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PARTIE 2. DES COMPÉTENCES À CONFORTER AU TRAVERS DE PROJETS STRUCTURANTS

Le nombre de projets varie selon les agences. La répartition de ces projets (cf. le tableau cidessous) montre clairement que l’agence de La Réunion en comptabilise plus que les autres. Cela peut s’expliquer par sa plus grande longévité et la présence plus importante d’architectes et d’ingénieurs sur un site unique :

En deux ans et demi d’existence à Mayotte, L’ATELIER architectes a obtenu 13 projets à réaliser en tant que maître d’œuvre et a été retenu pour 6 autres projets en phase concours, après avoir répondu à différents appels d’offre émanant des institutions publiques, des collectivités locales et du milieu associatif21 .

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Ces projets, d’une grande variété par leur nature et leur finalité, doivent voir le jour à différents endroits du territoire, ainsi que le montre la carte de Mayotte suivante :

MAYOTTE 1

MAURICE 0

ILE DE FRANCE 0 19

13

9 2

2

2

Tableau 2.

Répartition des projets par agence et état des projets.

Schéma 3.

Carte de localisation des projets et de l’agence à Mayotte.22

Pour Mayotte et sa population, ces projets ont de la valeur. Ils obéissent à des enjeux sociaux, culturels et politiques. Et pour comprendre ce qu’ils représentent, pour appréhender les espaces urbains dans lesquels ils vont être implantés, il me semble important de dresser un bref rappel historique de l’évolution du bâti à Mayotte.

1 – DE L’HABITAT TRADITIONNEL À LA DÉSORGANISATION DE L’ESPACE URBAIN : UN CADRE EN COURS DE STRUCTURATION LÉGALE

Les habitations traditionnelles originelles se composaient de matériaux naturels terrestres (plantes, tiges de bambou, raphia, terre) ou maritimes (corail…), accessibles à la population locale. Néanmoins, elles reflètent, pour les familles mahoraises, des conditions de vie difficile et indigente23 .

Faire évoluer ces constructions apparaissait donc aux yeux de la population et des pouvoirs publics locaux comme une priorité, ou tout du moins, un objectif à atteindre, ce qui est devenu possible avec l’évolution socioéconomique du territoire et l’amélioration des situations financières des ménages. Ainsi depuis 44 ans, le bâti connaît une mutation profonde et une expansion progressive, que ce soit au travers de l’habitat social24, des bâtiments publics, ou encore du locatif ou des maisons individuelles à usage personnel (résidences principales). D’après le Schéma d’aménagement régional (SAR25) , en cours d’élaboration sous l’égide du Département, cette évolution a conduit à l’urbanisation forte du territoire, parallèlement à l’effacement intensif de la ruralité.

L’introduction nouvelle des matériaux de construction au fil des décennies et la modification physique des espaces de circulation sont là pour en témoigner :

1995 90 000

2017 256 000

2050 500 000 Brique, pierre, majorité des toits en tôle

Parpaing, béton routes asphaltées

Rues étriquées et encombrées, Espaces urbains et villageois saturés, sales ?

Tableau 3.

Données sociodémographiques et évolution de l’habitat à Mayotte.

Le végétal a donc peu à peu disparu, emportant avec lui les vestiges de l’habitat traditionnel local. De nouveaux matériaux ont pris place et supplanté les matériaux naturels. Mais même si le béton l’a emporté sur la terre et le végétal, son usage n’a pu annihiler le lien entre le Mahorais et sa terre : le premier continue, en effet, à revendiquer haut et fort son lien avec la seconde, au travers de la notion juridique de propriété privée.

Des mutations architecturales ont également vu le jour dans cet habitat nouveau : d’abord à l’intérieur, où il est constaté un remaniement dans la réorganisation des espaces (augmentation des surfaces, nouvelles fonctionnalités) et l’emplacement de ces derniers (à titre d’exemple, les sanitaires intègrent l’intérieur de la maison) ; puis à l’extérieur, où, en lieu et place des barrières végétales, on trouve des barrières « en sac de riz de récupération [ou] en tôles usagées26», signes d’une précarité accentuée, induite par la bidonvillisation ; ou encore des enclos en parpaing, signes d’une vie socioprofessionnelle améliorée, voire de confort matériel qui transparaissent dans les constructions en dur et en étages, comme dans l’apparition de quartiers résidentiels.

