir lors de crises comme celle-ci, aucun signe d’une opposition forte n’est perceptible. En utilisant les médias qu’il contrôle, le gouvernement a essayé de diminuer les contrecoups de cette crise politique. Face à la catastrophe, le gouvernement a perdu son équilibre et le contrôle de soi et n’a pas réussi à adopter une bonne stratégie de gestion de crise. LE CHANGEMENT DE STRATÉGIE Le Premier ministre, comme il devait le faire, s’est rendu à Soma et est allé à la rencontre des locaux au premier jour de l’accident. En revanche, il a raté son coup lorsqu’il a tenté de faire passer la catastrophe pour un accident ordinaire. Il a parlé d’accidents miniers qui ont eu lieu il y a des siècles. Il a aussi essayé de protéger le chef de la société minière. La stratégie du Premier ministre s’est, du coup, écroulée malgré les médias qui le soutenaient. Le troisième jour, cette stratégie a radicalement changé. Le président et les représentants de la société ont dû organiser une conférence de presse, qui aurait abouti après des pressions exercées par des professionnels en communication de l’AKP. Au même moment, les médias pro-gouvernementaux ont arrêté de défendre la société minière et l’ont déclarée coupable. Les arrestations des trois responsables de la société semblent être cohérentes avec cette politique éditoriale. Le gouvernement a choisi de gérer la catastrophe de Soma comme une crise politique. En réalité, personne ne veut endosser la responsabilité d’une enquête sur les causes réelles de la catastrophe. m.turkone@todayszaman.com


15 SPORT

102

milliards d’euros

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C’est le montant blanchi par les organisations criminelles chaque année dans les paris sportifs à l’échelle mondiale, selon un rapport de l’ICSS et de l’Université Paris 1-Panthéon Sorbonne.

Mondial 2022 au Qatar :

Une «erreur» pour le président de la FIFA MAHMUT SARP PARIS A moins d’un mois du mondial au Brésil, et 4 ans de la Russie, on parle beaucoup du Qatar. Ce petit pays qui a de plus en plus d’influence en Europe grâce à ses gros investissements (notamment le PSG) est encore aujourd’hui soupçonné d’avoir «acheté» la Coupe du monde de football 2022. Pour rappel, en 2010 le président Sarkozy organise une réunion, juste avant que ne soit choisi le pays organisateur du tournoi. Autour de la table, le président de l’UEFA Michel Platini et l’Emir du Qatar.

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DES PRESSIONS FRANÇAISES ET ALLEMANDES Nouveau retournement de situation, le président de la FIFA Sepp Blatter, a déclaré à un journaliste de la radio-télévision TRS que confier la Coupe du monde au Qatar avait été «une erreur». «Vous savez, tout le monde en commet dans la vie» s’est expliqué le Suisse de 78 ans qui brigue un cinquième mandat en 2015 à la tête de la FIFA. Depuis septembre 2013, la FIFA est fortement frappée par des accusations qui pointent sa responsabilité dans la mort de travailleurs asiatiques venus construire des stades pour la compétition. Le Qatar a toujours nié qu’il y avait eu des morts dans les travaux alors que les ambassades indienne ou népalaise à Doha parlent de centaines de morts depuis deux ans. «Nous avons une part de responsabilité, mais nous ne pouvons faire preuve d’ingérence dans les droits des travailleurs » se justifie le président. Il jette la faute sur les responsables locaux,

«nous insistons pour dire que les responsabilités incombent premièrement à l’Etat du Qatar et deuxièmement aux entreprises qui emploient les travailleurs». Quant aux soupçons de corruption, il a encore laissé planer le doute, «je ne dirai pas qu’ils ont acheté la Coupe du monde, mais il est vrai qu’il y avait une pression politique venant de France et d’Allemagne ». Avant de poursuivre, «on sait très bien que des grandes maisons françaises et allemandes travaillent au Qatar. Mais ils ne travaillent pas seulement pour la Coupe du monde» a souligné le président Blatter. Concernant la réunion organisée à Paris, il a dit ne pas avoir été «choqué», d’autant qu’il en a été informé juste après dans «une totale transparence». Les critiques qui ont pour cible la FIFA devraient s’intensifier dans les prochains jours. En effet, il est question depuis quelques mois de jouer la Coupe du monde au Qatar en hiver en raison des fortes chaleurs l’été. Les fédérations des championnats européens voient cette mesure d’un très mauvais œil car cela bouleverserait très fortement les calendriers. La Premier League notamment, qui reçoit plus de deux milliards d’euros de droits de diffusion dans le monde, a peur que la Coupe du monde ne change cette donne. « On doit jouer en hiver, on ne peut pas jouer en été même si le Qatar insiste » a une nouvelle fois souligné le président Blatter. Malgré ses déclarations, aucune décision définitive n’a pour l’instant été prise concernant la saison à laquelle va se dérouler la compétition.

