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AVANT-PROPOS
Lorsque j'ai passé l'épreuve d'admissibilité pour entrer à l’ENSA de Paris-Malaquais, en 2013, j’avais le sentiment de ne pas m’être encore accompli professionnellement. Et le goût d'une vie à vivre ou à revivre s'est fait jour.
Mais quitter Mayotte pour reprendre de nouvelles études supérieures apparaissait comme un défi insurmontable, impossible à réaliser ; un rêve caressé en esprit, que je voulais malgré tout caresser du bout des doigts. Il y avait différentes raisons à ces questionnements intérieurs : j’avais déjà fini de précédentes études en tant que conducteur de travaux ; je m’étais déjà reconverti professionnellement en devenant enseignant le matin et auto-entrepreneur l’après-midi, dans mon île natale ; et j’avais déjà construit une vie de famille.
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La décision de partir a donc été très difficile à prendre. Elle était pourtant nécessaire pour que je puisse me réaliser, en reprenant une orientation professionnelle qui me convenait davantage et qui correspondait à mes aspirations.
Malgré ce grand bouleversement dans ma vie, les études en architecture m'ont appris à aimer le goût de l'effort, tout en me permettant de forger mon caractère et de développer la passion que je nourrissais pour le dessin depuis mon enfance. Au fil des ans, en effet, j’ai vécu cette période de formation initiale en mettant un pied devant l'autre, en faisant en sorte de visiter le plus de pays possibles, en me rendant encore plus loin, plus loin vers des contrées dont j'ignorais la richesse : mes pas m’ont par exemple conduit en Allemagne, en Italie, au Portugal, en Inde ; j’ai aussi continué mes allers-retours vers Mayotte, la Belgique et la métropole (Paris).
Adepte du mouvement perpétuel, à la manière de la chorégraphe allemande Pina BAUSH, et de nature persévérante, je dessinais sans arrêt. J'esquissais les projets en puisant la force dont j’avais besoin pour tenir bon et avancer dans mes référents culturels, dans ma passion pour la capoeira, dans ma foi et l’amour de mes proches.
Je gardais en tête deux choses qu’on m’avait enseignées :
(«Inna lloiha maan soibirina», «Certes Dieu est avec les persévérants», sourate 2, verset 153 du Coran) et : « Aller au bout de l’excès et revenir au fonctionnalisme le plus pur », ainsi que le disait l’architecte Alvaro SIZA. J'ai ainsi découvert ou réalisé que dans l'univers du mouvement, qui échappe généralement à notre analyse au quotidien, se déploie le recommencement, celui du trajet à parcourir de nouveau, celui de la pensée et de la conception d'espaces à reconsidérer, celui du geste à reproduire pour enfin donner sens et corps à ces espaces sur une feuille de papier ou un écran numérique.
« Le monde semble sombre quand on a les yeux fermés », souligne par ailleurs un proverbe indien : avec les études en architecture, les miens se sont ouverts. Les trésors du monde me sont apparus sous un jour nouveau, avec un regard autre, aiguisé par le savoir, le développement de nouvelles performances intellectuelles, la soif de connaissance. Que dire de ces créations qui distordent l’imagination ou le réel, à l’instar du « Torso Molino » de l’architecte Santiago CALATRAVA, qui est en parfait décalage avec mon environnement culturel d’origine ? Elles rappellent que toute forme peut se modeler selon la représentation que l’on s’en fait. C’est aussi le signe que la création n’a de limites que celles que nos esprits se fixent.
Si le retour vers ma terre natale, en fin d’études, après une halte d’une année à l’Antenne de l’ENSAM à La Réunion, s’est présenté comme la concrétisation d’une grande partie de mon objectif, il s’agit ici, par la HMONP, de tendre vers l’aboutissement d’un cycle de vie, le dernier chapitre d'un parcours de formation. Il s’agit également d’orienter un parcours professionnel qui doit être consolidé et de m’ouvrir à de nouvelles perspectives.
Que puis-je donner à mon tour ? Ce travail, je le considère comme une transmission à mes concitoyens, aux professionnels locaux avec lesquels je suis en contact chaque jour.
Entre la douleur de perdre un entourage et l’ambition de me trouver, il constitue un compromis existentiel. Et tout prend son sens aujourd’hui comme quelque chose de profondément enraciné en moi qui éclot enfin, pour me permettre de devenir la version de l'homme dont je voulais me rapprocher et d'approcher de la version du professionnel que je cherchais à faire émerger.