23 À propos de l’état de l’habitat à Mayotte, voir le film Hodi, Mayotte, une expérience d’habitat de Jérôme MAISSE et Philippe BRIMAUD, produit par Lieurac Productions et daté de 1982. 24 A titre d’exemple, la Société immobilière de Mayotte (SIM), premier aménageur du territoire, établit un prévisionnel de 600 logements pour 2021 dans le privé. 25 Schéma d’Aménagement Régional de Mayotte, « Diagnostic et enjeux, Etat Initial de l’Environnement », Tome 1, Version 2, octobre 2020. 26 SAR, p.231

L’urbanisation accélérée des villes essaie ainsi de répondre aux besoins d’une évolution démographique non maîtrisée, conséquence d’un taux de natalité élevé27 et d’une population jeune plus importante28. Née également des besoins créés par les pouvoirs publics, elle a dénaturé le visage de la ville : cette dernière, constituée de bidonvilles, rongée par un habitat encore plus précaire, se caractérise par une forte densification29 et donne lieu au phénomène de « sururbanisation » décrit par l’urbaniste Serge LETCHIMY à propos de la ville de Fortde-France en Martinique30. À Mayotte, la ville est en chantier et les chantiers n’aboutissent pas toujours31, ce qui donne l’impression d’une désorganisation de l’espace urbain, comme le montre la photographie ci-dessous :

Figure 5. Photographie du village de Kawéni (Commune de Mamoudzou).

C’est dans ce cadre urbain contraint que se dessinent les projets de construction à réaliser. En parallèle ou en arrière-plan, le cadre réglementaire de l’aménagement territorial, qui permettra un encadrement amélioré de l’intervention des architectes, se structure avec trois avancées majeures et une autre en perspective :

27 « 38 naissances pour 1000 habitants en 2017 contre 31 naissances pour 1000 habitants en 2012 » (SAR, p.224) 28 « plus d’un habitant sur deux a moins de 20 ans. » (SAR, p.223) 29 « plus de 700 habitants au km2 » (SAR, p.223) 30 Serge LETCHIMY, « Tradition et créativité : Les Mangroves urbaines de Fort-de-France », paru dans Carbet, 2, 1984 ; cité par Eva BAEHLER CERNIER, «Poétique du bidonville dans Texaco de Patrick Chamoiseau : naissance et baptême de la nouvelle littérature antillaise », Mémoire de Master (sous la direction du Professeur Sylvie JEANNERET), Université de Fribourg, 2013, p.46. 31 SAR, p.23 - la politique de régularisation foncière massive par le Département (enclenchement en 1996 avec le CNASEA et reprise en 202132…) ;

- la création de l’Etablissement public foncier et d’aménagement de Mayotte (EPFAM)33 par le décret n°2017-341 du 15 mars 2017 ;

- la création récente du Conseil de l’architecture, d’urbanisme et d’environnement (CAUE), lors de l’assemblée générale constitutive du 13 janvier 2021, et celle de ce que l’on peut espérer voir prochainement mise en place : le Conseil de l’ordre des architectes, actuellement basé à La Réunion.

2 – DES PROJETS VARIÉS QUI CARACTÉRISENT DES BESOINS TERRITORIAUX SPÉCIFIQUES

Comme indiqué supra34, les projets portés par L’ATELIER font tous l’objet d’une co-conception, l’objectif étant d’apporter le maximum de qualité à leur élaboration ainsi qu’à leur mise en œuvre, tout en les encadrant légalement et techniquement avec efficacité.

32 La régularisation foncière est inachevée (voir en annexe 6 un courrier du Président du Conseil départemental daté 31 mars 2021 sur la stratégie foncière du Département), ce qui ne permet pas toujours d’identifier juridiquement les propriétaires d’une parcelle, l’accès au foncier pouvant se révéler être un véritable parcours du combattant entre les indivisions et les références cadastrales manquant de clarté. Dans le même ordre d’idées, alors que les constructions villageoises sont d’origine côtière, il est interdit, depuis la loi portant Dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l’Outremer (DSIOM) du 21 février 2007, de bâtir sur la Zone des 50 Pas Géométriques (ZPG), considérée comme relevant du domaine public maritime, sauf si l’on obtient une Autorisation d’Occupation Temporaire (AOT), comme pour le projet de fabrique artistique envisagé à Dzaoudzi (je reviendrai sur le projet infra). 33 Selon le SAR « Mayotte a son propre fonctionnement quant à la gestion du foncier. Le foncier reste largement régi par un droit coutumier local non formalisé par des écrits, qui reconnaît la propriété collective à usage familial, avec absence d’enregistrement. Cependant, afin d’avoir une meilleure maitrise du territoire, l’ordonnance n°92-1069 du 1er octobre 1992 a porté extension et adaptation à la collectivité territoriale de Mayotte de diverses dispositions concernant l’établissement et la conservation d’un cadastre qui couvre aujourd’hui la totalité de l’île et désigne les occupants coutumiers, en attente de régularisation, aussi bien que les propriétaires juridiques. Une régulation qui n’est pas toujours bien acceptée puisque cela entraine des taxes foncières pour les propriétaires, qui ne sont pas prompts à se manifester pour réguler leur situation. » (SAR, p.345). 34 Cf la première partie de ce mémoire professionnel.

