HORS—SÉRIE
L’artisanat dans l’Eurométropole de Strasbourg et en Alsace
Prochaines parutions
Zut Strasbourg n°58 — été
Zut / Journal Haguenau et alentours n°18 — automne
L’artisanat dans l’Eurométropole de Strasbourg et en Alsace
Prochaines parutions
Zut Strasbourg n°58 — été
Zut / Journal Haguenau et alentours n°18 — automne
01— ZUT Strasbourg, magazine trimestriel lifestyle 100% local #58
02— ZUT Haguenau et alentours / Alsace du Nord, journal trimestriel #17
03— Novo, magazine culturel trimestriel du Grand Est #73
04— ZUT Hors-série, L’artisanat dans L’Eurométropole de Strasbourg et en Alsace #6, À livre ouvert
05— ZUT Hors-série, Un seul amour et pour toujours #4 - Racing, il était une foi
06— Le journal de la Coop #4, Pas à pas, l’invention d’un quartier
07— 190 ans de la SAAMS, Société des Amis des Arts et des Musées de Strasbourg
08— ZAP, Zone d’Architecture Possible, magazine pour l’École Nationale Supérieure d’Architecture de Strasbourg #7
09— PDR, le journal du Port du Rhin #11
10— ZUT Mook, L’artisanat dans l’Eurométropole de Strasbourg et en Alsace – Morceaux choisis
11— Limelight, Chroniques et entretiens, 1992 – 1997, par André Labarthe
12— Playlist, 50 pop songs, 50 posters, 50 textes, par Mickael Dard
13— Chronique du temps qui passe, par Nicolas Comment
Directeur de la publication & de la rédaction
Bruno Chibane
Administration & gestion
Gwenaëlle Lecointe
Coordination de projet
Caroline Gomes
– En charge de l’artisanat et du développement local pour la Ville et l’Eurométropole de Strasbourg
Rédaction en chef
Tatiana Geiselmann
Direction artistique
Myriam Delon
Direction artistique et graphisme
Séverine Voegeli
Graphisme
Hadrien Lehmann
Secrétaire de rédaction
Manon Landreau
Chargée de projets & développement.
Corrections
Léonor Anstett
Commercialisation
Léonor Anstett
+33 (0)6 87 33 24 20
Bruno Chibane
+33 (0)6 08 07 99 45
Émilie Ményé
+33 (0)6 66 22 79 29
Anne Walter +33 (0)6 65 30 27 34
contact@chicmedias.com prénom.nom@chicmedias.com zut-magazine.com chicmedias.com
Rédacteurs
Lucie d’Agosto Dalibot, Juliette Boffy, Myriam Delon, Emmanuel Dosda, Marine Dumény, Tatiana Geiselmann, Raphaël Heyer, Fanny Laemmel, Caroline Lévy, Corinne Longhi, Corinne Maix, JiBé Mathieu
Photographes
Jésus s.Baptista, Pascal Bastien, Christoph de Barry, William Henrion / Preview, Thomas Lang, Christophe Urbain
Stagiaires graphisme
Clara Viry
Stagiaires rédaction
Lisa Mertz, Lisa Zimmermann
Stagiaire communication Alice Mougenot
Ce hors-série du magazine Zut est édité par
chicmedias 37, rue du Fossé des Treize 67000 Strasbourg +33 (0)3 67 08 20 87
S.à.R.L. au capital de 77 057 euros
Tirage : 5000 exemplaires
Dépôt légal : juillet 2024
SIRET : 509 169 280 00047 ISSN : 2261-7140
Numéro réalisé en partenariat avec l’Eurométropole de Strasbourg
Chicmedias est une entreprise à mission dans l’économie sociale et solidaire
Ce magazine est entièrement conçu, réalisé et imprimé en Alsace
Impression Ott imprimeurs Parc d’activités « Les Pins » 67319 Wasselonne Cedex
Diffusion
Novéa , Impact Media Pub et Zut Team
Abonnements abonnement@chicmedias.com
Crédits couverture
Photo William Henrion / Preview Réalisation Myriam Delon Modèle Lisa Mertz
Combinaison : Isabel Marant chez Ultima.
Crédits pages d’ouverture cahiers
Photos William Henrion / Preview Réalisation & Stylisme Myriam Delon
Remerciements
• Pia Imbs, Présidente de l’Eurométropole de Strasbourg
• Jeanne Barseghian, Maire de Strasbourg
• Anne-Marie Jean, vicePrésidente de l’Eurométropole de Strasbourg
• Joël Steffen, adjoint à la Maire de Strasbourg
• Cécile Marter, chargée de la communication économique de l’Eurométropole de Strasbourg
Labellisation oblige, ce sixième hors-série de Zut dédié à l’artisanat porte – pour moitié – sur l’édition, l’imprimerie et les arts graphiques. « Strasbourg est la première ville française à avoir l’honneur d’être déclarée Capitale mondiale du livre par l’UNESCO », s’enthousiasme Anne-Marie Bock, cheffe de projet de l’événement. Les raisons ? Son solide socle historique : Gutenberg, Gustave Doré, Tomi Ungerer, l’école des Arts déco… « La labellisation permet de reconnecter la ville à son héritage » mais aussi de mettre en lumière le livre, conjugué au présent dans une Eurométropole parsemée de librairies, irriguée par un florissant réseau de médiathèques (big-up à la toute jeune Frida-Kahlo), boostée par des institutions lettrées (Bnu, musée des Estampes, Centre international de l’illustration…), des maisons d’édition (comme les bien-nommées 2024) et bien sûr des artisans des métiers de l’édition. Pour ce numéro, nous avons rencontré Jean Alessandrini, homme-orchestre strasbourgeois qui illustre à lui seul plusieurs facettes du livre. Typographe, dessinateur, écrivain, le graphiste octogénaire a dit cette phrase : « À l’époque, on savait prendre le temps de faire les choses. Aujourd’hui, dans la presse, c’est dans les derniers jours avant le bouclage que ça se précipite ! » Comment lui donner tort alors que nous écrivons cet édito 12 minutes avant d’envoyer chez l’imprimeur le magazine que vous avez entre les mains ? Dans ces pages, donc, nous nous sommes focalisés sur les métiers du livre et de l’impression, mais aussi sur bien d’autres artisans : vignerons, restaurateurs (dans les deux sens du terme), upcycleurs, architectes, menuisiers, bijoutières… il y a même une savonnière et une flûtière.
La graphiste nous tape sur l’épaule : « Vous pouvez vous presser ? » Ok, juste le temps d’écrire un « Bonne lecture » plutôt approprié.
j’aime mon commerce, j’achète local.
16 PORTRAITS
Cécile Villemain, bijoutière
Séverine Devianne, bijoutière
Christine Vallée, savonnière
20 ZOOM
Serpent à deux têtes
Un travail à quatre mains de la tapissière Pauline Krier et du teinturier Samuel Bony pour faire siffler le tissu sur nos têtes.
24 REPORTAGE
C’est pas du pipeau
Des flûtes de Claire Sécordel, aux orgues de Quentin Blumenroeder en passant par les cuivres d’Hafed Amri, la facture d’instruments à vent n’a pas le souffle court.
32 PORTRAITS
Jean-Michel Obrecht, maraîcher primeur
Etienne Gautreau, chocolatier
36 REPORTAGE
Format raisin
Si cultiver la vigne est affaire de famille, rebaptiser un domaine l’est aussi.
41 ZOOM
Cordons bleus
Au lycée Alexandre-Dumas d’Illkirch, les jeunes pousses de la gastronomie et de l’hôtellerie apprennent le métier.
46 PORTRAIT
Un homme de caractères
Rencontre avec Jean Alessandrini, poète de la lettre.
50 SÉLECTION DES LIBRAIRES
Le choix du Tigre
52 DOSSIER
Et l’imprimerie fut Strasbourg, berceau de l’imprimerie d’hier et de demain
De l’invention de Gutenberg au nouveau pôle urbain des arts graphiques.
60 REPORTAGE
En large et en creux À l’atelier Imago, gravure, lithographie et reliure d’art se pressent au service des artistes et particuliers.
64 DÉCRYPTAGE
Imprimer, tout un art
Sérigraphie, risographie, offset et letterpress : les différents types d’impression expliqués par Lézard
Graphique, Gargarismes, Ott et Nůn.
70 REPORTAGE
Gutenberg 2.0
Un robot-imprimeur alsacien pourrait bien révolutionner le monde de l’édition.
72 SÉLECTION DES LIBRAIRES
Le choix de L’Oiseau Rare
74 PORTFOLIO
L’imagier
Morceaux choisis de planches et dessins d’illustrateurs strasbourgeois.
80 SÉLECTION DES LIBRAIRES
Le choix de La Bouquinette.
83 DÉCRYPTAGE
Livrez jeunesse
Tour d’horizon des formations strasbourgeoises pour les futurs professionnels de l’imprimé.
91 REPORTAGE
L’illustration à toute vapeur
Rencontre avec l’association Central Vapeur qui donne de la visibilité aux illustrateurs d’ici et d’ailleurs.
94 RÉCIT
La course à l’édition
Le parcours semé d’embûches de Crime sur les chemins de la publication.
96 SÉLECTION DES LIBRAIRES
Le choix de La Tache Noire
98 REPORTAGE
De tranchefile en dorure
Visite de quatre ateliers strasbourgeois de reliure artisanale, avec Anne Siegel, Julie Strub, Marie Munhoven et Cécile Coyez.
104 PORTRAIT
Domino de papier
Dans l’atelier du dominotier
Thomas Braun, le papier se pare de couleurs avant d’embrasser le livre.
106 SÉLECTION DES LIBRAIRES
Le choix de la Librairie MAMCS
108 EXPOSITION
Effeuiller la mode
L’exposition « Être ou paraître » de l’artiste strasbourgeoise Jeanne Bischoff est à découvrir au MAMCS.
110 FOCUS
Mur, mur
Hors les livres : sur les murs, les illustrations s’affichent en grand, avec les papiers peints de Zuber et les stickers de E-Glue.
118 PORTRAITS
Julie Gless, maquilleuse, coiffeuse et coloriste naturelle
Éléa Pardo, styliste
Thomas Weiss, réparateur d’appareils photos
Patrick Rajaonarisina, designer textile et de surface
122 REPORTAGE
Sapes cyclées
Les vêtements usés et démodés reprennent vie grâce aux Surcyclés du Léopard, à Seconde Poche et à Loamaol.
126 ZOOM
Dis moi oui, Andy
De la robe au bouquet en passant par les alliances, quand l’économie du mariage nourrit l’artisanat.
134 PORTRAIT
Peggy Kratzeisen, peintre en bâtiments
136 REPORTAGE
De tout bois
Le bois passe à la coupe dans les menuiseries Gris Bois, Marlebois et Lafon atelier.
142 ZOOM
Re-panser l’espace
Les cabinets d’architecture
nara.archi, Ektor Studio et DahDah
Studio retaillent les intérieurs et font briller l’existant.
SAM. 7 SEPT. Place du Château 19H
CULTURE
strasbourg.eu
Strasbourg Culture
120 EXPOSANTS LECTURES, SPECTACLES, ANIMATIONS, JEUX…
AVRIL 2024 > AVRIL 2025 PRÈS DE 1 000 ÉVÉNEMENTS ET ACTIONS AUTOUR DE LA LECTURE STRASBOURG EST CAPITALE MONDIALE DU LIVRE UNESCO 2024
Travailler dans la joaillerie a toujours été une évidence pour Cécile Villemain, « bien que, lycéenne, ça me paraissait très abstrait, c’est compliqué de se projeter dans ce genre d’activités », explique-t-elle en s’asseyant devant son établi patiné. Fac de design, petits boulots, stages, elle explore d’abord le milieu créatif au sens large, en attendant de trouver chaussure à son pied, puis finit par rejoindre la Mission locale et l’association Retravailler Alsace : « J’ai été accompagnée dans ma recherche de métier et, bien entendu, au bout de quatre minutes on est tombé sur la bijouterie. » Cécile s’interrompt dans son récit pour attraper une série d’ustensiles qui semblent tout droit sortis d’un cabinet de dentiste croisé avec une prothésiste ongulaire ! « Ça, je m’en
sers pour polir », glisse-t-elle en activant sa machine sur une chevalière qui scintille à chaque passage.
« Tout s’est enchaîné très vite, j’ai fait une formation, passé un CAP et j’ai commencé à travailler dans ma chambre, même si ce n’était pas super sain à cause des vapeurs », plaisante Cécile. Il y a cinq ans, elle a rejoint l’atelier d’artisans La Coterie. Depuis, son temps de travail varie entre production – « c’est mon moment méditatif » – et création pure et dure. « Ça poppe dans ma tête, je fais des croquis techniques pour reproduire les cotes à l’identique, je fonds un prototype en cire que je place ensuite dans un moule rempli de terre de Delft et je verse le métal. » Simple sur le papier, plus compliqué dans la réalité, car de ce processus
résulte une pièce brute qu’il faut encore sculpter. Cécile façonne principalement l’argent et crée des bagues, boucles et bracelets au style contemporain et aux lignes épurées, mais en parallèle de ses collections, elle peut aussi concevoir des bijoux dans tout autre type de matériaux en fonction des commandes. Elle propose en plus des ateliers d’initiation pour apprendre à fabriquer son propre pendentif ou sa propre chevalière.
La Coterie 91C, route des Romains, à Strasbourg @cecilevillemain @lacoterieatelier
Par Tatiana Geiselmann / Photos Christophe Urbain
Sa passion pour les chevaux a commencé quand elle était « toute petite ». À huit ans, elle débute l’équitation, à 26, elle se lance dans la course d’endurance, à 28, elle devient monitrice et ouvre sa propre écurie privée dans le nord de l’Alsace, à Mertzwiller. Son coup de foudre : Gips, un pur-sang arabe couleur baie, qu’elle achète en 2000 et qui restera son fidèle compagnon pendant une quinzaine d’années.
« Lorsqu’il est mort en 2015, j’ai gardé sa crinière et ses cendres, explique Séverine Devianne, encore émue, puis j’ai tressé ses crins pour m’en faire un bracelet. » Un travail de précision, car les crins doivent être soigneusement lavés, puis triés un à un pour écarter ceux qui seront trop courts, avant d’être finalement tressés au
millimètre près. « S’il y a un crin de trop dans une des branches de la tresse, je suis obligée de recommencer, car le diamètre sera trop grand pour que je puisse enfiler des perles ou fixer le fermoir. »
La bascule pour se consacrer à 100 % à cette nouvelle activité et proposer à chaque propriétaire de cheval de recevoir un bracelet, collier ou tout autre bijou réalisé avec les crins de son propre animal viendra quelques années plus tard, grâce à son deuxième compagnon de route, Gus. « C’est un beauceron, un gros chien que j’ai récupéré quand il avait cinq ans », se rappelle Séverine en jetant un regard attendri au paisible molosse allongé à ses pieds. « Il y a trois ans, il est tombé très malade et ne supportait plus de rester seul à la maison,
il en faisait des crises d’angoisse. » La quadragénaire transforme donc une pièce de sa maison en atelier, et y passe ses journées à créer des bijoux entièrement personnalisables. « J’utilise aussi les sabots, que je ponce et que je vernis. Et depuis peu, je travaille avec de la résine, pour pouvoir intégrer dans des bagues ou des pendentifs des poils de chat, de chien, de lapin, ou de tout autre animal. » Une palette infinie de possibilités, qui permet à la passionnée de créer des bijoux sur commande pour tous les amoureux des bêtes.
L’Éveil de l’Oued
21F, rue Principale, à Wittersheim
Facebook : L’Éveil de l’Oued
Par Corinne Longhi / Photos Thomas Lang
C’est à l’arrière d’une petite maison au jardin japonisant, en plein cœur de Niedernai, que Christine Vallée élabore depuis huit ans ses savons. « Il n’y a pas de savon idéal, chacun a ses attentes », ex plique cette autodidacte perfectionniste. Les siennes : produire un savon d’excellence, à base de produits naturels et biologiques de la plus haute qualité possible. « Je ne trouvais rien qui me convenait sur le marché, alors je me suis lancée » Deux années de recherche lui seront nécessaires pour se former, tester et aboutir aux recettes de ses rêves. Un temps incompressible pour cette jusqu’au-boutiste, qui n’hésite pas à tester un, deux, trois, quatre voire cinq fournisseurs différents pour être sûre de travailler avec
le meilleur beurre de cacao du marché, la meilleure huile de noix de coco ou l’huile de ricin la plus pure.
Styliste de formation, Christine Vallée aborde chacun de ses projets avec la précision et la rigueur de la couture « flou », qu’elle a pratiquée un temps dans sa boutique à Strasbourg avant de se tourner vers d’autres activités, dont la décoration. Que ce soit en saupoudrant délicatement d’or la pâte de ses savons ou en y glissant des motifs graphiques, Christine Vallée peaufine son geste : « Tout est fabriqué à la main, dans mon laboratoire. » Entre la préparation de la soude, la pesée de chaque matière et le coulage par couches, il faut compter huit heures. Les savons sont ensuite découpés et biseautés – après
FABRIQUER
18 heures de séchage– puis mis en cure pendant un mois minimum. « C’est là que la réaction chimique s’affine. » Ses savons sont élaborés par saponification à froid, un procédé de fabrication qui permet de conserver les qualités des matières premières, contrairement à la saponification à chaud. « C’est une technique qui n’est pas industrialisable. » Christine Vallée propose aussi un savon de rasage, des palets de shampoing solide, des beurres corporels hydratants et un déodorant à utiliser comme une crème pour aisselles. Saponisphère 93, rue des Oiseaux, à Niedernai @saponisphere
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Elle est tapissière, lui costumier-tailleur et teinturier. Réunis au sein du tiers-lieu créatif des Ateliers Éclairés, Pauline Krier et Samuel Bony ont uni leur savoir-faire pour créer des pièces uniques aux couleurs intenses. Un dialogue d’artisans à quatre mains et à deux têtes.
Par Juliette Boffy / Photos Thomas Lang
Costumier-tailleur à destination du cinéma et du théâtre depuis dix ans, Samuel Bony, 34 ans, s’est lancé dans la teinture naturelle il y a maintenant trois ans. « Le Théâtre national de Strasbourg avait déjà un atelier de teinture. Désormais, on y développe la teinture végétale pour qu’elle devienne plus systématique dans la production », explique-t-il. Pauline Krier est quant à elle tapissière-créatrice. Formée à la tapisserie en siège dans les Vosges en 2012, puis aux côtés d’un maître artisan à Épinal, elle déménage à Strasbourg en 2018 après une résidence de deux ans aux Ateliers de Paris, incubateur pour les métiers d’art, du design et de la mode. En 2022, elle s’installe aux Ateliers Éclairés de la Coop et rencontre Samuel Bony. « On est tous les deux couturiers, mais on ne coud pas du tout de la même manière, ce ne sont pas les mêmes objectifs », précisent-ils. Les deux artisans d’art se donnent d’abord des coups de main, puis se lancent finalement dans des projets communs.
Gouaches de tissu
Des têtes de lit ingénieusement intitulées Mais qui sont ces serpents qui sifflent sur nos têtes ? seront les premières pièces d’une lignée confectionnée par le duo, qui les mènera jusqu’au tableau du Grand Serpent, créé entre août et octobre derniers. L’œuvre intervient dans la continuité d’une recherche graphique impulsée par Pauline Krier qui souhaitait s’approprier la teinture et la matière d’une façon inédite pour elle : « Pour la première fois, je voulais dessiner quelque chose qui ne servait à rien, où je m’émancipais de l’utilitaire. Je voulais vraiment travailler sur les couleurs et d’aller le plus loin possible », détaille la jeune créatrice de 32 ans. « La couleur et le textile prennent une toute autre ampleur dans ce projet, par rapport à un costume, pour lequel on déroule simplement un rouleau de tissu. Ici, l’idée, c’est d’avoir plein de petites pièces de différentes couleurs. J’ai vraiment l’impression d’avoir fait les gouaches de Pauline », complète Samuel Bony.
Les couleurs sont en effet l’un des personnages centraux de la pièce. Intenses, unies, elles présentent des aplats peu courants en teinture naturelle, traditionnellement portée sur les pastels. « C’est une question de tendance, de mode, mais c’est aussi parce que les couleurs vives sont plus difficiles à obtenir sur certains matériaux, notamment le coton. En plus, dans un contexte artisanal, la couleur unie est difficile à atteindre », précise l’artisan. En teinture naturelle, obtenir un coloris précis n’est pas chose facile. « Déjà, il faut préparer la matière à recevoir la couleur. On intervient dessus avec des sels métalliques, notamment de l’alun, qui vont faire un pont chimique entre la matière et la couleur. C’est pour cela que l’on ne parle pas de teinture végétale, mais naturelle », détaille Samuel Bony. Puis vient l’étape de la coloration. Dans certains cas, la couleur ressort presque instantanément. Dans d’autres, il faut recommencer, nuancer, continuer de chercher.
Pour le projet des serpents, les deux créateurs ont utilisé un lainage issu de moutons élevés dans les Pyrénées. Une matière que ni Pauline Krier ni Samuel Bony n’avaient encore travaillée, mais qui correspondait bien à leur souhait de travailler des matériaux sourcés et garants de savoir-faire locaux. Côté teinture, le jaune du tableau – qui attire particulièrement l’œil – a été obtenu à partir de fleurs de sophora, récoltées dans le jardin de la HEAR de Strasbourg. La cueillette de plantes locales (et non menacées) constitue l’une des palettes de Samuel Bony pour teindre ses tissus. Pour le reste, quelques fermes développent en France la production de plantes tinctoriales.
Une fois les pigments trouvés et les tissus colorés, Pauline Krier reprend la main et entame un travail en mosaïque. « Chaque petite pièce a été tapissée individuellement, cela donne du relief au motif et aux couleurs. » Munie de son ramponneau, le marteau aimanté des tapissiers, l’artisane a tapissé puis assemblé 53 pièces au total. « Comme j’avais un stock de tissus défini, je n’avais pas le droit à l’erreur. » Pour l’œil du serpent, elle a brodé une à une des perles argentées. Le résultat : un grand tableau de 260 x 140 mètres aux couleurs intenses et envoûtantes. Dans un coin de l’atelier, un autre objet, un paravent au caractère Voyeur, attire lui aussi le regard. « C’était une idée que j’avais dans les tiroirs depuis dix ans. Je voulais
que ce soit très simple, très lisible et qu’à la simple évocation du titre, en regardant l’objet, on comprenne », explique Pauline Krier. Réalisé lui aussi à quatre mains en lainage teint, il fait se côtoyer le clair et l’obscur, deux côtés pile et face qui reflètent bien le travail en symbiose des deux magiciens du tissu, dont les savoir-faire complémentaires sont devenus indissociables.
Pauline Krier et Samuel Bony Les Ateliers Éclairés
2, rue de la Coopérative, à Strasbourg @pauline.krier / @couleur.fleuve ZOOM FABRIQUER
Des cuivres bossus aux orgues de Notre-Dame, en passant par la flûte enchantée, Zut se glisse dans les ateliers des facteurs d’instruments à vent, où bois et métal se forgent en symphonie.
Par Marine Dumény / Photos Pascal Bastien
Claire Sécordel
Flûtière
C’est la seule femme en France à pratiquer ce métier. Claire Sécordel, 39 ans, est « flûtière », ou factrice de flûtes à bec, un métier que seuls douze artisans exercent dans l’hexagone, tous des hommes, sauf elle. Ancienne institutrice, la jeune femme s’est installée à son compte dans son atelier de Schiltigheim en 2015 à la suite d’une reconversion. Façonnant ses premières flûtes en autodidacte, c’est grâce à un premier stage de tournage sur bois en Alsace qu’elle se passionne pour la matière avant de se former chez Bruno Reinhard, un facteur de flûtes de plus de 40 ans d’expérience. Une grande chance pour elle, aucune formation officielle n’existe pour en apprendre les secrets.
Scier, aléser, tourner et tailler
La création d’une flûte est un véritable ballet où chaque geste compte. À commencer par le choix du bois, qui doit être bien dur, comme le buis, l’érable ou le prunier, réputés pour leurs qualités acoustiques. Soigneusement alignées dans le fond de l’atelier, les bûches encore brutes attendent patiemment que Claire Sécordel les choisisse. « Je commence par éliminer la partie centrale, le cœur », explique l’artisane. Ensuite place au perçage, puis à « l’alésage », qui consiste à façonner l’intérieur du rondin à l’aide d’un outil semblable à un taille-crayon inversé. Une étape cruciale car elle déterminera la qualité sonore
de la flûte. Une fois le rondin prêt, Claire Sécordel passe au tournage extérieur : en s’aidant de divers outils, elle travaille patiemment chaque partie de l’instrument qui prend peu à peu forme. Puis c’est au tour du bouchon, que la flûtière taille dans des bois résineux, « comme le genévrier, le cèdre ou le cyprès, qui ont des propriétés spécifiques permettant l’absorption de l’humidité du souffle ».
À chaque flûte sa voix
Ultime étape de la facture de flûte : le « voicing », ou l’harmonisation, qui permet à l’instrument de trouver sa « voix ». Claire Sécordel doit jouer l’instrument encore incomplet et affiner les réglages en fonction de la sonorité. Elle perce les trous de la flûte à des endroits précis et ajuste leur diamètre pour régler la justesse. « Chaque flûte est unique et nécessite des ajustements précis pour atteindre le bon accordage », précise-t-elle.
« Le polissage et le lustrage sont les étapes finales qui donnent à la flûte son éclat », complète Claire Sécordel, qui travaille avec minutie pour garantir la qualité
et la durabilité de l’instrument. « Une flûte est terminée quand je n’ai plus envie de la laisser partir », glisse-t-elle dans un sourire. Pour l’artisane, chaque flûte est une pièce unique, à laquelle elle consacre près de 75 heures de travail. En 2025, Claire Sécordel célébrera ses dix ans de pratique et obtiendra le statut de maître artisan auprès de la Chambre de Métiers d’Alsace. « Cela représente la reconnaissance de mon expertise et de ma passion pour mon métier. »
Claire Sécordel, flûtière
2 bis, rue de Dachstein, à Schiltigheim @claire_secordel
Premier amour jamais oublié d’Hafed Amri : la musique. Pratiquant la flûte traversière depuis l’adolescence, le virtuose sait qu’il veut en faire son métier, « mais pas en tant que musicien ». Lui, ce qui l’intéresse, ce sont les mécaniques, les gestes et les bruits qu’il a découvert chez un réparateur d’instruments à vent – la première fois qu’il y a fait réviser sa flûte – et qui lui rappellent les ateliers de bijouterie de ses vacances en Tunisie. Après un BEP en micro-mécanique, « la voie classique des tourneurs et fraiseurs », il boucle son CAP de facteur d’instruments à vent à l’Institut technologique européen des métiers de la musique (ITEMM). Hafed Amri affectionne les aspects sensoriels du métier : le toucher des matériaux, l’odeur du bois, du métal et l’ambiance particulière qui règne dans les ateliers. Le sien, ouvert en 2022 à Donnenheim, est un sanctuaire, où les instruments endommagés reprennent vie.