Finale de la Ligue des Champions :

Madrid à l’honneur

MAHMUT SARP PARIS Samedi à Lisbonne vont s’affronter en finale, pour la première fois de l’histoire de la compétition, deux équipes de la même ville. Si, pour les Merengues, l’enjeu est de pouvoir enfin d’obtenir leur «Decima», leur dixième C1, pour l’Atletico, c’est 40 ans après sa première finale perdue, remporter sa première Ligue des Champions. La mission s’annonce compliquée pour les «Colchoneros» qui devront certainement faire sans leur attaquant Diego Costa, blessé samedi aux ischios. Autre joueur important, Arda Turan qui souffre du pelvis, est incertain. Malgré ces inquiétudes, rien ne semble arrêter les hommes de Diego Simeone qui viennent de remporter La Liga après leur match nul 1-1 à Barcelone. L’équipe devra certaine-

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ment s’appuyer sa défense, la meilleure de la compétition, pour pouvoir arrêter les vagues offensives de la meilleure attaque, avec 37 buts. Le Real Madrid, compte évidemment sur ses stars pour faire la différence, la «BBC», c’est-à-dire le trio Bale-Benzema-C.Ronaldo qui a fait très mal aux défenses adverses cette saison. Depuis sa dernière victoire dans la compétition en 2002, la neuvième, le Real est hanté par la malédiction de la «Decima». Ces 3 dernières années, l’équipe a toujours échoué aux portes de la finale. Après avoir perdu le championnat, un nouvel échec samedi aurait des conséquences lourdes. Les investissements colossaux, C.Ronaldo (94 millions) et Gareth Bale (près de 100 millions) notamment, rendent la réussite sportive indispensable.

Le président de la FIFA Sepp Blatter et le Sheikh qatari Mohammed al-Thani en 2013.


Cigarette, survêtement et café, pourquoi les Parisiens étonnent les New Yorkais Le « French Bashing » très à la mode dans le monde anglo-saxon, a encore une fois frappé. Cette fois c’est Tim Murphy, journaliste au New York Times Magazine qui s’amuse des habitudes parisiennes. MAHMUT SARP PARIS Dans son article intitulé Smoking around Bébé : things Parisians do that stun New Yorkers and vice versa, Tim Murphy rappelle les clichés qui ne manquent pas : les Parisiennes jeunes mamans, toujours bien habillées et bien sûr minces, qui fument même à côté de leurs enfants. Le journaliste explique que les Américains sont très sensibles sur cette question, il ne faut absolument pas fumer près des enfants car non seulement la fumée est dangereuse, mais en plus les enfants peuvent avoir envie de fumer à leur tour, «ce qu’ils font déjà» commente Tim Murphy.

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ETRE TOUJOURS BIEN HABILLÉ Les Parisiens mettent des survêtements seulement lorsqu’ils font du sport. Voilà ce que remarqueraient les Américains qui viennent à Paris, le journaliste cite même Pamela Druckerman, qui vit depuis 10 ans à Paris et qui dit «en avoir marre d’être toujours bien habillée où que j’aille, je commence à peine à m’habituer». Autre remarque, dans les rues de New York il serait très rare de voir une mère crier sur son enfant, elles préfèreraient avoir une conversation sérieuse avec lui. Au contraire, les mères parisiennes n’auraient aucun scrupule à «humilier» l’enfant devant des inconnus. Nouvelle vision «américaine» des Parisiens, ces derniers ne parleraient jamais aux étrangers. Tim Murphy cite même un exemple précis, «si vous dites à un habitant de la Ville Lumière que le système d’aération dans le métro est en panne, il va vous lancer un regard effrayant et va vous tourner le dos en pensant que vous êtes fou». BOIRE SON CAFÉ EN MARCHANT... Mais d’après lui, les Parisiens aussi ont leurs préjugés sur les New Yorkais, qui par exemple peuvent boire leur café en marchant, difficile à comprendre pour les Français qui préfèrent largement s’asseoir tranquillement pour consommer. Autre opposition entre les habitants des deux villes, les Parisiens très froids au premier contact, seraient très chaleureux une fois la barrière passée. Alors que les New Yorkais, au contraire très amicaux au début, vous rappellent seulement lorsqu’ils ont besoin de vous par la suite. Simples préjugés ou réalités culturelles et sociologiques, difficile à dire…


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