Il est vrai aussi que les différentes représentations de l’agence ne sont pas dotées de la même manière en effectifs et en moyens35. Il faut donc employer les ressources et compétences humaines dont disposent l’ensemble des structures pour réaliser un projet. A titre d’exemple, les dessins des projets portés par l’agence dont je relève professionnellement (AMY) sont pour l’heure, et pour un certain nombre d’entre eux, effectués hors territoire. Cela peut donner l’impression que je suis dessaisi pour partie des dossiers qui relèvent de mon territoire d’intervention, mais tel est le fonctionnement de l’agence depuis déjà 9 ans, lorsque l’AI a été créée. Pour ma part, j’y vois trois avantages majeurs :

- le maintien de l’esprit d’équipe et celui de la cohésion de groupe au sein de l’agence ;

- une mise en commun et un partage des savoirs, ce qui signifie un enrichissement intellectuel et professionnel mutuel ;

- une sécurisation juridique et technique des projets conduits.

Je précise toutefois que lesdits dessins sont notamment conçus sous le prisme de mon regard sur ce dernier (analyses contextuelles).

Ce regard, que je rends sous forme de note générale à l’attention des équipes d’architectes et d’ingénieurs36 de L’ATELIER, me semble déterminant car il doit être en harmonie avec l’environnement dans lequel est prévu le projet et traduire au mieux les besoins du commanditaire37 .

35 Sur les 4 représentations de L’ATELIER, je rappelle que l’une d’entre elles (celle de La Réunion) a été créée il y a près de 20 ans déjà tandis que 3 d’entre elles ont été constituées il y a moins de 7 ans, ce qui peut expliquer cet écart de moyens. 36 On en trouvera un exemple en annexe 7 37 « Connaître à l’avance les réactions que suscitera son futur projet est quasiment impossible, mais nous avons tout de même des outils pour les anticiper. ‘Ecouter le lieu’ dit Piano. Nous imposons alors notre vision, notre notion de la cohérence et l’on apporte quelque chose de neuf au contexte. L’architecte doit pouvoir créer sans agresser et sans timidité. On peut s’intégrer tout en dénotant. On peut aussi dénoter tout en respectant, patrimoine et innovation, patrimoine et création ne sont pas opposés. » (Ornella FOSSATI, « L’Architecte, un personnage haut en couleur », Mémoire HMONP 2017-2018, ENSAPBx, p.25). Ceci dit, à mesure que j’acquiers de l’expérience et que je maitrise le contexte socioéconomique mahorais, je gagne en autonomie dans la gestion des projets38 . Pour illustrer mon propos, je mettrai en exergue quatre projets :

- Projet 15 : La « Maison des services publics ». - Projet 16 : L’« Atelier bac pro aéronautique ». - Projet 17 : Le « Royaume des fleurs », une fabrique artistique. - Projet 18 : « Singuizou », des logements sociaux.

2.1. - LA « MAISON DES SERVICES PUBLICS »

Le projet (complet) se décompose en 2 phases :

- Phase 1 : Réhabilitation du bâtiment existant, l’ancienne MJC de Tsararano. - Phase 2 : Extension - Réalisation de bureaux, Maison des services publics.

Pour ce qui est par ailleurs de l’organisation fonctionnelle du lieu : il s’agit de bureaux du CCAS, de bureaux de la police municipale qui ont évolué en local de vidéosurveillance, de bureaux administratifs pour la Maison des Services Publics proprement dite, qui s’articulent autour d’une cour couverte, un faré, qui est prévu pour accueillir de grands événements, nécessitant de l’espace. Les matériaux utilisés sont la BTC, le bois et le béton.