Débosseler à l’olive
Quand ils arrivent entre ses mains, les instruments de bois ou de cuivre sont minutieusement inspectés, réparés et nettoyés. Des pièces sont parfois remplacées, comme les lièges ou les tampons. Pour s’assurer qu’ils sont bien ajustés sur les clés, l’artisan se sert d’une feuille de papier à cigarette. « C’est une histoire de toucher. Lorsque la feuille passe sous le
tampon, je sens si celui-ci est bien fermé ou non, si la pression est bien la même partout », explique-t-il.
Au moment où il nous reçoit, Hafed Amri est affairé sur un tuba. Dans sa main : ce qu’on appelle dans le jargon une olive ou une bille à débosseler, un petit rond en fer qu’il insère à l’intérieur de l’instrument. « Ça permet de repousser délicatement le matériau, souvent du cuivre ou du laiton,
pour redonner à l’instrument sa forme d’origine. » Pour éviter de trop pousser le métal et de créer cette fois-ci une bosse sur l’extérieur, il tient dans son autre main toute une panoplie d’outils en bois, en téflon ou en acier ainsi que des marteaux à débosseler. « Ce sont ceux que j’avais à l’école ! » sourit-il.
Lustrer les cuivres
Chaque coup est appliqué avec précision pour lisser le métal sans altérer sa structure. Suivront des bains de traitement pour éliminer les traces d’oxydation et les saletés incrustées, les instruments à vent y étant plongés démontés ou entiers. Puis vient l’étape du polissage, pour laquelle Hafed Amri utilise différentes brosses, avec chacune sa texture et sa dureté : une brosse à poils doux pour un nettoyage en surface, une autre plus abrasive pour éliminer les résidus tenaces. Il faut que ça brille et que les cuivres retrouvent leur éclat d’origine !
En plus de réparer ou réviser les instruments à vent que les musiciens lui confient, Hafed Amri leur propose aussi tout un service de customisation. « Ça concerne essentiellement les cuivres, sur lesquels on peut changer une pièce, l’embouchure, les clefs, la branche, des petits changements qui vont permettre d’optimiser la qualité du son. »
Atelier Cuivres et Bois
4A, rue du Village, à Donnenheim ha-atelier.fr
Passionné de musique et de mécanique, Quentin Blumenroeder est tombé dans les orgues dès l’âge de 16 ans. Voguant d’ateliers en manufactures, de l’Alsace au Jura, en passant par le Vaucluse et la région parisienne, il fonde sa propre manufacture en 1998 à Haguenau, après avoir suivi un cursus complet au centre de formation Bernard-Stalter d’Eschau (la seule école de facteurs d’orgues de France). Ce qui le fascine dans son métier, « c’est qu’en réalité ce sont sept métiers à la fois ». Entre le travail du cuir, du bois, du fer et des peaux, les savoir-faire sont multiples et demandent une technicité poussée. « La fabrication des tuyaux d’orgues, par exemple, c’est un domaine à part et nous avons pour ça des artisans spécialisés. »
Archéologie de l’orgue
Onze personnes travaillent au sein de la manufacture Blumenroeder, qui s’occupe aussi bien d’instruments très anciens que d’orgues plus modernes. Depuis sa création, l’atelier a construit une cinquantaine
d’instruments neufs et en a restauré une quarantaine d’autres, les plus anciens datant des années 1500. Leurs tuyaux résonnent aujourd’hui dans les églises strasbourgeoises, à Sainte-Aurélie, SaintThomas, ou encore au musée des Arts décoratifs. D’autres trônent ailleurs en Alsace, terre des orgues s’il en est, comme à Marmoutier où l’équipe Blumenroeder s’est chargée de la rénovation d’un orgue datant de 1709. Restaurer les pièces anciennes d’un orgue peut parfois relever d’un vrai travail d’archéologue, car il faut réparer des pièces pour lesquelles il n’existe pas ou plus de plans.
Cuillère à forger
Ce que préfère Quentin Blumenroeder ? « Restaurer ou réaliser des copies exactes d’instruments d’exception et anciens. C’est un petit bout d’histoire de l’artisanat et des techniques. Et un sacré défi ! » Côté atelier, l’homme aime se réserver les tâches de forge comme la fabrication des cuillères, ces pédales qu’on actionne avec le pied, tout en bas de l’orgue. « Le processus prend deux bonnes heures , explique l’artisan. Une fois le fer chauffé à une température adéquate pour le rendre malléable, il faut le façonner à l’aide d’outils traditionnels comme le burin, la forge, l’enclume, le marteau et les pinces. » Chaque coup se doit d’être précis pour garantir la solidité et l’esthétique de la pièce. En guise de touche finale, le polissage, pour lisser la surface. « Ce sont des gestes que j’aime beaucoup réaliser, même si en étant chef d’entreprise, je fais aujourd’hui beaucoup plus de gestion que de réalisation », confesse-t-il.
Manufacture Blumenroeder 10, rue du Grenier, à Hagueneau blumenroeder.fr
« C'est un petit bout de l’histoire de l’artisanat et des techniques. Et un sacré défi ! »
l’autopartage dans le Grand Est
Par Caroline Lévy / Photos Christophe Urbain
C’est dans la rue de Zurich, au cœur de la Krutenau, que « Ma Ferme en Ville » s’est installée il y a tout juste un an. À sa tête : Jean-Michel Obrecht, un joyeux maraîcher et primeur qui est aussi un amoureux du vintage et qui parsème sa boutique d’objets surannés au gré de ses trouvailles. Pour imaginer ce lieu hybride, à mi-chemin entre l’épicerie fine et la brocante, il s’est inspiré de concepts parisiens qui ont osé franchir le pas de mixer leurs offres. Une sorte de bric-à-brac vitaminé, où le made in France est roi. À l’avant de l’échoppe, les bons produits maraîchers cohabitent avec la création artisanale locale et un peu d’art de la table, chiné en brocante ou sur Internet. Mais c’est au fond de la cour, dans un espace caché de 40 m² tout juste
investi, que l’on mesure la passion intarissable du maître des lieux pour le vintage : grands miroirs, boulier géant, meubles anciens, cruches en grès de Betschdorf… l’arrière-boutique semble venir d’un autre temps.
La ferme historique de Jean-Michel Obrecht est située à la campagne dans le village d’Handschuheim, à seulement 15 kilomètres de Strasbourg. Troisième génération d’agriculteurs (dans une ferme construite en 1760), il reprend le flambeau en 1996 et décide de bousculer les habitudes de l’exploitation familiale. Exit la production de tabac, de blé et les élevages, le maraîcher veut redonner toutes leurs lettres de noblesse aux fruits et légumes. Son chouchou : la framboise, dont la
culture et la récolte demandent technicité et précision. « C’est fin en goût et délicat, un peu comme moi ! » s’amuse l’agriculteur-chineur. Grâce à sa communication prolifique sur les réseaux sociaux – où il partage les coulisses de son métier –, l’agriculteur se fait connaître auprès des restaurateurs. Sa détermination, son audace et l’originalité de ses récoltes, notamment en herbes aromatiques (basilic japonais, géranium rosat, etc.) lui permettent de fournir des tables strasbourgeoises comme le Crocodile, Umami ou plus récemment ses voisines du Bistrot des Rosiers. Ma Ferme en Ville 58, rue de Zurich, à Strasbourg @jeanmichelobrecht
LE GAVEUR DU KOCHERSBERG
LE GAVEUR DU KOCHERSBERG
FERME NONNENMACHER
LE GAVEUR DU KOCHERSBERG
FERME NONNENMACHER
FERME NONNENMACHER
Eleveur & Gaveur - Foie Gras d’Alsace
Eleveur & Gaveur - Foie Gras d’Alsace
Eleveur & Gaveur - Foie Gras d’Alsace
Spécialités de Canard - Fabrication Maison
Spécialités de Canard - Fabrication Maison
Vente à la ferme - Asperges d’Alsace
Spécialités de Canard - Fabrication Maison
Vente à la ferme - Asperges d’Alsace
Vente à la ferme - Asperges d’Alsace
Vente à la ferme
Vente à la ferme
Vente à la ferme
Du lundi au samedi de 8h30 à 12h et de 13h à 19h sauf lundi 18h30 et samedi 17h
Du lundi au samedi de 8h30 à 12h et de 13h à 19h sauf lundi 18h30 et samedi 17h
Du lundi au samedi de 8h30 à 12h et de 13h à 19h sauf lundi 18h30 et samedi 17h
14 route de Hochfelden à Woellenheim — 03 88 69 90 77 gaveur-kochersberg.fr
variétés de jus & cidres, dont une gamme bio
de bouteilles produites par an
14 route de Hochfelden à Woellenheim — 03 88 69 90 77 gaveur-kochersberg.fr
14 route de Hochfelden à Woellenheim — 03 88 69 90 77 gaveur-kochersberg.fr
FABRICATION ARTISANALE ET LOCALE
Fromages frais • Pâtes molles
Pâtes pressées • Raclette
Crèmerie • Apéritif
Notre magasin de vente est ouvert :
Le lundi de 14h à 18h
De mardi à vendredi de 9h à 12h et de 14h à 18h
Le samedi de 9h à 12h 13 route de Strasbourg — 67770 SESSENHEIM 03 88
Par Lucie d’Agosto Dalibot / Photos Thomas Lang
« Ici, c’est une vraie chocolaterie », annonce d’emblée Etienne Gautreau en nous ouvrant la porte de son atelier, installé dans un des box du rez-de-chaussée de l’incubateur d’entreprises de Hautepierre. « Ça veut dire concrètement qu’on gère tout, de la sélection des fèves jusqu’à la création du produit final », complète Romain Gautreau, qui a rejoint son frère dans l’aventure entrepreneuriale Cacao Expérience il y a un peu moins de cinq ans. À l’origine du projet, Etienne, pâtissier et chocolatier de formation, qui après avoir voyagé aux quatre coins du globe a eu envie de lancer sa propre chocolaterie, « mais en bean-to-bar, donc de la fève à la tablette, parce que sinon, les chocolatiers travaillent tous un peu le même chocolat,
je trouve ça très impersonnel. Moi, je voulais avoir ma signature. » Dans sa petite chocolaterie artisanale, Etienne Gautreau torréfie donc lui-même ses fèves de cacao, « mais ça, ça ne s’apprend pas à l’école, donc je me suis un peu lancé à la débrouille », sourit-il.
Les fèves, justement, « on les sélectionne pour leur goût, mais surtout, on s’assure d’une provenance éthique et biologique », précise Romain Gautreau, graphiste de formation, qui gère toute la partie administrative de la petite entreprise et qui s’est bien sûr chargé des visuels apposés sur chaque tablette. « On est vraiment dans une démarche engagée. » Quand une matière première vient à manquer – comme le beurre de cacao en ce moment –,
la production s’arrête jusqu’au réassort. « Avant d’être en rupture, le prix de cette denrée avait triplé, ça devenait difficile de rentrer dans nos frais, mais pour nous, hors de question d’impacter nos clients en changeant nos tarifs. On encourage les gens à avoir une consommation plus responsable, le but n’est pas de les dégoûter. » Les deux frères aimeraient désormais pouvoir étendre leur chocolaterie et sont à la recherche d’un nouveau labo avec, pourquoi pas, un petit espace boutique : « Ça nous permettrait de continuer à former des apprentis et aussi de proposer des ateliers découverte. »
Cacao Experience 8, avenue Dante, bloc 10, à Strasbourg @cacaoexperience.chocolaterie
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Cultiver la vigne est affaire de terroir et de famille. C’est cette tradition qui a poussé Gilles Meyer et sa femme Noémie Meyer Ferré à faire d’une citation de Nietzsche la maxime du nouveau domaine qu’ils viennent de créer : « La famille est le lieu où l’on trouve les racines de notre bonheur et de notre joie la plus profonde. » Sainte Joie, le bien-nommé, en est la preuve.
Par Myriam Delon / Photos DR
Chez les Meyer à Saint-Hippolyte, la vigne se travaille depuis plusieurs générations. C’est désormais à Gilles Meyer, aux commandes depuis 2012 , de faire perdurer et évoluer leur domaine de 32 ha de sols argilo-calcaires et granitiques, répartis sur plusieurs communes nichées au pied du châ teau du Haut-Koenigsbourg . Féru de biodynamie expérimentale, il a depuis converti l’ensemble de ses vignes en agriculture biologique, tout en restant habité par la même passion pour l’excellence viticole que ses parents, Hubert et Claudine Meyer. Tisser un dialogue entre le passé et le présent en créant en 2022 le domaine Sainte Joie était une évidence pour Gilles et sa femme Noémie
Se faire une place
Nous avons demandé à celle qui a fait le choix d’abandonner sa fructueuse carrière dans le droit pour devenir une dégustatrice émérite et l’ambassadrice de la société, de nous raconter cette passion pour la vigne et nous expliquer comment
on dessine les contours d’un nouveau domaine viticole. Animée d’une énergie folle, Noémie s’est jetée à corps perdu dans des formations diplômantes d’excellence pour maitriser le savoir-faire de la filière viti-vinicole. Elle peut s’enorgueillir d’avoir acquis le niveau 3 du prestigieux diplôme « Wine & Spirit Education Trust » (WSET), la référence internationale pour découvrir et se spécialiser dans le monde du vin et des spiritueux, dont l’Académie Internationale des Vins en Alsace est l’un des seuls centres de formation français. Armée également d’un bachelor en communication digitale , une des clés essentielles aujourd’hui pour être capable de déployer un jeune domaine, elle prend à cœur de se constituer jour après jour un réseau de distributeurs triés sur le volet, avec le désir d’aller toujours plus loin depuis ses racines alsaciennes en se faisant connaître à l’étranger. Rien ne doit être un frein, et c’est pour Gilles et Noémie une joie infinie d’avancer avec ce patrimoine séculaire dont ils sont si fiers.
Vous venez de débuter l’aventure Sainte Joie. Noémie, pouvez-vous nous raconter comment on crée un nouveau domaine ?
N.M.F. Créer un nouvel établissement viticole est une aventure exaltante et complexe. Cela commence par une vision, une passion partagée pour la terre et le vin. Gilles et moi avons voulu tisser un lien indéfectible entre le passé et l’avenir, en valorisant l’héritage de notre famille tout en apportant une touche de modernité et d’innovation. Nous avons embrassé l’agriculture biologique et la biodynamie de maniè re exp érimentale pour respecter et magnifier le terroir. La création du domaine Sainte Joie a nécessité une stratégie minutieuse, du choix de la signature des vins, basée sur l’équilibre, la droiture
Les retrouver à Strasbourg
Maison Rouge Hôtel & Spa, Autograph Collection -> 4, rue des Francs-Bourgeois maison-rouge.com
Brasserie des Haras -> 23, rue des Glacières les-haras.fr
Maison Rose et Rouge -> 11, boulevard de la Dordogne maisonroseetrouge.com
Sainte Joie by Maison Meyer Saint-Hippolyte @sainte_joie
et surtout l’élégance, à la conception des étiquettes, en passant par l’élaboration de notre identité visuelle et digitale. La clé de notre réussite réside dans la recherche d’harmonie et de cohérence à chaque étape, tout en restant fidèles à nos valeurs et à notre quête d’excellence.
Vous signez une collection de plusieurs grands vins, quelles sont les « pépites » qui la constituent ?
N.M.F. Notre collection est le fruit d’un travail minutieux et passionné, chaque vin étant une expression vibrante d’un terroir. Nous voyons le vin comme un joyau français et nous n’avons pas hésité à nous aventurer dans deux autres vignobles, la Champagne et les Coteaux varois.
Sélection d’Alsace et d’ailleurs
Riesling Grand Cru Brand Un vin sec d’une grande pureté minérale et d’une grande complexité, reflétant la droiture des sols granitiques avec une belle aromatique sur les agrumes.
Gewurztraminer Vendanges
Tardives Avec ses notes de fruits exotiques et sa belle rondeur, c’est une véritable merveille pour les amateurs de vins doux.
Pinot noir Remarquable, il a beaucoup de corps et présente une belle robe foncée et des notes torréfiées et de moka. Son toucher de bouche velours est un réel plaisir gustatif.
Crémant d’Alsace Brut Nature Élaboré selon la méthode traditionnelle, il offre des bulles fines, parfaites pour les moments de célébration.
Rosé Gastronomique des Coteaux varois C’est un vin avec un vrai potentiel de garde qui laisse bouche bée les amateurs et en a converti plus d’un.
L’art de la joie selon le domaine Sainte Joie
Votre joie préférée ?
Celle de voir le regard émerveillé des dégustateurs découvrant nos vins pour la première fois.
Fou de joie, pourquoi ?
Parce que chaque vendange réussie est un miracle renouvelé, une célébration de la nature et du travail acharné de notre équipe.
Un hymne à la joie de vivre ?
« What a Wonderful World » de Louis Armstrong, qui chante la beauté et les merveilles du monde avec une simplicité et une profondeur touchantes, reflétant notre gratitude et notre émerveillement face à la nature.
N’en déplaise aux rabat-joie ?
Nos vins sont une invitation à l’optimisme. Nous croyons fermement que le vin a le pouvoir de rassembler, de créer des moments inoubliables et de célébrer la vie. À Sainte Joie, nous œuvrons pour offrir des expériences uniques, empreintes de générosité, qui transforment chaque dégustation en un moment suspendu.
Le temps passe, la joie demeure ?
Les souvenirs des vendanges, les rires partagés autour d’un verre de vin, ces moments de complicité et de bonheur simple restent gravés à jamais.
Une joie organoleptique ?
Le bouquet de notre Gewurztraminer Vendanges Tardives, avec ses arômes exotiques et épicés qui transportent dans un voyage sensoriel inoubliable.
La dernière joie du monde ?
Celle de laisser un héritage vivant, un domaine qui continuera à porter les fruits de notre passion et de notre travail pour les générations futures.
COLLECTION 100% CHOCOLAT ARTISANAL DISPONIBLE DANS NOS 3 MAGASINS
QUEL SERA LE PROCHAIN MEMBRE
HAGUENAU | SHOPPING PROMENADE | RIBEAUVILLÉ
Depuis sa création en 1921, le lycée AlexandreDumas, à Illkirch, a formé nombre d’étudiants aux métiers de l’hôtellerie, de la restauration et du tourisme. Si certains ont marqué les esprits, tous ont stimulé les palais. Visite de cette institution de l’éducation publique, en compagnie de son directeur.
Par Lucie D’Agosto Dalibot / Photos DR
Au lycée hôtelier Alexandre-Dumas, restaurant, cuisines et salles de classe sont juxtaposés. « Nous avons une activité de formation un petit peu spéciale ici puisqu’on produit des services et qu’on a une clientèle », explique le proviseur Patrice Brand, anciennement directeur du lycée GénéralLeclerc de Saverne. Avec son gigantesque restaurant d’application flambant neuf, ses postes de cuisine avec pianos gaz et induction, sa spacieuse zone pâtisserie et ses montagnes de marmites impeccablement rangées, le lieu laisse à penser qu’il s’agit ici d’une adresse « classique » où se rassasier... Mais derrière les tables bien dressées et les serveurs aux chemises immaculées se cachent des coulisses où les méninges
et les petites mains turbinent. « Ça reste un espace d’apprentissage où, en parallèle de leurs connaissances techniques, on inculque aux élèves le savoir-être. Ceux qui ne poursuivent pas dans le domaine de la restauration et de l’hôtellerie se retrouvent souvent dans le commerce parce qu’ils conservent les fondamentaux de la relation client, les entreprises sont friandes de nos profils », explique Frédéric Leichtnam, directeur délégué aux enseignements professionnels et technologiques, en poste au lycée depuis 37 ans.
Côté formations justement, le lycée Alexandre-Dumas est en bonne position avec toute une série de cursus de la 3 e préparatoire aux métiers jusqu’au BTS : on y trouve des cursus de CAP et bac pro en cuisine et service, un bac technologique STHR (sciences et technologies de l’hôtellerie et de la restauration, pour de futurs gestionnaires), un bac sciences et technologies de la gestion axé sur le tourisme, un BTS management de l’hôtellerie et de la restauration, et un BTS tourisme. Viennent s’ajouter à cette longue liste toute une série de certifications de spécialisation, qui débouchent après un an de formation sur des professions comme barman, traiteur, sommelier, organisateur de réception ou cuisinier spécialisé en desserts.
Cuisine de haute voltige
« Chaque année, nous pouvons accueillir jusqu’à 950 scolaires , précise Frédéric Leichtnam. Ce nombre nous donne l’opportunité de couvrir des événements majeurs comme le congrès des départements de France ou la remise des Étoiles Michelin. C’est l’occasion pour nos élèves de croiser leurs illustres aînés pour peutêtre travailler un jour chez eux. L’une de
« Un lycée hôtelier a ses codes, ses usages et ses habitudes »
nos anciennes promotions avait pu servir le pape et recevoir la visite de Paul Bocuse. Sur le moment, ils ne réalisent pas forcément, mais a posteriori, il y a inéluctablement une forme de fierté » Parmi les génies des promos antérieures à avoir eu de magnifiques carrières, on peut nommer Marc Haeberlin (chef doublement étoilé de l’Auberge de l’Ill), Nicolas Stamm-Corby (chef lui aussi deux étoiles de La Fourchette des Ducs), Romain Iltis (sommelier à la Villa René Lalique), Caroline Furstoss (sommelière passée par l’Auberge de l’Ill), Marion Goettlé (cheffe du Café Mirabelle à Paris) et bien d’autres, dont une partie est exposée
sur de petites affiches dans le « hall of fame » du restaurant.
« Nous savons pertinemment que nous formons nos étudiants à des métiers très exigeants. Plus vous visez loin, plus ça se complique, c’est une culture professionnelle très particulière, explique Patrice Brand. Un lycée hôtelier a ses codes, ses usages et ses habitudes. » Dans l’hôtellerie-restauration, à l’image de la gastronomie française, c’est souvent le très haut de gamme qui est visé par les élèves, bien qu’il ne représente qu’un pourcentage d’emplois marginal. « Les élèves peuvent être déçus très rapidement car ce niveau est souvent hors
d’atteinte. Néanmoins, il y a de la place pour tout le monde, assure le proviseur. La plupart partent en restauration ordinaire ou collective ; c’est le modèle qui représente le plus d’opportunités d’emploi et ce n’est plus ce qu’on connaissait avec la purée à la louche qui a du mal à se décoller [rires] , ça a grandement évolué et nous travaillons avec de belles sociétés locales dans l’espoir de changer cette vision. »
Une profession sous tension
Six mois après leur sortie du lycée, 65 % des étudiants ont trouvé un poste, toutes formations confondues. « Le pourcentage attendu est de 61 %. Nous sommes légèrement au-dessus mais ça ne veut pas dire que le marché se porte bien , explique le directeur. Il y a un fort besoin de maind’œuvre dans le domaine et nos élèves sont employables et très espérés sur le marché. » Pourtant, le secteur souffre aujourd’hui d’un manque d’attractivité et la demande surpasse le nombre d’élèves formés. « Les professionnels tentent d’adapter leur fonctionnement , soutient le directeur. Beaucoup n’ouvrent plus le midi, ne font plus de coupure. Ils sont nombreux à réfléchir à de nouveaux modes de management et à faire de très gros efforts, on ne peut pas leur jeter la faute. Malgré tout, actuellement, ce sont les jeunes qui choisissent leurs entreprises. »
Lycée hôtelier Alexandre-Dumas 2, rue Eugénie-Brazier, à Illkirch-Graffenstaden lyceealexandredumas.eu
De début octobre à mi-avril, il est possible – sur réservation – de savourer les bons petits plats confectionnés par les élèves qui, chaque jour, dressent 40 à 120 couverts au restaurant d’application du lycée, « la meilleure cantine de l’Académie de Strasbourg », comme la nomme Patrice Brand. Une cantine qui a récemment fait peau neuve, notamment du côté des espaces d’apprentissage et de préparation puisque les plateaux techniques se sont développés sur 4 500 m2 supplémentaires, transformant le lieu en un véritable « paquebot ». Ouvert uniquement le midi et en semaine, le restaurant propose un menu complet (amuse-bouche, entrée, plat, dessert et parfois un plat supplémentaire en fonction
de la progression pédagogique des étudiants) pour 29 à 33 €, hors boissons. « On fait un chiffre d’affaires de 180 000 à 200 000 € chaque année, mais on ne considère pas ça comme une activité commerciale puisqu’on le réinvestit automatiquement dans les matières premières en cuisine. Ça nous permet également d’augmenter la qualité des produits de certaines spécialisations, notamment celle des barmans ». Et en effet, à côté de leurs tableaux de cours et bureaux, les apprentis barmans ont un stock à faire pâlir n’importe quel troquet strasbourgeois ! « Au passage, vous retrouverez un petit peu de nous dans les cocktails du Code Bar à Strasbourg, ce sont d’anciens élèves », glisse le proviseur tout sourire.
Dernière parution
Chronique du temps qui passe, exercices d’admiration, Nicolas Comment
Photographe, auteur-compositeur
-> 35 € | 14,5x21 cm | 308 pages | 750 ex. -> 100 € | Édition spéciale de 100 exemplaires numérotés et signés : livre et photographie (14x20 cm), au choix parmi une sélection de 10 images.
Ces « Exercices d’admiration » – comme les nommait Cioran – ont été écrits au fil de la plume, sans prétexte d’actualité, ni ordre d’importance. Les chanteurs Yves Simon, Christophe 1 , Gérard Manset ou Philippe Pascal y côtoient des figures de l’underground français telles que l’écrivain JeanJacques Schuhl, les cinéastes Jean-Luc Godard 2 , André S. Labarthe et Marc’O ou bien encore la muse d’Helmut Newton, Arielle Burgelin. On y croise Jeanne Balibar, Edmonde Charles-Roux, Jacques Higelin, Bob Dylan ou Rodolphe Burger autant que Philippe Katerine 3 , Alain Bashung, Étienne Daho, Yannick Haenel ou Chloé Delaume sans autre choix que celui forcément capricieux de la magie des rencontres et du hasard photographique.
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Les mag’ Elle, Pilote, Lui, Le Point, Paris Match, Jazz magazine ou Lire, les éditions Marabout ou Gallimard… Rencontre avec Jean Alessandrini qui a contribué à donner ses lettres de noblesse à l’art graphique et typographique.
