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PROJETS PARTICIPATIFS
from Zut Esch 2022
by Zut Magazine
Eden Europa, Landscaper
Ateliers et spectacles participatifs, documentaires, rénovation et réhabilitation de lieux emblématiques du territoire : les habitants et leurs histoires constituent les forces vives de plusieurs projets. Par Benjamin Bottemer
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Présences continues
À partir de leur propre horizon culturel et sur leurs lieux de vie, les habitants deviennent acteurs. Eden Europa et sa caravane végétalisée itinérante, réalisée avec ces derniers, réenchante des lieux comme le Belvédère à Villerupt en le transformant en jardin partagé. Mené par la compagnie Manok & cie et les jardiniers de Merci Raymond, Eden Europa propose aussi de nombreux ateliers croisant musique, danse et de multiples thématiques. Le spectacle Totem à Audun-le-Tiche réunira sur scène des choristes issus de formations locales, tandis que le Bal pop invite danseurs, comédiens ou chanteurs amateurs à intégrer le spectacle. Idem pour Sonomaton de la compagnie Mirelaridaine, qui a recueilli les témoignages d’habitants sur leurs souvenirs culinaires et organisera plusieurs Banquets des utopistes, conviant les habitants à savourer et à participer à un spectacle gourmand. Deux équipes de documentaristes arpentent également le territoire : Samuel Bollendorff et Mehdi Ahoudig abordent auprès de français travaillant au Luxembourg la complexité et la diversité de leur rapport à la frontière dans les Frontaliers, tandis que On pourrait faire le tour du monde, par les photographes Nicolas Leblanc et Patrick Galbats et l’écrivaine Aurélie Darbouret, offre des regards croisés sur les habitants du territoire via des portraits et des témoignages. Des ateliers photo sont également organisés auprès de collégiens.
Totem ou “ Un sens commun ”
13 mai Mine Saint-Michel-Villerupt
Sonomaton ou “ Le Banquet des utopistes ”
7 mai / 25 juin Villerupt, Audun-Le-Tiche, Ottange www.mirelaridaine.fr
On pourrait faire le tour du monde
Juin et juillet 2022 Lieu à venir - Villerupt
Eden Europa
Célébration fin de projet : du 14 au 16 octobre Parvis de l’Arche - Villerupt www.edeneuropa.eu
Frontaliers ou des vies en stéréo
21 octobre L’Arche - Villerupt
Sonia Golini
On pourrait faire le tour du monde : des regards croisés sur les habitants du territoire Yanis Kallouche
Propos d’habitants impliqués
Efrem Rovinalti, ingénieur des mines, Association des Mines Terres Rouges Efrem s’est grandement investi dans la réhabilitation de la mine d’Audun-le-Tiche, fermée en 1997 et amenée à accueillir des visites et des événements culturels et ludiques. L’histoire de cette mine est aussi celle de sa vie : il a travaillé pendant 50 ans pour l’Arbed devenu Arcelor-Mittal sur la sécurisation et la modernisation du matériel, longtemps à Audun-le-Tiche puis pour encadrer l’ouverture des mines de Sérouville et de Tressange. Avec le ralentissement de l’activité minière, il a participé à l’ennoyage des galeries, puis à la création du Musée de Rumelange en 2000. Aujourd’hui retraité, il est plus que jamais impliqué : à Audun-le-Tiche, l’Association des Mines Terres Rouges, qui a notamment pour objet de préserver et vulgariser la mémoire minière locale, en a fait son président d’honneur et fait appel à son expérience pour le projet de réhabilitation de la mine dite d’Umbau. « Je veux faire résonner le travail des mineurs qui ont donné leur santé et leur vie, et qu’on oublie trop souvent », souligne Efrem. « Audun-le-Tiche doit devenir un lieu patrimonial par excellence dans toute l’Europe. J’aimerais que la mine soit inscrite au Patrimoine européen, car sans minerai, il n’y aurait pas eu d’Europe ! Avec ce projet, nous ne sommes plus seulement dans la commémoration, nous créons quelque-chose de nouveau, aux côtés de petits-fils de mineurs qui prennent la relève pour préserver cette histoire : c’est la raison qui me pousse à continuer. »
Sonia Golini, bénévole Sonia est une bénévole impliquée, participant au Festival du Film italien de Villerupt et engagée sur plusieurs événements d’Esch2022. Elle a contribué à la création du jardin partagé au Belvédère à Villerupt dans le cadre d’Eden Europa. « C’était très ludique, nous étions bien encadrés et c’était l’occasion de rencontrer des gens que je ne connaissais pas, explique-t-elle. Nous avons besoin de ce type de projets à vocation écologique amené à perdurer, sur un très beau site qu’il faut valoriser. » Sonia va également jouer un rôle au sens propre dans le Bal Pop, au sein de l’un des six tableaux représentant différentes périodes de l’histoire locale. « Certains n’avaient aucune expérience de la scène, mais l’enthousiasme collectif est communicatif. Pour l’instant, nous avons appris avec le metteur en scène Nicolas Picard à s’approprier notre personnage... et à mieux se connaître lors d’un moment convivial. Ces événements, créés par les habitants pour les habitants, sont très appréciables.»