Ce projet a pour ambition d’intégrer des jeunes au chantier (on parle de chantier participatif). Cela peut permettre à la commune de lutter contre l’insécurité du territoire. Le projet reste important pour L’ATELIER car la Mairie de Dembéni est la 1ère collectivité à avoir fait confiance à l’agence à Mayotte. Et pour moi, ce fut mon 1er chantier en tant qu'architecte diplômé d'état.

Le projet a connu plusieurs difficultés. D’abord, le référent du projet à la mairie a changé 4 fois (pour cause de départ, de transition électorale en 2020 avec un changement d’une partie des personnels administratifs), ce qui a ralenti le projet dans son exécution. Ensuite, à la fin de la réhabilitation, certaines entreprises ont été reconduites pour faciliter la mise en œuvre de la Phase 2 mais elles n’ont toujours pas été payées pour les travaux réalisés en Phase 1, ce qui les a conduites à délaisser les travaux en cours.

38 Récapitulatif de l’ensemble des projets traités et suivis par l’agence de Mayotte, en annexe 3.

Projet 15. La "Maison des services publics"

Type de projet : Réhabilitation + extension

Désignation du projet et emplacement : Réhabilitation du foyer des jeunes de Tsararano (Commune de Dembéni), en bureaux, et construction d’une Maison des Services Publics.

Maître d’ouvrage : Mairie de Dembéni

Surface : 2 700 m² Budget : 2 Millions d’euros

Nombre d’étages : R+1 Contraintes du site : Zone en aléa

Equipe : AA – AI MISSIONS de l’Atelier.Architectes : Architecte mandataire / OPC MISSIONS de l’atelier. Ingénieurs : Structure / Fluides / VRD / Économie de la construction

MON RÔLE DANS LE PROJET

- Préparation de la réponse à l’appel d’offre (phase étude) - Réalisation des entretiens avec le maître d’ouvrage (MOA) - Conception du projet à toutes les phases (de l’esquisse au DCE) - Suivi du chantier en tant que responsable travaux et OPC (ordonnancement, pilotage et coordination). En outre, les études ont été longues car le programme initialement prévu ne pouvait pas se faire, le bâtiment étant situé dans une zone d’aléa inondation. Il a donc été modifié durant les travaux par le MOA.

Par ailleurs, les entreprises39 sont démunies en matière de maîtrise d’outils bureautiques : du coup, il leur est impossible, par exemple, de réaliser un plan d’exécution ; de même, leurs salariés ne s’expriment pas nécessairement en français : ce second handicap ne leur permet pas de s’appuyer sur les documents administratifs fournis par le MOA (CCTP, CCAP…) ou d’y chercher des informations pour effectuer leur travail et exécuter la commande.

À la base, il y a donc bien des compétences à compléter. Nous avons ici des entreprises qui maitrisent leur art, leur corps de métier, d’un point de vue technique (maîtrise de la pratique du métier). Mais elles sont représentées par des artisans qui manquent d’anticipation sur leur organisation. Ainsi, pour leur règlement financier, elles ne demanderont pas d’avance forfaitaire parce qu’elles n’ont pas lu les documents administratifs sur lesquels figure cette information. Elles ne prévoient pas non plus l’approvisionnement de leurs matériaux et ne préparent pas la conduite du chantier.

Pour les différentes phases du projet, voici les référents et structures avec lesquelles j’ai collaborés :

- Phase Diagnostic : concessionnaires, MOA (DGS, DST, chargé d’opération), Bureau de contrôle (BC) - Phase Esquisse : chargé d’opération, bureau d’études techniques (BET) - Phase AVP : pour l’APS, APD (chargé d’opération, bureau d’études techniques (BET)) - Phase PRO : chargé d’opération, bureau d’études techniques (BET), géotechnicien - Phase DCE : bureau de contrôle, SPS - Phase ACT : économistes (BET) - Phase DET : entreprises, MOA (DGS, DST, Maire, chargé d’opération), bureau de contrôle, SPS), financeurs (Préfecture) - Phase Réception (AOR) : entreprises, MOA, bureau de contrôle (BC).