Par Emmanuel Dosda Portrait Thomas Lang
Partout dans son appartement strasbourgeois, des rangées de bouquins, d’hebdomadaires, de VHS, de magazines, de DVD… Gaston Lagaffe, Rio Bravo, Goscinny, Glen Baxter, Mickey, Ensor, Hatari, Sempé ou Saul Steinberg, l’un de ses maîtres… L’œil malicieux, Jean Alessandrini fouille dans une de ses bibliothèques pour dénicher un album des Aventures de Tintin jusqu’alors inconnu au bataillon : L’Horloge aux cinq aiguilles. « En 1983, à la mort d’Hergé, on décréta qu’on ne devait plus faire d’albums de Tintin , alors, par esprit de contradiction, j’ai réalisé cette fausse couverture et imaginé un scénario dans lequel le héros reporter visite le seul endroit où il n’était encore jamais allé : le futur ! »
À la marge
Considéré comme « un cancre » par ses parents et par ses professeurs car incapable d’arrêter de crayonner les marges de ses cahiers, le jeune garçon (né en 1942 à Marseille) se forge une solide culture dans les salles obscures, une bonne école alternative où il dévore comédies musicales, films en technicolor, westerns, Kubrick, Welles, Preminger… Le septième art actuel ? « Le cinéma d’aujourd’hui ressemble à Bruce Willis dans Le Sixième Sens de Shyamalan : il ne sait pas qu’il est mort ! » Hitchcock est celui qui le fascine le plus : « Alfred ne reculait devant rien ! » Le maître du suspense le marque au fer rouge, pour ses longs métrages, bien sûr, mais aussi ses fidèles collaborations avec le génial compositeur Bernard Herrmann ou, surtout, le graphiste Saul Bass, auteur de génériques, d’affiches et même de séquences animées pour La Mort aux trousses, Psychose ou Sueurs froides avec son vertigineux visuel tout en circonvolutions. Jean Alessandrini, qui a notamment édité Une histoire à spirales chez Grasset (1994), encense cette figure géométrique : le prodigieux « charme de la spirale, extraordinaire association de courbes », commente-t-il avec son sens aigu de la formule. Fou d’images et déjà en proie au « virus du perfectionnisme » qui ne le quittera plus, Jean entre à l’école d’arts graphiques Corvisart à Paris et découvre les gravures de Dürer, la Vénus de Botticelli, les toiles de De Vinci et toute la peinture de la Renaissance. Il se prend de passion pour le goût des formes, le dessin des lettres de l’alphabet et autres « divertissements graphiques ». Dès le début des sixties, il travaille dans la presse en tant que maquettiste, typographe et illustrateur. La méthode est artisanale : ciseaux et tubes de colle, loin de Photoshop et de l’intelligence artificielle. Paris Match, Lui, Elle… Ses créations « ne se nourrissent que de perfection. La facilité ? Jamais ! » Il s’enthousiasme pour tous les possibles du « monde de la lettre » : ses typos Akenaton ou Vampire (1969) sont « deux caractères de base » qu’il « colle » dans des magazines ou des projets éditoriaux comme la collection de polars de Marabout. Jean s’enflamme lorsqu’il évoque la lettre S, « le serpent et sa contorsion dynamique, la plus difficile à réaliser », ou le « g » minuscule « extrêmement complexe à dessiner ». Il voue un culte au point d’interrogation et aux chiffres 2, 5 et 8 aux courbes « très sympathiques ».
Abécédaires & bestiaires
Durant toute notre visite à son domicile, ce boulimique octogénaire ne cessera de courir dans tous les sens pour illustrer ses propos : couvertures de livres pour Marabout, exemplaires de Typomondo, sa revue des années 80, roman « Sherlock Holmes : compléments d’enquête » (2021), illustrations d’ouvrages pour la jeunesse, pages de journaux, jeux typographiques (ses mots images), numéro d’Alizarine Royale 2023, avec un élégant éléphant en couv’, ou dernières expérimentations graphiques : une pachydermique typo décrivant un autre éléphant, animal qu’il découvre à Marseille, tout petit, abasourdi, par l’existence « in vivo » d’une pareille créature. « Je vivais alors avec Sophie Kniffke, illustratrice strasbourgeoise qui, elle, dessinait des ours. Alors, je lui écrivais des histoires d’ours pour Grasset. » Sans coups de griffes ou prises de bec. « Les animaux cohabitent bien mieux que les humains ! »
que de perfection.
ABC du mot image 01, livre de mots images (abécédaire, livre de coloriage et livre-jeu), Éditions des Grandes Personnes editionsdesgrandespersonnes.com
Affiche de caractère Cléopâtre 02 (abécédaire de 1983 composé de détournements de hiéroglyphes), sérigraphiée en 2022 par Sarah Lang, présentée dans l’exposition « 10 ans de trésors : acquisitions patrimoniales 2014-2024 », jusqu’au 2 décembre à la Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg bnu.fr
Exposition « Jean Alessandrini, Aventures alphabétiques », du 15 janvier au 15 mars 2025 à la Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg bnu.fr
À bulles et à cris, on rugit de plaisir devant cette librairie indé et underground, spécialisée en BD, romans graphiques et micro-édition. Une jungle littéraire parsemée d’expos et d’échanges, à écouter sur le divan !
Les mots nous manquent… mais les pages aussi ! Au rayon des librairies indépendantes, il a fallu en tirer cinq au sort : voici leur sélection de livres d’ici, qui donnent envie d’ailleurs.
Un livre qui fait GRRR
Daniel Blancou, Un auteur de BD en trop, Sarbacane, 2020, 88 pages, 22,50 € Après des années sans connaître le succès, notre héros est soudain projeté sur le devant de la scène pour sa nouvelle BD révolutionnaire. Mais d’où lui vient cette inspiration soudaine ? Daniel Blancou signe une BD drolatique de mise en abyme de la création artistique, et mentionne même la librairie Le Tigre dans ses bulles !
Un roman pour buller
Une histoire onirique, pleine de mystère, et des illustrations grandioses qui signent une véritable lettre d’amour à la cathédrale strasbourgeoise. Une bande dessinée signée d’une pointure du dessin fantasy : le directeur artistique des films Le Seigneur des anneaux, un ancien étudiant de la HEAR.
Une B(onne) D(écouverte)
Tony Concrete, Majo no Michi : le sentier des sorcières, Dargaud, 2024, 288 pages, 13,50 €
Vera et Mary ont fait le serment de protéger la région. Mais que faire quand des énergies toxiques commencent à émaner de vieux bunkers enfouis dans la forêt ? Entre épopée à vélo et évocation des mangas de magical girls, cette bande dessinée fantastique fait la part belle aux paysages alsaciens, du temple de Donon à la cathédrale de Strasbourg. 36, quai des Bateliers librairie-letigre.fr
John Howe, Cathédrale, La Nuée Bleue, 2018, 40 pages, 15 €
À l’occasion des 40 ans de la sortie de Mythomane, le premier album d’Étienne Daho
1 artiste, 3 livres
Dahovision(s)
Sébastien Monod
32 € | 388 pages
Co-édité avec Médiapop
Hôtel des infidèles
Nicolas Comment 29 € | 52 pages | 37 photos
Variations Daho
Christophe Lavergne 26 € | 40 pages
chicmedias éditions shop.chicmedias.com
La Vitrine 14, rue Sainte-Hélène | Strasbourg Lun. – Ven. 13h30–18h30
Par Tatiana Geiselmann
Des caractères mobiles à l’impression 3D, Strasbourg s’appuie sur son histoire pour conjuguer au futur son goût pour l’imprimerie. La ville où Gutenberg élabora ses premières presses, labellisée cette année Capitale mondiale du livre, ambitionne de devenir d’ici à 2030 le nouveau pôle urbain de l’impression et des arts graphiques.
Tout comme la France dispute la paternité des frites à la Belgique, l’Alsace, elle, revendique celle de l’imprimerie. Certes c’est à Mayence, en Allemagne, que Gutenberg imprime en 1454 sa fameuse Bible à 42 lignes, « premier livre important imprimé en caractères mobiles dans le monde occidental ». Mais pour citer l’historien et professeur émérite de l’Université de Strasbourg, Georges Bischoff : « C’est à Strasbourg, pas ailleurs, que se trouvaient réunies les conditions même de son invention : un incroyable appétit de lecture boosté par le concile de Bâle, première véritable foire du livre d’Europe, […] la perfection des techniques métallurgiques et les investisseurs. » Pour lui : « Strasbourg est la mère de l’imprimerie. Gutenberg son géniteur. »
Une histoire de métal et d’encre
Originaire de Mayence, Johannes Gensfleisch (le vrai nom de Gutenberg) fuit sa ville natale autour des années 1430 en raison des troubles sociaux. Il s’installe à Strasbourg en 1434 – peutêtre même dès 1429 – et y reste jusqu’en 1444. L’orfèvre de métier, alors âgé de 35 ans, ouvre un atelier dans le secteur du couvent Saint-Arbogast (à l’entrée de l’actuel quartier de la Montagne-Verte). Boosté par la demande toujours plus forte de livres manuscrits et la présence de nombreuses fonderies, il tente de mettre au point une machine typographique qui pourrait reproduire mécaniquement les textes. Il teste, expérimente et mène diverses recherches, qui finiront par aboutir.
Fruit de la combinaison de plusieurs techniques, son invention finale puise dans l’utilisation de lettres mobiles en métal, interchangeables et réutilisables, plus solides que des tampons en bois, la fonte des caractères dans des moules à matrice, inspirée de l’orfèvrerie, la mise au point d’une encre qui ne traverse pas le papier et ne sèche pas trop vite, et l’utilisation d’une presse en bois, vraisemblablement inspirée des pressoirs à vin. Selon les spécialistes, un premier prototype aurait été réalisé dans la capitale alsacienne vers 1438.
Forcé de fuir Strasbourg à cause de problèmes judiciaires, c’est finalement de retour à Mayence, dans le Saint-Empire romain germanique, que Gutenberg imprimera sa première Bible, inscrivant 1454 comme la date clé de l’invention de l’imprimerie et l’Allemagne comme son berceau. Mais cette date pivot est à relativiser, selon l’historien et chercheur Olivier Deloignon : « Gutenberg est sans conteste un grand personnage historique, mais il ne fut pas, comme on se plait souvent à le résumer, le génie omniscient qui mis au point seul, par une intuition subite, l’imprimerie à caractères mobiles. Cette grande invention fut le fruit de longues expérimentations menées dans plusieurs ateliers », et notamment les ateliers strasbourgeois. « On a expérimenté longtemps et beaucoup dans les ateliers de prototypographes du xve siècle avant de trouver tardivement la bonne formule. »
L’association Espace européen Gutenberg s’est associée fin 2022 à l’entreprise strasbourgeoise Brave New Media, spécialisée dans les technologies immersives, pour créer une application mobile, entièrement gratuite, retraçant l’histoire de l’imprimerie à Strasbourg via un jeu de piste en réalité augmentée. Muni de son smartphone ou de sa tablette, on se glisse dans la peau de l’assistant fictif de Johannes Mentelin, qui nous emmène visiter les différents ateliers d’imprimerie de Strasbourg du xve siècle. Grâce aux effets 3D, on s’immerge au milieu des presses, des encres et des papiers, et on déambule dans les rues de la capitale alsacienne (et jusqu’à Kehl) pour un parcours d’un peu moins d’une heure. Une manière ludique de se familiariser avec l’histoire de l’imprimerie à Strasbourg.
espace-gutenberg.fr bravenewmedia.fr
Les premiers ouvrages issus des ateliers strasbourgeois font partie de la grande famille des incunables, ces livres imprimés avant 1501. Leurs précieux exemplaires sont conservés dans les différentes bibliothèques strasbourgeoises, au Grand Séminaire, à la bibliothèque André-Malraux, au Cabinet des Estampes, et surtout à la Bnu, la Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg, qui possède plus de deux milliers d’incunables, dont bon nombre sont alsaciens. D’autres sont aussi disséminés dans le reste de la région, notamment à Sélestat, au sein de la bibliothèque humaniste, et à Colmar dans la bibliothèque des Dominicains.
Le premier journal de l’Histoire
Non contente d’avoir permis l’invention de l’imprimerie (vous noterez la formule qui évite tout débat), Strasbourg est également le berceau d’une autre invention qui en découle et dont Zut est un digne héritier : le journal. Son nom : Relation aller Fürnemmen und gedenckwürdigen Historien - Relation de toutes les histoires importantes et mémorables, un hebdomadaire qui recensait les dernières nouvelles venues de toute l’Europe et lancé en 1605 par l’imprimeur strasbourgeois Johannes Carolus. Suivront ensuite d’autres journaux et une diffusion de plus en plus large de la presse, au point qu’en 1867 (nous faisons un grand bon dans l’histoire), « le Bas-Rhin est le département le plus alphabétisé de France, suivi de très près par le Haut-Rhin », indique George Bischoff. Charge à vous de faire perdurer cet amour de la presse !
An 1480 : l’édition en tête des tendances
Si on laissera aux historiens le soin de se quereller et d’apporter les preuves de la paternité alsacienne de l’invention de l’imprimerie, ce qui est sûr en tout cas, c’est que la machine révolutionnaire va profondément marquer Strasbourg. Dans la deuxième moitié du xve siècle, les imprimeries ouvrent les unes après les autres, en particulier du côté des actuelles rues de l’Épine et de l’Ail. La première est celle de Johannes Mentelin, ancien enlumineur, calligraphe et notaire qui ouvre son atelier dès 1458, imprime à son tour une Bible en latin en 1460 puis une deuxième – la première en langue vernaculaire (l’allemand à l’époque) – en 1466. D’autres imprimeurs suivront, comme Heinrich Eggestein, Adolf Rusch, Heinrich Knobloch et Johannes Grüninger. « Entre 1480 et 1600, l’engouement pour l’édition est tel que 6 000 titres paraissent à Strasbourg », souligne Georges Bischoff. Le papier dont ils se servent est principalement fabriqué à Bâle, en Suisse voisine, où des moulins à papier ouvrent en bordure du Rhin pour satisfaire la demande alsacienne. L’un d’eux, créé dès 1453, continue d’ailleurs de témoigner de ce riche passé pré-industriel sous forme de musée, dont on vous conseille grandement la visite. Plus de 600 ans après l’invention de l’imprimerie, Strasbourg est restée fidèle à la galaxie Gutenberg. Aujourd’hui, la ville compte plus de 40 maisons d’édition, 59 bibliothèques et 25 libraires. Si les machines d’impression en bois ont d’abord été remplacées par de la fonte, puis désormais par le numérique, la capitale alsacienne est restée à la pointe et son amour pour les métiers de l’imprimerie est loin de s’étioler...
Mêler culture et industrie des métiers de l’impression et des arts graphiques au sein d’un seul et même pôle : voilà le nouveau projet de l’Eurométropole de Strasbourg, qui souhaite créer un hub de l’impression 4.0 sur le site de la Coop. Vous n’avez pas tout compris ? On vous explique.
Le projet est dans les cartons depuis déjà plus d’un an et si tout se passe bien, on devrait voir les premières grues s’activer sur le site de la Coop d’ici un an ou deux. Son nom : Agoratrium, un patronyme provisoire pour un lieu bien réel. Comme on peut le
lire sur le site de l’Eurométropole, l’objectif est de « structurer une filière économique innovante dans le domaine de l’impression et des arts graphiques, en capitalisant sur le riche patrimoine, les techniques, les savoir-faire, et les métiers de l’imprimerie et des arts graphiques présents sur le territoire ». Autrement dit, il existe à Strasbourg un écosystème foisonnant autour des métiers de l’impression (comme vous allez le découvrir au fil des pages de ce magazine) et rassembler ces acteurs au sein d’un seul et même lieu leur permettrait de mutualiser leurs moyens et tisser des ponts entre leurs différentes compétences.
Patrimoine d’imprimerie
Le projet Agoratrium s’appuie initialement sur un autre, porté depuis longtemps mais à plus petite échelle par l’Espace européen Gutenberg. L’association, qui fête ses 20 ans cette année, est née de la volonté de préserver le patrimoine d’imprimerie alsacien. « Avec l’arrivée du numérique, les imprimeries ont commencé à fermer et les machines, mais aussi le savoir-faire des imprimeurs, étaient en train de disparaître », retrace Laurine
Sandoval, actuelle directrice de l’association. Acquérant à travers toute l’Alsace ces pièces destinées à la casse, l’association s’est constitué un impressionnant fonds d’une centaine de presses et de milliers de caractères typographiques et de tampons de bois gravés. « L’idée, c’est d’en restaurer certaines pour que les entreprises et les particuliers puissent les utiliser. » Rien ne sert d’entreposer les machines dans un musée, mieux vaut créer des ateliers où elles seront utilisées. C’est ce que fait l’association à l’occasion de la Fête des imprimeurs – qu’elle a relancée pour la première fois en 2013 et qui vient de tenir fin juin sa cinquième édition – en organisant des démonstrations sur la place publique. « L’ambition, c’est aussi d’expérimenter de nouvelles techniques », complète Laurine Sandoval. D’où l’idée de s’associer à l’entreprise Fabeon.
Connecter artisanat et industrie
Créée fin 2022 et implantée dans le parc d’innovation d’Ilkirch, l’entreprise Fabeon semble de prime abord aux antipodes des presses de l’Espace européen Gutenberg. Spécialisée dans l’impression numérique, la firme forme les industriels mais aussi les jeunes diplômés [voir notre article p. 88] à utiliser les tous derniers bijoux technologiques du monde de l’impression. Grâce à ces équipements dernier cri, elle imprime n’importe quel motif sur n’importe quel support, mais crée aussi des objets entiers grâce à d’imposantes imprimantes 3D. « En mêlant nos deux savoir-faire, on pourra connecter l’artisanat et l’industrie dans un seul et même lieu et faire vivre les métiers de l’imprimerie », explique Laurine Sandoval. Un lieu où tourneraient à l’unisson les anciennes presses alsaciennes de l’Espace européen Gutenberg et les imprimantes nouvelle génération de l’entreprise Fabeon.
Un laboratoire de créativité
Mais alors l’Eurométropole dans tout ça ? « Tout ce qui est imprimerie, ça faisait déjà partie des filières que l’on soutenait », nous éclaire Magali Fischer, chargée de mission Économie créative au sein de l’Eurométropole et en charge du dossier Agoratrium. « On soutient aussi une autre filière, qui est celle des industries culturelles et créatives (ICC). Sauf que cette filière-là n’est pas ou peu structurée. Ce sont des petits acteurs disséminés partout dans la ville, qui sont extrêmement inventifs, mais qui ne bénéficient pas d’une bannière commune. » D’où l’idée de les intégrer au projet, car comme le prouve le dispositif Tango&Scan depuis plusieurs années, faire se rencontrer des acteurs de différentes filières favorise l’innovation et la création.
À l’échelle de l’Eurométropole, plus de 3 200 établissements relèvent des ICC. « Les industries culturelles et créatives disposent d’un savoir-faire technologique dans les domaines du print, de la 3D, de l’illustration, de l’audiovisuel, du design, du jeu vidéo, du cinéma, des images immersives et de la réalité augmentée », énumère la chargée de mission. Tous ont un lien avec les métiers de l’impression ou pourraient la faire vivre ; l’application Via Impressio [voir encadré p. 54] en est un parfait exemple. « En créant un pôle régional de l’imprimerie et des arts graphiques, on va donner naissance à un véritable laboratoire de créativité et d’innovation », se réjouit Magali Fischer.
En lice pour le financement
En février dernier, l’Eurométropole de Strasbourg a donc candidaté à un appel à manifestation d’intérêt (AMI) lancé par l’État dans le cadre de son plan France 2030. Concrètement, cet AMI permet aux projets retenus de bénéficier d’un soutien financier de la part de la Banque des territoires, de l’ordre de 3 millions d’euros.
Eurométropole de Strasbourg
C’est elle qui porte le projet auprès de la Banque des territoires.
Fabeon À la fois école de formation, incubateur de start-up et FabLab, Fabeon accompagne les professionnels vers la transformation numérique et environnementale de l’impression 2D et 3D.
L’Espace européen Gutenberg Créée en 2004, l’association Espace européen Gutenberg rassemble des professionnels et des passionnés de l’imprimerie et des arts graphiques.
Accro L’Action pour un développement créatif des organisations est un réseau qui accompagne le développement des industries créatives et culturelles.
Semia L’association Sciences, Entreprise et Marché, Incubateur d’Alsace est un incubateur de start-up mutualisé des Universités, des établissements scientifiques et des acteurs économiques strasbourgeois.
Les Ateliers Eclairés Tiers-lieu créatif installé à la Coop, les Ateliers Eclairés fabriquent et mêlent arts numériques, art visuel et artisanat.
La Frémaa La fédération des métiers d’arts d’Alsace défend et représente les savoir-faire des artisans d’art du territoire alsacien. Elle rassemble près de 170 professionnels.
Quest for change Réseau d’incubateurs de start-up, Quest for change accompagne les entrepreneurs dans le lancement de leur start-up.
La French Tech Est L’association French Tech Est est un collectif d’entrepreneurs, qui rassemble et soutient les start-up de la région.
Université de Strasbourg L’Unistra est une institution d’enseignement supérieur, qui comprend pas moins de 700 formations et plus de 70 unités de recherche.
SERS La Société d’aménagement et d’équipement du Rhin supérieur est une entreprise publique locale qui accompagne et met en œuvre des projets d’urbanisme.
Le projet Agoratrium a déjà remporté la première étape, à savoir la pré-sélection de son dossier, qui lui a donné droit à une enveloppe de 75 000 euros pour lancer la deuxième phase, qui arrive à échéance à la rentrée, et qui consiste à consolider le dossier. « C’est la phase de diagnostics : on repère quels sont les acteurs qui pourraient entrer dans le projet, on consolide le choix du site [en l’occurrence deux espaces de la Coop, Coopactive et Coop 100, ndlr] , on établit la gouvernance, on détermine les statuts », détaille Magali Fischer. Il faudra ensuite patienter jusqu’à l’été 2025, pour savoir si le projet remporte son financement. « Ce financement, ce n’est qu’un coup de boost, le lieu démarrera grâce à des ressources publiques mais à terme, il faut qu’il fonctionne de manière autonome. » Celui-ci devrait comprendre un espace muséal, une micro-usine, un laboratoire de recherche, des espaces de formation, des salles de conférence, des lieux d’exposition, des lieux de coworking, un hébergement d’entreprises, des ateliers, un café et une boutique. De quoi dynamiser encore plus le quartier de la Coop, déjà bien bouillonnant en termes de créativité et d’innovation.
Parchemins, manuscrits, affiches, cartes. Le fonds historique de la Bnu de Strasbourg est si précieux qu’il relève d’un caractère national. Une richesse patrimoniale que l’atelier de conservation et de restauration de la Bnu s’attèle à préserver des affres du temps.
En France, seules deux bibliothèques sont auréolées du qualificatif « nationale ». La Bibliothèque nationale de France (BnF), à Paris, et la Bibliothèque nationale et universitaire (Bnu) de Strasbourg. Si la Bnu s’est vu glorifier de ce titre, c’est en raison de son histoire : celle d’un phoenix renaissant de ses cendres dans les années 1870, bénéficiant d’un élan de solidarité exceptionnel pour reconstituer son fonds, perdu dans un incendie.
Aujourd’hui, l’établissement dispose de près de quatre millions de documents : les livres et magazines que nous consultons lors de nos passages dans l’imposant bâtiment de la Neustadt, et ceux, bien plus nombreux, cachés dans les profondeurs du vaisseau, les tablettes cunéiformes de l’époque mésopotamienne, les manuscrits médiévaux ou encore les alsatiques, consultables uniquement sur place. Mises bout à bout, ces collections occupent près de 70 kilomètres de rayonnage. Un précieux savoir que bichonnent des conservateurs-restaurateurs cachés dans un atelier au sein de l’établissement.
Dans les entrailles du bâtiment
Bien qu’on y soit allés plus d’une fois, impossible de vous dire quel chemin il faut suivre pour atteindre cet atelier, tant il nous a fallu emprunter de couloirs et de marches, entrecoupés de portes. Ils sont cinq à travailler dans ces 180 mètres carrés d’espace, remplis de machines pour moitié très anciennes, pour moitié dotées de technologie moderne. Dans un coin une cisaille, ainsi qu’une presse, dans un autre une loupe binoculaire qui « permet de voir en détail l’état de la couche picturale des documents », nous éclaire Thierry Aubry, chef de travaux de l’atelier de conservation-restauration.
Autre instrument imposant et étrange : la table aspirante, sorte de grand établi surmonté d’une plaque de verre : « Ça nous permet d’aplanir les documents et de combler les trous. Si on a par exemple un parchemin qui s’est gélatinisé, qui a durci, on va venir relaxer la fibre en pulvérisant de l’eau, puis le mettre sous tension avec des aimants, pour le remettre à plat. » Des étapes qui demandent minutie et patience, et qui semblent bien correspondre au caractère tranquille de notre guide.
Environnement contrôlé
« Le cœur de notre métier, c’est la conservation préventive et la conservation curative , détaille Thierry Aubry, la conservation préventive, c’est tout ce qui touche à l’environnement des livres, la température de stockage, l’humidité, la présence d’insectes, la poussière... » Avec son équipe il veille à ce que les documents soient stockés dans de bonnes conditions, leur crée des boites en carton pour protéger la couverture et les nettoie pour éviter les moisissures.
Restauratrice du patrimoine depuis près de dix ans et membre de l’atelier, Marie-Hélène Boini s’affaire sur des fragments de papyrus qu’elle dépose à l’aide d’une pince sur une plaque de verre rectangulaire. « Je vais les maintenir en place avec une bandelette de papier encollé, puis mettre une seconde plaque de verre dessus, pour les protéger. » Pour les préserver de la lumière, les papyrus seront ensuite placés dans un écrin ouaté.
Travailleurs de l’ombre
Nous entrainant sur un autre poste de l’atelier, Thierry Aubry poursuit ses explications : « La conservation curative, c’est tout ce qui concerne l’entretien : on va stabiliser les dégradations pour remettre le document dans un état de consultation. » En d’autres termes, panser les plaies : reconstruire la reliure d’un livre dont des feuilles se détachent ou venir combler les trous sur une page en gruyère. Penchée sur un livre aux écritures arabes, c’est la tâche qu’Inès Genty, en stage à l’atelier, s’est vue confier. « Certains cahiers sont en train de se désolidariser du livre et si on le laisse en l’état, il y a un risque qu’on perde des feuilles pendant la consultation, explique la jeune fille de 22 ans. Avec un fil de lin, je recouds les blocs, en reprenant les trous d’origine. » Le fil qui maintenait initialement les feuillets est laissé tel quel dans le livre et n’est surtout pas coupé, afin de préserver l’aspect et les informations originale de l’ouvrage. « Ce qu’on apprend ici, c’est à intervenir le moins possible, se mettre en retrait, explique le chef d’atelier. À la grande différence des artisans qui partent d’un produit brut et le transforment en produit fini, nous, nous partons d’un produit déjà fini qu’on veut altérer le moins possible. » Restaurer sans dénaturer, c’est la règle d’or de l’atelier, qui œuvre dans l’ombre pour rendre son travail le moins visible possible.