Yanis Kallouche-Houssaut (Le Banquet des utopistes) En classe de seconde en Bac pro Famille des Métiers de l’hôtellerie et de la restauration au lycée Saint-André d’Ottange, Yanis et ses camarades ont rencontré Delphine Bailleul, metteuse en scène de la compagnie Mirelaridaine, pour mettre en place le menu du Banquet des utopistes. « On s’est inspirés de nos propres souvenirs culinaires pour élaborer le menu », explique Yannis. « C’était une expérience originale que j’ai appréciée. Une belle occasion de travailler de manière atypique, au sein d’un projet artistique. » L’enseignante associée à la démarche, Sandra Sperandio, souligne la capacité de Delphine Bailleul à « casser les codes» de l’hôtellerie et de la restauration, et à amener les élèves à sortir de leur zone de confort. « Ce sont des métiers où il faut aimer la découverte. Les enseignants nous encouragent à avoir de l’imagination », indique Yanis. « Comme les comédiens et les metteurs en scène, on aime pouvoir raconter une histoire à travers notre travail. »
« La thématique de Remix : un leitmotiv »
« Depuis quelques temps déjà, des bleds fantômes situés à proximité de la frontière connaissaient ainsi un regain de vie inespéré. Le mérite en revenait au Luxembourg qui, souffrant depuis toujours d’un manque chronique de main-d’œuvre, venait tout naturellement puiser chez ses voisins les bras et les têtes qui lui faisaient défaut. Des tas de gens se retrouvaient comme ça à faire la route chaque jour pour récupérer leurs emplois étrangers là-bas. » Comment percevez-vous cet extrait de Leurs enfants après eux de l’auteur lorrain Nicolas Mathieu* ? Le portrait dépeint par Nicolas Mathieu s’inspire d’une réalité bien connue de nos habitants et voisins. Notre région a été le lieu d’activité d’une importante industrie d’extraction de minerai et de production d’acier durant de longues décennies. Lorsqu’il a été décidé, pour de multiples raisons, de fermer nos établissements industriels, la région a été laissée à l’abandon. À nous les friches industrielles, la décroissance démographique et économique. Cela n’a pas empêché le développement exponentiel du Luxembourg qui a, à son tour, accueilli (et continue d’accueillir) des vagues migratoires de travailleurs extrêmement importantes. Ces nouveaux habitants redonnent une vie à notre territoire puisqu’ils viennent l’habiter sans pour autant se l’approprier. Nous retrouvons d’ailleurs là un enjeu fondamental qui caractérise Esch2022, à savoir l’implication citoyenne dans les projets. C’est un enjeu majeur pour la CCPHVA, son présent, son futur.
Le territoire de la Communauté de communes, transfrontalière du Luxembourg, illustre bien cette particularité du Grand Est, voisin de nombreux pays. Cette spécificité est-elle une chance ? Notre territoire a en effet la chance de se trouver extrêmement proche du Luxembourg, mais également de la Belgique et de l’Allemagne. Nous mesurons cette opportunité quotidiennement puisque bon nombre de nos habitants traversent ces frontières, en grande partie luxembourgeoises, pour aller travailler (plus de 60% de la population active). Se trouver à 50 km d’une capitale européenne, d’une puissance économique reconnue, a également des avantages socio-culturels forts. De nombreuses infrastructures sont accessibles. D’autant que nous faisons partie d’une conurbation autour d’Esch-surAlzette, deuxième capitale du Luxembourg.
Nous avons parlé de chance. Il faut aussi évoquer les contraintes concurrentielles qui s’imposent à nous. Nous n’avons pas d’autre choix que de trouver des modèles innovants de création de richesses et de qualité de vie. Nous nous heurtons également à des difficultés à pourvoir certains emplois en local. C’est donc une équation à plusieurs inconnues ou variables que nous devons tenter de résoudre.
Population d’origines diverses, vie à proximité de la frontière, multilinguisme… Comment l’idée de « Remix » se ressent au quotidien dans la CCPHVA ? La thématique de « Remix » tombait à point nommé pour la CCPHVA. C’est un leitmotiv inscrit depuis plusieurs années dans notre projet de territoire innovant (Smart City, gestion de la donnée, territoire d’industrie 4.0, croissance verte et énergie positive, fibre, pôle culturel d’excellence) et qui nourrit notre ADN. Nous sommes actuellement dans cette phase de reconstruction de nos espaces et de nos communes à l’identique de nos voisins luxembourgeois sur le site de Belval. De nouvelles populations arrivent et avec elles de nouveaux projets. Rappelons que la CCPHVA est l’aire opérationnelle de l’Établissement public d’aménagement Alzette-Belval dans le cadre d’une Opération d’intérêt national. Nous sommes 28000 à habiter ce territoire. Nous serons 40 000 dans une quinzaine d’années.
Comment une région au passé industriel peut-elle retrouver son dynamisme grâce à la culture, au tourisme, au savoir ? L’activité industrielle fait désormais partie de notre passé. Elle marque cependant profondément la mémoire collective. Il nous faut réinventer des modèles. Nous nous appuyons sur les technologies actuelles et les aspirations contemporaines de nos nouveaux habitants. La culture a un rôle majeur dans le développement d’un territoire et nous comptons bien nous appuyer sur Esch2022 et notre nouvel équipement L’Arche pour retrouver une dynamique enjouée, fédératrice qui mettra en valeur notre patrimoine et notre volonté de faire.
* Le livre de Nicolas Mathieu sert de matière à une pièce présentée au théâtre d’Esch2022 dans le cadre de la manifestation. Dans l’extrait cité, l’auteur décrit une vallée de l’Est de la France, dans les années 1990, où les hauts-fourneaux se sont éteints.