39 Il s’agit de PME.

Projet 16. L' "Atelier Bac Pro Aéronautique"

Type de projet : Construction neuve

Désignation du projet et emplacement : Conception d’un atelier pour le BAC PRO Aéronautique au Lycée polyvalent de Petite Terre

Maître d’ouvrage : Rectorat de Mayotte

Surface : 300 m² Budget : 360 000 euros

Nombre d’étages : RDC Contraintes du site : Site occupé, en bord de mer

Equipe : AA – AI

MISSIONS de l’Atelier.Architectes : Architecte mandataire / Architecture d’intérieur

MISSIONS de l’atelier. Ingénieurs: Structure / Fluides / VRD / Qualité environnementale / Économie de la construction

MON RÔLE DANS LE PROJET

- Préparation de la réponse à l’appel d’offre (phase étude) - Réalisation des entretiens avec le maître d’ouvrage (MOA) - Conception du projet à toutes les phases (de l’esquisse au DCE) - Suivi du chantier en tant que responsable travaux Il s’agissait de construire un atelier, des bureaux, des locaux techniques fonctionnant autour d’une salle d’apprentissage, et des sanitaires. L’idée pour le rectorat et le lycée de Pamandzi est d’accueillir la 1ère promotion qui va suivre une filière aéronautique à Mayotte. Le MOA, très optimiste sur les délais de réalisation du projet (il souhaitait le réaliser en 6 mois), avait également sous-estimé son coût financier.

Le projet est réalisé en structure métallique (acier galvanisé à chaud), ce qui nécessite l’importation de matériels. Par ailleurs, la situation sanitaire apporte une contrainte supplémentaire. L’entreprise titulaire du lot « Charpentes, couverture, métallerie » a, en effet, eu du retard dans son approvisionnement, ce dernier étant conditionné par la fabrication du matériel à l’usine située en métropole,40 dont le fonctionnement ne dépend pas de sa volonté. Elle ne possède également aucune visibilité quant à l’acheminement des navires transportant lesdits matériaux en direction de Mayotte.

Pour les différentes phases du projet, voici les référents et structures avec lesquelles j’ai collaborés :

- Phase Esquisse : chargé d’opération, Bureau d’études techniques (BET) - Phase AVP : pour l’APS, APD (chargé d’opération, Bureau d’études techniques (BET)) - Phase PRO : chargé d’opération, Bureau d’études techniques (BET), géotechnicien - Phase DCE : bureau de contrôle, SPS - Phase ACT : économistes (BET) - Phase DET : entreprises, MOA (chargé d’opération, bureau de contrôle, SPS, OPC, personnels du lycée), géotechnicien - Phase réception (AOR) : entreprises, MOA, Bureau de contrôle (BC).

40 En raison des contraintes du site, on voulait de l’acier galvanisé qui n’est fabriqué ni à Mayotte, ni à La Réunion…

Type de projet : Réhabilitation + extension

Désignation du projet et emplacement : Réhabilitation et extension d’une Fabrique Artistique sur la Boulevard des Crabes à DZAOUDZI

Maître d’ouvrage : Compagnie Kazyadanse

Surface : 500 m² Budget : 800 000 euros

Nombre d’étages : R+1 Contraintes du site : Bord de mer, retrait de trait de côte, sol inondable, fondations spéciales

Equipe : AA – AI

MISSIONS de l’Atelier.Architectes : Architecte mandataire / Architecture d’intérieur

MISSIONS de l’atelier. Ingénieurs : Structure / Fluides / VRD / Qualité environnementale / Économie de la construction

MON RÔLE DANS LE PROJET

- Préparation de la réponse à l’appel d’offre (phase étude) - Réalisation des entretiens avec le maître d’ouvrage (MOA) - Conception du projet à toutes les phases (de l’esquisse au DCE) - Lancement des consultations aux entreprises

2.3. LE « ROYAUME DES FLEURS », UNE FABRIQUE ARTISTIQUE

Il s’agit ici d’un équipement qui servira de lieu de diffusion culturelle (ce qui manque sur le territoire). Le projet s’organise autour de principes simples. Tous les espaces sont accessibles hormis le bureau qui se trouve au R+1. Le bureau vient prendre place tout naturellement le long de la RN et surplombe les anciens bâtiments. Ce volume tronqué, inspiré d’un gramophone, est posé sur de fines et longues jambes métalliques qui semblent danser. Sa position offre une transparence visuelle sur la mangrove comme une arrière-scène. Il libère le passage au RDC et se positionne comme un signal facilement reconnaissable le long de la route.