Papier chiffon, papier buvard, papier japonais… La fameuse chanson des « P’tits papiers » de Régine aurait pu être écrite pour l’Atelier Imago. Dans ce lieu de création ouvert aux artistes comme aux particuliers, gravure, lithographie et reliure d’art magnifient, chacun à leur manière, ce support.
Par Fanny Laemmel
Photos Thomas Lang
On ne tombe pas par hasard sur l’Atelier Imago. Niché au fond d’une impasse du dédale que constitue le parc Gruber à Koenigshoffen – ce grand pôle artistique en périphérie de Strasbourg – le lieu mérite largement le détour. Cet après-midi de juin, l’atelier est en pleine activité. Il y règne pourtant un quasi-silence, que seuls viennent perturber les sons des pointes grattant les plaques de zinc : six artistes sont concentrés sur leur production respective, les mains noircies par l’encre. Ouvert depuis 2018, cet espace dédié au travail de la gravure et à l’impression d’estampes a été imaginé par Alban Dreyssé. D’abord installé dans 30 m2 , l’artiste graveur et imprimeur d’art occupe depuis 2022 un vaste espace de 140 m2 qu’il partage avec deux autres créatrices : une lithographe, Florencia Escalante, et Léa Hussenot, relieuse d’art. Sur les murs de l’atelier, les œuvres produites in situ via trois techniques différentes cohabitent, avec l’impression comme dénominateur commun.
Les mêmes outils que Dürer
Alban Dreyssé pratiquait initialement le dessin et la peinture, jusqu’à sa rencontre avec la technique de la gravure. « Ça m’a tellement fasciné que je ne voulais plus faire que ça. C’était un coup de foudre ! » s’exclame l’artiste. C’est désormais son activité principale, qu’il décline entre cours et ateliers tout public, créations personnelles, impressions pour artistes et accueil de résidents. « L’estampe [le résultat de l’impression d’une gravure sur une feuille] est à cheval entre l’artisanat et l’art », explique-t-il. Lui-même pratique deux
procédés de gravure et est intarissable en la matière. D’abord la taille douce, qui consiste à graver des plaques de cuivre ou de zinc avec une pointe sèche. « Tous les grands artistes sont passés par là, c’est tellement formateur ! Dürer, Picasso… C’est un médium d’expression très pertinent, car la gravure, ça apprend à dessiner », explique Alban Dreyssé. Le support, les outils, les encres sont précieux : « Ce n’est pas comme dessiner sur une feuille de papier, surtout si on opte pour le cuivre. On est dans la noblesse des produits. D’ailleurs, la composition des encres n’a pas changé depuis cinq siècles. »
Taille-douce, taille d’épargne
Vous l’aurez donc compris, on ne se lance pas dans la technique de la taille-douce sans avoir réfléchi son sujet. Il existe cependant d’autres méthodes de gravure sur des matériaux moins onéreux, comme la gravure sur lino, également pratiquée à l’Atelier Imago. Le rendu, certes différent mais pas moins fascinant, suscite l’engouement du grand public depuis quelques années. Pour preuve : les différents ateliers proposés par Alban Dreyssé ne désemplissent pas. « Dans ce genre de pratique, le temps prend tout son sens, ce sont des procédés qui nécessitent de la lenteur. Les gens qui viennent ici savourent le fait d’être déconnectés », décrypte le gérant des lieux. La technique utilisée ici est celle de
« L’estampe est à cheval entre l’artisanat et l’art »
la taille d’épargne. Cela signifie que la partie taillée laisse apparaitre le motif qui sera imprimé à la façon d’un tampon. Elle s’oppose à la taille-douce dans laquelle l’encre se dépose dans les creux et non sur la surface. Dans les deux cas, la matrice (sur lino ou métal) est d’abord encrée puis déposée sur une presse, recouverte d’un papier (fait de coton et humidifié s’il s’agit de taille-douce), puis l’imprimeur actionne la presse qui permet à l’encre de se déposer sur la feuille. À la fin, on soulève et on découvre le résultat. « Il y a beaucoup de magie », sourit Alban Dreyssé.
La cuisine de la lithographe
Les presses de l’Atelier Imago permettent d’imprimer depuis des matrices de lino, de zinc, de cuivre ou encore de bois. Mais dans la pièce principale, un autre type de presse attire l’œil, avec sa grande hélice de bois qui permet de l’actionner comme on tournerait un gouvernail. C’est celle de Florencia Escalante, qui pratique la lithographie. L’engin date de 1830 et la technique, les gestes tout comme le matériel se sont transmis à travers les époques. En lithographie, on utilise une pierre calcaire comme support pour la matrice et, à la manière d’une ardoise, celle-ci peut servir de nombreuses fois : un dessin vient en remplacer un autre avant d’être à son tour effacé. Ce que Florencia Escalante aime particulièrement dans cette technique singulière, c’est « la partie cuisine » qui fait se succéder sur la pierre une encre à base de savon et de cire, de l’acide citrique, puis de la gomme arabique. Pour certaines créations, l’artiste-artisane peut effectuer jusqu’à douze passages de couleurs. « Le dessin se construit par accumulation », explique la lithographe qui propose elle aussi des ateliers d’initiation.
Papiers reliés et livres objets
Dans la partie la plus proche de l’entrée se cache la troisième artiste permanente de l’Atelier Imago : la relieuse d’art Léa Hussenot. Dans cette petite pièce, l’artiste et enseignante à la HEAR travaille sur ses créations personnelles. Elle pratique également l’impression mais pour mieux la relier ou la mettre en boîte. Cette amoureuse des beaux papiers les convertit en véritables objets d’art aux formes les plus diverses : livre-objet à poser ou à suspendre, diorama à ranger dans sa boîte, papier suspendu ou sous verre… Les pièces sont uniques ou produites en petit nombre. Léa Hussenot développe aussi des projets en collaboration avec des artistes pour produire des « o bjets exceptionnels », comme ce « leporello » qu’elle déplie délicatement : un livre-accordéon qui laisse apparaître des impressions colorées. La relieuse anime des ateliers de couture japonaise, invitant ses apprentis relieurs à confectionner de petits carnets. Une technique accessible qui permet aux participants de repartir au bout de deux heures d’atelier avec deux carnets reliés.
Atelier Imago
91 C, route des Romains, à Strasbourg @atelier_imago_estampes
Sérigraphie, risographie, typographie, offset... Vous n’y comprenez rien ? Nous non plus. L’écosystème
de
l’imprimerie
est un vrai labyrinthe pour les non-initiés. Zut se glisse donc dans les ateliers des spécialistes de chaque technique, pour en comprendre les spécificités.
Par JiBé Mathieu Photos Pascal Bastien
-> La sérigraphie Avec Lézard Graphique
« L’entreprise est unique en France, voire en Europe de l’Ouest », explique d’emblée Frédéric Rose, dirigeant depuis sept ans de Lézard Graphique. Fondée il y a quarante ans par Jean-Yves Grandidier, la société s’est forgé une renommée mondiale en termes d’impression sérigraphique, au point de passer en 2002 de 100 m2 de surface à Strasbourg à 1 300 m2 à Brumath. Plusieurs grands noms de l’image font régulièrement appel au savoir-faire de l’entreprise pour donner forme à leur imagination. Parmi eux, Tomi Ungerer – de son vivant – et, désormais, l’Association des Amis de Tomi Ungerer, Fanette Mellier ou encore Vincent Perrottet, qui n’hésite pas à mettre l’atelier en valeur sur son propre site.
Si la sérigraphie se voit aujourd’hui accoler l’étiquette de mode d’impression à vocation culturelle voire artistique, la technique remonte pourtant loin dans le temps. Le procédé serait né en Chine, au tournant du premier millénaire. Les matériaux ont certes évolué, mais le principe reste peu ou prou le même : la sérigraphie fonctionne à la manière d’un pochoir, obtenu au moyen d’une réaction chimique.
Lézard Graphique 195, avenue de Strasbourg, à Brumath @lezardgraphique67
Émulsion photo-sensible
On vous explique. D’abord, on enchâsse dans un cadre en bois ou en aluminium – on parle alors d’écran – une toile de tamisage aux mailles plus ou moins serrées, selon la finesse de l’impression que l’on souhaite obtenir. On y tartine ensuite à la raclette une émulsion qui réagira à la lumière – on dit qu’elle est photosensible. Dernière étape, le sandwich : comme le négatif d’une photo, on place le dessin inversé de ce qu’on souhaite imprimer sur la toile et on y met de la lumière. Celle-ci traverse le papier transparent et durcit l’émulsion, qui devient imperméable sauf à l’endroit du dessin noir opaque où l’émulsion ne durcit pas. Un petit rinçage et hop, on a notre pochoir. Vous suivez ? Ne reste plus qu’à appliquer l’encre sur toute la longueur de la toile. L’encre traverse la soie et imprime le motif, sauf sur la zone du pochoir.
Couleurs éclatantes et métallisées
Dit comme ça, l’affaire parait bien compliquée, on vous l’accorde. Mais à en croire les spécialistes, il s’agit de l’un des procédés d’impression les plus faciles à mettre en œuvre chez soi. Mais alors, Lézard Graphique dans tout ça ? « Notre spécificité, c’est d’offrir des palettes de couleurs éclatantes, parfois même fabriquées sur mesure », nous éclaire Frédéric Rose. « Nous pouvons déployer des teintes standards, fluos, et même des coloris métalliques, comme le chrome, l’or ou l’argent. » Autrement dit : ça claque ! « Une teinte métal apporte la touche qui fait toute la différence », confirme-t-on du côté de l’atelier. « Le rendu est plus lumineux car ce sont des tons directs », abonde Frédéric Rose.
Clients du monde entier
Cette approche singulière a souvent amené Lézard Graphique à dépasser les limites de sa discipline : tirages hors normes, expérimentations techniques, innovation… autant d’aventures graphiques qui ont permis à l’entreprise de bâtir sa réputation.
« Nous avons même des clients au Texas ! » fanfaronne le patron. « Globalement, 70 % de nos impressions sont pour le milieu de la culture, 15 à 20 % sont des tirages d’art, le reste relève de l’impression plus classique » – comme ces grandes affiches en 120 x 180 centimètres, annonçant les soldes de l’été et tout juste sorties de la sécheuse UV.
Les procédés d’impression, Pierre Faedi les a découverts presque par hasard, en marge de son bac pro en arts graphiques. « On nous préparait aux métiers de la publicité. Je ne pensais pas que ces connaissances allaient me servir. » Les choses se précisent à son entrée aux Beaux-Arts. « Il y avait des presses typographiques, des caractères en plomb, de la linogravure. » Mais ce n’est qu’après son arrivée à la Haute École des arts du Rhin de Strasbourg que l’idée d’allier son goût pour l’illustration et l’envie de produire des livres prend corps. « L’association Central Vapeur cherchait une personne pour produire des images imprimées. » La boucle était bouclée.
Invention japonaise
« Le procédé Riso offre un grain, une trame qui lui donne un aspect plus esthétique »
Du petit atelier bricolé à Rotonde à son installation au sein de la Coop, d’où il gère désormais Gargarismes – maison d’édition associative qu’il a fondée – Pierre Faedi est devenu une référence. En sérigraphie mais surtout en risographie. « Il s’agit aujourd’hui de l’une de mes activités principales. » La riso… quoi ? « Le duplicateur Riso est un procédé inventé par les Japonais qui s’est démocratisé dans les années 1980, notamment au sein des associations, des paroisses et des syndicats. » Notamment parce qu’il permettait de dupliquer rapidement les tracts et les programmes à moindre coût (l’histoire se passe avant l’avènement du photocopieur, que nous connaissons tous). « Les Riso ont commencé à arriver dans les MJC et c’est là que les artistes et les graphistes s’en sont emparés. » À l’instar de Pierre Faedi qui bidouille ses premiers duplicateurs d’occasion.
Une couleur à la fois
Selon la définition générique, la risographie est « une impression en ton direct et à froid ». Concrètement, cela signifie que la machine ne peut imprimer qu’une couleur à la fois, que les cartouches d’encre doivent être changées entre chaque passage et qu’il faut laisser au papier le temps de sécher. Si l’impression est parfois imparfaite – puisqu’un léger décalage peut survenir entre chaque couche de couleur –, c’est aussi ce qui donne son charme au rendu. « Le procédé Riso offre un grain, une trame qui lui donne un aspect plus esthétique », estime Pierre Faedi. Pas pour rien que les écoles d’art s’en emparent !
Gargarismes
2, rue de la Coopérative, à Strasbourg
@gargarismes
Tirage sur papier épais
En impression riso, les couleurs primaires n’existent pas. « On utilise des encres spécifiques à base d’huiles végétales, de soja ou de riz. » Comme pour la peinture à l’huile, les couleurs ressortent particulièrement brillantes. En contrepartie, le choix du papier est plus limité : il faut qu’il soit assez épais et qu’il contienne un maximum de fibres naturelles pour laisser pénétrer l’encre. Le résultat d’impression se situe entre la sérigraphie (reconnaissable grâce à ses couleurs vives) et l’offset (pas de panique, on vous en parle juste après). Certes, en termes de papier, le procédé est plus limité que la sérigraphie, mais il permet de produire un nombre de tirages plus conséquent. « C’est entre 50 et 100 exemplaires que la risographie trouve son intérêt. Au-delà, mieux vaut passer par l’offset ! »
Prix abordables
Que ce soit en sérigraphie ou en risographie, Pierre Faedi travaille essentiellement pour le secteur culturel : illustration, graphisme, édition et, à l’occasion, cinéma. « Le format de l’association leur permet d’accéder à des impressions de qualité à prix abordable », se réjouit celui qui aime mettre son savoir au service des autres en enseignant les techniques d’impression.
Quinze ans de collaboration avec Zut, voilà de quoi cristalliser une relation. Surtout qu’entre Henrique Monteiro, cadre commercial chez Ott – notre imprimeur –, et Bruno Chibane, fondateur du magazine, l’accointance remonte à plus loin encore. « Nous travaillons ensemble depuis les années 90 », assure le premier. « Parce que c’était lui, parce que c’était moi », dirait l’illustre Montaigne. Mais aussi parce que l’imprimerie centenaire de Wasselonne répond en tous points aux besoins de l’éditeur : en tant qu’entreprise locale et engagée, conjuguant l’improbable exploit d’être artisanale en mode offset, le procédé d’impression le plus répandu pour les grands tirages, car économique et rapide. D’où son succès.
Plaquer l’image
Inspiré de la lithographie, l’offset moderne pratiqué par Ott a été créé au début du xxe siècle aux États-Unis. Le principe ? L’encre est transférée sur le papier grâce à un jeu de plaques, en aluminium pour la première, en caoutchouc pour la seconde, appelée « blanchet ». C’est sur la première (celle en alu, restez concentrés), que l’image et le texte, envoyés sous forme de fichier numérique, sont gravés. Une fois les plaques (au pluriel, car il en faut une par couleur) calées dans la machine, elles sont humidifiées puis encrées. Grâce à un jeu complexe de répulsion/attraction de l’eau et de l’encre, seule la partie gravée va garder la couleur. À la manière d’un double tampon, l’encre se transfère ensuite sur le blanchet, puis du blanchet sur la feuille. D’où ce nom : offset venant de l’anglais « to set off » à savoir « reporter », en l’occurrence, l’image d’une plaque initiale jusqu’au support imprimé.
Rien ne se perd, tout se transforme Si le procédé semble à première lecture un peu chimique, Ott peut se targuer d’être « une entreprise éco-socio-responsable », comme l’affirme Henrique Monteiro. L’imprimerie passée par trois générations de Ott fait office de première de la classe avec son chapelet de certifications, toutes plus exigeantes les unes que les autres. « Ott fonctionne en économie circulaire : tout ce qui entre jamais ne ressort dans aucun effluent. Les rognes de papier sont broyées et transformées en “ carottes ” pour être valorisées, nos emballages de palettes sont compactés, les bidons d’encre repartent dans une chaine de valorisation du métal, les plaques en aluminium sont recyclées, les chiffons lavés ou recyclés. » Une gageure pour une entreprise déployée sur 9 000 m2 employant 68 personnes, sans compter les intérimaires.
30 tonnes de papier par jour
Catalogues, dépliants, brochures, affiches, chemises, étiquettes, packaging et bien sûr magazines… Chez Ott, tout est prévu, de la découpe, au collage en passant par le façonnage des produits finis. « Nous utilisons des machines ultra-modernes avec un séchage par lampes LED. Une technologie extrêmement récente. Nous sommes d’ailleurs un des acteurs majeurs dans ce domaine », assure Henrique Monteiro. Chez Ott, les machines Komori, longues de plusieurs mètres, passent 30 à 40 tonnes de papier… par jour. En trois-huit. De quoi en feuilleter des magazines. Nuit et jour. Pour de longues années encore.
Ott Imprimeurs
Parc d’activités Les Pins, à Wasselonne ott-imprimeurs.fr
Formés aux arts graphiques à Paris, le parcours de Marielle de Vaulx et Vincent Lamarche prend sa source dans une école atypique mêlant design et philosophie. « C’est pour cela que notre entreprise est en dehors des cases », expliquent les fondateurs de N n, mi-studio numérique, mi-atelier typographique, installé au sein des Ateliers Éclairés de la Coop. Citant l’auteur Alain Damasio, Vincent Lamarche se dit convaincu que « le tout-numérique crée une sorte de nostalgie de la matérialité ».
D’où l’installation d’une authentique presse Heidelberg d’une tonne deux cents au cœur de l’atelier ? « On s’est dit qu’il fallait qu’on garde une main dans le tangible. Quoi de mieux que la typographie ? » demande celle qui a découvert cette technique aux Beaux-Arts de Besançon. « Je reste fascinée par le fait qu’avec 26 lettres, on arrive à transmettre autant de choses. »
La technique en question, c’est celle du letterpress, aussi connue par les puristes sous le nom de presse typographique. Le principe de base est le même que celui inventé par Gutenberg au xv e siècle : à l’aide de caractères en relief, on compose son message sur une plaque, on encre, puis on vient presser le tout sur du papier bien épais. Le message s’imprime et crée un creux dans le papier – c’est ce qu’on appelle le débossage. La platine Heidelberg de l’atelier de N n est un chouïa plus complexe puisqu’elle permet aussi de réaliser des marquages à chaud, du gaufrage et de la découpe, et donc de travailler sur de petites séries. « Ici, on touche les différents papiers, on sollicite l’odorat avec les encres, l’ouïe... Lorsque ce chaos révèle quelque chose, c’est magique ! » s’enthousiasme Marielle de Vaulx.
Impression en 3D
Surtout, là où l’atelier strasbourgeois se distingue, c’est par les ponts qu’il tisse avec les technologies modernes. En plus des caractères mobiles, N n utilise des éléments illustratifs dans tout un tas de matériaux différents (le bois, le métal ou le plastique) grâce à l’impression 3D. Vincent Lamarche, le technophile du duo, développe aussi des applications de réalité augmentée qui sont parfois complémentaires des papiers imprimés. Une manière d’inscrire la tradition dans la modernité avec les moyens d’aujourd’hui. « Nos métiers de designer graphique et d’imprimeur typographique connectent énormément de techniques, d’évolutions culturelles et artistiques », estime Vincent Lamarche. Pour Marielle de Vaulx, aucun doute : « L’IA pose désormais autant de questions que Gutenberg à son époque. On est là au bon moment ! »
Avec son bras robotique qui reproduit les gestes de l’imprimeur, du plieur, du brocheur et du massicotier, Gutenberg One, est la plus petite et la plus rapide imprimerie du monde. Le robot
développé par l’alsacien R&D Technology peut fabriquer n’importe quel livre à la demande. Un bijou de technologie qui pourrait révolutionner le monde de l’édition.
Par Raphaël Heyer
Photos Pascal Bastien
Balzac en redemande. En l’espace de cinq minutes d’une chorégraphie robotique intégrant sur 2,4 m2 toute la chaîne de production du livre, Le Lys dans la vallée se fabrique sous les yeux ébahis de son lecteur du xxie siècle. 574 années après son invention entre Strasbourg et Mayence, c’est à l’orée orientale de Saverne que l’imprimerie entre dans une nouvelle ère, sous l’impulsion de R&D Technology, fleuron alsacien de l’innovation industrielle. « Les possibilités sont énormes », convient Stéphanie Rosier, pétillante chargée d’affaires postée devant le robot-imprimeur baptisé Gutenberg One, « et il y a celles qu’on n’imagine même pas ! » Instigué par Hubert Pédurant, imprimeur de livres sous la bannière Neomédias, Gutenberg One se prêtait à l’origine à une illusion toute balzacienne : voir le monde du livre accourir vers une technologie de pointe à la portée aussi unique qu’universelle, promesse d’une contribution décisive à la pérennité de l’objet imprimé et de la création littéraire.
Changement de paradigme
Présenté au Salon du Livre de Paris en 2019, développé en 2020 puis testé à la librairie de L’Harmattan en 2021, le robot devait permettre de créer, selon son inventeur, « le premier réseau mondial de livres et de presse imprimés en streaming comme le fait Netflix pour la VOD ». Pieuse ambition qui s’est fatalement heurtée à la réalité du marché du livre, pas avare de chasses gardées, précipitant la liquidation de Neomedias. « Les éditeurs ne voulaient pas laisser imprimer leurs livres », résume Philippe Roser, cofondateur de R&D Technology. L’innovateur savernois, convaincu du bienfondé de l’outil, en reprend le flambeau en réaxant sa stratégie de développement. Exit le cloud réunissant tous les catalogues d’éditeurs, place au pragmatisme : « En tant qu’industriels, entrer
dans ce milieu assez fermé du livre est difficile. Il faut laisser les gens du métier discuter ensemble, puis à nous d’apporter l’outil facilitateur », détaille Stéphanie Roser. La stratégie ? « Fonctionner par microcosme » avec les petits éditeurs, libraires et distributeurs, l’objectif étant, selon Philippe Roser, de « décentraliser la production du livre sur le site de vente et ne plus avoir des stocks de bouquins qui dorment ».
Impression à la commande
Pari gagnant auprès du Lys Bleu : la maison parisienne est la première à acquérir le robot au printemps 2024 et présage déjà d’en faire sa solution exclusive d’impression. « L’avenir de l’édition passe par l’impression à la commande », affirme Benoït Couzi, directeur littéraire. « D’un point de vue environnemental, imprimer sans avoir la certitude de vendre est une ineptie. D’un point de vue financier, constituer des stocks importants est une aberration de gestion. » L’outil s’impose dès lors comme un allié précieux pour les petites maisons d’édition qui pourront « optimiser et rentabiliser complètement leur production », selon les mots de Stéphanie Roser. Avec un coût de fabrication d’environ 2,20 euros le livre, Gutenberg One est déjà une aubaine sur un marché où les gros tirages resteront l’apanage des imprimeries traditionnelles.
Le champ des possibles
Pour l’heure, Stéphanie Roser pilote la création d’une startup dédiée qui devrait voir le jour à l’automne 2024. Outre les éditeurs, libraires et distributeurs, la chargée d’affaire vise les auteurs, qui trouveront dans l’automate un formidable tremplin pour l’autoédition. Elle propose déjà « de la prestation de services pour des auteurs ou des thésards qui veulent imprimer ». À terme, la machine pourrait équiper la vingtaine de milliers de points de vente présents en France, s’implanter dans les secteurs qui en sont dépourvus, s’accompagner d’une application de type Click & Collect et s’étendre à l’international. Un champ des possibles qui, loin de se limiter à révolutionner le monde du livre, promet de s’étendre à tout le secteur de l’imprimé.
R&D Technology 11, rue des Rustauds, à Monswiller rd.technology
Galerie, librairie ou café ? Les trois, ma générale ! Derrière leur pimpante façade jaune, les soeurs Albisser, Diane et Morgane, tiennent un bien joli nid où se lovent moult romans, essais, livres illustrés et œuvres d’art, à faire valser les mots et les stéréotypes.
Un livre qui knacke ?
Johanna Kaufmann, Déjeuner chez Jojo, Médiapop éditions, 2020, 204 pages, 17 €
Les mots nous manquent… mais les pages aussi ! Au rayon des librairies indépendantes, il a fallu en tirer cinq au sort : voici leur sélection de livres d’ici, qui donnent envie d’ailleurs.
23, quai des Bateliers, à Strasbourg @galerielibrairie_loiseaurare
Un livre qui donne des elles ?
Ovidie, La Fabrique du prince charmant : plus grande arnaque depuis l’invention du jacuzzi, Seuil, 2024, 120 pages, 19,90 € Un roman-photo féministe, décalé, franchement hilarant, pour offrir ou s’offrir une bonne marrade ! Militante du mouvement pro-sexe dans les années 1990, l’autrice et réalisatrice Ovidie (Eloïse Delsart de son vrai nom), s’est associée à la Vosgienne Sophie-Marie Larrouy (que les auditeurs de Binge audio appellent plus simplement SML) pour imaginer les histoires de cette BD-photos savoureuse, où les femmes reprennent le contrôle.
Les merveilleuses recettes et super astuces d’une pétillante Strasbourgeoise, qui mettent l’eau à la bouche. On adore son banoffee aux spéculoos et au caramel salé ou son pesto de persil aux noisettes. Et ceux qui n’en sont pas rassasié peuvent désormais Retourner chez Jojo !
Un dernier vers ?
Céline Cerny et Line Marquis, Le feu et les oiseaux : talisman pour le monde qui viendra, éditions art&fiction, 2023, 96 pages, 24 €
On sort un peu de l’Alsace pour piocher chez nos voisins suisses ce livre-trésor d’incantations, de mots et de peintures, qu’on devrait emporter partout avec soi comme un petit guide de poche. « Dans le monde d’après, nous chasserons les papillons sombres de la douleur à coup d’histoires à dormir debout. »
bureau
Roussin, Ricard, Sapin. Dégé, Doré, Lumeret. Icinori, Satrapi, Tomi.
Strasbourg, terre d’illustrateurs, de dessinateurs, grapheurs, d’éditeurs…
Critérium de sorties récentes.
