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HISTOIRE

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Proximité géographique, sociale, culturelle, industrielle… Des facettes que l’on redécouvre dans Memories. Images and History across Borders, un double événement à la fois IRL et virtuel, où se côtoient images d’archives, jeu transmédiatique, conférences officielles et œuvres numériques. Un projet multifacettes qui a notamment obtenu le label “France 2022, Présidence française du Conseil de l’Union européenne”. Par Aurélie Vautrin

Laisser des traces

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Deux pays, une frontière. Esch2022, c’est également l’occasion de revenir sur l’histoire d’un territoire découpé géographiquement et géopolitiquement, mais aux souvenirs communs, au passé mutuel. Une terre de partage et de mixité où les échanges rythment depuis longtemps la vie des frontaliers. À l’origine de Memories. Images and History across Borders, l’envie de créer la toute première fresque numérique transfrontalière, un jeu de regards croisés de 1950 à nos jours, accessible à tous : enseignants, étudiants, citoyens, passionnés, curieux, pour peu qu’on sache naviguer sur l’internet moderne. Ainsi est né le site internet Au fil de l’Alzette… territoires et destins partagés, un projet ambitieux qui s’appuie sur plus de 150 archives audiovisuelles, où grande et petite(s) histoire(s) s’entremêlent, où questions de société, patrimoine industriel et territoire collectif nous racontent un lieu, un destin, un passé commun liés à la région de l’Alzette. Des documents qui proviennent en majeure partie des fonds de l’Institut national de l’audiovisuel (INA), mais également du Centre national de l’audiovisuel (CNA) du Luxembourg : une collaboration inédite qui offre la possibilité de multiplier les points de vue tout en diversifiant les approches médiatiques. Le tout regroupé autour de cinq grandes thématiques : De part et d’autre de la frontière, Cultures en partage, La mine et la sidérurgie d’hier à aujourd’hui, Parcours et destins et Empreinte et territoire. En parallèle de ce chouette projet numérique se sont mises en place différentes manifestations culturelles, notamment un jeu transmédiatique créé par un groupe d’étudiants du Master Conception de dispositifs ludiques de Metz, un webdocumentaire réalisé par des élèves en Master Journalisme et médias numériques de l’Université de Lorraine, sans oublier des manifestations scientifiques grand public avec conférences, tables rondes et mapping vidéo à Villerupt, Dudelange et Thil. De quoi se plonger ensemble dans le passé pour écrire un avenir commun.

Memories. Images and History across Borders fresques.ina.fr/esch-sur-alzette La chaine de Jœuf - 3 novembre 1960 Image extraite d’un reportage sur la construction de l’avant-dernier haut-fourneau de l’usine de Jœuf.

Douanes françaises - 8 janvier 1963 Reportage au bureau du service des douanes de Longlaville à la frontière luxembourgeoise et rencontre avec un receveur des douanes, un inspecteur principal des douanes et un douanier.

Dynamitage des derniers fauts-fourneaux de Longwey - 19 juillet 1991 Les deux derniers hauts-fourneaux du bassin de Longwy viennent d’être dynamités sous les yeux d’anciens sidérurgistes du site émus de voir disparaître ces vestiges du passé industriel du Pays Haut.

« Ce territoire n’est pas qu’une terre de passage »

Le Grand Est voisine avec de nombreux pays. En quoi cette spécificité transfrontalière est une chance ? Les frontières avec ces quatre pays sont des espaces d’échanges, de circulation des personnes, de travail. En matière de culture et d’art, la spécificité transfrontalière permet une ouverture sur d’autres approches esthétiques et propositions artistiques. C’est une véritable chance pour les acteurs culturels, les artistes et enfin – et surtout – pour le public. La mission de la DRAC est de soutenir la création, les artistes et les structures culturelles, de faire en sorte qu’elles puissent développer leur coopération, leurs opportunités de travailler avec ou dans ces pays voisins. C’est ce qui motive notre soutien à des projets programmés dans le cadre d’Esch2022 : cette Capitale européenne de la culture a permis à des structures et des artistes français d’inscrire leurs projets dans la thématique « Remix » choisie par les organisateurs.

Comment se traduit ce caractère transfrontalier dans la création artistique et l’offre culturelle de la région ? La dimension transfrontalière est inhérente à un grand nombre de projets dans le Grand Est. Beaucoup de professionnels ont déjà développé des partenariats avec leurs homologues voisins, de La Filature de Mulhouse au Festival du Film italien de Villerupt pour ne citer que ces deux exemples. On la retrouve dans de multiples événements culturels, qui montrent la richesse de la création contemporaine et qui favorisent la rencontre entre les artistes et la population. La DRAC encourage aussi le développement des réseaux, comme Multipistes et Iceberg pour les musiques actuelles, ou Grand Luxe pour la danse avec ses huit structures partenaires en Belgique, au Luxembourg, en Suisse et en Allemagne. Ces réseaux accompagnent les artistes sur le plan artistique, technique, juridique, ainsi qu’en matière de production et de formation. Comment les artistes peuvent-ils se saisir de l’histoire d’un territoire au riche patrimoine industriel ? Les friches industrielles sont des lieux d’inspiration et d’expérimentation extrêmement forts pour les artistes. En Grand Est, plusieurs sites sont réinvestis par des projets culturels et artistiques, avec parfois une dimension économique, qui associent la population locale.

La DRAC a choisi de soutenir une quinzaine de ces tiers-lieux ou « ateliers de fabrique artistique », parmi lesquels la Fabrique autonome des acteurs de Bataville, Simone – Camp d’entraînement artistique ou le Parc de Wesserling. Esch-Belval, qui accueille aujourd’hui l’université du Luxembourg et des activités économiques, est un ancien site minier et sidérurgique, un lieu de mémoire ouvrière, de travail, de vie et de migrations, comme le montre très bien l’exposition « Remixing Industrial Pasts ». Ce site, comme tous ceux d’Esch2022, en mutation continue depuis le XIXe siècle, offre un terrain de jeu magnifique pour les artistes et les acteurs culturels qui ont pu inventer une programmation très singulière et donner à voir une belle diversité de propos. Quel événement issu de la programmation d’Esch2022 symbolise bien cette manifestation en ce « territoire à remixer » ? J’ai un intérêt particulier pour Ekinox, porté par le NEST, Centre dramatique national de Thionville, qui porte sur les migrations pendulaires des 100 000 personnes qui se rendent de la France au Luxembourg chaque jour pour travailler. Aux équinoxes de mars et de septembre, des saynètes sont programmées dans les trains, une manière de faire entrer de la poésie dans ces trajets routiniers ; deux journées de spectacles et d’animations dans un lieu fixe à la frontière leur répondront. Le théâtre vient questionner le rêve et le sommeil, à partir de l’expérience quotidienne vécue par les travailleurs transfrontaliers qui font vivre ce territoire.

Quel après Esch2022 Capitale de la culture pourrions-nous espérer ? Les années de préparation de cette opération ont déjà permis de tisser de nouveaux liens, de provoquer des rencontres pour les professionnels et les artistes et de renforcer les coopérations institutionnelles. Ce qu’on peut rêver pour demain, c’est qu’Esch et son bassin de vie deviennent le lieu de programmations artistiques et culturelles plus pérennes, et que cela participe du développement culturel de l’espace transfrontalier nord lorrain. Esch2022 doit contribuer à faire connaître ce territoire et à montrer qu’il n’est pas seulement une terre de passage mais d’abord un lieu de vie, avec son histoire, son patrimoine et ses habitants, un lieu de création et de pratiques artistiques.

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