L’ancien bâtiment entièrement réhabilité devient une salle de danse dans son intégralité. Le bâtiment conservera son aspect originel mais sera agrémenté d’un habillage bois en façade pour la protection solaire et la lutte contre les nuisances. Un faré couvert par une structure métallique sera aménagé à l’arrière-cour, laissant place aux différentes représentations, spectacles. Cet espace semi-clos offre une perspective à 360°. Il sera un lieu agréable à vivre, ventilé naturellement et à l’abri des intempéries. Une petite bâtisse en fond de cours sera réhabilitée pour accueillir le dépôt de matériel et l'espace de stockage. Toute la difficulté du projet réside en le fait que ce dernier a été sousdimensionné financièrement (méconnaissance du sol, fondations spéciales en bord de mer). Il a donc fallu que le MOA aille solliciter de nouveau les financeurs initiaux du projet pour une augmentation des aides octroyées.

Pour les différentes phases du projet, voici les référents et les structures avec lesquelles j’ai collaborés :

- Phase Diagnostic : concessionnaires, AMO, bureau de contrôle - Phase Esquisse : AMO, MO, Bureau d’études techniques (BET) - Phase AVP (APS, APD) : AMO, MOA, Bureau d’études techniques (BET), scénographe, DEAL - Phase PRO : AMO, MOA, Bureau d’études techniques (BET), financeurs, géotechnicien, DEAL, Direction des Affaires Culturelles (DAC) - Phase DCE : bureau de contrôle, SPS - Phase ACT : économistes (BET), AMO - Phase DET : entreprises, scénographe (liste non finalisable à l’étape actuelle du projet). - Phase réception (AOR) : information non connue. 28

Type de projet : Construction neuve

Désignation du projet et emplacement : Conception de 24 LLS, 22 LLI collectifs + commerces + bureaux à Cavani MAMOUDZOU

Maître d’ouvrage : SIM

Surface : 24 LLS > 1 970 m² 22 LLI > 1810 m² Commerces+Bureaux > 1001 m²

Budget : 8,4 M€

Nombre d’étages : R+4 Contraintes du site : Aléa inondation par débordement de cours d’eau, parcelle traversée par une ravine.

Equipe : AA - AI - MEI – EDL

MISSIONS de l’Atelier.Architectes : Architecte mandataire

MISSIONS de l’atelier. Ingénieurs : Fluides / Qualité environnementale / Économie de la construction

MON RÔLE DANS LE PROJET

- Préparation de la réponse à l’appel d’offre concours - Participation aux négociations MOE-MOA - Réalisation des entretiens avec le maître d’ouvrage (MOA) - Accompagnement de l’architecte en charge du projet dans toutes les phases (de l’esquisse au DCE) en faisant le lien avec la MOA - Conduite de chantier

2.4. « SINGUIZOU », DES LOGEMENTS SOCIAUX

Ce projet s’inscrit dans le cadre de la politique de l’habitat du territoire, mise en œuvre par la SIM.

Concernant l’organisation fonctionnelle du lieu : il s’agit de bureaux, de commerces, d’appartements, de parkings, d’une passerelle. Un seul matériau est finalement envisagé : le béton.

La principale difficulté de ce chantier réside dans la méconnaissance des prix pratiqués par les entreprises à Mayotte. Durant la phase DCE, le MOA est revenu sur nos estimations financières. Il a fallu trouver des optimisations sur le projet. Par ailleurs, il fallait réaliser des études d’impact qui n’étaient pas prévues initialement.

Pour les différentes phases du projet, voici les référents et structures avec lesquelles j’ai collaborés :

- Phase Esquisse : chargé d’opération, Bureau d’études techniques (BET) - Phase AVP (APS, APD) : concessionnaires, chargé d’opération, Bureau d’études techniques (BET), Bureau de contrôle (BC), topographe, géotechnicien - Phase PRO : chargé d’opération, topographe, DEAL, Bureau d’études techniques (BET) - Phase DCE : bureau de contrôle, SPS, MOA - Phase ACT : économistes (BET), MOA - Phase DET : participation non déterminée - Phase réception (AOR) : non déterminée.

3 – LA CONDUITE DE CHANTIERS : PRÉALABLES, RÉALITÉ ET MISE EN ŒUVRE

Les projets de construction réalisés à Mayotte sont soumis à des contraintes économiques, urbanistiques et environnementales, à l’instar des aléas de chantier qui peuvent en ralentir considérablement la concrétisation. Et cela peut sérieusement impacter le travail de l’architecte dans la phase de réalisation du projet, même s’il prend en compte tous ces éléments contextuels avant de concevoir sa proposition d’œuvre architecturale.