01— Le Goût de la pluie de Laurent Moreau (Hélium, 48 pages, 16,90 €) helium-editions.fr
02—Merci d’Icinori (La Partie, 176 pages, 26 €) lapartie.fr
03—Zouzou au zoo de Hao Shuo (Éditions 2024, 60 pages, 12,90 €) editions2024.com
04—Nana et Thyge, héros de Copenhague d’Anne-Caroline Pandolfo et Terkel Risbjerg, dessin original pour Zut (Dargaud, 296 pages 29,99 €) dargaud.com
05—Du pin sur la planche d’Olivier Bron, Caroline Klein et Timothée Ostermann (Éditions 2024, 88 pages, 12 €) editions2024.com
06— Au travers du rayon d’Aude Bertrand (Éditions 2024, 176 pages, 25 €) editions2024.com
07—L’histoire des petits musiciens de Guillaume Chauchat et Manuel Zenner, en complicité de d’Emma, Marceau, Aloyse, Amélia, Sacha, Armand et Gaspard (Biscoto Journal, 112 pages, 16 €) biscotojournal.com
08—Birds de Damien Poulain (Éditions du livre, 16 pages, 15 €) editionsdulivre.com
09—Comme une chaussette orpheline, Roxane Lumeret (La Partie, 48 pages, 18 €) lapartie.fr
10—Mon Grand Est de Nicolas Mathieu avec des illustrations d’André Derainne, Jochen Gerner, Mona Leu-Leu, Saehan Parc et Émilie Vast (Éditions du livre, 32 pages, 14 €) editionsdulivre.com © Mona Leu-Leu
11—COLORS Urban Art – Photo Book – 2018 / 2024 (120 pages, 20 €, sortie le 6 septembre lors du vernissage de la sixième édition du festival COLORS) colors-art.eu
La jeunesse, ici, a bon dos ! Depuis plus de quatre décennies, La Bouquinette a beau être un paradis littéraire spécialisé dans l’enfance, les lecteurs qu’on y trouve ont souvent du poil au menton et des cheveux gris sur les tempes.
Les mots nous manquent… mais les pages aussi ! Au rayon des librairies indépendantes, il a fallu en tirer cinq au sort : voici leur sélection de livres d’ici, qui donnent envie d’ailleurs.
28, rue des Juifs, à Strasbourg @labouquinette.librairie
Un livre de 7 à 77 ans
Émilie Chazerand et Anna Wanda Gogusey, L’Imagier, éditions La Ville Brûle, 2023, 96 pages, 16 €
Cet imagier atypique, composé par un duo parigo-strabourgeois, s’adresse à toutes et tous sur un ton engagé. L’écriture inclusive alliée à la poésie du texte invitent petits et grands à échanger sur des thèmes comme la tolérance, la différence, le consentement et la solidarité. Audacieux, il dépoussière nos représentations de la société, décloisonne le monde des adultes et insuffle aux enfants un esprit de liberté.
Un grimoire anti-TikTok
Maëlle Desard, Bretzel Break, éditions Slalom, 2024, 304 pages, 18 €
Victoire a 17 ans et la petite voix dans sa tête toujours là pour la critiquer, c’est Défaite. À tel point que Victoire ne peut se regarder qu’à travers l’écran de son portable et se perd dans ses mensonges. Ses parents ne vont alors pas lui laisser le choix et l’envoyer faire les vendanges pour affronter la réalité, la vraie ! Elle va progressivement ouvrir les yeux sur ceux qui l’entourent et découvrir qu’elle n’est peut-être pas la seule à souffrir... Un roman drôle et profond, une romance comme on peut la vivre à 17 ans.
Un album muet
Eve Gomy, La grenouille qui aimait le rouge, Seuil jeunesse, 2024, 20 pages, 9,50 €
Un petit bonbon de douceur, signé d’une ex-étudiante de la HEAR ! Un joli livre tout en carton où l’on suit au fil des pages une grenouille dans sa découverte du monde, avec des détails qui viennent attirer le regard du tout-petit. C’est doux, tout rouge, plein de beauté et de poésie !
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Si Strasbourg a pu être nommée Capitale mondiale du livre cette année, c’est aussi grâce à son offre de formations pour les futurs professionnels de l’imprimé. Graphisme, dessin, illustration, impression, il y en a pour tous les talents et toutes les bourses. Tour d’horizon.
Par Tatiana Geiselmann
Photos Pascal Bastien
-> Les lycées Gutenberg et Le Corbusier
Les publics
Installés de part et d’autres des rails du tram, rue Lixenbuhl, à Illkirch-Graffenstaden, les deux lycées Gutenberg et Le Corbusier se font face. Dans l’un, des élèves de moins de 18 ans, dans l’autre, de jeunes bacheliers tout juste diplômés. Les deux établissements sont publics et forment aux métiers du design graphique et de l’imprimerie.
Le pied à l’étrier Commençons par celui baptisé du nom de l’inventeur de l’imprimerie. « C’est le seul établissement du Grand Est à proposer un bac pro en arts appliqués », indique Bettina Muller, enseignante responsable de la filière AMACV (Artisanat et Métiers d’Arts, option Communication Visuelle pluri-média). Contrairement à l’image que l’on se fait des bac professionnels, celui-ci n’est pas une finalité en soi, mais plutôt un premier pied à l’étrier. « C’est la première chose que je dis aux parents à la rentrée : cette formation, ce n’est que le début. Une fois leur bac en poche, ils ne vont pas rentrer directement sur le marché du travail, ils devront poursuivre leurs études. » Sur les bancs du lycée Gutenberg, les jeunes de moins de 15 ans apprennent à se servir des logiciels pour créer des affiches, des logos, un site internet, « en répondant à de vraies commandes pour de vrais clients ! » De quoi leur inculquer les bases du métier et leur permettre plus tard d’intégrer des écoles d’art, de design, de se lancer dans un CAP reliure ou de rejoindre d’autres parcours des métiers de l’édition.
Faire tourner la machine
Outre ce bac pro très spécifique, le lycée Gutenberg comporte aussi deux filières professionnelles consacrées aux métiers de l’imprimerie. Direction le grand hangar à l’arrière de l’école où ronronnent des dizaines de machines format XXL : traceur ultra-violet, tables d’impression, découpeuses laser... « On a du matériel très proche de celui que l’on peut trouver dans une imprimerie professionnelle », confirment Salma Pascual et Hervé Jarnoux, enseignants du cursus RPIP (Réalisation de Produits Imprimés Multimédias), « nous formons nos élèves pour qu’ils deviennent des opérateurs machine ». Répondant eux aussi à de vraies commandes extérieures (provenant uniquement d’associations ou d’établissements scolaires, pour éviter toute concurrence déloyale à la profession), les futurs bacheliers s’exercent à imprimer des produits sur du bois, du papier ou du plastique, à connaître les limites en termes de couleur et de format, ainsi qu’à découper, rassembler et relier. Malgré un total de 20 semaines d’immersion en entreprise (réparties sur trois ans), ces bac pro là aussi devront se poursuivre par des études supérieures, une fois le diplôme validé. « On leur conseille souvent de partir sur notre BTS, où ils apprendront à gérer le suivi des projets et le rapport au client », explique l’équipe enseignante.
La rareté du public
Pour ceux qui ont le bac en poche – qu’ils viennent du lycée Gutenberg ou d’ailleurs – direction l’établissement d’en face : le lycée Le Corbusier, un gigantesque bâtiment en béton brut, à l’impressionnante charpente métallique. Une fois passé le préau arboré de cerisiers du Japon, on découvre une classe en rez-de-chaussée, où une quinzaine d’étudiants s’affairent sur leurs ordinateurs, entourés d’une myriade de papiers imprimés. Ce sont les heureux élus du DN MADE, le Diplôme National des Métiers d’Art et du Design. « Chaque année, nous recevons près d’un millier de demandes pour intégrer le cursus », explique Catherine Pulvermuller, une des quatre enseignantes de la filière. Le design graphique attire les bacheliers, et même si les formations sont légions, rares sont celles qui ne demandent aucun denier et qui relèvent du public. Ici, les étudiants ne payent que 60 euros par an .
Apprendre un métier
Règles typographiques, mise en page, dessin, expérimentation plastique, mais aussi philosophie, sociologie, gestion, droit, médiation : en trois ans de cursus (dont un de spécialisation), les étudiants apprennent toutes les facettes du métier de designer graphique. « C’est un parcours très professionnalisant », confirme Christelle Dion, enseignante en typographie et édition. « Ils ont entre 8 et 10 heures d’atelier pratique par semaine et s’exercent par exemple à créer entièrement un journal, de sa ligne édito à sa mise en page, en passant par sa typo. » Le papier n’est pas le seul support abordé, les élèves étudient aussi l’édition numérique et le motion design, des disciplines qui leur permettront à terme de travailler dans l’univers digital.
MJM Graphic Design
Présente à Paris, Bordeaux, Marseille et pléthore d’autres villes dont Strasbourg, la MJM propose elle aussi une formation post-bac de design graphique. La première année, les étudiants apprennent en cours les bases des logiciels, puis ils enchainent sur deux années en alternance pour se spécialiser en design graphique. Tous les enseignants sont des professionnels du métier. D’ailleurs, si vous aimez les mises en page léchées de Zut, sachez que notre graphiste en chef, Séverine Voegeli, fait partie du corps enseignant !
LISAA
Également présente dans la plupart des grandes villes françaises, LISAA, l’Institut supérieur des arts appliqués, propose dans son antenne strasbourgeoise un cursus en trois ans type bachelor en design graphique. Uniquement en présentiel.
La Haute École des arts du Rhin, on vous en parle souvent dans les pages de Zut : pour ses anciens étudiants devenus des artistes à suivre, pour ses illustrateurs qui habillent parfois nos pages et pour ces créatifs qui s’exposent dans la ville et font rayonner la culture bien au-delà des frontières strasbourgeoises. Mais ce ne sont souvent finalement que les anciens pensionnaires des ex-Arts décoratifs que nous mettons en lumière. Avant qu’ils ne franchissent pour la dernière fois les portes du splendide bâtiment de brique jaune, qu’ont-ils suivi comme cursus et quelles spécialisations de l’école ont pu les conduire à travailler dans les métiers du livre, de l’impression et de l’édition ?
Élargir l’horizon
Considérée comme une des meilleures école d’art en France, la HEAR comporte trois sections : arts, design et communication. C’est dans cette troisième branche que l’on retrouve ceux qui seront peut-être amenés ensuite à travailler dans les métiers du livre. Parmi eux, les illustrateurs, qui trouveront à la HEAR le moyen de « faire éclore leur personnalité », d’expérimenter différents supports, de nourrir et de construire leur univers créatif. Ensuite, les graphistes qui apprendront bien sûr à maitriser les codes de la typographie et du design, mais avec un accent particulier mis sur « les ponts qu’on peut nouer entre l’édition papier et l’édition numérique », insiste Jérôme Saint-Loubert Bié, responsable de l’atelier Communication graphique. « Les relations entre algorithmes et livre nous intéressent par exemple beaucoup, on encourage nos étudiants à explorer la dimension collaborative du numérique, à tester de nouvelles formes expérimentales. »
Croiser les disciplines
Et, effectivement, le voilà le maître mot de la H EAR : l’expérimentation. Grâce aux nombreux équipements techniques de l’école (pour la sérigraphie, la gravure, la photo, la vidéo, l’animation en 2D et 3D, etc.), les étudiants sont amener à toucher, à tester, à élargir leurs sens et leur vision pour faire se croiser les lignes. La troisième spécialisation de la branche communication en est d’ailleurs la preuve : en didactique visuelle, les étudiants explorent la pédagogie par l’image et s’interrogent sur comment transmettre par le dessin des sciences et des savoirs.
Dernière section de la HEAR qu’il faut aussi mentionner – peut-être la plus évidente : l’atelier livre, rattaché au cursus art-objet (dans la branche design). Ici, au-delà d’apprendre les gestes de l’artisanat, les étudiants sont amenés à « explorer le livre dans sa dimension conceptuelle comme matérielle » et à l’envisager comme « un médium d’expression artistique à part entière », l’inscrivant ainsi dans le champ de l’art contemporain.
Lola Koenig
À peine diplômée, déjà éditée
-> Liconograf La narrative
À l’image de la « maison qui rend fou » des Douze Travaux d’Astérix, le parc Gruber, à Koenigshoffen, est un dédale de bâtiments et de couloirs, d’allées et d’étages. Dans les entrailles de ce labyrinthe aux murs rouge se cache Liconograf, une école spécialisée dans la bande dessinée, fondée il y a une vingtaine d’années par Laurent Siefert, qui en est toujours directeur. Fan inconditionnel de BD, l’homme au doux regard bleu indique d’emblée qu’il s’agit ici d’un « un établissement d’enseignement supérieur privé hors contrat ». Concrètement, cela signifie que l’école doit vivre de ses fonds propres (d’où des frais d’inscription de 5 500 € par an) et qu’elle ne délivre pas de diplôme d’État. À Liconograf, les élèves ne sont pas notés : « Le but du jeu, c’est simplement qu’à la fin, les étudiants soient capables de monter des projets de BD et de présenter leur travail à un éditeur. »
Façonner des histoires
Au cours des quatre années que dure le cursus, les bédéistes en herbe apprennent à affiner leurs dessins, à imaginer une histoire, mais surtout à lier les deux. « On leur apprend à construire des images narratives », explique Laurent Siefert de sa voix calme, « par exemple si on dessine une main sur une poignée de porte, il faut qu’on puisse comprendre si on est en train d’ouvrir ou de fermer cette porte ». Si la plupart des étudiants savent déjà manier le crayon avant leur arrivée à l’école, ils travaillent ici leur technique, progressent en perspective, expérimentent la gouache, le crayon, le dessin sur ordinateur et suivent des cours spécifiques à la bande dessinée, comme l’écriture de scénario et le cadrage, et même d’arts du spectacle « pour déterminer à l’avance quel personnage va jouer quel rôle dans l’histoire ».
Pitcher son projet
Chaque promotion compte une quinzaine d’élèves issus de parcours variés : certains viennent de décrocher leur bac, d’autres ont déjà bouclé une école d’art, d’autres encore sont en reconversion professionnelle. Sur les murs de l’école, leurs travaux
Arrivée à Liconograf après une licence de langues et une préparation artistique à LISAA, Lola Koenig, 26 ans, s’apprête à publier sa première BD. Celle qui dessinait depuis l’âge de cinq ans, « juste comme ça pour le plaisir », a trouvé sa voie en arpentant les couloirs de l’école. « L’avantage de cette formation, c’est qu’on nous encourage à développer notre propre style et qu’on a des retours de vrais éditeurs », estime la jeune Alsacienne, sortie il y a un an à peine de l’école. Son style a tapé dans l’œil des Humanoïdes Associés, emblématique maison d’édition spécialisée en BD et membre du jury de Liconograf, qui a commandé à la jeune femme un premier ouvrage inspiré de son projet de fin d’étude : La Sorcière des neiges, « une adaptation de La Reine des neiges , avec un twist écologique », qui sortira en fin d’année.
s’affichent en grand, notamment ceux des deuxièmes années, dont les planches ont été envoyées au concours jeune talent du festival d’Angoulême. « L’avantage de cette formation, c’est qu’elle est très professionnalisante », glisse Christopher Gangloff, ancien élève de Liconograf devenu prof. « Tous les enseignants sont des auteurs en activité », précise Laurent Siefert, « et le jury de fin d’année est constitué d’éditeurs. » Comme ils devront le faire une fois lancé sur le (rude) marché du travail, les étudiants leur présentent un projet de BD avec son pitch, son synopsis et ses premières planches – le même type de livret qu’ils enverront ensuite aux maisons d’édition.
« On nous encourage à développer notre propre style »
Il nous a fallu faire quelques tours de rond-point avant de trouver l’entrée du Campus Fabeon, la toute nouvelle école dédiée aux métiers de l’impression numérique, installée depuis octobre 2022 au cœur du parc d’innovation d’Illkirch-Graffenstaden. « Fabeon, ce n’est pas juste un campus, nous regroupons trois activités économiques », corrige Frédéric Soulier son directeur, en nous accueillant dans les locaux aux murs encore immaculés. « Nous avons un centre de formation professionnelle, un incubateur de start-up et une smart factory » – sorte d’atelier géant où turbinent des machines dernier cri, dédiées à l’impression numérique. Si les trois activités sont distinctes, elles sont aussi faites pour se croiser : « C’est pour ça que je laisse toujours les portes des couloirs ouvertes, pour montrer qu’il suffit de faire un pas pour bâtir des ponts entre les différentes disciplines. »
Former aux métiers de demain
Le centre d’apprentissage Fabeon, qui accueillera sa troisième promotion à la rentrée, propose un cursus de 12 à 16 mois qui s’effectue en alternance : une semaine par mois à l’école, trois semaines en entreprise. Accessible à bac +2 ou +3, la formation délivre aux diplômés une certification reconnue par l’État qui leur permet de travailler en tant que chef de projet dans l’impression numérique. Sa spécificité : « Former les opérateurs aux métiers du futur. »
Eux-mêmes issus du monde de l’impression, Frédéric Soulier et Joseph Mergui – le deuxième co-fondateur de Fabeon – se sont rendus compte que faute de formation, les imprimeurs traditionnels se trouvaient rapidement dépassés par la fulgurante complexification technologique des machines d’impression. L’école propose donc aussi (et surtout) aux industriels de venir se former sur les toutes nouvelles imprimantes numériques, celleslà même qui trônent dans la smart factory.
Dans les 180 m2 d’atelier, les équipements mis à la disposition des élèves et des industriels impriment n’importe quel motif sur n’importe quel support. Là, un tissu en lin qui ressort bariolé, ici des stickers qui décoreront une voiture, dans un coin, c’est sur une porte en bois que le motif a été encré. « Grâce aux nouvelles technologies, on peut imprimer en jet d’encre sur des supports souples et rigides, sur du verre, des feuilles d’alu, des tissus synthétiques », s’enthousiasme Frédéric Soulier. Des produits qui sont ensuite coupés sur place sur de grandes tables laser.
Verdir le monde de l’impression L’avantage de ces machines modernes, c’est aussi qu’elles sont plus rapides et plus écologiques. « La transformation numérique et technologique est en train de donner lieu à une mutation environnementale », confirme Frédéric Soulier. Son meilleur exemple : l’entreprise Petit Bateau, qui envoyait jusque-là ses rouleaux de tissus se faire teindre aux quatre coins du globe. Formée par Fabeon, la marque imprime désormais directement chez elle, avec des encres à base d’eau, sans solvant, ses motifs marinière. Pour Frédéric Soulier, cela constitue une vraie révolution pour le milieu industriel, car ces nouvelles imprimantes numériques ouvrent la voie à une production à la demande : « On n’a plus besoin de teindre des rouleaux entiers, on peut imprimer le tissu au fur et à mesure des ventes, sans stock. » Une innovation qui fait office d’exemple à suivre pour des pratiques d’impression à moindre impact.
Nous accompagnons les créatifs sur tout le territoire
Votre projet, Nos expertises
3 rue Théodore Monod
Strasbourg est depuis toujours une terre fertile pour l’illustration et c’est dans le quartier de la Coop que tout se passe. Rencontre avec Central Vapeur, l’association qui fait bouger les lignes dans les métiers de l’illustration et défend les intérêts des créatifs.
Par Corinne Maix Portrait Christophe Urbain
Le festival Central Vapeur
Chaque année, en mars, ce rendez-vous intégré aux Rencontres de l’Illustration de Strasbourg met un coup de projecteur sur la jeune création en proposant expositions, rencontres, ateliers et un salon du livre où faire le plein de bandes dessinées et d’affiches… C’est le lieu où rencontrer les auteurs, autrices et illustrateurs, illustratrices indépendants qui secouent le monde de l’édition et de l’illustration.
Les amateurs d’illustration, de microédition, de belles affiches ou d’objets imprimés en tirage limité connaissent sa microlibrairie, une mine d’idées pour un cadeau original et local.
Chaque printemps, c’est le tout Strasbourg, épris de culture, de BD, de romans graphiques et d’édition jeunesse qui se presse au festival Central Vapeur et son salon des indépendants. Toute l’année, l’équipe de l’association gamberge, au même endroit, pour donner de la visibilité aux auteurs, autrices et illustrateurs, illustratrices, d’ici et d’ailleurs.
Une planche de salut
Fabien Texier, directeur et fondateur de Central Vapeur, venu de l’univers de la presse, a eu l’idée en 2010 d’amorcer une réflexion autour de ce petit monde de l’illustration. « À Strasbourg, il y avait tout : une école qui forme des illustrateurs, de belles médiathèques, un beau musée, des collectifs talentueux, des éditeurs… mais cet écosystème était peu connecté, très mal représenté et souffrait d’un manque de visibilité… » Entouré de quelques passionnés, il réussit à monter une première exposition collective qui attire beaucoup de monde au Palais universitaire. Elle révèle au grand public la richesse de la création locale et sera le point de départ de l’association Central Vapeur. « Dans le mot “Central”, il y a notre volonté de coordonner des indépendants ; collé au mot “Vapeur”, ça ne se prenait pas trop au sérieux quand même »,
Expositions, salons, workshops et conférences… depuis sa première édition en 2022, avec sa direction artistique ambitieuse, le festival s’est développé très vite. Il met en valeur le vaste territoire d’expériences graphiques, visuelles ou typographiques qui bouscule les codes de la communication et du design contemporains.
02.09 -> 22.09 2024 Puis en mode biennale à partir de 2026.
s’amuse Fabien Texier, bien loin d’imaginer à l’époque que le nom allait se retrouver en concurrence avec des fers à repasser sur les moteurs de recherche ! Puisque tout le monde est chaud, les idées fusent, l’association gagne des galons, des financements et organise ces événements qui font bouger la scène créative locale : le festival Central Vapeur, les 24 heures de l’Illustration, le festival Format(s) et les Love Boat, sorte de speed dating entre dix jeunes artistes et des commanditaires potentiels…
Une banque de connaissances
En 2015, l’association prend un nouveau tournant et crée Central Vapeur Pro. L’objectif : s’ériger en lieu de ressources pour les métiers de création – graphique, plastique, audiovisuelle ou multimédia – où les indépendants pourront se former et être accompagnés sur des questions juridiques et administratives. Choisir son statut, faire son premier devis ou sa première facture, avoir un avis sur un contrat d’édition… en adhérant à Central Vapeur Pro, les créatrices et créateurs des arts graphiques et visuels peuvent être reçus par Laure Bettinger, conseillère et bénéficier des conseils d’un avocat ou d’un expert comptable. Ils profitent également de tous les services du très costaud site internet de l’association et de ses modèles de paperasse, ses fiches pratiques, son comparateur des prix pratiqués par la profession ou son forum. 360 professionnels du secteur (dont une centaine issus d’autres régions) adhèrent à cette communauté qui facilite leur mise en relation avec des maisons d’édition, des collectivités ou des agences de communication. « L’aspect communautaire tire tout le monde vers le haut et de nombreux échanges se déroulent directement sur le forum, avec une bonne entraide des uns envers les autres », se réjouit Louise Metayer, chargée de mission
Le Garage Coop c’est où, c’est quoi ?
En octobre 2019, à l’invitation de la Ville de Strasbourg Eurométropole, Central Vapeur s’est installé dans la friche industrielle de la Coop au Port du Rhin. Avec elle, les éditions 2024, les associations Accélérateur de Particules (art contemporain), IDéE (design), Gargarismes (sérigraphie, risographie), Le Futur (graphisme, photo), atelier Pleine Forme (graphisme, scénographie), la maison de production EJT Labo (animation) et une petite dizaine d’artistes et d’indépendants. Ensemble, ils constituent le Garage Coop, dans des locaux partagés avec le collectif d’artistes du CRIC.
médiation et d’accompagnement professionel des artistes-auteurs. Une aubaine pour les artistes auteurs, car si le statut concerne aujourd’hui 350 000 personnes en France, de nombreuses difficultés subsistent pour échapper à la précarité, installer des rapports équitables avec les maisons d’édition ou échanger avec les administrations... Pour Fabien Texier, il est urgent de pousser la réflexion autour de l’illustration, de l’édition en général et du statut : « Les choses n’avancent pas, alors qu’il y a là un secteur économique et un vivier de talents qui constituent une exception culturelle française ! »
Central Vapeur 2, rue de la Coopérative, à Strasbourg @central_vapeur
Un artiste, Crime. Une bande dessinée, Le rire et le silence. Entre les deux, un véritable parcours semé d’embûches, pour parvenir à, peut-être, éditer et publier un conte graphique fantastique. Entre maisons d’édition frileuses et financement incertain, la bataille est lancée pour cette première BD.
Par Juliette Boffy
-> Obstacle n°1 Les maisons d’édition
Cela faisait bien longtemps que Crime, 30 ans, sorti d’une année à la HEAR à Strasbourg, passé par Paris, puis revenu dans la capitale alsacienne au sein d’un collectif d’artistes, avait en tête son projet de BD. Une œuvre plutôt hybride, un « conte graphique » avec très peu de texte, beaucoup de dessins, façonnés au stylo bic, à l’encre de Chine, au crayon de papier et au pinceau. Un ouvrage aux images noir et blanc saisissantes, contant une histoire aux contours allégoriques.
Déjà habitués au fanzine, Crime et son collectif décident de tenter de commercialiser ce premier véritable projet BD. Première étape : trouver une maison d’édition. Le début des tribulations, car le caractère mouvant de l’œuvre questionne les professionnels du secteur, qui soufflent le chaud et le froid. « Je ne trouvais pas de forme d’écriture, ni de pratique du dessin ou du livre auxquels m’identifier », explique Crime, ombré d’un tenace syndrome de l’imposteur. Une maison d’édition accepte pourtant de se lancer dans l’aventure, mais il faut changer les planches, le format. Crime s’adapte donc aux exigences et transforme son œuvre. Du côté de la maison d’édition, c’est silence radio. De nombreux mois s’écoulent, l’espoir s’amenuise et après une ultime relance, le couperet : finalement, c’est non.
Crime tente de se rassurer. « Je ne savais même pas vraiment où je me situais graphiquement et ces maisons d’édition doivent recevoir tellement de manuscrits que je comprenais leur décision... » Après un an et demi de quête malheureuse, il décide d’auto-publier sa BD grâce au statut associatif du collectif. Encore faut-il trouver un financement pour produire un minimum d’exemplaires. Pour être reconnue en tant que maison d’édition et bénéficier d’une bourse du Centre national du livre (CNL), l’association doit faire un premier tirage à ses frais d’au moins 500 ouvrages. Pas facile lorsqu’on est jeune, artiste indépendant et surtout sans argent.
Une demande d’aide à la DRAC non aboutie plus tard, Crime reçoit finalement de la région Grand Est une participation de 1 483 euros, à la virgule près. Un coup de pouce délivré à des jeunes de moins de 29 ans désirant réaliser un projet professionnalisant. Reste encore quelques centaines d’euros à trouver. Crime opte pour une campagne de prévente, mais un crowdfunding ne s’improvise pas pour gérer l’auto-promotion d’un livre qui n’existe pas encore, il faut investir les réseaux sociaux, sillonner les festivals. Avec une opiniâtreté sans faille et un entourage présent dans la bataille, Crime parvient finalement à récolter 1 910 euros, pile de quoi imprimer sa BD.