D’autres problématiques incitent également à l’adaptation de ce métier41, telles que celle du foncier avec un cadastre en cours de constitution et celle de la construction en zone littorale. La construction à Mayotte se trouve ainsi confrontée à diverses problématiques qui freinent son élan :

- une règlementation de droit commun récente : même si la législation a évolué de manière « progressive et adaptée » dès 2007 avec la loi DSIOM, l’appropriation et la mise en application du Code de l’Urbanisme et de l’Habitat par la population, comme par les aménageurs, se révèlent compliquées. Les habitudes sont bousculées ; la représentation même de la construction s’en trouve bouleversée et des régularisations de chantiers s’avèrent nécessaires pour pouvoir se conformer à la règlementation en vigueur ;

- la carence d’entreprises qualifiées : à ce jour, les travaux les plus importants et les plus lourds du territoire (infrastructures routières et autres), reviennent systématiquement aux majors locaux (les Groupes Colas, VINCI, GTA), seuls à même de pouvoir conduire lesdits travaux. Les autres recourent à des artisans locaux qui, pour la plupart, ne sont pas structurés, comme indiqué plus haut ;

41 « Si au cours des deux derniers siècles l’architecte a connu une certaine ‘stabilité’, des facteurs historiques, économiques et sociaux demandent actuellement à ce dernier de s’adapter davantage au marché. Dans le contexte de crise actuelle, de l’acte de bâtir notamment, le culte du chef d’orchestre architecte se heurte à des nouvelles contraintes obligeant la profession à y faire face. » (Juliette MOREAU, « Architecte, désillusion innovatrice : quelles stratégies pour un renouveau durable de la profession ? », Mémoire M2 architecture, 2014, p.17 in : https:// dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas01131456/file/Memoire%20 architecture%202015_%20Juliette%20Moreau.pdf) - la difficulté pour la grande majorité des entreprises locales à avancer les coûts des travaux en attendant leur paiement par les maitrises d’ouvrage et la difficulté pour elles de survivre en attendant ledit paiement ;

- l’importation massive des matériaux de construction est aléatoire : comme on l’a vu précédemment à propos de l’Atelier bac pro aéronautique, cette importation est soumise aux délais d’acheminement, variables selon les aléas climatologiques, à la gestion des mouvements sociaux des territoires où les navires partent, font escale ou se ravitaillent en carburant, aux contraintes de dédouanement et à la capacité du Port de Longoni (le seul du territoire) à gérer le flux grandissant des importations.

Pour toutes ces raisons, il convient de penser d’abord aux préalables de chaque chantier et à la mise en œuvre de ce dernier. Cela suppose une organisation claire et posée au moment de répondre aux appels d’offre et de concrétiser le projet. Avec des maîtres d’ouvrage à profils différents, il faut notamment anticiper sur leurs attentes, leurs besoins, leur façon de conduire les partenariats…

Ensuite, il faut connaître et maîtriser le contexte du projet, ce qui suppose d’avoir une connaissance complète de ce dernier (surtout à l’échelle de la commune), avant de lancer le projet (rapport de sol, diagnostic amiantes…) et de maîtriser l’évolution des coûts du marché.

Enfin, savoir s’organiser avec les artisans est fondamental : cela implique l’établissement d’un planning à définir selon les contraintes du projet et la nécessité d’avoir un chantier mieux préparé.

Sur les 19 projets ouverts à l’agence de Mayotte, seuls deux d’entre eux m’ont permis de suivre réellement la phase chantier : le projet 16, intitulé « L’Atelier bac pro aéronautique » et le projet 15, à savoir la « Maison des services publics.»

Les deux chantiers présentent des divergences notoires qui impactent leur finalisation respective : le premier bénéficiait d’un OPC distinct. Ce dernier pouvait ainsi suivre régulièrement ce qui se passait sur le site et inciter à l’avancement des travaux, aidé dans sa mission par un référent MOA stable, dynamique et réactif.

Aussi, malgré les contraintes et difficultés évoquées précédemment, ce chantier a-t-il pu être déjà livré.

Pour le second chantier (en cours), la situation est toute autre : le maître d’œuvre (que je représente) est également l’OPC, ce qui implique une organisation distincte. Même si je me rends sur le chantier à jour fixe (tous les jeudis matins) pour m’entretenir en réunion avec les entreprises qui y effectuent les travaux, pour constater de visu l’évolution de ces derniers et demander la reprise éventuelle de diverses réalisations ; même si, en dehors de ce créneau, j’échange régulièrement par téléphone, mail avec ces entreprises, je constate que le temps consacré à ce chantier ne suffit pas. Au moins deux visites hebdomadaires de chantier seraient nécessaires à mettre en place afin de pouvoir faire corriger à temps les modifications unilatérales des entreprises par rapport à la proposition architecturale initiale ou les dérives de leur part, dans la construction. Mais ce temps ne sera possible à dégager que si mes autres missions et tâches à l’agence me le permettent.

Par ailleurs, le changement fréquent au niveau des référents du MOA a nécessité une réadaptation à de nouvelles contraintes, à la fois techniques et administratives, par le maître d’œuvre. Cela a également donné lieu à un chantier dont l’évolution a alterné entre interruptions et reprises durant plusieurs mois.

Outre cette instabilité administrative, certains référents au sein de la MOA ne maîtrisent pas toujours la procédure juridique liée à un chantier, ce qui se note parfois dans l’énonciation même du cahier des charges (manque de clarté et de cohérence dans la commande). Sur le projet de la « Maison des services publics », la modification même du projet initial par le MOA (on devait construire une crèche et finalement on doit faire des bureaux) illustre cette problématique juridique. Aussi, les échanges avec les référents concernés sont-ils parfois longs, lourds et complexes. D’ailleurs, pour remédier à cette compétence mitigée ou à ce manque d’expérience, certaines MOA n’hésitent pas à faire appel à des assistants maîtres d'ouvrage (AMO) pour, par exemple, les accompagner dans l’élaboration d’un cahier des charges en amont de la mise en place d’un projet.

Les deux exemples de chantiers présentés plus haut montrent donc clairement la nécessité d’avoir un trinôme MOA - MOE - OPC bien coordonné et réactif. Leurs relations doivent être fluides afin de résoudre rapidement les difficultés soulevées par le chantier concerné. Toutefois, une charge supplémentaire repose sur le MOA : de sa compréhension et de son expérience en matière d’aménagement et de construction dépendent également le bon déroulement des travaux, voire la livraison, dans les délais, du chantier lui-même.

Les MOA sont majoritairement représentés par des collectivités publiques. Ces dernières ont à cœur de développer le territoire par des projets structurants pour notamment répondre à leurs besoins et privilégier la proximité avec les administrés. La construction des bâtiments répond à un besoin constaté ou supposé dans la ville. Mais pour le politique local, c'est une trace mémorielle de son action politique, de sa mandature. Le bâtiment érigé ou en voie de l'être est effectivement une traduction, une concrétisation de sa pensée ; il est lien ; il fait lien avec cette pensée, en même temps qu'il constitue en soi une projection de fonctionnalité dans l'avenir. Et les habitants œuvrent pour être propriétaires de leurs biens immobiliers, de manière à pouvoir se constituer un patrimoine ou perpétuent une tradition : celle d’édifier leurs maisons sur leurs terrains respectifs.

Toutefois, en effaçant les constructions végétales, on a gommé une part de notre identité architecturale, on a déclenché un processus de déperdition de savoir-faire liés à l'habitat (traditionnel). En parallèle, on s'est approprié un type d'habitat, sans se questionner, sans avoir pris conscience de la perte subie. Ici, plus que jamais, le rôle de l’architecte est indispensable dans l’urbanisation méthodique et normée du territoire, aux côtés des entreprises qui construisent les édifices ou les bâtiments.

Sa main, sa conception du lieu à aménager influent sur le devenir de l’environnement42 et façonnent le paysage urbain en évitant de reproduire des erreurs techniques, comme celles qui ont dénaturé le territoire et produit des zones urbaines anarchiques, désorganisées. Il s’agit pour lui de donner naissance à des espaces attractifs et exempts de malfaçons.

42 « Le rôle des architectes est de concevoir le cadre de vie dans lequel nous vivons. Nous fabriquons le territoire en construisant des opérations de construction sur plusieurs années, entrainant des mouvements économiques importants. Nous avons donc de lourdes responsabilités vis à vis de nos concitoyens. Nous le voyons au quotidien, l’architecture est au centre de la qualité de vie. L’architecture est d’intérêt collectif.» (Benjamin SIMONET, « Le Diagnostic… », op.cit., p.16).

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