Avec l’argent récolté, le livre est envoyé à l’impression. Les étoiles étant enfin alignées, nouvelle bonne surprise : le festival d’illustration de Strasbourg, Central Vapeur, invite Crime à promouvoir son ouvrage aux côtés d’autres auteurs de BD, lors de son édition 2023. Problème : la bande dessinée n’est pas encore disponible. Le précieux colis avec les 500 exemplaires arrivera finalement la veille du festival, un mois après en avoir passé la commande.
Pour entériner la sortie de la BD, Crime se lance ensuite dans un nouveau et dernier tour de piste : partir à l’assaut des librairies, faire des dépôts-ventes et écouler ses 500 exemplaires. Plusieurs acceptent de mettre en rayon son livre, notamment des indépendantes : Quai des Brumes, Ça va buller, La Tâche Noire ou encore la micro-librairie de Central Vapeur. Un soulagement pour l’artiste : « C’était important pour moi de me retrouver dans des librairies cohérentes avec ma démarche, qui est assez politisée. » À l’heure actuelle, 180 exemplaires ont été écoulés. Reste donc 320 livres à vendre, mais Crime le sait désormais : le temps, la créativité et la persévérance font toute la différence.
Crime, Le rire et le silence, 2023
À retrouver dans les librairies strasbourgeoises
Quai des Brumes
L’Oiseau Rare
Le Tigre
Le Kiosque
La Tâche Noire
Ça va buller
La micro-librairie de Central Vapeur
editionsducrime.art
Il n’y a plus d’espoir ? La librairiecafé annonce la couleur. Spécialisée dans le polar et le roman noir, elle mène l’enquête et suit diverses pistes (de tout genre littéraire ou même d’occasion). Nature peureuse, s’abstenir.
Un livre pour lever l’encre ?
Les mots nous manquent… mais les pages aussi ! Au rayon des librairies indépendantes, il a fallu en tirer cinq au sort : voici leur sélection de livres d’ici, qui donnent envie d’ailleurs.
1, rue de Zurich, à Strasbourg latachenoire.com
Roxanne Bouchard, Nous étions le sel de la mer, Éditions de l’Aube, 2014, 368 pages, 11,90 €
Une mère que Catherine ne connaîtra jamais, une mer qui a englouti Marie et ses secrets, des pêcheurs rudes à la tâche et peu bavards, un policier mexicain dont la vie est un naufrage... Un roman du bout du nouveau monde dont l’écriture chantante et poétique nous porte au gré des marées de la Baie des Chaleurs.
Un polar pour passer une nuit blanche ?
Helen Zahavi, Dirty week-end, Libretto, 2022, 224 pages, 9,10 €
Une jeune femme bien tranquille et qui aimerait le rester, des hommes un peu trop entreprenants, des prédateurs qui sommeillent en chacun d’eux... Avec Bella, ils auront trois chances pour s’en sortir, pas une de plus, au risque de se retrouver éparpillés par petits bouts, façon puzzle. Un grand roman pré #MeToo, qui ne correctionne pas, il disperse, il ventile, il atomise...
Et un roman indélébile ?
Valentine Imhof, Par les rafales, Éditions du Rouergue, 2018, 288 pages, 20 € Alex a la rage. Alex est en cavale. Malheur à celui qui croisera sa route... Portée par le vent, le rock, la poésie et les vapeurs de gin, elle nous entraîne dans sa course effrénée pour fuir un passé qui ne passe pas. Rebelle et vivante envers et contre tout, debout, toujours et jusqu’au bout, Alex habitera longtemps le cœur et l’âme de celles et ceux qui auront croisé son chemin. Faut reconnaître, c’est du brutal !
Notre équipe est à vos côtés pour vous aider, vous guider, vous conseiller et installer vos fenêtres, portes, volets et autres solutions de menuiseries extérieures avec le sourire.
Nos solutions extérieures
28, avenue de la Forêt Noire Strasbourg | 03 88 61 00 22 remy.strasbourg@allianz.fr
Par Marine Dumény
Photos Pascal Bastien
Contemporaine, de restauration, de cuir ou de papier marbré, la reliure artisanale est plurielle et se dévoile à travers quatre ateliers strasbourgeois.
Le livre d’or de Strasbourg - Capitale mondiale du livre, un épais volume bleu réalisé en Sydra (un cuir végétal obtenu à partir de pelures de pommes), c’est elle qui l’a créé. Trente heures de travail à couper, plier, coudre puis relier la centaine de pages d’un blanc immaculé, sur lesquelles les visiteurs et auteurs de passage à Strasbourg pourront laisser un mot. Un travail de longue haleine qui n’a pas fait flancher la détermination d’Anne Siegel. Elle qui a quitté son agence de communication, « après deux burn-out », voulait exercer un métier artisanal et de transmission. « La reliure est devenue ma voie. » Elle passe son CAP relieur en 2022 en candidat libre, se forme auprès de Didier Marchal à Illkirch, affine ses compétences en suivant un cursus de restauration à Tours, avant de s’installer à son compte.
De l’or dans les mains Implantée depuis peu dans le quartier du Neudorf, Anne Siegel possède tout le matériel nécessaire pour créer des ouvrages de A à Z. En témoigne notamment la gigantesque presse de relieur qui trône au centre de son atelier. Nettement plus petits, mais tout aussi intriguants, des dizaines de tampons de métal, minutieusement rangés dans des caissons de bois. « Ce sont des fers à dorer », sourit la relieuse en exhibant quelques-uns des lettrages et motifs à sa disposition. « J’en possède une centaine, ils sont en bronze, ce qui leur confère la parfaite température de chauffe pour réaliser la délicate opération qu’est la dorure. » Le principe : « On pose un film d’or sur le cuir, on chauffe le métal puis on appose le fer sur la feuille. En faisant un mouvement de balancier de gauche à droite et d’avant en arrière, avec la juste pression, l’or s’incruste sur la couverture », qu’elle soit en cuir, en toile ou en papier.
Le livre à nu
Dans l’atelier d’Anne Siegel, une grande variété de livres attendent patiemment d’être pris en main : certains sont en cours de restauration, souvent des ouvrages anciens, dont l’artisane comblera une à une les déchirures, d’autres sont venus soigner leur habillage et recevront bientôt une nouvelle couverture, tandis que certains sont encore sous forme de pages blanches, ne demandant qu’a être reliés. Saisissant une aiguille et un fil, Anne Siegel en fait de suite la démonstration et réalise un point simple pour relier deux feuillets. « L’important c’est de toujours tirer le long du dos du livre, pour ne pas déchirer les pages. » Ce qui la passionne dans son métier ? « Les émotions transmises par le biais des livres qu’on me confie. »
Reliures & Créations
18, rue du Ballon, à Strasbourg @reliuresetcreations
Son cocon de travail tient en quelques mètres carrés. Julie Strub, la trentaine pétillante, a ouvert son atelier en 2011 à Weyersheim. Petite déjà, les livres la fascinaient. « En classe de 5e, j’ai découvert des livres reliés en cuir avec de la dorure sur une étagère. J’en suis tombée amoureuse ! » se souvient la jeune femme. Une visite dans un atelier de reliure de Strasbourg la conforte dans l’idée d’en faire son métier. Méthodique, elle entame d’abord un bac pro en communication graphique au lycée Gutenberg, puis intègre l’école de reliure Tolbiac à Paris pour un CAP en un an, avant de suivre diverses formations, notamment avec la FREMAA. La suite, ce sont des voyages, « qui m’ont permis de trouver mon inspiration », des séjours au Canada et en Californie, « où j’ai eu la chance de pouvoir me former à la technique du cuir repoussé » et des rencontres, en particulier celle de Luigi Castiglioni, un relieur italien très connu dans le monde de la reliure, considéré comme un véritable designer du livre et d’Hélène Jolis, spécialiste des incrustations.
Marqueterie de cuir Artiste dans l’âme et jusqu’au bout des doigts, Julie Strub aime par-dessus tout le travail du cuir, inciser les peaux selon un angle bien précis, découper ses pièces, aplanir les dorures. Très identifiable, son style reflète son amour du design et de la typographie, avec un mélange de lettrages originaux, de dorures et de mosaïques de peaux. Pour imaginer ses créations, la trentenaire puise directement son inspiration dans les livres. « Je lis les ouvrages pour m’imprégner du texte, de l’histoire, de l’ambiance que je retranscris sur la couverture. » Un attachement au phrasé de l’époque et au contenu graphique qui lui ont par exemple donné envie de travailler la peau de serpent, qu’elle a incrustée dans la reliure de la couverture de La Mort du petit cheval, dont le premier tome s’intitule Vipère au poing. Avec sa peau craquelée, ce « V » reptilien ressort habilement sur le fond blanc tacheté d’ocre et de gris, qui rappelle quant à lui la robe du fameux petit cheval.
Geste ciselé
Perfectionniste, la jeune femme ne livre « jamais un ouvrage tant [qu’elle] n’en est pas totalement satisfaite ». C’est ce souci du détail qui conduira un collectionneur belge, qui la repère lors d’un salon du livre à Colmar, à lui confier une reliure contemporaine d’exception : le point de départ de sa renommée en tant qu’artiste-relieuse. « Encore aujourd’hui, c’est un de mes clients réguliers », sourit l’artisane. « De manière générale, ma clientèle est plutôt parisienne, luxembourgeoise ou belge. Ils viennent vers moi car ils apprécient mon travail. » Et ils ne sont pas les seuls ! Récompensée à plusieurs reprises lors des Biennales mondiales de la reliure d’art en vallée de Chevreuse, Julie Strub participera en octobre prochain, pour la quatrième année consécutive, à une exposition à Paris réunissant une vingtaine des meilleurs relieurs d’art du monde... sur invitation uniquement. Julie Strub – Reliure/Bookbinding 3, rue de Bietlenheim, à Weyersheim @julie.strub
Rares sont les relieurs à disposer de l’habilitation Musées de France, qui permet de manipuler et donc de « soigner » les trésors de notre patrimoine de papier. L’une d’entre eux travaille à Strasbourg : Marie Munhoven, la trentaine, installée dans un petit atelier du quartier gare. Pour décrocher le précieux sésame, la jeune blonde aux gestes délicats a d’abord bouclé un master en conservation des biens culturels à la Sorbonne, spécialité « restauration de papier et de livres », avant de suivre une formation conservation à la BNF pour apprendre, notamment, les techniques de reliure des livres en fonction de leur époque. « Ensuite, j’ai eu la chance de pouvoir approfondir mes connaissances grâce à un stage dans un musée américain, puis j’ai travaillé à Istanbul, en Turquie, et en Italie », égrène la jeune femme.
Soigner les livres
« Ce qui m’a fait tomber amoureuse des livres, c’est un vieil ouvrage de la comtesse de Ségur, très abîmé, confié par ma mère. J’étais très peinée de son état et j’ai puisé dans ce sentiment la source de ma vocation. » Telle une médecin au chevet de ses patients, Marie Munhoven prend aujourd’hui soin de siècles d’Histoire. Son travail, méticuleux, se doit de respecter scrupuleusement les techniques de l’époque : ne pas altérer la chimie du livre, être le moins intrusif possible et reproduire les gestes anciens. Une minutie qui se reflète dans l’aspect même de son environnement de travail : un papier peint de 1870, des meubles ayant appartenu à l’architecte Auguste Perret et en fond sonore, une musique aux accents de gramophone.
Broderie en fil de soie
Ce qu’elle aime particulièrement, c’est restaurer les incunables. Les pages en pur papier chiffon de ces ouvrages imprimés avant 1501, au tout début de l’imprimerie, « sont souvent en meilleur état que celles des livres des xviii e et xix e siècles », dont le papier est issu de bois traité chimiquement. Son geste favori ? « Réaliser les tranchefiles, ces broderies en fil de soie qu’on retrouve en haut et en bas des reliures et qui décorent les cahiers assemblés. J’aime aussi beaucoup parer et restaurer le cuir. » Pour ce qui est de l’intérieur des livres, l’experte traite les moisissures ou blanchit le papier à l’eau. Reconnue dans son travail dès son retour à Strasbourg en 2021, elle travaille principalement pour des institutions comme la Bnu, le musée historique de Strasbourg et le musée des Arts décoratifs. Comme en témoigne son carnet de commandes bien rempli, elle a gagné toute la confiance de ses clients (particuliers compris).
Atelier Marie Munhoven 17, rue de Barr, à Strasbourg @atelier.marie.munhoven
L’accueil est chaleureux, le sourire communicatif, solaire même ! Cécile Coyez, 44 ans, est originaire de La Réunion et a atterri à Strasbourg en raison de son précédent métier. Après avoir suivi un master en affaires européennes à Sciences Po, la jeune femme est logiquement venue s’installer dans la capitale alsacienne pour s’engager dans l’administration du Parlement. En 2014, estimant qu’elle a assez poncé les couloirs du bâtiment rond, elle s’inscrit pour deux jours à un stage de reliure. Un coup de foudre qui la mènera trois ans plus tard vers une reconversion et un CAP. Mais avant de se dédier à 100 % à son nouveau métier, elle oscille un temps entre trois : vendeuse de chaussures dans un magasin strasbourgeois, prof à la faculté en tant qu’experte des instances européennes et relieuse.
Tisser le lien des livres
Depuis trois ans maintenant, elle se consacre entièrement à la reliure, préférant les pièces uniques aux restaurations. Plus que l’objet lui-même, ce qui la passionne, ce sont les histoires derrière chaque livre. « Un jour, un client m’a demandé de relier des dessins faits par son père, atteint d’Alzheimer », se souvient Cécile Coyez. « Au fil des années, il m’amenait les nouvelles œuvres de son père. Quand j’ai reçu le dernier croquis, c’était très émouvant, même si c’était un gribouillis qui ne faisait plus sens que pour lui. » La pétillante artisane aime travailler en co-création avec ses clients et n’hésite pas à recourir à différents matériaux ou différentes techniques en fonction du projet. Parmi sa multiple palette, on retrouve la reliure secrète belge, aussi appelée « crisscross », un type de reliure qui laisse apparaître les fils entrelacés au dos des livres. Une alternative à la reliure japonaise, plus connue, qui permet d’ouvrir les livres bien à plat. « Ce que j’aime dans les structures de couture apparente, c’est qu’elles permettent toutes sortes de variations. » Une autre de ses marottes : la reliure dos à dos. « Ça consiste à réunir deux textes (ou plus) en un seul volume, mais en les présentant tête-bêche, pour pouvoir démarrer la lecture dans les deux sens, simplement en retournant le volume », explique Cécile Coyez.
Et marbrer le papier
Véritable touche-à-tout, la quadragénaire dynamique réalise aussi son propre papier marbré. « Je plonge des feuilles dans de l’eau épaissie à l’agar-agar dans laquelle je mélange des pigments. »
Les papiers ainsi créés « peuvent être en première, seconde ou quatrième de couverture, mais aussi placés sur le dos, entiers ou découpés selon l’effet recherché », mais ils lui permettent aussi de produire des petits articles de papeterie. Enfin, dernière corde à son arc, Cécile Coyez a à cœur de transmettre son métier. Elle donne régulièrement des cours et organise des stages dans son
atelier situé le long du canal du Rhône au Rhin, en bordure de la plaine des Bouchers. « Je pense qu’il est important que chacun connaisse les bonnes pratiques en matière de livre, à commencer par la base : pas de scotch ! » rit-elle. « Il est aussi primordial de faire savoir que les relieurs existent toujours et que oui, votre livre préféré peut-être sauvé et préservé dans le temps. »
Atelier de reliure Cécile Coyez 1 bis, rue du Doubs, à Strasbourg @ccoyez
Dominotier, vous connaissez ? Rien à voir avec les pièces blanches à pois noirs, on parle ici de feuilles de papier encrées à la main, destinées à la reliure d’ouvrages. Un savoir-faire familial dont Thomas Braun a maternellement hérité.
Dans « l’appartelier » de Thomas Braun – comme il aime à l’appeler – des centaines de planches en carton ou en bois gravées sont entreposées sur des étagères. Depuis 2015, cet Alsacien de 61 ans se consacre à la dominoterie, une technique d’impression de feuilles de papier destinées à la reliure, qu’il a héritée de sa mère, Claude Braun. « Elle a commencé dans les années 80, après avoir fait les Arts-Décos et s’être formée à la reliure. Elle a vendu des livres d’art, s’est inscrite dans un atelier de gravure, puis l’impression a débuté, et elle s’est développée », explique Thomas Braun qui, après s’être initié à la technique, en a fait son métier et a repris l’affaire familiale.
Motifs faits maison
À l’époque, Claude Braun attire les relieurs grâce à une nouveauté, un papier au motif graphique très différent des traditionnels marbrés auxquels les professionnels sont habitués. « La marbrure, ça consiste à déposer des feuilles de papier sur une cuve où flottent des pigments qui viennent s’y déposer », détaille Thomas Braun. Un procédé qui rencontre, encore aujourd’hui, un franc succès. Mais les Braun utilisent de leur côté le mécanisme des papiers dits « dominotés », c’est-à-dire imprimés grâce à des tampons en bois, gravés et rehaussés de couleur. « À l’origine, ces “dominos” étaient réalisés en famille, avec des papiers plutôt bon marché qui servaient à des reliures mais qu’on mettait aussi en fond de tiroirs ou en papiers peints », précise le sexagénaire.
Encrer le papier
Thomas Braun perpétue la pratique, mais sur du papier de qualité. Après avoir minutieusement gravé ses planches, toutes dimensionnées au format raisin (50x65 cm), il les recouvre d’une encre colorée à l’huile de lin. Le passage à la presse va ensuite permettre d’inscrire le motif sur la feuille de papier. Selon le rendu souhaité, le dominotier peut repasser deux, trois voire quatre fois son papier sous presse avec différentes couleurs ou différentes planches de motifs gravés. Mais il faut s’armer de patience : « Les encres à l’huile de lin s’apparentent à la peinture à l’huile, ça met très longtemps à sécher. Il faut parfois attendre plusieurs jours voire plusieurs semaines pour qu’un passage soit entièrement sec. Il faut également composer avec le climat, le temps qu’il fait dehors, la température », souligne Thomas Braun, dont les futurs papiers sèchent patiemment, suspendus par des pinces à linge. Une fois terminés, ils serviront à couvrir l’intérieur ou l’extérieur d’un livre.
Un savoir-faire pour initiés
Pour vendre ses créations, le dominotier arpente les allées des différents salons de fournitures de reliure. « Je débarque avec ma petite collection et ils achètent ce qui les intéresse. On peut aussi me demander de refaire un papier à partir d’un échantillon ou de laisser libre-cours à mon imagination. » Mais la profession de dominotier reste un métier de niche : les clients, relieurs ou particuliers, sont difficiles à trouver. « Le problème des relieurs alsaciens, c’est qu’ils sont confrontés au fait que leur clientèle est assez traditionnelle. Ils peuvent aimer mes papiers mais ne pas avoir de demandes. À Paris, il y a beaucoup plus de brassage. »
Thomas Braun garde tout de même de fidèles clients. Les reliures nappées de papiers modernes sont notamment très appréciées des bibliophiles. « Ce sont des gens qui ont le souci de la qualité et qui confient leurs livres à des relieurs qui travaillent bien, avec des matériaux précieux, pour donner une seconde vie à des ouvrages qui leur sont chers, pour des raisons variées », conclut le dominotier.
Folio & Co (L’Atelier Folio) 11, rue du Docteur-Woehrlin, à Strasbourg @latelierfolio
Cette antenne de la librairie
Kléber installée au musée d’Art moderne et contemporain regorge de trésors. Tel A Bigger Splash de David Hockney, le lieu invite à plonger tête la première dans le grand bleu artistique.
Une œuvre qui sort de l’image ?
Les mots nous manquent… mais les pages aussi ! Au rayon des librairies indépendantes, il a fallu en tirer cinq au sort : voici leur sélection de livres d’ici, qui donnent envie d’ailleurs.
1, place Hans-Jean-Arp, à Strasbourg librairie-kleber.com
Un catalogue inclassable ?
Bertrand Tillier, Martine Sadion, Daniel Mollenhauer, Marie Pottecher, Charles Fréger – Souvenir d’Alsace, Éditions des Musées de Strasbourg, 2023, 174 pages, 35 €
Celui-ci, en tout cas, décoiffe ! Fréger utilise une variété de médiums – photographie, vidéo, céramique, verre gravé ou… pain d’épices – pour une mise en perspective unique et nuancée de l’Alsace. Il interroge, sans nécessairement apporter de réponses, nous laissant libres d’explorer notre identité alsacienne.
Anne-Margot Ramstein, Me manque, La Partie, 2023, 40 pages, 22 € Comment ne pas être envoûté par les illustrations en aplats de couleurs sensibles d’Anne-Margot Ramstein (ex-HEAR). Transpercée par un même trou, figurant l’absence et la nostalgie de l’enfance, chaque double page de cet album est éblouissante.
Un livre en mouvement ?
Katharina Grosse, Déplacer les étoiles, Éditions du Centre Pompidou-Metz , 2024, 256 pages, 40 € Artiste allemande essentielle de la scène contemporaine, Katharina Grosse réinvente le support pictural en investissant l’espace d’exposition et l’architecture, et en peignant sur des draps. Elle utilise l’aérographe pour créer des œuvres éphémères, monumentales et immersives de couleurs vives et chatoyantes.
RÉNOVATION
TOTALE
OU PARTIELLE
Toitures, boiseries, vitrage, portes, volets roulants, écoulement d’eau, jonctions de chenaux, serrureries, fermetures, etc.
RÉPARATION À LA DEMANDE ET SERVICE
APRÈS-VENTE
GARANTI
Remplacement de tous les éléments structurels, fonctionnels et/ou de toutes les pièces défectueuses, etc.
ENTRETIEN SAISONNIER À LA CARTE OU PAR CONTRAT
Visite de contrôle, nettoyage toiture et boiserie, etc.
REMPLACEMENT DE TOITURE & DE VITRAGES
Avant Après
NETTOYAGE EXTÉRIEUR DE TOITURE (VÉRANDAPERGOLA UNIQUEMENT)
INTERVENTIONS POUR TOUS TRAVAUX D’ACCÈS DIFFICILE (NACELLEÉCHAFAUDAGE)
L’artiste strasbourgeoise Jeanne Bischoff tisse un fascinant corpus d’œuvres de papier en puisant dans des exemplaires de la revue La Mode illustrée (1860-1937). Un travail minutieux, compulsif, coloré et organique à découvrir au MAMCS dans l’expo « Être ou paraître » qui confronte son travail à des toiles, photos ou sculptures issues des collections du musée et des costumes de l’Opéra national du Rhin.
Par Emmanuel Dosda Photos DR
Être ou paraître
Musée d’Art Moderne et Contemporain
04.08
Dans le cadre de Strasbourg, Capitale mondiale du livre musees.strasbourg.eu +
27.09.24 � 01.06. 25 Une captation filmée de l’interprétation de Jeanne Bischoff du Strypsodie de Cathy Berberian sera projetée dans le cadre de l’exposition « Mode d’emploi ».
Bâton de pastel sec et pinceaux placés en ses mains, la toute jeune Jeanne impressionne déjà ses parents et instituteurs grâce à un talent « pour l’assemblage des formes et couleurs » qu’elle ne perdra jamais. Elle entre aux Beaux-Arts de Mulhouse (ex-HEAR) sans même avoir passé le bac et se construit une cabane en guise d’atelie r, un nid qui sied parfaitement à ce drôle d’oiseau qui refuse d’être enfermé dans une quelconque cage, aussi dorée soit-elle. Jeanne s’envolera ensuite vers l’Opéra de Paris et se jettera dans le monde de la scène, « du corps et de la voix » : scénographie, jeu, danse, régie, chant lyrique, manipulation d’objets ou… réalisation de costumes en papier bulle.
Au MAMCS, un dialogue est instauré entre des pièces de Léon Bakst, Marcel Broodthaers ou Victor Brauner et le travail de fourmi obsessionnelle de Jeanne Bischoff, à commencer par une sélection de dessins de « Faux Costumes » datant de ses années mulhousiennes (1997-98). Elle se rappelle avec malice : « Les profs devenaient inquiets car je m’étais lancée dans la réalisation forcenée de 200 aquarelles sur papier. » Une démarche méticuleuse, précise et entêtée.
Collages numériques & zooms informatiques Durant dix ans, elle met sa pratique plastique entre parenthèses – pour le théâtre, l’opéra, le ciné – mais y retournera en décortiquant des numéros de la revue La Mode illustrée. « Je sélectionne des éléments – un chapeau, un bout de pyjama, une dentelle, un détail d’éventail – que je scanne et photoshope. Je transforme ces éléments graphiques en allant jusqu’à 80 étapes de construction. Les images, les gravures d’époque, disparaissent totalement… »
Des collages numériques et zooms informatiques qui ont la semblance de peintures, voire de motifs tissés hyper colorés. Comme une scientifique avec son microscope ou une chirurgienne munie de son scalpel, Jeanne scrute le papier et son histoire. Elle invente des formes végétales, animales, organiques et vivaces, des personnages abstraits ubuesques qui se mettent à danser des ballets Bauhaus chaotiques ou entrent en mouvement dans des ouvrages en pop-up et des leporellos panoramiques, romantiques et psychédéliques.
Dans ce dossier, les livres font (très) bonne impression, mais chut... les murs susurrent aussi des histoires.
De panoramiques en stickers XXL, on pourrait même aller jusqu’à dire qu’ils ne font pas tapisserie.
À Rixheim, l’entreprise Zuber fabrique à la main, depuis plus de 200 ans, d’immenses papiers peints colorés. Un travail artisanal et titanesque, unique en France.
Par Lucie d’Agosto Dalibot
Photos Constance E.T. De Tourniel
Dans l’idée, le papier peint ne fait pas forcément rêver : entre la tapisserie écornée de chez Mémé et la folie des motifs à bas prix propulsés par les émissions de home-staging, ce n’est pas toujours très raffiné. Mais en arrivant au 28, rue Zuber – portail gigantesque, parc luxuriant et bâtiment en U classé aux monuments historiques –, difficile de ne pas se dire qu’on est dans la cours des grands. Au centre, c’est l’hôtel de ville de Rixheim, à droite, le musée et sur la gauche, la manufacture Zuber. « C’est une ancienne commanderie de chevaliers teutoniques, qui a été reprise par la maison Dolfus – connue notamment pour sa société de textile DMC – en 1797. Elle y a installé son atelier d’impression sur papier, qui était jusque-là établi à Mulhouse et dont les locaux étaient devenus trop petits », explique Sébastien Paillard, le directeur de la fabrique.
Depuis août dernier, la compagnie est entre les mains du groupe Pierre Frey, une autre entreprise familiale française. « Bien avant notre arrivée, en 1802, c’est Jean Zuber, entré dans l’affaire comme commercial, qui en est devenu le propriétaire. Il a fait prendre un essor exceptionnel à cette industrie et a développé les motifs répétitifs et les décors panoramiques réalisés à la planche. Nous sommes à ce jour la seule manufacture au monde à encore travailler de cette façon ! » précise Sébastien Paillard, au milieu du showroom dont les murs sont couverts de scènes de vie d’époque. « Ce type de décor, vendu pour égayer les intérieurs, a évolué au fil des années entre les couleurs et les tenues des personnages. Et pour la petite histoire, les dessinateurs qui ont réalisé ces scénographies n’avaient jamais vu les paysages d’Amérique qu’ils dessinaient, tout est tiré de leurs recherches sur la base d’estampes et d’écrits. »
Puzzle infini
Motifs répétitifs, papier peint à la planche, tous ces termes semblent au premier abord bien mystérieux, « mais pas d’inquiétude, nous allons entrer dans le vif du sujet », glisse le directeur en s’orientant vers un escalier de fer qui disparaît dans les méandres de la terre. En bas, c’est la cave aux trésors, avec des étagères à perte de vue sur lesquelles se superposent des montagnes de plaques de bois. Certaines colonnes sont étiquetées : Brésil, Eldorado, chasse, jardin... et on a comme l’impression d’être face à un puzzle géant un peu poussiéreux. « Vous ne croyez pas si bien dire, lance Sébastien, l’entreprise a stocké chaque décor au fil des années. On estime qu’il y a ici 150 000 planches, mais on n’en connaît que 15 000 ! À la rentrée, nous allons entamer une opération d’audit pour tenter de toutes les répertorier. C’est notre outil de travail, comme le marteau d’un ouvrier. Elles ont longtemps été manipulées, parfois malmenées, maintenant elles sont protégées et classées au patrimoine national. »
À l’époque, les plaques étaient montées de la cave au grenier à la force des bras dans des escaliers étroits. Heureusement, depuis, un monte-charge a été installé, « mais ça n’en reste pas moins physique ! » plaisante Sébastien Paillard. Avant de rencontrer ceux qu’il surnomme « les stars », un détour par les combles dévoile la première étape de l’élaboration du papier peint. Face à nous, une gigantesque tablée qui pourrait accueillir tout un mariage : c’est là que le papier vierge est étalé pour créer les ciels Zuber. « Il faut un petit peu d’imagination, mais dites-vous que sur cette première étape, huit mains s’activent en simultané pour réaliser le dégradé. Il doit être régulier puisqu’il peut y avoir jusqu’à 20 lés [rouleaux de papier peint] placés côte à côte. Si ce n’est pas uniforme, pour un coucher de soleil par exemple, ça se voit de suite. On ne peut pas se permettre des ratés. » La peinture s’étale à la brosse, puis le tout est mis à sécher sur d’immenses étagères. Une fois cette fastidieuse étape passée, direction la salle de transformation dans laquelle se déroule le plus gros de l’action.
Magnum opus
À force de superpositions de planches sur le papier, les esquisses prennent vie et deviennent bâtiments, personnages ou motifs fleuris.
Ils sont sept à travailler dans l’immense atelier. « Sydney, c’est celui qui vole », indique Sébastien Paillard en désignant un homme les pieds dans le vide, appuyé sur sa presse – « gare à ne pas trouer le papier, il faut appliquer la bonne pression ! » Plus loin, il y a Khalid, 36 ans d’entreprise, qui forme Fernando, arrivé il y a six mois. Au poste suivant, Youssef, 20 ans d’entreprise, Lucas, ébéniste qui vient d’arriver, et Olivier. Tous sont imprimeurs à la planche, hormis Bruno, le coloriste qui s’assure d’éviter les fausses notes. Les imprimeurs utilisent les outils et techniques des anciens et sont spécialisés soit dans l’ornement panoramique, soit le répétitif. « Tout se fait étape par étape, chaque planche pressée va apporter une couleur, un motif, et une fois le papier sec, une nouvelle planche peut être utilisée pour compléter la scène au fur et à mesure », explique Sébastien Paillard. Ça grince, ça pousse, ça glisse, et à force de superpositions de planches sur le papier, comme un gigantesque sandwich, les esquisses prennent vie et deviennent bâtiments, personnages ou motifs fleuris.
La fin de la visite approche et une question s’impose : combien ça coûte et qui peut se permettre d’acheter de tels chefsd’œuvre ? « Il faut compter 8 à 18 mois pour fabriquer un décor panoramique. Le prix varie de 8 000 à 50 000 euros, tout dépend de la largeur du dessin et du nombre de couleurs. Pour les motifs répétitifs, comptez entre 500 et 1 500 euros le rouleau. » Quant aux chanceux acquéreurs, il s’agit principalement d’hôtels, de restaurants et de décorateurs pour une clientèle plutôt américaine ou moyen-orientale, 80 % du chiffre d’affaires de Zuber se faisant à l’étranger. Le papier alsacien ne manque donc pas de voyager aux quatre coins du monde… pour faire voyager à son tour.
Zuber 28, rue Zuber, à Rixheim @zuberofficial
Créée il y a près de 20 ans par deux anciens étudiants des Arts décoratifs, l’entreprise E-Glue exporte jusqu’aux États-Unis des stickers géants aux couleurs vives, dessinés, imprimés puis découpés au laser dans leur atelier créatif au nord de l’Alsace.
Par Fanny Laemmel
Photos Pascal Bastien
Les stickers muraux pour décorer les murs, on connait. Mais les stickers format XXL, vraiment franchement géants, ça, c’est beaucoup moins courant et c’est la spécialité de la marque alsacienne E-Glue. Fondée en 2006 par un couple de designers, Marielle Baldelli et Sébastien Messerschmidt, tous deux anciens élèves des Arts décoratifs, la petite entreprise a suspendu son activité un temps, à la disparition de Sébastien en 2021, avant de repartir avec un nouveau binôme : le directeur artistique Emmanuel Somot et l’ingénieur et consultant en innovation Renaud Uhl. Depuis un an, les deux acolytes se sont installés à deux pas du Parc naturel régional des Vosges du Nord, au Pôle Konzett de Lutzelbourg, une ancienne usine à agrafes reconvertie en tiers-lieu créatif réunissant artisans et entrepreneurs.
Échenillage de vinyle
En jetant un œil à travers la baie vitrée de l’atelier E-Glue, on aperçoit un empilement de rouleaux colorés et une grande table sur laquelle Renaud Uhl est en train de décoller des fragments d’adhésif avec une sorte de scalpel. Le sticker ressemble encore à une grande plaque plastifiée bleue. Peu à peu le geste de l’artisan fait naître le motif… un joyeux singe qui égayera la chambre d’un bambin. « J’échenille », précise notre hôte, une opération qui consiste à retirer la matière superflue pour faire apparaître le visuel. Au préalable, la forme a été découpée par un laser dans un pan de vinyle autocollant teinté dans la masse. « Cela leur donne une grande longévité face aux UV », précise Renaud Uhl. « Il y a 42 coloris disponibles et comme tout se fait sur commande, il est possible de composer 1 600 combinaisons de couleur. » Les stickers sont bicolores, tous réalisés à la demande et livrés avec un kit de pose.
Road trip américain
Le modèle le plus grand fait 1,90 m de haut et présentement, la tendance est aux dinosaures. Mais E-Glue fait aussi la part belle aux voitures, robots, pirates et animaux en tout genre. Leur ligne conductrice ? « Développer l’imaginaire des enfants tout en proposant des dessins pas trop clichés. » Grâce à leurs lignes épurées, les créations d’E-Glue se sont fait une place dans les chambres d’enfants, mais aussi sur les murs des crèches, des cabinets de pédiatrie ou encore des hôpitaux, comme à Roubaix. L’entreprise propose aussi un service d’aménagement d’espace pour les professionnels.
Atelier au Pôle Konzett 11, rue Konzett, à Lutzelbourg @e_glue
Selon Renaud Uhl, le prochain modèle qui va faire fureur sera ce grand van aménagé, avec trois lapins à bord, qu’il vient de terminer. Une invitation au voyage qui fait écho aux road trips américains : un pari gagnant puisque 80 % de la production de l’entreprise part aux États-Unis, où la marque a percé grâce à une série télé. Actuellement, l’atelier peut produire entre six à huit stickers par jour et songe à s’agrandir et à se diversifier. « Il y a des chances que la suite soit sur textile », annonce d'ores et déjà Renaud Uhl. À suivre !
Tomi Ungerer | Éditions Argentoratum
Par Myriam Delon / Photos William Henrion / Preview
Défenseuse de l’artisanat et des colorations naturelles, Julie Gless est passée par un apprentissage dans l’esthétique. « Dès le début, j’ai été consciente du manque de considération. Il faut dire qu’après un baccalauréat général, bifurquer sur un CAP en esthétique et un BT en coiffure, au lieu de poursuivre des études supérieures, ne fut pas très bien vu par mon entourage ! Mais cela n’a jamais été une entrave pour m’exprimer artistiquement, de l’Opéra où j’ai officié il y quelques années, jusqu’aux shootings photos en mode et publicité, en passant par des tournages télévisés et l’ouverture de mes salons. »
Son déclic going green ? « Je déteste tous ces anglicismes, mais je ne suis pas non plus une intégriste du 100 % naturel.
J’ai un ADN bio ! Alors quand j’ai eu de plus en plus de difficultés à supporter les produits chimiques, je me suis formée en coloration végétale. » Et comme s’adapter à de nouvelles techniques signifie généralement revoir toute sa façon de faire, elle a quitté le centre-ville pour Bischoffsheim en ouvrant Hédonie, un concept global axé sur le bien-être.
Progressive, la transition vers le naturel s’opère en accord avec les demandes de sa clientèle. « Le végétal ça vit, ça bouge et ça demande du temps et des coûts… donc je me suis adaptée et j’ai continué à faire quelques éclaircissements pour les irréductibles du blond, tout étant une question de dosage. D’ailleurs, le domaine des colorations naturelles est encore assez flou pour
certaines et on en dit beaucoup de bêtises. Il faut surtout savoir que foncer avec le végétal est irréversible. Il vaut donc mieux que la cliente soit sûre d’elle, c’est l’une des raisons pour lesquelles je fais toujours des essais préalables. » Julie, qui est également une visagiste chevronnée aimant autant jouer des poudres tinctoriales que réfléchir au maquillage qui suit généralement toute transformation capillaire, a dans son tablier en denim l’assurance de l’artisane passionnée par son métier : « Oui, il y a du (très) beau à tirer de l’artisanat ! » Hédonie par Julie Gless 4, cour Féodale, à Bischoffsheim @hedonie_juliegless
Par Myriam Delon / Photos Christophe Urbain
Avec ses créations tirées au cordeau , la cr éatrice du jeune label strasbourgeois Éléa Pardo/Dans la peau replace les vêtements au cœur de leur espace-temps. « Mon inconscient émotionnel et esthétique est lié aux vêtements et à ceux qui les ont portés, avant ou avec moi. » D’un déterminisme rigoureux, la quinzaine de piè ces de sa garde-robe idéale fait référence à des « évocations » : de la cotonnade empes ée d’un chemisier de sa mère à un tee-shirt trop grand de son père, elle puise dans son histoire. « J ’ai imaginé, rêvé disons, une ligne héritage avec une majorité de modèles unisexes. » À ce jour, on y trouve : La chemise, La camisole, Le gilet, Le pantalon et Le manteau . D’ores et déjà de quoi (bien) se couvrir.
Faire des vêtements avec des souvenirs de vêtements nous fait forcément penser à la ligne Replica de Maison Margiela ou à la collection Moda Povera d’Olivier Saillard, dédiée à sa mère décédée. On aime les recoupements… et c’est exactement ce que fait Élé a Pardo. Dans chacun de ses vêtements se cachent des étiquettes « lettrées » qui précisent même leur nombre de mots et de caract è res. « J’ai écrit mes vêtements comme on rédige un po ème, alors c’est normal que quelques phrases en restent. J’aimerais d’ailleurs aller plus loin dans l’écriture et leur adjoindre un livret. » Une réflexion liée aussi à la fast fashion : « C’est désormais l’étiquette de nylon qui survit à ce dont elle est censée n’être qu’un dé tail. »
Son modus operandi ? Responsable. De la phase de prototypage à Strasbourg jusqu’à la production des pièces dans un atelier parisien, avec des tissus issus de deadstock de maisons de couture. Dans son petit appartement/atelier, les vêtements soigneusement alignés et houssés attendent sagement de trouver leur place dans des boutiques indépendantes de luxe ou d’être disponibles à l’achat en ligne : « Je suis en pleine réorganisation de mon modèle de distribution, il a évolué depuis le début et je me pose beaucoup de questions à ce sujet. C’est une étape importante pour l’évolution de ma marque. »
Dans la peau
Boutique en ligne : eleapardo.com @lalignedanslapeau
Par Lucie d’Agosto Dalibot / Photos Christophe Urbain
Montagnes de polaroids, cartons débordants d’objectifs, outils indescriptibles, bidons de produits étranges, imprimante 3D, clichés placardés au mur et livres techniques : chez Thomas Weiss règne un savant mélange de garage auto miniature et de cabinet de curiosités. « Désolé, c’est un petit peu le bazar », glisse-t-il à peine la porte passée. Formé auprès du réparateur d’appareils photos Alain Pettmann de Spip (parti à la retraite), le jeune homme de 25 ans a pris sa relève et répare depuis chez lui tous types de boîtiers photos. Sa première rencontre avec l’univers de l’image remonte à 2016, lorsqu’il trouve un vieux polaroid sur un marché aux puces : « C’était marrant et pas cher, à l’époque je n’avais pas conscience de la valeur de ce
matériel », lance-t-il tout sourire. « J’ai commencé la photo au sens large puis j’en ai acheté un deuxième, un troisième, et la fièvre ne s’est jamais arrêtée », raconte-t-il en montrant un de ses boîtiers préférés, un Polaroid à l’effigie de Taz, personnage des Looney Tunes.
Avant de devenir réparateur, Thomas travaillait dans la maintenance industrielle, « mais j’avais besoin de changer de mode de vie : je suis passé d’un 9 h - 18 h à un 10 h - 2 h du matin ! » Un saut dans l’inconnu, dans un milieu de niche « mais c’est ma passion et la bonne surprise, c’est qu’il y a bien plus de détenteurs de reflex à Strasbourg qu’on ne l’imagine ». Le petit garçon en lui qui « démontait tout et n’importe quoi à la maison » n’est pas prêt
de s’ennuyer avec plus de 60 000 appareils photos argentiques référencés dans la dernière édition de son guide : « Et il en manque encore énormément, sans compter le numérique, l’hybride, etc. » Chaque boîtier qui passe entre ses mains s’apparente à une découverte, une tranche d’histoire, de nouveaux mécanismes… difficile de s’en lasser ! D’ailleurs, Thomas a tant à faire qu’il recherche un local pour ouvrir un magasin de revente et former quelqu’un pour l’assister.
Bobinette Photo 4, rue de l’Île-Jars, à Strasbourg @bobinette_photo
Par Raphaël Heyer / Photos Pascal Bastien
Papiers peints, tissus, papeterie, vêtements, coussins… La science des motifs et des couleurs de Patrick Rajaonarisina s’exprime sur une large gamme de supports et substrats souvent textiles, en 2D ou 3D. Implanté à Strasbourg depuis près de 30 ans, ce jovial ethnologue de formation devenu artisan numérique spécialisé dans le design de surface n’a jamais cessé d’expérimenter, d’innover, d’interagir avec des figures locales de l’industrie graphique (Caldera, Joseph Mergui, Frédéric Soulier, François Kormann…), de la culture urbaine et du graffiti (Mahon, Neon Cobra Tattoo…). Au fil d’un parcours zébré – « je suis un zèbre moi-même : moitié vosgien, moitié malgache et marié à une nana de Bischheim, ça crée des liens ! » –, le créateur
s’est formé aux arts graphiques dans la publicité, le design de mode et le stylisme, accompagnant l’émergence du design de surface « en mode maker ».
À la « croisée des chemins entre art et artisanat », issues d’une exploration féconde des ressources locales – notamment celles, « cachées », du département des Vosges, où se déniche la crème des fournisseurs –, les créations de Patrick Rajaonarisina ont désormais pignon sur rue et sur web depuis février 2023. Son art(isanat) polymorphe couvre « tous les domaines de la production imprimée, à la fois digitale et analogique », à partir de motifs qui peuvent aussi être sculptés par fabrication additive, l’un des champs de recherche du designer avec l’IA, qu’il juge
très intéressante « pour faire des prototypes, chercher des idées, des tendances, des couleurs ». Soucieux de rester à la pointe de l’innovation par l’expérimentation, Patrick poursuit ses collaborations, notamment avec Fabéon, la Station F strasbourgeoise des arts graphiques, pour la fabrication de panneaux acoustiques décoratifs, « à la fois artistiques et fonctionnels ». L’art et la manière, finalement, de joindre l’utile à l’agréable.
PR DESIGN WORKS 7, rue Strauss, à Mundolsheim @pat.raja
Par Fanny Laemmel / Photos DR
Depuis quatre ans, la mode surcyclée a le vent en poupe à Strasbourg. Rencontre avec trois marques qui redonnent vie aux vêtements usés et démodés.
La fripe solidaire
Les fans de fripes de la région connaissent bien les boutiques Le Léopard à Strasbourg et Mulhouse. Initiées et gérées par l’entreprise d’insertion Relais Est – spécialisée dans la collecte, le tri et la valorisation de textiles de seconde main –, ces boutiques proposent des vêtements déposés dans des bennes par des particuliers ou récupérés auprès d’associations comme Emmaüs, qui donnent leur surplus. Entre 25 et 30 tonnes de textiles sont ainsi collectées chaque jour.
Chantiers d’insertion
C’est à la faveur du confinement que l’équipe de Relais Est a mis sur pied un nouveau projet pour revaloriser les vêtements usés. « Nous jetions 15 tonnes de jeans vintage par mois, car ils étaient trop abîmés », se souvient Clara Merdinoglu, responsable de la marque d’upcycling
Les Surcyclés chez Relais Est. Ces textiles abîmés sont désormais envoyés à deux ateliers de couture partenaires qui les retransforment en vêtements et en accessoires : La Petite Manchester, chantier d’insertion à Mulhouse, qui fabrique notamment des
bobs réversibles et des sacs bananes, et l’ESAT du groupe Adapei Papillons Blancs à Dannemarie, qui produit des pochettes et des chouchous. Une couturière, installée à plein temps dans les locaux de Relais Est à Wittenheim, complète le duo et coud des cabas, des vestes en jeans et tout autre type de vêtement selon la saison.
Relocaliser la couture
Au total, entre 200 et 300 pièces sortent tous les mois du trio d’ateliers. « Notre projet, c’est de sauver un maximum de textile du recyclage mais aussi de relocaliser les métiers de la couture , indique Clara Merdinoglu. Ça prouve bien qu’on peut toujours produire en France et des choses de qualité qui plus est. »
Pour vous procurer les pépites surcyclés du Relais Est, rendez-vous dans les friperies Le Léopard mais aussi dans les autres boutiques de l’entreprise (Label Fripe à Vendenheim, notamment), à la Coopette à Strasbourg et sur le site Label Emmaüs. Prochaine collection à venir : une série spéciale Jeux olympiques et de nouveaux accessoires autour du sac (à main, à dos), ainsi que des collaborations avec des créatrices pour des événements de sensibilisation au réemploi.
@lessurcyclesduleopard
Friperie Le Léopard
8, rue des Veaux, à Strasbourg
La Coopette 5, rue de la Coopérative, à Strasbourg
Label Fripe
3, rue Transversale A, à Vendenheim
Derrière cette marque désormais bien connue localement et sur Internet, il y a Laura Miniou. La jeune femme originaire de Lyon débute la couture en 2020, durant le confinement (décidément !). Ses premières expérimentations (sublimation de poches et cols de chemises récupérées chez son père) remportent un franc succès auprès de ses copines. Elle décide donc d’exposer ses productions sur des marchés de créateurs à Lyon, avant de poursuivre l’aventure à Strasbourg où elle s’installe en 2022.
Collection à coiffe
Entre-temps, les chemises surcyclées ont laissé place à des vestes en jeans customisées sur lesquelles la couturière appose des canevas, sortes de tapisseries encadrées, achetées chez Emmaüs ou dans des videgreniers. « J’adore dénicher des motifs que je n’ai encore jamais vus et donner une nouvelle vie à ces tableaux complètement désuets que personne ne veut ! » s’enthousiasme la créatrice. Les modèles les plus plébiscités : les fleurs et les paysages, notamment de montagne. Pour varier les plaisirs, Laura Miniou vient de sortir une collection en hommage à l’Alsace, avec une vingtaine de vestes ornées de maisons à colombages, d’Alsaciennes en coiffe et de cigognes. Les canevas de plus petits formats s’incrustent quant à eux sur des robes- salopettes en jean ou en velours côtelé.
Le quotidien de Laura Miniou est fait de chine et de couture, mais également de mise en ligne sur sa boutique virtuelle. Depuis deux ans, elle tient aussi une petite échoppe physique, dans un local plein de charme, rue des Juifs à Strasbourg. Baptisée Berthel – surnom de son arrière-grand-père qui était tailleur – la boutique valorise la fine fleur de la création locale avec des vêtements, accessoires et objets déco conçus principalement à partir de matériaux revalorisés. Durant ses années à pratiquer les marchés de créateurs, Laura Miniou s’est constitué un beau carnet d’adresses de marques d’upcycling. Elle invite aussi régulièrement les créatrices exposées dans sa boutique à animer des ateliers de broderie, de tricot, de collage ou encore de peinture sur broche.
@secondepoche
Berthel
36, rue des Juifs, à Strasbourg
Laura Amerand travaillait comme juriste lorsqu’elle s’est lancée dans la couture il y a sept ans. Dès le départ, cette autodidacte partage ses créations et ses tutos sur un compte Instagram : de quoi la faire connaître et lui permettre de vendre ses premiers accessoires surcyclés. Laura Amerand ne coud ses créations qu’à partir de textiles de seconde main trouvés dans des vide-maisons, des brocantes ou des magasins comme Le Léopard. « Il y a tellement de tissus que je refuse d’en acheter des nouveaux , explique la trentenaire. En plus, les textiles anciens sont de meilleure qualité. » Sa marque de fabrique : les imprimés fleuris multicolores, principalement des tissus d’ameublement anciens, ou des serviettes-éponges qu’elle convertit en sacs bananes et pochettes.
Bananes fleuries
Depuis décembre dernier, Laura Amerand a décidé de se consacrer à 100 % à la couture et tenter de vivre de sa passion. Ses accessoires se vendent surtout en ligne et, depuis peu, dans l’atelier-boutique qu’elle a ouvert quai des Pêcheurs à Strasbourg. Au fond d’une cour, le petit local baptisé Les Créatives propose également des cours de couture. « Je ressentais le besoin de rencontrer des gens, de transmettre en dehors des réseaux sociaux », explique la couturière. Parmi les ateliers, celui pour fabriquer son propre sac banane rencontre un vif succès. Il dure 3 h 30, tout le matériel est fourni et l’on repart à la fin avec une création découpée et cousue dans l’un des tissus chinés par la jeune femme, qui offre aussi la possibilité de suivre des cours individuels pour accompagner des projets personnels.
Sweats publicitaires
La suite ? Laura Amerand compte recouvrir des vieux sweats publicitaires par des créations en patchworks, pour leur redonner de l’intérêt. « Quand les gens disent : on ne peut rien en faire, c’est là que j’ai envie d’essayer. J’aime transformer du déchet moche et inutilisable ! » s’amuse la créatrice. Cet été, elle lance aussi une nouvelle collection réalisée à partir de serviettes-éponges à fleurs. De quoi égayer les vacances !
@loamaol
Les Créatives
18, quai des Pêcheurs, à Strasbourg @les.creatives.strasbourg
Lisa Marie Photographie
« L’amour, l’amour, l’amour », que chantait
Marcel Mouloudji, ne craint plus le printemps et s’enthousiasme de l’été qui permet aux artisans vivant d’eau fraîche et de mariages de libérer leur créativité.
Par Lucie d’Agosto Dalibot / Photos DR
Ça y est, nous y voilà, encore une tenue à acheter parce qu’un ami d’enfance épouse ce week-end une sombre inconnue…
Du printemps à la rentrée, les festivités s’enchainent, pour que les mariés se disent oui – espérons-le – pour la vie. De la robe immaculée à la table dressée en passant par le chignon impeccablement coiffé, rien ne semble avoir été oublié. Mais comment ont-ils fait pour tout prévoir ? « Les gens n’ont souvent pas conscience de notre travail, nous sommes la profession de l’ombre », explique Cécile Hirtz, wedding planner.
« Si on ne devine pas ma présence, on ressent en revanche mon absence » En 2020, elle a quitté sa sécurité de salariée pour se lancer dans l’organisation de mariages, un univers qui l’a toujours fascinée. « À côté de chez mes parents, il y avait une boutique de robes de mariée et ça me faisait rêver chaque fois que je passais devant. »
Orchestrer le mariage
Cette reconversion de cœur a impliqué quelques sacrifices économiques : « C’est difficile de vivre du mariage, parce que j’en suis encore à mes débuts, il y a de la concurrence, certains cassent les prix et du coup, quand tu arrives avec une facture que tu estimes correcte pour le travail fourni, c’est compliqué. » Pour l’instant, elle ne peut pas encore se rémunérer à 100 %, mais hors de question pour elle de brader ses prix. Pour l’organisation d’une union, elle demande 3 000 euros et n’intervient pas en-dessous d’un budget total de 20 000 euros pour 100 personnes, car il y aurait trop de composantes à sacrifier.
Si les futurs époux font appel à ses services, c’est parce que des noces, c’est une montagne d’éléments à gérer : « Il faut compter une centaine d’heures de travail jusqu’au jour J .» Telle une cheffe d’orchestre, Cécile Hirtz coordonne les prestataires. Et plus le couple a un budget conséquent, plus son terrain de jeu s’élargit. Cette année, par exemple, la wedding planner dispose d’une enveloppe de 70 000 euros pour organiser un mariage. Avec un lieu aux alentours de 10 000 euros, un traiteur à presque 20 000 et des musiciens privés, la facture augmente rapidement. « Après, que les futurs mariés se rassurent, on peut faire un très beau mariage avec un petit budget ! »
Passer la bague au doigt
Parmi les prestataires indispensables, il y a les bijoutiers tels que l’entreprise de Laura et Amaury Noirel, Flore et Zéphyr, spécialisée en bagues de mariage. « Nous vendons du symbole et de l’émotion, alors pour être en accord avec le produit que nous proposons, nous travaillons avec des communautés minières autogérées, indépendantes et équitables, que ce soit pour nos métaux ou nos pierres » Côté budget, comptez 1 100 euros pour une alliance, 1 500 euros minimum pour une bague de fiançailles. Plus il y a de fonds, plus il est possible de travailler des matériaux nobles et rares, une aubaine pour les deux bijoutiers dont la quasitotalité du chiffre d’affaires repose sur les
mariages. Pour d’autres, comme Camille Goutard, les noces et fiançailles ne représentent que des sollicitations sporadiques. « J’ai très exceptionnellement des demandes d’alliances, mon activité s’inscrit principalement dans un autre registre », explique l’artisane qui s’inspire de l’architecture, de la culture méditerranéenne et des voyages pour travailler l’argent massif. « Avec ces créations, j’arrive à parler à tous les âges et tous les moments de la vie, d’où une clientèle plus large .» Comme le dit le proverbe (enfin presque) : parfois, mieux vaut ne pas placer toutes ses bagues dans le même panier.
Après les bijoux, place à la robe de mariée, avec Déborah Baumgarten (@debocollection), créatrice à Hilsenheim. La couturière a installé son atelier chez elle. « À 17 ans, je m’imaginais rejoindre une grande maison parisienne, mais j’ai vite déchanté quand on m’a claqué les portes au nez. Je ne me voyais pas devenir couturière de village, eh bien, c’est loupé [rires] mais ça me plaît ! » lance Déborah Baumgarten, qui ne fait que du sur-mesure et produit entre 40 à 60 robes par an, en travaillant 7j/7. Chez elle, pas de fioritures mais des éclats de couleur
et surtout des robes transformables. « Si mes mariées peuvent renfiler leur robe, c’est gagné ! J’accorde beaucoup d’importance au fait qu’elles puissent rentabiliser leur achat. » Pour ce qui est du prix, tout dépend du modèle dessiné, des matériaux (et de l’inflation passée par là), mais comptez de 1 500 à 3 000 euros. Un tarif « accessible », car ce qui plait à la styliste, ce ne sont pas les robes de princesse qui demandent des heures de travail et font s’envoler les factures. Si elle ne se verse en moyenne que 1 000 euros de salaire par mois, Déborah Baumgarten se réjouit de pouvoir « vivre de ce que j’aime ».
Visage apaisé
Une fois la robe achetée, reste à organiser la mise en beauté. Charlotte Schmitt (@leonart_muah) est maquilleuse et coiffeuse, c’est donc avec ses grosses valises de produits – un investissement très conséquent – qu’elle débarque le jour J. « Je vais être la prestataire la plus proche de la mariée, c’est un moment très intimiste et je me suis spécialisée dans le mariage justement pour cet aspect humain qui me plaît énormément. Chaque mariée a une histoire différente alors nous prenons le temps d’échanger, c’est important que le courant passe » Le matin des préparatifs, Charlotte Schmitt apporte à la mariée une bulle de sérénité : du massage à la préparation de la peau, « je l’aide à se relâcher ». Au total, elle passe environ huit heures avec chaque cliente, – réparties sur plusieurs sessions –et facture 500 euros pour la mise en beauté. Une somme justifiée par les frais cachés de sa prestation (comme, par exemple, l’administratif qui lui prend en moyenne une journée par semaine) et par le prix des produits. « Quand on se lance à son compte, les premiers investissements sont conséquents », et sur les débuts, difficile de se sortir un salaire, surtout que les périodes de travail sont concentrées sur l’été.
Effeuillage de fleurs
Le jour J commence désormais sérieusement à se rapprocher, alors place au fleuriste ! Après avoir travaillé dans une boutique classique, Benoit Guyard a décidé de consacrer l’intégralité de son activité à l’événementiel. Le mariage représente 50 % de son chiffre d’affaires, « c’est une
vraie liberté que de pouvoir travailler sur ce type de projets. » Ces derniers temps cependant, Benoit Guyard le sent, les bourses se sont un peu resserrées. « En plus, le tarif de la fleur a explosé, c’en est parfois indécent. J’en ai conscience et ne reste pas bloqué sur un prix. On peut par exemple jouer sur le feuillage afin d’avoir la décoration espérée » Malgré l’inflation, il est toujours possible
pour les amoureux de se faire plaisir, avec une enveloppe de 1 500 à 3 000 euros. Évidemment, si l’argent coule à flots, le fleuriste peut se lâcher, « comme pour les bijoutiers, en fonction des produits sélectionnés et de la quantité, il n’y a pas vraiment de limites, je peux atteindre des devis à 9 000 euros ».
Arrive maintenant le moment de tout immortaliser et de faire appel à un photographe professionnel. Lucile Bohlinger (@lucile.bohlinger) scinde son activité en deux : elle réalise dix à douze mariages à l’année et travaille le reste du temps sur d’autres types de prestations photo, notamment en studio. Elle qui a commencé en
amateur par de la photo-portrait trouve désormais aussi son plaisir sur les mariages. « Ce que j’adore le plus couvrir, ce sont les unions intimistes avec 20 à 80 personnes. Au fur et à mesure des préparatifs, je sens la montée des émotions et je vis l’instant avec eux. » Elle propose d’ailleurs une formule un petit peu particulière à ses clients, puisqu’elle inclut dans sa prestation une session photo d’engagement, afin de rencontrer les amoureux en amont.
Autre option, autre regard : Lisa-Marie Danner (@lisamarie_photographie) qui, pendant le Covid, a quitté son poste d’assistante de direction pour se professionnaliser dans la photo. « Quel plaisir de se réveiller le matin et d’aller travailler sans en avoir l’impression !
Je laisse une trace dans la vie des gens, c’est un héritage. » Des préparatifs au passage des portes de l’église, Lisa-Marie Danner n’en perd pas une miette : « Je finis par m’éclipser après la première danse. C’est ce que je recommande à mes clients pour qu’ils se retrouvent en toute intimité. » Le mariage est aussi pour Lisa-Marie Danner une partie non négligeable de son chiffre d’affaires, mais pour elle comme pour Lucile Bohlinger, impossible de renoncer aux portraits de familles, naissances et entreprises qui leur permettent de lisser leur activité sur l’année.
Nouveaux schémas familiaux
Quel que soit leur métier, les artisans du mariage le savent, face à une économie compliquée pour les mariés – et pour eux ! – la seule manière de s’en sortir, c’est de s’adapter. Beaucoup appréhendent un petit peu l’avenir. La notion d’engagement a beaucoup évolué ces dernières décennies, de même que la pression sociale et les schémas familiaux. D’après les statistiques de l’INSEE, le nombre de mariages est en baisse continue depuis les années 2000. Un coup dur pour certains qui envisagent de prendre un temps partiel dans un tout autre domaine, afin de se garantir une rentrée d’argent stable, si le doux parfum de l’amour venait à se dissiper…
Le café Omnino, évidemment vous connaissez.
Mais saviez-vous qu’en parallèle de son activité de micro-brûlerie, la petite entreprise propose aussi de louer pour des évènements privés – comme un mariage – l’un de ses trois trucks des années 1970 ?
Au choix : deux Caravettes et un Citroën HY,
qui peuvent se transformer en comptoir à café (pas mal, non, pour le brunch du lendemain de soirée ?) ou en bar à boissons sans alcool (softs artisanaux et thés glacés maison) ou encore en minisalon de thé ambulant avec douceurs sucrées.
Entreprise familiale phare en Alsace depuis 1965, Kovacic est un fabricant et installateur de fermetures. Volets battants, roulants, fenêtres, portes d’entées, portes de garages basculantes ou sectionnelles se déclinent en différents matériaux bois, pvc, aluminium.
ZUT Hors-série
20x26 cm | 276 pages | 35 €
ISBN 978-2-490843-22-0
Par Caroline Lévy / Photos Martine Frankreich Heitz
Héritière d’une entreprise de peinture qui emploie aujourd’hui 23 personnes, Peggy Kratzeisen a dû se faire une place dans l’univers du bâtiment, encore majoritairement masculin. Quatrième génération de peintres, elle rejoint l’affaire familiale à peine son diplôme de comptabilité en poche. Kratzeisen Peinture, installée à Brumath depuis 1920, est spécialisée en travaux de peinture intérieure et extérieure pour la décoration, le ravalement ou l’isolation thermique, en grande majorité pour des donneurs d’ordre publics. Parmi les réalisations de l’entreprise : l’église SaintPierre-le-Vieux, l’église Saint-Maurice, mais aussi le Parlement européen, à sa construction . « Mon tout premier chantier ! » s’amuse la cheffe d’entreprise.
Soutenue par son père, son grandpère et désormais ses pairs, la peintre a appris le métier sur les chantiers. « On te teste forcément quand tu es l’enfant du patron, mais encore plus quand tu es une femme ! » confie Peggy. C’est cette prise de conscience et la volonté de féminiser les métiers du bâtiment qui l’encouragent à diriger depuis 2021 le groupe Femmes de la FFB (Fédération française du bâtiment) du Bas-Rhin. Le groupe rassemble, au sein du département, une quarantaine de femmes dirigeantes. « C’est un vrai réseau d’entraide. On se sent souvent seul en tant que chef d’entreprise, mais quand on est une femme cheffe d’entreprise, c’est pire. » Depuis ses débuts dans la peinture il y a 25 ans, Peggy Kratzeisen le constate,
la part des effectifs féminins dans le secteur du bâtiment évolue peu. « On est passé de 8 à 12% ! » Le chemin reste long, mais l’artisane met beaucoup d’espoir dans la mécanisation des métiers. En témoigne sa dernière acquisition d’exosquelette, qui permet notamment de diminuer les charges physiques et devrait favoriser l’accès aux femmes. Elle a d’ailleurs fait sienne la devise du réseau Femmes cheffes d’entreprise (FCE) : « Seules on est invisibles, ensemble on est invincibles. » Peinture Kratzeisen
9A, rue des Roses, à Brumath kratzeisen.fr
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Retrouvez les pressings von Elsass à Strasbourg www.lepressing.alsace 03 67 10 30 30 — hopla@lepressing.alsace
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Ils sont menuisiers, ébénistes, charpentiers et architectes ; ils travaillent en duo, en trio et même en octette. Portraits de trois structures artisanales alsaciennes qui savent caresser le bois dans le sens des veines.
Par JiBé Mathieu / Photos Christophe Urbain
Perchée au sommet de son atelier en bois clair, Caroline Klein bouillonne de projets dans un phrasé posé. Architecte de formation, la brune trentenaire a choisi d’enrichir son cursus en passant un CAP de menuiserie après quatre ans en cabinet. « Mon appétit pour le social n’était pas rassasié. » Faire des meubles, la principale activité de son entreprise Gris Bois, répond désormais à ce besoin de contact. Pour chaque projet, Caroline Klein se déplace chez ses clients et questionne leur manière de vivre avant de livrer esquisses et plans. S’il lui arrive de réaliser des terrasses ou des mezzanines, l’activité principale de l’atelier réside aujourd’hui dans la confection et l’aménagement de bibliothèques, de cuisines et de meubles sur mesure, très éloignés de ceux du géant suédois.
Bois massif et de récup’
Chez Gris Bois, tout relève d’un parti pris tranché, celui de n’utiliser que du bois massif local, ni panneaux ni agglo. Pour être en accord avec ses valeurs, Caroline Klein n’exclue pas un jour de gérer sa propre forêt et évoque les enjeux portés par l’influence des secteurs du bois sur nos paysages. « On travaille une matière vivante. La temporalité des arbres est très différente de la nôtre et de celle de l’industrie. » Pour l’heure, la menuisière investit le secteur du réemploi en partenariat avec Boma, Les Bonnes Matières, et envisage la déconstruction du meuble avant même de le construire. « Autrefois, un meuble était fait pour durer, se transmettre. Il existait un rapport plus fort avec les objets. Cela m’intéresse d’y réfléchir. » Au point d’avoir consacré du temps à la rédaction d’un livre, Du pin à la planche, paru aux éditions 2024, questionnant la place de la matière dans la société. « Il y a quelque chose qui me plait dans ce rapport à la matière, une forme d’intelligence de la main, de méditation dans le travail. »
Transmettre l’intelligence de la main Installée au sein des locaux du CRIC, collectif d’artisans et d’artistes du quartier de la Coop, Caroline le reconnaît, il est parfois compliqué d’être une femme dans un monde peuplé d’hommes. « Lorsque j’ai passé le CAP, nous étions deux… sur une classe de 20. » C’est aussi pour cela que la transmission lui importe. En plus de Timothée, compagnon menuisier salarié de l’atelier, Gris Bois accueille régulièrement un apprenti et affine ses projets d’ateliers ouverts pour proposer un premier pas dans les gestes d’assemblage du bois et redorer le blason de l’artisanat auprès des jeunes. Tout un défi !
2, rue de la Coopérative, à Strasbourg @gris_bois
Les coopératifs
Par Fanny Laemmel / Photos Christoph de Barry
Implantés de part et d’autre d’un terreplein de colza en plein cœur de la zone d’activité de Marlenheim, les locaux du GIE Marlebois se partagent en deux bâtiments. D’un côté, huit travailleurs du bois – menuisiers, ébénistes et charpentiers – installés à l’année ; de l’autre, un brocanteur qui devrait prochainement être rejoint par d’autres corps de métier. Si le lieu se nomme GIE, c’est pour « groupement d’intérêt économique », une structure juridique qui permet aux entreprises de mettre des biens en commun tout en restant indépendantes.
L’artisan à l’origine du projet, c’est Paul Nave, menuisier de 33 ans qui souhaitait travailler dans un cadre collaboratif. Clientèle et compta pour chacun ; locaux et machines pour tous ! En juin 2022, un incendie causé par la foudre réduit en cendres le premier atelier et toutes ses machines. Ils étaient alors cinq artisans à partager le lieu. Moins de deux mois plus tard, un élan de solidarité leur permet de récolter 35 000 € de fonds, via une cagnotte en ligne : de quoi financer les travaux de remise sur pied de l’entreprise coopérative.
« Le fait d’avoir investi ensemble, ça permet d’avoir une dynamique dans le lieu »
Fatlab de grosses machines
Le nouveau bâtiment – dont la reconstruction sera bientôt terminée – comprend une nef, le « Fatlab », nommé ainsi en référence aux fablabs, sauf qu’ici les machines sont de très gros gabarit. Cette zone commune est bordée par huit ateliers individuels doublés chacun, à l’étage, d’une petite pièce pouvant servir de salle de repos, de bureau ou de showroom. Grâce aux compétences croisées des différents artisans, toutes sortes de constructions de bois sortent chaque jour de l’atelier : claustras, dressings ou encore cuisines sur mesure, pas plus chères que chez les cuisinistes et souvent réalisées dans des matériaux plus durables. En réduisant leur investissement financier grâce au partage, les artisans peuvent offrir à leurs clients des tarifs plus avantageux tout en évoluant dans un environnement plus serein.
Les clients, justement, arrivent souvent chez eux par le bouche-à-oreille et sont aussi invités à mettre la main à la pâte. « Des clients qui n’ont pas le budget peuvent aider aux finitions pour réduire les coûts. Ce sont des tâches simples : ponçage, traitement avec des huiles, etc. », explique Paul Nave. Toujours dans cet esprit de solidarité, les artisans avec un important volume d’activité fournissent du travail à d’autres. Paul Nave fait par exemple travailler certains de ses confrères sur le bardage de la façade de la GIE Marlebois.
Gestion horizontale
Affairé sur une machine, Camille Sablonnière est le dernier à avoir rejoint le GIE en octobre dernier. Il ne fait pas partie des huit associés et occupe la zone temporaire de l’atelier. Le menuisier était graphiste avant de se reconvertir dans le bois chez les Compagnons du Devoir. « L’idée du regroupement d’indépendants, ça colle complètement avec la manière dont je veux faire ce travail. Se lancer seul, économiquement, c’est difficile », raconte l’artisan qui apprécie l’absence de pression et de ne pas devoir « travailler comme un artisan
des années 1970, à 70 heures par semaine » pour pouvoir à peine se payer le matériel nécessaire. Arrivé dans la région en août 2023, il a trouvé à Marlebois un cadre professionnel et des amis.
Hugo Montmasson quant à lui, a rejoint le GIE en 2020 en tant qu’ébéniste. Sa spécialité : le petit mobilier. Le trentenaire collabore notamment avec des designers comme le Studio Cynara avec qui il produit des objets en bois pour des scénographies d’offices de tourisme ou pour la Maison de la Nature. Lui qui avait dans l’idée de créer une menuiserie collaborative a tout de suite adhéré au projet. « Le fait d’avoir investi ensemble, ça permet d’avoir une dynamique dans le lieu. C’est un peu notre bébé à tous. Il n’y a pas de patron, on a vraiment une gestion horizontale du groupement. »
Tous les mois, les artisans se réunissent quelques heures pour parler de la gestion du lieu : maintenance des machines, ménage, vie commune... « On est huit mecs et on a quand même appris à se parler et à gérer nos points de discorde. On a un climat assez sain, c’est plus qu’une histoire d’associés ! » Pour Paul Nave, « le groupement, c’est un travail de tous les jours, il faut s’adapter continuellement, chercher à faire groupe. On a beaucoup de valeurs communes, la tolérance de l’autre, l’envie de partage, et on aime bien être ensemble : on cuisine et on mange ensemble, tout ça dans une atmosphère décontractée. » Les artisans, tous dans la même tranche d’âge et souvent jeunes parents, prévoient d’ailleurs de construire un espace de jeux entre les deux bâtiments. Une nouvelle occasion de partager des moments festifs avec leurs familles, amis et clients.
1, rue d’Olso, à Marlenheim marlebois.fr
Par Fanny Laemmel / Photos Pascal Bastien
Avec leur atelier d’architecture et de menuiserie installé depuis 2023 au Pôle Konzett – un tiers-lieu au nord de l’Alsace, à Lutzelbourg, réunissant artisans et entrepreneurs – Marie Schwartz et Antoine Lafon partagent projet professionnel et vie privée. Entre la partie bureau et l’atelier de menuiserie, une baie vitrée sépare et rassemble leurs deux espaces de travail. Chacun garde ainsi un œil sur l’autre moitié du binôme et, quand ils expliquent leur projet, l’un finit les phrases de l’autre. Une belle complicité qui ne date pas d’hier, puisque les deux se sont connus sur les bancs de l’école d’architecture de Strasbourg, en 2010. Son diplôme en poche, Antoine poursuit ses études chez les Compagnons du Devoir en menuiserie avant de s’envoler, avec Marie, pour le Québec. Là, il travaille comme
charpentier-menuisier tandis qu’elle rejoint un grand cabinet d’architecture. Après trois ans sur place, ils reviennent avec l’envie de lancer leur propre production à petite échelle, en y intégrant la notion anglo-saxonne de « design-build », soit l’ambition de proposer à la fois conception et fabrication.
Aux pieds des arbres, les mains dans le bois
Le duo, qui vient de quitter Strasbourg pour vivre à Saverne, apprécie autant la ville qu’être « aux pieds des arbres », comme un écho aux caissons et étagères en bois en cours de fabrication dans la partie menuiserie. « On sent que notre travail est influencé par la proximité du Parc naturel régional des Vosges du Nord », affirme Marie Schwartz. « D’autant qu’il y a de bonnes dynamiques locales ici », complète Antoine Lafon. Pour produire de beaux espaces, fonctionnels et contemporains avec des matériaux de qualité et principalement
locaux, Marie Schwartz et Antoine Lafon privilégient le bois venu d’Alsace, de Lorraine ou encore d’Allemagne. Parmi les projets qui les ont particulièrement animés : l’agencement sur mesure tout en bois de pin qu’ils sont en train de finir pour le salon d’un appartement en rénovation. Prochaine étape pour le couple : l’ouverture cet été d’un showroom à côté de leur atelier.
11, rue A-J-Konzett, à Lutzelbourg @lafon.atelier
Préserver l’âme et la patine des bâtiments tout en redonnant vie aux intérieurs, en mêlant confort, fonctionnalité et caractère : autant de défis qu’ont relevé les cabinets d’architecture Ektor, DahDah et nara. Résultats en images.
Par Marine Dumény / Photos DR
SAS d’architecture nara.archi
Restaurant Enfin
Depuis qu’il a été fondé en avril 2020, le bureau d’architecture nara. a connu une croissance fulgurante, passant de deux à sept collaborateurs. Parmi leurs projets phares : la transformation d’une ancienne menuiserie de 1850 en un restaurant gastronomique, l’étoilé Enfin, à Barr. « Nous avons cherché à prolonger l’histoire du bâtiment, en mettant en valeur ses qualités intrinsèques tout en répondant aux exigences contemporaines », explique Benjamin Rocchi, architecte co-fondateur de nara. La bâtisse a donc d’abord été minutieusement analysée pour préserver et valoriser ses éléments historiques tels que le plafond en bois, les solives, les murs en plâtre et les fenêtres. Ensuite, un revêtement thermo-acoustique en laine de bois a été appliqué sur les murs pour isoler et améliorer le confort des clients. Au sol, un plancher chauffant a été installé, offrant un confort supplémentaire sans compromettre l’esthétique d’origine.
« Ce qui nous passionne, c’est de pouvoir maîtriser le projet jusque dans les
moindres détail s », précise Olivier Nicollas, également co-fondateur de nara. Ainsi, des planches de frêne trouvées à l’intérieur de l’ancienne menuiserie ont été utilisées pour créer une grande table à manger de huit places, dessinée par l’agence et réalisée par un menuisier local. Avec un budget de 350 000 euros, les architectes sont parvenus à rénover les 200 m² d’espace « en préservant un esprit de petit restaurant familial tout en l’adaptant à l’échelle gastronomique, notamment grâce à l’étude de la disposition des tables, qui donnent toutes sur la cuisine », une demande de la cliente qui souhaitait faire de la cuisine la partie centrale de la pièce.
nara.archi
1, rue de l’Argonne, à Strasbourg @nara.archi
Enfin
2, chem. du Château-d’Andlau, à Barr @enfinbarr
Fondé par l’architecte et designer d’intérieur Céline Bernard, le studio Ektor s’est vu confier en 2021 la rénovation complète d’un appartement de 160 m 2 , situé dans l’emblématique bâtiment de l’Esca. Cet immeuble de style néo-gothique, implanté en face du quai des Pêcheurs, a été construit dans les années 1930 par les architectes Adolphe Wolff et Paul Riegert. Faisant à l’époque figure de modèle avantgardiste, il intégrait des commodités rares comme le chauffage central, des ascenseurs, ainsi que des places de stationnement en sous-sol, un véritable exploit technique.
Afin de préserver l’âme du bâtiment, le studio Ektor s’est intéressé à l’architecture originale de l’appartement. « Nous avons cherché à faire revivre l’authenticité du lieu, tout en intégrant des éléments de confort moderne et des nouvelles technologies, pour améliorer son efficacité énergétique », explique Céline Bernard. Les parquets en bois massif, marqués par le temps, ont donc été patiemment poncés et vernis pour
retrouver leur éclat d’origine ; les moulures en stuc, partiellement endommagées, ont été refaites à la main par des artisans spécialisés. À l’inverse, les nouveaux éléments de chauffage ont eux été intégrés pour se fondre dans le décor. « Chaque bâtiment raconte une histoire et notre rôle est de la respecter tout en la prolongeant », estime Céline Bernard qui s’est également occup é e de sélectionner le mobilier de l’appartement, piochant pour cela dans les codes des appartements haussmanniens. « Redonner vie à ce lieu tout en honorant son héritage a été un privilège et un défi stimulant », conclut l’architecte, qui a pris en main le projet pour un coût total de 300 000 euros.
55, rue de Zurich, à Strasbourg @ektorstudio
DahDah Studio
Loft « Thomas »
Au cœur du quartier du Port du Rhin, l’agence d’architecture et de design intérieur DahDah Studio s’est attelée en 2023 à transformer un espace industriel de 68 m² en un loft moderne et fonctionnel, qui préserve l’héritage historique du lieu. « Quand nous commençons un projet, nous réfléchissons toujours à ce qui peut être valorisé dans l’existant », explique Dayoung Jun, l’une des trois associées du cabinet d’architecture aux côtés d’Antoine Guillemain et d’Héloïse Tesson. « Notre objectif c’est aussi et surtout de créer des espaces qui allient fonctionnalité et esthétique », complète Antoine Guillemain. Afin de répondre au mieux aux attentes de leur client, qui souhaitait à tout prix maintenir l’espace ouvert, préserver la hauteur sous plafond et maximiser la luminosité (car le bâtiment ne dispose que d’une entrée de lumière), les architectes ont opté pour un aménagement du
loft en cercle autour de la chambre : d’un côté la cuisine, de l’autre l’entrée, une salle d’eau à l’arrière et un séjour-bureau à l’avant. Pour diffuser la lumière naturelle dans tout l’appartement, des cloisons partielles ont été montées et des baies vitrées généreuses ont été installées sur le seul pan de mur donnant sur l’extérieur. Cette partie du bâtiment – les anciens quais de déchargement du site industriel – a d’ailleurs été complètement remodelée pour être transformée en terrasse. Seuls les encadrements ont été laissés en l’état : en béton patiné par le temps, avec la numérotation du quai encore inscrite sur le fronton. Côté ambiance et matériaux, les trois architectes ont également eu recours au bois, à des peintures aux tons clairs et à des surfaces simples à entretenir. Coût total du projet : 100 000 euros.
14, rue de Molsheim, à Strasbourg @dahdahstudio
Être éditeur et publier des magazines papier ambitieux, en région, aujourd’hui, c’est forcément compliqué… D’autant que la plupart d’entre eux sont gratuits. Nous n’avons pas de subventions ni de milliardaires aux manettes : notre maison d’édition est résolument indépendante.
Aidez-nous à traverser les turbulences que subit actuellement Chicmedias et son équipe qui disent zut à l’austérité ambiante et yes à la culture et la beauté.
UN CRÉDIT VOUS ENGAGE ET DOIT ÊTRE REMBOURSÉ. VÉRIFIEZ VOS CAPACITÉS DE REMBOURSEMENTS AVANT DE VOUS ENGAGER.
Ex : pour une avance d’aide rénovation énergétique de 12 000 € sur 2 ans, remboursement in fine en une échéance de 12 000 € au versement de la prime MaPrimeRénov’. TAEG fixe : 0 % (taux débiteur fixe : 0 %). Montant total dû : 12 000 €. Sans frais de dossier. Hors assurance facultative (Décès, Perte totale et Irréversible d’Autonomie, Invalidité Permanente et Incapacité de Travail), cotisation mensuelle de 7,45 €, montant total : 178,80 €, TAEA : 0,75 €. Conditions au 01/06/24. Intérêts pris en charge par la Banque.